- Speaker #0
L'épisode que vous vous apprêtez à écouter a été réalisé en partenariat avec Petite Émilie. Petite Émilie, c'est la première association vers laquelle je me suis tournée quand j'ai été confrontée au deuil périnatal fin 2017. Rassemblant à la fois des parents et des soignants et soignantes, cette association, sans appartenance politique ou religieuse, œuvre pour un meilleur accompagnement des personnes qui sont confrontées à une interruption médicale de grossesse et à un deuil périnatal. Dans ce second épisode hors série de notre collaboration, vous partirez à la rencontre d'étudiants et étudiantes sages-femmes, de l'une de leurs enseignantes, mais aussi de deux bénévoles, de Petite-Émilie. Je remercie l'école de sages-femmes de Caen pour son accueil lors de cet enregistrement réalisé en septembre 2024, ainsi que les étudiantes que j'ai pu suivre durant ces quelques heures. Merci également à Petite-Émilie d'avoir choisi Au Revoir Podcast pour mettre en lumière ses actions et et vous faire découvrir d'autres récits et témoignages à propos du deuil périnatal. Et maintenant, découvrons ensemble cet épisode. Au revoir est un podcast consacré au deuil périnatal. Le deuil périnatal, c'est le fait de perdre son bébé durant la grossesse, au moment de l'accouchement ou quelques temps après sa naissance. Par conséquent, les épisodes de ce podcast abordent des questions sensibles et douloureuses. Avec mes invités. Nous parlerons notamment d'arrêt naturel de grossesse, d'interruption médicale de grossesse, de mort in utero ou encore du décès d'un enfant quelques minutes, heures, jours ou semaines après sa naissance. Assurez-vous de pouvoir écouter cet épisode dans de bonnes conditions. Et surtout, n'oubliez pas. Et surtout, n'oubliez pas. Dans le mot deuil, il y a certes le D. De décès.
- Speaker #1
Mais il y a aussi le E.
- Speaker #2
D'espoir.
- Speaker #1
D'espoir. et le « i »
- Speaker #3
qu'on retrouve dans le mot « vie » .
- Speaker #0
Je vous souhaite une bonne écoute. Elle s'appelle Marine, Blanche, Thélia ou encore Lilia, et sont étudiantes en quatrième année d'école de sages-femmes. Cette quatrième année d'études est décisive. parce que durant les prochains mois, ces étudiantes et leurs camarades seront tout particulièrement formées aux pathologies en lien avec la grossesse. Pour le dire autrement, être sage-femme, c'est accompagner la vie, oui, mais c'est aussi être là dans des moments plus complexes. Être là quand ça dérape, quand il y a des urgences, quand les patientes sont du mauvais côté des statistiques, quand le diagnostic posé laisse peu ou pas de place à l'espoir. Et le deuil périnatal fait partie de ces cas. de figure. C'est par exemple cette femme qui se rend aux urgences et qui ne sent plus son bébé bouger. Ce couple qu'il faut accompagner en salle de naissance alors qu'il s'apprête à accueillir un enfant mort-né. Cette famille qui apprend, au moment de l'accouchement, que son fils ou sa fille ne vivra que peu de temps. Moments de bascule qui déstabilisent, moments violents qui mettent en difficulté les soignants et soignantes dont la lourde tâche est d'être présent, présente, du mieux possible auprès des femmes. auprès des couples pour apporter un peu de douceur au milieu de la douleur. Nous sommes le 10 septembre 2024, la rentrée de Marine Blanche. Célia et Lilia a eu lieu quelques jours auparavant et aujourd'hui, leur promotion de l'école de sages-femmes de Caen en Normandie s'apprête à rencontrer deux bénévoles de l'association Petite Émilie. Amanda et Marie-Hélène ont fait le déplacement depuis Paris pour partager avec les étudiants et étudiantes leurs expériences. Pour donner à ces futures sages-femmes des clés pour comprendre le deuil périnatal et aussi et surtout l'accompagner au mieux. Parler de deuil périnatal, de cette épreuve qui touche des milliers de familles chaque année, c'est aborder les aspects juridiques de ce deuil, les aspects sociaux également. Depuis les années 2000, de grandes avancées ont été faites dans ce domaine, permettant aux parents d'être davantage reconnus dans l'épreuve qu'ils traversent. C'est également parler de la douleur, douleur psychologique. Douleur physique. Parler de deuil périnatal, c'est témoigner aussi. Marie-Hélène est sage-femme, mais Amanda et elle ont vécu intimement cette épreuve, celle de dire au revoir à leur bébé tant attendu. C'est en 2003 que Marie-Hélène l'a vécu pour la première fois, en 2009 pour Amanda. Et ce partage d'expérience, il est précieux pour prendre la mesure de ce que vivent ses mères, ses pères, qui sont en première ligne. Marine, Blanche, Célia et Lilia ont d'ailleurs déjà été confrontées à cette réalité, celle d'accompagner ces femmes, ces parents qui doivent dire au revoir à leur bébé in utero ou quelques temps après l'accouchement. Une réalité dont elles n'avaient pas forcément conscience ou pas complètement pris la mesure lorsqu'elles ont décidé de devenir sages-femmes. Une réalité dont elles ont découvert toute la complexité lors de leur précédent stage.
