Virginie MontmartinVous vous posez des questions sur l'agriculture ? Vous êtes au bon endroit. Je m'appelle Virginie, je suis journaliste agricole. mais aussi 100% urbaine et pas du tout issue du monde agricole. Depuis que je travaille dans ce domaine, je vois bien qu'on a tous des milliers de questions sur le sujet. Dans Agriquoi, j'ai décidé d'essayer de répondre à toutes ces questions qu'on n'ose pas poser. Bonne écoute ! Bonjour tout le monde et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Agriquoi. Blé, maïs, blé. Maïs ! Quand je regarde les champs le long de la route en voiture, j'ai souvent l'impression que c'est pas très diversifié quoi. De là à penser que la France est en monoculture, il n'y a qu'un pas. Et quand on pense à la monoculture de soja au Brésil ou d'huile de palme en Indonésie, la pratique n'a pas vraiment bonne presse. Alors, qu'en est-il en France ? Est-ce qu'elle est, est-ce que la monoculture est vraiment très présente ? Et qu'est-ce que c'est exactement la monoculture ? C'est le sujet de l'épisode du jour. Allez, on commence comme toujours par un petit instant définition que j'ai prise cette fois-ci dans un manuel d'agronomie. La monoculture, c'est l'absence de rotation. C'est refaire une même culture tous les ans sur le même champ. En gros, tu plantes un maïs, tu le récoltes. L'année suivante, tu replantes un maïs, tu le récoltes. L'année suivante... Je pense que vous avez compris l'idée. L'avantage numéro 1 de cette pratique, qu'est-ce que ça apporte d'être en monoculture ? Ça permet une augmentation de la productivité et de l'efficacité. Et bien oui, tu as un chantier qui est généralement assez grand d'une seule et même plante. Tu peux acheter les outils dédiés pour pouvoir le récolter. Tu maîtrises très bien toutes les étapes de production. Tu es sûr aussi à peu près de ton rendement final parce que tu as pris l'habitude. Et c'est plus facile pour pouvoir... le vendre derrière. Et tout ça permet d'optimiser la ferme, tant en termes d'échelle qu'en termes de capital, qu'en termes de revenus financiers, qu'en termes de plein de choses en fait. C'est vraiment une idée de productivité et d'optimisation. Les inconvénients ? Bon, ceux-là, généralement, tout le monde les connaît. On ne va pas chercher très loin. Déjà, c'est plus sensible aux maladies, puisqu'il n'y a qu'une seule plante qui est là chaque année. Et bah les ravageurs, les maladies, les champignons, tout ce que vous voulez, et bah ils se développent toujours plus chaque année, et donc on doit forcément utiliser plus de pesticides pour pouvoir lutter contre eux. De même, puisque c'est la même plante, elle absorbe toujours les mêmes nutriments dans le sol, et donc il faut forcément mettre des engrais pour pouvoir l'aider à pousser. Donc forcément ça a un impact également sur la vie du sol. Quelle est la situation là-dessus en France, selon vous ? Il y a beaucoup de monocultures ou pas beaucoup de monocultures en France ? La monoculture en céréales en France, elle est plutôt limitée. Il y a deux cultures qui sont surtout en monoculture en France, le maïs et le blé. Dans le maïs, il y a à peu près 13% des cultures de maïs qui sont en monoculture et entre 10 et 15% des cultures de blé. Après, ce sont des chiffres que j'ai vus... très peu cités en toute franchise, qu'on trouve plus ou moins vieux, entre 2019-2021, un peu tout ça. Donc on va mettre ces chiffres entre guillemets, mais quoi qu'il advienne, on va considérer que la monoculture est minoritaire en France. Mais peu de monoculture ne veut pas forcément dire qu'il n'y a pas de problème, pas de question en suspens dans la façon dont on cultive les céréales. En France, on a en majorité des rotations dites courtes. qui sont des rotations souvent triennales, qui sont par exemple on plante un colza en année 1, on met un blé en année 2, on met un orge en année 3 et après on recommence. Ou des rotations biennales avec une alternance de maïs et de blé par exemple. Donc l'agriculteur change de culture en soi, mais ça reste souvent l'idée d'enchaîner les deux ou trois mêmes cultures, donc ça crée là encore des sensibilités aux insectes et aux maladies. Donc le premier levier pour pouvoir éviter ça, c'est de travailler pour allonger la rotation, pour aller vers une rotation longue, qui peut aller parfois même jusqu'à 10 ans. Et on va essayer justement de rajouter de la variété dedans. Donc souvent une prairie par exemple, ou des variétés pour l'alimentation du bétail, bref, on va essayer de tourner. régulièrement pour qu'en fait la culture qui va arriver l'année d'après et bien elle ne soit pas du tout sensible aux agresseurs et aux maladies qui pouvaient être présentes l'année d'avant. Ça va être ça la logique. Aussi d'apporter des choses au sol pour qu'il ait le temps de pouvoir se développer et se refaire entre deux cultures. Donc déjà une amélioration sur les rotations. Le deuxième travail qu'il y a également en France c'est que si on a l'impression de voir que du blé et du maïs en été c'est que ça dépend aussi des débouchés disponibles. Ce sont des produits très demandés par l'agro-industrie et qui s'exportent très bien en plus. Je vous en ai parlé dans l'épisode Qu'est-ce qu'on exporte le plus en France ? et en numéro 1, il y a le blé tendre. Donc c'est pas quelque chose d'anodin qu'il y ait plus de monoculture de blé en France que d'autres choses. Et justement, pour pouvoir changer ça, il faut pouvoir travailler sur les débouchés, il faut donc développer des filières derrière. pour que ce soit des matières premières qui puissent se vendre. Si on veut changer les choses produites, il faut pouvoir les vendre