VirginieVous vous posez des questions sur l'agriculture ? Vous êtes au bon endroit. Je m'appelle Virginie, je suis journaliste agricole, mais aussi 100% urbaine et pas du tout issue du monde agricole. Depuis que je travaille dans ce domaine, je vois bien qu'on a tous des milliers de questions sur le sujet. Dans Agriquoi, j'ai décidé d'essayer de répondre à toutes ces questions qu'on n'ose pas poser. Bonne écoute ! Bonjour tout le monde et bienvenue dans un nouvel épisode du podcast Agriquoi. L'agriculture a souvent une image ancienne, traditionnelle. On a l'image un peu de l'agriculteur seul dans son vieux tracteur. Or, le numérique et la technologie sont arrivés depuis bien longtemps dans le monde agricole. Il y a des capteurs, des drones et même des robots, oui oui. Et tout ça, c'est regroupé sous le petit nom d'agriculture de précision. C'est très à la mode, à tel point qu'elle s'affiche comme une solution face aux changements climatiques, au même titre que les pratiques agro-écologiques. Alors, est-ce que la technologie peut sauver l'agriculture ? C'est le sujet de l'épisode du jour. Petite anecdote pour commencer, la première fois que j'ai dû couvrir un salon agricole, je me suis retrouvée devant un tracteur dont les pneus étaient beaucoup plus hauts que moi, avec un prix dépassant les 400 000 euros et un tableau de bord qui tenait plus d'une Tesla que d'une Twingo. Et c'est là que je me suis dit que j'avais dû rater un truc dans le développement du monde agricole. Et c'est de ça dont je voulais vous parler aujourd'hui. Alors, à quoi ça peut bien servir un outil pareil ? En fait, l'agriculture de précision, comme on l'appelle, vise à limiter l'utilisation des pesticides et des engrais, en se basant sur l'adage suivant, la bonne dose de produits au bon endroit, au bon moment. En gros, au lieu de passer le tracteur pour épandre un produit de la même façon sur tout son champ, l'agriculteur va pouvoir adapter la quantité à chaque zone de son champ, à chaque petite zone, presque à la plante même si vous voulez. Et comment on fait ça ? Cette agriculture de précision se découpe en 3 catégories. La première, ça va être de mesurer. De plus en plus d'agriculteurs s'équipent d'une station météo connectée par exemple, d'un GPS embarqué sur le tracteur. ou de télédétection, c'est-à-dire des images obtenues via des drones ou des satellites. L'objectif de ces mesures, c'est de connaître parfaitement son champ, la météo pour les prochains jours, le taux d'humidité de son sol, bref, avoir le maximum d'informations disponibles. Le deuxième volet de l'agriculture de précision, c'est de décider. Il y a des logiciels aujourd'hui disponibles qui s'appellent d'aide à la décision. Ça va par exemple fournir des cartes détaillées des champs, avec un joli code couleur vert jusqu'au rouge, et qui montre en fait que par exemple dans cette zone-ci, il manque un peu d'engrais, alors que dans cette autre-là, il y en a un peu trop. Et par exemple que la zone ici, elle est très humide, alors que celle-ci, elle est plus sèche, pour notamment l'irrigation par exemple. Et tout ça, c'est souvent relié à de jolies applications mobiles disponibles à distance, bien sûr pour que l'agriculteur puisse les consulter quand il le souhaite. Et le troisième volet, c'est agir. Par exemple, les agriculteurs peuvent utiliser des tracteurs qui utilisent l'autoguidage. C'est-à-dire que l'agriculteur est assis dans le tracteur, mais il ne le conduit pas. C'est le tracteur qui circule dans le champ selon la cartographie enregistrée. Du coup, il fait son petit itinéraire et ça évite par exemple de passer deux fois au même endroit ou d'oublier carrément une zone. L'objectif, c'est toujours le même, c'est d'économiser du produit et d'adapter sa pratique à chaque zone. Mais ça va même plus loin, cette partie d'action. Puisque en plus du tracteur autoguidé, il y a déjà même des robots, des robots autonomes, par exemple pour pouvoir désherber, c'est le cas en viticulture et en maraîchage. Il y a aussi des robots de traite pour que les vaches passent seules à la traite, ou des robots même pour distribuer la nourriture aux animaux, avec la bonne ration déjà équilibrée par exemple. Donc en fait, on n'est vraiment pas avec l'agriculteur tout seul dans son tracteur, qui est un peu détaché de la société, loin s'en faut. Certains sont même ultra connectés. Bref, ça entente de plus en plus et ça se voit vraiment dans les salons agricoles. Alors quels sont les avantages de ces nouveaux jouets ? Comme je le disais, l'objectif numéro 1, ça reste la diminution des doses de produits utilisés et une adaptation vraiment presque à chaque plant. Donc ça permet de faire des économies aux agriculteurs par rapport aux produits utilisés et on peut dire que c'est meilleur