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Beau Voyage

#27 : Anais, médecin tout-terrain : un stéthoscope dans le sac à dos, les terres australes et un raid en Antarctique

#27 : Anais, médecin tout-terrain : un stéthoscope dans le sac à dos, les terres australes et un raid en Antarctique

56min |30/04/2024
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Beau Voyage

#27 : Anais, médecin tout-terrain : un stéthoscope dans le sac à dos, les terres australes et un raid en Antarctique

#27 : Anais, médecin tout-terrain : un stéthoscope dans le sac à dos, les terres australes et un raid en Antarctique

56min |30/04/2024
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Description

Anais Pélier appartient à cette communauté extraordinaire des médecins-voyageurs. Loin d’un cabinet de ville, ces aventuriers embarquent  leur stéthoscope dans leur sac à dos pour partir en mission aux 4 coins de la planète 


La vie d’Anais est digne des plus grands romans d’aventure. 

Pour Beau Voyage elle revient sur sa fascination pour les Terres Australes qui l’a poussé à partir plusieurs mois sur l’Ile d’Amsterdam, puis à Crozet et à Kerguelen, 3 iles du bout du monde sur lesquelles personne ne vit vraiment.

Sur ces "cailloux", on ne trouve que des professionnels en mission, des biologistes, des scientifiques.. qui vivent en communauté ultra restreinte dans des conditions extremes avec un ravitaillement par bateau tous les 3 mois.


Elle nous raconte aussi ces 4 étés passés au milieu de l’Antarctique où elle accompagne le Raid au volant d'un tracteur XXL qui parcourt les glaces. Sa mission? Etre le médecin de ce convoi hors-normes qui traverse la banquise pendant 15 jours pour ravitailler la station Concordia.


Dans cet épisode complètement fou, cette aventurière nous dévoile les dessous du quotidien méconnu de ces médecins tout terrain. Elle nous parle de cette vie toujours en mouvement, de ses missions très loin de tout ce que l'on peut imaginer et de ces opérations réalisées avec les moyens du bord.  Elle nous parle aussi de ses missions humanitaires en Centrafrique, en Afghanistan et sur les îles Marquises, ces rencontres, ces frayeurs, la violence au milieu du paradis.


Anais a une vie extraordinaire et une vision de l'aventure que j'ai adoré, j’aurais pu passer ma journée à l’écouter. 

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Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous laisser 5 étoiles ou un commentaire sur Apple Podcasts ou Spotify. Ce serait vraiment un sacré coup de pouce pour nous !

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Production : Sakti Productions

Vous êtes une marque et vous souhaitez collaborer avec Beau Voyage

Ecrivez-nous : mariegarreau@saktiproductions.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Au fur et à mesure des missions, j'ai quand même eu trois chirurgies à faire. Et tu fais ta chirurgie avec l'ornito, le gendarme, le cuisinier, l'informaticien. J'ai un souvenir, on a mis du Georges Brassens, et puis à la fin, on a chanté les copains d'abord. C'est une super ambiance. Eux, ils t'emmènent attraper des manchots et des otaries, ou alors ils t'emmènent gérer l'approvisionnement d'eau. C'est une chance incroyable, parce qu'ils sont 22, j'ai pas du travail. par-dessus la tête non plus. Donc j'ai le temps de faire autre chose.

  • Speaker #1

    Bonjour, c'est Marie et vous écoutez Beau Voyage. De l'ascension du Merapik au Népal, au tour du monde en famille, du road trip au Chili au bivouac en Inde dans les Pyrénées, vous entendrez des hommes et des femmes qui partagent leurs aventures hors des sentiers battus. Des aventuriers ordinaires qui vous racontent leurs aventures extraordinaires. À deux ou en tribu, à l'autre bout du monde ou en bas de chez eux, avec trois sous ou en claquant leur PEL, ces voyageurs nous confient leurs histoires, leurs galères, leurs bons plans et leurs coups de cœur. Sur Beau Voyage, nous allons vous prouver que l'aventure est partout et à la portée de tout le monde. Alors montez le son et venez rêver avec nous. Mon invité aujourd'hui s'appelle Anaïs Pellier et appartient à cette communauté extraordinaire des médecins voyageurs. Très loin d'un cabinet de ville, ils embarquent leur stéthoscope dans un sac à dos pour partir en mission aux quatre coins de la planète. En fait, la vie d'Anaïs est digne des plus grands romans d'aventure. Pour Beau Voyage, elle a accepté de nous raconter sa fascination pour les terres australes, qui la poussait à partir plusieurs mois sur l'île d'Amsterdam, puis à Crozet et à Kerguelen. En fait, sur ces trois îles, personne ne vit vraiment. Il n'y a que des professionnels en mission, des biologistes, des scientifiques et anaïs. Ils vivent en communauté ultra restreinte, dans des conditions extrêmes, avec un seul ravitaillement par bateau tous les trois mois. Elle revient aussi sur ses quatre étés passés au milieu de l'Antarctique, où elle accompagne le RAID. Sa mission, être le médecin du convoi de tracteurs qui part sur les glaces pendant deux semaines pour ravitailler la station Concordia. En fait, dans cet épisode totalement dingue, elle nous dévoile des dessous du quotidien méconnu de ces médecins tout-terrain, sa vie toujours en mouvement, ses missions très loin de tout et ses opérations réalisées avec les moyens du bord. Et comme j'étais très curieuse, elle m'a aussi raconté ses missions humanitaires en Centrafrique, en Afghanistan et sur les îles marquises, avec ses moments suspendus et ses très grandes frayeurs. En fait, j'aurais pu passer ma journée à l'écouter et j'espère que vous allez adorer vous aussi écouter ces histoires. Bonjour Anaïs, je suis ravie de voyager avec toi aujourd'hui. Est-ce que tu peux rapidement te présenter ?

  • Speaker #0

    Oui, je m'appelle Anaïs Pellier, j'ai 40 ans, je suis née dans le Ménéloir, dans l'Ouest, et je suis médecin généraliste.

  • Speaker #1

    Et t'as voyagé quand t'étais petite ?

  • Speaker #0

    Et j'ai voyagé quand j'étais petite, j'ai eu beaucoup, beaucoup de chance. J'avais des parents qui adoraient absolument voyager. Et donc chaque été, on avait le droit à un grand voyage, mais vraiment des beaux voyages. C'est-à-dire que ma mère, toute l'année, préparait soigneusement la destination. Elle nous a emmenés à l'île de Pâques, elle nous a emmenés aux Marquises, elle nous a emmenés en Afrique du Sud, dans les parcs animaliers absolument fous. Et donc chaque année, on avait le droit à ça. Et j'ai trois frères et sœurs, on a tous eu le virus comme ça.

  • Speaker #1

    Elle partait comme ça, quatre enfants, vous partiez à six ?

  • Speaker #0

    Oui, on partait à six. Au bout du monde, quoi. Au bout du monde, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et ça cadeau ou c'était quoi comme ambiance de voyage ?

  • Speaker #0

    C'était plutôt ambiance confort quand même. Mais bon, avec le goût du risque un peu, parfois, j'ai des souvenirs de pannes de véhicules au milieu des parcs animaliers avec des lions, des éléphants, des trucs un peu où de passer des rivières au Guatemala avec une escorte militaire. Dans mes yeux d'enfant, ça avait l'air très safe. Avec le recul, je me rends compte que parfois,

  • Speaker #1

    c'était un peu l'aventure aussi.

  • Speaker #0

    voilà mais elle n'a pas froid aux yeux ma mère elle est pilote aussi amateur elle est aussi médecin mais elle est pilote amateur et elle avait une petite ONG où elle allait en avion jusqu'au Burkina Faso donc déjà il y avait quand même une fibre un peu voilà ça vient de nulle part et

  • Speaker #1

    toi tu décides d'être médecin ?

  • Speaker #0

    très tard, moi je voulais être vétérinaire je voulais retourner en Afrique soigner les lions et les éléphants et puis on m'a dit c'est trop dur alors j'ai fait médecine et je ne regrette pas du tout.

  • Speaker #1

    C'est beau de faire médecine par dépit quand même. C'est rare.

  • Speaker #0

    J'ai mis du temps à savoir que ça me plaisait et aujourd'hui, et surtout la médecine générale, je ne regrette absolument pas. J'adore ce métier et j'ai rarement connu un métier qu'on met dans son sac à dos avec une telle facilité, c'est-à-dire qu'il y a du travail partout, dans des conditions variées, intéressantes. C'est un vrai privilège.

  • Speaker #1

    Quand tu l'as fait, quand tu as fait les études de médecine, qui sont quand même des études difficiles, Tu l'as fait avec cette idée qu'un jour tu allais le mettre dans ton sac à dos ou tu ne savais pas trop ?

  • Speaker #0

    Dès la première année, je savais, mais j'étais plutôt dans l'optique médecine humanitaire. Voilà, un peu en mode on va aller sauver le monde. et puis j'ai fait mon dernier semestre d'internat au Sénégal fin fond de la brousse, grâce à ma mère qui travaillait en partenariat avec un hôpital de là-bas qui est allé me déposer avec son petit avion jusque là-bas. Ça a été une expérience assez intense, mais où je me suis dit, avant d'aller faire de l'humanitaire, va faire autre chose, parce qu'il faut que tu fasses tes armes. Je ne me sentais pas prête. Et par des hasards absolus, je me suis retrouvée dans les terres australes et antarctiques françaises.

  • Speaker #1

    Mais raconte-nous ça.

  • Speaker #0

    Je rentre du Sénégal, et je ne sais pas ce que je vais faire de ma vie. Je n'ai plus de copains, je n'ai pas d'appart. C'est un peu le coup de mou, comme ça. Et puis, il y a un magazine gratuit d'annonces médicales qu'on reçoit, souvent. Il y a une petite annonce. qui dit, si vous aimez l'aventure et les grands espaces, venez nous retrouver, vous ferez du dentaire, de la radiologie, de la chirurgie. N'hésitez pas à appeler. Je me dis, il faut être complètement sonné pour vouloir faire ça, mais je découpe l'annonce, puis je la laisse dans un coin. Puis au bout d'une semaine, j'y reviens, je dis, allez, j'envoie un CV. Le directeur m'a rappelé une semaine après. Il m'a dit, on a besoin de vous, il nous faut quelqu'un à Amsterdam dans six mois. Mais la nouvelle Amsterdam. Donc j'ai dit, OK, d'accord. Et puis après, je suis allée sur Internet. J'ai tapé Nouvelle Amsterdam et là j'ai vu un grand carré bleu sur Maps avec un petit truc rouge comme ça, j'ai fait bon ça me dit pas où c'est alors je recule, je recule, je recule puis là je vois apparaître l'Australie, l'Afrique j'ai fait mais qu'est-ce que j'ai pas fait

  • Speaker #1

    Mais c'est où alors la Nouvelle Amsterdam ?

  • Speaker #0

    C'est à mi-chemin entre l'Australie et l'Afrique c'est à la limite entre l'océan Indien et l'océan Austral Ça fait partie des terres australes et antarctiques françaises. Je suis allée là-bas, je ne savais même pas dans quoi je mettais les pieds.

  • Speaker #1

    Mais donc tu pars pour combien de temps ? Qu'est-ce que tu fais ?

  • Speaker #0

    Cette fois-là, je pars pour quatre mois. C'est mon premier job après ma thèse. On me demande pendant trois mois de me former avant en chirurgie, en dentaire, en anesthésie, un peu en mode débrouille-toi, tu seras toute seule

  • Speaker #1

    Donc tu fais ?

  • Speaker #0

    Donc je fais.

  • Speaker #1

    Et comment ça se fait ? Comment on fait ces formations-là ? Alors avant, c'était en 2011.

  • Speaker #0

    Ce que je te raconte, à l'époque, on bricolait avec les contacts qu'on avait. Je suis allée dans le cabinet du coin de la campagne, je suis allée chez les copains chirurgiens de la main. Maintenant, c'est cadré avec l'armée. C'est des contrats militaires, en fait. Et l'armée nous embauche en CDD et nous prête au territoire d'État. D'accord. Maintenant, ils nous forment. Avant, c'était un peu...

  • Speaker #1

    Il fallait vraiment avoir envie, quand même.

  • Speaker #0

    pour aller te débrouiller et avoir tout ça je pense que j'étais complètement inconsciente je m'en rends compte maintenant je suis bien contente d'avoir fait 3 fois et 4 fois la formation je me sens plus en confiance à l'époque j'étais un peu gonflée donc je pars, je prends le Marion Dufresne qui est un grand bateau ravitailleur qui part de la Réunion tu voles jusqu'à la Réunion je prends le bateau il faut déjà 5 jours, alors on passe à Crozet donc les gens descendent à Crozet, remontent Après, on passe à Kerguelen. Et puis, au bout de trois semaines, on arrive à la nouvelle Amsterdam. Et puis là, je vois un petit caillou qui fait 55 kilomètres carrés. Et puis, on me pose là, quoi, en fait, avec les autres. Et puis, ben voilà. Qui, les autres ? Les autres, c'est des militaires, des civils. Voilà, c'est tous les gens qui viennent travailler sur le site et qui sont renouvelés, en fait, chaque année.

  • Speaker #1

    Donc, il n'y a que des gens qui travaillent à la nouvelle Amsterdam ?

  • Speaker #0

    Il n'y a aucun autochtone dans tous les terres australes et antarctiques français. Il n'y a que des agents. qui viennent pour travailler. Il n'y a personne qui vit.

  • Speaker #1

    Donc là, tu débarques là.

  • Speaker #0

    Je débarque là. Il y a des otaries partout. Et puis surtout, c'est tout petit. Et puis le bateau repart. Et puis c'est vrai qu'on se demande un peu ce qu'on vient faire là. Mais tout de suite, une ambiance humaine, c'est l'exaltation complète. Tout le monde est fou furieux d'être là. Et puis c'est la nouveauté. Tout est une découverte. On vit dans une colonie d'otaries. Il y a des albatros. c'était un énorme coup de cœur. On était une vingtaine.

  • Speaker #1

    Et là, pendant quatre mois, tu sais que vous n'allez être qu'une vingtaine ? Oui. C'est incroyable quand même.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est ça qui est génial. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça peut mal se passer. D'ailleurs, il y a des choses qui se passent mal. Et puis, il y a des choses qui sont fantastiques sur le plan humain. C'est très riche, en fait. Cette intimité, ce confinement. Alors à l'époque, personne ne savait ce que c'était que le confinement. On n'avait pas encore eu le Covid. Et puis, cette découverte. Je me suis dit, je vais retourner faire mes études. Je vais refaire vétérinaire. Ce n'est pas possible d'être au milieu des manchots, des oiseaux, partir. Donc, tout se fait à pied. la grande colonie d'Albatros, elle est sur la falaise d'Entrecasteaux, qui est une immense falaise, qui est 700 mètres de haut, qui est à l'autre bout de l'île. Elle se mérite, il y a quand même 8 heures de marche, il y a une Via Ferrata, il faut y aller. Donc moi qui avais un vertige monstrueux, je me suis fait violente. C'est incroyable d'être le spectateur de cette richesse naturelle, de ces paysages magnifiques. Moi, je suis tombée amoureuse. Je ne voulais pas partir, en fait. Je ne voulais pas repartir dans le bateau. J'ai dû partir quand même.

  • Speaker #1

    Il y avait autant de femmes que d'hommes ?

  • Speaker #0

    on était quatre femmes pour du coup 18 hommes ce qui était pas mal il y a eu moins il y a pire il y a eu moins et elle faisait quoi les autres femmes ? alors il y avait une autre analyse qui était chimiste elle était trois d'ailleurs elle était vraiment dans la chimie et l'atmosphère elle faisait des prélèvements d'air parce que l'air de la Nouvelle Amsterdam est le plus pur du monde Il sert de référence pour les études de qualité de l'air, de l'évolution de l'air, de la biomasse maritime. Ces trois femmes-là étaient vraiment axées là-dessus. Et puis il y avait d'autres scientifiques qui étaient des hommes, qui étaient plutôt biologie marine, ornithologie, sismique et magnétisme aussi. Puis ensuite il y avait les agents de la réserve naturelle. Il faut savoir que les terres australes et antarctiques, c'est la plus grande réserve naturelle française, avec la plus grande zone maritime aussi. donc il y a forcément des agents qui sont là pour les inventaires des espèces pour le maintien des accès ce genre de choses et comment ça se passe quand on est une femme justement enfin une femme ou un homme d'ailleurs quand on fait ses missions on est vraiment enfermé pendant

  • Speaker #1

    6 mois, tu vas te nidiser 9 mois etc, il y a quoi des histoires d'amour des histoires de cul comment ça gère les relations humaines comme ça enfermée.

  • Speaker #0

    C'est très intense et on ne peut pas y échapper. Donc forcément, sur les terres australes et antarctiques, vraiment, c'était très peu de femmes et beaucoup d'hommes. Moi, la première fois que je suis partie, ça m'est complètement montée à la tête. C'est-à-dire que je suis arrivée, je trouvais que tous les hommes étaient magnifiques. D'ailleurs, je continue de le penser. Et eux, ils trouvaient tous que j'étais magnifique, ce qui ne m'arrive pas d'habitude. Ce qui fait que j'ai un peu perdu la tête de toute cette séduction, de toute cette attention. et puis en plus j'étais en pleine rupture amoureuse j'avais le coeur brisé donc j'ai pas bien su gérer ça on te prépare pas à ça ? non parce qu'en fait souvent c'est des hommes qui t'ont en entretien d'embauche et donc qui te le disent pas moi je sais que j'en ai beaucoup parlé après avec les femmes que je croisais qui y allaient ou sur place mais c'est pas un sujet qu'on évoque beaucoup avant et puis j'ai subi du harcèlement aussi, j'ai subi des violences il y a eu des choses très négatives il y a eu des choses merveilleuses je suis tombée amoureuse follement j'ai vécu des très belles histoires mais ce qui est sûr c'est qu'on n'échappe pas aux autres donc ça on ne peut pas partir, on se confronte à des gens qu'on n'aurait jamais croisés dans la vie de tous les jours et finalement c'est très bien par contre ça apprend quand même à se gérer c'est à dire qu'on peut pas faire n'importe quoi c'est un groupe, c'est vraiment un équilibre fragile et si on se met à briser un coeur là ou à générer une jalousie ici, attention ça peut complètement partir en cacahuète et ça c'est vu, et il n'y a pas d'échappatoire et il n'y a pas d'échappatoire donc je pense que c'est une responsabilité ce que j'ai découvert du coup moi au début j'ai dit les hommes sont vraiment des animaux et puis je suis partie à Kaboul alors on était 12 filles douze filles, on a vu arriver cet incroyable Australien magnifique, taillé comme un viking, qui est pédiatre, qui fait la cuisine d'une gentillesse pas possible, et qui se promenait torse nu tout le temps. Et je me suis rendue compte qu'en fait, la frustration, c'était la même chose. Je crois quand même que les femmes iront moins à l'agression et au harcèlement, mais toujours est-il que... En effet, ce jeune homme charmant, on lui a demandé de se rhabiller quand même, d'arrêter de déambuler à moitié nue, par respect.