- Speaker #2
Avant d'entrer en école, je pense que j'avais plutôt ce côté de naïveté au contraire, où je ne m'y attendais pas forcément. Et quand j'étais confrontée à mon premier stage aussi en salle de naissance, où sur le même jour on a eu deux morphétales in utero à terme, c'était assez violent. Après, il y avait tout le côté médical à prendre en charge pour réussir à trouver les bons mots et à essayer de se mettre aussi à la place de cette maman qui, au final, vient de perdre son enfant.
- Speaker #3
C'est plus quoi dire, quand le dire et de quelle façon le dire. Parce que je me suis retrouvée... En tant qu'étudiante sage-femme, on peut travailler en tant qu'aide-soignante à l'hôpital. Et je me suis retrouvée en faisant ça, juste en refaisant le lit de la maman, à la détresse d'un papa, mais une détresse émotionnelle. que je n'ai pas su gérer. Je pense avoir quand même pu l'aider un petit peu parce qu'il n'avait pas du tout laissé de place à sa tristesse vu qu'il y avait eu la peur pour sa femme, la peur pour son bébé. Le bébé était encore en vie, mais il savait qu'il allait avoir un arrêt des soins. Et il était tellement dévasté. Et moi, à part l'écouter et plonger tout ce qu'il me disait, je n'avais pas les codes, les outils pour réagir en tant que juste aide-soignante. et je pense qu'en fait tout le monde Tous les maillons de l'hôpital devraient être formés à ça, parce que parfois, ça peut même être juste l'ASH qui vient chercher le petit déjeuner. Elle peut se prendre tout un flot de paroles. Il faut savoir être solide et savoir quoi répondre pour ne pas faire non plus d'erreurs qui peuvent être après restées dans la tête des parents pendant longtemps.
- Speaker #4
Et on ne sait pas toujours quoi dire dans ces moments-là. J'ai eu la chance d'être éliminée au niveau formationnel. d'avoir pris en charge une femme qui malheureusement, son enfant était en train de décéder in utero. Et la Sacha m'a laissé, moi, y aller toutes les 15 minutes pour pouvoir faire une relation de confiance, pour qu'elle me dise des choses, pour qu'on puisse petit à petit... C'était le jour même où on savait qu'il allait décéder, donc demander si elle voulait une autopsie, mais faire les choses vraiment très petit à petit. Mais on ne sait pas comment aborder les choses, on ne sait pas comment dire correctement, comment s'adapter à la patiente parce qu'on ne sait pas quel sera son vécu après. Et moi, vraiment, ce que j'attendrai de cette formation, c'est de pouvoir prendre en charge ces personnes du mieux que je puisse pour qu'elles vivent le mieux possible.
