- François Félix
Merci d'avoir regardé cette vidéo
- Virginie
Vous vous posez des questions sur l'agriculture ? Vous êtes au bon endroit. Je m'appelle Virginie, je suis journaliste agricole, mais aussi 100% urbaine et pas du tout issue du monde agricole. Depuis que je travaille dans ce domaine, je vois bien qu'on a tous des milliers de questions sur le sujet. Dans Agriquoi, j'ai décidé d'essayer de répondre à toutes ces questions qu'on n'ose pas poser. Bonne écoute ! Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Agriquoi. On se retrouve cette semaine pour un nouvel épisode, une année dans. Le concept est très simple, je me suis rendu compte que souvent, on ne connaît qu'une seule étape d'une production, genre le moment de la récolte pour les céréales ou la traite pour le lait. Mais en fait, on connaît assez peu tout ce que font les agriculteurs le reste du temps. Et justement, mon objectif, c'est de partir à la découverte des productions et des métiers pour qu'on puisse un peu mieux connaître toutes ces étapes de production. Mais bien sûr, ce n'est pas moi qui vais vous le raconter, mais plutôt la personne qui le fait. Aujourd'hui, je voulais vous présenter François Félix, qui est producteur de rosiers en Isère. Vous savez, les rosiers que l'on achète dans les pépinières. On achète tous des plantes, enfin une grande partie, en tout cas dans mon entourage, il y en a beaucoup qui achètent des plantes, mais personnellement, je ne m'étais jamais posé la question d'où est-ce qu'elles étaient produites. Et ça, c'est une filière agricole à part entière. Ça s'appelle la filière de l'horticulture et des pépinières. Ici, dans cet épisode, François Félix va vous raconter comment il produit ses rosiers. Mais dans cet épisode, il y a aussi un peu de tout. Il y a de l'analyse de marché de la rose, il y a du tuto jardinage. Bref, c'est vraiment un épisode pépite et je suis ravie qu'il ait accepté de me recevoir dans sa roserie. Alors, comment sont produits les rosiers ? C'est le sujet de l'épisode du jour. Est-ce que vous pouvez déjà me présenter votre métier ?
- François Félix
Je suis rosieriste et c'est un métier qui est pluriel puisque je suis à la fois producteur de rosiers pour le jardin et également ce qu'on appelle optanteur de nouvelles roses, puisque une partie du métier consiste à créer de nouvelles variétés de rosiers. C'est un métier que j'ai commencé très tôt, puisque je suis né dans une famille de rosieristes, et j'ai commencé à apprendre le travail sur les rosiers, je ne sais pas, peut-être lorsque j'avais 10 ans. L'été, pendant les vacances, j'allais donner un coup de main au greffage. J'ai commencé en attachant les rosiers greffés derrière mes parents. Et puis après, j'ai rapidement appris à greffer. Et puis je suis rentré au lycée agricole, où j'ai fait des études d'agriculture puis d'horticulture. Et c'est comme ça que j'ai finalement intégré l'entreprise familiale de manière tout à fait naturelle. L'entreprise a été créée par mon grand-père dans les années 20 du siècle dernier, donc il y a un petit peu plus de 100 ans. On n'a pas les traces exactes parce que mon grand-père ne gardait pas beaucoup de papiers. Il avait commencé tout seul, il était ouvrier dans une pépinière du village et puis je pense que c'était quelqu'un d'indépendant, donc assez rapidement il avait décidé de créer sa propre petite affaire. Et comme les rosiers lui plaisaient beaucoup, il s'était spécialisé rapidement et il est devenu rosieriste. Mon père a continué dans les années 60 et j'ai repris la suite, enfin je me suis associé à mon père. Puis j'avais une furieuse envie de compléter le métier de rosieriste tel que je l'avais appris auprès de mon père. J'avais une furieuse envie de le compléter avec la création de variétés nouvelles, parce que ça c'était une chose. On ne faisait pas dans l'entreprise familiale. On cultivait des rosiers, mais on n'allait pas jusqu'à créer des variétés nouvelles. Je suis devenu obtenteur de rosiers. Et lorsque mon père a pris sa retraite, c'est avec mon beau-frère que je me suis associé. On travaille toujours en famille. Et aujourd'hui, on est dans une entreprise de production où on est deux associés, deux beaux-frères, avec six salariés permanents.
- Virginie
Et quels sont les débouchés, justement ? Où est-ce que vous vendez les rosiers que vous produisez ?
- François Félix
Alors on vend principalement en gros à 95% à des professionnels et sur différents marchés, c'est-à-dire que comme on est très spécialisé, qu'on ne cultive que des rosiers, pour essayer de limiter le risque commercial, le risque de mévente, on va s'adresser à une clientèle la plus large possible. Ça va aller du secteur des jardineries spécialisées, qui représentent à peu près 40% de notre chiffre d'affaires, jusqu'au marché du paysage, avec les entreprises de jardin, les collectivités qui sont pour nous sur le marché du paysage, et à l'intermédiaire, entre le commerce de jardinerie et le marché du paysage, il y a toute la clientèle de professionnels de l'horticulture et de la pépinière, qui vont soit acheter des rosiers qui auront été cultivés chez nous pour les vendre en direct, soit acheter des rosiers pour les recultiver chez eux en pot. Donc on commercialise en direct à tous ces clients. C'est ce qui fait l'originalité de notre métier agricole, où par rapport à une exploitation agricole traditionnelle qui maîtrise assez peu sa commercialisation, que généralement les agriculteurs vendent à un ou deux clients coopératifs, et sont assez dépendants de ces quelques clients. qui font la pluie et le beau temps sur les prix et les ventes. Nous, on a une clientèle de plus de 300 clients. La diversité de cette clientèle fait qu'on maîtrise assez bien nos prix, on maîtrise assez bien aussi les relations qu'on peut avoir avec les clients et ça donne une certaine stabilité à l'entreprise et une certaine valeur.