  • Speaker #1

    Pour vos petits cœurs de femmes.

  • Speaker #0

    Exact, oui, les cœurs, on va dire ça. On va dire ça.

  • Speaker #1

    Et les gens, ils sont tous en mission ? Ou bien il y en a qui restent vraiment, vivent là-bas ?

  • Speaker #0

    Personne n'a le droit de rester, en fait.

  • Speaker #1

    Ah oui,

  • Speaker #0

    d'accord. Ah oui, on est vraiment embauchés, on y va, on est ressortis, mais il n'y a pas de...

  • Speaker #1

    Personne ne reste.

  • Speaker #0

    On ne peut pas décider de rester, oui.

  • Speaker #1

    Tu serais restée, toi ?

  • Speaker #0

    Alors, je serais restée, j'ai envie de dire, au début, avec les gens avec qui j'étais à ce moment-là. Voilà, pour vraiment vivre l'aventure jusqu'au bout. Notamment, je vais retourner après sur une autre île, mais l'idée, c'est de faire une année complète. ce besoin de voir le cycle de vie complet. Des otaries, des manchots, des oiseaux, revoir revenir la saison. Une fois qu'on a vu tout ça déjà... on a l'impression qu'on peut rentrer.

  • Speaker #1

    Et là, donc, toi, tu as un petit cabinet ? Comment ça se passe ton quotidien,

  • Speaker #0

    entre deux ?

  • Speaker #1

    Non, mais là, quand tu arrives à la nouvelle syndrome...

  • Speaker #0

    Oui, en fait, il y a un hôpital, on appelle ça un hôpital, dans lequel j'habite. Il y a un bloc opératoire, une chambre pour le patient, il y a de quoi faire soi-même un petit peu d'analyse sanguine, biologie, il y a un cabinet de dentaire, il y a de quoi faire des radios. voilà et le truc c'est qu'on est quand même tout seul avec que deux mains donc la première étape c'est de former les autres personnes à t'aider d'accord voilà à t'aider au bloc opératoire à t'aider pour faire les prises de sang les radios mais donc tu choisis t'es le soir au dîner c'est sur volontariat parce que ceux qui aiment pas le sang ceux qui aiment pas le sang et tout tu vas pas les on fait des malaises c'est pas le but du jeu c'est sur le volontariat mais moi au fur et à mesure des missions j'ai quand même eu trois chirurgies à faire et tu fais ta chirurgie avec l'ornitho, le gendarme, le cuisinier, l'informaticien. J'ai un souvenir, on a mis du Georges Brassens, puis à la fin, on a chanté les copains d'abord. Super ambiance. Eux, ils t'emmènent attraper des manchots et des otaries, ou alors ils t'emmènent gérer l'approvisionnement d'eau. Donc en fait, chacun...

  • Speaker #1

    Oui, chacun échange son savoir.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est une chance incroyable, parce qu'ils sont 22, j'ai pas du travail. par-dessus la tête non plus. Donc, j'ai le temps de faire autre chose.

  • Speaker #1

    Tu es surtout là pour des urgences, en fait.

  • Speaker #0

    Il y a les petites bobologies du quotidien. Et puis, l'hivernage, psychologiquement, c'est quand même un concept. Ce n'est pas facile tous les jours. donc il y a quand même ce petit suivi au quotidien t'es un peu psy aussi alors ? sachant que comme tu fais partie du groupe c'est un peu compliqué d'être psy et de faire partie de... C'est un genre de psy.

  • Speaker #1

    Oui, on est ravis de pousser ta porte pour un peu se confier.

  • Speaker #0

    Oui, selon les affinités. Il y en a qui n'ont pas envie de me parler. Mais oui, ça peut être... En fait, parfois, tu les vois dans le bureau. Parfois, tu les vois dans la salle de café.

  • Speaker #1

    Et donc, pendant quatre mois, tu ne bouges pas. Il n'y a rien autour de toi, de toute façon.

  • Speaker #0

    Alors, surtout la Nouvelle-Amsterdam. Tu as encore Kerguelen, Crozet. Il y a du passage de bateaux de pêche ou de bateaux militaires. Nouvelle-Amsterdam, c'est vraiment le caillou où personne ne passe à part un bateau de pêche de langoustes qui s'appelle l'Austral. mais qui n'est pas là toute l'année. Donc effectivement, il ne se passe rien.

  • Speaker #1

    Et comment on t'est nourri alors ?

  • Speaker #0

    Le bateau, donc le Marion Dufresne ravitaille tous les quatre mois. Donc tu as à manger, tu as du frais pendant à peu près trois semaines, parce qu'il y a déjà eu trois semaines de bateau avant. et puis ensuite, tu travailles sur des conserves et du surgelé, des choses comme ça. Avant, il y avait des potagers. Je ne sais pas où ça en est à la Nouvelle-Amsterdam, mais dans la logique de la réserve, on les a arrêtés pour éviter la transmission de maladies et revenir à des végétations vraiment locales, initiales. D'accord, initiales. C'est ça.

  • Speaker #1

    Et si tu as un problème quand tu es là-bas, il se passe quoi ?

  • Speaker #0

    Si tu as de la chance, il y a un bateau pas très loin qui peut t'emmener. Sinon, il faut faire descendre un bateau de la Réunion, ce qui met au moins cinq à six jours.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas d'avion, tu n'es pas à côté.

  • Speaker #0

    Tu n'auras pas d'avion, tu es trop loin de la Réunion. Et il n'y a pas de piste. C'est un caillou volcanique, donc tu ne peux pas faire atterrir. Non, ça, ça ne marche pas.

  • Speaker #1

    On te fait des tests, d'ailleurs, pour savoir si tu es en bonne santé avant d'y aller.

  • Speaker #0

    Oui, tout le monde passe. Pour les hivernants, c'est un peu plus lourd. Les hivernants, c'est ceux qui font toute l'année. Il y a ce qu'on appelle les campagnards d'été, qui, eux, ne font que la saison d'été, la campagne d'été. Et tout le monde passe des examens médicaux plus ou moins poussés en fonction de la durée de séjour. Et des examens psychologiques. pour les hivernains aussi.

  • Speaker #1

    Oui, ce qui semble logique quand même. Parce que tu... En même temps,

  • Speaker #0

    si tu emmènes un psychopathe, ça ne fait pas bon ménage.

  • Speaker #1

    C'est le loft dans la nature.

  • Speaker #0

    Mais les psychopathes sont très bons aux examens psy. Ils sont meilleurs. Ça ne marche pas, ça.

  • Speaker #1

    Et donc, tu rentres, donc quand même transformée, j'imagine.

  • Speaker #0

    Le premier retour a été très, très, très difficile.

  • Speaker #1

    Ça se passe comment ?

  • Speaker #0

    On est arrivés à la réunion avec le bateau. Je me rappelle, les copains m'ont emmenée dans un grand supermarché parce qu'ils voulaient faire des courses pour renvoyer du chocolat et des bonbons à ceux qui étaient restés là-bas. et moi j'ai fait une crise d'angoisse dans ce magasin c'était trop et puis bien sûr j'ai voulu revenir absolument faire un hiver complet et à mon passage avec le bateau Crozet était l'île qui m'avait le plus accrochée donc quand je suis arrivée à Paris en avion je suis allée directe chez mon directeur médical Je me rappelle, j'avais 42 fièvres, j'étais en âge. Et en plein mois de décembre, j'étais en t-shirt, fatiguée, mais je lui ai dit, je veux repartir.

  • Speaker #1

    Et quand tu dis directeur médical, c'est qui alors ?

  • Speaker #0

    À l'époque, c'était le docteur Claude Bachelard, qui est responsable du service médical des terres australes.

  • Speaker #1

    Des terres australes. Voilà,

  • Speaker #0

    et c'est lui qui faisait l'embauche. Donc il m'a dit, pas de problème, tu veux aller où ? Donc j'ai dit, je veux aller à Crozet. Et comme ça, neuf mois plus tard, j'étais repartie sur le Marion Dufresne. Mais cette fois-ci, pour faire une année complète.

  • Speaker #1

    D'accord, tu étais repartie. Et pendant ces neuf mois, qu'est-ce que tu as fait alors ?

  • Speaker #0

    Entre les deux ? J'ai refait ma formation, du coup, là, de trois mois, ce qui ne faisait pas de mal. Et c'est une année où j'ai beaucoup voyagé avec mes amis. Je suis partie dans les Highlands, en Écosse, qui m'ont tellement rappelé Amsterdam que du coup, j'adore l'Écosse. Et je me rappelle, c'est l'année aussi où je suis partie en Mongolie avec des copines. Et puis, comme j'avais le temps, elles, elles sont rentrées en avion. Puis moi, je suis rentrée avec le transsibérien. et à peu près en train et en bus jusqu'à Lyon. À l'époque, j'étais à Lyon. J'ai pris le temps de voyager pas mal pour repartir pendant un an.

  • Speaker #1

    Mais qu'est-ce qu'on met dans sa valise quand on part un an sur un caillou comme ça ?

  • Speaker #0

    On met plein de choses qu'on n'utilise pas. Je ne suis pas la seule qui pourra te le dire. J'ai emmené un harmonica, une méthode d'italien, de l'aquarelle. Je n'ai pas ouvert ma cantine et j'ai fait plein d'autres choses que je n'avais pas prévu de faire. Dans ma valise, du coup, les vêtements, oui, les photos des copains. de la famille, ça, pour tapisser un peu les murs, etc. Finalement, en termes de gourmandise ou de choses qui peuvent manquer, moi, j'ai pas trop souffert en grossissant là-bas. Plutôt qu'autre chose.

  • Speaker #1

    C'est vrai ? Ouais.

  • Speaker #0

    Bah, ça va faire que manger pour se réconforter. Tu bois un peu ? Oui. Maintenant, l'alcool est régulé.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et en plus, il est pas très bon. Du coup, ça facilite un peu les choses. Mais ouais. Donc, dans la valise, il faut au final... tout ce que j'ai emmené, je ne l'ai pas utilisé.

  • Speaker #1

    Et donc là, tu es restée un an. Et c'est quoi la différence entre Crozet et la Nouvelle-Amsterdam ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la même météo. Et Amsterdam est plus haut en termes de latitude. Donc, tu es vraiment sur un climat plus proche de la Bretagne. On va dire en pire, c'est ce qu'on dit d'habitude. Mais où tu peux avoir du gros soleil, vraiment qui tape en rando et compagnie. Comme des jours de pluie avec des tempêtes, pas possible. Mais on est sur une végétation qui n'est pas la même. Crozet, c'est... 300 jours de pluie par an, 200 jours de vent au-delà de 80 km heure.

  • Speaker #1

    Tu m'endurais, toi.

  • Speaker #0

    Moi, j'adore. Quand il n'y a pas de vent, j'ai l'impression que la terre s'est arrêtée.

  • Speaker #1

    Tu aimes quand c'est rude quand même.

  • Speaker #0

    Il faut croire. Je suis allée au Marquis, mais quoi que c'est rude pour la Polynésie, donc il y a peut-être un truc. Crozet est beaucoup plus humide. La météo est plus tourmentée. C'est vraiment des roches très escarpées. Et puis, Crozet fait six fois plus. Six fois plus grand quand même.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de voiture non plus ? Vous faites tout à pied ?

  • Speaker #0

    À l'époque, il y avait un pick-up sur la base. Qui d'ailleurs, a priori, était pour moi. Mais comme j'étais une nanane... bizarrement j'ai jamais eu le rôle de conduire de l'année il y a toujours quelqu'un pour le conduire pour moi mais vous pouvez vous balader un peu sur l'île avec ce... c'est absolument pas praticable sur Crozet il y a une route qui fait 400 mètres qui descend de la base à la baie du marin où tu as la grande colonie de Manchot-Royaux où les chercheurs travaillent mais à part ça les chercheurs ils descendent à pied, c'est pas eux qui ont la voiture et tout le reste de l'île ça ne se fait qu'à pied et c'est pas un GR des fois il y a tellement de tourbes pour protéger la végétation on marche avec des raquettes dans la rivière, dans la mousse il y a des pierriers de pierres volcaniques c'est pas de la rando simple, mais c'est moi qui marchais pas, j'ai appris à marcher là-bas pareil,

  • Speaker #1

    c'est devenu une passion et vous étiez combien là pendant une année ?

  • Speaker #0

    alors Crozet, on était 35 l'été, et puis on est tombé à 21 au plus bas de l'hiver

  • Speaker #1

    C'est dingue.

  • Speaker #0

    Un peu le même topo.

  • Speaker #1

    Il y a un cuisinier ou c'est vous qui faites la cuisine ?

  • Speaker #0

    Il y a deux cuisiniers qui ont le poste, je pense, le plus difficile de toute la base. Surtout chez les Français. Il n'y a quand même pas plus exigeant que les Français en gastronomie. Souvent, c'est des cuisiniers de la Réunion. Parce qu'ils embauchent pas mal de civils réunionnais. Moi, j'ai découvert le rougail saucisse, le boucané. J'adore, c'est super bon. et puis de temps en temps on essaye de faire la cuisine un peu pour leur donner des jours off ou parce que ça fait plaisir oui c'est agréable en plus c'est ça voilà mais puis en dehors de la base tu peux partir à pied pour accompagner certaines missions scientifiques ou de la réserve et là tu dors dans des petites cabanes assez rustiques et là tu fais la cuisine

  • Speaker #1

    C'est extraordinaire quand même. C'est une vie extraordinaire, complètement coupée du monde.

  • Speaker #0

    Oui, alors maintenant, il y a de plus en plus d'Internet, donc bien sûr, ça change. Mais à l'époque, le téléphone était à 1 euro la minute. Et il y avait trois postes informatiques avec Internet pour juste aller sur ta boîte mail, etc. Donc c'est vrai que tu mettais ton téléphone dans un tiroir pendant un an. C'est dur d'être coupée de la famille et des proches, mais c'est bien d'être coupée aussi des fois de la frénésie du monde.

  • Speaker #1

    Vous aviez les infos ? Vous regardiez les infos ?

  • Speaker #0

    Non, on avait chaque semaine un petit format à quatre des dépêches de l'AFP. Choisis. Choisissez. Donc,

  • Speaker #1

    il pouvait se passer des trucs dans le monde. En fait, vous étiez vraiment à part.

  • Speaker #0

    Oui, mais il y a des sujets qui génèrent des sacrés remous. Moi, j'étais en 2013 sur tout le moment où on a voté la loi du mariage pour tous. je ne te raconte pas à table tout le monde n'était pas d'accord et quand tu vis tout le temps les uns sur les autres ça a créé des sacrées tensions et puis il y a une année où j'étais en Antarctique sur les tout débuts du Covid une année arrivée en Antarctique le jour de l'attentat du Pataclan donc si les choses arrivent et puis en plus en étant loin on n'est pas de la même façon et ta famille peut t'appeler si jamais il se passe quelque chose oui et par contre s'il se passe quelque chose c'est là-bas de toute façon tu peux pas rentrer ça se discute ça se discute ouais ça se discute mais on affrètera pas un bateau pour que tu puisses rentrer à l'enterrement de la grand-mère ou quelque chose comme ça non ça c'est pas possible mais il y a des gens qui peuvent choisir d'abréger leur mission parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas à la maison ou quoi le poste de médecin c'est compliqué, on ne te laisse pas partir si tu n'as pas un remplaçant et si toi tu tombes malade ? c'est arrivé à une collègue qui s'est blessée elle a été ramenée avec un bateau de pêche en fait à Kerguelen il y a deux médecins il y a un interne et puis un médecin donc ils sont allés chercher l'interne ils l'ont déposée à Crozet puis ils ont ramené la collègue c'est pas organisé quoi oui mais c'est des moyens qui sont coûteux Détourner un bateau, affréter un bateau, c'est quand même des choses très très coûteuses. Donc ça se fait pas comme ça.

  • Speaker #1

    Comment on dit au revoir d'une année comme ça ?

  • Speaker #0

    Comment j'ai... C'était il y a tellement longtemps, tiens, puis maintenant je pars tout le temps, alors c'est devenu un peu routinier. J'ai horreur de dire au revoir, j'ai horreur de voir ma mère pleurer à chaque fois. J'ai tendance à pas dire au revoir, en fait. Tu pars quoi ? Je vois tout le monde, on fait un resto, une bouffe, et puis je dis à la prochaine, mais il n'y a pas de... Non, il n'y a pas d'endroit officiel.

  • Speaker #1

    Et alors, tu termines une année là-bas. Tu rentres à Paris.

  • Speaker #0

    Oui. Après, j'ai passé six mois à me demander ce que j'allais faire comme travail parce que rien ne serait jamais à la hauteur. C'est un peu compliqué.

  • Speaker #1

    Mais tu ne te dis pas que tu vas ouvrir un cabinet de ville ?

  • Speaker #0

    Jamais.

  • Speaker #1

    Jamais. Tu sais qu'il faut que tu partes ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que j'adore aller découvrir. Il y a un truc dans la découverte, aller ailleurs. Et puis encore, les terres australes, c'est que des Français. Donc, il n'y a même pas la dimension culturelle que j'avais au Sénégal. Mais moi, je m'en lasse pas, quoi. Et puis, j'ai parlé avec des médecins qui ont fait la Guyane, les Nouvelles-Calédonies, le Vanoua et tout. On a l'impression qu'il y a un terrain de jeu. c'est pas possible donc il y a des tas de choses à faire et puis j'avais cette idée d'humanitaire alors qu'est-ce que tu fais après ? je postule chez Médecins Sans Frontières rien ne t'arrête ?