- Speaker #2
Je pense qu'il n'y a pas de mode d'emploi non plus parce que chaque couple a peut-être des attentes différentes et chacun a une sensibilité aussi différente. Et même, on voit par exemple dans un autre sujet, mais la gestion de la douleur, le fait que les femmes soient accompagnées tout le long. ça peut totalement changer un travail. Et je me dis, là, c'est une douleur qui est psychologique plutôt. Et c'est pareil, je pense que l'accompagnement est la clé de beaucoup de choses pour après. L'acceptation, parce que je pense qu'on ne fait jamais le deuil de son enfant, mais accepter et ne plus garder un souvenir triste.
- Speaker #4
Essayer de vivre avec l'événement et qu'il n'y ait pas que des souvenirs malheureux associés.
- Speaker #5
Bonjour, alors on va se présenter tous les deux. Donc nous, Amanda et moi, on est là au titre de Petite Émilie, qui est une association avec une loi de 1901. On va vous en parler longuement. Moi, je suis sage-femme, donc moi je m'appelle Marie-Hélène, je suis sage-femme à l'hôpital de Souto. Puis également, alors moi j'ai la double casquette, parce que je suis également parent de Yé. C'est-à-dire que j'ai déjà eu une IMG, j'ai déjà eu une fausse couche d'arbitre dont j'ai parlé depuis. Et c'est aussi à ce titre-là que je suis bénévole de Petite Némanie depuis 2003, le moment où l'association a été créée.
- Speaker #1
Leur savoir-être devant les parents, à ce moment-là, il va rester en tout cas dans l'esprit des parents jusqu'à la fin de leur jour, au même niveau que leur enfant. Ah oui. Le souvenir de leur enfant. Grosse responsabilité, mais c'est la vérité. Moi, je suis Amanda Michel, je suis présidente de l'association Petite Émilie et maman en deuillé.
- Speaker #5
Moi, je suis Marie-Hélène Averbuch, je suis sage-femme à l'hôpital. Je suis également adhérente de l'association Petite Émilie. Et c'est dans ce contexte-là qu'on vient faire un petit topo à l'école de sage-femme de Caen pour leur parler du deuil périnatal et de l'interruption médicale de grossesse.
- Speaker #1
C'est ça. Un petit topo de deux heures et demie quand même. C'est une formation qui existe depuis assez longtemps, qu'on met tout le temps à jour, surtout sur la partie administrative, puisque la législation évolue beaucoup. Donc il y a une grosse partie administrative dans la formation et on va passer en revue. Également aussi, cette fois-ci, puisque c'est des étudiants sages-femmes, l'aspect médical et le protocole, c'est pour ça que c'est important qu'on soit et Marie-Hélène sages-femmes et moi parents, pour qu'on ait un peu les deux côtés. noter les deux faces de la même pièce du deuil périnatal. Les deux vécus, le vécu du soignant, il est aussi valide que le vécu du parent et ils doivent se reconnaître l'un l'autre.
- Speaker #5
Ça permet l'écoute, ça permet la disponibilité, ça permet d'être ajusté psychiquement à ses patients et je pense que c'est le plus important d'être ajusté psychiquement à ses patients, surtout dans ces moments-là.
- Speaker #1
potentiellement on aide à faire en sorte que le jour où ces étudiants seront confrontés, sont en face de patients qui sont en train de traverser une IMG, une interruption médicale de grossesse ou un deuil périnatal, et bien ils seront, c'est ce que disait Marie-Hélène, ils seront ajustés à la situation à chacun de leurs patients et ils seront armés pour le faire. Nos associations sont les suivantes, on a un site internet avec des dossiers thématiques qui sont mis à jour. C'est un site internet qui s'adresse aux parents et aussi aux soignants parce qu'on fait des dossiers un peu de fonds thématiques. Typiquement, ça va être, on va faire un dossier sur l'art-thérapie dans le soutien aux deuils périnatales, mais je ne sais pas, ça peut être des grossesses lémélaires et des interruptions sélectives. On va faire des dossiers là-dessus. Et à chaque fois qu'on fait un dossier chez Petite Émilie, on va demander et à un expert professionnel soignant de témoigner. Et aussi, on va demander à des parents sur les réseaux sociaux à faire des appels à témoignages. Et donc, ça va aider aussi bien des parents et aussi des soignants. On a beaucoup de sages-femmes qui nous lisent.
