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Au Bénéfice du Doute, le podcast où les victimes de violences sexuelles prennent la parole

Louise, experte de son propre parcours judiciaire après un viol

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27min |19/02/2023
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Au Bénéfice du Doute, le podcast où les victimes de violences sexuelles prennent la parole

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Description

⚠️ Cet épisode évoque des faits de violences sexuelles. Assurez-vous d'être dans de bonnes conditions avant de l'écouter. 


📢 En France, les victimes de violences sexuelles font face à tellement d'informations qu'il est difficile de véritablement connaître ses droits. Suite à un viol, Louise est devenue "experte de son propre parcours judiciaire" et partage, dans son témoignage, de précieux éléments.


💜 Merci encore à Louise.


📩 Si vous souhaitez témoigner, n'hésitez pas à envoyer un e-mail à aubeneficedudoutepodcast@gmail.com ou en message privé sur Instagram @aubeneficedudoute . 


Au Bénéfice du Doute est une émission entièrement auto-produite par Julie Dusserre.

Musique originale : Sandra Fabbri

Illustration : Camélia Blandeau 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Au bénéfice du doute, le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole. Cet épisode évoque des faits de violences sexuelles. Écoutez-le dans de bonnes conditions. Avocate, plainte, VSS, syndrome de stress post-traumatique, correctionnalisation, cours criminel départemental, tous ces termes qui peuvent être intimidants dans le parcours d'une personne victime. Louise les connaît bien. Devenue experte de son propre parcours judiciaire, elle a décidé de partager son vécu et ses connaissances avec soin et bienveillance. Bonjour Louise.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle Louise, j'ai 28 ans et j'ai subi une agression en 2020, donc maintenant il y a un peu plus de deux ans. Ça s'est passé dans le cadre d'une soirée, mais je me suis rendue compte de la nature des faits, donc en l'occurrence d'un viol, quasiment immédiatement. Et je suis allée porter plainte le lendemain, donc moins de 24 heures plus tard. il m'a quand même été... réprochés par les policiers d'avoir mis trop de temps. Oui, c'est incroyable, mais c'est la vérité. Là où j'ai eu beaucoup de chance, c'est que j'estime que je suis quelqu'un de... très entourée. J'étais déjà disons pas forcément encore dans les sphères féministes mais très intéressée par ces sujets-là. Tout comme mon entourage aussi et c'est pour ça que j'ai pu nommer en fait très rapidement la nature de mon agression ce qui est une force évidemment. Donc un entourage très présent et qui n'a pas remis ma parole en question ce qui malheureusement est rare et très présent aussi parce que tout de suite dans l'aide etc. et qui m'a permis d'avoir une avocate au moment où j'ai porté plainte. Et ça, c'est quelque chose qui me semble très, très important à savoir. C'est que quand on va porter plainte, pour quoi que ce soit par ailleurs, on a le droit d'être accompagné par une personne majeure. Une personne majeure, donc, en l'occurrence, ça peut être évidemment un avocat, une avocate. C'est vraiment quelque chose que je conseille en particulier quand il s'agit de faits de violences sexuelles. Parce que, de fait, quand on va porter plainte pour ce genre de choses, on est une personne particulièrement vulnérable et on ne connaît pas tous les tenants et les aboutissants de la loi. tandis que la personne qui nous accompagne est... supposé, du fait de sa formation, connaître, avoir ces connaissances-là. Et effectivement, ça m'a été particulièrement utile, parce que c'est mon avocate qui m'a dit, tout de suite, il faut absolument que tu gardes les habits que tu avais au moment des faits, les apports dans un sac, un plastique, etc. C'est quelque chose que je conseille aussi vraiment de faire aux personnes qui se font agresser, c'est-à-dire que je comprends, évidemment, complètement le fait de ne pas avoir la force de porter plainte tout de suite, mais on peut se dire que peut-être qu'à un moment, c'est quelque chose qu'on envisagera. De toute façon, en général, ce n'est pas forcément des fringues qu'on envisage. de remettre donc quittait que ces fringues soit utile pour une chose autant les garder sur le côté du coup voilà j'ai apporté les habits j'ai plutôt été bien reçue par les flics ce qui est une autre chance parce que c'est malheureusement un rare estime d'où des policiers qui n'ont pas remis en question mon récit. Bien que, évidemment, la première phrase, je pense, sur le procès verbal, c'est que je suis en couple avec un mec, alors que le mec n'était même pas là la soirée. Enfin, ça n'apporte rien, en fait, au récit, mais bon, manifestement, c'est très important pour de le signifier. Et la deuxième phrase, c'est comment j'étais habillée, donc forcément, je ne porte jamais tout-tive, donc tu sais, il y a un peu le truc, ouh là là, une fille légère. Mais dans l'ensemble, ça allait. C'est-à-dire que je n'ai pas eu le sentiment que ça avait ajouté de la... beaucoup de violence à la violence de l'agression.

  • Speaker #0

    Tu disais qu'ils t'ont reproché d'être venu trop tard. Quels sont leurs arguments par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Alors, leur argument c'était de dire que ce qui s'est passé c'est que je me suis endormie à une soirée, ce qui est un truc qui m'arrive très régulièrement. Et c'est dans ce cadre-là que j'ai été agressée. La personne a profité de cette situation. Et je me suis réveillée, en fait. Donc j'ai vu la personne, et après j'ai eu un blackout qui est extrêmement courant, c'est-à-dire quand une personne vit quelque chose de trop difficile, c'est ce qu'on appelle un sentiment de mort imminente, son cerveau va faire comme si t'allumais plein de lumière dans une maison, et que du coup t'as une coupure de courant, en fait c'est exactement la même chose. Donc j'ai une espèce de... trou noir, c'est-à-dire que je me souviens voir le gars et du coup l'identifier, mais je ne le vois pas sortir de la pièce, etc. Et quand je suis un peu revenue à moi, j'en ai parlé direct à mes potes, qui eux-mêmes ont capté de qui il s'agissait. Et donc les policiers ont dit qu'il fallait nous appeler absolument tout de suite, parce que c'était du flagrant délit et que nous on pouvait choper le gars direct. Et que de fait, c'est du flagrant délit, il y a certainement plus de preuves matérielles, etc. Donc à mon avis, c'était une frustration pour eux. vu que ce n'était pas très longtemps après les faits, mais de manière générale, même si j'étais venue porter plainte dix ans plus tard, pour une victime, c'est inaudible, parce que c'est déjà un truc énorme pour nous de porter plainte. Et un petit truc que je voulais dire par rapport à ça, c'est qu'on sait que l'accueil en général des policiers est vraiment déplorable quand on est victime de VSS. L'accueil de la justice, si ça va jusque-là, l'est souvent également. le truc que je trouve particulièrement problématique, au-delà de l'impact évidemment que ça va avoir sur les victimes, c'est qu'en fait, quand on a été victime de ça, pour moi, on va dire que pour nous, les victimes, le mal a été fait. Et en fait, en tant que citoyen, on va quand même avertir l'État, via les flics, pour leur dire, en fait, il y a un gars là qui est dans la nature et qui est dangereux. Et rien que pour ça, on devrait être remercié. En fait, ça devrait être l'inverse. Bon, déjà, si on arrive à... À avoir des policiers à peu près bienveillants, ce sera déjà pas mal. Je ne demande pas non plus à ce qu'on ait une médaille. Mais quand tu mets les choses dans cette perspective, tu te rends compte qu'il y a quand même un gros souci.

  • Speaker #0

    Dans le dépôt de plainte, ton avocate, elle joue quel rôle ? Elle est là en tant que conseil ou plus en tant que soutien psychologique ?

  • Speaker #1

    Il y a du soutien psychologique ici où on se retrouve. Parce que je pense qu'il y a aussi des avocats et avocates pas forcément extrêmement bienveillantes. En l'occurrence, la mienne est bienveillante. Par ailleurs, c'est une personne qui est féministe. Donc, qui connaît aussi bien le fonctionnement de toutes ces histoires de VSS. Il y a effectivement le soutien psychologique, ne pas être seule, qui est hyper important. Et tout simplement, c'est quelqu'un qui va être capable de dire aux policiers, en fait, cette question-là, vous n'avez pas besoin de la poser. Ou de dire aux policiers, en fait, ça, vous devez le faire. C'est-à-dire, exemple, moi, je porte plainte moins de 24 heures après les faits. Et donc, on se retrouve dimanche soir. Et mon avocat dit, il faut absolument qu'elle aille aux UMJ, qui sont les unités médico-judiciaires, pour voir, c'est un petit peu glauque, mais c'est comme ça qu'on les appelle, pour voir un médecin légiste. Les médecins légistes ne travaillent pas uniquement sur des personnes mortes, mais aussi sur des personnes agressées. Et dans un premier temps, ils lui ont dit, non mais là il est tard, mais on peut lui donner rendez-vous dans une semaine. Et bon, en fait, disons que moi j'aurais été seule, j'aurais juste dit oui, oui, oui, j'aurais voulu me barrer. et elle, évidemment, elle a... Elle aura tenu tête et elle aura dit, mais en fait, c'est complètement débile. C'est-à-dire que le but est de recueillir des preuves. Dans une semaine, on espère que madame se sera lavée plusieurs fois et que ces preuves-là ne seront plus présentes. Donc en fait, je pense qu'il y a ce truc de tenir tête. Et puis je pense qu'il y a tout simplement se faire respecter. Parce que les policiers, on le sait, quelquefois nous retirent, en fait, notre droit de porter plainte. C'est un droit. Un policier n'a pas le droit de dire non. Un polyséptique n'a pas le droit de nous dissuader d'une manière ou d'une autre. Parce que souvent, on entend, là, ça va être très dur. On entend même des choses encore plus atroces, de vous allez détruire la vie du gars. L'avocate est là pour faire rempart, en fait, à ce moment-là. C'est pour ça que c'est fondamental d'être accompagné, je pense.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as fait une avance financière pour ce rendez-vous-là ?