  • Speaker #1

    dans la logique des choses et comment ça se passe quand on postule chez Médecins Sans Frontières ? tu peux choisir tes pays, tes missions ?

  • Speaker #0

    c'est-à-dire qu'une fois que tu as passé le processus de recrutement et qu'ils ont dit que tu pouvais y aller donc ça aussi j'imagine que tu es assez forte psychologiquement et que tu peux J'ai eu un entretien de deux heures, en fait. Mais vu mon CV, ils m'ont dit que j'étais plus que prête. En gros, je pense qu'ils étaient rassurés. Il y avait eu le Sénégal toute seule. Il y avait eu ensuite les Terres Australes. Et il y a énormément de gens qui font les deux. L'humanitaire et les Terres Australes, c'est vraiment le même type de profil. Donc, ça n'a pas été très compliqué, l'embauche. Et après, effectivement, ils te proposent des missions et tu n'es pas forcé d'accepter. Tu as le droit de dire, ce pays-là, je ne le sens pas, etc.

  • Speaker #1

    alors qu'est-ce qu'il te propose ?

  • Speaker #0

    il me propose un poste à Bangui qui est la capitale de la Centrafrique pour chapeauter une petite équipe d'une dizaine de soignants qui font de la consultation mobile c'est à dire qu'on a un endroit dans un dispensaire mais on amène tout le matériel tous les jours et on ramène tout l'après-midi on reste jamais sur place ça s'appelle PK5 c'est le quartier musulman dans Bangui et en fait les gens de ce quartier s'ils sortent du quartier, mais il n'y a pas de mur il y a juste une rue s'ils traversent la rue, ils se font tuer. En fait, la tension entre les ethnies, qui est un peu autour de chrétiens, musulmans, mais c'est plus compliqué que ça, est si forte que les gens ne peuvent plus quitter le quartier, ils ne peuvent pas aller à l'hôpital. Et nous, notre job, c'est de soigner surtout les petits, les enfants. Donc on y va, on est une...

  • Speaker #1

    Mais vous ne pouvez pas rester vivre dans le quartier ?

  • Speaker #0

    C'est trop dangereux. Ah ouais ? C'est trop dangereux, donc tous les soirs, on est ramenés à l'extérieur.

  • Speaker #1

    Mais par contre, vous êtes bienvenus, ils vous attendent quand même, eux, dans le quartier, ils ont besoin de vous ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que quand on ouvre les portes... Alors si c'est trop dangereux, s'il y a eu une attaque la veille ou quelque chose, on arrive... C'est le quartier du marché, donc c'est très vivant, en fait. Et c'est arrivé des journées où il n'y avait personne, il n'y avait pas un chat. Donc là, on sait qu'on ne verra personne, et surtout, ça veut dire que ça craint qu'il s'est passé quelque chose. Et puis les jours où ça va, on a 200 personnes minimum. qui débarquent. 200 mamans avec les bébés.

  • Speaker #1

    Ils sont contents de te

  • Speaker #0

    Oui, alors après, ce n'est pas parce que c'est MSF que tout le monde est content. Je me suis grondée par des mamans qui trouvaient que je ne donnais pas assez d'antibiotiques optiques. J'en ai eu une, elle m'a dit, c'est parce que je suis musulmane, mais elle, elle est catholique, donc tu lui donnes des antibiotiques.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    on se fait malmener aussi. C'est des gens qui sont inquiets pour leur santé, en fait. Et ce n'est pas parce que c'est gratuit qu'ils sont... Bien sûr. Voilà, ils ont le droit.

  • Speaker #1

    C'est l'armée qui te protège quand tu vas dans le quartier le matin ?

  • Speaker #0

    Médecins sans frontières se protègent lui-même, ils essayent de ne pas justement être associés à l'armée pour éviter de devenir une cible. Donc il y a une espèce de devoir de neutralité, ce qui fait qu'on assure notre sécurité tout seul. Donc il faut avoir confiance dans la personne qui est responsable. Ou dans ton supérieur.

  • Speaker #1

    Il y a une histoire humaine quand même, une force humaine. Et là, les mamans que tu rencontres, ce que tu dis sur tous les mamans, elles parlent français ?

  • Speaker #0

    Souvent, oui. Après, dans l'équipe de... En fait, moi, je soignais, mais pas tellement parce que je ne parlais pas le sango. Donc, je l'ai appris au fur et à mesure. À la fin, je pouvais faire une consulte à peu près, mais pas aussi bonne que si c'était mieux maîtrisé. Par contre, les infirmiers et une médecin avec qui je travaillais, eux, étaient centrafricains. Donc voilà, finalement, c'était plus une histoire d'intervenir si la situation était compliquée, de former les gens à la consultation. C'était de la supervision. et de la consulter.

  • Speaker #1

    Donc là, tu es vraiment allée à l'encontre de l'humain. Parce que tu disais, terre australe, c'était vraiment la grande nature et finalement, les Français. Mais là, tu es vraiment dans l'humain 100%. Oui,

  • Speaker #0

    c'est la culture et puis c'est un conflit. Une zone de conflit, je n'étais jamais arrivée. Je n'avais jamais vécu ça. Ce n'est pas les belles vacances au fin fond du pays où tu vas rencontrer les gens dans les villages. Là, c'est, il y a des militaires qui tournent, il y a des armes, tu entends des balles. C'est un univers extrêmement hostile. Et puis, c'est la première fois que je me suis sentie autant enfermée, puisqu'on n'a pas le droit de quitter la maison, ou très peu.

  • Speaker #1

    Parce que le soir, on va te déposer, tu vis avec des copains, vous vivez entre vous, tu vis comment ?

  • Speaker #0

    Le soir, c'est une maison d'expatriés. C'est-à-dire que tous les gens de la mission vivent dans une maison ensemble. Mais tu as un couvre-feu. Si tu veux aller boire un verre chez Action contre la faim ou autre, il faut que tu demandes l'autorisation au chef de la mission. C'est extrêmement contraint. ce que je comprends. On n'a pas le droit de lier amitié avec des gens du pays. Si on est invité à un mariage, on n'a pas le droit d'y aller. L'idée, c'est de rester neutre. Il y a des tas d'ethnies, il y a des tensions, il y a des enjeux, donc il faut rester neutre. Mais alors là, d'être dans un pays comme ça, et de ne pas pouvoir le découvrir, c'est une drôle de sensation.

  • Speaker #1

    Tu restes combien de temps là-bas ?

  • Speaker #0

    Six mois.

  • Speaker #1

    et tu tiens 6 mois ?

  • Speaker #0

    oui c'était vraiment un vrai plaisir en plus avec le Sénégal j'avais l'expérience du palu au niveau médical j'étais assez à l'aise et j'ai vraiment pu profiter et amener quelque chose c'est pas moi qui ai tout appris pendant 6 mois j'ai pu un peu construire...

  • Speaker #1

    Des échanges, quoi. Et t'avais des jours off ? Tu pouvais faire quelque chose ou t'étais dans la maison les jours off ?

  • Speaker #0

    Le soir et les jours off, t'es surtout dans la maison. De temps en temps, on avait le droit d'aller à la piscine, mais on se retrouve en fait dans des endroits d'expats. C'est ça qui m'a un peu gênée. C'est une capitale et on se retrouve dans les mêmes hôtels, aux mêmes piscines, les soirées avec d'autres ONG et il y a un côté un peu indécent à tout ça. Donc ça ne m'a pas trop convenu. Je sais que quand j'ai repostulé chez eux, je leur ai dit si je pouvais ne pas partir en capitale, J'avais entendu te parler de missions plus en rural.

  • Speaker #1

    C'est plus facile de se mélanger quand tu es hors des villes.

  • Speaker #0

    En tout cas, de ne pas avoir l'impression de flamber son argent quand le reste du pays est à l'agonie ou affamé. C'est ce décalage-là qui me gênait. Oui,

  • Speaker #1

    être plus d'égal à égal, de partager plus la vie des gens.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et ces missions, elles durent tout le temps six mois ou c'est à un moment, tu dis j'ai envie de rentrer ?

  • Speaker #0

    Tu choisis. Non, tu donnes ta durée avant. tu as une égoïsme qui t'a duré avant après ça dépend de ce dont ils ont besoin mais en médecine générale ils ont surtout besoin de gens qui restent longtemps l'idée c'est de construire toi tu pars et il y a un autre médecin qui te remplace voilà mais si tu fais plus court ça devient du tourisme médical mais ça dépend mais par exemple un chirurgien qui part là-bas lui il va opérer donc s'il part un mois il va opérer tous les jours tu peux comprendre qu'au bout d'un mois il soit fatigué un anesthésiste pareil le médecin généraliste souvent il a un poste de chef d'équipe donc il faut construire quelque chose si tu viens un mois,

  • Speaker #1

    tu n'as pas le temps d'avoir compris la situation tu es déjà reparti et créer des liens avec tout le monde pour travailler ensemble les gens qui travaillent avec toi,

  • Speaker #0

    ils ont besoin d'un peu de continuité

  • Speaker #1

    sinon ils perdent la tête et t'arrives à partir au bout de 6 mois ? c'est pas dur de quitter ces gens justement ?

  • Speaker #0

    c'est dur et pas dur mais la restriction de liberté était extrêmement pesante donc ça fait du bien de partir t'es contente ? je suis ravie j'ai envie de recommencer mais je suis aussi ravie de marcher dans la rue d'une ville sans me demander s'il va m'arriver quelque chose et de pouvoir aller faire une rando d'être libre et de ne pas guetter les balles qui sifflent et

  • Speaker #1

    qu'est-ce que tu fais après ça ?

  • Speaker #0

    j'ai fait ma première mission Antarctique

  • Speaker #1

    Et tu postules auprès de qui pour une mission en Antarctique ?

  • Speaker #0

    Alors l'Antarctique, la Terre Adélie a beau faire partie des terres australes et antarctiques françaises, mais avec un statut un peu à part, c'est l'Institut polaire français qui gère en majorité le recrutement des personnes sur la Terre Adélie.

  • Speaker #1

    Donc Terre Adélie, que j'ai bossé mon entourage.

  • Speaker #0

    Ah bah ouais.

  • Speaker #1

    C'est une partie de l'Antarctique, c'est ça ?

  • Speaker #0

    C'est une part du fromage.

  • Speaker #1

    C'est une part du fromage. Tu envoies l'Antarctique comme un fromage.

  • Speaker #0

    C'est la part française du fromage. Ok, voilà. Et donc j'ai postulé pour ce qu'on appelle le RED, qui est un ravitaillement logistique qui part de la côte de la Terre Adélie, juste à côté de la station du Mont-Durville, et qui parcourt 1 200 km, donc c'est terrestre, c'est des tracteurs avec des conteneurs sur ski, c'est une caravane, et qui va jusqu'à la station Concordia, qui est à 1 200 km à peu près, sur un plateau qui est à 3 000 m d'altitude. et ce qu'on voit de ravitaillement a besoin d'un médecin extraordinaire et donc à Crozet quand j'en ai parlé on m'a dit non t'auras pas le poste c'est très demandé ces postes là ? c'est ce qu'on m'a dit, bon bah j'ai eu le poste

  • Speaker #1

    comme quoi il ne faut vraiment jamais faire ça et tu as eu le poste pour une mission ? pour un ravitaillement ?

  • Speaker #0

    oui j'ai fait un et demi c'est à dire que j'ai fait l'ouverture de la saison parce que la station de Cap Prud'homme qui est en face de Dumont-Durville ne sert qu'à ça il y a de la science aussi mais elle ne vit que l'été donc elle s'ouvre fin octobre tout se met en place moi je suis arrivée avec les premiers arrivants et cette année là on a fait un mini raid c'est à dire qu'on a fait que la moitié pour aller à mi-chemin damer une piste d'avion et mettre du kérosène, qui sert de piste de secours pour les avions qui transitent entre Concordia et Cap-Prud'homme. Donc ça m'a permis de me mettre en jambes. On n'était pas très nombreux, on n'a fait que la moitié. Et là,

  • Speaker #1

    tu es dans un tracteur toute la journée ?

  • Speaker #0

    Donc là, tu es dans un tracteur toute la journée. Le contrat, c'est médecin, cuisinier, chauffeur. donc parce qu'avant il ne m'était pas cuisinier il y avait des médecins qui ne voulaient pas le faire il faut bien préciser voilà sinon et donc tu conduis le tracteur s'il y a de la médecine à faire tu fais ça veut dire qu'il faut que tu gères tes médicaments ton matériel ça c'est toi toute seule il faut que tu aies pris tout dans ton sac à dos ah oui tu as carrément une armoire tu as beaucoup de matériel et puis aussi tu fais l'intendance donc tu gères l'eau potable est-ce qu'on en a amené assez et tu prépares les repas tous les jours qui sont des repas préparés déjà.

  • Speaker #1

    Tu ne te mets pas à faire un petit rôti de veau ?

  • Speaker #0

    Non, tu n'as pas le temps. Sauf s'il y a une panne.

  • Speaker #1

    Il y a combien de personnes avec toi dans ce convoi ?

  • Speaker #0

    Sur un convoi classique, on va dire entre 8 et 12 personnes. On ne roule pas vite, c'est des tracteurs. Il faut monter à 3000 mètres. L'aller va prendre grosso modo une dizaine de jours. Et puis le retour, plutôt 8.

  • Speaker #1

    Et tu dors où ?

  • Speaker #0

    il y a ce qu'on appelle deux caravanes, la caravane vie, la caravane énergie. Dans cette caravane vie, tu as la salle à manger et cuisine, et puis des chambres. Dans l'autre caravane, tu as la salle de bain, les toilettes et de quoi faire la vaisselle. Et puis le générateur qui nous permet d'avoir toute l'énergie nécessaire. Donc tu es vraiment itinérant. des nomades de l'Antarctique c'est ça du coup c'est encore plus confiné Amsterdam à côté c'est de la rigolade les uns sur les autres il y avait d'autres femmes ? j'en ai fait il n'y avait pas de femmes à part moi et puis j'en ai fait on était trois et j'ai eu une amie, Elisa, qui est sociologue et anthropologue, avec qui j'ai fait deux fois le raid aussi.

  • Speaker #1

    T'as aimé ce raid ?

  • Speaker #0

    Moi, ça a été pareil, un grand coup de foudre. Mais ce qui est drôle, parce que mon premier raid, le vrai raid complet, a été un des pires en termes de panne et de galère absolue. C'était un cauchemar, apparemment. J'ai trouvé ça génial. Du coup, quand j'ai fait le deuxième et que ça s'est bien passé, je n'ai pas compris, en fait. Je pensais que ça se passait toujours mal, comme le premier. Mais oui, c'est magnifique. C'est absolument magnifique.

  • Speaker #1

    C'est tout blanc.

  • Speaker #0

    tu vois que c'est blanc ? il y a des jours c'est gris puis tu vois du bleu s'il y a le ciel mais c'est plat en fait l'Antarctique ça monte très haut il y a beaucoup de reliefs mais pas dans l'Antarctique Est donc tu montes doucement sans presque t'en rendre compte et le seul relief que tu as c'est les vagues qui sont sculptées par le vent qui est toujours dans le même sens c'est vrai qu'ils les astrugies c'est des choses très belles on dirait des dauphins des vagues tu vois tout ce que tu veux à perdre de vue. Certaines personnes trouvent ça très angoissant. Moi, ça m'apaise beaucoup.

  • Speaker #1

    Tu écoutes de la musique, tu lis des livres dans ces voyages-là ?

  • Speaker #0

    Oui, tu écoutes des podcasts, tu écoutes des livres, des musiques. Plus ça va, moins j'écoute. C'est vrai ? Avant, j'écoutais beaucoup, beaucoup de choses. Et puis, plus ça va, plus j'ai des grandes phases où je laisse dans le silence. Ouais, soit je réfléchis, soit je réfléchis pas d'ailleurs et ça fait du bien aussi de pas être toujours sollicité par quelque chose en sonore Parce que t'es toute seule dans ton Dans le tracteur t'es tout seule d'ailleurs ça étonne souvent les gens mais en fait personne ne veut partager son tracteur le tracteur de toute ta mission en Antarctique est ton seul espace d'intimité D'accord C'est le seul endroit où tu peux te mettre le doigt dans le nez ou pas réfléchir à s'il faut que tu rentres ton ventre ou je ne sais quoi, c'est vraiment le seul moment où t'as presque la paix et ça fait du bien et les gens sont les gens n'ont pas envie d'avoir quelqu'un sur le stétabule à côté,

  • Speaker #1

    ouais c'est vraiment ça et ça tu fais ça combien de fois ?

  • Speaker #0

    ben là tu vois je suis revenue il y a 15 jours de ma cinquième mission là-bas et je pensais que ce serait la dernière cette année je suis allée pour dire au revoir et puis au bout d'une semaine j'ai dit non pas du tout, jamais de la vie je refais et pourtant c'est violent pour y aller, moi j'ai beaucoup de mal avec le bateau donc cette année le bateau qui y va c'est l'Astrolabe c'est un bateau, alors avant il y avait l'ancienne Astrolabe qui était encore pire maintenant il y a le nouvel Astrolabe c'est la marine nationale qui est dessus alors moi j'ai un mal des transports terrible il bouge tu pars d'où alors toi ? tu pars de Hobart en Tasmanie et si tu as la chance d'y aller en avion tu pars de Hobart en Tasmanie ou de Nouvelle-Zélande Christchurch et là le bateau c'est combien de temps ?

  • Speaker #1

    c'est 5 jours mais 5 jours d'enfer

  • Speaker #0

    Non, ça dépend. Il y a des fois, c'est bien quand même. Mais là, cette année, l'aller, ça a été l'horreur.

  • Speaker #1

    Mais c'est quoi l'horreur ?

  • Speaker #0

    Moi, il y avait six mètres de creux pendant trois jours et demi. J'ai fini sous perfusion. Ah oui ? Donc,

  • Speaker #1

    il y a un autre médecin dans le bateau,

  • Speaker #0

    à priori ? Oui, il y a le médecin militaire. Il y a un infirmier aussi. Il y a le pauvre infirmier. Il m'a posé le garrot pour me mettre la perf. Il est allé vomir. Il est revenu pour me mettre la perf.

  • Speaker #1

    Et pourquoi ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on te met ? On me met de l'eau, du sel, du sucre.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Parce que tu vomis trop ?