- Speaker #5
Juste après l'accouchement, qu'est-ce qui se passe ? la présentation. du bébé aux parents s'ils le veulent. Soit on leur demande s'ils veulent qu'on leur montre.
- Speaker #1
S'ils veulent le prendre dans les bras, c'est plusieurs degrés.
- Speaker #5
Exactement.
- Speaker #1
Est-ce qu'ils vous le présentent ? Est-ce que vous voulez le prendre dans les bras ?
- Speaker #5
Est-ce qu'ils veulent qu'on l'habille ? Est-ce qu'ils ont amené des petits vêtements pour l'habiller ? Est-ce qu'ils veulent un petit objet qui va rester avec lui ? Tout est possible, j'ai envie de dire, parce que c'est le choix. du couple qui va orienter.
- Speaker #1
Oui, pour l'IMG, c'était mon premier accouchement. La sage-femme qui était là au moment de l'expulsion. Du coup, mon conjoint et moi, on était vraiment très effrayés de voir le bébé. On avait vraiment très, très peur que ça nous impacte trop. Et du coup, la sage-femme, elle a vraiment été super. Tous les bébés, les fœtus, en fait, n'ont pas le même aspect. Il se peut qu'il y ait des aspects qui ne sont pas naturels. Ce n'est pas ce qu'on se représente. Ce n'est pas un bébé qui naît vivant, etc. Donc, le fait de le décrire, c'est important de bien choisir ses mots. Moi, je me souviens des mots de la sage-femme, alors que ça fait un petit bout de temps, ça fait 15 ans. Elle m'a dit, il est très beau, il est parfait. Est-ce que vous voulez voir une photo ? Parce qu'on ne voulait vraiment pas le voir. On n'en voulait pas le voir, on avait peur que ça nous brise en fait. Et elle nous a dit, si vous voulez, j'ai un polaroïd, je peux vous le montrer en photo. Et donc elle nous a montré la photo. Enfin moi j'ai accepté de le voir et elle nous a dit que... Mais rappelez-vous que... Parce que c'est vrai qu'il était parfait. Rappelez-vous qu'il avait des lésions majeures et... qu'en fait, il est parfait de l'extérieur. Et en fait, je pense que j'ai rien dit, mais elle a compris que du coup, moi, j'étais en dissociation. C'est pourquoi il est parfait, ce bébé. En fait, il est au poids où il devrait naître. Et en fait, il n'est pas là. Donc, ça, c'est important. Et aussi, de laisser le choix jusqu'au bout. Mais ça, franchement, dans la plupart des histoires... qu'on a, en tout cas des témoignages de parents qui vivent des IMG, c'est le cas dans la plupart des maternités. Voilà, de laisser la porte ouverte aussi aux parents qui viennent d'accoucher. Si vous voulez, vous pouvez aller le voir encore pendant 12h, 24h.
- Speaker #5
On est très ouverts parce qu'il faut être ouvert à ce moment-là. Parce que les gens, ils peuvent évoluer même en deux jours, quoi. Dans les deux jours qui suivent.
- Speaker #1
Ils en ont même parfois besoin, en fait.
- Speaker #4
Dans certaines maternités, dans la maternité de Flerd, la base, c'est qu'ils prenaient systématiquement des photos. Ils prenaient aussi les empreintes, du mieux qu'ils peuvent au jeu du terme, qu'ils les mettaient dans une boîte et je crois qu'ils le donnaient à chaque fois.
- Speaker #3
Est-ce que du coup,
- Speaker #4
ce ne serait pas mieux au niveau psychologique que quoi qu'il arrive, on donne cette boîte-là et qu'on fasse ça dans tout le pays et qu'après, les parents, ils décident un jour d'ouvrir cette boîte ou pas ?
- Speaker #5
C'est ce qu'on fait en général systématiquement. C'est important que ce soit fait systématiquement. C'est fait maintenant, quoi.