  • Speaker #1

    Non. Ça a été donc un grand privilège pour moi. C'est-à-dire que cette personne est une amie de mon frère. Donc, en fait, toute la question de la compensation financière n'était pas du tout sur le tapis à ce moment-là. Théoriquement, à ce stade-là, on est supposé payer. Tant qu'en fait, il n'y a pas d'instruction, l'avocat ou l'avocate n'est pas gratuite. Enfin, on ne peut pas avoir encore l'aide juridictionnelle. Enfin, demander l'aide juridictionnelle, donc théoriquement, j'aurais dû la payer. J'ai eu le privilège de ne pas avoir à le faire. En revanche, il y a un certain nombre d'associations, dont la Fondation des Femmes, qui proposent des avocates pour le dépôt de plainte. Donc, ne pas hésiter à recourir à ces numéros-là. Suite de tout ça, c'est que... Les policiers ont fait leur enquête très sérieusement, j'ai l'impression du moins. Il y a eu une instruction. Dans le cadre de cette instruction, mon agresseur a été mis dans un premier temps en garde à vue, puis en examen. Il a admis les faits, il ne les a pas admis de gré de cœur, ce n'est pas parce qu'il a eu des remords terribles, bien évidemment. Dans un premier temps, il a nié, mais il a fini par admettre les faits parce qu'il y avait des éléments matériels. qui ont été trouvés, soit vraiment juste par les policiers de leur côté, soit grâce à cette histoire d'habit. Je ne peux pas donner plus de détails parce que le procès n'a pas eu lieu et qu'il y a tout ce truc de présence d'innocence et puis évidemment de ne pas donner trop d'éléments sur l'instruction. Mais donc il a été mis en examen et effectivement le fait qu'il ait admis les faits, même s'il ne les a pas admis spontanément, on va dire, c'est effectivement très soulageant. Parce que dans toute la violence inouïe de ce que c'est un viol, de ce que c'est une agression sexuelle, il y a évidemment le... l'élément physique, psychologique, direct, mais il y a aussi le fait de ne pas être cru. Et cette peur-là de ne pas être cru, elle est renforcée. Lorsque l'auteur, et c'est quasiment à 100% du temps le cas, va juste dire que non. Donc effectivement, ça, ça a été un grand soulagement pour moi. Du coup, suite de tout ça, comme il s'agit d'un viol, en l'occurrence, un truc aussi assez important à savoir. C'est que lorsque la personne qui commet les faits est sous l'emprise de l'alcool ou de drogue, c'est une circonstance aggravante. Ça, je trouve que c'est un truc vraiment super, pour le coup, de la part de la justice d'avoir mis ça en place, parce qu'on considère que l'auteur des faits va utiliser ces substances-là pour être suffisamment désinhibé pour un passage à l'acte. Je trouve ça assez fort et je trouve ça assez bien. En l'occurrence, lui, il est mis en examen pour viol aggravé. L'instruction s'est clôturée. Et suite à tout ça, il y a eu une ordonnance, en fait, de correctionnalisation. Ça, c'est un peu les facéties de la justice française. C'est-à-dire qu'un viol est évidemment reconnu comme un crime. Mais un procès aux assises, ça coûte très très très cher à la justice française, qui n'a pas d'argent. Donc, on demande... Enfin, on demande... Il me semble que c'est... Entre 70 à 80% des cas, quand un viol va être jugé, ce qui correspond à très peu de cas déjà à la base, il va être jugé en tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel, c'est le tribunal qui est supposé juger des délits. Ce que ça implique, c'est qu'on va gommer tout ce qui va caractériser le viol, donc la pénétration, l'élément potentiellement le plus violent, pour transformer les faits en une agression sexuelle. Et on va essayer globalement de convaincre la victime, donc la partie civile. Par des arguments que personnellement je trouve malhonnêtes. C'est-à-dire, ça va être jugé plus vite, alors c'est un fait, mais quand on est de toute façon partie civile dans ce type d'affaires, on sait qu'il y a de l'eau qui va couler sous les ponts, et qu'on a le temps avant qu'il y ait un jugement. Donc, à mon sens, en tout cas pour moi, et je peux tout à fait comprendre que ce ne soit pas le cas pour d'autres personnes, mais on n'est pas à six mois près en fait. Je préfère attendre six mois de plus et qu'on nomme les choses correctement. plutôt que d'avoir un procès bâclé qui potentiellement, c'est-à-dire qu'on a été victime de viol et les faits sont correctionnalisés. Notre procès va se dérouler entre une audience précédente d'un mec qui n'a pas payé ses factures d'électricité, ce que je peux comprendre actuellement par ailleurs, et puis un mec qui a fumé du shit en bâchée de lui. Il y a quand même, enfin c'est un déni en fait de réalité pour les victimes que je trouve insupportable. et ce qu'il faut savoir, c'est que lorsque l'on va Rendre une ordonnance de correctionnalisation, on a le droit en tant que parti civil de refuser et le parquet ne peut pas accepter notre refus. C'est dans un temps qui est très court, il me semble que c'est une semaine peut-être dix jours au maximum, mais il faut être réactif. Il faut de toute façon à ce stade-là être accompagné de son avocat ou son avocate et c'est cette personne qui va se charger de refuser. Mais je comprends encore une fois tout à fait qu'on puisse accepter. Mais il faut dans tous les cas être renseigné sur cette question-là. Et c'est normal de ne pas connaître toutes les petites subtilités de notre loi. Heureusement, il y a quelque chose de rassurant là-dedans. Et en même temps, c'est inquiétant parce que cette méconnaissance-là, elle est utilisée contre les victimes pour économiser du fric. C'est ça que je trouve particulièrement terrible. Et il y a une nouvelle chose aussi. par rapport à toutes ces questions-là, c'est qu'en fait, depuis mars 2019, donc la loi Belloubet, il y a 15 départements qui ont testé des nouvelles cours qui s'appellent les cours criminels départementaux, dont l'objectif est aussi évidemment une économie financière et donc de désengorger les cours d'assises. Donc c'est une espèce de tribunal intermédiaire qui va juger les crimes passibles de 15 à 20 ans de prison. En fait, ça correspond à 88% à des crimes sexuels. Donc, en fait, c'est des cours, des sortes de sous-cours d'assises pour juger des sous-crimes qui sont les viols. Parce que dans notre société, déjà, dire que le viol est un crime, je pense que pour la plupart des gens, c'est bizarre. Il y a une petite réussite là-dedans si, à mon sens, si cette loi atteint son objectif, qu'il y ait moins de correctionnalisation. Pour le moment, du coup, je suis très nullomate, mais... un peu moins de 3 ans le taux de correctionnalisation n'a absolument pas baissé donc on va voir et la grande grande grande différence avec les cours d'assises et c'est ce qui leur fait économiser de l'argent c'est qu'il n'y a plus de juré populaire et on peut s'interroger là dessus c'est à dire que quelques années après MeToo on est encore en plein temps est-ce que c'est si pertinent que ça d'exclure les citoyens et citoyennes de décisions judiciaires concernant les violences sexuelles Je suis pas sûre à 100%. Mais ça permet en tout cas, ça c'est sûr, de réduire un petit peu les délais d'attente et de pas avoir besoin de voir son affaire minimisée par la justice. A priori, là, depuis le 1er janvier, c'est supposé être généralisé. D'accord. Mais il y a vraiment une levée de bouclier de la part des avocats, des avocates, de pas mal de magistrats et magistrates, parce qu'on considère que... que c'est des sous-cours d'assises et qu'on ne peut pas, en fait, juste hiérarchiser les crimes de cette manière-là. L'intérêt d'avoir un juré populaire, c'est que les jurés, en fait, n'ont pas connaissance du dossier en amont, et ça va pouvoir, en fait, préserver l'oralité des débats. Tout va re-être dit. En revanche, s'il n'y a pas de juré populaire, les magistrats, il me semble que, pour le moment, dans le cours d'assises, tu as trois magistrats magistrates et six jurés populaires. Là, ce sera cinq magistrats magistrates. Et c'est des personnes qui, en fait, connaissent le dossier. en amont. Donc il y a un peu cette peur qu'en fait on passe sous silence un certain nombre d'éléments parce que de toute façon tout le monde est au courant et qu'on perde ce côté là qui est très intéressant et un petit peu théâtral et impressionnant mais qui est peut-être aussi important quand on sait que théoriquement la justice est l'instance la plus importante en fait dans une démocratie. Suite à mon viol, très clairement j'ai eu un choc traumatique dont le black out est un symptôme. Au moment des faits j'ai développé ce qu'on appelle un pithiasis, on dit souvent, je ne sais pas pourquoi on dit ça. souvent en anglais, mais donc un syndrome de stress post-traumatique qui, donc, est un syndrome... Alors, je ne suis pas psy, je préfère le préciser, mais qui est un syndrome, en fait, qui est très invalidant, que vont vivre les victimes, les gens qui vont... Ce n'est pas 100%, d'ailleurs. On considère que 70% des victimes de viol vont... Ce qui est quand même énorme, évidemment, vont développer un PTSD. Et donc, voilà, c'est un syndrome très invalidant parce que il y a un certain nombre de symptômes donc on a les flashbacks, les pensées intrusives les problèmes de sommeil etc et le pire, j'ai l'impression que tout le monde s'accorde, les gens qui ont un syndrome de stress post-traumatique s'accordent pour dire que le pire c'est l'hypervigilance on a ce... ouais là j'en sens que... c'est vraiment le pire, parce que je trouve que en l'occurrence on peut s'habituer un peu au flashback, au truc comme ça tu sais tu mets les trucs de côté assez rapidement On arrive un petit peu à dealer avec un sommeil un peu plus compliqué, même si c'est super dur. On a besoin de sommeil, on a besoin pour vivre. Mais l'hypervigilance, il y a vraiment une sensation de... Le cerveau tente de maîtriser en permanence l'environnement, alors que c'est de fait super impossible d'être toujours dans cette maîtrise-là de tout ce qui se passe autour de soi. Et c'est-à-dire que, moi je me suis rendue compte, le pire truc en ce qui me concerne, c'est les enfants dans la rue. Parce que ça court partout un enfant. Et c'est petit. Et un enfant qui comme ça va courir devant moi tout d'un coup, je vais avoir une espèce de sensation de... Enfin, une criscate accomplie, mais un peu de tachycardie. Et c'est épuisant, évidemment. Ça m'est déjà arrivé de lâcher mes courses au monoprix, de sursauter à cause d'une mèche de cheveux à moi, parce qu'il y avait du vent. Et en fait, c'est une espèce de double... double violence, t'as ce truc là qui est physiquement très très désagréable et en ce qui me concerne, à chaque fois une mini sensation de honte d'avoir eu peur d'un truc qui finalement est un enfant qui court, quelqu'un qui parle un peu fort dans le métro, je sais rien, qui en fait fait partie du quotidien. Et ça m'est arrivé que des gens pareils arrivent vite et tout, que je sursaute et que les gens sont hyper désolés et je vais pas commencer à leur expliquer toute ma vie comme je le fais depuis tout à l'heure, voilà. Mais ça crée un... Ouais, ça crée un climat aussi très dur, je trouve, dans, je dirais, les rapports interpersonnels du quotidien, les gens que tu connais pas et que tu croises dans la vue, et voilà. Donc, le syndrome de stress post-traumatique est hyper invalidant. Quand on sait que la majorité des victimes de viols et d'incestes, qui est une catégorie du viol, vont avoir ça, pour moi, quand on parle de violences sexi-sexuelles, on parle vraiment d'un problème de santé publique. Et moi, j'essaie souvent d'expliquer les choses comme ça aux personnes qui vont être, on va dire, renseignées par un peu réfractaires au discours féministe. Comme il y a eu le Covid, en fait, les gens sont quand même un peu plus... un peu plus poreux à ce type d'argument et en fait de dire en fait c'est des personnes, enfin en ce qui me concerne, donc dans l'impact que ça a eu direct, c'est à dire que donc j'étais avec un mec depuis un an et le fait d'être en relation en fait mine de rien ça prend en fait beaucoup d'espace aussi mental donc je me suis séparée de lui, j'ai quitté mon taf deux semaines après, enfin... J'ai clairement pas été en mesure vraiment de rechercher un TAF pendant des mois et des mois et des mois. Heureusement, je suis intermittente, donc j'avais quand même cette sécurité-là, mais tout le monde ne l'a pas. Et pareil, ça renvoie aussi à un sentiment d'échec aussi global de là où j'en suis de ma vie, je n'ai pas de taf. Non pas qu'avoir un mec ou une meuf, ou peu importe, ce soit un but dans ma vie, mais il y a un peu ce truc-là de repartir à zéro qui est très, très, très dur. Et quand on voit le nombre de personnes qui, malheureusement, subissent ça tous les ans, tu dis effectivement qu'on est quelque chose qui est de l'ordre de la pandémie. Je ne sais pas si dans les grandes lignes, en tout cas, ça a répondu.

  • Speaker #0

    C'est parfait. que je voulais et simplement aussi ça a duré combien de temps ce syndrome de stress post post traumatique c'est dur à dire bah clairement je suis encore dedans après disons que

  • Speaker #1

    Il y a aussi ce truc-là, on se met du coup à vivre, à voir, à percevoir, etc., de manière très différente. Donc au départ, c'est hyper dur. Et puis en fait, il y a un moment où on se dit « Ah, j'ai l'impression que ça s'améliore grave » . Et en fait, rien n'a changé, c'est juste que tu t'es habituée à un nouveau fonctionnement, qui est de fait pas le meilleur, mais qui est... Il y a aussi un truc d'acceptation, je pense, qui est hyper important. Moi, qui m'a vachement... qui a été facilitée parce que du coup ça fait un peu plus d'un an que je suis une thérapie avec une psy qui est trop cool et qui est féministe. Je pense qu'on ne doit voir que de... C'est impossible maintenant quand je pense à d'autres thérapeutes que j'ai pu voir qui posaient des sorties de route pas possibles sur ces questions-là. Je me dis waouh. Bref, donc elles m'aident beaucoup justement aussi à déculpabiliser. C'est des trucs, pareil, je peux avoir des angoisses de genre fermer mon appart à double tour. voilà, enfin, quand je vais me coucher et tout. Et je me... En fait, je me faisais des espèces de petits défis de je vais fermer que un tour et pas deux. Et j'en ai parlé à ma psy, elle était genre, bah, fermez les deux, en vrai, si vous vous sentez mieux. Donc voilà, c'est ce genre de truc. Mais clairement, je pense que ça... Après, manifestement, ça peut partir. Mais ça met du temps. Enfin, beaucoup de temps. Et en plus, à ce temps-là de guérison, on va dire, il y a le temps judiciaire, qu'on ne maîtrise pas du tout, qui est très très très long. et qui, à mon sens, même s'il ne faut pas compter là-dessus non plus, mais fait aussi partie d'un processus, pas de guérison évidemment, mais de mettre les choses en décase. Alors, j'ai envie de donner des conseils aux personnes victimes, mais aussi des conseils aux personnes pas victimes, mais proches de personnes victimes. En réalité, on les tous souvent. Comme conseil à donner aux victimes, En fait, c'est compliqué, je dirais, de donner des conseils aux victimes. Déjà, c'est déjà tellement dur, en fait, de vivre ce genre de choses. Mais c'est de tenter, déjà, au maximum de ne pas culpabiliser et de se dire que, peu importe les choix qu'on fait, c'est-à-dire porter plainte, ne pas porter plainte, porter plainte dans 10 ans, personne n'a de jugement à avoir là-dessus. Et dans ce genre de cas, en fait, je pense que chacune, chacun, en fait, fait au mieux. Et ne laisser personne, ne serait-ce que tenter de juger la manière dont on réagit à ça. On sait jamais de toute façon comment réagir à ça. Et effectivement, voilà, c'est ce que je disais donc au début, de garder les habits. Enfin, dans ma procédure, ça a été vraiment très très très très utile. Même si la personne n'y l'est fait, c'est-à-dire que si t'as l'ADN du gars sur le bouton de ton jean, disons que ça corrobora a priori, pas forcément sa version. Donc voilà, garder des preuves matérielles, parce que dans un premier temps, si on en a, on n'en a pas toujours. Dans un premier temps, la justice attend de nous à ce que ce soit nous qui les apportons, ce qui est une chose dont on pourrait parler pendant des heures, mais bon. Et puis surtout, comme conseil à donner aux personnes qui peuvent avoir dans leur entourage une personne qui va être agressée, va être violée, c'est ne pas essayer d'aider quelqu'un si vous-même vous n'êtes pas en mesure de le faire. Ce serait une catastrophe. J'ai une pote avec... qui du coup depuis notre relation est extrêmement compliquée parce qu'elle a essayé de nous aider alors qu'elle même elle était en détresse pour d'autres raisons et en fait ça a créé une espèce de gouffre d'incompréhension entre nous faut pas tenter d'aider quand on n'est pas capable de le faire et c'est ok de ne pas être capable de le faire dans ce cas là on peut essayer de chercher une autre personne de vérifier que la personne n'est pas seule et puis voilà et puis en fait tout simplement d'écouter de ne pas remettre en question de ne pas conseiller si on n'en a pas la capacité. C'est OK de ne pas savoir. Je pense qu'il y a plein de gens qui n'arrivent pas avec ce concept, mais c'est OK de ne pas savoir. Et puis aussi, parce que je me suis retrouvée un peu dans ce cas-là, quand moi-même j'ai été agressée avec d'autres personnes, parfois les personnes autour ne savent vraiment pas quoi faire avec cette situation, sont hyper... Qu'est-ce que je peux faire, moi ? En fait, même si la personne en face de toi est traumatisée, elle est peut-être dissociée, c'est-à-dire... à côté d'elle-même en fait. Ça reste un être humain qui est capable de faire des choix. Il suffit juste de lui demander de quoi elle a besoin. Tout simplement. Et ça a manqué aussi, heureusement pas du tout avec la majorité des gens autour de moi, mais vachement de gens qui voulaient être force d'initiative, etc. Mais juste de quoi tu as besoin. Et je trouve que ça réhumanise tout de suite aussi la personne qui a été victime et qui justement a été déshumanisée par son agression.

  • Speaker #0

    Ok. Tu vois, le fait de donner des conseils à des personnes tierces, j'y aurais pas pensé. Merci, je trouve que c'est une belle initiative. Et du coup, là, qu'est-ce qui t'a donné envie de répondre à l'appel à témoignages et de partager toute ton histoire ?

  • Speaker #1

    Ce qui m'a donné envie de répondre, c'est que... Ce que je te disais la première fois qu'on a pris contact, c'est que quand on est victime de ce genre de fait et qu'on porte plainte, on devient un peu l'experte, l'expert de notre propre parcours. Et effectivement, j'ai accumulé vraiment pas mal de connaissances sur ces questions-là. Et c'est des connaissances que j'aurais vraiment aimé avoir avant. Et je pense qu'il faut les diffuser au maximum parce que de toute façon, savoir plus de choses, ça ne fait jamais de mal. Et que ça peut être utile pour soi ou pour les autres, de savoir aussi un petit peu comment tout ça fonctionne, et de connaître nos droits en amont, ce qui n'est souvent pas du tout, du tout le cas.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu aurais quelque chose à rajouter au-delà de tout ça, des choses que tu aurais aimé dire, même si ce n'est pas du tout dans l'ordre chronologique ou autre ?

  • Speaker #1

    Tout simplement, une réponse que je n'ai pas donnée dans le conseil, donc aux personnes qui sont victimes, ça paraît évident, mais en fait non, c'est de ne pas rester seule. On ne peut pas rester seule avec ce genre d'histoire. C'est-à-dire qu'on peut voir, si on en a la possibilité, voir un psy ou une psy, c'est évidemment le mieux, mais en parler à des proches, de confiance. On n'est pas obligé d'en parler à toute la Terre. D'ailleurs, si on souhaite en parler à toute la Terre, on peut le faire aussi, mais vraiment de ne pas rester seule. C'est des histoires qui sont trop violentes pour les gérer, en fait, de manière solo, comme si rien ne s'était passé. De toute façon... Pour le coup, ça c'est des mots de ma psy, mais si on tente pas de gérer le truc tout de suite, ce qui est ok évidemment, il y a un moment où on va devoir le faire, parce que ça crée une accumulation de choses avec lesquelles on n'a pas d'îlée, et qui sont trop violentes, pour qu'on n'ait pas besoin d'aide à un moment. Voilà.

  • Speaker #0

    Je suis d'accord avec Louise, les violences sexuelles sont un problème de santé publique. Par an, on estime que 94 000 femmes sont victimes de viols en France. La première recommandation du Haut Conseil à l'égalité pour pallier à ce fléau serait d'augmenter les moyens financiers et humains de la justice française pour former mieux et en plus grand nombre les magistrats et magistrates au sein des juridictions concernées. Cette recommandation, formulée en janvier 2023, c'est la même requête formulée par les associations féministes depuis des dizaines d'années. Le combat est long, épuisant, parfois insupportable, mais il est mené à plusieurs. Et ensemble, nous sommes plus fortes, plus vaillantes, et nous pouvons aussi être assourdissantes. Vous venez d'écouter le deuxième épisode du podcast « Au bénéfice du doute » . Si vous pensez qu'il peut être utile à d'autres personnes, n'hésitez pas à le partager. Ce podcast est entièrement autoproduit par Julie Dussert. La musique originale a été composée par Sandra Fabry et l'image a été dessinée par Camélia Blandot. « Au bénéfice du doute » , le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole.