  • Speaker #0

    Parce que ça fait trois jours que je n'ai pas dormi, que je n'ai pas réussi à garder ce que je... J'avais des hallucinations, ce n'était pas clair.

  • Speaker #1

    À cause d'un énorme mal de mer.

  • Speaker #0

    Mais c'est le pire que j'ai eu. Les autres fois, je suis juste à chaise pendant deux, trois jours. Et même des moments, je suis bien. Je suis sur le pont et tout.

  • Speaker #1

    Mais tout le monde est pareil, non ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y a pas de justice dans le mal des transports.

  • Speaker #1

    Mais quand tu as trois jours à s'y mettre...

  • Speaker #0

    Je sais qu'il y avait cinq marins qui étaient à chaise, au fond des Madès, sur un équipage de 35. Je pense que c'était quand même la mer un peu pénible.

  • Speaker #1

    D'accord. Et on te prévient avant de monter ? C'est comme dans l'avion, quand on dit qu'il va y avoir des turbulences ?

  • Speaker #0

    Oui, mais ça, je pense que c'est contre-productif. D'ailleurs, j'ai passé toute la matinée à les engueuler en disant Arrêtez de dire que ça va être l'horreur parce que vous êtes en train de faire bon. Ça n'a pas loupé. Oui, il y a des fois, il ne vaut mieux pas savoir.

  • Speaker #1

    Et donc, tu sais que tu vas le refaire dans l'autre sens.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu n'as pas le choix. t'es coincée et comment tu fais pour prendre l'avion alors pourquoi il y en a qui prennent l'avion en fait si t'as la chance de faire vraiment l'ouverture de saison ils ouvrent en avion parce que le bateau peut pas encore accéder la banquise est trop présente donc là c'est génial moi j'ai aussi le mal des transports en avion mais je vomis que 8h ben voilà j'arrive pas à percuter au coup ça te mal tes transports et tu continues de parcourir le monde moi je suis en carton mais ça m'agace de me dire que ça peut me limiter tu t'es jamais limitée en fait non ma limite en humanitaire c'est les bombardements c'est le seul truc où ma limite c'était ça t'as pas beaucoup de limites quoi et t'as fait quoi comme autre voyage incroyable à part ces raids alors et l'autre endroit où j'ai adoré travailler c'est les Marquises en Polynésie merci maman elle nous emmène aux Marquises, j'avais 17 ans et on arrive sur l'île de Nukuiva qui est l'île principale de l'archipel des Marquises les Marquises c'est la Polynésie française mais c'est vraiment en plein milieu du Pacifique et c'est l'île habitée la plus isolée des autres habitants du monde c'est vraiment un endroit encore un peu perdu. Il y a quatre heures de vol depuis Tahiti. Et donc, on est arrivé à Nuku Iva. Moi, j'ai 17 ans. Je ne sais même pas si je veux faire médecine. Ce n'est pas très clair. J'ai un espèce de flash. Ah oui, je vais revenir travailler ici.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi,

  • Speaker #0

    mais je vais revenir vivre ici. Il y a un truc. Mais ce n'est même pas que j'ai adoré. Je savais que je reviendrais. Je ne sais pas pourquoi.

  • Speaker #1

    Tu as senti quelque chose sur cette île ?

  • Speaker #0

    Voilà. Et c'est marrant parce que j'ai senti un effet très négatif sur une autre île. Les Polynésiens appellent ça le mana. ils te disent c'est normal, c'est sensible ou pas au mana, à l'énergie qui se dégage de tel ou tel endroit c'est l'île de Jacques Brel et Paul Gauguin donc voilà moi je suis retournée bosser à Nuku'iva 17 ans plus tard et pareil, ça a été un vrai bonheur ce qui fait que je suis retournée aux marquises Nuku'iva changeait beaucoup, s'urbanisait beaucoup, j'avais plutôt envie de faire quelque chose de plus rural, donc j'ai demandé à aller à Wapo, qui est une plus petite île en face, ça n'a pas été facile en termes humains

  • Speaker #1

    tu y allais comment sur cette petite île ?

  • Speaker #0

    alors du coup une fois que tu as pris ton avion jusqu'à Nuku Iva, soit tu as de la chance et tu as un petit coup d'avion, soit tu prends le bateau il est rude l'atterrissage est assez magique la piste démarre au bord de la mer et tu as des grands pics volcaniques au bout de la piste et les pilotes sont à deux sur les manettes pour être sûr qu'il y en ait un qui ne se rate pas tout le monde fait une prière avant de partir et tout le monde applaudit en arrivant mais le bateau il est rude aussi Ça va. En fait, la traversée que j'ai faite, ça allait. Mais j'ai eu de la chance.

  • Speaker #1

    Et t'es allée combien de temps sur cette petite île ?

  • Speaker #0

    Alors, Nukuiva, c'était six mois et Wapos, c'était neuf mois.

  • Speaker #1

    Mais il y a combien d'habitants à Wapos ?

  • Speaker #0

    Wapos, c'est 2500 habitants.

  • Speaker #1

    Et là, t'as une petite maison ? Là, tu deviens le médecin un peu du...

  • Speaker #0

    Oui, alors au début, j'avais une maison de fonction entre l'hôpital et le cimetière, mais qui était pleine de puces de lit. Donc, je suis pas restée très longtemps. Je ramenais les puces de lit à l'hôpital, c'était assez désagréable. Et donc, j'ai trouvé une autre maison où j'étais avec une sage-femme. Puis on s'est fait cambrioler, je me suis réveillée avec le gars au-dessus de ma tête en train de me piquer mes affaires, donc j'ai changé de maison. sur une île où il y a 2500 habitants ben oui mais en fait il a piqué du sucre et 10 euros j'avais des sous, mon ordinateur, mon téléphone des trucs comme ça mais il peut pas vraiment les revendre quand t'es sur une petite île je sais pas je me suis fait piquer mon téléphone il a quand même jamais réapparu mais toujours est-il que j'ai fini dans une maison merveilleuse d'une seule pièce avec une grande vue sur la vallée,

  • Speaker #1

    sur les pics volcaniques et pendant 9 mois t'as pas bougé de ton île ?

  • Speaker #0

    non déjà je travaillais tout le temps pendant 4 mois j'ai pas eu de collègue donc j'étais de garde tout le temps 4 mois de garde ça fait long quand même tu sais tout faire toi ?

  • Speaker #1

    tu peux autant accoucher, racheter une dent je bricole dans tout,

  • Speaker #0

    je sais pas faire très bien plein de choses mais je sais faire un peu beaucoup de choses il y avait un dentiste sur place, là ça va j'avais pas à faire les soins dentaires et il y avait la sage-femme donc si jamais il y avait vraiment eu un accouchement elle était bien meilleure que moi pour le faire il n'y a pas eu une histoire où au marquis ils ont demandé après justement d'avoir un

  • Speaker #1

    Un hélicoptère ou un avion pour aller à Tahiti ?

  • Speaker #0

    En tout cas,

  • Speaker #1

    en cas d'urgence, pour avoir...

  • Speaker #0

    En fait, quand j'étais à Nukuiva, il n'y avait plus l'hélicoptère parce qu'il avait existé. D'ailleurs, c'est fou parce que le pilote de l'hélicoptère, je l'ai retrouvé en Terre Adélie. Mais toujours est-il qu'ils n'avaient pas les financements pour garder cet hélico qui servait à rapatrier des plus petites îles vers l'hôpital de Nukuiva.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Où il y a un chirurgien d'anesthésiste. Ce que n'ont pas les autres îles. Et quand je suis retournée et que je suis allée à Wapo, là, ils avaient trouvé les financements. Parce qu'il y a eu le décès d'un bébé. Entre Wapo et Nukuiva. il aurait été sauvé s'il y avait eu l'hélicoptère pour en avoir parlé avec le médecin qui s'occupait de l'affaire c'est un peu plus compliqué que ça mais du coup l'hélicoptère il existait après l'hélicoptère ils ne volent pas de nuit c'est pratique et puis ils ne volent pas quand c'est bâché mais moi j'ai des souvenirs d'avoir tenu des patients un peu casse gueule la nuit en guettant le lever du soleil en disant quand est-ce que je le tiens, je le tiens mais vivement que l'hélicoptère arrive et toi t'es un super héros en fait non,

  • Speaker #1

    bah sinon tu t'en rends pas compte ?

  • Speaker #0

    bah en fait quand t'es là-bas moi ici quand je suis aux urgences, je travaille aux urgences tous les cas compliqués je les laisse à mes collègues urgentistes je pense qu'on a le droit aux meilleurs soins possibles mais quand t'es là-bas et qu'il n'y a que toi c'est pas compliqué en fait soit tu fais quelque chose, au pire ça marche pas soit tu fais rien, donc on y va tu fais et puis WAPO, ce n'est pas comme un service d'urgence en France. Tu as rarement cinq mecs, six mecs à gérer en même temps. Tu as un patient à la fois, donc tu as le temps d'aller aussi ouvrir ton ordinateur, chercher, te renseigner, appeler un collègue. C'est un patient par un patient. Ce n'est pas du tout la même...

  • Speaker #1

    Oui, ce n'est pas le même travail, mais d'être quand même seule au bout du monde, finalement, ça repose sur toi. Ce n'est pas la même chose que d'être ici à l'hôpital avec toute une équipe, des spécialistes, d'autres experts.

  • Speaker #0

    Oui, mais j'ai des copains médecins qui ne le feraient pas.

  • Speaker #1

    c'est vrai qu'il faut se rendre compte t'es quand même un super héros pour moi et pour plein de gens je trouve ça génial et t'as créé des liens là-bas, tu t'es fait des copains ?

  • Speaker #0

    oui, les Polynésiens sont très loin des yeux, loin du cœur donc quand il n'y est plus, t'as du mal à garder le contact mais je sais que quand je suis retournée, il y a eu 3-4 ans entre les deux missions, j'ai retrouvé les copains et puis j'ai une famille d'amis qui est venue à Paris faire soigner son grand à l'hôpital ici je les ai emmenés à Angers, on s'est baladés ensemble et compagnie

  • Speaker #1

    donc t'as enchaîné pendant 20 ans ?

  • Speaker #0

    oui différents endroits avec des petites pauses en France entre les deux parce que sinon tu finis par plus savoir faire de médecine occidentale et tu fais que de la médecine de brousse donc t'as refait des formations pendant 20 ans ? j'ai refait des formations et puis j'ai travaillé en France en fait entre deux histoire de maintenir quand même un peu c'est pour ça que c'est un métier magique tu rentres, t'as un boulot tu lâches un boulot, tu repars, tu reviens c'est un privilège et c'est quoi ton rêve pour demain ? Ah, mes deux jobs de rêve, je voulais, là je suis un peu bloquée, mais dans l'idéal, je voudrais aller travailler en Écosse parce que c'est mon pays adoré. Et j'ai repéré un hôpital sur l'île de Skye qui a l'air très très bien.

  • Speaker #1

    On a le droit, avec un diplôme français, d'aller travailler en Écosse ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, il faut que je me renseigne justement.

  • Speaker #1

    Parce que pour la médecine d'urgence, tu as le droit, sur des missions comme ces médecins sans frontières et tout, mais pour aller vraiment être employée dans un hôpital...

  • Speaker #0

    Ça dépend des pays, en fait. Et mon deuxième job sur ma liste, c'est Vanuatu. Et ça, je sais que c'est faisable. Donc j'ai déjà les contacts de l'hôpital où je pourrais aller.

  • Speaker #1

    Et pourquoi le Vanuatu ?

  • Speaker #0

    Parce que j'ai beaucoup aimé le côté rustique des marquises et la culture pacifique. Je travaillais avec un infirmier qui a beaucoup baroudé aussi, surtout le fin fond de la Guyane, forêt amazonienne, et puis le Vanuatu. Et quand il m'en parlait, quand j'ai vu les vidéos, etc., ce qui m'a attirée, c'est ce côté qui est encore rustique là-bas et les volcans.

  • Speaker #1

    les volcans c'est un truc qui me fascine absolument j'en ai jamais vu en activité l'idée c'est de combiner les deux mais c'est dressé là-bas ou t'as toujours envie de faire ces missions de 6 mois,

  • Speaker #0

    9 mois en fait pour l'instant j'ai envie d'avoir des amis qui rentraient en métropole donc je trouve que c'est très très important de rentrer et de cultiver il y a un entourage quand même j'en ai vu surtout en humanitaire des gens qui vivent sur le canapé entre deux missions jamais chez eux, ils finissent par même ne plus savoir pourquoi ils partent en mission en fait mais il n'y a personne qui les attend

  • Speaker #1

    C'est ça qui te tient, c'est qu'il y a des gens qui t'attendent ?

  • Speaker #0

    Oui, les amis, c'est la base.

  • Speaker #1

    Il existe une communauté de médecins comme toi ? Vous avez un moyen de tous vous contacter ou bien c'est chacun avec son bâton de pèlerin où vous allez chercher vos missions ?

  • Speaker #0

    On se débrouille un peu tout seul, parce qu'on sait où chercher, mais au fur et à mesure, on rencontre d'autres médecins. Il y en a où on accroche, d'autres moins, mais on se recroise. D'ailleurs, finalement, on finit par tous un petit peu se connaître par l'intermédiaire des uns des autres. et il y a quelques années ils ont créé une société médicale qui s'appelle la Sophramie qui est vraiment axée médecine en site isolé et à travers cette société ça permettait d'échanger autour des opportunités de travail autour des pratiques, du matériel etc. mais on est nombreux et je dirais il y a les médecins il y a des infirmiers, il y a des kinés, il y a des sages-femmes je pense à quelques centaines de personnes qui tournent uniquement sur ce type sur l'univers médical autour du monde mais on finit par se croiser un jour généralement et c'est quoi ta plus belle rencontre ? attention la plus belle rencontre elle est une des plus belles oui c'est ça parce qu'il y en qui sont très belles quand même oui si il y en a un qui me vient tout de suite parce qu'on parlait des marquises il n'y a pas très longtemps c'est Pory alors Pory c'est un marquisien qui m'a appris à jouer du ukulélé alors imaginez c'est un gars qui était pêcheur et puis qui avait des problèmes d'addiction, une vie un peu compliquée entre le jeu, la boisson. Il allait à Vegas. C'est vrai que les Polynésiens adorent aller à Las Vegas. Et puis il a été sauvé par sa femme, Marguerite, qui a l'air comme ça d'un gardien de porte de prison et qui est la nana la plus gentille de la Terre, qui était aide-soignante à l'hôpital. et donc il a trouvé Marguerite et Dieu et le ukulélé il s'est racheté une nouvelle vie et lui il est maintenant luthier donc il fait des ukulélés qui sont magnifiques et je les écoutais jouer tous les après-midi le dimanche au petit snack au bord de l'eau ça me faisait rêver, c'était magnifique puis j'ai fini par prendre mon courage à deux mains je me suis pointée avec ma guitare, je connaissais quatre accords donc il a pas du tout aimé la façon dont je jouais par contre quand il a pris ma guitare, il a beaucoup aimé ma guitare donc il m'a dit tu peux revenir mais qu'avec la guitare et au bout de six mois, je l'ai eu à l'usure en fait on est vraiment devenu très proche c'était mon papa adoptif là-bas quand je suis retournée trois, quatre ans après, j'ai recommencé à jouer du ukulélé avec lui dans le petit snack le dimanche après-midi.

  • Speaker #1

    T'as un ukulélé à la maison ?

  • Speaker #0

    Bah du coup j'ai le sien, oui le seul truc vraiment auquel je tiens dans toutes mes affaires, c'est ça

  • Speaker #1

    T'as un souvenir de chaque voyage chez toi ?

  • Speaker #0

    Presque, ouais. Ouais, il y a un petit côté cabinet des curiosités. Beaucoup les marquises, quand même. J'ai vraiment eu beaucoup de cadeaux à la sortie, mais ouais.

  • Speaker #1

    Ouais, ça t'est resté. Et ta plus grande frayeur ?

  • Speaker #0

    Ma plus grande frayeur... Il y en a eu pas mal, quand même. Mais ouais, ce serait sur la mission à Bangui, en Centrafrique. Le chef de la mission nous dit, Allez, il y a eu un accident de camion, je crois que c'était à 80 kilomètres. on y va. Puis on se décide un peu dans la panique. Ce n'est pas du tout la mission qu'on est censé faire. Dans le moment, je ne réfléchis pas, je suis le mouvement. D'accord, on part à trois camions.

  • Speaker #1

    C'est toi la boss ? Tu avais un boss ?

  • Speaker #0

    Non, j'étais ma première mission, donc j'étais en bas de l'échelle.

  • Speaker #1

    Et à quoi ? Après, c'est quelqu'un qui est chef de mission ?

  • Speaker #0

    J'avais ma N plus 1 qui était la médecin référent. Et puis, il y avait lui au-dessus qui était chef de projet.

  • Speaker #1

    Chef de projet. Le chef de mission,

  • Speaker #0

    c'est celui qui chapeaute plusieurs projets dans le pays. Donc, lui était chef du projet de l'hôpital dans lequel je travaillais. Donc on y va, on est sur une route, alors on n'avait pas le droit de quitter la ville normalement, donc on est sur une route de campagne, puis on arrive de nuit sur les lieux de l'accident, et puis en fait il y a plein de gens dans la forêt, on ne voit rien, finalement les blessés ont été émenés ailleurs. Je te passe le milieu de l'histoire qui est un peu long, mais en gros on finit par récupérer des blessés, et là il nous dit qu'il faut qu'on rentre très vite. Et je commence à comprendre qu'en fait, c'est dangereux. C'est-à-dire qu'on ne devrait pas être là. Ça craint. La route est en train d'être barrée par les rebelles. Donc, on repart. Moi, il m'a mis deux gars à l'arrière du camion, dont un qui est dans le coma. Et là, il dit, on ne s'arrête plus. C'est-à-dire qu'on ne s'arrête plus. Que un, pour quoi ? Sous aucune raison, on trace.

  • Speaker #1

    Attends, qui tu dis ça ? C'est le chef de projet ?