- Virginie
Justement, on va en parler. Alors, comme vous voulez, on commence directement par le mois de janvier pour commencer l'année ?
- François Félix
On va suivre le calendrier parce que c'est plus simple pour tout le monde. Une année de rosieriste, ça commence en janvier par le rempotage. On a récolté nos rosiers pendant l'automne, on les stocke. Du coup,
- Virginie
stockés sous serre ?
- François Félix
Alors non, on les stocke dans un très grand frigo. On a un entrepôt frigorifique dans lequel on stocke une grande partie de notre récolte et ça nous permet de venir tranquillement chercher chaque jour les rosiers qu'on va mettre en pot. À partir du moment où on sort de la période de gel, alors avec le réchauffement climatique on sort de plus en plus tôt de la période de gel, Ça peut être fin janvier ou début février. On va avoir des journées qui vont être rythmées généralement le matin par le rempotage. Parce qu'à cette époque-là de l'année, il fait froid, donc le matin on cherche à travailler à l'abri dans nos serres ou en rempote. Et l'après-midi, on sort pour faire ce qu'on appelle le sevrage des rosiers cultivés en pleine terre. Alors le sevrage, ça consiste à couper la partie aérienne des rosiers qui ont été greffés l'année précédente. Les rosiers que l'on cultive sont principalement multipliés par greffage. Et en février, on s'occupe du sevrage. C'est un chantier qui dure à peu près 15 jours, quand on arrive à le faire avec un épisode météo qui nous permet de travailler en continuité, ce qui est le cas cette année, puisqu'on vient d'avoir un mois de février assez clément. À partir du moment où le sevrage est terminé, les travaux en extérieur vont s'arrêter à nouveau pour préparer les jeunes plants. les jeunes plants qu'on va planter au mois de mars. La préparation des jeunes plants s'effectue en atelier. On revient à nouveau à l'abri. Et la préparation des jeunes plants, ça consiste à trier les différents calibres que l'on peut avoir pour préparer ce que l'on va installer dans les nouvelles pépinières, les nouvelles parcelles de plantation au mois de mars et avril.
- Virginie
Et juste pour comprendre sur la partie sevrage, c'est sevré de quoi ?
- François Félix
Oui, le mot sevrage, il nous rappelle le moment où on a été sevré. C'est-à-dire que le rosier que l'on a greffé, il est sur un plant, un plant porte-greffe, qui va donner sa racine au greffon que l'on a installé. Et donc le sevrage consiste à enlever la partie aérienne qui nourrissait la plante jusqu'à présent, c'est pour ça qu'on dit sevrage. Au printemps, quand la végétation va redémarrer, c'est la greffe qui va profiter de la nourriture que va lui donner la racine. et qui va pouvoir se développer et donner le rosier qui se développe dans sa partie aérienne avec les branches de la nouvelle variété qui va porter les belles fleurs, le beau feuillage, le beau parfum, de la rose que l'on a choisi de greffer sur le porte-greffe.
- Virginie
Et du coup, en plus de s'occuper des plants de l'année d'avant et que vous serez, vous vous occupez en même temps des jeunes plants. Donc en fait, vous gérez des années N-1, N+1.
- François Félix
Exactement. La culture du rosier dure deux ans en pleine terre. Et elle dure encore ? entre 6 mois et 1 an en pot. Donc entre le moment où dans notre pépinière on va planter un jeune rosier, un jeune porte-graisse, et le moment où on va livrer un rosier en pot à nos clients, Pour aller vers le jardinier amateur qui l'utilisera dans son jardin, il se passe à peu près trois ans. dont deux ans passés en pleine terre. C'est pour ça que lorsque l'on prend le calendrier en janvier, vous allez voir qu'on va sans arrêt passer d'une culture à l'autre sur un an, deux ans, trois ans. Ça peut paraître un peu compliqué, mais au quotidien, c'est très facile à gérer. Ce cycle de culture sur trois ans nous permet de jongler avec les aléas météo, c'est-à-dire qu'on a tantôt du travail à l'abri, tantôt du travail à l'extérieur. Et en fait, on n'est jamais sans aucun travail, puisqu'on va toujours s'adapter aux conditions météo qui nous permettent de faire le meilleur travail au meilleur moment. En mars-avril, on va planter la totalité de nos rosiers dans les parcelles de plein champ. Et on plante chaque année 260 000 rosiers. Ça occupe une période de plantation qui s'étale du début du mois de mars jusqu'à la fin du mois d'avril, sachant qu'on ne va effectuer les plantations en plein champ que lorsque les conditions météo sont optimales. Grosso modo, cette période de plantation qui s'étale sur deux mois pourrait se résumer, si toutes les conditions étaient parfaites, à deux à trois semaines de travail simplement. Mais ça s'étale sur un certain temps parce que de temps en temps il pleut, de temps en temps il fait trop froid, de temps en temps il y a des commandes à expédier et il faut aussi expédier des commandes à nos clients si on veut gagner notre vie. Donc voilà, on aménage le temps de travail en fonction des différentes tâches qui sont effectuées.
- Virginie
Et sur ces 260 000 rosiers, il y a combien de variétés différentes ?