derrière. Et en fait, ce n'est pas juste planter autre chose. C'est un vrai travail pour passer de la spécialisation sur une seule céréale à de la diversification. Et donc ça, c'est un gros, gros enjeu agricole aujourd'hui. Le deuxième point dont je voulais vous parler, c'est que quand on parle de monoculture, notamment dans la définition, on pense souvent à l'échelle du champ de la ferme. Qu'il y ait un champ en monoculture. Mais il y a aussi des problèmes de monoculture à l'échelle du territoire. Si on y pense, si tu as un champ de maïs en monoculture, mais au milieu de plein d'autres trucs, ça choquerait pas, non ? Ce qui dérange le plus, ce sont ces énormes champs à perte de vue. C'est la monoculture à l'échelle d'un territoire. Et que ces inconvénients de sensibilité justement aux maladies, etc. et de l'érosion des sols, ça se pose encore plus à grande échelle. Et c'est un problème présent dans les céréales, mais en fait qui touche d'autres secteurs. auxquels on pense moins. Par exemple, les cultures dites pérennes, comme les arbres fruitiers ou les vignes. Là, vous pouvez me dire, c'est un peu le concept en fait. Ils sont plantés et présents pour plusieurs années, forcément, ils sont en monoculture. Oui, c'est différent de la monoculture de céréales, mais il y a un peu les mêmes problématiques. Notamment, par exemple, pour les vignes. Ou en fait, vu qu'il y a ces vignes à perte de vue, s'il y a une maladie, ou un problème d'agresseur justement dessus, ça va se répandre dans toutes les vignes très vite. C'est aussi le problème pour les cerisiers, vous savez, dans le Vaucluse, qui sont très sensibles à une mouche, qui s'est très très vite répandue également sur l'ensemble des cerisiers. Et on pense comme ça à ces grandes zones où il n'y a toujours qu'une espèce et qui du coup les rend forcément plus sensibles aux différents agents extérieurs. Et donc là, qu'est-ce qu'on peut faire ? Par exemple, pour la vigne, j'ai vu qu'il y avait des recherches, des études qui sont menées pour pouvoir replanter des arbres, mettre des plantes en inter-rangs entre deux rangées de vignes, pour apporter plus de biodiversité au sein de ces territoires et pour apporter de nouveaux insectes qui vont appeler d'autres oiseaux, d'autres espèces, pour essayer de recréer un nouvel équilibre et de mieux lutter contre les problématiques, les maladies et les agresseurs présents. Donc on voit aussi qu'il y a cet enjeu-là de ramener de la biodiversité, autant dans les cultures pérennes, donc les arbres fruitiers, les vignes, que dans les cultures dites annuelles comme les céréales. J'ai vu aussi que certains, par exemple, qui ont des pêches, ils vont essayer de faire une autre culture à côté, pour se diversifier. Par exemple, j'en ai vu qui se lançaient dans les fraises, à côté, en plus de la culture qu'ils avaient, pour pouvoir se diversifier, être un peu plus résilients à long terme. Et en fait, si on va même plus loin, j'en ai trouvé certains qui parlent de monoculture dès qu'il n'y a qu'une seule espèce dans un champ. Qu'importe en fait qu'il y ait rotation, que l'année suivante il y ait une autre plante, à partir du moment où il n'y a qu'une seule espèce dans le champ, on est déjà en monoculture. Donc en fait, quand on voit un champ de blé, juste de blé, on est déjà sur de la monoculture. Et si on prend cette conception, clairement la majorité de la France est en monoculture. Et la majorité du monde aussi, soit dite au passage. Et donc là, l'objectif serait justement de mélanger les espèces pour apporter de la biodiversité. Et donc là, on arrive sur d'autres pratiques agricoles. On pense par exemple à l'agroforesterie, on pense au mélange d'espèces qu'il peut y avoir. Pour vous donner des exemples, certains tentent le mélange du maïs avec le lablab. Je n'ai aucune idée de comment ça se prononce. Mais en tout cas, en fait, c'est une plante tropicale d'Afrique du Sud qui est une légumineuse. et qu'on met en même temps que le maïs et qui en fait cède du maïs pour pouvoir pousser et l'objectif c'est qu'à la fin il y ait plus de fourrage pour pouvoir donner à manger aux animaux d'élevage donc on va essayer de combiner deux plantes sur la même parcelle pour avoir plus de fourrage à la fin. On pense aussi par exemple au méteil, qui est lui un peu plus courant. C'est un mélange de céréales et de légumineuses plantées sur la même parcelle, là encore dans l'objectif d'apporter un fourrage plus riche, plus varié aux animaux d'élevage, tout en ayant d'autres bénéfices, notamment sur la quantité d'azote utilisé, sur les pesticides utilisés, etc. C'est plus économe que d'autres cultures. Le métaille a vraiment un enjeu intéressant. Bref, il y a plusieurs leviers également à travailler là-dessus, mais là on arrive sur encore d'autres pratiques agricoles en effet. Bref, en commençant cet épisode, je pensais que ça serait facile et qu'il y aurait une seule définition de la monoculture, et en fait, pas du tout. On se rend compte que tout dépend de l'échelle à laquelle on la regarde, donc soit l'échelle seulement d'un champ, Là, maintenant, tout de suite, si on regarde ce champ année après année, ou si on regarde ce champ à l'échelle d'un territoire, donc il y a vraiment beaucoup d'enjeux sur cette pratique agricole. Donc voilà, c'est la fin de ce petit épisode. Donc oui, il y a de la monoculture en France, et oui, elle pose beaucoup de questions pour les années à venir. Par contre, elle est moins représentée dans les céréales que ne le laissent penser nos trajets en voiture. N'hésitez pas, si vous avez des questions sur le sujet, et on se retrouve tout bientôt avec un nouvel épisode.