  • Speaker #0

    C'est le chef de projet qui dit ça. Il est dans le camion de devant. Et puis, il dit, on ne s'arrête plus, quoi qu'il arrive. Donc là, déjà, tu es mal. Et puis, on roule vite sur une roule qui n'est pas éclairée. Il y a des gens qui traversent. Il y a des villages. Tu te dis, on va finir par percuter un gamin ou quelque chose. Et là, le gars dans le coma se réveille. hyper agitée, mais elle tapait partout dans l'arrière du camion. Le chauffeur à côté de moi, il est terrifié. Je lui dis, mais qu'est-ce qu'on fait, quoi ? Je lui dis, mais il faut qu'on s'arrête, en fait. Il faut que je le calme et tout. Il me dit, non, non, hors de question, tu te débrouilles, tu ne t'arrêtes pas.

  • Speaker #1

    Et tu n'as rien avec toi ?

  • Speaker #0

    Mais je n'avais rien avec moi. Et puis, en plus, il tapait sur le blessé d'à côté qui avait une fracture de jambe. Alors, on prend le sketch. et puis en fait dans la langue que je ne comprenais pas et la situation que je ne comprenais pas on a fini par comprendre qu'il voulait juste faire pipi donc j'ai vidé ma bouteille de Coca-Cola par la fenêtre, je lui ai donné et puis il a fait pipi et on a fait le reste de la route un peu plus sereinement n'empêche qu'on a dû passer des barrages et quand on est arrivé à l'hôpital tout le reste de l'équipe était absolument terrifié et là j'ai compris à posteriori qu'on avait pris des risques qu'on n'aurait jamais dû prendre ouais t'es pas un super héros Non, alors moi, je ne suis pas là pour mourir pour la cause. Ça, c'est vraiment un truc... Je suis là pour la rencontre, pour le soin, mais je n'irai pas la fleur au fusil.

  • Speaker #1

    Tu retournerais en Afrique ?

  • Speaker #0

    Oui. Par contre, maintenant, je choisirais mes missions pas forcément sur le critère sécurité, mais sur le critère bienfait médical. Est-ce que ça correspond vraiment à ce que je crois qu'il faut faire ou pas ?

  • Speaker #1

    Qu'il faut faire. Tu m'as dit que tu étais allée en Afghanistan. Ça n'a quand même rien à voir avec ces missions de... de terre lointaine et de terre oubliée. Tu es allée faire quoi là-bas ?

  • Speaker #0

    Je suis allée à Kaboul. Je t'avais dit à MSF que je ne voulais pas repartir en capitale. Je suis repartie en capitale. Là, on ne pouvait pas ni faire la fête ni boire d'alcool. bien plus calme. Je suis partie comme... Là, je suis montée en grade et j'étais référent médical de projet, si je traduis bien. Donc, j'étais en charge d'une équipe de 180 personnes, nationaux et expatriées. Et il s'agissait d'une maternité avec un bloc de chirurgie ostétricale et un petit service de pédiatrie néonate. Donc, moi, j'étais beaucoup sur du management d'équipe puis la direction du projet. mais quand même aussi les gynécologues quand ils étaient en galère m'appelaient sur mon téléphone notamment la nuit donc c'était une mission assez dense t'es restée combien de temps ? je suis restée 6 mois et demi, j'ai perdu 9 kilos j'étais malade tout le temps J'ai jamais été autant stressée, mais pour des raisons de travail, en fait. C'était pas le contexte sécuritaire. C'était vraiment... C'est pas un travail que j'avais l'habitude de faire.

  • Speaker #1

    De gérer autant de monde, tu peux dire.

  • Speaker #0

    C'est hyper stressant, quoi. Ben voilà, c'est ça. C'est l'hôpital, je sais pas si les gens se rappellent, mais il a été attaqué après par Daesh, un ou deux ans plus tard. Il y a eu des morts dans cette maternité. Voilà, donc là, Kaboul, on était au summum de l'enfermement et de l'activation de liberté.

  • Speaker #1

    C'est vrai, t'as fait comment une journée quand t'es là-bas, alors ?

  • Speaker #0

    en fait on était la seule mission du pays qui avait le droit de marcher dehors sur à peu près je crois 200 mètres sur le trottoir pour aller de la maison à l'hôpital 8h le matin on rentrait déjeuner, on revenait boulot boulot jusqu'à

  • Speaker #1

    18h-19h et après t'es enfermée chez toi ?

  • Speaker #0

    le soir t'es enfermée, le week-end t'es enfermée alors tu peux aller faire une course, t'as le droit un petit peu On a eu le plaisir d'aller acheter du tissu pour se faire des tenues. Et là, je me suis retrouvée avec un tailleur afghan qui me prenait les mesures en me frôlant les seins. Alors je me suis dit, mais on ne devrait pas être en train de faire ça. Mais ça s'est bien passé. Et puis, on s'est même retrouvée à aller acheter une guitare aussi, dans un magasin de musique qui n'avait jamais vu de femme blanche passer le seuil. Donc, un grand moment.

  • Speaker #1

    Tu as aimé cette mission, malgré le boulot ?

  • Speaker #0

    J'ai failli arrêter à cause du stress lié à des problèmes que j'avais avec des gens dans la mission. mais en fait, j'ai beaucoup aimé. Notamment, tu vois, je te parle de guitare, c'était mon échappatoire, puisqu'on était enfermés tout le temps. Puis un jour, elle s'est cassée, parce que c'était une vieille guitare en mauvais état. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je suis partie en week-end. Il faut savoir que c'est un pays où les femmes n'ont pas le droit de jouer de musique. Je suis partie en week-end dans une autre maison de la mission, et quand je suis revenue dans mon bureau, qui est un grand open space, ils avaient réparé ma guitare. C'est-à-dire qu'il y avait tous ces hommes afghans qui avaient réparé ma guitare. et qu'il l'avait posé sur mon bureau comme ça. Donc il y avait des moments un peu, malgré tout, des beaux moments.

  • Speaker #1

    Suspendus, quoi.

  • Speaker #0

    Ouais,

  • Speaker #1

    exactement. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    De rien.

  • Speaker #1

    C'est la fin. Merci mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. J'espère que vous aussi, vous avez voyagé. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous laisser 5 étoiles sur Apple Podcast et un petit commentaire. On attend avec impatience vos retours et vos impressions. Et si vous aussi vous avez envie de nous raconter un extraordinaire voyage ou une aventure au bout de votre rue, envoyez-nous un petit message sur Instagram. A très vite, merci et à bientôt.

Description

Anais Pélier appartient à cette communauté extraordinaire des médecins-voyageurs. Loin d’un cabinet de ville, ces aventuriers embarquent  leur stéthoscope dans leur sac à dos pour partir en mission aux 4 coins de la planète 


La vie d’Anais est digne des plus grands romans d’aventure. 

Pour Beau Voyage elle revient sur sa fascination pour les Terres Australes qui l’a poussé à partir plusieurs mois sur l’Ile d’Amsterdam, puis à Crozet et à Kerguelen, 3 iles du bout du monde sur lesquelles personne ne vit vraiment.

Sur ces "cailloux", on ne trouve que des professionnels en mission, des biologistes, des scientifiques.. qui vivent en communauté ultra restreinte dans des conditions extremes avec un ravitaillement par bateau tous les 3 mois.


Elle nous raconte aussi ces 4 étés passés au milieu de l’Antarctique où elle accompagne le Raid au volant d'un tracteur XXL qui parcourt les glaces. Sa mission? Etre le médecin de ce convoi hors-normes qui traverse la banquise pendant 15 jours pour ravitailler la station Concordia.


Dans cet épisode complètement fou, cette aventurière nous dévoile les dessous du quotidien méconnu de ces médecins tout terrain. Elle nous parle de cette vie toujours en mouvement, de ses missions très loin de tout ce que l'on peut imaginer et de ces opérations réalisées avec les moyens du bord.  Elle nous parle aussi de ses missions humanitaires en Centrafrique, en Afghanistan et sur les îles Marquises, ces rencontres, ces frayeurs, la violence au milieu du paradis.


Anais a une vie extraordinaire et une vision de l'aventure que j'ai adoré, j’aurais pu passer ma journée à l’écouter. 

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Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous laisser 5 étoiles ou un commentaire sur Apple Podcasts ou Spotify. Ce serait vraiment un sacré coup de pouce pour nous !

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Production : Sakti Productions

Vous êtes une marque et vous souhaitez collaborer avec Beau Voyage

Ecrivez-nous : mariegarreau@saktiproductions.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Au fur et à mesure des missions, j'ai quand même eu trois chirurgies à faire. Et tu fais ta chirurgie avec l'ornito, le gendarme, le cuisinier, l'informaticien. J'ai un souvenir, on a mis du Georges Brassens, et puis à la fin, on a chanté les copains d'abord. C'est une super ambiance. Eux, ils t'emmènent attraper des manchots et des otaries, ou alors ils t'emmènent gérer l'approvisionnement d'eau. C'est une chance incroyable, parce qu'ils sont 22, j'ai pas du travail. par-dessus la tête non plus. Donc j'ai le temps de faire autre chose.

  • Speaker #1

    Bonjour, c'est Marie et vous écoutez Beau Voyage. De l'ascension du Merapik au Népal, au tour du monde en famille, du road trip au Chili au bivouac en Inde dans les Pyrénées, vous entendrez des hommes et des femmes qui partagent leurs aventures hors des sentiers battus. Des aventuriers ordinaires qui vous racontent leurs aventures extraordinaires. À deux ou en tribu, à l'autre bout du monde ou en bas de chez eux, avec trois sous ou en claquant leur PEL, ces voyageurs nous confient leurs histoires, leurs galères, leurs bons plans et leurs coups de cœur. Sur Beau Voyage, nous allons vous prouver que l'aventure est partout et à la portée de tout le monde. Alors montez le son et venez rêver avec nous. Mon invité aujourd'hui s'appelle Anaïs Pellier et appartient à cette communauté extraordinaire des médecins voyageurs. Très loin d'un cabinet de ville, ils embarquent leur stéthoscope dans un sac à dos pour partir en mission aux quatre coins de la planète. En fait, la vie d'Anaïs est digne des plus grands romans d'aventure. Pour Beau Voyage, elle a accepté de nous raconter sa fascination pour les terres australes, qui la poussait à partir plusieurs mois sur l'île d'Amsterdam, puis à Crozet et à Kerguelen. En fait, sur ces trois îles, personne ne vit vraiment. Il n'y a que des professionnels en mission, des biologistes, des scientifiques et anaïs. Ils vivent en communauté ultra restreinte, dans des conditions extrêmes, avec un seul ravitaillement par bateau tous les trois mois. Elle revient aussi sur ses quatre étés passés au milieu de l'Antarctique, où elle accompagne le RAID. Sa mission, être le médecin du convoi de tracteurs qui part sur les glaces pendant deux semaines pour ravitailler la station Concordia. En fait, dans cet épisode totalement dingue, elle nous dévoile des dessous du quotidien méconnu de ces médecins tout-terrain, sa vie toujours en mouvement, ses missions très loin de tout et ses opérations réalisées avec les moyens du bord. Et comme j'étais très curieuse, elle m'a aussi raconté ses missions humanitaires en Centrafrique, en Afghanistan et sur les îles marquises, avec ses moments suspendus et ses très grandes frayeurs. En fait, j'aurais pu passer ma journée à l'écouter et j'espère que vous allez adorer vous aussi écouter ces histoires. Bonjour Anaïs, je suis ravie de voyager avec toi aujourd'hui. Est-ce que tu peux rapidement te présenter ?

  • Speaker #0

    Oui, je m'appelle Anaïs Pellier, j'ai 40 ans, je suis née dans le Ménéloir, dans l'Ouest, et je suis médecin généraliste.

  • Speaker #1

    Et t'as voyagé quand t'étais petite ?

  • Speaker #0

    Et j'ai voyagé quand j'étais petite, j'ai eu beaucoup, beaucoup de chance. J'avais des parents qui adoraient absolument voyager. Et donc chaque été, on avait le droit à un grand voyage, mais vraiment des beaux voyages. C'est-à-dire que ma mère, toute l'année, préparait soigneusement la destination. Elle nous a emmenés à l'île de Pâques, elle nous a emmenés aux Marquises, elle nous a emmenés en Afrique du Sud, dans les parcs animaliers absolument fous. Et donc chaque année, on avait le droit à ça. Et j'ai trois frères et sœurs, on a tous eu le virus comme ça.

  • Speaker #1

    Elle partait comme ça, quatre enfants, vous partiez à six ?

  • Speaker #0

    Oui, on partait à six. Au bout du monde, quoi. Au bout du monde, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et ça cadeau ou c'était quoi comme ambiance de voyage ?

  • Speaker #0

    C'était plutôt ambiance confort quand même. Mais bon, avec le goût du risque un peu, parfois, j'ai des souvenirs de pannes de véhicules au milieu des parcs animaliers avec des lions, des éléphants, des trucs un peu où de passer des rivières au Guatemala avec une escorte militaire. Dans mes yeux d'enfant, ça avait l'air très safe. Avec le recul, je me rends compte que parfois,

  • Speaker #1

    c'était un peu l'aventure aussi.

  • Speaker #0

    voilà mais elle n'a pas froid aux yeux ma mère elle est pilote aussi amateur elle est aussi médecin mais elle est pilote amateur et elle avait une petite ONG où elle allait en avion jusqu'au Burkina Faso donc déjà il y avait quand même une fibre un peu voilà ça vient de nulle part et

  • Speaker #1

    toi tu décides d'être médecin ?

  • Speaker #0

    très tard, moi je voulais être vétérinaire je voulais retourner en Afrique soigner les lions et les éléphants et puis on m'a dit c'est trop dur alors j'ai fait médecine et je ne regrette pas du tout.

  • Speaker #1

    C'est beau de faire médecine par dépit quand même. C'est rare.

  • Speaker #0

    J'ai mis du temps à savoir que ça me plaisait et aujourd'hui, et surtout la médecine générale, je ne regrette absolument pas. J'adore ce métier et j'ai rarement connu un métier qu'on met dans son sac à dos avec une telle facilité, c'est-à-dire qu'il y a du travail partout, dans des conditions variées, intéressantes. C'est un vrai privilège.

  • Speaker #1

    Quand tu l'as fait, quand tu as fait les études de médecine, qui sont quand même des études difficiles, Tu l'as fait avec cette idée qu'un jour tu allais le mettre dans ton sac à dos ou tu ne savais pas trop ?

  • Speaker #0

    Dès la première année, je savais, mais j'étais plutôt dans l'optique médecine humanitaire. Voilà, un peu en mode on va aller sauver le monde. et puis j'ai fait mon dernier semestre d'internat au Sénégal fin fond de la brousse, grâce à ma mère qui travaillait en partenariat avec un hôpital de là-bas qui est allé me déposer avec son petit avion jusque là-bas. Ça a été une expérience assez intense, mais où je me suis dit, avant d'aller faire de l'humanitaire, va faire autre chose, parce qu'il faut que tu fasses tes armes. Je ne me sentais pas prête. Et par des hasards absolus, je me suis retrouvée dans les terres australes et antarctiques françaises.

  • Speaker #1

    Mais raconte-nous ça.

  • Speaker #0

    Je rentre du Sénégal, et je ne sais pas ce que je vais faire de ma vie. Je n'ai plus de copains, je n'ai pas d'appart. C'est un peu le coup de mou, comme ça. Et puis, il y a un magazine gratuit d'annonces médicales qu'on reçoit, souvent. Il y a une petite annonce. qui dit, si vous aimez l'aventure et les grands espaces, venez nous retrouver, vous ferez du dentaire, de la radiologie, de la chirurgie. N'hésitez pas à appeler. Je me dis, il faut être complètement sonné pour vouloir faire ça, mais je découpe l'annonce, puis je la laisse dans un coin. Puis au bout d'une semaine, j'y reviens, je dis, allez, j'envoie un CV. Le directeur m'a rappelé une semaine après. Il m'a dit, on a besoin de vous, il nous faut quelqu'un à Amsterdam dans six mois. Mais la nouvelle Amsterdam. Donc j'ai dit, OK, d'accord. Et puis après, je suis allée sur Internet. J'ai tapé Nouvelle Amsterdam et là j'ai vu un grand carré bleu sur Maps avec un petit truc rouge comme ça, j'ai fait bon ça me dit pas où c'est alors je recule, je recule, je recule puis là je vois apparaître l'Australie, l'Afrique j'ai fait mais qu'est-ce que j'ai pas fait

  • Speaker #1

    Mais c'est où alors la Nouvelle Amsterdam ?

  • Speaker #0

    C'est à mi-chemin entre l'Australie et l'Afrique c'est à la limite entre l'océan Indien et l'océan Austral Ça fait partie des terres australes et antarctiques françaises. Je suis allée là-bas, je ne savais même pas dans quoi je mettais les pieds.

  • Speaker #1

    Mais donc tu pars pour combien de temps ? Qu'est-ce que tu fais ?

  • Speaker #0

    Cette fois-là, je pars pour quatre mois. C'est mon premier job après ma thèse. On me demande pendant trois mois de me former avant en chirurgie, en dentaire, en anesthésie, un peu en mode débrouille-toi, tu seras toute seule

  • Speaker #1

    Donc tu fais ?

  • Speaker #0

    Donc je fais.

  • Speaker #1

    Et comment ça se fait ? Comment on fait ces formations-là ? Alors avant, c'était en 2011.

  • Speaker #0

    Ce que je te raconte, à l'époque, on bricolait avec les contacts qu'on avait. Je suis allée dans le cabinet du coin de la campagne, je suis allée chez les copains chirurgiens de la main. Maintenant, c'est cadré avec l'armée. C'est des contrats militaires, en fait. Et l'armée nous embauche en CDD et nous prête au territoire d'État. D'accord. Maintenant, ils nous forment. Avant, c'était un peu...

  • Speaker #1

    Il fallait vraiment avoir envie, quand même.

  • Speaker #0

    pour aller te débrouiller et avoir tout ça je pense que j'étais complètement inconsciente je m'en rends compte maintenant je suis bien contente d'avoir fait 3 fois et 4 fois la formation je me sens plus en confiance à l'époque j'étais un peu gonflée donc je pars, je prends le Marion Dufresne qui est un grand bateau ravitailleur qui part de la Réunion tu voles jusqu'à la Réunion je prends le bateau il faut déjà 5 jours, alors on passe à Crozet donc les gens descendent à Crozet, remontent Après, on passe à Kerguelen. Et puis, au bout de trois semaines, on arrive à la nouvelle Amsterdam. Et puis là, je vois un petit caillou qui fait 55 kilomètres carrés. Et puis, on me pose là, quoi, en fait, avec les autres. Et puis, ben voilà. Qui, les autres ? Les autres, c'est des militaires, des civils. Voilà, c'est tous les gens qui viennent travailler sur le site et qui sont renouvelés, en fait, chaque année.