- Speaker #1
Moi, la photo, du coup, moi, je n'ai pas vu mon bébé. Et cette photo, elle me hante. Et donc, après, je sais que mon dossier a tourné parce qu'il m'est arrivé d'autres mésaventures. Et je sais qu'un jour, je vais mettre la main sur le dossier et qu'il y a cette photo, peut-être qu'il sera dedans, peut-être qu'elle sera perdue. Mais du coup, je n'ai pas eu cette boîte et je pense que c'est une super idée. C'est une super idée que ce soit national, en fait.
- Speaker #5
Ça devrait être fait systématiquement. Mais déjà, entre 2003 et 2009, on a beaucoup progressé. Et 2024, on a beaucoup progressé. C'est-à-dire, vous, je ne sais pas, je ne sais pas partout dans toute la France, mais nous, systématiquement, on fait des empreintes et systématiquement, on fait des photos. Et moi, je donne l'importance, alors ça c'est en psychologie, l'importance de la trace. Cette trace, quelle qu'elle soit, quelle que soit celle que je veux, moi en tant que femme ayant vécu un deuil périnatal, elle est importante. Parce que tout au long de ma vie, je vais avoir peut-être besoin de m'y référer, où c'est important pour moi psychiquement.
- Speaker #1
D'autant plus que quand ça... Alors, on est quand même nombreux pour qui l'IMG intervient quand c'est la première grossesse. Et l'IMG fait de facto de nous des parents. Et en fait, notre entourage, que ce soit parfois la famille, notre entourage, nos collègues, en fait, sans le vouloir, ils vont un peu nous nier ce statut de parents. Et donc, cette trace... C'est la seule chose, c'est-à-dire, au final, il va nous rester quoi ? Une trace, le souvenir des échanges qu'on va avoir avec les soignants, hyper important, les mots qu'ont eus les sages-femmes qui se seront succédés. C'est ça qui va rester, qui en fait, ça aura été notre petit cocon. Ces gens-là, en fait, on se dira, ces gens-là, ils savent que nous, on est des parents. Mais les autres, non.
- Speaker #5
Et ça, c'est très important. Les personnes que l'on voit à ce moment-là, vous avez raison de souligner, sont vraiment... On s'en souvient toute sa vie. On ne se souvient pas après toutes dix enfants. On n'a pas dix accouchements. Mais globalement, la sage-femme qu'on a eue à l'IMG, on s'en souvient. Ou un intervenant précis, on s'en souvient à vie. Et même ce qu'ils nous ont dit, parfois, on s'en souvient à vie. Ou encore, 25 ans après.
- Speaker #6
Je suis Charlotte Bellet, je suis sage-femme enseignante auprès des quatrièmes et des cinquièmes années. Alors nous on trouve ça indispensable de former les étudiants et pour eux parce que c'est des situations qui peuvent être complexes à gérer et qui sont engageantes émotionnellement. Donc le fait de pouvoir les préparer en amont peut les aider à mieux gérer ces situations et puis également pour les futurs parents, pour les parents endeuillés. pour que les étudiants ne puissent pas avoir de paroles malheureuses et un comportement qui puisse les aider au mieux dans ces situations aussi. Même si en tant que professionnels, on a déjà été confrontés, on n'a jamais le même vécu que des parents qui ont l'expérience malheureuse. Et d'avoir leur retour et ce qui les a aidés ou ce qui les a parfois heurtés peut aider les étudiants justement par la suite. Donc ça nous paraît vraiment essentiel d'avoir ces échanges et de pouvoir progresser au fur et à mesure dans leur... parcours. On sait qu'on peut, par nos propos, par nos gestes, par nos actes, marquer les gens effectivement en bien ou en mal. Donc si déjà on a cette réflexivité sur ce qu'on peut apporter aux gens, je pense que ça va éviter des situations qui seraient trop marquées pour les parents. Et je pense que le fait d'apporter une petite pierre à l'édifice, de semer une petite graine en fait au sein de l'étudiant qui est en formation, qui forme son identité professionnelle. ça va lui permettre de réfléchir et puis de se positionner en tant que futur professionnel déjà en terrain de stage.