- François Félix
Alors on a un autre catalogue, près de 200 variétés que l'on commercialise nous-mêmes. Et j'ai encore au moins 200 autres variétés qui sont cultivées dans nos pépinières, mais pas pour notre propre catalogue, puisque on cultive chez Félix des rosiers sous contrat. Pour d'autres pépiniéristes ou pour d'autres rosieristes, c'est-à-dire que le savoir-faire total qu'on a en matière de production de rosiers greffés est un savoir-faire qui devient rare en France et de plus en plus de confrères font appel à nous pour greffer pour eux des rosiers. Le savoir-faire du greffage est un savoir-faire qui se perd. On n'est plus très nombreux en France à avoir gardé ça en interne dans les entreprises. Et une partie de notre production aujourd'hui est faite pour des pépiniéristes et des rosieristes qui ne souhaitent plus greffer en interne et pour qui on va produire sous contraint.
- Virginie
Du coup sur ces 260 000, il y a une partie de votre catalogue personnel.
- François Félix
Et une partie du catalogue d'autres rosieristes. Donc si vous me demandez combien il y a de variétés de rosiers greffés chez Félix, je vous dirais qu'il y a près de 500 variétés.
- Virginie
C'est fou quand on y pense.
- François Félix
Mais 500 variétés finalement c'est que le dixième. de ce qui est commercialisé dans le monde, puisqu'on entend... Alors, il n'y a aucune statistique officielle là-dessus, parce qu'on est un monde tellement petit qu'on échappe à la statistique. Mais quand je dis le monde, c'est le monde des rosieristes. Mais on prétend, enfin, on entend souvent qu'il y a autour de 5000 variétés de rosiers commercialisées dans le monde. Donc voilà, on en cultive 500, c'est un dixième. C'est déjà pas mal !
- Virginie
Donc du coup, ils plantaient ces rosiers en mars-avril, vous dites ?
- François Félix
On plante en mars-avril et on s'achemine dans le calendrier de culture vers le mois de mai, qui est un mois qui sera consacré à ce qu'on appelle les pincements. Tout à l'heure, je vous ai dit qu'on avait fait le sevrage. Je disais que ça consiste à enlever la partie aérienne du porte-greffe pour laisser la greffe se développer. Et effectivement, avec les beaux jours, la greffe se développe en avril-mai. et si on la laisse se développer, il va y avoir une seule branche. Si on la laisse faire toute seule, le rosier va pousser avec un bourgeon une branche. Et si on veut former une belle plante dans l'année, il va falloir passer d'une branche à plusieurs branches, et pour ça, il faut l'intervention humaine, donc c'est ce qu'on appelle un pincement. Un pincement, c'est couper la branche qui pousse à peu près 5 cm de son départ, du point de greffe, de manière à provoquer la ramification. Donc à chaque fois que l'on coupe, on favorise... le démarrage des bourgeons dormants au pied, à la base de la branche. Et d'une branche, on peut passer à 3, 4, 5 branches dans la saison de pousse. Donc le mois de mai, je l'ai dit, c'est le mois qui est consacré au pincement, mais c'est aussi un mois qui est consacré au plus fort des ventes de rosiers en pot. Parce que j'expliquais tout à l'heure qu'on fait le rempotage au mois de janvier, et la majorité de ces rosiers rempotés au mois de janvier vont être vendus De la mi-avril jusqu'à la fin mai, jusqu'à la fête des mers en général, ça, ça représente à peu près 75-80% des ventes de rosiers en pot. Et à la vérité, on passe 80% de notre temps, entre avril et mai, à préparer des commandes et expédier des commandes de rosiers en pot.
- Virginie
C'est la période la plus intense pour vous de l'année ?
- François Félix
Commercialement, C'est une des périodes les plus intenses parce que c'est celle qui va amener aux jardiniers des rosiers en pot et en fleurs sur les lieux de vente. C'est le moment où le jardinier amateur plante le plus de rosiers dans l'année. Et pourtant, ce n'est pas forcément le moment où c'est le plus recommandé de planter des rosiers. Alors oui, le commerce a pour mode de répondre à la demande des consommateurs. Et effectivement, on s'aperçoit que... Le jardinier amateur va acheter des rosiers quand les roses sont en fleurs. Il va acheter des pommiers quand il y a des pommes sur les arbres. Il va acheter des cerisiers quand il y a des cerises sur les arbres. Il va acheter des arbustes quand il y a des fleurs sur les arbustes. Ce n'est pas forcément respecter la nature que de faire comme ça, parce qu'il vaudrait mieux planter, pas que les rosiers d'ailleurs, mais l'ensemble des arbustes et des arbres, il vaudrait mieux les planter à l'automne. si on voulait respecter le cycle naturel des plantes. et malheureusement le commerce moderne ne va pas tellement susciter les envies des consommateurs, il va plutôt répondre à ces envies. Donc voilà pourquoi il y a une espèce de paradoxe entre le mois d'avril-mai où on vend le plus de rosiers, alors que ce n'est pas le moment idéal pour les planter. Je reviens sur le moment idéal pour planter les rosiers, pourquoi je dis que c'est à l'automne ? Eh bien c'est parce que si on plante un rosier ou n'importe quel arbuste ou arbre à l'automne, Cette plante va avoir tout l'hiver pour s'installer confortablement dans le sol, pour émettre de nouvelles racines, pour que la liaison entre les racines et le sol se fasse en douceur. et qu'au printemps, l'enracinement dans le sol soit optimum. Si une plante est installée à l'automne et qu'elle s'enracine pendant l'hiver, elle va être capable d'aller trouver l'eau dans le sol toute seule. Alors que si on fait une plantation au mois d'avril-mai, on va avoir une plante qui va être en demande d'eau parce qu'elle est en pleine végétation. Donc elle a des besoins en eau très importants, sa liaison avec le sol n'existe pas, et donc on est obligé d'arroser fréquemment lorsqu'on fait des plantations au printemps.