Description

⚠️ Cet épisode évoque des faits de violences sexuelles. Assurez-vous d'être dans de bonnes conditions avant de l'écouter. 


📢 En France, les victimes de violences sexuelles font face à tellement d'informations qu'il est difficile de véritablement connaître ses droits. Suite à un viol, Louise est devenue "experte de son propre parcours judiciaire" et partage, dans son témoignage, de précieux éléments.


💜 Merci encore à Louise.


📩 Si vous souhaitez témoigner, n'hésitez pas à envoyer un e-mail à aubeneficedudoutepodcast@gmail.com ou en message privé sur Instagram @aubeneficedudoute . 


Au Bénéfice du Doute est une émission entièrement auto-produite par Julie Dusserre.

Musique originale : Sandra Fabbri

Illustration : Camélia Blandeau 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Au bénéfice du doute, le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole. Cet épisode évoque des faits de violences sexuelles. Écoutez-le dans de bonnes conditions. Avocate, plainte, VSS, syndrome de stress post-traumatique, correctionnalisation, cours criminel départemental, tous ces termes qui peuvent être intimidants dans le parcours d'une personne victime. Louise les connaît bien. Devenue experte de son propre parcours judiciaire, elle a décidé de partager son vécu et ses connaissances avec soin et bienveillance. Bonjour Louise.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle Louise, j'ai 28 ans et j'ai subi une agression en 2020, donc maintenant il y a un peu plus de deux ans. Ça s'est passé dans le cadre d'une soirée, mais je me suis rendue compte de la nature des faits, donc en l'occurrence d'un viol, quasiment immédiatement. Et je suis allée porter plainte le lendemain, donc moins de 24 heures plus tard. il m'a quand même été... réprochés par les policiers d'avoir mis trop de temps. Oui, c'est incroyable, mais c'est la vérité. Là où j'ai eu beaucoup de chance, c'est que j'estime que je suis quelqu'un de... très entourée. J'étais déjà disons pas forcément encore dans les sphères féministes mais très intéressée par ces sujets-là. Tout comme mon entourage aussi et c'est pour ça que j'ai pu nommer en fait très rapidement la nature de mon agression ce qui est une force évidemment. Donc un entourage très présent et qui n'a pas remis ma parole en question ce qui malheureusement est rare et très présent aussi parce que tout de suite dans l'aide etc. et qui m'a permis d'avoir une avocate au moment où j'ai porté plainte. Et ça, c'est quelque chose qui me semble très, très important à savoir. C'est que quand on va porter plainte, pour quoi que ce soit par ailleurs, on a le droit d'être accompagné par une personne majeure. Une personne majeure, donc, en l'occurrence, ça peut être évidemment un avocat, une avocate. C'est vraiment quelque chose que je conseille en particulier quand il s'agit de faits de violences sexuelles. Parce que, de fait, quand on va porter plainte pour ce genre de choses, on est une personne particulièrement vulnérable et on ne connaît pas tous les tenants et les aboutissants de la loi. tandis que la personne qui nous accompagne est... supposé, du fait de sa formation, connaître, avoir ces connaissances-là. Et effectivement, ça m'a été particulièrement utile, parce que c'est mon avocate qui m'a dit, tout de suite, il faut absolument que tu gardes les habits que tu avais au moment des faits, les apports dans un sac, un plastique, etc. C'est quelque chose que je conseille aussi vraiment de faire aux personnes qui se font agresser, c'est-à-dire que je comprends, évidemment, complètement le fait de ne pas avoir la force de porter plainte tout de suite, mais on peut se dire que peut-être qu'à un moment, c'est quelque chose qu'on envisagera. De toute façon, en général, ce n'est pas forcément des fringues qu'on envisage. de remettre donc quittait que ces fringues soit utile pour une chose autant les garder sur le côté du coup voilà j'ai apporté les habits j'ai plutôt été bien reçue par les flics ce qui est une autre chance parce que c'est malheureusement un rare estime d'où des policiers qui n'ont pas remis en question mon récit. Bien que, évidemment, la première phrase, je pense, sur le procès verbal, c'est que je suis en couple avec un mec, alors que le mec n'était même pas là la soirée. Enfin, ça n'apporte rien, en fait, au récit, mais bon, manifestement, c'est très important pour de le signifier. Et la deuxième phrase, c'est comment j'étais habillée, donc forcément, je ne porte jamais tout-tive, donc tu sais, il y a un peu le truc, ouh là là, une fille légère. Mais dans l'ensemble, ça allait. C'est-à-dire que je n'ai pas eu le sentiment que ça avait ajouté de la... beaucoup de violence à la violence de l'agression.

  • Speaker #0

    Tu disais qu'ils t'ont reproché d'être venu trop tard. Quels sont leurs arguments par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Alors, leur argument c'était de dire que ce qui s'est passé c'est que je me suis endormie à une soirée, ce qui est un truc qui m'arrive très régulièrement. Et c'est dans ce cadre-là que j'ai été agressée. La personne a profité de cette situation. Et je me suis réveillée, en fait. Donc j'ai vu la personne, et après j'ai eu un blackout qui est extrêmement courant, c'est-à-dire quand une personne vit quelque chose de trop difficile, c'est ce qu'on appelle un sentiment de mort imminente, son cerveau va faire comme si t'allumais plein de lumière dans une maison, et que du coup t'as une coupure de courant, en fait c'est exactement la même chose. Donc j'ai une espèce de... trou noir, c'est-à-dire que je me souviens voir le gars et du coup l'identifier, mais je ne le vois pas sortir de la pièce, etc. Et quand je suis un peu revenue à moi, j'en ai parlé direct à mes potes, qui eux-mêmes ont capté de qui il s'agissait. Et donc les policiers ont dit qu'il fallait nous appeler absolument tout de suite, parce que c'était du flagrant délit et que nous on pouvait choper le gars direct. Et que de fait, c'est du flagrant délit, il y a certainement plus de preuves matérielles, etc. Donc à mon avis, c'était une frustration pour eux. vu que ce n'était pas très longtemps après les faits, mais de manière générale, même si j'étais venue porter plainte dix ans plus tard, pour une victime, c'est inaudible, parce que c'est déjà un truc énorme pour nous de porter plainte. Et un petit truc que je voulais dire par rapport à ça, c'est qu'on sait que l'accueil en général des policiers est vraiment déplorable quand on est victime de VSS. L'accueil de la justice, si ça va jusque-là, l'est souvent également. le truc que je trouve particulièrement problématique, au-delà de l'impact évidemment que ça va avoir sur les victimes, c'est qu'en fait, quand on a été victime de ça, pour moi, on va dire que pour nous, les victimes, le mal a été fait. Et en fait, en tant que citoyen, on va quand même avertir l'État, via les flics, pour leur dire, en fait, il y a un gars là qui est dans la nature et qui est dangereux. Et rien que pour ça, on devrait être remercié. En fait, ça devrait être l'inverse. Bon, déjà, si on arrive à... À avoir des policiers à peu près bienveillants, ce sera déjà pas mal. Je ne demande pas non plus à ce qu'on ait une médaille. Mais quand tu mets les choses dans cette perspective, tu te rends compte qu'il y a quand même un gros souci.

  • Speaker #0

    Dans le dépôt de plainte, ton avocate, elle joue quel rôle ? Elle est là en tant que conseil ou plus en tant que soutien psychologique ?

  • Speaker #1

    Il y a du soutien psychologique ici où on se retrouve. Parce que je pense qu'il y a aussi des avocats et avocates pas forcément extrêmement bienveillantes. En l'occurrence, la mienne est bienveillante. Par ailleurs, c'est une personne qui est féministe. Donc, qui connaît aussi bien le fonctionnement de toutes ces histoires de VSS. Il y a effectivement le soutien psychologique, ne pas être seule, qui est hyper important. Et tout simplement, c'est quelqu'un qui va être capable de dire aux policiers, en fait, cette question-là, vous n'avez pas besoin de la poser. Ou de dire aux policiers, en fait, ça, vous devez le faire. C'est-à-dire, exemple, moi, je porte plainte moins de 24 heures après les faits. Et donc, on se retrouve dimanche soir. Et mon avocat dit, il faut absolument qu'elle aille aux UMJ, qui sont les unités médico-judiciaires, pour voir, c'est un petit peu glauque, mais c'est comme ça qu'on les appelle, pour voir un médecin légiste. Les médecins légistes ne travaillent pas uniquement sur des personnes mortes, mais aussi sur des personnes agressées. Et dans un premier temps, ils lui ont dit, non mais là il est tard, mais on peut lui donner rendez-vous dans une semaine. Et bon, en fait, disons que moi j'aurais été seule, j'aurais juste dit oui, oui, oui, j'aurais voulu me barrer. et elle, évidemment, elle a... Elle aura tenu tête et elle aura dit, mais en fait, c'est complètement débile. C'est-à-dire que le but est de recueillir des preuves. Dans une semaine, on espère que madame se sera lavée plusieurs fois et que ces preuves-là ne seront plus présentes. Donc en fait, je pense qu'il y a ce truc de tenir tête. Et puis je pense qu'il y a tout simplement se faire respecter. Parce que les policiers, on le sait, quelquefois nous retirent, en fait, notre droit de porter plainte. C'est un droit. Un policier n'a pas le droit de dire non. Un polyséptique n'a pas le droit de nous dissuader d'une manière ou d'une autre. Parce que souvent, on entend, là, ça va être très dur. On entend même des choses encore plus atroces, de vous allez détruire la vie du gars. L'avocate est là pour faire rempart, en fait, à ce moment-là. C'est pour ça que c'est fondamental d'être accompagné, je pense.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as fait une avance financière pour ce rendez-vous-là ?

