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Entretien #11 : Delphine et Muriel Coulin, réalisatrices de Jouer avec le feu cover
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Adapte-Moi Si Tu Peux

Entretien #11 : Delphine et Muriel Coulin, réalisatrices de Jouer avec le feu

Entretien #11 : Delphine et Muriel Coulin, réalisatrices de Jouer avec le feu

20min |21/01/2025
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Entretien #11 : Delphine et Muriel Coulin, réalisatrices de Jouer avec le feu

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Description

Dans ce nouvel épisode hors-série, nous avons le plaisir d'échanger avec Muriel et Delphine Coulin, réalisatrices du film Jouer avec le feu d'après le roman Ce qu'il faut de nuit de Laurent Petitmangin. Elles évoquent le processus d'adaptation, le besoin d'actualiser l'histoire et la réflexion sur la société qu'elles ont distillée dans le film.


Un grand merci à Muriel et Delphine Coulin d'avoir répondu à nos questions, ainsi qu'à Léa de l'agence Cartel d'avoir permis cet entretien.

Cet épisode hors-série a été réalisé et animé par Victoire Bocquillon.


🎥 Découvrez le film Jouer avec le feu, au cinéma le 22 janvier 2025.


🌟 Si cet épisode hors-série vous a plu, partagez-le autour de vous !


🔔  Retrouvez l'actualité des adaptations et partagez vos avis avec Adapte-Moi Si Tu Peux sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Adapte-moi si tu peux, le podcast qui compare des livres à leurs adaptations en film ou en série. Je suis Victoire et à l'occasion de la sortie de Jouer avec le Feu, j'ai le plaisir d'interviewer aujourd'hui les deux réalisatrices Muriel et Déphile Coulin. Bonjour !

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #0

    On peut démarrer !

  • Speaker #2

    Hier on collait les appuis pour la manif, il y avait une bande de pieds niqués qui taguait au bout des voies, il y avait un gars qui avait la dégaine de ton gamin. Est-ce que tu fabriques pour les semences ? J'accompagne les potes. C'est bien commencé, il y a des ténures qui retournent la tête des gosses. Ça ne vous dérange pas que tu en fasses un seul un de nous ? Ok, les potes,

  • Speaker #0

    tu me crains ?

  • Speaker #2

    Non, non, c'est pas ça que vous allez me craindre. Allez, c'est bon, je me casse, dis. Je te laisse avec ton fils par contre. Pousse, pousse, pousse ! Il va falloir arrêter de minimiser. Je dirais que c'est jamais assez bien pour toi ce qu'il fait. Il n'est pas obligé de tout faire comme toi. Ta vie se parle entre les troupes, on te dit que c'est l'histoire. Oui, je le suis, je le suis. Je te le dis.

  • Speaker #0

    Alors, votre livre, votre film, pardon, est adapté d'un roman, Ce qu'il faut de nuit, de Laurent Petitmangin, qui a notamment gagné le prix Fémina des lycéens en 2020. Ma première question, par pure curiosité, ce n'est pas du coup le même titre. Pourquoi ce changement ? Jouez avec le feu.

  • Speaker #3

    Alors déjà, parce que c'est un extrait d'un poème de Jules Superviel, Ce qu'il faut de nuit. En gros, ça dit ce qu'il faut de nuit pour apprécier la lumière. Et comme vous le voyez, quand on dit le titre, il faut l'expliquer. Et en cinéma, c'est un peu compliqué d'avoir un titre qui faille expliquer à chaque fois qu'on le prononce. C'est plus compliqué de le retenir aussi. Et donc, on s'est dit qu'il fallait changer, mais on voulait garder cette idée de nuit et de lumière. qui traverse toute l'histoire. En fait, c'est vraiment une histoire d'obscurité grandissante et de père à l'intérieur de cette obscurité qui essaye de ramener la lumière. Et du coup, on s'est dit que jouer avec le feu, ça se retenait mieux. Il y avait quand même cette idée-là. Et il y avait le feu qui est très, très présent dans le film, à l'image. Et puis, en plus, c'est une histoire d'éducation. Et jouer avec le feu, c'est un peu la première chose qu'on apprend à ne pas faire à son enfant.

  • Speaker #0

    Et qui exprime le danger grandissant en plus.

  • Speaker #3

    Exactement.

  • Speaker #0

    Le roman tourne autour, et le film tourne autour du trio qui est formé par le père qui est veuve, qui élève seul ses deux grands garçons qui ont à peu près la vingtaine. Donc le père est joué par Vincent Lindon et les filles sont jouées par Benjamin Voisin et Stéphane Cripon. Est-ce que, en lisant le roman, déjà comment avez-vous découvert le roman ? Est-ce que pour vous le casting a été immédiat ?

  • Speaker #1

    Alors on nous l'a apporté, un ami nous l'a fait lire. Et dès qu'on l'a lu, on a pensé à Vincent Lindon. Et donc, la productrice le connaissait, lui en a fait part, on s'est vus. Et ensuite, on a vraiment écrit toute l'adaptation pour lui. Dès qu'il a accepté, qu'il nous a donné son accord, on a revisité le personnage en ayant constamment en tête Vincent Lindon.

  • Speaker #0

    Ok, mais du coup, le livre est écrit à la première personne. Il y a beaucoup de discours un peu indirects. C'est très antérieur, en fait, comme livre. C'est beaucoup aussi de pensées. du personnage qui en plus est très taiseux. Est-ce qu'en écrivant ce scénario, est-ce que c'était difficile du coup de jouer sur ce côté très antérieur, mais en même temps de le mettre en image et le mettre en parole ?

  • Speaker #3

    Nous, du coup, on s'est dit que ce narrateur à la première personne, le meilleur moyen de l'adapter au cinéma, c'était d'avoir comme parti pris de réalisation, d'adopter le point de vue du père uniquement. Et donc on voit tout dans le point de vue du père. Alors ça ne veut pas dire qu'on est en subjectif tout le temps, évidemment il y a du subjectif et de l'objectif dans le film, mais on ne voit que ce qu'il serait susceptible de voir en vrai dans la vie. Donc il n'assiste pas à toute la dérive de son fils par exemple, il essaye de comprendre ce qu'il arrive à ses deux fils d'ailleurs, mais en particulier à l'aîné parce que celui-ci prend des chemins. complètement à l'opposé de ce qu'il espérait, c'est-à-dire qu'il croit à des valeurs d'extrême droite, il se met à prôner le racisme, il est de plus en plus attiré par la violence, et le père ne comprend pas, puisqu'il l'a élevé complètement dans d'autres valeurs. Lui, il est humaniste, démocrate, et il ne pensait pas que son fils tournerait aussi mal.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le film, on voit que le personnage de Vincent Lindon, il vient d'un milieu assez modeste, il est chez Nino à la SNCF, mais on comprend que quand il était plus jeune, y tracter, plutôt pour des parties d'ailleurs de gauche, donc il pense avoir transmis ses valeurs à ses enfants, et il va y avoir vraiment une fracture entre les deux fils, puisque donc là, l'aîné Fous va se diriger plutôt vers l'extrême droite. et le cadet, plutôt vers un milieu plus intellectuel, il va faire une prépa, puis il va aller à la Sorbonne. Et justement, ce qui est intéressant dans le livre, c'est le côté, c'est très suggéré, la violence. On ne voit pas la violence de Fousse, en fait. On voit surtout qu'il porte des symboles, il y a des bandanas, etc. Mais le film choisit justement d'aller frontalement sur la violence, notamment par la scène dans l'entrepôt où Vincent Lernon découvre que son fils On fait du free fight, les gens crient, on sent cette violence qui est plus perceptible. Est-ce que ça, c'était seulement une volonté de mettre en image ou est-ce que vous vouliez justement ne pas suggérer seulement la violence et montrer ce que c'est la violence de l'extrême droite ?

  • Speaker #1

    Le problème, je pense, c'est justement qu'on est au cœur de l'adaptation. C'est-à-dire que pour moi, le livre est violent dans les sentiments, dans la dérive de Fousse, elle est violente. En revanche, je n'ai pas l'impression que notre film soit si violent que ça. D'abord parce que je crois qu'aux informations, quand on voit ce qui se passe dans le monde, il y a beaucoup plus de violence et en plus c'est de la violence réelle.

  • Speaker #3

    Ou même dans n'importe quelle téléfilm. Oui,

  • Speaker #1

    ou même dans n'importe quelle téléfilm. Là, il faut quand même dire que d'une part c'est de la fiction. Et ensuite, c'est bien la différence entre un livre et un film, c'est que le film est immédiatement visuel et que donc quand on est en gros plan, par exemple, on prend les images comme ça un peu fort. Mais je pense que la... tension qu'il y a dans notre film, elle fait écho à la violence peut-être plus sourde qu'il y a dans le livre, mais en tous les cas, c'est un équivalent cinématographique à ce qui se passe dans le livre. Enfin, j'ai l'impression. Oui,

  • Speaker #3

    oui. Parce qu'au contraire, je pense que ça aurait pu être beaucoup plus violent, parce qu'il y a des choses dans le livre qui sont très violentes et qu'on a choisi de ne pas montrer. Donc, c'est un équilibre, en fait. Et dans notre film, à part cette scène de combat clandestin, il y a... on a vraiment stylisé la violence. Par exemple, quand Fous s'en dévoilait trop l'histoire, quand Fous s'attaque à un autre, on ne voit que l'après-combat, alors qu'on aurait très bien pu voir les bagarres. Donc, non, non, on a cherché, au contraire, on ne voulait pas de violence facile. En revanche, on voulait que le père et le fils s'affrontent vraiment, se disputent vraiment, et que là, on comprenne ce qui se passe à l'extérieur. de la maison et qu'on comprenne par l'observation du père ce qui se passe chez son fils. Mais il n'y a pas de sang ? Non, du tout.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que par rapport au livre, ou en plus on le voit dans le livre que le père se couche en fait, il n'ose jamais confronter son fils. Il lui-même reconnaît un peu sa lâcheté, alors que dans le film justement le personnage de Pierre de Vincent Lindon essaye de confronter son fils, sauf que son fils à un moment on vient presque aux mains avec lui.

  • Speaker #3

    Oui, c'est vrai. C'est vrai que Vincent est plus actif que le personnage du roman, je pense. C'est quelqu'un... Ce père, il essaye, mais un peu comme nous tous, parce que pour moi, le père, en fait, c'est un écho de notre pays tout entier en ce moment.

  • Speaker #1

    Pour moi, la différence entre le livre et le film, c'est que, effectivement, quand on a su que ce serait Vincent Lindon qui ferait le personnage, Vincent, d'emblée, il a un charisme, il a une force. Et du coup, on ne le voit pas ne pas s'opposer à son fils. Donc, on a rajouté un peu de dialogue par rapport au bouquin. Mais aussi, comme disent les Américains, action is character. C'est-à-dire, l'action, c'est le personnage. Et il faut que par ces actions, on ait des idées de ce qu'est le personnage. Et ce sont véritablement des actions. Donc, il faut rajouter une opposition, des dialogues. Là où un écrivain peut nous décrire. ses sentiments, son état d'esprit à un moment donné. Nous, il faut que ça se voit. Et donc, en tous les cas, que la majeure partie se voit. Et donc, voilà, encore une grosse différence entre les livres et le film.