- Virginie
Du coup, question maître, vous aimeriez que par rapport à votre entreprise, vous puissiez vendre plutôt à l'automne pour que les gens s'habituent justement à planter à l'automne, mais ça ne vous ferait pas changer complètement le rythme de votre entreprise si vous deviez vendre à l'automne ?
- François Félix
Le rythme de l'entreprise n'est pas un problème, puisqu'on sait toujours adapter la commercialisation au calendrier de travail. La plantation d'automne ne pose pas de problème en termes d'organisation de travail. Si on revient une trentaine d'années en arrière, 30 ou 40 ans en arrière, les plantations se faisaient à l'automne. Les plantations de printemps, c'est un phénomène assez nouveau. C'est lié à la commercialisation moderne et au fait que finalement c'est le consommateur aujourd'hui qui décide de tout. Je disais que finalement aujourd'hui on se soucie davantage de satisfaire l'envie du consommateur que de lui donner des informations sur les bonnes pratiques. Si on voulait véritablement... Respecter les cycles de la plante, on s'occuperait des plantations à l'automne et on s'occuperait de la taille et de l'embellissement du jardin au printemps. Et on pourrait davantage profiter de son jardin au printemps plutôt que de planter, tout en respectant les cycles naturels de la plante.
- Virginie
On prend tous les conseils, si ça change, mais c'est super intéressant, je n'avais jamais entendu parler de ça. Et du coup on était en juin ?
- François Félix
On était en juin, alors on arrive en juin à la période du greffage. C'est l'opération peut-être la plus importante dans la production d'un rosier en pleine terre, puisque c'est à ce moment-là qu'on va... introduire sur le porte-greffe la nouvelle variété qui va donner le futur rosier avec les belles roses ou avec le beau feuillage ou le beau parfum qui caractérise une variété. Et donc à ce moment-là, le greffage, c'est un chantier qui démarre chez nous en juin et qui se poursuit jusqu'à la fin du mois de juillet. C'est un chantier de main-d'oeuvre très important puisque... À ce moment-là, l'effectif de l'entreprise passe de 8 personnes à plein temps à une quinzaine de personnes. On doit greffer assez rapidement, 260 000 rosiers greffés en deux mois. Vous voyez que c'est intense et c'est complètement déterminant pour la future récolte puisque c'est à partir de ces rosiers sauvages, ces porte-greffes, qu'on va obtenir les rosiers qui donneront les belles roses dans les 500 variétés que j'évoquais tout à l'heure. C'est absolument capital de réussir ce chantier de greffage. Puisque la greffe ne reprend pas, il n'y a pas de récolte. Et ça, c'est tout l'enjeu de la maîtrise de la greffe chez un rosieriste.
- Virginie
Question bête, mais comment vous savez qui va avec qui ? N'importe quelle greffe, avec quel greffon ?
- François Félix
Alors, le... Les porte-greffes que l'on utilise chez nous sont adaptées au sol et au climat de la France, et particulièrement de la moitié est de la France, notre clientèle étant établie à 80% sur cette moitié du pays. Et à partir du moment où le porte-greffe est adapté au climat et au sol, on peut lui greffer dessus quasiment n'importe quelle variété. On n'a pas de soucis. De choix de variété par rapport au porte-greffe, on fait plutôt le choix du porte-greffe par rapport au sol et au climat dans lequel on va commercialiser les rosiers. Donc ce chantier de greffage est très important, il nous occupe pendant deux mois, mais ce n'est pas la seule opération qu'on va faire pendant les mois de juin et juillet. Et parallèlement au greffage, on va avoir toute la partie hybridation et sélection de variétés nouvelles qui va s'échelonner entre le début du mois de juin et la fin du mois de juillet. C'est une période qui correspond à la période de végétation et floraison des rosiers, qui nous permet à la fois de faire les nouvelles hybridations, c'est-à-dire les mariages entre les rosiers père et les rosiers mère que l'on a choisis comme parents pour créer les nouvelles variétés. Donc ce chantier d'hybridation d'une part se réalise ou sert chez nous, et ces hybridations ont lieu chaque année, et ensuite le processus de sélection dure huit ans. C'est-à-dire qu'à partir de ces hybridations que l'on a faites, on va obtenir des fruits. Ensuite, de ces fruits, on obtiendra des graines. On conserve ces graines au froid pour être semées ensuite en janvier. Et les jeunes pouces, les bébés rosiers qui vont être issus de ces semis, sont ensuite pliés à partir du mois d'avril, mai de l'année suivante, et mis en pot. Ces bébés rosiers ont un an après les croisements, après les hybridations, et pendant un an, on va les laisser se développer. Avant de les sélectionner, de manière à ce qu'ils obtiennent une forme où on peut vraiment commencer à les observer avec leur végétation, une ramification, un feuillage et leur première floraison. A partir du moment où ces jeunes rosiers, ces bébés rosiers ont deux ans, on va les greffer pour la première fois pour ceux qui nous intéressent dans la pépinière. Et à partir de là, une nouvelle période de sélection de six ans. va avoir lieu où on va procéder par élimination, en ne gardant que ce qui nous intéresse sur ce que l'on aura observé au départ. Et donc chaque année... On va féconder 3000 fleurs avec du pollen de parents que l'on aura choisi. Et chaque année, au bout du processus de 8 ans, on ne gardera qu'une variété nouvelle.