  • Speaker #1

    Non. Ça a été donc un grand privilège pour moi. C'est-à-dire que cette personne est une amie de mon frère. Donc, en fait, toute la question de la compensation financière n'était pas du tout sur le tapis à ce moment-là. Théoriquement, à ce stade-là, on est supposé payer. Tant qu'en fait, il n'y a pas d'instruction, l'avocat ou l'avocate n'est pas gratuite. Enfin, on ne peut pas avoir encore l'aide juridictionnelle. Enfin, demander l'aide juridictionnelle, donc théoriquement, j'aurais dû la payer. J'ai eu le privilège de ne pas avoir à le faire. En revanche, il y a un certain nombre d'associations, dont la Fondation des Femmes, qui proposent des avocates pour le dépôt de plainte. Donc, ne pas hésiter à recourir à ces numéros-là. Suite de tout ça, c'est que... Les policiers ont fait leur enquête très sérieusement, j'ai l'impression du moins. Il y a eu une instruction. Dans le cadre de cette instruction, mon agresseur a été mis dans un premier temps en garde à vue, puis en examen. Il a admis les faits, il ne les a pas admis de gré de cœur, ce n'est pas parce qu'il a eu des remords terribles, bien évidemment. Dans un premier temps, il a nié, mais il a fini par admettre les faits parce qu'il y avait des éléments matériels. qui ont été trouvés, soit vraiment juste par les policiers de leur côté, soit grâce à cette histoire d'habit. Je ne peux pas donner plus de détails parce que le procès n'a pas eu lieu et qu'il y a tout ce truc de présence d'innocence et puis évidemment de ne pas donner trop d'éléments sur l'instruction. Mais donc il a été mis en examen et effectivement le fait qu'il ait admis les faits, même s'il ne les a pas admis spontanément, on va dire, c'est effectivement très soulageant. Parce que dans toute la violence inouïe de ce que c'est un viol, de ce que c'est une agression sexuelle, il y a évidemment le... l'élément physique, psychologique, direct, mais il y a aussi le fait de ne pas être cru. Et cette peur-là de ne pas être cru, elle est renforcée. Lorsque l'auteur, et c'est quasiment à 100% du temps le cas, va juste dire que non. Donc effectivement, ça, ça a été un grand soulagement pour moi. Du coup, suite de tout ça, comme il s'agit d'un viol, en l'occurrence, un truc aussi assez important à savoir. C'est que lorsque la personne qui commet les faits est sous l'emprise de l'alcool ou de drogue, c'est une circonstance aggravante. Ça, je trouve que c'est un truc vraiment super, pour le coup, de la part de la justice d'avoir mis ça en place, parce qu'on considère que l'auteur des faits va utiliser ces substances-là pour être suffisamment désinhibé pour un passage à l'acte. Je trouve ça assez fort et je trouve ça assez bien. En l'occurrence, lui, il est mis en examen pour viol aggravé. L'instruction s'est clôturée. Et suite à tout ça, il y a eu une ordonnance, en fait, de correctionnalisation. Ça, c'est un peu les facéties de la justice française. C'est-à-dire qu'un viol est évidemment reconnu comme un crime. Mais un procès aux assises, ça coûte très très très cher à la justice française, qui n'a pas d'argent. Donc, on demande... Enfin, on demande... Il me semble que c'est... Entre 70 à 80% des cas, quand un viol va être jugé, ce qui correspond à très peu de cas déjà à la base, il va être jugé en tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel, c'est le tribunal qui est supposé juger des délits. Ce que ça implique, c'est qu'on va gommer tout ce qui va caractériser le viol, donc la pénétration, l'élément potentiellement le plus violent, pour transformer les faits en une agression sexuelle. Et on va essayer globalement de convaincre la victime, donc la partie civile. Par des arguments que personnellement je trouve malhonnêtes. C'est-à-dire, ça va être jugé plus vite, alors c'est un fait, mais quand on est de toute façon partie civile dans ce type d'affaires, on sait qu'il y a de l'eau qui va couler sous les ponts, et qu'on a le temps avant qu'il y ait un jugement. Donc, à mon sens, en tout cas pour moi, et je peux tout à fait comprendre que ce ne soit pas le cas pour d'autres personnes, mais on n'est pas à six mois près en fait. Je préfère attendre six mois de plus et qu'on nomme les choses correctement. plutôt que d'avoir un procès bâclé qui potentiellement, c'est-à-dire qu'on a été victime de viol et les faits sont correctionnalisés. Notre procès va se dérouler entre une audience précédente d'un mec qui n'a pas payé ses factures d'électricité, ce que je peux comprendre actuellement par ailleurs, et puis un mec qui a fumé du shit en bâchée de lui. Il y a quand même, enfin c'est un déni en fait de réalité pour les victimes que je trouve insupportable. et ce qu'il faut savoir, c'est que lorsque l'on va Rendre une ordonnance de correctionnalisation, on a le droit en tant que parti civil de refuser et le parquet ne peut pas accepter notre refus. C'est dans un temps qui est très court, il me semble que c'est une semaine peut-être dix jours au maximum, mais il faut être réactif. Il faut de toute façon à ce stade-là être accompagné de son avocat ou son avocate et c'est cette personne qui va se charger de refuser. Mais je comprends encore une fois tout à fait qu'on puisse accepter. Mais il faut dans tous les cas être renseigné sur cette question-là. Et c'est normal de ne pas connaître toutes les petites subtilités de notre loi. Heureusement, il y a quelque chose de rassurant là-dedans. Et en même temps, c'est inquiétant parce que cette méconnaissance-là, elle est utilisée contre les victimes pour économiser du fric. C'est ça que je trouve particulièrement terrible. Et il y a une nouvelle chose aussi. par rapport à toutes ces questions-là, c'est qu'en fait, depuis mars 2019, donc la loi Belloubet, il y a 15 départements qui ont testé des nouvelles cours qui s'appellent les cours criminels départementaux, dont l'objectif est aussi évidemment une économie financière et donc de désengorger les cours d'assises. Donc c'est une espèce de tribunal intermédiaire qui va juger les crimes passibles de 15 à 20 ans de prison. En fait, ça correspond à 88% à des crimes sexuels. Donc, en fait, c'est des cours, des sortes de sous-cours d'assises pour juger des sous-crimes qui sont les viols. Parce que dans notre société, déjà, dire que le viol est un crime, je pense que pour la plupart des gens, c'est bizarre. Il y a une petite réussite là-dedans si, à mon sens, si cette loi atteint son objectif, qu'il y ait moins de correctionnalisation. Pour le moment, du coup, je suis très nullomate, mais... un peu moins de 3 ans le taux de correctionnalisation n'a absolument pas baissé donc on va voir et la grande grande grande différence avec les cours d'assises et c'est ce qui leur fait économiser de l'argent c'est qu'il n'y a plus de juré populaire et on peut s'interroger là dessus c'est à dire que quelques années après MeToo on est encore en plein temps est-ce que c'est si pertinent que ça d'exclure les citoyens et citoyennes de décisions judiciaires concernant les violences sexuelles Je suis pas sûre à 100%. Mais ça permet en tout cas, ça c'est sûr, de réduire un petit peu les délais d'attente et de pas avoir besoin de voir son affaire minimisée par la justice. A priori, là, depuis le 1er janvier, c'est supposé être généralisé. D'accord. Mais il y a vraiment une levée de bouclier de la part des avocats, des avocates, de pas mal de magistrats et magistrates, parce qu'on considère que... que c'est des sous-cours d'assises et qu'on ne peut pas, en fait, juste hiérarchiser les crimes de cette manière-là. L'intérêt d'avoir un juré populaire, c'est que les jurés, en fait, n'ont pas connaissance du dossier en amont, et ça va pouvoir, en fait, préserver l'oralité des débats. Tout va re-être dit. En revanche, s'il n'y a pas de juré populaire, les magistrats, il me semble que, pour le moment, dans le cours d'assises, tu as trois magistrats magistrates et six jurés populaires. Là, ce sera cinq magistrats magistrates. Et c'est des personnes qui, en fait, connaissent le dossier. en amont. Donc il y a un peu cette peur qu'en fait on passe sous silence un certain nombre d'éléments parce que de toute façon tout le monde est au courant et qu'on perde ce côté là qui est très intéressant et un petit peu théâtral et impressionnant mais qui est peut-être aussi important quand on sait que théoriquement la justice est l'instance la plus importante en fait dans une démocratie. Suite à mon viol, très clairement j'ai eu un choc traumatique dont le black out est un symptôme. Au moment des faits j'ai développé ce qu'on appelle un pithiasis, on dit souvent, je ne sais pas pourquoi on dit ça. souvent en anglais, mais donc un syndrome de stress post-traumatique qui, donc, est un syndrome... Alors, je ne suis pas psy, je préfère le préciser, mais qui est un syndrome, en fait, qui est très invalidant, que vont vivre les victimes, les gens qui vont... Ce n'est pas 100%, d'ailleurs. On considère que 70% des victimes de viol vont... Ce qui est quand même énorme, évidemment, vont développer un PTSD. Et donc, voilà, c'est un syndrome très invalidant parce que il y a un certain nombre de symptômes donc on a les flashbacks, les pensées intrusives les problèmes de sommeil etc et le pire, j'ai l'impression que tout le monde s'accorde, les gens qui ont un syndrome de stress post-traumatique s'accordent pour dire que le pire c'est l'hypervigilance on a ce... ouais là j'en sens que... c'est vraiment le pire, parce que je trouve que en l'occurrence on peut s'habituer un peu au flashback, au truc comme ça tu sais tu mets les trucs de côté assez rapidement On arrive un petit peu à dealer avec un sommeil un peu plus compliqué, même si c'est super dur. On a besoin de sommeil, on a besoin pour vivre. Mais l'hypervigilance, il y a vraiment une sensation de... Le cerveau tente de maîtriser en permanence l'environnement, alors que c'est de fait super impossible d'être toujours dans cette maîtrise-là de tout ce qui se passe autour de soi. Et c'est-à-dire que, moi je me suis rendue compte, le pire truc en ce qui me concerne, c'est les enfants dans la rue. Parce que ça court partout un enfant. Et c'est petit. Et un enfant qui comme ça va courir devant moi tout d'un coup, je vais avoir une espèce de sensation de... Enfin, une criscate accomplie, mais un peu de tachycardie. Et c'est épuisant, évidemment. Ça m'est déjà arrivé de lâcher mes courses au monoprix, de sursauter à cause d'une mèche de cheveux à moi, parce qu'il y avait du vent. Et en fait, c'est une espèce de double... double violence, t'as ce truc là qui est physiquement très très désagréable et en ce qui me concerne, à chaque fois une mini sensation de honte d'avoir eu peur d'un truc qui finalement est un enfant qui court, quelqu'un qui parle un peu fort dans le métro, je sais rien, qui en fait fait partie du quotidien. Et ça m'est arrivé que des gens pareils arrivent vite et tout, que je sursaute et que les gens sont hyper désolés et je vais pas commencer à leur expliquer toute ma vie comme je le fais depuis tout à l'heure, voilà. Mais ça crée un... Ouais, ça crée un climat aussi très dur, je trouve, dans, je dirais, les rapports interpersonnels du quotidien, les gens que tu connais pas et que tu croises dans la vue, et voilà. Donc, le syndrome de stress post-traumatique est hyper invalidant. Quand on sait que la majorité des victimes de viols et d'incestes, qui est une catégorie du viol, vont avoir ça, pour moi, quand on parle de violences sexi-sexuelles, on parle vraiment d'un problème de santé publique. Et moi, j'essaie souvent d'expliquer les choses comme ça aux personnes qui vont être, on va dire, renseignées par un peu réfractaires au discours féministe. Comme il y a eu le Covid, en fait, les gens sont quand même un peu plus... un peu plus poreux à ce type d'argument et en fait de dire en fait c'est des personnes, enfin en ce qui me concerne, donc dans l'impact que ça a eu direct, c'est à dire que donc j'étais avec un mec depuis un an et le fait d'être en relation en fait mine de rien ça prend en fait beaucoup d'espace aussi mental donc je me suis séparée de lui, j'ai quitté mon taf deux semaines après, enfin... J'ai clairement pas été en mesure vraiment de rechercher un TAF pendant des mois et des mois et des mois. Heureusement, je suis intermittente, donc j'avais quand même cette sécurité-là, mais tout le monde ne l'a pas. Et pareil, ça renvoie aussi à un sentiment d'échec aussi global de là où j'en suis de ma vie, je n'ai pas de taf. Non pas qu'avoir un mec ou une meuf, ou peu importe, ce soit un but dans ma vie, mais il y a un peu ce truc-là de repartir à zéro qui est très, très, très dur. Et quand on voit le nombre de personnes qui, malheureusement, subissent ça tous les ans, tu dis effectivement qu'on est quelque chose qui est de l'ordre de la pandémie. Je ne sais pas si dans les grandes lignes, en tout cas, ça a répondu.

  • Speaker #0

    C'est parfait. que je voulais et simplement aussi ça a duré combien de temps ce syndrome de stress post post traumatique c'est dur à dire bah clairement je suis encore dedans après disons que

  • Speaker #1

    Il y a aussi ce truc-là, on se met du coup à vivre, à voir, à percevoir, etc., de manière très différente. Donc au départ, c'est hyper dur. Et puis en fait, il y a un moment où on se dit « Ah, j'ai l'impression que ça s'améliore grave » . Et en fait, rien n'a changé, c'est juste que tu t'es habituée à un nouveau fonctionnement, qui est de fait pas le meilleur, mais qui est... Il y a aussi un truc d'acceptation, je pense, qui est hyper important. Moi, qui m'a vachement... qui a été facilitée parce que du coup ça fait un peu plus d'un an que je suis une thérapie avec une psy qui est trop cool et qui est féministe. Je pense qu'on ne doit voir que de... C'est impossible maintenant quand je pense à d'autres thérapeutes que j'ai pu voir qui posaient des sorties de route pas possibles sur ces questions-là. Je me dis waouh. Bref, donc elles m'aident beaucoup justement aussi à déculpabiliser. C'est des trucs, pareil, je peux avoir des angoisses de genre fermer mon appart à double tour. voilà, enfin, quand je vais me coucher et tout. Et je me... En fait, je me faisais des espèces de petits défis de je vais fermer que un tour et pas deux. Et j'en ai parlé à ma psy, elle était genre, bah, fermez les deux, en vrai, si vous vous sentez mieux. Donc voilà, c'est ce genre de truc. Mais clairement, je pense que ça... Après, manifestement, ça peut partir. Mais ça met du temps. Enfin, beaucoup de temps. Et en plus, à ce temps-là de guérison, on va dire, il y a le temps judiciaire, qu'on ne maîtrise pas du tout, qui est très très très long. et qui, à mon sens, même s'il ne faut pas compter là-dessus non plus, mais fait aussi partie d'un processus, pas de guérison évidemment, mais de mettre les choses en décase. Alors, j'ai envie de donner des conseils aux personnes victimes, mais aussi des conseils aux personnes pas victimes, mais proches de personnes victimes. En réalité, on les tous souvent. Comme conseil à donner aux victimes, En fait, c'est compliqué, je dirais, de donner des conseils aux victimes. Déjà, c'est déjà tellement dur, en fait, de vivre ce genre de choses. Mais c'est de tenter, déjà, au maximum de ne pas culpabiliser et de se dire que, peu importe les choix qu'on fait, c'est-à-dire porter plainte, ne pas porter plainte, porter plainte dans 10 ans, personne n'a de jugement à avoir là-dessus. Et dans ce genre de cas, en fait, je pense que chacune, chacun, en fait, fait au mieux. Et ne laisser personne, ne serait-ce que tenter de juger la manière dont on réagit à ça. On sait jamais de toute façon comment réagir à ça. Et effectivement, voilà, c'est ce que je disais donc au début, de garder les habits. Enfin, dans ma procédure, ça a été vraiment très très très très utile. Même si la personne n'y l'est fait, c'est-à-dire que si t'as l'ADN du gars sur le bouton de ton jean, disons que ça corrobora a priori, pas forcément sa version. Donc voilà, garder des preuves matérielles, parce que dans un premier temps, si on en a, on n'en a pas toujours. Dans un premier temps, la justice attend de nous à ce que ce soit nous qui les apportons, ce qui est une chose dont on pourrait parler pendant des heures, mais bon. Et puis surtout, comme conseil à donner aux personnes qui peuvent avoir dans leur entourage une personne qui va être agressée, va être violée, c'est ne pas essayer d'aider quelqu'un si vous-même vous n'êtes pas en mesure de le faire. Ce serait une catastrophe. J'ai une pote avec... qui du coup depuis notre relation est extrêmement compliquée parce qu'elle a essayé de nous aider alors qu'elle même elle était en détresse pour d'autres raisons et en fait ça a créé une espèce de gouffre d'incompréhension entre nous faut pas tenter d'aider quand on n'est pas capable de le faire et c'est ok de ne pas être capable de le faire dans ce cas là on peut essayer de chercher une autre personne de vérifier que la personne n'est pas seule et puis voilà et puis en fait tout simplement d'écouter de ne pas remettre en question de ne pas conseiller si on n'en a pas la capacité. C'est OK de ne pas savoir. Je pense qu'il y a plein de gens qui n'arrivent pas avec ce concept, mais c'est OK de ne pas savoir. Et puis aussi, parce que je me suis retrouvée un peu dans ce cas-là, quand moi-même j'ai été agressée avec d'autres personnes, parfois les personnes autour ne savent vraiment pas quoi faire avec cette situation, sont hyper... Qu'est-ce que je peux faire, moi ? En fait, même si la personne en face de toi est traumatisée, elle est peut-être dissociée, c'est-à-dire... à côté d'elle-même en fait. Ça reste un être humain qui est capable de faire des choix. Il suffit juste de lui demander de quoi elle a besoin. Tout simplement. Et ça a manqué aussi, heureusement pas du tout avec la majorité des gens autour de moi, mais vachement de gens qui voulaient être force d'initiative, etc. Mais juste de quoi tu as besoin. Et je trouve que ça réhumanise tout de suite aussi la personne qui a été victime et qui justement a été déshumanisée par son agression.

  • Speaker #0

    Ok. Tu vois, le fait de donner des conseils à des personnes tierces, j'y aurais pas pensé. Merci, je trouve que c'est une belle initiative. Et du coup, là, qu'est-ce qui t'a donné envie de répondre à l'appel à témoignages et de partager toute ton histoire ?

  • Speaker #1

    Ce qui m'a donné envie de répondre, c'est que... Ce que je te disais la première fois qu'on a pris contact, c'est que quand on est victime de ce genre de fait et qu'on porte plainte, on devient un peu l'experte, l'expert de notre propre parcours. Et effectivement, j'ai accumulé vraiment pas mal de connaissances sur ces questions-là. Et c'est des connaissances que j'aurais vraiment aimé avoir avant. Et je pense qu'il faut les diffuser au maximum parce que de toute façon, savoir plus de choses, ça ne fait jamais de mal. Et que ça peut être utile pour soi ou pour les autres, de savoir aussi un petit peu comment tout ça fonctionne, et de connaître nos droits en amont, ce qui n'est souvent pas du tout, du tout le cas.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu aurais quelque chose à rajouter au-delà de tout ça, des choses que tu aurais aimé dire, même si ce n'est pas du tout dans l'ordre chronologique ou autre ?

  • Speaker #1

    Tout simplement, une réponse que je n'ai pas donnée dans le conseil, donc aux personnes qui sont victimes, ça paraît évident, mais en fait non, c'est de ne pas rester seule. On ne peut pas rester seule avec ce genre d'histoire. C'est-à-dire qu'on peut voir, si on en a la possibilité, voir un psy ou une psy, c'est évidemment le mieux, mais en parler à des proches, de confiance. On n'est pas obligé d'en parler à toute la Terre. D'ailleurs, si on souhaite en parler à toute la Terre, on peut le faire aussi, mais vraiment de ne pas rester seule. C'est des histoires qui sont trop violentes pour les gérer, en fait, de manière solo, comme si rien ne s'était passé. De toute façon... Pour le coup, ça c'est des mots de ma psy, mais si on tente pas de gérer le truc tout de suite, ce qui est ok évidemment, il y a un moment où on va devoir le faire, parce que ça crée une accumulation de choses avec lesquelles on n'a pas d'îlée, et qui sont trop violentes, pour qu'on n'ait pas besoin d'aide à un moment. Voilà.

  • Speaker #0

    Je suis d'accord avec Louise, les violences sexuelles sont un problème de santé publique. Par an, on estime que 94 000 femmes sont victimes de viols en France. La première recommandation du Haut Conseil à l'égalité pour pallier à ce fléau serait d'augmenter les moyens financiers et humains de la justice française pour former mieux et en plus grand nombre les magistrats et magistrates au sein des juridictions concernées. Cette recommandation, formulée en janvier 2023, c'est la même requête formulée par les associations féministes depuis des dizaines d'années. Le combat est long, épuisant, parfois insupportable, mais il est mené à plusieurs. Et ensemble, nous sommes plus fortes, plus vaillantes, et nous pouvons aussi être assourdissantes. Vous venez d'écouter le deuxième épisode du podcast « Au bénéfice du doute » . Si vous pensez qu'il peut être utile à d'autres personnes, n'hésitez pas à le partager. Ce podcast est entièrement autoproduit par Julie Dussert. La musique originale a été composée par Sandra Fabry et l'image a été dessinée par Camélia Blandot. « Au bénéfice du doute » , le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole.