  • Speaker #1

    Donc, il n'y a que des gens qui travaillent à la nouvelle Amsterdam ?

  • Speaker #0

    Il n'y a aucun autochtone dans tous les terres australes et antarctiques français. Il n'y a que des agents. qui viennent pour travailler. Il n'y a personne qui vit.

  • Speaker #1

    Donc là, tu débarques là.

  • Speaker #0

    Je débarque là. Il y a des otaries partout. Et puis surtout, c'est tout petit. Et puis le bateau repart. Et puis c'est vrai qu'on se demande un peu ce qu'on vient faire là. Mais tout de suite, une ambiance humaine, c'est l'exaltation complète. Tout le monde est fou furieux d'être là. Et puis c'est la nouveauté. Tout est une découverte. On vit dans une colonie d'otaries. Il y a des albatros. c'était un énorme coup de cœur. On était une vingtaine.

  • Speaker #1

    Et là, pendant quatre mois, tu sais que vous n'allez être qu'une vingtaine ? Oui. C'est incroyable quand même.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est ça qui est génial. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça peut mal se passer. D'ailleurs, il y a des choses qui se passent mal. Et puis, il y a des choses qui sont fantastiques sur le plan humain. C'est très riche, en fait. Cette intimité, ce confinement. Alors à l'époque, personne ne savait ce que c'était que le confinement. On n'avait pas encore eu le Covid. Et puis, cette découverte. Je me suis dit, je vais retourner faire mes études. Je vais refaire vétérinaire. Ce n'est pas possible d'être au milieu des manchots, des oiseaux, partir. Donc, tout se fait à pied. la grande colonie d'Albatros, elle est sur la falaise d'Entrecasteaux, qui est une immense falaise, qui est 700 mètres de haut, qui est à l'autre bout de l'île. Elle se mérite, il y a quand même 8 heures de marche, il y a une Via Ferrata, il faut y aller. Donc moi qui avais un vertige monstrueux, je me suis fait violente. C'est incroyable d'être le spectateur de cette richesse naturelle, de ces paysages magnifiques. Moi, je suis tombée amoureuse. Je ne voulais pas partir, en fait. Je ne voulais pas repartir dans le bateau. J'ai dû partir quand même.

  • Speaker #1

    Il y avait autant de femmes que d'hommes ?

  • Speaker #0

    on était quatre femmes pour du coup 18 hommes ce qui était pas mal il y a eu moins il y a pire il y a eu moins et elle faisait quoi les autres femmes ? alors il y avait une autre analyse qui était chimiste elle était trois d'ailleurs elle était vraiment dans la chimie et l'atmosphère elle faisait des prélèvements d'air parce que l'air de la Nouvelle Amsterdam est le plus pur du monde Il sert de référence pour les études de qualité de l'air, de l'évolution de l'air, de la biomasse maritime. Ces trois femmes-là étaient vraiment axées là-dessus. Et puis il y avait d'autres scientifiques qui étaient des hommes, qui étaient plutôt biologie marine, ornithologie, sismique et magnétisme aussi. Puis ensuite il y avait les agents de la réserve naturelle. Il faut savoir que les terres australes et antarctiques, c'est la plus grande réserve naturelle française, avec la plus grande zone maritime aussi. donc il y a forcément des agents qui sont là pour les inventaires des espèces pour le maintien des accès ce genre de choses et comment ça se passe quand on est une femme justement enfin une femme ou un homme d'ailleurs quand on fait ses missions on est vraiment enfermé pendant

  • Speaker #1

    6 mois, tu vas te nidiser 9 mois etc, il y a quoi des histoires d'amour des histoires de cul comment ça gère les relations humaines comme ça enfermée.

  • Speaker #0

    C'est très intense et on ne peut pas y échapper. Donc forcément, sur les terres australes et antarctiques, vraiment, c'était très peu de femmes et beaucoup d'hommes. Moi, la première fois que je suis partie, ça m'est complètement montée à la tête. C'est-à-dire que je suis arrivée, je trouvais que tous les hommes étaient magnifiques. D'ailleurs, je continue de le penser. Et eux, ils trouvaient tous que j'étais magnifique, ce qui ne m'arrive pas d'habitude. Ce qui fait que j'ai un peu perdu la tête de toute cette séduction, de toute cette attention. et puis en plus j'étais en pleine rupture amoureuse j'avais le coeur brisé donc j'ai pas bien su gérer ça on te prépare pas à ça ? non parce qu'en fait souvent c'est des hommes qui t'ont en entretien d'embauche et donc qui te le disent pas moi je sais que j'en ai beaucoup parlé après avec les femmes que je croisais qui y allaient ou sur place mais c'est pas un sujet qu'on évoque beaucoup avant et puis j'ai subi du harcèlement aussi, j'ai subi des violences il y a eu des choses très négatives il y a eu des choses merveilleuses je suis tombée amoureuse follement j'ai vécu des très belles histoires mais ce qui est sûr c'est qu'on n'échappe pas aux autres donc ça on ne peut pas partir, on se confronte à des gens qu'on n'aurait jamais croisés dans la vie de tous les jours et finalement c'est très bien par contre ça apprend quand même à se gérer c'est à dire qu'on peut pas faire n'importe quoi c'est un groupe, c'est vraiment un équilibre fragile et si on se met à briser un coeur là ou à générer une jalousie ici, attention ça peut complètement partir en cacahuète et ça c'est vu, et il n'y a pas d'échappatoire et il n'y a pas d'échappatoire donc je pense que c'est une responsabilité ce que j'ai découvert du coup moi au début j'ai dit les hommes sont vraiment des animaux et puis je suis partie à Kaboul alors on était 12 filles douze filles, on a vu arriver cet incroyable Australien magnifique, taillé comme un viking, qui est pédiatre, qui fait la cuisine d'une gentillesse pas possible, et qui se promenait torse nu tout le temps. Et je me suis rendue compte qu'en fait, la frustration, c'était la même chose. Je crois quand même que les femmes iront moins à l'agression et au harcèlement, mais toujours est-il que... En effet, ce jeune homme charmant, on lui a demandé de se rhabiller quand même, d'arrêter de déambuler à moitié nue, par respect.

  • Speaker #1

    Pour vos petits cœurs de femmes.

  • Speaker #0

    Exact, oui, les cœurs, on va dire ça. On va dire ça.

  • Speaker #1

    Et les gens, ils sont tous en mission ? Ou bien il y en a qui restent vraiment, vivent là-bas ?

  • Speaker #0

    Personne n'a le droit de rester, en fait.

  • Speaker #1

    Ah oui,

  • Speaker #0

    d'accord. Ah oui, on est vraiment embauchés, on y va, on est ressortis, mais il n'y a pas de...

  • Speaker #1

    Personne ne reste.

  • Speaker #0

    On ne peut pas décider de rester, oui.

  • Speaker #1

    Tu serais restée, toi ?

  • Speaker #0

    Alors, je serais restée, j'ai envie de dire, au début, avec les gens avec qui j'étais à ce moment-là. Voilà, pour vraiment vivre l'aventure jusqu'au bout. Notamment, je vais retourner après sur une autre île, mais l'idée, c'est de faire une année complète. ce besoin de voir le cycle de vie complet. Des otaries, des manchots, des oiseaux, revoir revenir la saison. Une fois qu'on a vu tout ça déjà... on a l'impression qu'on peut rentrer.

  • Speaker #1

    Et là, donc, toi, tu as un petit cabinet ? Comment ça se passe ton quotidien,

  • Speaker #0

    entre deux ?

  • Speaker #1

    Non, mais là, quand tu arrives à la nouvelle syndrome...

  • Speaker #0

    Oui, en fait, il y a un hôpital, on appelle ça un hôpital, dans lequel j'habite. Il y a un bloc opératoire, une chambre pour le patient, il y a de quoi faire soi-même un petit peu d'analyse sanguine, biologie, il y a un cabinet de dentaire, il y a de quoi faire des radios. voilà et le truc c'est qu'on est quand même tout seul avec que deux mains donc la première étape c'est de former les autres personnes à t'aider d'accord voilà à t'aider au bloc opératoire à t'aider pour faire les prises de sang les radios mais donc tu choisis t'es le soir au dîner c'est sur volontariat parce que ceux qui aiment pas le sang ceux qui aiment pas le sang et tout tu vas pas les on fait des malaises c'est pas le but du jeu c'est sur le volontariat mais moi au fur et à mesure des missions j'ai quand même eu trois chirurgies à faire et tu fais ta chirurgie avec l'ornitho, le gendarme, le cuisinier, l'informaticien. J'ai un souvenir, on a mis du Georges Brassens, puis à la fin, on a chanté les copains d'abord. Super ambiance. Eux, ils t'emmènent attraper des manchots et des otaries, ou alors ils t'emmènent gérer l'approvisionnement d'eau. Donc en fait, chacun...

  • Speaker #1

    Oui, chacun échange son savoir.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est une chance incroyable, parce qu'ils sont 22, j'ai pas du travail. par-dessus la tête non plus. Donc, j'ai le temps de faire autre chose.

  • Speaker #1

    Tu es surtout là pour des urgences, en fait.

  • Speaker #0

    Il y a les petites bobologies du quotidien. Et puis, l'hivernage, psychologiquement, c'est quand même un concept. Ce n'est pas facile tous les jours. donc il y a quand même ce petit suivi au quotidien t'es un peu psy aussi alors ? sachant que comme tu fais partie du groupe c'est un peu compliqué d'être psy et de faire partie de... C'est un genre de psy.

  • Speaker #1

    Oui, on est ravis de pousser ta porte pour un peu se confier.

  • Speaker #0

    Oui, selon les affinités. Il y en a qui n'ont pas envie de me parler. Mais oui, ça peut être... En fait, parfois, tu les vois dans le bureau. Parfois, tu les vois dans la salle de café.

  • Speaker #1

    Et donc, pendant quatre mois, tu ne bouges pas. Il n'y a rien autour de toi, de toute façon.

  • Speaker #0

    Alors, surtout la Nouvelle-Amsterdam. Tu as encore Kerguelen, Crozet. Il y a du passage de bateaux de pêche ou de bateaux militaires. Nouvelle-Amsterdam, c'est vraiment le caillou où personne ne passe à part un bateau de pêche de langoustes qui s'appelle l'Austral. mais qui n'est pas là toute l'année. Donc effectivement, il ne se passe rien.

  • Speaker #1

    Et comment on t'est nourri alors ?

  • Speaker #0

    Le bateau, donc le Marion Dufresne ravitaille tous les quatre mois. Donc tu as à manger, tu as du frais pendant à peu près trois semaines, parce qu'il y a déjà eu trois semaines de bateau avant. et puis ensuite, tu travailles sur des conserves et du surgelé, des choses comme ça. Avant, il y avait des potagers. Je ne sais pas où ça en est à la Nouvelle-Amsterdam, mais dans la logique de la réserve, on les a arrêtés pour éviter la transmission de maladies et revenir à des végétations vraiment locales, initiales. D'accord, initiales. C'est ça.

  • Speaker #1

    Et si tu as un problème quand tu es là-bas, il se passe quoi ?

  • Speaker #0

    Si tu as de la chance, il y a un bateau pas très loin qui peut t'emmener. Sinon, il faut faire descendre un bateau de la Réunion, ce qui met au moins cinq à six jours.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas d'avion, tu n'es pas à côté.

  • Speaker #0

    Tu n'auras pas d'avion, tu es trop loin de la Réunion. Et il n'y a pas de piste. C'est un caillou volcanique, donc tu ne peux pas faire atterrir. Non, ça, ça ne marche pas.

  • Speaker #1

    On te fait des tests, d'ailleurs, pour savoir si tu es en bonne santé avant d'y aller.

  • Speaker #0

    Oui, tout le monde passe. Pour les hivernants, c'est un peu plus lourd. Les hivernants, c'est ceux qui font toute l'année. Il y a ce qu'on appelle les campagnards d'été, qui, eux, ne font que la saison d'été, la campagne d'été. Et tout le monde passe des examens médicaux plus ou moins poussés en fonction de la durée de séjour. Et des examens psychologiques. pour les hivernains aussi.

  • Speaker #1

    Oui, ce qui semble logique quand même. Parce que tu... En même temps,

  • Speaker #0

    si tu emmènes un psychopathe, ça ne fait pas bon ménage.

  • Speaker #1

    C'est le loft dans la nature.

  • Speaker #0

    Mais les psychopathes sont très bons aux examens psy. Ils sont meilleurs. Ça ne marche pas, ça.

  • Speaker #1

    Et donc, tu rentres, donc quand même transformée, j'imagine.

  • Speaker #0

    Le premier retour a été très, très, très difficile.

  • Speaker #1

    Ça se passe comment ?

  • Speaker #0

    On est arrivés à la réunion avec le bateau. Je me rappelle, les copains m'ont emmenée dans un grand supermarché parce qu'ils voulaient faire des courses pour renvoyer du chocolat et des bonbons à ceux qui étaient restés là-bas. et moi j'ai fait une crise d'angoisse dans ce magasin c'était trop et puis bien sûr j'ai voulu revenir absolument faire un hiver complet et à mon passage avec le bateau Crozet était l'île qui m'avait le plus accrochée donc quand je suis arrivée à Paris en avion je suis allée directe chez mon directeur médical Je me rappelle, j'avais 42 fièvres, j'étais en âge. Et en plein mois de décembre, j'étais en t-shirt, fatiguée, mais je lui ai dit, je veux repartir.

  • Speaker #1

    Et quand tu dis directeur médical, c'est qui alors ?

  • Speaker #0

    À l'époque, c'était le docteur Claude Bachelard, qui est responsable du service médical des terres australes.

  • Speaker #1

    Des terres australes. Voilà,

  • Speaker #0

    et c'est lui qui faisait l'embauche. Donc il m'a dit, pas de problème, tu veux aller où ? Donc j'ai dit, je veux aller à Crozet. Et comme ça, neuf mois plus tard, j'étais repartie sur le Marion Dufresne. Mais cette fois-ci, pour faire une année complète.

  • Speaker #1

    D'accord, tu étais repartie. Et pendant ces neuf mois, qu'est-ce que tu as fait alors ?

  • Speaker #0

    Entre les deux ? J'ai refait ma formation, du coup, là, de trois mois, ce qui ne faisait pas de mal. Et c'est une année où j'ai beaucoup voyagé avec mes amis. Je suis partie dans les Highlands, en Écosse, qui m'ont tellement rappelé Amsterdam que du coup, j'adore l'Écosse. Et je me rappelle, c'est l'année aussi où je suis partie en Mongolie avec des copines. Et puis, comme j'avais le temps, elles, elles sont rentrées en avion. Puis moi, je suis rentrée avec le transsibérien. et à peu près en train et en bus jusqu'à Lyon. À l'époque, j'étais à Lyon. J'ai pris le temps de voyager pas mal pour repartir pendant un an.

  • Speaker #1

    Mais qu'est-ce qu'on met dans sa valise quand on part un an sur un caillou comme ça ?

  • Speaker #0

    On met plein de choses qu'on n'utilise pas. Je ne suis pas la seule qui pourra te le dire. J'ai emmené un harmonica, une méthode d'italien, de l'aquarelle. Je n'ai pas ouvert ma cantine et j'ai fait plein d'autres choses que je n'avais pas prévu de faire. Dans ma valise, du coup, les vêtements, oui, les photos des copains. de la famille, ça, pour tapisser un peu les murs, etc. Finalement, en termes de gourmandise ou de choses qui peuvent manquer, moi, j'ai pas trop souffert en grossissant là-bas. Plutôt qu'autre chose.

  • Speaker #1

    C'est vrai ? Ouais.

  • Speaker #0

    Bah, ça va faire que manger pour se réconforter. Tu bois un peu ? Oui. Maintenant, l'alcool est régulé.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et en plus, il est pas très bon. Du coup, ça facilite un peu les choses. Mais ouais. Donc, dans la valise, il faut au final... tout ce que j'ai emmené, je ne l'ai pas utilisé.

  • Speaker #1

    Et donc là, tu es restée un an. Et c'est quoi la différence entre Crozet et la Nouvelle-Amsterdam ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la même météo. Et Amsterdam est plus haut en termes de latitude. Donc, tu es vraiment sur un climat plus proche de la Bretagne. On va dire en pire, c'est ce qu'on dit d'habitude. Mais où tu peux avoir du gros soleil, vraiment qui tape en rando et compagnie. Comme des jours de pluie avec des tempêtes, pas possible. Mais on est sur une végétation qui n'est pas la même. Crozet, c'est... 300 jours de pluie par an, 200 jours de vent au-delà de 80 km heure.

  • Speaker #1

    Tu m'endurais, toi.

  • Speaker #0

    Moi, j'adore. Quand il n'y a pas de vent, j'ai l'impression que la terre s'est arrêtée.

  • Speaker #1

    Tu aimes quand c'est rude quand même.

  • Speaker #0

    Il faut croire. Je suis allée au Marquis, mais quoi que c'est rude pour la Polynésie, donc il y a peut-être un truc. Crozet est beaucoup plus humide. La météo est plus tourmentée. C'est vraiment des roches très escarpées. Et puis, Crozet fait six fois plus. Six fois plus grand quand même.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de voiture non plus ? Vous faites tout à pied ?

  • Speaker #0

    À l'époque, il y avait un pick-up sur la base. Qui d'ailleurs, a priori, était pour moi. Mais comme j'étais une nanane... bizarrement j'ai jamais eu le rôle de conduire de l'année il y a toujours quelqu'un pour le conduire pour moi mais vous pouvez vous balader un peu sur l'île avec ce... c'est absolument pas praticable sur Crozet il y a une route qui fait 400 mètres qui descend de la base à la baie du marin où tu as la grande colonie de Manchot-Royaux où les chercheurs travaillent mais à part ça les chercheurs ils descendent à pied, c'est pas eux qui ont la voiture et tout le reste de l'île ça ne se fait qu'à pied et c'est pas un GR des fois il y a tellement de tourbes pour protéger la végétation on marche avec des raquettes dans la rivière, dans la mousse il y a des pierriers de pierres volcaniques c'est pas de la rando simple, mais c'est moi qui marchais pas, j'ai appris à marcher là-bas pareil,

  • Speaker #1

    c'est devenu une passion et vous étiez combien là pendant une année ?