- Virginie
Du coup, c'est avec toujours Rose mère et rose père différents sur les 3000 ?
- François Félix
Pour les 3000 fécondations, on n'a pas 3000 combinaisons différentes. Là, on commence à rentrer un petit peu dans, on va dire, les secrets de chaque obtenteur.
- Virginie
Si vous ne voulez pas en parler, mais c'était vraiment par curiosité.
- François Félix
On ne peut pas dévoiler les secrets, mais par contre, je peux vous donner des ordres de grandeur. Sur ces 3000 fécondations, on va avoir moins de 1500 combinaisons différentes. Et sur ces combinaisons différentes, il y a des combinaisons qu'on expérimente, parce que là, on n'a jamais rien testé en termes de mariage entre deux variétés nouvelles. Et puis il y a d'autres combinaisons dont on sait qu'elles marchent et qu'elles donnent une descendance intéressante. Et ces combinaisons dont on sait qu'elles marchent, on les multiplie par dizaines. Et c'est à partir de l'ensemble de ces mariages que l'on fait que l'on est capable de faire une sélection intéressante. Et si on veut obtenir une nouveauté introduite sur le marché chaque année, Dans les trois dernières années avant la commercialisation, on va avoir en compétition chez nous, pour une variété introduite chaque année, d'un millésime de fécondation, je vais en garder cinq en compétition. Et donc, comme les trois années de sélection les plus importantes sont les trois dernières années, en général on a 15 variétés chez nous, toujours, en compétition, dans lesquelles on va décider en dernière minute de laquelle sera la plus intéressante. En fait, on passe notre temps à écarter des choses qui sont peu intéressantes, comparées à celles qui sont les plus intéressantes chez nous par rapport à nos objectifs de sélection.
- Virginie
Et justement, ces variétés spécifiques que vous créez, c'est aussi à destination des pépiniéristes ou c'est à destination d'un autre public qui veut vraiment acheter une... Une nouvelle rose.
- François Félix
Pourquoi créer des nouvelles variétés de roses ? C'est quand même un petit peu ça la question. La majorité, enfin tous les rosieristes... qui font de l'obtention de variétés nouvelles dans le monde, ont tous des objectifs qui sont très clairs en termes d'amélioration des variétés. Qu'est-ce qu'on recherche ? On recherche des qualités qui vont répondre à certaines demandes du marché. Alors certains vont créer des variétés pour faire des fleurs coupées, pour les bouquets. D'autres vont créer des variétés à destination du paysage, qui doivent être très résistantes. D'autres vont créer des gammes de variétés commerciales pour aller répondre à des critères de marketing correspondant à des demandes de magasins. Donc les obtenteurs de variété ont des objectifs qui sont clairs et qui permettent de faire une sélection efficace, parce que si on ne sait pas ce qu'on cherche, on ne peut pas trouver. En tout cas, on ne peut pas sélectionner. Pour ma part, et je ne suis pas le seul, j'ai décidé de sélectionner de nouvelles variétés pour répondre à l'évolution du jardin et du paysage en France. Parce que ces dernières années, tout le monde s'en est aperçu, le climat a changé. Et puis, on a tous le souci d'avoir des plantes naturellement plus solides. On doit se passer des pesticides. On doit avoir des roses qui poussent sans être obligé de les traiter contre les maladies. Donc on doit avoir des rosiers qui sont naturellement résistants aux maladies. On doit avoir des rosiers qui résistent à la sécheresse, à la chaleur. Et ça, c'est des données qui sont fondamentales si on veut que nos clients se fassent plaisir au jardin. Si on ne sélectionne pas des nouvelles variétés qui sont capables, de répondre à ce nouveau contexte. Eh bien, on risque d'avoir des gens qui vont se détourner des roses parce qu'elles ne seront pas belles dans leur jardin. Les variétés nouvelles permettent justement de sélectionner des plantes qui sont résistantes aux maladies, qui sont capables de résister aux fortes températures, qui sont capables de résister à la sécheresse. Et c'est tout l'intérêt du métier d'obtenteur de roses.
- Virginie
Tout en ayant du coup un travail sur la rose elle-même.
- François Félix
Alors la beauté de la rose, c'est effectivement le... Ce qui retient l'attention en premier, parce qu'évidemment on va chercher des roses de telle ou telle couleur, selon nos goûts ou nos besoins. Et puis on va chercher des roses parfumées, parce que le parfum fait quand même... Comment dire, le premier geste qu'on fait quand on voit une rose, c'est de se pencher pour savoir si elle est parfumée ou pas. Pour la sentir. Donc la recherche du parfum c'est essentiel. Chez moi, le point de départ, ça a été, lorsque j'ai commencé à sélectionner des roses, le point de départ, ça a été d'abord la résistance naturelle aux maladies. Parce que j'ai commencé en 2006, et les années 2000, ça a été les années où on a décidé d'abandonner les pesticides, à la fois dans la pépinière, et puis également dans le monde, en Europe et en France en particulier, puisque l'interdiction d'utiliser les produits phytosanitaires dans les jardins est arrivée dans le courant des années 2010. Donc il était absolument nécessaire de sélectionner des variétés naturellement résistantes aux maladies, sinon ça n'avait pas de sens.
- Virginie
Vous voulez reprendre le calendrier ou vous voulez parler justement de la différence avec les fleurs coupées ? Parce que forcément vous avez parlé de la question des pesticides et je pense que ça peut être pas mal de bien distinguer le marché du rosier comme vous me l'expliquez.