- Speaker #5
Ceux qui ont eu des expériences en salle de travail, d'accompagnement d'une IMG ou de deuil périnatal. Ce n'est pas forcément une IMG, ça peut être une dame qui arrive aux urgences et on écoute les bruits du cœur, il n'y a plus de bruit du cœur. Tout cet accompagnement...
- Speaker #1
De mort fétale, en fait.
- Speaker #5
Exactement, oui.
- Speaker #3
Moi, c'était en stage, donc en salle de naissance, c'était au début du cursus. Et on a accompagné une dame pour une IMG à 23 semaines. Et en fait, elle n'avait pas du tout investi la grossesse. Et donc, ils n'avaient pas encore annoncé à l'entourage. Le grand frère n'était pas du tout au courant qu'il y avait une grossesse. Et il venait là sans prévenir personne. Il voulait repartir là sans avoir prévenu personne et faire comme si ça n'avait jamais existé. Et en fait, on était... Et on s'est dit, mais c'est une bombe à retardement, cette histoire, parce que ça va finir par éclater. Mais bon, sur le moment, on ne pouvait pas non plus les pousser à parler. Une fois qu'on avait expliqué les impacts que ça pouvait avoir de rester dans le déni comme ça, on ne pouvait rien faire de plus. Et ça m'avait marquée parce que ce n'était pas du tout humanisé comme moment. C'était vraiment... Ce n'est pas un bébé, ce n'est pas un fœtus, c'est... C'est juste un embryon, c'est juste un amas de cellules. Et c'était les mots de la patiente qui ne se sentait pas du tout maman. Et c'était un peu contraire à tout ce côté d'humaniser, d'investir la grossesse et tout ça. Et on était...
- Speaker #1
C'est vrai que c'est exactement l'inverse de ce qu'on dit là. Mais en même temps, c'est un super exemple. Merci beaucoup de l'avoir partagé. Parce que pour surmonter ce moment, certains parents... vont faire ce choix de mettre à distance. Et en fait, ils feront leur chemin.
- Speaker #3
Et puis, c'était une dynamique de couple. Ils étaient tous les deux dans ce processus-là. Mais on sentait que c'était par la volonté de la patiente et que le conjoint, il suivait. Que lui, il n'était pas d'accord avec ça, mais il ne voulait pas non plus la contrarier. Donc, je me disais, ça va aussi poser... Ça peut poser problème et du coup, on a vraiment beaucoup joué sur les souvenirs. Là, pour le coup, on a pris beaucoup de photos, on a fait le bracelet de naissance, tout ça parce qu'on s'est dit qu'ils l'ont tellement peu investi que s'ils changent d'avis, il va falloir qu'il y ait du costaud pour pouvoir avoir assez de choses, d'éléments en fait. Là,
- Speaker #5
probablement, je ne sais pas, mais probablement... C'était un mécanisme de défense de cette patiente, de se dire, plus j'évacue, plus je nie, plus c'est facile, parce que c'est trop lourd à porter en fait, en vrai. C'est aussi certaines fois des mécanismes de défense quand on ne veut pas voir ou moins voir les choses. Mais à un moment, ça se rappelle à vous. Avoir fait beaucoup de traces, c'est important, parce que si un jour elle se dit, Je... Voilà, la vie, c'est long. Oui,
- Speaker #1
il peut se passer des choses. Peut-être que ça va sans doute sur les grossesses suivantes. Ça peut venir en boomerang. Quand on ne traite pas les problèmes ou quand on les fuit, la vie, elle se rappelle à nous. En tout cas, vous avez eu un super réflexe, quoi, de leur constituer cette petite capsule à voyager dans le temps pour peut-être un jour prendre le temps de pleurer leur enfant.