  • Speaker #0

    alors Crozet, on était 35 l'été, et puis on est tombé à 21 au plus bas de l'hiver

  • Speaker #1

    C'est dingue.

  • Speaker #0

    Un peu le même topo.

  • Speaker #1

    Il y a un cuisinier ou c'est vous qui faites la cuisine ?

  • Speaker #0

    Il y a deux cuisiniers qui ont le poste, je pense, le plus difficile de toute la base. Surtout chez les Français. Il n'y a quand même pas plus exigeant que les Français en gastronomie. Souvent, c'est des cuisiniers de la Réunion. Parce qu'ils embauchent pas mal de civils réunionnais. Moi, j'ai découvert le rougail saucisse, le boucané. J'adore, c'est super bon. et puis de temps en temps on essaye de faire la cuisine un peu pour leur donner des jours off ou parce que ça fait plaisir oui c'est agréable en plus c'est ça voilà mais puis en dehors de la base tu peux partir à pied pour accompagner certaines missions scientifiques ou de la réserve et là tu dors dans des petites cabanes assez rustiques et là tu fais la cuisine

  • Speaker #1

    C'est extraordinaire quand même. C'est une vie extraordinaire, complètement coupée du monde.

  • Speaker #0

    Oui, alors maintenant, il y a de plus en plus d'Internet, donc bien sûr, ça change. Mais à l'époque, le téléphone était à 1 euro la minute. Et il y avait trois postes informatiques avec Internet pour juste aller sur ta boîte mail, etc. Donc c'est vrai que tu mettais ton téléphone dans un tiroir pendant un an. C'est dur d'être coupée de la famille et des proches, mais c'est bien d'être coupée aussi des fois de la frénésie du monde.

  • Speaker #1

    Vous aviez les infos ? Vous regardiez les infos ?

  • Speaker #0

    Non, on avait chaque semaine un petit format à quatre des dépêches de l'AFP. Choisis. Choisissez. Donc,

  • Speaker #1

    il pouvait se passer des trucs dans le monde. En fait, vous étiez vraiment à part.

  • Speaker #0

    Oui, mais il y a des sujets qui génèrent des sacrés remous. Moi, j'étais en 2013 sur tout le moment où on a voté la loi du mariage pour tous. je ne te raconte pas à table tout le monde n'était pas d'accord et quand tu vis tout le temps les uns sur les autres ça a créé des sacrées tensions et puis il y a une année où j'étais en Antarctique sur les tout débuts du Covid une année arrivée en Antarctique le jour de l'attentat du Pataclan donc si les choses arrivent et puis en plus en étant loin on n'est pas de la même façon et ta famille peut t'appeler si jamais il se passe quelque chose oui et par contre s'il se passe quelque chose c'est là-bas de toute façon tu peux pas rentrer ça se discute ça se discute ouais ça se discute mais on affrètera pas un bateau pour que tu puisses rentrer à l'enterrement de la grand-mère ou quelque chose comme ça non ça c'est pas possible mais il y a des gens qui peuvent choisir d'abréger leur mission parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas à la maison ou quoi le poste de médecin c'est compliqué, on ne te laisse pas partir si tu n'as pas un remplaçant et si toi tu tombes malade ? c'est arrivé à une collègue qui s'est blessée elle a été ramenée avec un bateau de pêche en fait à Kerguelen il y a deux médecins il y a un interne et puis un médecin donc ils sont allés chercher l'interne ils l'ont déposée à Crozet puis ils ont ramené la collègue c'est pas organisé quoi oui mais c'est des moyens qui sont coûteux Détourner un bateau, affréter un bateau, c'est quand même des choses très très coûteuses. Donc ça se fait pas comme ça.

  • Speaker #1

    Comment on dit au revoir d'une année comme ça ?

  • Speaker #0

    Comment j'ai... C'était il y a tellement longtemps, tiens, puis maintenant je pars tout le temps, alors c'est devenu un peu routinier. J'ai horreur de dire au revoir, j'ai horreur de voir ma mère pleurer à chaque fois. J'ai tendance à pas dire au revoir, en fait. Tu pars quoi ? Je vois tout le monde, on fait un resto, une bouffe, et puis je dis à la prochaine, mais il n'y a pas de... Non, il n'y a pas d'endroit officiel.

  • Speaker #1

    Et alors, tu termines une année là-bas. Tu rentres à Paris.

  • Speaker #0

    Oui. Après, j'ai passé six mois à me demander ce que j'allais faire comme travail parce que rien ne serait jamais à la hauteur. C'est un peu compliqué.

  • Speaker #1

    Mais tu ne te dis pas que tu vas ouvrir un cabinet de ville ?

  • Speaker #0

    Jamais.

  • Speaker #1

    Jamais. Tu sais qu'il faut que tu partes ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que j'adore aller découvrir. Il y a un truc dans la découverte, aller ailleurs. Et puis encore, les terres australes, c'est que des Français. Donc, il n'y a même pas la dimension culturelle que j'avais au Sénégal. Mais moi, je m'en lasse pas, quoi. Et puis, j'ai parlé avec des médecins qui ont fait la Guyane, les Nouvelles-Calédonies, le Vanoua et tout. On a l'impression qu'il y a un terrain de jeu. c'est pas possible donc il y a des tas de choses à faire et puis j'avais cette idée d'humanitaire alors qu'est-ce que tu fais après ? je postule chez Médecins Sans Frontières rien ne t'arrête ?

  • Speaker #1

    dans la logique des choses et comment ça se passe quand on postule chez Médecins Sans Frontières ? tu peux choisir tes pays, tes missions ?

  • Speaker #0

    c'est-à-dire qu'une fois que tu as passé le processus de recrutement et qu'ils ont dit que tu pouvais y aller donc ça aussi j'imagine que tu es assez forte psychologiquement et que tu peux J'ai eu un entretien de deux heures, en fait. Mais vu mon CV, ils m'ont dit que j'étais plus que prête. En gros, je pense qu'ils étaient rassurés. Il y avait eu le Sénégal toute seule. Il y avait eu ensuite les Terres Australes. Et il y a énormément de gens qui font les deux. L'humanitaire et les Terres Australes, c'est vraiment le même type de profil. Donc, ça n'a pas été très compliqué, l'embauche. Et après, effectivement, ils te proposent des missions et tu n'es pas forcé d'accepter. Tu as le droit de dire, ce pays-là, je ne le sens pas, etc.

  • Speaker #1

    alors qu'est-ce qu'il te propose ?

  • Speaker #0

    il me propose un poste à Bangui qui est la capitale de la Centrafrique pour chapeauter une petite équipe d'une dizaine de soignants qui font de la consultation mobile c'est à dire qu'on a un endroit dans un dispensaire mais on amène tout le matériel tous les jours et on ramène tout l'après-midi on reste jamais sur place ça s'appelle PK5 c'est le quartier musulman dans Bangui et en fait les gens de ce quartier s'ils sortent du quartier, mais il n'y a pas de mur il y a juste une rue s'ils traversent la rue, ils se font tuer. En fait, la tension entre les ethnies, qui est un peu autour de chrétiens, musulmans, mais c'est plus compliqué que ça, est si forte que les gens ne peuvent plus quitter le quartier, ils ne peuvent pas aller à l'hôpital. Et nous, notre job, c'est de soigner surtout les petits, les enfants. Donc on y va, on est une...

  • Speaker #1

    Mais vous ne pouvez pas rester vivre dans le quartier ?

  • Speaker #0

    C'est trop dangereux. Ah ouais ? C'est trop dangereux, donc tous les soirs, on est ramenés à l'extérieur.

  • Speaker #1

    Mais par contre, vous êtes bienvenus, ils vous attendent quand même, eux, dans le quartier, ils ont besoin de vous ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que quand on ouvre les portes... Alors si c'est trop dangereux, s'il y a eu une attaque la veille ou quelque chose, on arrive... C'est le quartier du marché, donc c'est très vivant, en fait. Et c'est arrivé des journées où il n'y avait personne, il n'y avait pas un chat. Donc là, on sait qu'on ne verra personne, et surtout, ça veut dire que ça craint qu'il s'est passé quelque chose. Et puis les jours où ça va, on a 200 personnes minimum. qui débarquent. 200 mamans avec les bébés.

  • Speaker #1

    Ils sont contents de te

  • Speaker #0

    Oui, alors après, ce n'est pas parce que c'est MSF que tout le monde est content. Je me suis grondée par des mamans qui trouvaient que je ne donnais pas assez d'antibiotiques optiques. J'en ai eu une, elle m'a dit, c'est parce que je suis musulmane, mais elle, elle est catholique, donc tu lui donnes des antibiotiques.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    on se fait malmener aussi. C'est des gens qui sont inquiets pour leur santé, en fait. Et ce n'est pas parce que c'est gratuit qu'ils sont... Bien sûr. Voilà, ils ont le droit.

  • Speaker #1

    C'est l'armée qui te protège quand tu vas dans le quartier le matin ?

  • Speaker #0

    Médecins sans frontières se protègent lui-même, ils essayent de ne pas justement être associés à l'armée pour éviter de devenir une cible. Donc il y a une espèce de devoir de neutralité, ce qui fait qu'on assure notre sécurité tout seul. Donc il faut avoir confiance dans la personne qui est responsable. Ou dans ton supérieur.

  • Speaker #1

    Il y a une histoire humaine quand même, une force humaine. Et là, les mamans que tu rencontres, ce que tu dis sur tous les mamans, elles parlent français ?

  • Speaker #0

    Souvent, oui. Après, dans l'équipe de... En fait, moi, je soignais, mais pas tellement parce que je ne parlais pas le sango. Donc, je l'ai appris au fur et à mesure. À la fin, je pouvais faire une consulte à peu près, mais pas aussi bonne que si c'était mieux maîtrisé. Par contre, les infirmiers et une médecin avec qui je travaillais, eux, étaient centrafricains. Donc voilà, finalement, c'était plus une histoire d'intervenir si la situation était compliquée, de former les gens à la consultation. C'était de la supervision. et de la consulter.

  • Speaker #1

    Donc là, tu es vraiment allée à l'encontre de l'humain. Parce que tu disais, terre australe, c'était vraiment la grande nature et finalement, les Français. Mais là, tu es vraiment dans l'humain 100%. Oui,

  • Speaker #0

    c'est la culture et puis c'est un conflit. Une zone de conflit, je n'étais jamais arrivée. Je n'avais jamais vécu ça. Ce n'est pas les belles vacances au fin fond du pays où tu vas rencontrer les gens dans les villages. Là, c'est, il y a des militaires qui tournent, il y a des armes, tu entends des balles. C'est un univers extrêmement hostile. Et puis, c'est la première fois que je me suis sentie autant enfermée, puisqu'on n'a pas le droit de quitter la maison, ou très peu.

  • Speaker #1

    Parce que le soir, on va te déposer, tu vis avec des copains, vous vivez entre vous, tu vis comment ?

  • Speaker #0

    Le soir, c'est une maison d'expatriés. C'est-à-dire que tous les gens de la mission vivent dans une maison ensemble. Mais tu as un couvre-feu. Si tu veux aller boire un verre chez Action contre la faim ou autre, il faut que tu demandes l'autorisation au chef de la mission. C'est extrêmement contraint. ce que je comprends. On n'a pas le droit de lier amitié avec des gens du pays. Si on est invité à un mariage, on n'a pas le droit d'y aller. L'idée, c'est de rester neutre. Il y a des tas d'ethnies, il y a des tensions, il y a des enjeux, donc il faut rester neutre. Mais alors là, d'être dans un pays comme ça, et de ne pas pouvoir le découvrir, c'est une drôle de sensation.

  • Speaker #1

    Tu restes combien de temps là-bas ?

  • Speaker #0

    Six mois.

  • Speaker #1

    et tu tiens 6 mois ?

  • Speaker #0

    oui c'était vraiment un vrai plaisir en plus avec le Sénégal j'avais l'expérience du palu au niveau médical j'étais assez à l'aise et j'ai vraiment pu profiter et amener quelque chose c'est pas moi qui ai tout appris pendant 6 mois j'ai pu un peu construire...

  • Speaker #1

    Des échanges, quoi. Et t'avais des jours off ? Tu pouvais faire quelque chose ou t'étais dans la maison les jours off ?

  • Speaker #0

    Le soir et les jours off, t'es surtout dans la maison. De temps en temps, on avait le droit d'aller à la piscine, mais on se retrouve en fait dans des endroits d'expats. C'est ça qui m'a un peu gênée. C'est une capitale et on se retrouve dans les mêmes hôtels, aux mêmes piscines, les soirées avec d'autres ONG et il y a un côté un peu indécent à tout ça. Donc ça ne m'a pas trop convenu. Je sais que quand j'ai repostulé chez eux, je leur ai dit si je pouvais ne pas partir en capitale, J'avais entendu te parler de missions plus en rural.

  • Speaker #1

    C'est plus facile de se mélanger quand tu es hors des villes.

  • Speaker #0

    En tout cas, de ne pas avoir l'impression de flamber son argent quand le reste du pays est à l'agonie ou affamé. C'est ce décalage-là qui me gênait. Oui,

  • Speaker #1

    être plus d'égal à égal, de partager plus la vie des gens.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et ces missions, elles durent tout le temps six mois ou c'est à un moment, tu dis j'ai envie de rentrer ?

  • Speaker #0

    Tu choisis. Non, tu donnes ta durée avant. tu as une égoïsme qui t'a duré avant après ça dépend de ce dont ils ont besoin mais en médecine générale ils ont surtout besoin de gens qui restent longtemps l'idée c'est de construire toi tu pars et il y a un autre médecin qui te remplace voilà mais si tu fais plus court ça devient du tourisme médical mais ça dépend mais par exemple un chirurgien qui part là-bas lui il va opérer donc s'il part un mois il va opérer tous les jours tu peux comprendre qu'au bout d'un mois il soit fatigué un anesthésiste pareil le médecin généraliste souvent il a un poste de chef d'équipe donc il faut construire quelque chose si tu viens un mois,

  • Speaker #1

    tu n'as pas le temps d'avoir compris la situation tu es déjà reparti et créer des liens avec tout le monde pour travailler ensemble les gens qui travaillent avec toi,

  • Speaker #0

    ils ont besoin d'un peu de continuité

  • Speaker #1

    sinon ils perdent la tête et t'arrives à partir au bout de 6 mois ? c'est pas dur de quitter ces gens justement ?

  • Speaker #0

    c'est dur et pas dur mais la restriction de liberté était extrêmement pesante donc ça fait du bien de partir t'es contente ? je suis ravie j'ai envie de recommencer mais je suis aussi ravie de marcher dans la rue d'une ville sans me demander s'il va m'arriver quelque chose et de pouvoir aller faire une rando d'être libre et de ne pas guetter les balles qui sifflent et

  • Speaker #1

    qu'est-ce que tu fais après ça ?

  • Speaker #0

    j'ai fait ma première mission Antarctique

  • Speaker #1

    Et tu postules auprès de qui pour une mission en Antarctique ?

  • Speaker #0

    Alors l'Antarctique, la Terre Adélie a beau faire partie des terres australes et antarctiques françaises, mais avec un statut un peu à part, c'est l'Institut polaire français qui gère en majorité le recrutement des personnes sur la Terre Adélie.

  • Speaker #1

    Donc Terre Adélie, que j'ai bossé mon entourage.

  • Speaker #0

    Ah bah ouais.

  • Speaker #1

    C'est une partie de l'Antarctique, c'est ça ?

  • Speaker #0

    C'est une part du fromage.

  • Speaker #1

    C'est une part du fromage. Tu envoies l'Antarctique comme un fromage.

  • Speaker #0

    C'est la part française du fromage. Ok, voilà. Et donc j'ai postulé pour ce qu'on appelle le RED, qui est un ravitaillement logistique qui part de la côte de la Terre Adélie, juste à côté de la station du Mont-Durville, et qui parcourt 1 200 km, donc c'est terrestre, c'est des tracteurs avec des conteneurs sur ski, c'est une caravane, et qui va jusqu'à la station Concordia, qui est à 1 200 km à peu près, sur un plateau qui est à 3 000 m d'altitude. et ce qu'on voit de ravitaillement a besoin d'un médecin extraordinaire et donc à Crozet quand j'en ai parlé on m'a dit non t'auras pas le poste c'est très demandé ces postes là ? c'est ce qu'on m'a dit, bon bah j'ai eu le poste

  • Speaker #1

    comme quoi il ne faut vraiment jamais faire ça et tu as eu le poste pour une mission ? pour un ravitaillement ?

  • Speaker #0

    oui j'ai fait un et demi c'est à dire que j'ai fait l'ouverture de la saison parce que la station de Cap Prud'homme qui est en face de Dumont-Durville ne sert qu'à ça il y a de la science aussi mais elle ne vit que l'été donc elle s'ouvre fin octobre tout se met en place moi je suis arrivée avec les premiers arrivants et cette année là on a fait un mini raid c'est à dire qu'on a fait que la moitié pour aller à mi-chemin damer une piste d'avion et mettre du kérosène, qui sert de piste de secours pour les avions qui transitent entre Concordia et Cap-Prud'homme. Donc ça m'a permis de me mettre en jambes. On n'était pas très nombreux, on n'a fait que la moitié. Et là,

  • Speaker #1

    tu es dans un tracteur toute la journée ?

  • Speaker #0

    Donc là, tu es dans un tracteur toute la journée. Le contrat, c'est médecin, cuisinier, chauffeur. donc parce qu'avant il ne m'était pas cuisinier il y avait des médecins qui ne voulaient pas le faire il faut bien préciser voilà sinon et donc tu conduis le tracteur s'il y a de la médecine à faire tu fais ça veut dire qu'il faut que tu gères tes médicaments ton matériel ça c'est toi toute seule il faut que tu aies pris tout dans ton sac à dos ah oui tu as carrément une armoire tu as beaucoup de matériel et puis aussi tu fais l'intendance donc tu gères l'eau potable est-ce qu'on en a amené assez et tu prépares les repas tous les jours qui sont des repas préparés déjà.

  • Speaker #1

    Tu ne te mets pas à faire un petit rôti de veau ?