- François Félix
Oui, alors on peut faire une parenthèse sur la fleur coupée. Quand on parle de rose, on pense souvent aux roses qu'on trouve chez le fleuriste. Et il faut savoir qu'en matière de sélection variétale... Les roses que l'on trouve chez les fleuristes ne sont absolument pas des mêmes variétés que l'on va pouvoir planter au jardin. Tout simplement parce qu'à un moment donné, les contraintes, quelque part le cahier des charges pour obtenir des roses qui se conservent bien chez les fleuristes, qui vont être cultivées dans la production industrielle de roses coupées, sont complètement différentes des roses que l'on trouve pour être belles au jardin. Et les obtenteurs de roses depuis les années 60-70 ont complètement séparé leur méthode de sélection entre la rose pour fleurs à couper et les roses pour le jardin. Aujourd'hui, pour parler très clairement, si vous prenez une rose que vous allez acheter chez le fleuriste et que vous essayez de faire des boutures ou de la greffer pour obtenir un rosier au jardin, un résultat, un véritable fiasco en termes de résultat, puisqu'elle aura été sélectionnée uniquement pour sa capacité à être produite industriellement sous serre et pouvoir se conserver pendant des semaines sur les lieux de stockage et dans les magasins de fleurs. Alors qu'un rosier de jardin a été sélectionné pour pouvoir pousser dans un jardin et vivre de longues années. en donnant de belles roses au jardin. Donc le cahier des charges de sélection des variétés nouvelles n'est absolument pas le même pour la rose coupée et la rose de jardin. Ce sont deux mondes qui se sont séparés dans les années 70.
- Virginie
Une question bête, il y a quand même des producteurs de fleurs coupées, de roses coupées en France ?
- François Félix
Il n'y a pratiquement plus de production de roses coupées en France. Elle a quasiment disparu au cours des 40-50 dernières années parce que la production de roses coupées est... totalement industrialisée et elle demande énormément de lumière et de chaleur pendant toute l'année pour avoir une production pendant 12 mois de l'année. Et le seul moyen de produire des roses à bas coût, avec beaucoup de lumière et peu d'énergie pour obtenir de la chaleur, c'est de produire ces roses sous l'équateur. Et donc vous avez quatre... 95% de la production mondiale qui a lieu sur le continent africain et sur le continent sud-américain. Dans de grandes fermes industrielles, où toutes les roses que vous trouvez chez les fleuristes, en tout cas 95% des roses que vous trouvez chez les fleuristes, proviennent de ces grandes fermes de production industrielles sous l'équateur. Les grandes fermes de production sont en Afrique, au Kenya notamment, et puis en Amérique du Sud. Donc ça c'est le monde de la production de roses coupées, qui est un monde assez industriel. Chaque année, il y a toujours un parfum de scandale autour de la Saint-Valentin parce que généralement, il y a toujours quelques bons articles dans la presse qui font la publicité des roses industrielles. Alors ça nuit un petit peu à l'image de la rose, mais il faut savoir que les roses de jardin ne sont absolument pas produites dans ce cycle-là et que les roses de jardin, les rosiers, en tout cas tout ce qu'on va trouver dans les jardineries en pot ou chez les pépiniéristes ou chez les producteurs locaux, Ce sont des roses qui ont des productions plutôt locales. Et il faut savoir qu'une immense majorité des rosiers vendus en France sont produits en France. Lorsqu'on achète un rosier en pot, souvent il est produit à moins de 200 ou 300 km de son point de vente.
- Virginie
Si vous voulez, on peut reprendre le calendrier du coup pour...
- François Félix
À la fin de l'été, on prépare la récolte. D'abord, en arrêtant toute fertilisation des rosiers à partir du mois de juillet, de manière à favoriser la maturité. La maturité, tout à l'heure j'ai employé le mot d'ahoutement. Au mois d'août, il fait très chaud et très sec et le bois durcit. C'est une bonne chose que le bois durcisse parce que lorsque le bois d'un rosier est dur, il va pouvoir se conserver longtemps pendant l'hiver sans flétrir et sans pourrir. Il est important d'effectuer la récolte des rosiers, l'arrachage à partir du mois d'octobre, au moment où la maturité des plantes est à son maximum. À ce moment-là, on va tailler les rosiers, on va tailler la totalité de nos parcelles avec un broyeur. Avec des lames qui sont un broyeur, avec des lames très aiguisées, ça fait peur quand on utilise le mot broyeur.
- Virginie
J'imagine une énorme machine alors que les rosiers semblent très fragiles.
- François Félix
Ce n'est pas forcément une énorme machine, mais c'est une machine qui va nous permettre de tailler avec un tracteur à la place de tailler avec un sécateur.
- Virginie
Sur 260 000.
- François Félix
Sur 260 000 rosiers, à un moment donné, il faut aller vite. Les rosiers sont plantés sur des lignes de 1 mètre de distance, ce qui nous permet de passer avec un tracteur. Avant la récolte, on effectue cette taille massive des parcelles. Cette taille, on la fait avec un broyeur, comme je le disais, et on va tailler les rosiers à 60 cm de hauteur, c'est-à-dire bien au-dessus de la zone que l'on va tailler proprement ensuite après la récolte. Donc il n'y a aucun inconvénient à ce qu'on fasse un broyage. Ça ne va pas du tout altérer la qualité des plantes, ça va simplement nous permettre justement de rentrer sur les parcelles pour la récolte et de passer sur les parcelles avec le tracteur et les remorques sans abîmer les rosiers. Donc la récolte va s'étager pendant deux mois, octobre et novembre, pour aller jusqu'au début du mois de décembre, et va nous permettre d'arracher la totalité de nos rosiers, les arracher, les trier, les calibrer, de manière à pouvoir les expédier à nos clients. Et ça... À un moment de l'année où la sève est descendue. La descente de sève, c'est le moment où la plante transfère la totalité de ses réserves dans la racine.