  • Speaker #0

    Mastouf, vous n'avez pas cédé, entre guillemets, à la facilité d'utiliser une voix off. Donc, ça passe vraiment par le jeu et par l'image.

  • Speaker #1

    Oui, oui, il fallait. C'est vrai que c'est un autre type de film quand on a une voix off, comme par exemple dans Les Illusions perdues. dans lequel Benjamin Voisin avait le rôle principal et pour lequel il a eu le César de la Révélation. C'est magnifiquement fait, avec une voix-off qui court tout le film. Là, vraiment, nous, on voulait que ce soit des scènes qui décrivent ce que ce père a dans la tête et ne pas recourir à la voix-off. C'était certain. Depuis le début de l'adaptation, on savait qu'on ne ferait pas ça.

  • Speaker #0

    Et il y a aussi un côté plus visuel. dans la représentation des amis de Fouches, qui correspondent quand même à certains critères, ils ont beaucoup le crâne rasé, etc. Il y a quand même une ressemblance au site physique dans ce groupe, pour montrer cette appartenance-là. Mais par contre, Benjamin Voisin, le personnage de Fousse, ne passe jamais à cet acte-là, même s'il va quand même jusqu'au tatouage d'une croix celtique et un symbole néo-nazi. Ça c'est une scène d'ailleurs rajoutée par rapport au livre. Est-ce que justement c'était important pour vous aussi de caractériser ce groupe-là, ce gang un peu avec des codes qui aujourd'hui font... beaucoup écho dans la société au vrai code de certains groupes d'exemples.

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est-à-dire que c'est là où le travail de transposition ou d'adaptation est nécessaire, c'est-à-dire que dans le livre, c'est un bandana que Fou se porte au début et qui met l'indice dans le cerveau du père à dire, mais qu'est-ce que c'est que ce bandana ? C'est un bandana d'ultra ? Oui, c'est la Ladio de Rome, etc. Et nous, le bandana, ça nous semblait d'abord pas assez fort et peut-être... même si on adore non seulement Laurent Petit-Mangin lui-même, mais son livre, c'était quelque chose qui nous semblait un petit peu daté. Les bandanas, aujourd'hui, on a moins ça, alors que le tatouage, il y a une espèce de revival du tatouage, est particulièrement dans ce groupe. Et pour nous, il y avait aussi un thème qui traversait tout ça, c'était la famille. Comment Fousse, mal à l'aise dans la vie, mal à l'aise avec ses études qu'il pense un peu ratées, se choisit une autre famille ? Et cette appartenance à cette famille, il fallait qu'elle soit visuelle. Et au lieu d'avoir un bandana comme dans le livre, on a préféré le tatouage.

  • Speaker #0

    C'est vrai que ce thème de trouver une autre famille et de savoir se trouver soi-même aussi dans une société un peu désœuvrée, ça se passe dans l'Est de la France. Moi, ça m'a aussi beaucoup rappelé leurs enfants après eux. Bien sûr, c'est aussi cette même France un peu désinitialisée, où il y a beaucoup de difficultés pour les jeunes. Donc j'ai trouvé ça aussi. Très fort, finalement, ce côté. Il est tellement désœuvré et perdu dans sa vie, Fousse, que du coup, il va finalement en venir à des situations affreuses, alors que de la vie de son père, de la vie de son frère, il n'est pas comme ça.

  • Speaker #3

    Il y a quand même une vraie différence, je trouve, c'est que leurs enfants après eux, c'est en 1990. Et là, on est clairement aujourd'hui, aujourd'hui. On a même cherché, parce que le livre a cinq ans, mais on a vraiment cherché à le ramener au plus contemporain qu'on pouvait.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est quelque chose qui m'a marquée en lisant le livre, c'est que c'est écrit en 2020, donc on était quelques années après le second tour Macron-Le Pen, et là on se dit en seulement 5 ans, on a l'impression que la France est encore plus fracturée, et ça se ressent effectivement dans le film justement cette montée cette tension qui m'a paru encore plus forte effectivement dans le film par rapport au livre. Il y a une autre chose qui m'a marquée aussi, c'est que dans le film, les personnages, le milieu est très masculin en fait. Forcément, c'est un père avec ses deux fils. Le père bosse à la SNCF, on voit que c'est un milieu aussi très masculin, il travaille sur les lignes de nuit. Et finalement, il y a peu de femmes, la mère est morte, il y a peu de femmes dans leur entourage à part les figures un peu d'autorité, comme à l'hôpital, ou quand il y a un procès. la juge est une femme, l'avocate, etc. Il y a aussi une certaine représentation de la masculinité via Vincent Lindon, qui est un père aimant, mais très taiseux, qui ne va pas quand même très souvent parler de ses sentiments frontalement. Est-ce que vous avez justement voulu instiller une réflexion sur la masculinité également à travers ce film ?

  • Speaker #3

    Oui, clairement. Bon, alors, on partait d'une matière très masculine. Le roman est très, très masculin. Déjà, oui, les trois personnages principaux sont des hommes. Mais c'est vrai que ça nous a posé question dès qu'on a commencé à se documenter sur ces milieux d'extrême droite. En fait, évidemment, il y a quelques femmes, on en a tout de suite en tête quand on en parle, mais globalement, c'est quand même très, très masculin. Et nous, quand on a enquêté, ça nous a vraiment frappé. Donc, certes, ça vient du roman, mais c'est aussi très... ça reflète vraiment bien la réalité. Et par ailleurs... effectivement nous ça nous posait question de faire un film entièrement sur des hommes ou même d'écrire un livre aujourd'hui avec que des hommes comme personnages et notre manière à nous ça a été comme vous le relevez justement de transformer certains des personnages alors certes secondaires parce qu'on ne pouvait pas changer les trois personnages principaux mais les personnages un peu plus secondaires de les... ceux en tout cas de pouvoir de savoir et ce qui apportait de la lumière finalement dans cette obscurité-là. Ce seraient des femmes. Et donc, le doyen de l'université dans le bouquin, il est incarné par la vraie doyenne de la faculté des lettres de la Sorbonne. L'avocat est devenu une avocate, le juge est devenu une juge. Voilà, c'était notre manière à nous de faire politique et de montrer que les femmes sont peut-être une solution possible à cet obscurantisme.

  • Speaker #0

    C'est vrai que moi, ça m'a beaucoup frappée, effectivement. Et... Bon alors, sans spoiler, mais la fin du film est différente de la fin du livre quand même, parce qu'il y a une grosse noirceur à la fin du livre, alors qu'au contraire le film apporte un certain espoir, un peu une lueur d'optimisme quand même. Pourquoi ce changement ? Et surtout, est-ce qu'avec les différents... Même si le film est plutôt fidèle au roman, est-ce que quand vous en avez discuté avec l'auteur Laurent Petitmangin, est-ce que c'était une négociation ? Est-ce qu'il était à l'aise avec... Ces changements ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Alors, c'est-à-dire que Laurent Petitmangin a eu cette générosité de ne pas intervenir du tout sur le scénario.

  • Speaker #3

    Non, mais on a discuté de la fin quand même.

  • Speaker #1

    Mais on a discuté quand même de la fin. Et ce qui est très drôle, c'est que lui-même nous a avoué qu'il a hésité longtemps à mettre cette dernière lettre, dont on ne va pas parler parce qu'il faut lire le livre et il faut voir le film. Mais il y a une grosse, grosse différence à la fin. Et ce qui était drôle, c'est que lui-même a voulu avoir hésité pendant très très longtemps à la mettre ou pas. Finalement, il la met et nous, on ne la met pas. Mais comme ça, je ne spoil rien.

  • Speaker #3

    Et après, oui, ça c'était notre conviction à nous. On avait envie de finir sur une note d'espoir parce qu'on pense que tout n'est pas fichu complètement dans notre pays et qu'au contraire, on peut continuer à espérer faire société de la même manière que trois essayent de faire famille.

  • Speaker #0

    C'est une bonne vision, je pense. Et puis c'est vrai que, parce que le film est assez sombre sans être violent, mais voilà, et c'est vrai que le fait de terminer sur une note où le père et ses fils gardent quand même cet esprit ensemble, c'est quand même, c'est bien de montrer que la famille, finalement, leur lien va percuter leurs différents politiques et tout ce qui va se passer pour Fousse d'un point de vue juridique. Ce n'était pas votre première adaptation, je vous vois avec le feu, puisque vous aviez déjà écrit. s'en bat pour la France et voir du pays qui sont adaptés de vos romans, Bellefine. Et cette fois, vous adaptez du coup un roman d'un autre auteur. Est-ce que c'est plus facile ou est-ce que c'est plus justement difficile de s'attaquer à un texte qui ne base n'est pas le vôtre ?

  • Speaker #3

    En fait, on aura eu les trois cas de figure parce qu'on a adapté un de mes romans nous-mêmes, on a adapté un de mes romans pour Toledano et Nakache, c'était eux qui réalisaient et on écrivait ensemble. Et puis là, on adapte le roman de quelqu'un d'autre. Donc là, on peut vraiment, sur votre émission, on est à fond, on peut faire trois épisodes. Mais c'est vrai que je ne dirais pas que c'est plus difficile ou plus facile. Pour moi, en fait, à chaque fois, le fait d'avoir les deux casquettes fait que pour moi, c'est deux objets différents. De toute façon, le livre et le film, c'est comme si on disait à partir d'une peinture, on va faire une musique et on voudrait que ce soit exactement pareil. Ben non, on n'arrivera jamais. ces deux médiums totalement différents, deux médias totalement différents. Donc c'est la transposition qui est à chaque fois une gageure, en fait. À chaque fois, essayer de retrouver l'esprit quand même du livre dans le film, espérer qu'un lecteur ne soit pas déçu parce que c'est quand même toujours le risque, c'est justement le réinventer. Je pense que de la même manière que pour Samba, Le film est très différent du livre, tout en racontant la même histoire avec les mêmes personnages. C'est une comédie, alors que mon livre était un drame. De la même manière que Voir du pays, une fois qu'on a réinventé l'histoire, on a créé des scènes qui étaient très visuelles et différentes du bouquin. On avait même changé un des crimes dans Voir du pays, et fait sur une autre fille que celle du livre. Là, de la même manière, on a cherché vraiment à garder l'esprit. On est parti des mêmes personnages. On a à peu près le même déroulé. Mais on a inventé des scènes supplémentaires. On a supprimé tout un pan du livre. On a quand même fait des aménagements. C'est comme récupérer un appartement et le changer du sol au plafond. Mais malgré tout, la structure, c'est la même. Les lignes seront toujours les mêmes. Les pièces seront à peu près au même endroit. Après,

  • Speaker #0

    C'est un livre qui finalement correspond un peu à votre univers. Vous avez quand même une filmographie plutôt engagée, avec des thèmes très forts. Donc quelque part, c'est quand même des thèmes, je pense, qui correspondent à ce que vous aimez faire en termes de cinéma. Et du coup, j'ai une dernière question. Est-ce que vous avez déjà d'autres projets d'adaptation ? sur lesquels vous avez commencé à parler.

  • Speaker #1

    Non, mais on est très ouverte à ce qu'on nous en propose.

