Speaker #1Bonjour. Au cours de la mission STS-111 de la navette spatiale américaine Andy Vore, Philippe Perrin effectue plusieurs sorties extravéhiculaires pour assembler le bras robotique canadien de l'ISS. Ces tâches, longuement répétées, nécessitent concentration et technicité, mais laissent aussi place à la rêverie et à la poésie. En apesanteur de Philippe Perrin a été publié chez Michel Laffont en avril 2024. Station Spatiale Internationale, 11 juin 2002. Aujourd'hui, c'est la deuxième sortie, pendant laquelle Franklin et moi allons installer le MBS, c'est-à-dire l'épaule du bras robotique de la station. Contrairement à un torsus humain muni de deux bras, le MBS ne comporte qu'un seul bras, pour des raisons d'économie budgétaire, mais qu'il peut positionner sur quatre épaules différentes, chacune permettant de travailler dans une société de travail. direction spécifique. Nous allons installer ces quatre épaules sur un chariot électrique qui longera le treillis métallique central de la station permettant à l'extrémité du bras d'atteindre n'importe quel point de l'ISS. la plus belle et sûrement la plus chère grue de chantier au monde. La mission est critique, car sans cette grue, il n'y aura pas de station spatiale. Pour installer le MBS sur son chariot, je dois tout d'abord rejoindre l'avant de l'ISS, à la force des bras, traînant mon petit vaisseau spatial de scaphandre avec moi, flottant dans l'espace, mais toujours retenu à la station par un fil, ma ligne de vie. Je commence l'excursion, vaillant et plein d'énergie, inondé d'une lumière solaire dont l'intensité me ragaillardit. Mais alors que l'ISS plonge soudainement dans l'ombre de la Terre, tout devient étonnamment difficile, voire inquiétant. Je me dis que c'est littéralement le jour et la nuit et partage mon sentiment à l'intercom en utilisant l'expression anglo-saxonne This is night and day ce qui sonne moins bien. Je me suis toujours demandé pourquoi les anglo-saxons au saxon allait de l'ombre à la lumière, alors que nous allons en sens inverse, comme attirés par la noirceur du monde. Question de tempérament, sans aucun doute. Dans la nuit noire, ma visibilité se réduit au petit halo de lumière que diffusent les projecteurs de mon casque. Je progresse avec difficulté quand je me retrouve arrêté net, sans plus pouvoir avancer. Tournant la tête et avec elle le faisceau de lumière, je vois ma ligne de vie tendue et comprends qu'elle n'est pas assez longue. Je m'en sépare et m'accroche à un nouveau fil d'Ariane afin de poursuivre mon chemin. Alors que je tends ce dernier pour en t'aider, je me dis que je ne peux pas. la solidité, il largue soudainement les amarres, sans bruit. Voici mon corps propulsé dans l'espace, tournoyant sur lui-même. Immédiatement, j'engage les petits moteurs à azote pulsé, mais ayant déjà trop de vitesse, j'épuise. leur réservoir avant de pouvoir casser ma vitesse. Malheur à moi, je plonge vers le noir des ténèbres sans espoir de retour. C'est l'impression de manquer d'air qui finit par me réveiller en sursaut et en sueur. Tout cela n'était qu'un mauvais rêve. Autour de moi, les outils du scaphandre dansent en apesanteur et s'entrechoquent en doux cliquetis métalliques comme pour m'aider à sortir doucement de ma torpeur et me chanter. que je suis toujours en vie, à l'abri dans l'ISS. Plus pour très longtemps. Trois heures passent. Après la séance d'exercice sous oxygène, le rituel d'habillage et les opérations de sas, nous voici, Franklin et moi, à nouveau dans l'espace où nous cheminons jusqu'à l'avant de la station, cette fois-ci sans encombre. Le MBS ayant passé une journée à attendre notre arrivée, il est maintenant en équilibre thermique parfait avec son chariot et va pouvoir y être boulonné. Franck là et moi devenons des mécanos de l'espace utilisant des mécaniques de la nature. utilisée pour notre force brute et la dextérité de nos mains gantées, notre rôle consistant à accomplir toutes les tâches trop précises pour être exécutées par le bras. Boulonnage, connexions électriques, connexions digitales. Le MBS est maintenant en place, bien verrouillé sur son chariot, ce que nous confirme Peggy à la radio. Vous avez bien travaillé les gars, je dois mener quelques tests, profitez-en pour vous reposer un peu. Le contemplatif que je suis ne pouvait pas recevoir de consignes plus engageantes et je décide de profiter de cette pause pour admirer la voûte céleste que je n'ai pour l'instant. pu bien observer depuis l'intérieur de la station où la pollution lumineuse est trop forte. Le ciel originel se dévoile enfin à moi, débarrassé des filtres et des perturbations atmosphériques qui sur Terre font scintiller les étoiles. La voûte céleste est en orbite. plus intense. Elle apparaît immuable et éternelle. Depuis des millions d'années, le ciel nocturne a fasciné les hommes. Il a été leur seul spectacle avant que la pollution lumineuse des villes et les distractions du monde moderne ne les en détournent. Aujourd'hui, la pollution est telle que dans certains endroits de Chine, des enfants n'ont jamais eu la chance de voir un ciel étoilé. Et pourtant, depuis la nuit des temps, les étoiles ont guidé les hommes. Elles ont orienté l'homme préhistorique égaré, qui revenait tard après sa chasse, à tel point que, je me demande parfois, si quelques-unes des peintures rupestres ne représentent pas des constellations. Elles ont guidé le navigateur en mer jusque très récemment. Pendant mon service dans la royale, j'aimais attraper les étoiles au sextant le matin et les ramener sur l'horizon naissant. avant que le soleil ne les engloutisse, ou le soir, quand elles naissaient furtivement, avant que l'horizon ne disparaisse à son tour dans les ténèbres. Aujourd'hui encore, pour naviguer dans l'espace, l'homme pointe les étoiles de façon automatique avec des Star Strikers, mais aussi de façon manuelle, car pour un astronaute, les étoiles sont comme des phares dans la nuit qui seules peuvent le sauver du naufrage. À la Cité des Étoiles, près de Moscou, les cosmonautes ont fait un tour de la Terre. Les astronautes ont un planétarium où ils apprennent à naviguer à travers la simple lecture du ciel étoilé, visible depuis le petit hublot du Soyouz. C'est là que j'ai appris à connaître mes compagnes de bord, à leur donner un nom, une géométrie, et que je les ai, elles aussi, apprivoisées. Dans mon scaphandre d'astronaute à l'avant-poste de cette station qui tournoie à Mach 25 autour de notre planète, Je me sens très peu différent de l'homme primitif et je me laisse profondément enivré par la beauté mystérieuse du monde qui m'entoure. Il me semble que les étoiles immuables relient les hommes entre eux comme des passerelles à travers le temps et l'espace.