- Virginie
Les calibrer ?
- François Félix
Les calibrer, oui. C'est-à-dire que vous avez entendu parler des œufs de différents calibres, des pommes de différents calibres. Il y a des rosiers de différents calibres puisqu'il existe une norme européenne qui permet de classer les rosiers en choix A, choix B ou choix extra. Le choix A, ça représente un peu plus de 80% de notre production. C'est le rosier standard qui a au moins 3 branches, entre 3 et 5 branches, qui est la qualité courante. Le choix B, c'est un choix déclassé, c'est ce qui a moins de 3 branches. Malheureusement, c'est un choix qui n'est pas vendable, c'est quasiment des pertes. Et le choix extra, c'est un surchois qui permet de vendre une qualité supérieure à des clients très exigeants qui voudraient avoir tout de suite une qualité extraordinaire qui permette de gagner du temps dans la production des rosiers en pot. Et ça, ça représente quelque chose entre 10 et 20% d'une année à l'autre de surchois. Donc le calibrage des rosiers permet justement de faire ce tri entre la mauvaise qualité qu'on ne commercialise pas et le surchois qu'on peut un peu mieux valoriser dans les ventes. On fait cette opération de calibrage au moment après l'arrachage et ensuite on stoppe dans nos entrepôts frigorifiques la récolte. On a un très grand frigo qui a une capacité de 700 m3, donc ce n'est pas rien du tout. mais ça nous permet de mettre à l'abri la récolte pendant l'automne et l'hiver. Alors quand je dis à l'abri, c'est à l'abri des intempéries, du gel, des périodes au cours desquelles il y aurait trop de pluie ou on ne pourrait pas aller arracher. Donc ça nous permet de fluidifier notre commercialisation, puisque à partir du moment où la récolte est à l'abri, on peut livrer nos clients quand ils le demandent.
- Virginie
Et vous avez juste glissé le mot fertilisation juste avant, du coup vous faites quoi justement comme... enfin pas de traitement, mais comme fertilisation sur les roses, avant justement de les récolter.
- François Félix
La fertilisation, c'est extrêmement important, effectivement, je n'en ai pas parlé. La fertilisation, elle intervient entre le mois de février et le mois de juillet. On apporte des éléments nutritifs à la plante, on apporte soit des amendements, soit des engrais, uniquement pendant la période de végétation. Et il est important de ne pas s'écarter de ces périodes-là pour effectuer la fertilisation, parce que... Si on apporte des engrais au-delà de ces périodes-là, souvent c'est en pure perte. Et j'ai fait la différenciation entre amendement et engrais. Un amendement, c'est une nourriture qu'on va apporter et qui va être stockée dans le sol pour que le sol restitue la nourriture à la plante quand elle en aura besoin. L'engrais, c'est une nourriture qu'on va apporter à la plante et qui va être immédiatement absorbée par la plante. L'engrais, c'est beaucoup plus soluble quelque part et beaucoup plus utilisable rapidement qu'un amendement. Ce qui est important, c'est de combiner à la fois des amendements et les engrais. Alors, pour nous, en production, il est important d'avoir un amendement très fort avant la plantation, de manière à ce que la plante, pendant tout le cycle de culture, puisse venir chercher ce dont elle a besoin. Et ces amendements, ils sont de deux natures, soit amendements organiques avec du fumier, ou... les résidus de récolte que l'on enterre. On complète cet amendement organique par un amendement minéral avec de la chaux. La chaux est du calcaire, qui permet aussi... Le calcaire est très important pour la structure des plantes. Quand je vous dis calcaire, vous pensez à la roche ou à la craie. Et quelque part, c'est ce qui va permettre à la plante de se tenir droite. Donc ces amendements vont être utilisables pendant toute la période des deux ans de culture du rosier en pleine terre. Et puis, ça c'est enfoui avant la plantation, au moment du labour. Ensuite, on va procéder à d'autres fertilisations fractionnées entre le mois de mars et juillet. Généralement, on fait trois apports. On fait mars, mai, juillet, où là, on va apporter des engrais organiques ou minéraux en fonction des besoins de la plante à un moment donné, de la croissance. Mais la base de la fertilisation, c'est quand même les amendements. Et finalement, pour un jardinier, il y a la même chose à faire au jardin. C'est combiner à la fois les amendements organiques et minéraux qu'on peut faire pour nourrir le sol et combiner les engrais que l'on peut apporter entre mars et juillet à la plante en fonction de ses besoins. Après le mois de juillet, il n'est plus nécessaire d'apporter d'engrais dans un jardin. Par contre, à partir du mois de décembre, janvier, oui, c'est le moment de penser aux amendements pour nourrir le sol. Alors, aux amendements avec du fumier, on peut le faire dans son jardin, du fumier en granulé ou du vrai fumier, quand on a la chance d'avoir une ferme à côté. Et puis, les différents amendements organiques qu'on peut trouver aussi dans les magasins aujourd'hui, des résidus de traitement de déchets végétaux. Ça peut être des résidus de... mar de raisin, ça peut être des résidus d'huilerie. Ce sont des amendements organiques qui sont intéressants parce qu'ils sont riches en sels minéraux et ce sont des nutriments importants qui favorisent la croissance des végétaux. Mais ces éléments-là sont des éléments qui sont capables d'être stockés dans le sol et d'être restitués à la plante quand elle en a besoin ensuite.