  • Speaker #3

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Oui, votre boîte à lettres est ouverte.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    En tout cas, je souhaite énormément de succès à votre film Jouer avec le feu que moi, j'ai beaucoup aimé. Donc, j'espère qu'il rencontrera beaucoup de succès en salle. Et je vous remercie, Amélie Delphine, d'avoir répondu à nos questions.

  • Speaker #3

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Merci.

Description

Dans ce nouvel épisode hors-série, nous avons le plaisir d'échanger avec Muriel et Delphine Coulin, réalisatrices du film Jouer avec le feu d'après le roman Ce qu'il faut de nuit de Laurent Petitmangin. Elles évoquent le processus d'adaptation, le besoin d'actualiser l'histoire et la réflexion sur la société qu'elles ont distillée dans le film.


Un grand merci à Muriel et Delphine Coulin d'avoir répondu à nos questions, ainsi qu'à Léa de l'agence Cartel d'avoir permis cet entretien.

Cet épisode hors-série a été réalisé et animé par Victoire Bocquillon.


🎥 Découvrez le film Jouer avec le feu, au cinéma le 22 janvier 2025.


🌟 Si cet épisode hors-série vous a plu, partagez-le autour de vous !


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Adapte-moi si tu peux, le podcast qui compare des livres à leurs adaptations en film ou en série. Je suis Victoire et à l'occasion de la sortie de Jouer avec le Feu, j'ai le plaisir d'interviewer aujourd'hui les deux réalisatrices Muriel et Déphile Coulin. Bonjour !

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #0

    On peut démarrer !

  • Speaker #2

    Hier on collait les appuis pour la manif, il y avait une bande de pieds niqués qui taguait au bout des voies, il y avait un gars qui avait la dégaine de ton gamin. Est-ce que tu fabriques pour les semences ? J'accompagne les potes. C'est bien commencé, il y a des ténures qui retournent la tête des gosses. Ça ne vous dérange pas que tu en fasses un seul un de nous ? Ok, les potes,

  • Speaker #0

    tu me crains ?

  • Speaker #2

    Non, non, c'est pas ça que vous allez me craindre. Allez, c'est bon, je me casse, dis. Je te laisse avec ton fils par contre. Pousse, pousse, pousse ! Il va falloir arrêter de minimiser. Je dirais que c'est jamais assez bien pour toi ce qu'il fait. Il n'est pas obligé de tout faire comme toi. Ta vie se parle entre les troupes, on te dit que c'est l'histoire. Oui, je le suis, je le suis. Je te le dis.

  • Speaker #0

    Alors, votre livre, votre film, pardon, est adapté d'un roman, Ce qu'il faut de nuit, de Laurent Petitmangin, qui a notamment gagné le prix Fémina des lycéens en 2020. Ma première question, par pure curiosité, ce n'est pas du coup le même titre. Pourquoi ce changement ? Jouez avec le feu.

  • Speaker #3

    Alors déjà, parce que c'est un extrait d'un poème de Jules Superviel, Ce qu'il faut de nuit. En gros, ça dit ce qu'il faut de nuit pour apprécier la lumière. Et comme vous le voyez, quand on dit le titre, il faut l'expliquer. Et en cinéma, c'est un peu compliqué d'avoir un titre qui faille expliquer à chaque fois qu'on le prononce. C'est plus compliqué de le retenir aussi. Et donc, on s'est dit qu'il fallait changer, mais on voulait garder cette idée de nuit et de lumière. qui traverse toute l'histoire. En fait, c'est vraiment une histoire d'obscurité grandissante et de père à l'intérieur de cette obscurité qui essaye de ramener la lumière. Et du coup, on s'est dit que jouer avec le feu, ça se retenait mieux. Il y avait quand même cette idée-là. Et il y avait le feu qui est très, très présent dans le film, à l'image. Et puis, en plus, c'est une histoire d'éducation. Et jouer avec le feu, c'est un peu la première chose qu'on apprend à ne pas faire à son enfant.

  • Speaker #0

    Et qui exprime le danger grandissant en plus.

  • Speaker #3

    Exactement.

  • Speaker #0

    Le roman tourne autour, et le film tourne autour du trio qui est formé par le père qui est veuve, qui élève seul ses deux grands garçons qui ont à peu près la vingtaine. Donc le père est joué par Vincent Lindon et les filles sont jouées par Benjamin Voisin et Stéphane Cripon. Est-ce que, en lisant le roman, déjà comment avez-vous découvert le roman ? Est-ce que pour vous le casting a été immédiat ?

  • Speaker #1

    Alors on nous l'a apporté, un ami nous l'a fait lire. Et dès qu'on l'a lu, on a pensé à Vincent Lindon. Et donc, la productrice le connaissait, lui en a fait part, on s'est vus. Et ensuite, on a vraiment écrit toute l'adaptation pour lui. Dès qu'il a accepté, qu'il nous a donné son accord, on a revisité le personnage en ayant constamment en tête Vincent Lindon.

  • Speaker #0

    Ok, mais du coup, le livre est écrit à la première personne. Il y a beaucoup de discours un peu indirects. C'est très antérieur, en fait, comme livre. C'est beaucoup aussi de pensées. du personnage qui en plus est très taiseux. Est-ce qu'en écrivant ce scénario, est-ce que c'était difficile du coup de jouer sur ce côté très antérieur, mais en même temps de le mettre en image et le mettre en parole ?

  • Speaker #3

    Nous, du coup, on s'est dit que ce narrateur à la première personne, le meilleur moyen de l'adapter au cinéma, c'était d'avoir comme parti pris de réalisation, d'adopter le point de vue du père uniquement. Et donc on voit tout dans le point de vue du père. Alors ça ne veut pas dire qu'on est en subjectif tout le temps, évidemment il y a du subjectif et de l'objectif dans le film, mais on ne voit que ce qu'il serait susceptible de voir en vrai dans la vie. Donc il n'assiste pas à toute la dérive de son fils par exemple, il essaye de comprendre ce qu'il arrive à ses deux fils d'ailleurs, mais en particulier à l'aîné parce que celui-ci prend des chemins. complètement à l'opposé de ce qu'il espérait, c'est-à-dire qu'il croit à des valeurs d'extrême droite, il se met à prôner le racisme, il est de plus en plus attiré par la violence, et le père ne comprend pas, puisqu'il l'a élevé complètement dans d'autres valeurs. Lui, il est humaniste, démocrate, et il ne pensait pas que son fils tournerait aussi mal.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le film, on voit que le personnage de Vincent Lindon, il vient d'un milieu assez modeste, il est chez Nino à la SNCF, mais on comprend que quand il était plus jeune, y tracter, plutôt pour des parties d'ailleurs de gauche, donc il pense avoir transmis ses valeurs à ses enfants, et il va y avoir vraiment une fracture entre les deux fils, puisque donc là, l'aîné Fous va se diriger plutôt vers l'extrême droite. et le cadet, plutôt vers un milieu plus intellectuel, il va faire une prépa, puis il va aller à la Sorbonne. Et justement, ce qui est intéressant dans le livre, c'est le côté, c'est très suggéré, la violence. On ne voit pas la violence de Fousse, en fait. On voit surtout qu'il porte des symboles, il y a des bandanas, etc. Mais le film choisit justement d'aller frontalement sur la violence, notamment par la scène dans l'entrepôt où Vincent Lernon découvre que son fils On fait du free fight, les gens crient, on sent cette violence qui est plus perceptible. Est-ce que ça, c'était seulement une volonté de mettre en image ou est-ce que vous vouliez justement ne pas suggérer seulement la violence et montrer ce que c'est la violence de l'extrême droite ?

  • Speaker #1

    Le problème, je pense, c'est justement qu'on est au cœur de l'adaptation. C'est-à-dire que pour moi, le livre est violent dans les sentiments, dans la dérive de Fousse, elle est violente. En revanche, je n'ai pas l'impression que notre film soit si violent que ça. D'abord parce que je crois qu'aux informations, quand on voit ce qui se passe dans le monde, il y a beaucoup plus de violence et en plus c'est de la violence réelle.

  • Speaker #3

    Ou même dans n'importe quelle téléfilm. Oui,

  • Speaker #1

    ou même dans n'importe quelle téléfilm. Là, il faut quand même dire que d'une part c'est de la fiction. Et ensuite, c'est bien la différence entre un livre et un film, c'est que le film est immédiatement visuel et que donc quand on est en gros plan, par exemple, on prend les images comme ça un peu fort. Mais je pense que la... tension qu'il y a dans notre film, elle fait écho à la violence peut-être plus sourde qu'il y a dans le livre, mais en tous les cas, c'est un équivalent cinématographique à ce qui se passe dans le livre. Enfin, j'ai l'impression. Oui,

  • Speaker #3

    oui. Parce qu'au contraire, je pense que ça aurait pu être beaucoup plus violent, parce qu'il y a des choses dans le livre qui sont très violentes et qu'on a choisi de ne pas montrer. Donc, c'est un équilibre, en fait. Et dans notre film, à part cette scène de combat clandestin, il y a... on a vraiment stylisé la violence. Par exemple, quand Fous s'en dévoilait trop l'histoire, quand Fous s'attaque à un autre, on ne voit que l'après-combat, alors qu'on aurait très bien pu voir les bagarres. Donc, non, non, on a cherché, au contraire, on ne voulait pas de violence facile. En revanche, on voulait que le père et le fils s'affrontent vraiment, se disputent vraiment, et que là, on comprenne ce qui se passe à l'extérieur. de la maison et qu'on comprenne par l'observation du père ce qui se passe chez son fils. Mais il n'y a pas de sang ? Non, du tout.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que par rapport au livre, ou en plus on le voit dans le livre que le père se couche en fait, il n'ose jamais confronter son fils. Il lui-même reconnaît un peu sa lâcheté, alors que dans le film justement le personnage de Pierre de Vincent Lindon essaye de confronter son fils, sauf que son fils à un moment on vient presque aux mains avec lui.

  • Speaker #3

    Oui, c'est vrai. C'est vrai que Vincent est plus actif que le personnage du roman, je pense. C'est quelqu'un... Ce père, il essaye, mais un peu comme nous tous, parce que pour moi, le père, en fait, c'est un écho de notre pays tout entier en ce moment.

  • Speaker #1

    Pour moi, la différence entre le livre et le film, c'est que, effectivement, quand on a su que ce serait Vincent Lindon qui ferait le personnage, Vincent, d'emblée, il a un charisme, il a une force. Et du coup, on ne le voit pas ne pas s'opposer à son fils. Donc, on a rajouté un peu de dialogue par rapport au bouquin. Mais aussi, comme disent les Américains, action is character. C'est-à-dire, l'action, c'est le personnage. Et il faut que par ces actions, on ait des idées de ce qu'est le personnage. Et ce sont véritablement des actions. Donc, il faut rajouter une opposition, des dialogues. Là où un écrivain peut nous décrire. ses sentiments, son état d'esprit à un moment donné. Nous, il faut que ça se voit. Et donc, en tous les cas, que la majeure partie se voit. Et donc, voilà, encore une grosse différence entre les livres et le film.