- Speaker #7
Moi, c'était plutôt sur le positionnement des étudiants et étudiantes. Parce que quand on suit un travail en salle de naissance assez classique, on fait par exemple, en tout cas en troisième année, moi je faisais avec la sage-femme qui m'accompagnait, par exemple un toucher vaginal. Et elle faisait derrière moi pour vérifier ou me guider, ou on faisait l'inverse justement. Et j'ai suivi une patiente dans le cadre aussi d'une IMG. Et là, c'était un peu plus délicat parce que je n'osais pas trop intervenir non plus. Je me mettrais plutôt en retrait et la sage-femme ne m'invitait pas non plus à faire... Enfin, on n'allait pas faire deux touchés vaginaux comme on peut faire dans un cadre classique. Et donc, je ne savais pas trop quoi faire ni comment être utile sur ce moment-là. Je n'ai pas vu l'accouchement parce qu'on a fini la garde avant. Mais c'est vrai que sur tout le processus de l'accompagnement pendant le travail, ce n'était pas évident de se positionner. Alors j'aurais aimé avoir deux, trois... Petit conseil ?
- Speaker #5
Il faut être vrai, c'est-à-dire que si c'est pour, si tu as du temps dans ta garde, ça peut même être parler 5-10 minutes si tu sens que la dame, quand tu vas rentrer dans la salle d'accouchement, elle est réceptive, si elle a son conjoint et qu'elle est avec... Tu vois ce que je veux dire ? Ça dépend des moments, mais l'idée, ce n'est pas forcément de se positionner. L'idée, c'est si je me positionne... Je suis utile, même peut-être en discutant à bâton rompu pour lui faire passer le temps, peut-être.
- Speaker #1
J'ai l'impression que là, de toute façon, tu étais toujours accompagnée de ta sage-femme référente. Est-ce que des étudiants peuvent être dans la situation d'être seuls face aux patients ?
- Speaker #7
En troisième année, je ne pense pas. Là, on va commencer à prendre plus d'autonomie, donc peut-être. Après, je pense que ça reste des cas quand même où même nous, on aime bien être accompagnés quand même. Ce n'est pas évident non plus.
- Speaker #5
Je suis d'accord. Et puis, c'est bien d'en discuter aussi avec tes pairs pour apprendre et progresser. Ça ne fait rien si tu n'as pas les coudes et franches. Tu vois ce que je veux dire ? Ça te sécurise et c'est bien que ça te sécurise parce que tu le dis toi-même. On en a quand même besoin. Il n'y a pas forcément de dogme. C'est nouveau à chaque fois.
- Speaker #1
Chaque personne, chaque histoire.
- Speaker #5
C'est nouveau à chaque fois.
- Speaker #1
Et du coup, je rebondis sur le fait que c'est une histoire à chaque fois. En fait, sur la question de comment on appelle l'enfant. Nous, ce qu'on préconise pour les soignants, c'est de se caler, d'attendre, de voir comment les parents en parlent. Parce que du coup, il y a des parents qui peuvent être dans une position... de protection. Il y a deux minutes, ils parlaient de leur futur bébé, Maxime, etc. Et maintenant, ils vont dire le fœtus. En fait, le soignant, il faut juste qu'il apprenne à danser avec les parents. Du coup, ce sera le fœtus. Alors qu'il y a dix minutes, c'était Maxime, quoi. Mais voilà. Et inversement, c'est très doux pour un parent d'entendre une tierce personne appeler son bébé par son prénom si c'est un truc que le parent fait. je suis d'accord rien que ça en fait c'est rien que ça c'est humanisé nommer c'est humanisé ouais c'est sûr bah il est 10h30 merci à vous on va aller plus au soir et bonne nuit
- Speaker #2
Je pense que c'est bien qu'on ait le retour aussi du coup de personnes qui ont vécu ça, parce que c'est sûr qu'entre nous, on se raconte beaucoup, enfin quand il y a des anecdotes comme ça qui nous marquent, etc., c'est vrai qu'on va facilement en parler entre nous, puisque c'est des choses que certaines vivent, même si ce n'est pas exactement les mêmes situations. Et du coup, avoir le regard de maman qui ont vécu ça, ça nous permet de voir vraiment l'importance de peser les mots. les choses qu'on va leur dire et de faire attention au final à ce qu'on dit.