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Description

⚠️ Cet épisode évoque des faits de violences sexuelles. Assurez-vous d'être dans de bonnes conditions avant de l'écouter. 


📢 En France, les victimes de violences sexuelles font face à tellement d'informations qu'il est difficile de véritablement connaître ses droits. Suite à un viol, Louise est devenue "experte de son propre parcours judiciaire" et partage, dans son témoignage, de précieux éléments.


💜 Merci encore à Louise.


📩 Si vous souhaitez témoigner, n'hésitez pas à envoyer un e-mail à aubeneficedudoutepodcast@gmail.com ou en message privé sur Instagram @aubeneficedudoute . 


Au Bénéfice du Doute est une émission entièrement auto-produite par Julie Dusserre.

Musique originale : Sandra Fabbri

Illustration : Camélia Blandeau 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Au bénéfice du doute, le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole. Cet épisode évoque des faits de violences sexuelles. Écoutez-le dans de bonnes conditions. Avocate, plainte, VSS, syndrome de stress post-traumatique, correctionnalisation, cours criminel départemental, tous ces termes qui peuvent être intimidants dans le parcours d'une personne victime. Louise les connaît bien. Devenue experte de son propre parcours judiciaire, elle a décidé de partager son vécu et ses connaissances avec soin et bienveillance. Bonjour Louise.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle Louise, j'ai 28 ans et j'ai subi une agression en 2020, donc maintenant il y a un peu plus de deux ans. Ça s'est passé dans le cadre d'une soirée, mais je me suis rendue compte de la nature des faits, donc en l'occurrence d'un viol, quasiment immédiatement. Et je suis allée porter plainte le lendemain, donc moins de 24 heures plus tard. il m'a quand même été... réprochés par les policiers d'avoir mis trop de temps. Oui, c'est incroyable, mais c'est la vérité. Là où j'ai eu beaucoup de chance, c'est que j'estime que je suis quelqu'un de... très entourée. J'étais déjà disons pas forcément encore dans les sphères féministes mais très intéressée par ces sujets-là. Tout comme mon entourage aussi et c'est pour ça que j'ai pu nommer en fait très rapidement la nature de mon agression ce qui est une force évidemment. Donc un entourage très présent et qui n'a pas remis ma parole en question ce qui malheureusement est rare et très présent aussi parce que tout de suite dans l'aide etc. et qui m'a permis d'avoir une avocate au moment où j'ai porté plainte. Et ça, c'est quelque chose qui me semble très, très important à savoir. C'est que quand on va porter plainte, pour quoi que ce soit par ailleurs, on a le droit d'être accompagné par une personne majeure. Une personne majeure, donc, en l'occurrence, ça peut être évidemment un avocat, une avocate. C'est vraiment quelque chose que je conseille en particulier quand il s'agit de faits de violences sexuelles. Parce que, de fait, quand on va porter plainte pour ce genre de choses, on est une personne particulièrement vulnérable et on ne connaît pas tous les tenants et les aboutissants de la loi. tandis que la personne qui nous accompagne est... supposé, du fait de sa formation, connaître, avoir ces connaissances-là. Et effectivement, ça m'a été particulièrement utile, parce que c'est mon avocate qui m'a dit, tout de suite, il faut absolument que tu gardes les habits que tu avais au moment des faits, les apports dans un sac, un plastique, etc. C'est quelque chose que je conseille aussi vraiment de faire aux personnes qui se font agresser, c'est-à-dire que je comprends, évidemment, complètement le fait de ne pas avoir la force de porter plainte tout de suite, mais on peut se dire que peut-être qu'à un moment, c'est quelque chose qu'on envisagera. De toute façon, en général, ce n'est pas forcément des fringues qu'on envisage. de remettre donc quittait que ces fringues soit utile pour une chose autant les garder sur le côté du coup voilà j'ai apporté les habits j'ai plutôt été bien reçue par les flics ce qui est une autre chance parce que c'est malheureusement un rare estime d'où des policiers qui n'ont pas remis en question mon récit. Bien que, évidemment, la première phrase, je pense, sur le procès verbal, c'est que je suis en couple avec un mec, alors que le mec n'était même pas là la soirée. Enfin, ça n'apporte rien, en fait, au récit, mais bon, manifestement, c'est très important pour de le signifier. Et la deuxième phrase, c'est comment j'étais habillée, donc forcément, je ne porte jamais tout-tive, donc tu sais, il y a un peu le truc, ouh là là, une fille légère. Mais dans l'ensemble, ça allait. C'est-à-dire que je n'ai pas eu le sentiment que ça avait ajouté de la... beaucoup de violence à la violence de l'agression.

  • Speaker #0

    Tu disais qu'ils t'ont reproché d'être venu trop tard. Quels sont leurs arguments par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Alors, leur argument c'était de dire que ce qui s'est passé c'est que je me suis endormie à une soirée, ce qui est un truc qui m'arrive très régulièrement. Et c'est dans ce cadre-là que j'ai été agressée. La personne a profité de cette situation. Et je me suis réveillée, en fait. Donc j'ai vu la personne, et après j'ai eu un blackout qui est extrêmement courant, c'est-à-dire quand une personne vit quelque chose de trop difficile, c'est ce qu'on appelle un sentiment de mort imminente, son cerveau va faire comme si t'allumais plein de lumière dans une maison, et que du coup t'as une coupure de courant, en fait c'est exactement la même chose. Donc j'ai une espèce de... trou noir, c'est-à-dire que je me souviens voir le gars et du coup l'identifier, mais je ne le vois pas sortir de la pièce, etc. Et quand je suis un peu revenue à moi, j'en ai parlé direct à mes potes, qui eux-mêmes ont capté de qui il s'agissait. Et donc les policiers ont dit qu'il fallait nous appeler absolument tout de suite, parce que c'était du flagrant délit et que nous on pouvait choper le gars direct. Et que de fait, c'est du flagrant délit, il y a certainement plus de preuves matérielles, etc. Donc à mon avis, c'était une frustration pour eux. vu que ce n'était pas très longtemps après les faits, mais de manière générale, même si j'étais venue porter plainte dix ans plus tard, pour une victime, c'est inaudible, parce que c'est déjà un truc énorme pour nous de porter plainte. Et un petit truc que je voulais dire par rapport à ça, c'est qu'on sait que l'accueil en général des policiers est vraiment déplorable quand on est victime de VSS. L'accueil de la justice, si ça va jusque-là, l'est souvent également. le truc que je trouve particulièrement problématique, au-delà de l'impact évidemment que ça va avoir sur les victimes, c'est qu'en fait, quand on a été victime de ça, pour moi, on va dire que pour nous, les victimes, le mal a été fait. Et en fait, en tant que citoyen, on va quand même avertir l'État, via les flics, pour leur dire, en fait, il y a un gars là qui est dans la nature et qui est dangereux. Et rien que pour ça, on devrait être remercié. En fait, ça devrait être l'inverse. Bon, déjà, si on arrive à... À avoir des policiers à peu près bienveillants, ce sera déjà pas mal. Je ne demande pas non plus à ce qu'on ait une médaille. Mais quand tu mets les choses dans cette perspective, tu te rends compte qu'il y a quand même un gros souci.

  • Speaker #0

    Dans le dépôt de plainte, ton avocate, elle joue quel rôle ? Elle est là en tant que conseil ou plus en tant que soutien psychologique ?

  • Speaker #1

    Il y a du soutien psychologique ici où on se retrouve. Parce que je pense qu'il y a aussi des avocats et avocates pas forcément extrêmement bienveillantes. En l'occurrence, la mienne est bienveillante. Par ailleurs, c'est une personne qui est féministe. Donc, qui connaît aussi bien le fonctionnement de toutes ces histoires de VSS. Il y a effectivement le soutien psychologique, ne pas être seule, qui est hyper important. Et tout simplement, c'est quelqu'un qui va être capable de dire aux policiers, en fait, cette question-là, vous n'avez pas besoin de la poser. Ou de dire aux policiers, en fait, ça, vous devez le faire. C'est-à-dire, exemple, moi, je porte plainte moins de 24 heures après les faits. Et donc, on se retrouve dimanche soir. Et mon avocat dit, il faut absolument qu'elle aille aux UMJ, qui sont les unités médico-judiciaires, pour voir, c'est un petit peu glauque, mais c'est comme ça qu'on les appelle, pour voir un médecin légiste. Les médecins légistes ne travaillent pas uniquement sur des personnes mortes, mais aussi sur des personnes agressées. Et dans un premier temps, ils lui ont dit, non mais là il est tard, mais on peut lui donner rendez-vous dans une semaine. Et bon, en fait, disons que moi j'aurais été seule, j'aurais juste dit oui, oui, oui, j'aurais voulu me barrer. et elle, évidemment, elle a... Elle aura tenu tête et elle aura dit, mais en fait, c'est complètement débile. C'est-à-dire que le but est de recueillir des preuves. Dans une semaine, on espère que madame se sera lavée plusieurs fois et que ces preuves-là ne seront plus présentes. Donc en fait, je pense qu'il y a ce truc de tenir tête. Et puis je pense qu'il y a tout simplement se faire respecter. Parce que les policiers, on le sait, quelquefois nous retirent, en fait, notre droit de porter plainte. C'est un droit. Un policier n'a pas le droit de dire non. Un polyséptique n'a pas le droit de nous dissuader d'une manière ou d'une autre. Parce que souvent, on entend, là, ça va être très dur. On entend même des choses encore plus atroces, de vous allez détruire la vie du gars. L'avocate est là pour faire rempart, en fait, à ce moment-là. C'est pour ça que c'est fondamental d'être accompagné, je pense.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as fait une avance financière pour ce rendez-vous-là ?