  • Speaker #0

    Mastouf, vous n'avez pas cédé, entre guillemets, à la facilité d'utiliser une voix off. Donc, ça passe vraiment par le jeu et par l'image.

  • Speaker #1

    Oui, oui, il fallait. C'est vrai que c'est un autre type de film quand on a une voix off, comme par exemple dans Les Illusions perdues. dans lequel Benjamin Voisin avait le rôle principal et pour lequel il a eu le César de la Révélation. C'est magnifiquement fait, avec une voix-off qui court tout le film. Là, vraiment, nous, on voulait que ce soit des scènes qui décrivent ce que ce père a dans la tête et ne pas recourir à la voix-off. C'était certain. Depuis le début de l'adaptation, on savait qu'on ne ferait pas ça.

  • Speaker #0

    Et il y a aussi un côté plus visuel. dans la représentation des amis de Fouches, qui correspondent quand même à certains critères, ils ont beaucoup le crâne rasé, etc. Il y a quand même une ressemblance au site physique dans ce groupe, pour montrer cette appartenance-là. Mais par contre, Benjamin Voisin, le personnage de Fousse, ne passe jamais à cet acte-là, même s'il va quand même jusqu'au tatouage d'une croix celtique et un symbole néo-nazi. Ça c'est une scène d'ailleurs rajoutée par rapport au livre. Est-ce que justement c'était important pour vous aussi de caractériser ce groupe-là, ce gang un peu avec des codes qui aujourd'hui font... beaucoup écho dans la société au vrai code de certains groupes d'exemples.

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est-à-dire que c'est là où le travail de transposition ou d'adaptation est nécessaire, c'est-à-dire que dans le livre, c'est un bandana que Fou se porte au début et qui met l'indice dans le cerveau du père à dire, mais qu'est-ce que c'est que ce bandana ? C'est un bandana d'ultra ? Oui, c'est la Ladio de Rome, etc. Et nous, le bandana, ça nous semblait d'abord pas assez fort et peut-être... même si on adore non seulement Laurent Petit-Mangin lui-même, mais son livre, c'était quelque chose qui nous semblait un petit peu daté. Les bandanas, aujourd'hui, on a moins ça, alors que le tatouage, il y a une espèce de revival du tatouage, est particulièrement dans ce groupe. Et pour nous, il y avait aussi un thème qui traversait tout ça, c'était la famille. Comment Fousse, mal à l'aise dans la vie, mal à l'aise avec ses études qu'il pense un peu ratées, se choisit une autre famille ? Et cette appartenance à cette famille, il fallait qu'elle soit visuelle. Et au lieu d'avoir un bandana comme dans le livre, on a préféré le tatouage.

  • Speaker #0

    C'est vrai que ce thème de trouver une autre famille et de savoir se trouver soi-même aussi dans une société un peu désœuvrée, ça se passe dans l'Est de la France. Moi, ça m'a aussi beaucoup rappelé leurs enfants après eux. Bien sûr, c'est aussi cette même France un peu désinitialisée, où il y a beaucoup de difficultés pour les jeunes. Donc j'ai trouvé ça aussi. Très fort, finalement, ce côté. Il est tellement désœuvré et perdu dans sa vie, Fousse, que du coup, il va finalement en venir à des situations affreuses, alors que de la vie de son père, de la vie de son frère, il n'est pas comme ça.

  • Speaker #3

    Il y a quand même une vraie différence, je trouve, c'est que leurs enfants après eux, c'est en 1990. Et là, on est clairement aujourd'hui, aujourd'hui. On a même cherché, parce que le livre a cinq ans, mais on a vraiment cherché à le ramener au plus contemporain qu'on pouvait.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est quelque chose qui m'a marquée en lisant le livre, c'est que c'est écrit en 2020, donc on était quelques années après le second tour Macron-Le Pen, et là on se dit en seulement 5 ans, on a l'impression que la France est encore plus fracturée, et ça se ressent effectivement dans le film justement cette montée cette tension qui m'a paru encore plus forte effectivement dans le film par rapport au livre. Il y a une autre chose qui m'a marquée aussi, c'est que dans le film, les personnages, le milieu est très masculin en fait. Forcément, c'est un père avec ses deux fils. Le père bosse à la SNCF, on voit que c'est un milieu aussi très masculin, il travaille sur les lignes de nuit. Et finalement, il y a peu de femmes, la mère est morte, il y a peu de femmes dans leur entourage à part les figures un peu d'autorité, comme à l'hôpital, ou quand il y a un procès. la juge est une femme, l'avocate, etc. Il y a aussi une certaine représentation de la masculinité via Vincent Lindon, qui est un père aimant, mais très taiseux, qui ne va pas quand même très souvent parler de ses sentiments frontalement. Est-ce que vous avez justement voulu instiller une réflexion sur la masculinité également à travers ce film ?

  • Speaker #3

    Oui, clairement. Bon, alors, on partait d'une matière très masculine. Le roman est très, très masculin. Déjà, oui, les trois personnages principaux sont des hommes. Mais c'est vrai que ça nous a posé question dès qu'on a commencé à se documenter sur ces milieux d'extrême droite. En fait, évidemment, il y a quelques femmes, on en a tout de suite en tête quand on en parle, mais globalement, c'est quand même très, très masculin. Et nous, quand on a enquêté, ça nous a vraiment frappé. Donc, certes, ça vient du roman, mais c'est aussi très... ça reflète vraiment bien la réalité. Et par ailleurs... effectivement nous ça nous posait question de faire un film entièrement sur des hommes ou même d'écrire un livre aujourd'hui avec que des hommes comme personnages et notre manière à nous ça a été comme vous le relevez justement de transformer certains des personnages alors certes secondaires parce qu'on ne pouvait pas changer les trois personnages principaux mais les personnages un peu plus secondaires de les... ceux en tout cas de pouvoir de savoir et ce qui apportait de la lumière finalement dans cette obscurité-là. Ce seraient des femmes. Et donc, le doyen de l'université dans le bouquin, il est incarné par la vraie doyenne de la faculté des lettres de la Sorbonne. L'avocat est devenu une avocate, le juge est devenu une juge. Voilà, c'était notre manière à nous de faire politique et de montrer que les femmes sont peut-être une solution possible à cet obscurantisme.

  • Speaker #0

    C'est vrai que moi, ça m'a beaucoup frappée, effectivement. Et... Bon alors, sans spoiler, mais la fin du film est différente de la fin du livre quand même, parce qu'il y a une grosse noirceur à la fin du livre, alors qu'au contraire le film apporte un certain espoir, un peu une lueur d'optimisme quand même. Pourquoi ce changement ? Et surtout, est-ce qu'avec les différents... Même si le film est plutôt fidèle au roman, est-ce que quand vous en avez discuté avec l'auteur Laurent Petitmangin, est-ce que c'était une négociation ? Est-ce qu'il était à l'aise avec... Ces changements ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Alors, c'est-à-dire que Laurent Petitmangin a eu cette générosité de ne pas intervenir du tout sur le scénario.

  • Speaker #3

    Non, mais on a discuté de la fin quand même.

  • Speaker #1

    Mais on a discuté quand même de la fin. Et ce qui est très drôle, c'est que lui-même nous a avoué qu'il a hésité longtemps à mettre cette dernière lettre, dont on ne va pas parler parce qu'il faut lire le livre et il faut voir le film. Mais il y a une grosse, grosse différence à la fin. Et ce qui était drôle, c'est que lui-même a voulu avoir hésité pendant très très longtemps à la mettre ou pas. Finalement, il la met et nous, on ne la met pas. Mais comme ça, je ne spoil rien.

  • Speaker #3

    Et après, oui, ça c'était notre conviction à nous. On avait envie de finir sur une note d'espoir parce qu'on pense que tout n'est pas fichu complètement dans notre pays et qu'au contraire, on peut continuer à espérer faire société de la même manière que trois essayent de faire famille.

  • Speaker #0

    C'est une bonne vision, je pense. Et puis c'est vrai que, parce que le film est assez sombre sans être violent, mais voilà, et c'est vrai que le fait de terminer sur une note où le père et ses fils gardent quand même cet esprit ensemble, c'est quand même, c'est bien de montrer que la famille, finalement, leur lien va percuter leurs différents politiques et tout ce qui va se passer pour Fousse d'un point de vue juridique. Ce n'était pas votre première adaptation, je vous vois avec le feu, puisque vous aviez déjà écrit. s'en bat pour la France et voir du pays qui sont adaptés de vos romans, Bellefine. Et cette fois, vous adaptez du coup un roman d'un autre auteur. Est-ce que c'est plus facile ou est-ce que c'est plus justement difficile de s'attaquer à un texte qui ne base n'est pas le vôtre ?

  • Speaker #3

    En fait, on aura eu les trois cas de figure parce qu'on a adapté un de mes romans nous-mêmes, on a adapté un de mes romans pour Toledano et Nakache, c'était eux qui réalisaient et on écrivait ensemble. Et puis là, on adapte le roman de quelqu'un d'autre. Donc là, on peut vraiment, sur votre émission, on est à fond, on peut faire trois épisodes. Mais c'est vrai que je ne dirais pas que c'est plus difficile ou plus facile. Pour moi, en fait, à chaque fois, le fait d'avoir les deux casquettes fait que pour moi, c'est deux objets différents. De toute façon, le livre et le film, c'est comme si on disait à partir d'une peinture, on va faire une musique et on voudrait que ce soit exactement pareil. Ben non, on n'arrivera jamais. ces deux médiums totalement différents, deux médias totalement différents. Donc c'est la transposition qui est à chaque fois une gageure, en fait. À chaque fois, essayer de retrouver l'esprit quand même du livre dans le film, espérer qu'un lecteur ne soit pas déçu parce que c'est quand même toujours le risque, c'est justement le réinventer. Je pense que de la même manière que pour Samba, Le film est très différent du livre, tout en racontant la même histoire avec les mêmes personnages. C'est une comédie, alors que mon livre était un drame. De la même manière que Voir du pays, une fois qu'on a réinventé l'histoire, on a créé des scènes qui étaient très visuelles et différentes du bouquin. On avait même changé un des crimes dans Voir du pays, et fait sur une autre fille que celle du livre. Là, de la même manière, on a cherché vraiment à garder l'esprit. On est parti des mêmes personnages. On a à peu près le même déroulé. Mais on a inventé des scènes supplémentaires. On a supprimé tout un pan du livre. On a quand même fait des aménagements. C'est comme récupérer un appartement et le changer du sol au plafond. Mais malgré tout, la structure, c'est la même. Les lignes seront toujours les mêmes. Les pièces seront à peu près au même endroit. Après,

  • Speaker #0

    C'est un livre qui finalement correspond un peu à votre univers. Vous avez quand même une filmographie plutôt engagée, avec des thèmes très forts. Donc quelque part, c'est quand même des thèmes, je pense, qui correspondent à ce que vous aimez faire en termes de cinéma. Et du coup, j'ai une dernière question. Est-ce que vous avez déjà d'autres projets d'adaptation ? sur lesquels vous avez commencé à parler.

  • Speaker #1

    Non, mais on est très ouverte à ce qu'on nous en propose.