- Speaker #0
Moi,
- Speaker #3
ce serait peut-être l'importance de montrer que l'enfant a existé socialement. Parce qu'elles l'ont beaucoup dit et ça m'avait marqué aussi pendant une prise en charge parce que c'était un couple qui revenait après une mort, juste après la naissance. Et en fait, l'équipe, ils avaient discuté est-ce qu'ils voulaient la même équipe ou pas. Et c'était la même sage-femme ce jour-là que la sage-femme de leur accouchement. Et elles étaient... Les mamans étaient super heureuses parce qu'elles disaient « Mais en fait, c'est la seule personne qui, socialement, a connu notre enfant. Et c'est trop important pour nous qu'elle connaisse notre deuxième enfant. » En fait, c'est quelque chose auquel on ne pense pas. Mais c'est vrai que nous, en tant que personnel, on sera les seules personnes, socialement, à connaître l'enfant. Et c'est revenu beaucoup. Je pense que c'est très important.
- Speaker #0
Oui, à l'avoir vue, à l'avoir peut-être portée et présentée au couple. Il y a un loin qui se tisse et ça, tu n'en avais peut-être pas pris la mesure à ce point-là.
- Speaker #3
En fait, ce jour-là, ça m'avait marquée et je m'étais dit que c'est peut-être elle que ça a marqué. Et en fait, ça a l'air plutôt universel parce que ça revient chez tous les témoignages que cette existence sociale, elle est importante.
- Speaker #2
Moi aussi, c'est vraiment ce truc d'humaniser ce fœtus qui était le début d'un humain aussi. Je ne sais pas quel mot choisir, mais... Ouais, c'est vraiment ce truc-là aussi qui m'a marquée, parce que c'est peut-être un truc qu'on n'aurait pas fait naturellement, ou peut-être que si, je ne sais pas, mais en tout cas de l'entendre, au moins on l'ancre vraiment.
- Speaker #0
Oui, puis je pense qu'on a peur aussi, de façon théorique, un fœtus, il n'a pas d'existence. Et on a un peu peur du glissement au niveau des lois et tout ça, pour l'IVG, pour l'IMG. Mais il n'a pas d'existence juridique. Mais pour les parents, si on ne lui accorde pas une existence, même nous, en tant que personnel de santé, on les prive de leur parentalité. Et du coup, il faut faire attention.
- Speaker #1
C'est assez périlleux.
- Speaker #2
Oui, périlleux aussi. J'essaie de repasser à ce qui s'est passé, mais déjà de leur dire que oui, ils sont parents, que cet événement a existé, que ça s'est passé, c'est la réalité. Et de dire qu'ils ont eux aussi le droit d'avoir leur sentiment, de vivre tout simplement l'événement. Ils ont le droit de pleurer, ils ont le droit de passer par toutes les étapes, on sera toujours là quoi qu'il arrive pour les soutenir. C'est ce que je retiens.
- Speaker #1
Cet épisode hors-série de Revoir Podcast en partenariat avec l'association Petite Émilie touche à sa fin. Si vous souhaitez en savoir plus sur la réglementation qui encadre le deuil, identifier des ressources pour le traverser, l'accompagner au mieux, rendez-vous sur petitemilie.org. Si vous êtes soignant-soignante, l'association organise également des formations et des actions de sensibilisation à propos du deuil périnatal. N'hésitez pas à la contacter. Afin de mieux connaître cette association et son histoire, vous pouvez également écouter le premier épisode réalisé dans le cadre de ce partenariat. Un épisode dans lequel je recevais Caroline Lemoyne, fondatrice de Petite Émilie en 2003, ainsi que Marc Dupont, directeur adjoint aux affaires juridiques de l'APHP, pour parler de l'affaire des fœtus de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Un événement qui est survenu en 2005, il y a tout juste 20 ans. Je suis Sophie Dechivray, réalisatrice de Revoir Podcast de 12 septembre 2020. Je vous remercie pour votre écoute et votre confiance. Et je vous dis à très vite pour un troisième épisode en partenariat avec Petite Émilie. Cet épisode sera consacré à l'annonce d'un diagnostic en antenne natale. Je vous dis à très bientôt.