  • Speaker #1

    Non. Ça a été donc un grand privilège pour moi. C'est-à-dire que cette personne est une amie de mon frère. Donc, en fait, toute la question de la compensation financière n'était pas du tout sur le tapis à ce moment-là. Théoriquement, à ce stade-là, on est supposé payer. Tant qu'en fait, il n'y a pas d'instruction, l'avocat ou l'avocate n'est pas gratuite. Enfin, on ne peut pas avoir encore l'aide juridictionnelle. Enfin, demander l'aide juridictionnelle, donc théoriquement, j'aurais dû la payer. J'ai eu le privilège de ne pas avoir à le faire. En revanche, il y a un certain nombre d'associations, dont la Fondation des Femmes, qui proposent des avocates pour le dépôt de plainte. Donc, ne pas hésiter à recourir à ces numéros-là. Suite de tout ça, c'est que... Les policiers ont fait leur enquête très sérieusement, j'ai l'impression du moins. Il y a eu une instruction. Dans le cadre de cette instruction, mon agresseur a été mis dans un premier temps en garde à vue, puis en examen. Il a admis les faits, il ne les a pas admis de gré de cœur, ce n'est pas parce qu'il a eu des remords terribles, bien évidemment. Dans un premier temps, il a nié, mais il a fini par admettre les faits parce qu'il y avait des éléments matériels. qui ont été trouvés, soit vraiment juste par les policiers de leur côté, soit grâce à cette histoire d'habit. Je ne peux pas donner plus de détails parce que le procès n'a pas eu lieu et qu'il y a tout ce truc de présence d'innocence et puis évidemment de ne pas donner trop d'éléments sur l'instruction. Mais donc il a été mis en examen et effectivement le fait qu'il ait admis les faits, même s'il ne les a pas admis spontanément, on va dire, c'est effectivement très soulageant. Parce que dans toute la violence inouïe de ce que c'est un viol, de ce que c'est une agression sexuelle, il y a évidemment le... l'élément physique, psychologique, direct, mais il y a aussi le fait de ne pas être cru. Et cette peur-là de ne pas être cru, elle est renforcée. Lorsque l'auteur, et c'est quasiment à 100% du temps le cas, va juste dire que non. Donc effectivement, ça, ça a été un grand soulagement pour moi. Du coup, suite de tout ça, comme il s'agit d'un viol, en l'occurrence, un truc aussi assez important à savoir. C'est que lorsque la personne qui commet les faits est sous l'emprise de l'alcool ou de drogue, c'est une circonstance aggravante. Ça, je trouve que c'est un truc vraiment super, pour le coup, de la part de la justice d'avoir mis ça en place, parce qu'on considère que l'auteur des faits va utiliser ces substances-là pour être suffisamment désinhibé pour un passage à l'acte. Je trouve ça assez fort et je trouve ça assez bien. En l'occurrence, lui, il est mis en examen pour viol aggravé. L'instruction s'est clôturée. Et suite à tout ça, il y a eu une ordonnance, en fait, de correctionnalisation. Ça, c'est un peu les facéties de la justice française. C'est-à-dire qu'un viol est évidemment reconnu comme un crime. Mais un procès aux assises, ça coûte très très très cher à la justice française, qui n'a pas d'argent. Donc, on demande... Enfin, on demande... Il me semble que c'est... Entre 70 à 80% des cas, quand un viol va être jugé, ce qui correspond à très peu de cas déjà à la base, il va être jugé en tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel, c'est le tribunal qui est supposé juger des délits. Ce que ça implique, c'est qu'on va gommer tout ce qui va caractériser le viol, donc la pénétration, l'élément potentiellement le plus violent, pour transformer les faits en une agression sexuelle. Et on va essayer globalement de convaincre la victime, donc la partie civile. Par des arguments que personnellement je trouve malhonnêtes. C'est-à-dire, ça va être jugé plus vite, alors c'est un fait, mais quand on est de toute façon partie civile dans ce type d'affaires, on sait qu'il y a de l'eau qui va couler sous les ponts, et qu'on a le temps avant qu'il y ait un jugement. Donc, à mon sens, en tout cas pour moi, et je peux tout à fait comprendre que ce ne soit pas le cas pour d'autres personnes, mais on n'est pas à six mois près en fait. Je préfère attendre six mois de plus et qu'on nomme les choses correctement. plutôt que d'avoir un procès bâclé qui potentiellement, c'est-à-dire qu'on a été victime de viol et les faits sont correctionnalisés. Notre procès va se dérouler entre une audience précédente d'un mec qui n'a pas payé ses factures d'électricité, ce que je peux comprendre actuellement par ailleurs, et puis un mec qui a fumé du shit en bâchée de lui. Il y a quand même, enfin c'est un déni en fait de réalité pour les victimes que je trouve insupportable. et ce qu'il faut savoir, c'est que lorsque l'on va Rendre une ordonnance de correctionnalisation, on a le droit en tant que parti civil de refuser et le parquet ne peut pas accepter notre refus. C'est dans un temps qui est très court, il me semble que c'est une semaine peut-être dix jours au maximum, mais il faut être réactif. Il faut de toute façon à ce stade-là être accompagné de son avocat ou son avocate et c'est cette personne qui va se charger de refuser. Mais je comprends encore une fois tout à fait qu'on puisse accepter. Mais il faut dans tous les cas être renseigné sur cette question-là. Et c'est normal de ne pas connaître toutes les petites subtilités de notre loi. Heureusement, il y a quelque chose de rassurant là-dedans. Et en même temps, c'est inquiétant parce que cette méconnaissance-là, elle est utilisée contre les victimes pour économiser du fric. C'est ça que je trouve particulièrement terrible. Et il y a une nouvelle chose aussi. par rapport à toutes ces questions-là, c'est qu'en fait, depuis mars 2019, donc la loi Belloubet, il y a 15 départements qui ont testé des nouvelles cours qui s'appellent les cours criminels départementaux, dont l'objectif est aussi évidemment une économie financière et donc de désengorger les cours d'assises. Donc c'est une espèce de tribunal intermédiaire qui va juger les crimes passibles de 15 à 20 ans de prison. En fait, ça correspond à 88% à des crimes sexuels. Donc, en fait, c'est des cours, des sortes de sous-cours d'assises pour juger des sous-crimes qui sont les viols. Parce que dans notre société, déjà, dire que le viol est un crime, je pense que pour la plupart des gens, c'est bizarre. Il y a une petite réussite là-dedans si, à mon sens, si cette loi atteint son objectif, qu'il y ait moins de correctionnalisation. Pour le moment, du coup, je suis très nullomate, mais... un peu moins de 3 ans le taux de correctionnalisation n'a absolument pas baissé donc on va voir et la grande grande grande différence avec les cours d'assises et c'est ce qui leur fait économiser de l'argent c'est qu'il n'y a plus de juré populaire et on peut s'interroger là dessus c'est à dire que quelques années après MeToo on est encore en plein temps est-ce que c'est si pertinent que ça d'exclure les citoyens et citoyennes de décisions judiciaires concernant les violences sexuelles Je suis pas sûre à 100%. Mais ça permet en tout cas, ça c'est sûr, de réduire un petit peu les délais d'attente et de pas avoir besoin de voir son affaire minimisée par la justice. A priori, là, depuis le 1er janvier, c'est supposé être généralisé. D'accord. Mais il y a vraiment une levée de bouclier de la part des avocats, des avocates, de pas mal de magistrats et magistrates, parce qu'on considère que... que c'est des sous-cours d'assises et qu'on ne peut pas, en fait, juste hiérarchiser les crimes de cette manière-là. L'intérêt d'avoir un juré populaire, c'est que les jurés, en fait, n'ont pas connaissance du dossier en amont, et ça va pouvoir, en fait, préserver l'oralité des débats. Tout va re-être dit. En revanche, s'il n'y a pas de juré populaire, les magistrats, il me semble que, pour le moment, dans le cours d'assises, tu as trois magistrats magistrates et six jurés populaires. Là, ce sera cinq magistrats magistrates. Et c'est des personnes qui, en fait, connaissent le dossier. en amont. Donc il y a un peu cette peur qu'en fait on passe sous silence un certain nombre d'éléments parce que de toute façon tout le monde est au courant et qu'on perde ce côté là qui est très intéressant et un petit peu théâtral et impressionnant mais qui est peut-être aussi important quand on sait que théoriquement la justice est l'instance la plus importante en fait dans une démocratie. Suite à mon viol, très clairement j'ai eu un choc traumatique dont le black out est un symptôme. Au moment des faits j'ai développé ce qu'on appelle un pithiasis, on dit souvent, je ne sais pas pourquoi on dit ça. souvent en anglais, mais donc un syndrome de stress post-traumatique qui, donc, est un syndrome... Alors, je ne suis pas psy, je préfère le préciser, mais qui est un syndrome, en fait, qui est très invalidant, que vont vivre les victimes, les gens qui vont... Ce n'est pas 100%, d'ailleurs. On considère que 70% des victimes de viol vont... Ce qui est quand même énorme, évidemment, vont développer un PTSD. Et donc, voilà, c'est un syndrome très invalidant parce que il y a un certain nombre de symptômes donc on a les flashbacks, les pensées intrusives les problèmes de sommeil etc et le pire, j'ai l'impression que tout le monde s'accorde, les gens qui ont un syndrome de stress post-traumatique s'accordent pour dire que le pire c'est l'hypervigilance on a ce... ouais là j'en sens que... c'est vraiment le pire, parce que je trouve que en l'occurrence on peut s'habituer un peu au flashback, au truc comme ça tu sais tu mets les trucs de côté assez rapidement On arrive un petit peu à dealer avec un sommeil un peu plus compliqué, même si c'est super dur. On a besoin de sommeil, on a besoin pour vivre. Mais l'hypervigilance, il y a vraiment une sensation de... Le cerveau tente de maîtriser en permanence l'environnement, alors que c'est de fait super impossible d'être toujours dans cette maîtrise-là de tout ce qui se passe autour de soi. Et c'est-à-dire que, moi je me suis rendue compte, le pire truc en ce qui me concerne, c'est les enfants dans la rue. Parce que ça court partout un enfant. Et c'est petit. Et un enfant qui comme ça va courir devant moi tout d'un coup, je vais avoir une espèce de sensation de... Enfin, une criscate accomplie, mais un peu de tachycardie. Et c'est épuisant, évidemment. Ça m'est déjà arrivé de lâcher mes courses au monoprix, de sursauter à cause d'une mèche de cheveux à moi, parce qu'il y avait du vent. Et en fait, c'est une espèce de double... double violence, t'as ce truc là qui est physiquement très très désagréable et en ce qui me concerne, à chaque fois une mini sensation de honte d'avoir eu peur d'un truc qui finalement est un enfant qui court, quelqu'un qui parle un peu fort dans le métro, je sais rien, qui en fait fait partie du quotidien. Et ça m'est arrivé que des gens pareils arrivent vite et tout, que je sursaute et que les gens sont hyper désolés et je vais pas commencer à leur expliquer toute ma vie comme je le fais depuis tout à l'heure, voilà. Mais ça crée un... Ouais, ça crée un climat aussi très dur, je trouve, dans, je dirais, les rapports interpersonnels du quotidien, les gens que tu connais pas et que tu croises dans la vue, et voilà. Donc, le syndrome de stress post-traumatique est hyper invalidant. Quand on sait que la majorité des victimes de viols et d'incestes, qui est une catégorie du viol, vont avoir ça, pour moi, quand on parle de violences sexi-sexuelles, on parle vraiment d'un problème de santé publique. Et moi, j'essaie souvent d'expliquer les choses comme ça aux personnes qui vont être, on va dire, renseignées par un peu réfractaires au discours féministe. Comme il y a eu le Covid, en fait, les gens sont quand même un peu plus... un peu plus poreux à ce type d'argument et en fait de dire en fait c'est des personnes, enfin en ce qui me concerne, donc dans l'impact que ça a eu direct, c'est à dire que donc j'étais avec un mec depuis un an et le fait d'être en relation en fait mine de rien ça prend en fait beaucoup d'espace aussi mental donc je me suis séparée de lui, j'ai quitté mon taf deux semaines après, enfin... J'ai clairement pas été en mesure vraiment de rechercher un TAF pendant des mois et des mois et des mois. Heureusement, je suis intermittente, donc j'avais quand même cette sécurité-là, mais tout le monde ne l'a pas. Et pareil, ça renvoie aussi à un sentiment d'échec aussi global de là où j'en suis de ma vie, je n'ai pas de taf. Non pas qu'avoir un mec ou une meuf, ou peu importe, ce soit un but dans ma vie, mais il y a un peu ce truc-là de repartir à zéro qui est très, très, très dur. Et quand on voit le nombre de personnes qui, malheureusement, subissent ça tous les ans, tu dis effectivement qu'on est quelque chose qui est de l'ordre de la pandémie. Je ne sais pas si dans les grandes lignes, en tout cas, ça a répondu.

  • Speaker #0

    C'est parfait. que je voulais et simplement aussi ça a duré combien de temps ce syndrome de stress post post traumatique c'est dur à dire bah clairement je suis encore dedans après disons que

  • Speaker #1

    Il y a aussi ce truc-là, on se met du coup à vivre, à voir, à percevoir, etc., de manière très différente. Donc au départ, c'est hyper dur. Et puis en fait, il y a un moment où on se dit « Ah, j'ai l'impression que ça s'améliore grave » . Et en fait, rien n'a changé, c'est juste que tu t'es habituée à un nouveau fonctionnement, qui est de fait pas le meilleur, mais qui est... Il y a aussi un truc d'acceptation, je pense, qui est hyper important. Moi, qui m'a vachement... qui a été facilitée parce que du coup ça fait un peu plus d'un an que je suis une thérapie avec une psy qui est trop cool et qui est féministe. Je pense qu'on ne doit voir que de... C'est impossible maintenant quand je pense à d'autres thérapeutes que j'ai pu voir qui posaient des sorties de route pas possibles sur ces questions-là. Je me dis waouh. Bref, donc elles m'aident beaucoup justement aussi à déculpabiliser. C'est des trucs, pareil, je peux avoir des angoisses de genre fermer mon appart à double tour. voilà, enfin, quand je vais me coucher et tout. Et je me... En fait, je me faisais des espèces de petits défis de je vais fermer que un tour et pas deux. Et j'en ai parlé à ma psy, elle était genre, bah, fermez les deux, en vrai, si vous vous sentez mieux. Donc voilà, c'est ce genre de truc. Mais clairement, je pense que ça... Après, manifestement, ça peut partir. Mais ça met du temps. Enfin, beaucoup de temps. Et en plus, à ce temps-là de guérison, on va dire, il y a le temps judiciaire, qu'on ne maîtrise pas du tout, qui est très très très long. et qui, à mon sens, même s'il ne faut pas compter là-dessus non plus, mais fait aussi partie d'un processus, pas de guérison évidemment, mais de mettre les choses en décase. Alors, j'ai envie de donner des conseils aux personnes victimes, mais aussi des conseils aux personnes pas victimes, mais proches de personnes victimes. En réalité, on les tous souvent. Comme conseil à donner aux victimes, En fait, c'est compliqué, je dirais, de donner des conseils aux victimes. Déjà, c'est déjà tellement dur, en fait, de vivre ce genre de choses. Mais c'est de tenter, déjà, au maximum de ne pas culpabiliser et de se dire que, peu importe les choix qu'on fait, c'est-à-dire porter plainte, ne pas porter plainte, porter plainte dans 10 ans, personne n'a de jugement à avoir là-dessus. Et dans ce genre de cas, en fait, je pense que chacune, chacun, en fait, fait au mieux. Et ne laisser personne, ne serait-ce que tenter de juger la manière dont on réagit à ça. On sait jamais de toute façon comment réagir à ça. Et effectivement, voilà, c'est ce que je disais donc au début, de garder les habits. Enfin, dans ma procédure, ça a été vraiment très très très très utile. Même si la personne n'y l'est fait, c'est-à-dire que si t'as l'ADN du gars sur le bouton de ton jean, disons que ça corrobora a priori, pas forcément sa version. Donc voilà, garder des preuves matérielles, parce que dans un premier temps, si on en a, on n'en a pas toujours. Dans un premier temps, la justice attend de nous à ce que ce soit nous qui les apportons, ce qui est une chose dont on pourrait parler pendant des heures, mais bon. Et puis surtout, comme conseil à donner aux personnes qui peuvent avoir dans leur entourage une personne qui va être agressée, va être violée, c'est ne pas essayer d'aider quelqu'un si vous-même vous n'êtes pas en mesure de le faire. Ce serait une catastrophe. J'ai une pote avec... qui du coup depuis notre relation est extrêmement compliquée parce qu'elle a essayé de nous aider alors qu'elle même elle était en détresse pour d'autres raisons et en fait ça a créé une espèce de gouffre d'incompréhension entre nous faut pas tenter d'aider quand on n'est pas capable de le faire et c'est ok de ne pas être capable de le faire dans ce cas là on peut essayer de chercher une autre personne de vérifier que la personne n'est pas seule et puis voilà et puis en fait tout simplement d'écouter de ne pas remettre en question de ne pas conseiller si on n'en a pas la capacité. C'est OK de ne pas savoir. Je pense qu'il y a plein de gens qui n'arrivent pas avec ce concept, mais c'est OK de ne pas savoir. Et puis aussi, parce que je me suis retrouvée un peu dans ce cas-là, quand moi-même j'ai été agressée avec d'autres personnes, parfois les personnes autour ne savent vraiment pas quoi faire avec cette situation, sont hyper... Qu'est-ce que je peux faire, moi ? En fait, même si la personne en face de toi est traumatisée, elle est peut-être dissociée, c'est-à-dire... à côté d'elle-même en fait. Ça reste un être humain qui est capable de faire des choix. Il suffit juste de lui demander de quoi elle a besoin. Tout simplement. Et ça a manqué aussi, heureusement pas du tout avec la majorité des gens autour de moi, mais vachement de gens qui voulaient être force d'initiative, etc. Mais juste de quoi tu as besoin. Et je trouve que ça réhumanise tout de suite aussi la personne qui a été victime et qui justement a été déshumanisée par son agression.

  • Speaker #0

    Ok. Tu vois, le fait de donner des conseils à des personnes tierces, j'y aurais pas pensé. Merci, je trouve que c'est une belle initiative. Et du coup, là, qu'est-ce qui t'a donné envie de répondre à l'appel à témoignages et de partager toute ton histoire ?

  • Speaker #1

    Ce qui m'a donné envie de répondre, c'est que... Ce que je te disais la première fois qu'on a pris contact, c'est que quand on est victime de ce genre de fait et qu'on porte plainte, on devient un peu l'experte, l'expert de notre propre parcours. Et effectivement, j'ai accumulé vraiment pas mal de connaissances sur ces questions-là. Et c'est des connaissances que j'aurais vraiment aimé avoir avant. Et je pense qu'il faut les diffuser au maximum parce que de toute façon, savoir plus de choses, ça ne fait jamais de mal. Et que ça peut être utile pour soi ou pour les autres, de savoir aussi un petit peu comment tout ça fonctionne, et de connaître nos droits en amont, ce qui n'est souvent pas du tout, du tout le cas.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu aurais quelque chose à rajouter au-delà de tout ça, des choses que tu aurais aimé dire, même si ce n'est pas du tout dans l'ordre chronologique ou autre ?

  • Speaker #1

    Tout simplement, une réponse que je n'ai pas donnée dans le conseil, donc aux personnes qui sont victimes, ça paraît évident, mais en fait non, c'est de ne pas rester seule. On ne peut pas rester seule avec ce genre d'histoire. C'est-à-dire qu'on peut voir, si on en a la possibilité, voir un psy ou une psy, c'est évidemment le mieux, mais en parler à des proches, de confiance. On n'est pas obligé d'en parler à toute la Terre. D'ailleurs, si on souhaite en parler à toute la Terre, on peut le faire aussi, mais vraiment de ne pas rester seule. C'est des histoires qui sont trop violentes pour les gérer, en fait, de manière solo, comme si rien ne s'était passé. De toute façon... Pour le coup, ça c'est des mots de ma psy, mais si on tente pas de gérer le truc tout de suite, ce qui est ok évidemment, il y a un moment où on va devoir le faire, parce que ça crée une accumulation de choses avec lesquelles on n'a pas d'îlée, et qui sont trop violentes, pour qu'on n'ait pas besoin d'aide à un moment. Voilà.

  • Speaker #0

    Je suis d'accord avec Louise, les violences sexuelles sont un problème de santé publique. Par an, on estime que 94 000 femmes sont victimes de viols en France. La première recommandation du Haut Conseil à l'égalité pour pallier à ce fléau serait d'augmenter les moyens financiers et humains de la justice française pour former mieux et en plus grand nombre les magistrats et magistrates au sein des juridictions concernées. Cette recommandation, formulée en janvier 2023, c'est la même requête formulée par les associations féministes depuis des dizaines d'années. Le combat est long, épuisant, parfois insupportable, mais il est mené à plusieurs. Et ensemble, nous sommes plus fortes, plus vaillantes, et nous pouvons aussi être assourdissantes. Vous venez d'écouter le deuxième épisode du podcast « Au bénéfice du doute » . Si vous pensez qu'il peut être utile à d'autres personnes, n'hésitez pas à le partager. Ce podcast est entièrement autoproduit par Julie Dussert. La musique originale a été composée par Sandra Fabry et l'image a été dessinée par Camélia Blandot. « Au bénéfice du doute » , le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole.