  • Speaker #3

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Oui, votre boîte à lettres est ouverte.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    En tout cas, je souhaite énormément de succès à votre film Jouer avec le feu que moi, j'ai beaucoup aimé. Donc, j'espère qu'il rencontrera beaucoup de succès en salle. Et je vous remercie, Amélie Delphine, d'avoir répondu à nos questions.

  • Speaker #3

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Merci.

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Description

Dans ce nouvel épisode hors-série, nous avons le plaisir d'échanger avec Muriel et Delphine Coulin, réalisatrices du film Jouer avec le feu d'après le roman Ce qu'il faut de nuit de Laurent Petitmangin. Elles évoquent le processus d'adaptation, le besoin d'actualiser l'histoire et la réflexion sur la société qu'elles ont distillée dans le film.


Un grand merci à Muriel et Delphine Coulin d'avoir répondu à nos questions, ainsi qu'à Léa de l'agence Cartel d'avoir permis cet entretien.

Cet épisode hors-série a été réalisé et animé par Victoire Bocquillon.


🎥 Découvrez le film Jouer avec le feu, au cinéma le 22 janvier 2025.


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🔔  Retrouvez l'actualité des adaptations et partagez vos avis avec Adapte-Moi Si Tu Peux sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Adapte-moi si tu peux, le podcast qui compare des livres à leurs adaptations en film ou en série. Je suis Victoire et à l'occasion de la sortie de Jouer avec le Feu, j'ai le plaisir d'interviewer aujourd'hui les deux réalisatrices Muriel et Déphile Coulin. Bonjour !

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #0

    On peut démarrer !

  • Speaker #2

    Hier on collait les appuis pour la manif, il y avait une bande de pieds niqués qui taguait au bout des voies, il y avait un gars qui avait la dégaine de ton gamin. Est-ce que tu fabriques pour les semences ? J'accompagne les potes. C'est bien commencé, il y a des ténures qui retournent la tête des gosses. Ça ne vous dérange pas que tu en fasses un seul un de nous ? Ok, les potes,

  • Speaker #0

    tu me crains ?

  • Speaker #2

    Non, non, c'est pas ça que vous allez me craindre. Allez, c'est bon, je me casse, dis. Je te laisse avec ton fils par contre. Pousse, pousse, pousse ! Il va falloir arrêter de minimiser. Je dirais que c'est jamais assez bien pour toi ce qu'il fait. Il n'est pas obligé de tout faire comme toi. Ta vie se parle entre les troupes, on te dit que c'est l'histoire. Oui, je le suis, je le suis. Je te le dis.

  • Speaker #0

    Alors, votre livre, votre film, pardon, est adapté d'un roman, Ce qu'il faut de nuit, de Laurent Petitmangin, qui a notamment gagné le prix Fémina des lycéens en 2020. Ma première question, par pure curiosité, ce n'est pas du coup le même titre. Pourquoi ce changement ? Jouez avec le feu.

  • Speaker #3

    Alors déjà, parce que c'est un extrait d'un poème de Jules Superviel, Ce qu'il faut de nuit. En gros, ça dit ce qu'il faut de nuit pour apprécier la lumière. Et comme vous le voyez, quand on dit le titre, il faut l'expliquer. Et en cinéma, c'est un peu compliqué d'avoir un titre qui faille expliquer à chaque fois qu'on le prononce. C'est plus compliqué de le retenir aussi. Et donc, on s'est dit qu'il fallait changer, mais on voulait garder cette idée de nuit et de lumière. qui traverse toute l'histoire. En fait, c'est vraiment une histoire d'obscurité grandissante et de père à l'intérieur de cette obscurité qui essaye de ramener la lumière. Et du coup, on s'est dit que jouer avec le feu, ça se retenait mieux. Il y avait quand même cette idée-là. Et il y avait le feu qui est très, très présent dans le film, à l'image. Et puis, en plus, c'est une histoire d'éducation. Et jouer avec le feu, c'est un peu la première chose qu'on apprend à ne pas faire à son enfant.

  • Speaker #0

    Et qui exprime le danger grandissant en plus.

  • Speaker #3

    Exactement.

  • Speaker #0

    Le roman tourne autour, et le film tourne autour du trio qui est formé par le père qui est veuve, qui élève seul ses deux grands garçons qui ont à peu près la vingtaine. Donc le père est joué par Vincent Lindon et les filles sont jouées par Benjamin Voisin et Stéphane Cripon. Est-ce que, en lisant le roman, déjà comment avez-vous découvert le roman ? Est-ce que pour vous le casting a été immédiat ?

  • Speaker #1

    Alors on nous l'a apporté, un ami nous l'a fait lire. Et dès qu'on l'a lu, on a pensé à Vincent Lindon. Et donc, la productrice le connaissait, lui en a fait part, on s'est vus. Et ensuite, on a vraiment écrit toute l'adaptation pour lui. Dès qu'il a accepté, qu'il nous a donné son accord, on a revisité le personnage en ayant constamment en tête Vincent Lindon.

  • Speaker #0

    Ok, mais du coup, le livre est écrit à la première personne. Il y a beaucoup de discours un peu indirects. C'est très antérieur, en fait, comme livre. C'est beaucoup aussi de pensées. du personnage qui en plus est très taiseux. Est-ce qu'en écrivant ce scénario, est-ce que c'était difficile du coup de jouer sur ce côté très antérieur, mais en même temps de le mettre en image et le mettre en parole ?

  • Speaker #3

    Nous, du coup, on s'est dit que ce narrateur à la première personne, le meilleur moyen de l'adapter au cinéma, c'était d'avoir comme parti pris de réalisation, d'adopter le point de vue du père uniquement. Et donc on voit tout dans le point de vue du père. Alors ça ne veut pas dire qu'on est en subjectif tout le temps, évidemment il y a du subjectif et de l'objectif dans le film, mais on ne voit que ce qu'il serait susceptible de voir en vrai dans la vie. Donc il n'assiste pas à toute la dérive de son fils par exemple, il essaye de comprendre ce qu'il arrive à ses deux fils d'ailleurs, mais en particulier à l'aîné parce que celui-ci prend des chemins. complètement à l'opposé de ce qu'il espérait, c'est-à-dire qu'il croit à des valeurs d'extrême droite, il se met à prôner le racisme, il est de plus en plus attiré par la violence, et le père ne comprend pas, puisqu'il l'a élevé complètement dans d'autres valeurs. Lui, il est humaniste, démocrate, et il ne pensait pas que son fils tournerait aussi mal.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le film, on voit que le personnage de Vincent Lindon, il vient d'un milieu assez modeste, il est chez Nino à la SNCF, mais on comprend que quand il était plus jeune, y tracter, plutôt pour des parties d'ailleurs de gauche, donc il pense avoir transmis ses valeurs à ses enfants, et il va y avoir vraiment une fracture entre les deux fils, puisque donc là, l'aîné Fous va se diriger plutôt vers l'extrême droite. et le cadet, plutôt vers un milieu plus intellectuel, il va faire une prépa, puis il va aller à la Sorbonne. Et justement, ce qui est intéressant dans le livre, c'est le côté, c'est très suggéré, la violence. On ne voit pas la violence de Fousse, en fait. On voit surtout qu'il porte des symboles, il y a des bandanas, etc. Mais le film choisit justement d'aller frontalement sur la violence, notamment par la scène dans l'entrepôt où Vincent Lernon découvre que son fils On fait du free fight, les gens crient, on sent cette violence qui est plus perceptible. Est-ce que ça, c'était seulement une volonté de mettre en image ou est-ce que vous vouliez justement ne pas suggérer seulement la violence et montrer ce que c'est la violence de l'extrême droite ?

  • Speaker #1

    Le problème, je pense, c'est justement qu'on est au cœur de l'adaptation. C'est-à-dire que pour moi, le livre est violent dans les sentiments, dans la dérive de Fousse, elle est violente. En revanche, je n'ai pas l'impression que notre film soit si violent que ça. D'abord parce que je crois qu'aux informations, quand on voit ce qui se passe dans le monde, il y a beaucoup plus de violence et en plus c'est de la violence réelle.

  • Speaker #3

    Ou même dans n'importe quelle téléfilm. Oui,

  • Speaker #1

    ou même dans n'importe quelle téléfilm. Là, il faut quand même dire que d'une part c'est de la fiction. Et ensuite, c'est bien la différence entre un livre et un film, c'est que le film est immédiatement visuel et que donc quand on est en gros plan, par exemple, on prend les images comme ça un peu fort. Mais je pense que la... tension qu'il y a dans notre film, elle fait écho à la violence peut-être plus sourde qu'il y a dans le livre, mais en tous les cas, c'est un équivalent cinématographique à ce qui se passe dans le livre. Enfin, j'ai l'impression. Oui,

  • Speaker #3

    oui. Parce qu'au contraire, je pense que ça aurait pu être beaucoup plus violent, parce qu'il y a des choses dans le livre qui sont très violentes et qu'on a choisi de ne pas montrer. Donc, c'est un équilibre, en fait. Et dans notre film, à part cette scène de combat clandestin, il y a... on a vraiment stylisé la violence. Par exemple, quand Fous s'en dévoilait trop l'histoire, quand Fous s'attaque à un autre, on ne voit que l'après-combat, alors qu'on aurait très bien pu voir les bagarres. Donc, non, non, on a cherché, au contraire, on ne voulait pas de violence facile. En revanche, on voulait que le père et le fils s'affrontent vraiment, se disputent vraiment, et que là, on comprenne ce qui se passe à l'extérieur. de la maison et qu'on comprenne par l'observation du père ce qui se passe chez son fils. Mais il n'y a pas de sang ? Non, du tout.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que par rapport au livre, ou en plus on le voit dans le livre que le père se couche en fait, il n'ose jamais confronter son fils. Il lui-même reconnaît un peu sa lâcheté, alors que dans le film justement le personnage de Pierre de Vincent Lindon essaye de confronter son fils, sauf que son fils à un moment on vient presque aux mains avec lui.

  • Speaker #3

    Oui, c'est vrai. C'est vrai que Vincent est plus actif que le personnage du roman, je pense. C'est quelqu'un... Ce père, il essaye, mais un peu comme nous tous, parce que pour moi, le père, en fait, c'est un écho de notre pays tout entier en ce moment.

  • Speaker #1

    Pour moi, la différence entre le livre et le film, c'est que, effectivement, quand on a su que ce serait Vincent Lindon qui ferait le personnage, Vincent, d'emblée, il a un charisme, il a une force. Et du coup, on ne le voit pas ne pas s'opposer à son fils. Donc, on a rajouté un peu de dialogue par rapport au bouquin. Mais aussi, comme disent les Américains, action is character. C'est-à-dire, l'action, c'est le personnage. Et il faut que par ces actions, on ait des idées de ce qu'est le personnage. Et ce sont véritablement des actions. Donc, il faut rajouter une opposition, des dialogues. Là où un écrivain peut nous décrire. ses sentiments, son état d'esprit à un moment donné. Nous, il faut que ça se voit. Et donc, en tous les cas, que la majeure partie se voit. Et donc, voilà, encore une grosse différence entre les livres et le film.

  • Speaker #0

    Mastouf, vous n'avez pas cédé, entre guillemets, à la facilité d'utiliser une voix off. Donc, ça passe vraiment par le jeu et par l'image.