- Virginie
D'accord. Et donc en les mettant, on est en décembre.
- François Félix
Et c'est toute la période intéressante de jardinage d'hiver que l'on n'aime pas faire parce qu'il ne fait pas beau. Ce n'est pas bien agréable d'aller au jardin quand il ne fait pas beau. Il faut mettre les bottes. Mais c'est à ce moment-là qu'on prépare la saison suivante. Il vaut mieux travailler au jardin à l'automne et l'hiver, faire des choses pour la saison suivante et profiter de son jardin. au printemps et à l'été. Alors profitez et taillez évidemment. Et puis récoltez parce qu'on récolte les fruits, on récolte les fleurs. Quelque part ça c'est profiter du jardin aussi. C'est pas juste contempler.
- Virginie
En fait vous vous arrêtez jamais d'être en extérieur ou à travailler sur vos rosiers. Au final il n'y a pas vraiment de période de creux dans l'année.
- François Félix
Il n'y a absolument plus de période de creux dans l'année, sauf entre Noël et le jour de l'an, où là on fait comme tout le monde, on s'arrête. Oui, c'est une période pendant laquelle effectivement on peut se reposer un petit peu, généralement il ne fait pas très beau, et il n'y a plus grand-chose à faire au jardin. On peut aller faire des amendements quand même si on veut.
- Virginie
Donc je finis souvent la question par, là actuellement, est-ce que vous voyez déjà l'impact du changement climatique ? Et si oui, qu'est-ce que vous faites pour vous y adapter ?
- François Félix
Oui, alors le changement climatique, ce n'est pas une surprise pour nous, puisque le changement climatique, on le vit au quotidien. Donc, c'est une évolution. Le climat est en évolution perpétuelle. Il faut savoir que depuis toujours, on note les quantités de pluie qui tombent et le temps qu'il fait. Je note tous les jours les quantités d'eau qui tombent, le temps qu'il fait. Et mon père notait déjà tous les jours les... Le temps qu'il faisait, c'est la base du métier. Quand on est rosieriste, on est agriculteur. Et quand on est agriculteur, on vit avec le temps. Et donc on l'observe et on sait qu'on ne peut pas aller contre et qu'on est obligé de suivre. Donc c'est une donnée très très forte. Le changement climatique, ce n'est pas quelque chose de nouveau, c'est juste quelque chose qui s'est accéléré ces dernières années. On est bouleversé dans nos habitudes parce que justement, ce qu'on avait observé depuis des décennies, se modifient quand même de manière notoire. Et on est obligé d'adapter nos méthodes de travail à cette évolution du climat. Donc ce ne sont pas des choses qui sont totalement brutales, c'est progressif. Par contre, ce qui est notoire, c'est que ça s'accélère beaucoup depuis quelques années. Depuis une dizaine d'années, on enchaîne les accidents climatiques, que ce soit... les sécheresses, les canicules, les épisodes de grêle, les épisodes de tempête, ou les épisodes de gelée de printemps, ou de fort coup de froid l'hiver, parce qu'il ne faut pas oublier qu'on a eu des très fortes gelées hivernales encore en 2012, qui avaient occasionné des fortes pertes sur les récoltes. Donc, ce n'est pas parce qu'il y a réchauffement climatique qu'il n'y aura plus de fortes gelées l'hiver. Non, simplement, ce qu'on observe, c'est qu'il y a de la brutalité aujourd'hui dans les phénomènes. Donc la vraie évolution, elle est là, dans cette brutalité, cette accélération et ce resserrement des phénomènes qui occasionnent des dégâts. Donc la véritable évolution, elle est là. L'adaptation qu'on peut avoir, elle est perpétuelle, parce qu'en fait, comme on est confronté au climat... Et à son évolution tous les jours, on n'attend pas. C'est un mouvement perpétuel chez nous. Et donc c'est un souci, mais qui est quasi quotidien. Et pour nous, le changement climatique, c'est une donnée essentielle de notre métier. Et si j'ai intégré dès le départ de la sélection de mes nouvelles variétés le climat, comme étant une donnée forte, c'est simplement qu'on en a une très forte conscience, mais parce que tout simplement, on travaille dehors tous les jours. Et que le changement climatique, c'est tous les jours.
- Virginie
Écoutez, c'est tout pour moi pour l'épisode. Merci à vous pour toutes ces informations.
- François Félix
Merci à vous. Partager une passion, c'est toujours un moment formidable.
- Virginie
Voilà, c'est la fin de cet épisode. Merci beaucoup à François Félix d'avoir accepté de parler de son métier. C'est une partie un peu méconnue du milieu agricole. Et c'est aussi la raison pour laquelle je voulais vous faire découvrir cette filière de l'horticulture et des pépinières. Parce qu'en effet, toutes les plantes qu'on voit dans les pépinières, mais même sur les ronds-points, dans les parcs de ville, etc., elles viennent forcément de quelque part. Il y a en France des producteurs de fleurs, de plantes, d'arbustes, bref, de toutes les plantes que vous voyez dans votre quotidien, notamment en ville. Voilà. j'espère que cet épisode vous a plu n'hésitez pas si vous avez des questions je me ferai un plaisir de les faire passer à François Félix et sinon on se retrouve dès la semaine prochaine avec un nouvel épisode à bientôt