Description

⚠️ Cet épisode évoque des faits de violences sexuelles. Assurez-vous d'être dans de bonnes conditions avant de l'écouter. 


📢 En France, les victimes de violences sexuelles font face à tellement d'informations qu'il est difficile de véritablement connaître ses droits. Suite à un viol, Louise est devenue "experte de son propre parcours judiciaire" et partage, dans son témoignage, de précieux éléments.


💜 Merci encore à Louise.


📩 Si vous souhaitez témoigner, n'hésitez pas à envoyer un e-mail à aubeneficedudoutepodcast@gmail.com ou en message privé sur Instagram @aubeneficedudoute . 


Au Bénéfice du Doute est une émission entièrement auto-produite par Julie Dusserre.

Musique originale : Sandra Fabbri

Illustration : Camélia Blandeau 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Au bénéfice du doute, le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole. Cet épisode évoque des faits de violences sexuelles. Écoutez-le dans de bonnes conditions. Avocate, plainte, VSS, syndrome de stress post-traumatique, correctionnalisation, cours criminel départemental, tous ces termes qui peuvent être intimidants dans le parcours d'une personne victime. Louise les connaît bien. Devenue experte de son propre parcours judiciaire, elle a décidé de partager son vécu et ses connaissances avec soin et bienveillance. Bonjour Louise.

  • Speaker #1

    Bonjour, je m'appelle Louise, j'ai 28 ans et j'ai subi une agression en 2020, donc maintenant il y a un peu plus de deux ans. Ça s'est passé dans le cadre d'une soirée, mais je me suis rendue compte de la nature des faits, donc en l'occurrence d'un viol, quasiment immédiatement. Et je suis allée porter plainte le lendemain, donc moins de 24 heures plus tard. il m'a quand même été... réprochés par les policiers d'avoir mis trop de temps. Oui, c'est incroyable, mais c'est la vérité. Là où j'ai eu beaucoup de chance, c'est que j'estime que je suis quelqu'un de... très entourée. J'étais déjà disons pas forcément encore dans les sphères féministes mais très intéressée par ces sujets-là. Tout comme mon entourage aussi et c'est pour ça que j'ai pu nommer en fait très rapidement la nature de mon agression ce qui est une force évidemment. Donc un entourage très présent et qui n'a pas remis ma parole en question ce qui malheureusement est rare et très présent aussi parce que tout de suite dans l'aide etc. et qui m'a permis d'avoir une avocate au moment où j'ai porté plainte. Et ça, c'est quelque chose qui me semble très, très important à savoir. C'est que quand on va porter plainte, pour quoi que ce soit par ailleurs, on a le droit d'être accompagné par une personne majeure. Une personne majeure, donc, en l'occurrence, ça peut être évidemment un avocat, une avocate. C'est vraiment quelque chose que je conseille en particulier quand il s'agit de faits de violences sexuelles. Parce que, de fait, quand on va porter plainte pour ce genre de choses, on est une personne particulièrement vulnérable et on ne connaît pas tous les tenants et les aboutissants de la loi. tandis que la personne qui nous accompagne est... supposé, du fait de sa formation, connaître, avoir ces connaissances-là. Et effectivement, ça m'a été particulièrement utile, parce que c'est mon avocate qui m'a dit, tout de suite, il faut absolument que tu gardes les habits que tu avais au moment des faits, les apports dans un sac, un plastique, etc. C'est quelque chose que je conseille aussi vraiment de faire aux personnes qui se font agresser, c'est-à-dire que je comprends, évidemment, complètement le fait de ne pas avoir la force de porter plainte tout de suite, mais on peut se dire que peut-être qu'à un moment, c'est quelque chose qu'on envisagera. De toute façon, en général, ce n'est pas forcément des fringues qu'on envisage. de remettre donc quittait que ces fringues soit utile pour une chose autant les garder sur le côté du coup voilà j'ai apporté les habits j'ai plutôt été bien reçue par les flics ce qui est une autre chance parce que c'est malheureusement un rare estime d'où des policiers qui n'ont pas remis en question mon récit. Bien que, évidemment, la première phrase, je pense, sur le procès verbal, c'est que je suis en couple avec un mec, alors que le mec n'était même pas là la soirée. Enfin, ça n'apporte rien, en fait, au récit, mais bon, manifestement, c'est très important pour de le signifier. Et la deuxième phrase, c'est comment j'étais habillée, donc forcément, je ne porte jamais tout-tive, donc tu sais, il y a un peu le truc, ouh là là, une fille légère. Mais dans l'ensemble, ça allait. C'est-à-dire que je n'ai pas eu le sentiment que ça avait ajouté de la... beaucoup de violence à la violence de l'agression.

  • Speaker #0

    Tu disais qu'ils t'ont reproché d'être venu trop tard. Quels sont leurs arguments par rapport à ça ?

  • Speaker #1

    Alors, leur argument c'était de dire que ce qui s'est passé c'est que je me suis endormie à une soirée, ce qui est un truc qui m'arrive très régulièrement. Et c'est dans ce cadre-là que j'ai été agressée. La personne a profité de cette situation. Et je me suis réveillée, en fait. Donc j'ai vu la personne, et après j'ai eu un blackout qui est extrêmement courant, c'est-à-dire quand une personne vit quelque chose de trop difficile, c'est ce qu'on appelle un sentiment de mort imminente, son cerveau va faire comme si t'allumais plein de lumière dans une maison, et que du coup t'as une coupure de courant, en fait c'est exactement la même chose. Donc j'ai une espèce de... trou noir, c'est-à-dire que je me souviens voir le gars et du coup l'identifier, mais je ne le vois pas sortir de la pièce, etc. Et quand je suis un peu revenue à moi, j'en ai parlé direct à mes potes, qui eux-mêmes ont capté de qui il s'agissait. Et donc les policiers ont dit qu'il fallait nous appeler absolument tout de suite, parce que c'était du flagrant délit et que nous on pouvait choper le gars direct. Et que de fait, c'est du flagrant délit, il y a certainement plus de preuves matérielles, etc. Donc à mon avis, c'était une frustration pour eux. vu que ce n'était pas très longtemps après les faits, mais de manière générale, même si j'étais venue porter plainte dix ans plus tard, pour une victime, c'est inaudible, parce que c'est déjà un truc énorme pour nous de porter plainte. Et un petit truc que je voulais dire par rapport à ça, c'est qu'on sait que l'accueil en général des policiers est vraiment déplorable quand on est victime de VSS. L'accueil de la justice, si ça va jusque-là, l'est souvent également. le truc que je trouve particulièrement problématique, au-delà de l'impact évidemment que ça va avoir sur les victimes, c'est qu'en fait, quand on a été victime de ça, pour moi, on va dire que pour nous, les victimes, le mal a été fait. Et en fait, en tant que citoyen, on va quand même avertir l'État, via les flics, pour leur dire, en fait, il y a un gars là qui est dans la nature et qui est dangereux. Et rien que pour ça, on devrait être remercié. En fait, ça devrait être l'inverse. Bon, déjà, si on arrive à... À avoir des policiers à peu près bienveillants, ce sera déjà pas mal. Je ne demande pas non plus à ce qu'on ait une médaille. Mais quand tu mets les choses dans cette perspective, tu te rends compte qu'il y a quand même un gros souci.

  • Speaker #0

    Dans le dépôt de plainte, ton avocate, elle joue quel rôle ? Elle est là en tant que conseil ou plus en tant que soutien psychologique ?

  • Speaker #1

    Il y a du soutien psychologique ici où on se retrouve. Parce que je pense qu'il y a aussi des avocats et avocates pas forcément extrêmement bienveillantes. En l'occurrence, la mienne est bienveillante. Par ailleurs, c'est une personne qui est féministe. Donc, qui connaît aussi bien le fonctionnement de toutes ces histoires de VSS. Il y a effectivement le soutien psychologique, ne pas être seule, qui est hyper important. Et tout simplement, c'est quelqu'un qui va être capable de dire aux policiers, en fait, cette question-là, vous n'avez pas besoin de la poser. Ou de dire aux policiers, en fait, ça, vous devez le faire. C'est-à-dire, exemple, moi, je porte plainte moins de 24 heures après les faits. Et donc, on se retrouve dimanche soir. Et mon avocat dit, il faut absolument qu'elle aille aux UMJ, qui sont les unités médico-judiciaires, pour voir, c'est un petit peu glauque, mais c'est comme ça qu'on les appelle, pour voir un médecin légiste. Les médecins légistes ne travaillent pas uniquement sur des personnes mortes, mais aussi sur des personnes agressées. Et dans un premier temps, ils lui ont dit, non mais là il est tard, mais on peut lui donner rendez-vous dans une semaine. Et bon, en fait, disons que moi j'aurais été seule, j'aurais juste dit oui, oui, oui, j'aurais voulu me barrer. et elle, évidemment, elle a... Elle aura tenu tête et elle aura dit, mais en fait, c'est complètement débile. C'est-à-dire que le but est de recueillir des preuves. Dans une semaine, on espère que madame se sera lavée plusieurs fois et que ces preuves-là ne seront plus présentes. Donc en fait, je pense qu'il y a ce truc de tenir tête. Et puis je pense qu'il y a tout simplement se faire respecter. Parce que les policiers, on le sait, quelquefois nous retirent, en fait, notre droit de porter plainte. C'est un droit. Un policier n'a pas le droit de dire non. Un polyséptique n'a pas le droit de nous dissuader d'une manière ou d'une autre. Parce que souvent, on entend, là, ça va être très dur. On entend même des choses encore plus atroces, de vous allez détruire la vie du gars. L'avocate est là pour faire rempart, en fait, à ce moment-là. C'est pour ça que c'est fondamental d'être accompagné, je pense.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as fait une avance financière pour ce rendez-vous-là ?