  • Speaker #1

    Oui, oui, il fallait. C'est vrai que c'est un autre type de film quand on a une voix off, comme par exemple dans Les Illusions perdues. dans lequel Benjamin Voisin avait le rôle principal et pour lequel il a eu le César de la Révélation. C'est magnifiquement fait, avec une voix-off qui court tout le film. Là, vraiment, nous, on voulait que ce soit des scènes qui décrivent ce que ce père a dans la tête et ne pas recourir à la voix-off. C'était certain. Depuis le début de l'adaptation, on savait qu'on ne ferait pas ça.

  • Speaker #0

    Et il y a aussi un côté plus visuel. dans la représentation des amis de Fouches, qui correspondent quand même à certains critères, ils ont beaucoup le crâne rasé, etc. Il y a quand même une ressemblance au site physique dans ce groupe, pour montrer cette appartenance-là. Mais par contre, Benjamin Voisin, le personnage de Fousse, ne passe jamais à cet acte-là, même s'il va quand même jusqu'au tatouage d'une croix celtique et un symbole néo-nazi. Ça c'est une scène d'ailleurs rajoutée par rapport au livre. Est-ce que justement c'était important pour vous aussi de caractériser ce groupe-là, ce gang un peu avec des codes qui aujourd'hui font... beaucoup écho dans la société au vrai code de certains groupes d'exemples.

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est-à-dire que c'est là où le travail de transposition ou d'adaptation est nécessaire, c'est-à-dire que dans le livre, c'est un bandana que Fou se porte au début et qui met l'indice dans le cerveau du père à dire, mais qu'est-ce que c'est que ce bandana ? C'est un bandana d'ultra ? Oui, c'est la Ladio de Rome, etc. Et nous, le bandana, ça nous semblait d'abord pas assez fort et peut-être... même si on adore non seulement Laurent Petit-Mangin lui-même, mais son livre, c'était quelque chose qui nous semblait un petit peu daté. Les bandanas, aujourd'hui, on a moins ça, alors que le tatouage, il y a une espèce de revival du tatouage, est particulièrement dans ce groupe. Et pour nous, il y avait aussi un thème qui traversait tout ça, c'était la famille. Comment Fousse, mal à l'aise dans la vie, mal à l'aise avec ses études qu'il pense un peu ratées, se choisit une autre famille ? Et cette appartenance à cette famille, il fallait qu'elle soit visuelle. Et au lieu d'avoir un bandana comme dans le livre, on a préféré le tatouage.

  • Speaker #0

    C'est vrai que ce thème de trouver une autre famille et de savoir se trouver soi-même aussi dans une société un peu désœuvrée, ça se passe dans l'Est de la France. Moi, ça m'a aussi beaucoup rappelé leurs enfants après eux. Bien sûr, c'est aussi cette même France un peu désinitialisée, où il y a beaucoup de difficultés pour les jeunes. Donc j'ai trouvé ça aussi. Très fort, finalement, ce côté. Il est tellement désœuvré et perdu dans sa vie, Fousse, que du coup, il va finalement en venir à des situations affreuses, alors que de la vie de son père, de la vie de son frère, il n'est pas comme ça.

  • Speaker #3

    Il y a quand même une vraie différence, je trouve, c'est que leurs enfants après eux, c'est en 1990. Et là, on est clairement aujourd'hui, aujourd'hui. On a même cherché, parce que le livre a cinq ans, mais on a vraiment cherché à le ramener au plus contemporain qu'on pouvait.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est quelque chose qui m'a marquée en lisant le livre, c'est que c'est écrit en 2020, donc on était quelques années après le second tour Macron-Le Pen, et là on se dit en seulement 5 ans, on a l'impression que la France est encore plus fracturée, et ça se ressent effectivement dans le film justement cette montée cette tension qui m'a paru encore plus forte effectivement dans le film par rapport au livre. Il y a une autre chose qui m'a marquée aussi, c'est que dans le film, les personnages, le milieu est très masculin en fait. Forcément, c'est un père avec ses deux fils. Le père bosse à la SNCF, on voit que c'est un milieu aussi très masculin, il travaille sur les lignes de nuit. Et finalement, il y a peu de femmes, la mère est morte, il y a peu de femmes dans leur entourage à part les figures un peu d'autorité, comme à l'hôpital, ou quand il y a un procès. la juge est une femme, l'avocate, etc. Il y a aussi une certaine représentation de la masculinité via Vincent Lindon, qui est un père aimant, mais très taiseux, qui ne va pas quand même très souvent parler de ses sentiments frontalement. Est-ce que vous avez justement voulu instiller une réflexion sur la masculinité également à travers ce film ?

  • Speaker #3

    Oui, clairement. Bon, alors, on partait d'une matière très masculine. Le roman est très, très masculin. Déjà, oui, les trois personnages principaux sont des hommes. Mais c'est vrai que ça nous a posé question dès qu'on a commencé à se documenter sur ces milieux d'extrême droite. En fait, évidemment, il y a quelques femmes, on en a tout de suite en tête quand on en parle, mais globalement, c'est quand même très, très masculin. Et nous, quand on a enquêté, ça nous a vraiment frappé. Donc, certes, ça vient du roman, mais c'est aussi très... ça reflète vraiment bien la réalité. Et par ailleurs... effectivement nous ça nous posait question de faire un film entièrement sur des hommes ou même d'écrire un livre aujourd'hui avec que des hommes comme personnages et notre manière à nous ça a été comme vous le relevez justement de transformer certains des personnages alors certes secondaires parce qu'on ne pouvait pas changer les trois personnages principaux mais les personnages un peu plus secondaires de les... ceux en tout cas de pouvoir de savoir et ce qui apportait de la lumière finalement dans cette obscurité-là. Ce seraient des femmes. Et donc, le doyen de l'université dans le bouquin, il est incarné par la vraie doyenne de la faculté des lettres de la Sorbonne. L'avocat est devenu une avocate, le juge est devenu une juge. Voilà, c'était notre manière à nous de faire politique et de montrer que les femmes sont peut-être une solution possible à cet obscurantisme.

  • Speaker #0

    C'est vrai que moi, ça m'a beaucoup frappée, effectivement. Et... Bon alors, sans spoiler, mais la fin du film est différente de la fin du livre quand même, parce qu'il y a une grosse noirceur à la fin du livre, alors qu'au contraire le film apporte un certain espoir, un peu une lueur d'optimisme quand même. Pourquoi ce changement ? Et surtout, est-ce qu'avec les différents... Même si le film est plutôt fidèle au roman, est-ce que quand vous en avez discuté avec l'auteur Laurent Petitmangin, est-ce que c'était une négociation ? Est-ce qu'il était à l'aise avec... Ces changements ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Alors, c'est-à-dire que Laurent Petitmangin a eu cette générosité de ne pas intervenir du tout sur le scénario.

  • Speaker #3

    Non, mais on a discuté de la fin quand même.

  • Speaker #1

    Mais on a discuté quand même de la fin. Et ce qui est très drôle, c'est que lui-même nous a avoué qu'il a hésité longtemps à mettre cette dernière lettre, dont on ne va pas parler parce qu'il faut lire le livre et il faut voir le film. Mais il y a une grosse, grosse différence à la fin. Et ce qui était drôle, c'est que lui-même a voulu avoir hésité pendant très très longtemps à la mettre ou pas. Finalement, il la met et nous, on ne la met pas. Mais comme ça, je ne spoil rien.

  • Speaker #3

    Et après, oui, ça c'était notre conviction à nous. On avait envie de finir sur une note d'espoir parce qu'on pense que tout n'est pas fichu complètement dans notre pays et qu'au contraire, on peut continuer à espérer faire société de la même manière que trois essayent de faire famille.

  • Speaker #0

    C'est une bonne vision, je pense. Et puis c'est vrai que, parce que le film est assez sombre sans être violent, mais voilà, et c'est vrai que le fait de terminer sur une note où le père et ses fils gardent quand même cet esprit ensemble, c'est quand même, c'est bien de montrer que la famille, finalement, leur lien va percuter leurs différents politiques et tout ce qui va se passer pour Fousse d'un point de vue juridique. Ce n'était pas votre première adaptation, je vous vois avec le feu, puisque vous aviez déjà écrit. s'en bat pour la France et voir du pays qui sont adaptés de vos romans, Bellefine. Et cette fois, vous adaptez du coup un roman d'un autre auteur. Est-ce que c'est plus facile ou est-ce que c'est plus justement difficile de s'attaquer à un texte qui ne base n'est pas le vôtre ?

  • Speaker #3

    En fait, on aura eu les trois cas de figure parce qu'on a adapté un de mes romans nous-mêmes, on a adapté un de mes romans pour Toledano et Nakache, c'était eux qui réalisaient et on écrivait ensemble. Et puis là, on adapte le roman de quelqu'un d'autre. Donc là, on peut vraiment, sur votre émission, on est à fond, on peut faire trois épisodes. Mais c'est vrai que je ne dirais pas que c'est plus difficile ou plus facile. Pour moi, en fait, à chaque fois, le fait d'avoir les deux casquettes fait que pour moi, c'est deux objets différents. De toute façon, le livre et le film, c'est comme si on disait à partir d'une peinture, on va faire une musique et on voudrait que ce soit exactement pareil. Ben non, on n'arrivera jamais. ces deux médiums totalement différents, deux médias totalement différents. Donc c'est la transposition qui est à chaque fois une gageure, en fait. À chaque fois, essayer de retrouver l'esprit quand même du livre dans le film, espérer qu'un lecteur ne soit pas déçu parce que c'est quand même toujours le risque, c'est justement le réinventer. Je pense que de la même manière que pour Samba, Le film est très différent du livre, tout en racontant la même histoire avec les mêmes personnages. C'est une comédie, alors que mon livre était un drame. De la même manière que Voir du pays, une fois qu'on a réinventé l'histoire, on a créé des scènes qui étaient très visuelles et différentes du bouquin. On avait même changé un des crimes dans Voir du pays, et fait sur une autre fille que celle du livre. Là, de la même manière, on a cherché vraiment à garder l'esprit. On est parti des mêmes personnages. On a à peu près le même déroulé. Mais on a inventé des scènes supplémentaires. On a supprimé tout un pan du livre. On a quand même fait des aménagements. C'est comme récupérer un appartement et le changer du sol au plafond. Mais malgré tout, la structure, c'est la même. Les lignes seront toujours les mêmes. Les pièces seront à peu près au même endroit. Après,

  • Speaker #0

    C'est un livre qui finalement correspond un peu à votre univers. Vous avez quand même une filmographie plutôt engagée, avec des thèmes très forts. Donc quelque part, c'est quand même des thèmes, je pense, qui correspondent à ce que vous aimez faire en termes de cinéma. Et du coup, j'ai une dernière question. Est-ce que vous avez déjà d'autres projets d'adaptation ? sur lesquels vous avez commencé à parler.

  • Speaker #1

    Non, mais on est très ouverte à ce qu'on nous en propose.

  • Speaker #3

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Oui, votre boîte à lettres est ouverte.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    En tout cas, je souhaite énormément de succès à votre film Jouer avec le feu que moi, j'ai beaucoup aimé. Donc, j'espère qu'il rencontrera beaucoup de succès en salle. Et je vous remercie, Amélie Delphine, d'avoir répondu à nos questions.