pour l'environnement puisqu'on limite l'utilisation d'engrais et de pesticides. L'objectif numéro 2, c'est de limiter la pénibilité du travail. Ben oui, quand c'est un robot qui le fait, c'est quand même plus simple. Et aussi, ça répond à la question de la difficulté de recruter. Et donc certains, aujourd'hui, quand j'échange avec eux, ils voient le remplacement de main-d'œuvre par un robot parce qu'ils ont énormément de difficultés à recruter. C'est notamment le cas en arboriculture. Donc ils travaillent d'arrache-pied pour trouver des robots et des solutions adaptées au fait qu'ils ont beaucoup de mal à trouver des saisonniers pour ces cultures-là. Et le petit bonus à ces avantages, c'est que certains disent que ça peut motiver les jeunes notamment à s'installer, parce que c'est fun à utiliser et que c'est moins pénible comme je le disais, donc ça peut en motiver certains. Mais vous vous en doutez, cela pose aussi quelques inconvénients. Le premier, on va être clair, c'est le coût. Si tu mets 300 000 euros du tracteur, 200 000 euros du robot, ça fait de sacrés investissements. Et il faut que la ferme puisse suivre. Et c'est d'ailleurs pas un hasard que ces technologies se retrouvent souvent dans des exploitations de grande taille ou qui fonctionnent bien, comme dans les céréales ou dans la viticulture. Souvent, en rachetant des champs à côté, par exemple pour s'agrandir, ces champs, là, rachetés, peuvent avoir des besoins différents. Et c'est là que le monitoring est intéressant. Le deuxième inconvénient pour moi c'est la déconnexion. Il y a des agriculteurs qui restent peu connectés, que ce soit par l'utilisation d'un téléphone ou d'un ordinateur, comme c'est le cas encore de beaucoup de personnes dans la société. Or de plus en plus d'acteurs du secteur passent aux applications mobiles et cela risque en fait d'en perdre un certain nombre en route si ces outils deviennent de plus en plus courants justement. Donc ça pose aussi une question sur le fait que cette petite révolution puisse en laisser certains sur le bord de la route. Et le troisième point dont j'aimerais vous parler, c'est que tout ça ne pousse pas forcément à changer de modèle agricole. En fait, tu adaptes la stratégie que tu as déjà en soi. Et ça ne fait pas changer de produit non plus, ça en diminue l'utilisation. Du coup, pour moi, ça ne se pose pas forcément à passer en bio ou à adapter d'autres types de pratiques agroécologiques. ou à essayer de diversifier par exemple ses rotations ou de changer ses pratiques. Mais par contre, ça ne le pousse pas forcément. Donc à voir exactement si ça peut compléter d'autres choses ou est-ce que c'est juste limiter son impact pour produire toujours davantage. Et là du coup, ça devient contre-productif, c'est le cas de le dire. C'était pas voulu. Bref. Et d'ailleurs, deuxième point, ça demande aussi de regarder des statistiques et de faire un peu moins de travail d'agronome de terrain. Et certains, là, voient aussi justement la disparition du travail d'agriculteur, où ce sera juste des gens derrière des écrans et qui regarderont leur champ de loin. A voir si ça va jusqu'à ce niveau-là. En conclusion, à ce jour, l'agriculture de précision est un mouvement bien lancé, notamment pour les capteurs et les logiciels intégrés. Par contre, cela s'applique à certaines fermes et pas à d'autres. Quand un robot est tracteur autonome, c'est encore en développement, mais ça a tendance à se démocratiser. Le frein numéro un, vous vous en doutez, c'est le cou, comme je l'expliquais. Et le deuxième frein, c'est un frein réglementaire, parce que même s'ils sont autonomes, ils ne peuvent pas circuler sur la route sans la surveillance d'un être humain. Et donc cela pose des freins, notamment pour passer d'un champ à un autre, par exemple. Du coup, autonome, mais accompagné, à voir si ce point-là va changer. Et le dernier point, c'est qu'au niveau environnemental, comme je le disais, c'est bien parce que tous ces outils permettent de limiter l'utilisation des pesticides et des engrais et de les mesurer vraiment de façon très précise pour agir au mieux. Mais de l'autre côté, cela ne force pas forcément à changer ses pratiques ou à développer une stratégie agronomique différente. Ça permet de monitorer ce qui est déjà fait. Donc, à voir où est-ce que ça va exactement comme utilisation. Voilà, j'espère que cet épisode vous a plu. J'avais vraiment hâte de vous en parler parce que c'était toute une partie que je ne connaissais pas du tout avant de travailler dans le monde agricole. Et comme je vous dis, c'est quand même une voie envisagée pour pouvoir lutter contre le changement climatique. Donc, ça reste super intéressant. On se retrouve dès la semaine prochaine avec un autre épisode et je vous souhaite une bonne journée.