  • Speaker #1

    Non. Ça a été donc un grand privilège pour moi. C'est-à-dire que cette personne est une amie de mon frère. Donc, en fait, toute la question de la compensation financière n'était pas du tout sur le tapis à ce moment-là. Théoriquement, à ce stade-là, on est supposé payer. Tant qu'en fait, il n'y a pas d'instruction, l'avocat ou l'avocate n'est pas gratuite. Enfin, on ne peut pas avoir encore l'aide juridictionnelle. Enfin, demander l'aide juridictionnelle, donc théoriquement, j'aurais dû la payer. J'ai eu le privilège de ne pas avoir à le faire. En revanche, il y a un certain nombre d'associations, dont la Fondation des Femmes, qui proposent des avocates pour le dépôt de plainte. Donc, ne pas hésiter à recourir à ces numéros-là. Suite de tout ça, c'est que... Les policiers ont fait leur enquête très sérieusement, j'ai l'impression du moins. Il y a eu une instruction. Dans le cadre de cette instruction, mon agresseur a été mis dans un premier temps en garde à vue, puis en examen. Il a admis les faits, il ne les a pas admis de gré de cœur, ce n'est pas parce qu'il a eu des remords terribles, bien évidemment. Dans un premier temps, il a nié, mais il a fini par admettre les faits parce qu'il y avait des éléments matériels. qui ont été trouvés, soit vraiment juste par les policiers de leur côté, soit grâce à cette histoire d'habit. Je ne peux pas donner plus de détails parce que le procès n'a pas eu lieu et qu'il y a tout ce truc de présence d'innocence et puis évidemment de ne pas donner trop d'éléments sur l'instruction. Mais donc il a été mis en examen et effectivement le fait qu'il ait admis les faits, même s'il ne les a pas admis spontanément, on va dire, c'est effectivement très soulageant. Parce que dans toute la violence inouïe de ce que c'est un viol, de ce que c'est une agression sexuelle, il y a évidemment le... l'élément physique, psychologique, direct, mais il y a aussi le fait de ne pas être cru. Et cette peur-là de ne pas être cru, elle est renforcée. Lorsque l'auteur, et c'est quasiment à 100% du temps le cas, va juste dire que non. Donc effectivement, ça, ça a été un grand soulagement pour moi. Du coup, suite de tout ça, comme il s'agit d'un viol, en l'occurrence, un truc aussi assez important à savoir. C'est que lorsque la personne qui commet les faits est sous l'emprise de l'alcool ou de drogue, c'est une circonstance aggravante. Ça, je trouve que c'est un truc vraiment super, pour le coup, de la part de la justice d'avoir mis ça en place, parce qu'on considère que l'auteur des faits va utiliser ces substances-là pour être suffisamment désinhibé pour un passage à l'acte. Je trouve ça assez fort et je trouve ça assez bien. En l'occurrence, lui, il est mis en examen pour viol aggravé. L'instruction s'est clôturée. Et suite à tout ça, il y a eu une ordonnance, en fait, de correctionnalisation. Ça, c'est un peu les facéties de la justice française. C'est-à-dire qu'un viol est évidemment reconnu comme un crime. Mais un procès aux assises, ça coûte très très très cher à la justice française, qui n'a pas d'argent. Donc, on demande... Enfin, on demande... Il me semble que c'est... Entre 70 à 80% des cas, quand un viol va être jugé, ce qui correspond à très peu de cas déjà à la base, il va être jugé en tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel, c'est le tribunal qui est supposé juger des délits. Ce que ça implique, c'est qu'on va gommer tout ce qui va caractériser le viol, donc la pénétration, l'élément potentiellement le plus violent, pour transformer les faits en une agression sexuelle. Et on va essayer globalement de convaincre la victime, donc la partie civile. Par des arguments que personnellement je trouve malhonnêtes. C'est-à-dire, ça va être jugé plus vite, alors c'est un fait, mais quand on est de toute façon partie civile dans ce type d'affaires, on sait qu'il y a de l'eau qui va couler sous les ponts, et qu'on a le temps avant qu'il y ait un jugement. Donc, à mon sens, en tout cas pour moi, et je peux tout à fait comprendre que ce ne soit pas le cas pour d'autres personnes, mais on n'est pas à six mois près en fait. Je préfère attendre six mois de plus et qu'on nomme les choses correctement. plutôt que d'avoir un procès bâclé qui potentiellement, c'est-à-dire qu'on a été victime de viol et les faits sont correctionnalisés. Notre procès va se dérouler entre une audience précédente d'un mec qui n'a pas payé ses factures d'électricité, ce que je peux comprendre actuellement par ailleurs, et puis un mec qui a fumé du shit en bâchée de lui. Il y a quand même, enfin c'est un déni en fait de réalité pour les victimes que je trouve insupportable. et ce qu'il faut savoir, c'est que lorsque l'on va Rendre une ordonnance de correctionnalisation, on a le droit en tant que parti civil de refuser et le parquet ne peut pas accepter notre refus. C'est dans un temps qui est très court, il me semble que c'est une semaine peut-être dix jours au maximum, mais il faut être réactif. Il faut de toute façon à ce stade-là être accompagné de son avocat ou son avocate et c'est cette personne qui va se charger de refuser. Mais je comprends encore une fois tout à fait qu'on puisse accepter. Mais il faut dans tous les cas être renseigné sur cette question-là. Et c'est normal de ne pas connaître toutes les petites subtilités de notre loi. Heureusement, il y a quelque chose de rassurant là-dedans. Et en même temps, c'est inquiétant parce que cette méconnaissance-là, elle est utilisée contre les victimes pour économiser du fric. C'est ça que je trouve particulièrement terrible. Et il y a une nouvelle chose aussi. par rapport à toutes ces questions-là, c'est qu'en fait, depuis mars 2019, donc la loi Belloubet, il y a 15 départements qui ont testé des nouvelles cours qui s'appellent les cours criminels départementaux, dont l'objectif est aussi évidemment une économie financière et donc de désengorger les cours d'assises. Donc c'est une espèce de tribunal intermédiaire qui va juger les crimes passibles de 15 à 20 ans de prison. En fait, ça correspond à 88% à des crimes sexuels. Donc, en fait, c'est des cours, des sortes de sous-cours d'assises pour juger des sous-crimes qui sont les viols. Parce que dans notre société, déjà, dire que le viol est un crime, je pense que pour la plupart des gens, c'est bizarre. Il y a une petite réussite là-dedans si, à mon sens, si cette loi atteint son objectif, qu'il y ait moins de correctionnalisation. Pour le moment, du coup, je suis très nullomate, mais... un peu moins de 3 ans le taux de correctionnalisation n'a absolument pas baissé donc on va voir et la grande grande grande différence avec les cours d'assises et c'est ce qui leur fait économiser de l'argent c'est qu'il n'y a plus de juré populaire et on peut s'interroger là dessus c'est à dire que quelques années après MeToo on est encore en plein temps est-ce que c'est si pertinent que ça d'exclure les citoyens et citoyennes de décisions judiciaires concernant les violences sexuelles Je suis pas sûre à 100%. Mais ça permet en tout cas, ça c'est sûr, de réduire un petit peu les délais d'attente et de pas avoir besoin de voir son affaire minimisée par la justice. A priori, là, depuis le 1er janvier, c'est supposé être généralisé. D'accord. Mais il y a vraiment une levée de bouclier de la part des avocats, des avocates, de pas mal de magistrats et magistrates, parce qu'on considère que... que c'est des sous-cours d'assises et qu'on ne peut pas, en fait, juste hiérarchiser les crimes de cette manière-là. L'intérêt d'avoir un juré populaire, c'est que les jurés, en fait, n'ont pas connaissance du dossier en amont, et ça va pouvoir, en fait, préserver l'oralité des débats. Tout va re-être dit. En revanche, s'il n'y a pas de juré populaire, les magistrats, il me semble que, pour le moment, dans le cours d'assises, tu as trois magistrats magistrates et six jurés populaires. Là, ce sera cinq magistrats magistrates. Et c'est des personnes qui, en fait, connaissent le dossier. en amont. Donc il y a un peu cette peur qu'en fait on passe sous silence un certain nombre d'éléments parce que de toute façon tout le monde est au courant et qu'on perde ce côté là qui est très intéressant et un petit peu théâtral et impressionnant mais qui est peut-être aussi important quand on sait que théoriquement la justice est l'instance la plus importante en fait dans une démocratie. Suite à mon viol, très clairement j'ai eu un choc traumatique dont le black out est un symptôme. Au moment des faits j'ai développé ce qu'on appelle un pithiasis, on dit souvent, je ne sais pas pourquoi on dit ça. souvent en anglais, mais donc un syndrome de stress post-traumatique qui, donc, est un syndrome... Alors, je ne suis pas psy, je préfère le préciser, mais qui est un syndrome, en fait, qui est très invalidant, que vont vivre les victimes, les gens qui vont... Ce n'est pas 100%, d'ailleurs. On considère que 70% des victimes de viol vont... Ce qui est quand même énorme, évidemment, vont développer un PTSD. Et donc, voilà, c'est un syndrome très invalidant parce que il y a un certain nombre de symptômes donc on a les flashbacks, les pensées intrusives les problèmes de sommeil etc et le pire, j'ai l'impression que tout le monde s'accorde, les gens qui ont un syndrome de stress post-traumatique s'accordent pour dire que le pire c'est l'hypervigilance on a ce... ouais là j'en sens que... c'est vraiment le pire, parce que je trouve que en l'occurrence on peut s'habituer un peu au flashback, au truc comme ça tu sais tu mets les trucs de côté assez rapidement On arrive un petit peu à dealer avec un sommeil un peu plus compliqué, même si c'est super dur. On a besoin de sommeil, on a besoin pour vivre. Mais l'hypervigilance, il y a vraiment une sensation de... Le cerveau tente de maîtriser en permanence l'environnement, alors que c'est de fait super impossible d'être toujours dans cette maîtrise-là de tout ce qui se passe autour de soi. Et c'est-à-dire que, moi je me suis rendue compte, le pire truc en ce qui me concerne, c'est les enfants dans la rue. Parce que ça court partout un enfant. Et c'est petit. Et un enfant qui comme ça va courir devant moi tout d'un coup, je vais avoir une espèce de sensation de... Enfin, une criscate accomplie, mais un peu de tachycardie. Et c'est épuisant, évidemment. Ça m'est déjà arrivé de lâcher mes courses au monoprix, de sursauter à cause d'une mèche de cheveux à moi, parce qu'il y avait du vent. Et en fait, c'est une espèce de double... double violence, t'as ce truc là qui est physiquement très très désagréable et en ce qui me concerne, à chaque fois une mini sensation de honte d'avoir eu peur d'un truc qui finalement est un enfant qui court, quelqu'un qui parle un peu fort dans le métro, je sais rien, qui en fait fait partie du quotidien. Et ça m'est arrivé que des gens pareils arrivent vite et tout, que je sursaute et que les gens sont hyper désolés et je vais pas commencer à leur expliquer toute ma vie comme je le fais depuis tout à l'heure, voilà. Mais ça crée un... Ouais, ça crée un climat aussi très dur, je trouve, dans, je dirais, les rapports interpersonnels du quotidien, les gens que tu connais pas et que tu croises dans la vue, et voilà. Donc, le syndrome de stress post-traumatique est hyper invalidant. Quand on sait que la majorité des victimes de viols et d'incestes, qui est une catégorie du viol, vont avoir ça, pour moi, quand on parle de violences sexi-sexuelles, on parle vraiment d'un problème de santé publique. Et moi, j'essaie souvent d'expliquer les choses comme ça aux personnes qui vont être, on va dire, renseignées par un peu réfractaires au discours féministe. Comme il y a eu le Covid, en fait, les gens sont quand même un peu plus... un peu plus poreux à ce type d'argument et en fait de dire en fait c'est des personnes, enfin en ce qui me concerne, donc dans l'impact que ça a eu direct, c'est à dire que donc j'étais avec un mec depuis un an et le fait d'être en relation en fait mine de rien ça prend en fait beaucoup d'espace aussi mental donc je me suis séparée de lui, j'ai quitté mon taf deux semaines après, enfin... J'ai clairement pas été en mesure vraiment de rechercher un TAF pendant des mois et des mois et des mois. Heureusement, je suis intermittente, donc j'avais quand même cette sécurité-là, mais tout le monde ne l'a pas. Et pareil, ça renvoie aussi à un sentiment d'échec aussi global de là où j'en suis de ma vie, je n'ai pas de taf. Non pas qu'avoir un mec ou une meuf, ou peu importe, ce soit un but dans ma vie, mais il y a un peu ce truc-là de repartir à zéro qui est très, très, très dur. Et quand on voit le nombre de personnes qui, malheureusement, subissent ça tous les ans, tu dis effectivement qu'on est quelque chose qui est de l'ordre de la pandémie. Je ne sais pas si dans les grandes lignes, en tout cas, ça a répondu.

  • Speaker #0

    C'est parfait. que je voulais et simplement aussi ça a duré combien de temps ce syndrome de stress post post traumatique c'est dur à dire bah clairement je suis encore dedans après disons que

  • Speaker #1

    Il y a aussi ce truc-là, on se met du coup à vivre, à voir, à percevoir, etc., de manière très différente. Donc au départ, c'est hyper dur. Et puis en fait, il y a un moment où on se dit « Ah, j'ai l'impression que ça s'améliore grave » . Et en fait, rien n'a changé, c'est juste que tu t'es habituée à un nouveau fonctionnement, qui est de fait pas le meilleur, mais qui est... Il y a aussi un truc d'acceptation, je pense, qui est hyper important. Moi, qui m'a vachement... qui a été facilitée parce que du coup ça fait un peu plus d'un an que je suis une thérapie avec une psy qui est trop cool et qui est féministe. Je pense qu'on ne doit voir que de... C'est impossible maintenant quand je pense à d'autres thérapeutes que j'ai pu voir qui posaient des sorties de route pas possibles sur ces questions-là. Je me dis waouh. Bref, donc elles m'aident beaucoup justement aussi à déculpabiliser. C'est des trucs, pareil, je peux avoir des angoisses de genre fermer mon appart à double tour. voilà, enfin, quand je vais me coucher et tout. Et je me... En fait, je me faisais des espèces de petits défis de je vais fermer que un tour et pas deux. Et j'en ai parlé à ma psy, elle était genre, bah, fermez les deux, en vrai, si vous vous sentez mieux. Donc voilà, c'est ce genre de truc. Mais clairement, je pense que ça... Après, manifestement, ça peut partir. Mais ça met du temps. Enfin, beaucoup de temps. Et en plus, à ce temps-là de guérison, on va dire, il y a le temps judiciaire, qu'on ne maîtrise pas du tout, qui est très très très long. et qui, à mon sens, même s'il ne faut pas compter là-dessus non plus, mais fait aussi partie d'un processus, pas de guérison évidemment, mais de mettre les choses en décase. Alors, j'ai envie de donner des conseils aux personnes victimes, mais aussi des conseils aux personnes pas victimes, mais proches de personnes victimes. En réalité, on les tous souvent. Comme conseil à donner aux victimes, En fait, c'est compliqué, je dirais, de donner des conseils aux victimes. Déjà, c'est déjà tellement dur, en fait, de vivre ce genre de choses. Mais c'est de tenter, déjà, au maximum de ne pas culpabiliser et de se dire que, peu importe les choix qu'on fait, c'est-à-dire porter plainte, ne pas porter plainte, porter plainte dans 10 ans, personne n'a de jugement à avoir là-dessus. Et dans ce genre de cas, en fait, je pense que chacune, chacun, en fait, fait au mieux. Et ne laisser personne, ne serait-ce que tenter de juger la manière dont on réagit à ça. On sait jamais de toute façon comment réagir à ça. Et effectivement, voilà, c'est ce que je disais donc au début, de garder les habits. Enfin, dans ma procédure, ça a été vraiment très très très très utile. Même si la personne n'y l'est fait, c'est-à-dire que si t'as l'ADN du gars sur le bouton de ton jean, disons que ça corrobora a priori, pas forcément sa version. Donc voilà, garder des preuves matérielles, parce que dans un premier temps, si on en a, on n'en a pas toujours. Dans un premier temps, la justice attend de nous à ce que ce soit nous qui les apportons, ce qui est une chose dont on pourrait parler pendant des heures, mais bon. Et puis surtout, comme conseil à donner aux personnes qui peuvent avoir dans leur entourage une personne qui va être agressée, va être violée, c'est ne pas essayer d'aider quelqu'un si vous-même vous n'êtes pas en mesure de le faire. Ce serait une catastrophe. J'ai une pote avec... qui du coup depuis notre relation est extrêmement compliquée parce qu'elle a essayé de nous aider alors qu'elle même elle était en détresse pour d'autres raisons et en fait ça a créé une espèce de gouffre d'incompréhension entre nous faut pas tenter d'aider quand on n'est pas capable de le faire et c'est ok de ne pas être capable de le faire dans ce cas là on peut essayer de chercher une autre personne de vérifier que la personne n'est pas seule et puis voilà et puis en fait tout simplement d'écouter de ne pas remettre en question de ne pas conseiller si on n'en a pas la capacité. C'est OK de ne pas savoir. Je pense qu'il y a plein de gens qui n'arrivent pas avec ce concept, mais c'est OK de ne pas savoir. Et puis aussi, parce que je me suis retrouvée un peu dans ce cas-là, quand moi-même j'ai été agressée avec d'autres personnes, parfois les personnes autour ne savent vraiment pas quoi faire avec cette situation, sont hyper... Qu'est-ce que je peux faire, moi ? En fait, même si la personne en face de toi est traumatisée, elle est peut-être dissociée, c'est-à-dire... à côté d'elle-même en fait. Ça reste un être humain qui est capable de faire des choix. Il suffit juste de lui demander de quoi elle a besoin. Tout simplement. Et ça a manqué aussi, heureusement pas du tout avec la majorité des gens autour de moi, mais vachement de gens qui voulaient être force d'initiative, etc. Mais juste de quoi tu as besoin. Et je trouve que ça réhumanise tout de suite aussi la personne qui a été victime et qui justement a été déshumanisée par son agression.

  • Speaker #0

    Ok. Tu vois, le fait de donner des conseils à des personnes tierces, j'y aurais pas pensé. Merci, je trouve que c'est une belle initiative. Et du coup, là, qu'est-ce qui t'a donné envie de répondre à l'appel à témoignages et de partager toute ton histoire ?

  • Speaker #1

    Ce qui m'a donné envie de répondre, c'est que... Ce que je te disais la première fois qu'on a pris contact, c'est que quand on est victime de ce genre de fait et qu'on porte plainte, on devient un peu l'experte, l'expert de notre propre parcours. Et effectivement, j'ai accumulé vraiment pas mal de connaissances sur ces questions-là. Et c'est des connaissances que j'aurais vraiment aimé avoir avant. Et je pense qu'il faut les diffuser au maximum parce que de toute façon, savoir plus de choses, ça ne fait jamais de mal. Et que ça peut être utile pour soi ou pour les autres, de savoir aussi un petit peu comment tout ça fonctionne, et de connaître nos droits en amont, ce qui n'est souvent pas du tout, du tout le cas.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu aurais quelque chose à rajouter au-delà de tout ça, des choses que tu aurais aimé dire, même si ce n'est pas du tout dans l'ordre chronologique ou autre ?

  • Speaker #1

    Tout simplement, une réponse que je n'ai pas donnée dans le conseil, donc aux personnes qui sont victimes, ça paraît évident, mais en fait non, c'est de ne pas rester seule. On ne peut pas rester seule avec ce genre d'histoire. C'est-à-dire qu'on peut voir, si on en a la possibilité, voir un psy ou une psy, c'est évidemment le mieux, mais en parler à des proches, de confiance. On n'est pas obligé d'en parler à toute la Terre. D'ailleurs, si on souhaite en parler à toute la Terre, on peut le faire aussi, mais vraiment de ne pas rester seule. C'est des histoires qui sont trop violentes pour les gérer, en fait, de manière solo, comme si rien ne s'était passé. De toute façon... Pour le coup, ça c'est des mots de ma psy, mais si on tente pas de gérer le truc tout de suite, ce qui est ok évidemment, il y a un moment où on va devoir le faire, parce que ça crée une accumulation de choses avec lesquelles on n'a pas d'îlée, et qui sont trop violentes, pour qu'on n'ait pas besoin d'aide à un moment. Voilà.

  • Speaker #0

    Je suis d'accord avec Louise, les violences sexuelles sont un problème de santé publique. Par an, on estime que 94 000 femmes sont victimes de viols en France. La première recommandation du Haut Conseil à l'égalité pour pallier à ce fléau serait d'augmenter les moyens financiers et humains de la justice française pour former mieux et en plus grand nombre les magistrats et magistrates au sein des juridictions concernées. Cette recommandation, formulée en janvier 2023, c'est la même requête formulée par les associations féministes depuis des dizaines d'années. Le combat est long, épuisant, parfois insupportable, mais il est mené à plusieurs. Et ensemble, nous sommes plus fortes, plus vaillantes, et nous pouvons aussi être assourdissantes. Vous venez d'écouter le deuxième épisode du podcast « Au bénéfice du doute » . Si vous pensez qu'il peut être utile à d'autres personnes, n'hésitez pas à le partager. Ce podcast est entièrement autoproduit par Julie Dussert. La musique originale a été composée par Sandra Fabry et l'image a été dessinée par Camélia Blandot. « Au bénéfice du doute » , le podcast où les personnes victimes de violences sexuelles prennent la parole.

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