  • Speaker #3

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Merci.

Description

Dans ce nouvel épisode hors-série, nous avons le plaisir d'échanger avec Muriel et Delphine Coulin, réalisatrices du film Jouer avec le feu d'après le roman Ce qu'il faut de nuit de Laurent Petitmangin. Elles évoquent le processus d'adaptation, le besoin d'actualiser l'histoire et la réflexion sur la société qu'elles ont distillée dans le film.


Un grand merci à Muriel et Delphine Coulin d'avoir répondu à nos questions, ainsi qu'à Léa de l'agence Cartel d'avoir permis cet entretien.

Cet épisode hors-série a été réalisé et animé par Victoire Bocquillon.


🎥 Découvrez le film Jouer avec le feu, au cinéma le 22 janvier 2025.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Adapte-moi si tu peux, le podcast qui compare des livres à leurs adaptations en film ou en série. Je suis Victoire et à l'occasion de la sortie de Jouer avec le Feu, j'ai le plaisir d'interviewer aujourd'hui les deux réalisatrices Muriel et Déphile Coulin. Bonjour !

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #0

    On peut démarrer !

  • Speaker #2

    Hier on collait les appuis pour la manif, il y avait une bande de pieds niqués qui taguait au bout des voies, il y avait un gars qui avait la dégaine de ton gamin. Est-ce que tu fabriques pour les semences ? J'accompagne les potes. C'est bien commencé, il y a des ténures qui retournent la tête des gosses. Ça ne vous dérange pas que tu en fasses un seul un de nous ? Ok, les potes,

  • Speaker #0

    tu me crains ?

  • Speaker #2

    Non, non, c'est pas ça que vous allez me craindre. Allez, c'est bon, je me casse, dis. Je te laisse avec ton fils par contre. Pousse, pousse, pousse ! Il va falloir arrêter de minimiser. Je dirais que c'est jamais assez bien pour toi ce qu'il fait. Il n'est pas obligé de tout faire comme toi. Ta vie se parle entre les troupes, on te dit que c'est l'histoire. Oui, je le suis, je le suis. Je te le dis.

  • Speaker #0

    Alors, votre livre, votre film, pardon, est adapté d'un roman, Ce qu'il faut de nuit, de Laurent Petitmangin, qui a notamment gagné le prix Fémina des lycéens en 2020. Ma première question, par pure curiosité, ce n'est pas du coup le même titre. Pourquoi ce changement ? Jouez avec le feu.

  • Speaker #3

    Alors déjà, parce que c'est un extrait d'un poème de Jules Superviel, Ce qu'il faut de nuit. En gros, ça dit ce qu'il faut de nuit pour apprécier la lumière. Et comme vous le voyez, quand on dit le titre, il faut l'expliquer. Et en cinéma, c'est un peu compliqué d'avoir un titre qui faille expliquer à chaque fois qu'on le prononce. C'est plus compliqué de le retenir aussi. Et donc, on s'est dit qu'il fallait changer, mais on voulait garder cette idée de nuit et de lumière. qui traverse toute l'histoire. En fait, c'est vraiment une histoire d'obscurité grandissante et de père à l'intérieur de cette obscurité qui essaye de ramener la lumière. Et du coup, on s'est dit que jouer avec le feu, ça se retenait mieux. Il y avait quand même cette idée-là. Et il y avait le feu qui est très, très présent dans le film, à l'image. Et puis, en plus, c'est une histoire d'éducation. Et jouer avec le feu, c'est un peu la première chose qu'on apprend à ne pas faire à son enfant.

  • Speaker #0

    Et qui exprime le danger grandissant en plus.

  • Speaker #3

    Exactement.

  • Speaker #0

    Le roman tourne autour, et le film tourne autour du trio qui est formé par le père qui est veuve, qui élève seul ses deux grands garçons qui ont à peu près la vingtaine. Donc le père est joué par Vincent Lindon et les filles sont jouées par Benjamin Voisin et Stéphane Cripon. Est-ce que, en lisant le roman, déjà comment avez-vous découvert le roman ? Est-ce que pour vous le casting a été immédiat ?

  • Speaker #1

    Alors on nous l'a apporté, un ami nous l'a fait lire. Et dès qu'on l'a lu, on a pensé à Vincent Lindon. Et donc, la productrice le connaissait, lui en a fait part, on s'est vus. Et ensuite, on a vraiment écrit toute l'adaptation pour lui. Dès qu'il a accepté, qu'il nous a donné son accord, on a revisité le personnage en ayant constamment en tête Vincent Lindon.

  • Speaker #0

    Ok, mais du coup, le livre est écrit à la première personne. Il y a beaucoup de discours un peu indirects. C'est très antérieur, en fait, comme livre. C'est beaucoup aussi de pensées. du personnage qui en plus est très taiseux. Est-ce qu'en écrivant ce scénario, est-ce que c'était difficile du coup de jouer sur ce côté très antérieur, mais en même temps de le mettre en image et le mettre en parole ?

  • Speaker #3

    Nous, du coup, on s'est dit que ce narrateur à la première personne, le meilleur moyen de l'adapter au cinéma, c'était d'avoir comme parti pris de réalisation, d'adopter le point de vue du père uniquement. Et donc on voit tout dans le point de vue du père. Alors ça ne veut pas dire qu'on est en subjectif tout le temps, évidemment il y a du subjectif et de l'objectif dans le film, mais on ne voit que ce qu'il serait susceptible de voir en vrai dans la vie. Donc il n'assiste pas à toute la dérive de son fils par exemple, il essaye de comprendre ce qu'il arrive à ses deux fils d'ailleurs, mais en particulier à l'aîné parce que celui-ci prend des chemins. complètement à l'opposé de ce qu'il espérait, c'est-à-dire qu'il croit à des valeurs d'extrême droite, il se met à prôner le racisme, il est de plus en plus attiré par la violence, et le père ne comprend pas, puisqu'il l'a élevé complètement dans d'autres valeurs. Lui, il est humaniste, démocrate, et il ne pensait pas que son fils tournerait aussi mal.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le film, on voit que le personnage de Vincent Lindon, il vient d'un milieu assez modeste, il est chez Nino à la SNCF, mais on comprend que quand il était plus jeune, y tracter, plutôt pour des parties d'ailleurs de gauche, donc il pense avoir transmis ses valeurs à ses enfants, et il va y avoir vraiment une fracture entre les deux fils, puisque donc là, l'aîné Fous va se diriger plutôt vers l'extrême droite. et le cadet, plutôt vers un milieu plus intellectuel, il va faire une prépa, puis il va aller à la Sorbonne. Et justement, ce qui est intéressant dans le livre, c'est le côté, c'est très suggéré, la violence. On ne voit pas la violence de Fousse, en fait. On voit surtout qu'il porte des symboles, il y a des bandanas, etc. Mais le film choisit justement d'aller frontalement sur la violence, notamment par la scène dans l'entrepôt où Vincent Lernon découvre que son fils On fait du free fight, les gens crient, on sent cette violence qui est plus perceptible. Est-ce que ça, c'était seulement une volonté de mettre en image ou est-ce que vous vouliez justement ne pas suggérer seulement la violence et montrer ce que c'est la violence de l'extrême droite ?

  • Speaker #1

    Le problème, je pense, c'est justement qu'on est au cœur de l'adaptation. C'est-à-dire que pour moi, le livre est violent dans les sentiments, dans la dérive de Fousse, elle est violente. En revanche, je n'ai pas l'impression que notre film soit si violent que ça. D'abord parce que je crois qu'aux informations, quand on voit ce qui se passe dans le monde, il y a beaucoup plus de violence et en plus c'est de la violence réelle.

  • Speaker #3

    Ou même dans n'importe quelle téléfilm. Oui,

  • Speaker #1

    ou même dans n'importe quelle téléfilm. Là, il faut quand même dire que d'une part c'est de la fiction. Et ensuite, c'est bien la différence entre un livre et un film, c'est que le film est immédiatement visuel et que donc quand on est en gros plan, par exemple, on prend les images comme ça un peu fort. Mais je pense que la... tension qu'il y a dans notre film, elle fait écho à la violence peut-être plus sourde qu'il y a dans le livre, mais en tous les cas, c'est un équivalent cinématographique à ce qui se passe dans le livre. Enfin, j'ai l'impression. Oui,

  • Speaker #3

    oui. Parce qu'au contraire, je pense que ça aurait pu être beaucoup plus violent, parce qu'il y a des choses dans le livre qui sont très violentes et qu'on a choisi de ne pas montrer. Donc, c'est un équilibre, en fait. Et dans notre film, à part cette scène de combat clandestin, il y a... on a vraiment stylisé la violence. Par exemple, quand Fous s'en dévoilait trop l'histoire, quand Fous s'attaque à un autre, on ne voit que l'après-combat, alors qu'on aurait très bien pu voir les bagarres. Donc, non, non, on a cherché, au contraire, on ne voulait pas de violence facile. En revanche, on voulait que le père et le fils s'affrontent vraiment, se disputent vraiment, et que là, on comprenne ce qui se passe à l'extérieur. de la maison et qu'on comprenne par l'observation du père ce qui se passe chez son fils. Mais il n'y a pas de sang ? Non, du tout.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que par rapport au livre, ou en plus on le voit dans le livre que le père se couche en fait, il n'ose jamais confronter son fils. Il lui-même reconnaît un peu sa lâcheté, alors que dans le film justement le personnage de Pierre de Vincent Lindon essaye de confronter son fils, sauf que son fils à un moment on vient presque aux mains avec lui.

  • Speaker #3

    Oui, c'est vrai. C'est vrai que Vincent est plus actif que le personnage du roman, je pense. C'est quelqu'un... Ce père, il essaye, mais un peu comme nous tous, parce que pour moi, le père, en fait, c'est un écho de notre pays tout entier en ce moment.

  • Speaker #1

    Pour moi, la différence entre le livre et le film, c'est que, effectivement, quand on a su que ce serait Vincent Lindon qui ferait le personnage, Vincent, d'emblée, il a un charisme, il a une force. Et du coup, on ne le voit pas ne pas s'opposer à son fils. Donc, on a rajouté un peu de dialogue par rapport au bouquin. Mais aussi, comme disent les Américains, action is character. C'est-à-dire, l'action, c'est le personnage. Et il faut que par ces actions, on ait des idées de ce qu'est le personnage. Et ce sont véritablement des actions. Donc, il faut rajouter une opposition, des dialogues. Là où un écrivain peut nous décrire. ses sentiments, son état d'esprit à un moment donné. Nous, il faut que ça se voit. Et donc, en tous les cas, que la majeure partie se voit. Et donc, voilà, encore une grosse différence entre les livres et le film.

  • Speaker #0

    Mastouf, vous n'avez pas cédé, entre guillemets, à la facilité d'utiliser une voix off. Donc, ça passe vraiment par le jeu et par l'image.

  • Speaker #1

    Oui, oui, il fallait. C'est vrai que c'est un autre type de film quand on a une voix off, comme par exemple dans Les Illusions perdues. dans lequel Benjamin Voisin avait le rôle principal et pour lequel il a eu le César de la Révélation. C'est magnifiquement fait, avec une voix-off qui court tout le film. Là, vraiment, nous, on voulait que ce soit des scènes qui décrivent ce que ce père a dans la tête et ne pas recourir à la voix-off. C'était certain. Depuis le début de l'adaptation, on savait qu'on ne ferait pas ça.

  • Speaker #0

    Et il y a aussi un côté plus visuel. dans la représentation des amis de Fouches, qui correspondent quand même à certains critères, ils ont beaucoup le crâne rasé, etc. Il y a quand même une ressemblance au site physique dans ce groupe, pour montrer cette appartenance-là. Mais par contre, Benjamin Voisin, le personnage de Fousse, ne passe jamais à cet acte-là, même s'il va quand même jusqu'au tatouage d'une croix celtique et un symbole néo-nazi. Ça c'est une scène d'ailleurs rajoutée par rapport au livre. Est-ce que justement c'était important pour vous aussi de caractériser ce groupe-là, ce gang un peu avec des codes qui aujourd'hui font... beaucoup écho dans la société au vrai code de certains groupes d'exemples.

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est-à-dire que c'est là où le travail de transposition ou d'adaptation est nécessaire, c'est-à-dire que dans le livre, c'est un bandana que Fou se porte au début et qui met l'indice dans le cerveau du père à dire, mais qu'est-ce que c'est que ce bandana ? C'est un bandana d'ultra ? Oui, c'est la Ladio de Rome, etc. Et nous, le bandana, ça nous semblait d'abord pas assez fort et peut-être... même si on adore non seulement Laurent Petit-Mangin lui-même, mais son livre, c'était quelque chose qui nous semblait un petit peu daté. Les bandanas, aujourd'hui, on a moins ça, alors que le tatouage, il y a une espèce de revival du tatouage, est particulièrement dans ce groupe. Et pour nous, il y avait aussi un thème qui traversait tout ça, c'était la famille. Comment Fousse, mal à l'aise dans la vie, mal à l'aise avec ses études qu'il pense un peu ratées, se choisit une autre famille ? Et cette appartenance à cette famille, il fallait qu'elle soit visuelle. Et au lieu d'avoir un bandana comme dans le livre, on a préféré le tatouage.

  • Speaker #0

    C'est vrai que ce thème de trouver une autre famille et de savoir se trouver soi-même aussi dans une société un peu désœuvrée, ça se passe dans l'Est de la France. Moi, ça m'a aussi beaucoup rappelé leurs enfants après eux. Bien sûr, c'est aussi cette même France un peu désinitialisée, où il y a beaucoup de difficultés pour les jeunes. Donc j'ai trouvé ça aussi. Très fort, finalement, ce côté. Il est tellement désœuvré et perdu dans sa vie, Fousse, que du coup, il va finalement en venir à des situations affreuses, alors que de la vie de son père, de la vie de son frère, il n'est pas comme ça.

  • Speaker #3

    Il y a quand même une vraie différence, je trouve, c'est que leurs enfants après eux, c'est en 1990. Et là, on est clairement aujourd'hui, aujourd'hui. On a même cherché, parce que le livre a cinq ans, mais on a vraiment cherché à le ramener au plus contemporain qu'on pouvait.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est quelque chose qui m'a marquée en lisant le livre, c'est que c'est écrit en 2020, donc on était quelques années après le second tour Macron-Le Pen, et là on se dit en seulement 5 ans, on a l'impression que la France est encore plus fracturée, et ça se ressent effectivement dans le film justement cette montée cette tension qui m'a paru encore plus forte effectivement dans le film par rapport au livre. Il y a une autre chose qui m'a marquée aussi, c'est que dans le film, les personnages, le milieu est très masculin en fait. Forcément, c'est un père avec ses deux fils. Le père bosse à la SNCF, on voit que c'est un milieu aussi très masculin, il travaille sur les lignes de nuit. Et finalement, il y a peu de femmes, la mère est morte, il y a peu de femmes dans leur entourage à part les figures un peu d'autorité, comme à l'hôpital, ou quand il y a un procès. la juge est une femme, l'avocate, etc. Il y a aussi une certaine représentation de la masculinité via Vincent Lindon, qui est un père aimant, mais très taiseux, qui ne va pas quand même très souvent parler de ses sentiments frontalement. Est-ce que vous avez justement voulu instiller une réflexion sur la masculinité également à travers ce film ?

  • Speaker #3

    Oui, clairement. Bon, alors, on partait d'une matière très masculine. Le roman est très, très masculin. Déjà, oui, les trois personnages principaux sont des hommes. Mais c'est vrai que ça nous a posé question dès qu'on a commencé à se documenter sur ces milieux d'extrême droite. En fait, évidemment, il y a quelques femmes, on en a tout de suite en tête quand on en parle, mais globalement, c'est quand même très, très masculin. Et nous, quand on a enquêté, ça nous a vraiment frappé. Donc, certes, ça vient du roman, mais c'est aussi très... ça reflète vraiment bien la réalité. Et par ailleurs... effectivement nous ça nous posait question de faire un film entièrement sur des hommes ou même d'écrire un livre aujourd'hui avec que des hommes comme personnages et notre manière à nous ça a été comme vous le relevez justement de transformer certains des personnages alors certes secondaires parce qu'on ne pouvait pas changer les trois personnages principaux mais les personnages un peu plus secondaires de les... ceux en tout cas de pouvoir de savoir et ce qui apportait de la lumière finalement dans cette obscurité-là. Ce seraient des femmes. Et donc, le doyen de l'université dans le bouquin, il est incarné par la vraie doyenne de la faculté des lettres de la Sorbonne. L'avocat est devenu une avocate, le juge est devenu une juge. Voilà, c'était notre manière à nous de faire politique et de montrer que les femmes sont peut-être une solution possible à cet obscurantisme.

  • Speaker #0

    C'est vrai que moi, ça m'a beaucoup frappée, effectivement. Et... Bon alors, sans spoiler, mais la fin du film est différente de la fin du livre quand même, parce qu'il y a une grosse noirceur à la fin du livre, alors qu'au contraire le film apporte un certain espoir, un peu une lueur d'optimisme quand même. Pourquoi ce changement ? Et surtout, est-ce qu'avec les différents... Même si le film est plutôt fidèle au roman, est-ce que quand vous en avez discuté avec l'auteur Laurent Petitmangin, est-ce que c'était une négociation ? Est-ce qu'il était à l'aise avec... Ces changements ?

  • Speaker #1

    Pas du tout. Alors, c'est-à-dire que Laurent Petitmangin a eu cette générosité de ne pas intervenir du tout sur le scénario.

  • Speaker #3

    Non, mais on a discuté de la fin quand même.

  • Speaker #1

    Mais on a discuté quand même de la fin. Et ce qui est très drôle, c'est que lui-même nous a avoué qu'il a hésité longtemps à mettre cette dernière lettre, dont on ne va pas parler parce qu'il faut lire le livre et il faut voir le film. Mais il y a une grosse, grosse différence à la fin. Et ce qui était drôle, c'est que lui-même a voulu avoir hésité pendant très très longtemps à la mettre ou pas. Finalement, il la met et nous, on ne la met pas. Mais comme ça, je ne spoil rien.

  • Speaker #3

    Et après, oui, ça c'était notre conviction à nous. On avait envie de finir sur une note d'espoir parce qu'on pense que tout n'est pas fichu complètement dans notre pays et qu'au contraire, on peut continuer à espérer faire société de la même manière que trois essayent de faire famille.

  • Speaker #0

    C'est une bonne vision, je pense. Et puis c'est vrai que, parce que le film est assez sombre sans être violent, mais voilà, et c'est vrai que le fait de terminer sur une note où le père et ses fils gardent quand même cet esprit ensemble, c'est quand même, c'est bien de montrer que la famille, finalement, leur lien va percuter leurs différents politiques et tout ce qui va se passer pour Fousse d'un point de vue juridique. Ce n'était pas votre première adaptation, je vous vois avec le feu, puisque vous aviez déjà écrit. s'en bat pour la France et voir du pays qui sont adaptés de vos romans, Bellefine. Et cette fois, vous adaptez du coup un roman d'un autre auteur. Est-ce que c'est plus facile ou est-ce que c'est plus justement difficile de s'attaquer à un texte qui ne base n'est pas le vôtre ?

  • Speaker #3

    En fait, on aura eu les trois cas de figure parce qu'on a adapté un de mes romans nous-mêmes, on a adapté un de mes romans pour Toledano et Nakache, c'était eux qui réalisaient et on écrivait ensemble. Et puis là, on adapte le roman de quelqu'un d'autre. Donc là, on peut vraiment, sur votre émission, on est à fond, on peut faire trois épisodes. Mais c'est vrai que je ne dirais pas que c'est plus difficile ou plus facile. Pour moi, en fait, à chaque fois, le fait d'avoir les deux casquettes fait que pour moi, c'est deux objets différents. De toute façon, le livre et le film, c'est comme si on disait à partir d'une peinture, on va faire une musique et on voudrait que ce soit exactement pareil. Ben non, on n'arrivera jamais. ces deux médiums totalement différents, deux médias totalement différents. Donc c'est la transposition qui est à chaque fois une gageure, en fait. À chaque fois, essayer de retrouver l'esprit quand même du livre dans le film, espérer qu'un lecteur ne soit pas déçu parce que c'est quand même toujours le risque, c'est justement le réinventer. Je pense que de la même manière que pour Samba, Le film est très différent du livre, tout en racontant la même histoire avec les mêmes personnages. C'est une comédie, alors que mon livre était un drame. De la même manière que Voir du pays, une fois qu'on a réinventé l'histoire, on a créé des scènes qui étaient très visuelles et différentes du bouquin. On avait même changé un des crimes dans Voir du pays, et fait sur une autre fille que celle du livre. Là, de la même manière, on a cherché vraiment à garder l'esprit. On est parti des mêmes personnages. On a à peu près le même déroulé. Mais on a inventé des scènes supplémentaires. On a supprimé tout un pan du livre. On a quand même fait des aménagements. C'est comme récupérer un appartement et le changer du sol au plafond. Mais malgré tout, la structure, c'est la même. Les lignes seront toujours les mêmes. Les pièces seront à peu près au même endroit. Après,

  • Speaker #0

    C'est un livre qui finalement correspond un peu à votre univers. Vous avez quand même une filmographie plutôt engagée, avec des thèmes très forts. Donc quelque part, c'est quand même des thèmes, je pense, qui correspondent à ce que vous aimez faire en termes de cinéma. Et du coup, j'ai une dernière question. Est-ce que vous avez déjà d'autres projets d'adaptation ? sur lesquels vous avez commencé à parler.

  • Speaker #1

    Non, mais on est très ouverte à ce qu'on nous en propose.

  • Speaker #3

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Oui, votre boîte à lettres est ouverte.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    En tout cas, je souhaite énormément de succès à votre film Jouer avec le feu que moi, j'ai beaucoup aimé. Donc, j'espère qu'il rencontrera beaucoup de succès en salle. Et je vous remercie, Amélie Delphine, d'avoir répondu à nos questions.

  • Speaker #3

    Merci à vous.

  • Speaker #1

    Merci.

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