  • Speaker #0

    Non, tu n'as pas le temps. Sauf s'il y a une panne.

  • Speaker #1

    Il y a combien de personnes avec toi dans ce convoi ?

  • Speaker #0

    Sur un convoi classique, on va dire entre 8 et 12 personnes. On ne roule pas vite, c'est des tracteurs. Il faut monter à 3000 mètres. L'aller va prendre grosso modo une dizaine de jours. Et puis le retour, plutôt 8.

  • Speaker #1

    Et tu dors où ?

  • Speaker #0

    il y a ce qu'on appelle deux caravanes, la caravane vie, la caravane énergie. Dans cette caravane vie, tu as la salle à manger et cuisine, et puis des chambres. Dans l'autre caravane, tu as la salle de bain, les toilettes et de quoi faire la vaisselle. Et puis le générateur qui nous permet d'avoir toute l'énergie nécessaire. Donc tu es vraiment itinérant. des nomades de l'Antarctique c'est ça du coup c'est encore plus confiné Amsterdam à côté c'est de la rigolade les uns sur les autres il y avait d'autres femmes ? j'en ai fait il n'y avait pas de femmes à part moi et puis j'en ai fait on était trois et j'ai eu une amie, Elisa, qui est sociologue et anthropologue, avec qui j'ai fait deux fois le raid aussi.

  • Speaker #1

    T'as aimé ce raid ?

  • Speaker #0

    Moi, ça a été pareil, un grand coup de foudre. Mais ce qui est drôle, parce que mon premier raid, le vrai raid complet, a été un des pires en termes de panne et de galère absolue. C'était un cauchemar, apparemment. J'ai trouvé ça génial. Du coup, quand j'ai fait le deuxième et que ça s'est bien passé, je n'ai pas compris, en fait. Je pensais que ça se passait toujours mal, comme le premier. Mais oui, c'est magnifique. C'est absolument magnifique.

  • Speaker #1

    C'est tout blanc.

  • Speaker #0

    tu vois que c'est blanc ? il y a des jours c'est gris puis tu vois du bleu s'il y a le ciel mais c'est plat en fait l'Antarctique ça monte très haut il y a beaucoup de reliefs mais pas dans l'Antarctique Est donc tu montes doucement sans presque t'en rendre compte et le seul relief que tu as c'est les vagues qui sont sculptées par le vent qui est toujours dans le même sens c'est vrai qu'ils les astrugies c'est des choses très belles on dirait des dauphins des vagues tu vois tout ce que tu veux à perdre de vue. Certaines personnes trouvent ça très angoissant. Moi, ça m'apaise beaucoup.

  • Speaker #1

    Tu écoutes de la musique, tu lis des livres dans ces voyages-là ?

  • Speaker #0

    Oui, tu écoutes des podcasts, tu écoutes des livres, des musiques. Plus ça va, moins j'écoute. C'est vrai ? Avant, j'écoutais beaucoup, beaucoup de choses. Et puis, plus ça va, plus j'ai des grandes phases où je laisse dans le silence. Ouais, soit je réfléchis, soit je réfléchis pas d'ailleurs et ça fait du bien aussi de pas être toujours sollicité par quelque chose en sonore Parce que t'es toute seule dans ton Dans le tracteur t'es tout seule d'ailleurs ça étonne souvent les gens mais en fait personne ne veut partager son tracteur le tracteur de toute ta mission en Antarctique est ton seul espace d'intimité D'accord C'est le seul endroit où tu peux te mettre le doigt dans le nez ou pas réfléchir à s'il faut que tu rentres ton ventre ou je ne sais quoi, c'est vraiment le seul moment où t'as presque la paix et ça fait du bien et les gens sont les gens n'ont pas envie d'avoir quelqu'un sur le stétabule à côté,

  • Speaker #1

    ouais c'est vraiment ça et ça tu fais ça combien de fois ?

  • Speaker #0

    ben là tu vois je suis revenue il y a 15 jours de ma cinquième mission là-bas et je pensais que ce serait la dernière cette année je suis allée pour dire au revoir et puis au bout d'une semaine j'ai dit non pas du tout, jamais de la vie je refais et pourtant c'est violent pour y aller, moi j'ai beaucoup de mal avec le bateau donc cette année le bateau qui y va c'est l'Astrolabe c'est un bateau, alors avant il y avait l'ancienne Astrolabe qui était encore pire maintenant il y a le nouvel Astrolabe c'est la marine nationale qui est dessus alors moi j'ai un mal des transports terrible il bouge tu pars d'où alors toi ? tu pars de Hobart en Tasmanie et si tu as la chance d'y aller en avion tu pars de Hobart en Tasmanie ou de Nouvelle-Zélande Christchurch et là le bateau c'est combien de temps ?

  • Speaker #1

    c'est 5 jours mais 5 jours d'enfer

  • Speaker #0

    Non, ça dépend. Il y a des fois, c'est bien quand même. Mais là, cette année, l'aller, ça a été l'horreur.

  • Speaker #1

    Mais c'est quoi l'horreur ?

  • Speaker #0

    Moi, il y avait six mètres de creux pendant trois jours et demi. J'ai fini sous perfusion. Ah oui ? Donc,

  • Speaker #1

    il y a un autre médecin dans le bateau,

  • Speaker #0

    à priori ? Oui, il y a le médecin militaire. Il y a un infirmier aussi. Il y a le pauvre infirmier. Il m'a posé le garrot pour me mettre la perf. Il est allé vomir. Il est revenu pour me mettre la perf.

  • Speaker #1

    Et pourquoi ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on te met ? On me met de l'eau, du sel, du sucre.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Parce que tu vomis trop ?

  • Speaker #0

    Parce que ça fait trois jours que je n'ai pas dormi, que je n'ai pas réussi à garder ce que je... J'avais des hallucinations, ce n'était pas clair.

  • Speaker #1

    À cause d'un énorme mal de mer.

  • Speaker #0

    Mais c'est le pire que j'ai eu. Les autres fois, je suis juste à chaise pendant deux, trois jours. Et même des moments, je suis bien. Je suis sur le pont et tout.

  • Speaker #1

    Mais tout le monde est pareil, non ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y a pas de justice dans le mal des transports.

  • Speaker #1

    Mais quand tu as trois jours à s'y mettre...

  • Speaker #0

    Je sais qu'il y avait cinq marins qui étaient à chaise, au fond des Madès, sur un équipage de 35. Je pense que c'était quand même la mer un peu pénible.

  • Speaker #1

    D'accord. Et on te prévient avant de monter ? C'est comme dans l'avion, quand on dit qu'il va y avoir des turbulences ?

  • Speaker #0

    Oui, mais ça, je pense que c'est contre-productif. D'ailleurs, j'ai passé toute la matinée à les engueuler en disant Arrêtez de dire que ça va être l'horreur parce que vous êtes en train de faire bon. Ça n'a pas loupé. Oui, il y a des fois, il ne vaut mieux pas savoir.

  • Speaker #1

    Et donc, tu sais que tu vas le refaire dans l'autre sens.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu n'as pas le choix. t'es coincée et comment tu fais pour prendre l'avion alors pourquoi il y en a qui prennent l'avion en fait si t'as la chance de faire vraiment l'ouverture de saison ils ouvrent en avion parce que le bateau peut pas encore accéder la banquise est trop présente donc là c'est génial moi j'ai aussi le mal des transports en avion mais je vomis que 8h ben voilà j'arrive pas à percuter au coup ça te mal tes transports et tu continues de parcourir le monde moi je suis en carton mais ça m'agace de me dire que ça peut me limiter tu t'es jamais limitée en fait non ma limite en humanitaire c'est les bombardements c'est le seul truc où ma limite c'était ça t'as pas beaucoup de limites quoi et t'as fait quoi comme autre voyage incroyable à part ces raids alors et l'autre endroit où j'ai adoré travailler c'est les Marquises en Polynésie merci maman elle nous emmène aux Marquises, j'avais 17 ans et on arrive sur l'île de Nukuiva qui est l'île principale de l'archipel des Marquises les Marquises c'est la Polynésie française mais c'est vraiment en plein milieu du Pacifique et c'est l'île habitée la plus isolée des autres habitants du monde c'est vraiment un endroit encore un peu perdu. Il y a quatre heures de vol depuis Tahiti. Et donc, on est arrivé à Nuku Iva. Moi, j'ai 17 ans. Je ne sais même pas si je veux faire médecine. Ce n'est pas très clair. J'ai un espèce de flash. Ah oui, je vais revenir travailler ici.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi,

  • Speaker #0

    mais je vais revenir vivre ici. Il y a un truc. Mais ce n'est même pas que j'ai adoré. Je savais que je reviendrais. Je ne sais pas pourquoi.

  • Speaker #1

    Tu as senti quelque chose sur cette île ?

  • Speaker #0

    Voilà. Et c'est marrant parce que j'ai senti un effet très négatif sur une autre île. Les Polynésiens appellent ça le mana. ils te disent c'est normal, c'est sensible ou pas au mana, à l'énergie qui se dégage de tel ou tel endroit c'est l'île de Jacques Brel et Paul Gauguin donc voilà moi je suis retournée bosser à Nuku'iva 17 ans plus tard et pareil, ça a été un vrai bonheur ce qui fait que je suis retournée aux marquises Nuku'iva changeait beaucoup, s'urbanisait beaucoup, j'avais plutôt envie de faire quelque chose de plus rural, donc j'ai demandé à aller à Wapo, qui est une plus petite île en face, ça n'a pas été facile en termes humains

  • Speaker #1

    tu y allais comment sur cette petite île ?

  • Speaker #0

    alors du coup une fois que tu as pris ton avion jusqu'à Nuku Iva, soit tu as de la chance et tu as un petit coup d'avion, soit tu prends le bateau il est rude l'atterrissage est assez magique la piste démarre au bord de la mer et tu as des grands pics volcaniques au bout de la piste et les pilotes sont à deux sur les manettes pour être sûr qu'il y en ait un qui ne se rate pas tout le monde fait une prière avant de partir et tout le monde applaudit en arrivant mais le bateau il est rude aussi Ça va. En fait, la traversée que j'ai faite, ça allait. Mais j'ai eu de la chance.

  • Speaker #1

    Et t'es allée combien de temps sur cette petite île ?

  • Speaker #0

    Alors, Nukuiva, c'était six mois et Wapos, c'était neuf mois.

  • Speaker #1

    Mais il y a combien d'habitants à Wapos ?

  • Speaker #0

    Wapos, c'est 2500 habitants.

  • Speaker #1

    Et là, t'as une petite maison ? Là, tu deviens le médecin un peu du...

  • Speaker #0

    Oui, alors au début, j'avais une maison de fonction entre l'hôpital et le cimetière, mais qui était pleine de puces de lit. Donc, je suis pas restée très longtemps. Je ramenais les puces de lit à l'hôpital, c'était assez désagréable. Et donc, j'ai trouvé une autre maison où j'étais avec une sage-femme. Puis on s'est fait cambrioler, je me suis réveillée avec le gars au-dessus de ma tête en train de me piquer mes affaires, donc j'ai changé de maison. sur une île où il y a 2500 habitants ben oui mais en fait il a piqué du sucre et 10 euros j'avais des sous, mon ordinateur, mon téléphone des trucs comme ça mais il peut pas vraiment les revendre quand t'es sur une petite île je sais pas je me suis fait piquer mon téléphone il a quand même jamais réapparu mais toujours est-il que j'ai fini dans une maison merveilleuse d'une seule pièce avec une grande vue sur la vallée,

  • Speaker #1

    sur les pics volcaniques et pendant 9 mois t'as pas bougé de ton île ?

  • Speaker #0

    non déjà je travaillais tout le temps pendant 4 mois j'ai pas eu de collègue donc j'étais de garde tout le temps 4 mois de garde ça fait long quand même tu sais tout faire toi ?

  • Speaker #1

    tu peux autant accoucher, racheter une dent je bricole dans tout,

  • Speaker #0

    je sais pas faire très bien plein de choses mais je sais faire un peu beaucoup de choses il y avait un dentiste sur place, là ça va j'avais pas à faire les soins dentaires et il y avait la sage-femme donc si jamais il y avait vraiment eu un accouchement elle était bien meilleure que moi pour le faire il n'y a pas eu une histoire où au marquis ils ont demandé après justement d'avoir un

  • Speaker #1

    Un hélicoptère ou un avion pour aller à Tahiti ?

  • Speaker #0

    En tout cas,

  • Speaker #1

    en cas d'urgence, pour avoir...

  • Speaker #0

    En fait, quand j'étais à Nukuiva, il n'y avait plus l'hélicoptère parce qu'il avait existé. D'ailleurs, c'est fou parce que le pilote de l'hélicoptère, je l'ai retrouvé en Terre Adélie. Mais toujours est-il qu'ils n'avaient pas les financements pour garder cet hélico qui servait à rapatrier des plus petites îles vers l'hôpital de Nukuiva.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Où il y a un chirurgien d'anesthésiste. Ce que n'ont pas les autres îles. Et quand je suis retournée et que je suis allée à Wapo, là, ils avaient trouvé les financements. Parce qu'il y a eu le décès d'un bébé. Entre Wapo et Nukuiva. il aurait été sauvé s'il y avait eu l'hélicoptère pour en avoir parlé avec le médecin qui s'occupait de l'affaire c'est un peu plus compliqué que ça mais du coup l'hélicoptère il existait après l'hélicoptère ils ne volent pas de nuit c'est pratique et puis ils ne volent pas quand c'est bâché mais moi j'ai des souvenirs d'avoir tenu des patients un peu casse gueule la nuit en guettant le lever du soleil en disant quand est-ce que je le tiens, je le tiens mais vivement que l'hélicoptère arrive et toi t'es un super héros en fait non,

  • Speaker #1

    bah sinon tu t'en rends pas compte ?

  • Speaker #0

    bah en fait quand t'es là-bas moi ici quand je suis aux urgences, je travaille aux urgences tous les cas compliqués je les laisse à mes collègues urgentistes je pense qu'on a le droit aux meilleurs soins possibles mais quand t'es là-bas et qu'il n'y a que toi c'est pas compliqué en fait soit tu fais quelque chose, au pire ça marche pas soit tu fais rien, donc on y va tu fais et puis WAPO, ce n'est pas comme un service d'urgence en France. Tu as rarement cinq mecs, six mecs à gérer en même temps. Tu as un patient à la fois, donc tu as le temps d'aller aussi ouvrir ton ordinateur, chercher, te renseigner, appeler un collègue. C'est un patient par un patient. Ce n'est pas du tout la même...

  • Speaker #1

    Oui, ce n'est pas le même travail, mais d'être quand même seule au bout du monde, finalement, ça repose sur toi. Ce n'est pas la même chose que d'être ici à l'hôpital avec toute une équipe, des spécialistes, d'autres experts.

  • Speaker #0

    Oui, mais j'ai des copains médecins qui ne le feraient pas.

  • Speaker #1

    c'est vrai qu'il faut se rendre compte t'es quand même un super héros pour moi et pour plein de gens je trouve ça génial et t'as créé des liens là-bas, tu t'es fait des copains ?

  • Speaker #0

    oui, les Polynésiens sont très loin des yeux, loin du cœur donc quand il n'y est plus, t'as du mal à garder le contact mais je sais que quand je suis retournée, il y a eu 3-4 ans entre les deux missions, j'ai retrouvé les copains et puis j'ai une famille d'amis qui est venue à Paris faire soigner son grand à l'hôpital ici je les ai emmenés à Angers, on s'est baladés ensemble et compagnie

  • Speaker #1

    donc t'as enchaîné pendant 20 ans ?

  • Speaker #0

    oui différents endroits avec des petites pauses en France entre les deux parce que sinon tu finis par plus savoir faire de médecine occidentale et tu fais que de la médecine de brousse donc t'as refait des formations pendant 20 ans ? j'ai refait des formations et puis j'ai travaillé en France en fait entre deux histoire de maintenir quand même un peu c'est pour ça que c'est un métier magique tu rentres, t'as un boulot tu lâches un boulot, tu repars, tu reviens c'est un privilège et c'est quoi ton rêve pour demain ? Ah, mes deux jobs de rêve, je voulais, là je suis un peu bloquée, mais dans l'idéal, je voudrais aller travailler en Écosse parce que c'est mon pays adoré. Et j'ai repéré un hôpital sur l'île de Skye qui a l'air très très bien.

  • Speaker #1

    On a le droit, avec un diplôme français, d'aller travailler en Écosse ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, il faut que je me renseigne justement.

  • Speaker #1

    Parce que pour la médecine d'urgence, tu as le droit, sur des missions comme ces médecins sans frontières et tout, mais pour aller vraiment être employée dans un hôpital...

  • Speaker #0

    Ça dépend des pays, en fait. Et mon deuxième job sur ma liste, c'est Vanuatu. Et ça, je sais que c'est faisable. Donc j'ai déjà les contacts de l'hôpital où je pourrais aller.

  • Speaker #1

    Et pourquoi le Vanuatu ?

  • Speaker #0

    Parce que j'ai beaucoup aimé le côté rustique des marquises et la culture pacifique. Je travaillais avec un infirmier qui a beaucoup baroudé aussi, surtout le fin fond de la Guyane, forêt amazonienne, et puis le Vanuatu. Et quand il m'en parlait, quand j'ai vu les vidéos, etc., ce qui m'a attirée, c'est ce côté qui est encore rustique là-bas et les volcans.

  • Speaker #1

    les volcans c'est un truc qui me fascine absolument j'en ai jamais vu en activité l'idée c'est de combiner les deux mais c'est dressé là-bas ou t'as toujours envie de faire ces missions de 6 mois,

  • Speaker #0

    9 mois en fait pour l'instant j'ai envie d'avoir des amis qui rentraient en métropole donc je trouve que c'est très très important de rentrer et de cultiver il y a un entourage quand même j'en ai vu surtout en humanitaire des gens qui vivent sur le canapé entre deux missions jamais chez eux, ils finissent par même ne plus savoir pourquoi ils partent en mission en fait mais il n'y a personne qui les attend

  • Speaker #1

    C'est ça qui te tient, c'est qu'il y a des gens qui t'attendent ?

  • Speaker #0

    Oui, les amis, c'est la base.

  • Speaker #1

    Il existe une communauté de médecins comme toi ? Vous avez un moyen de tous vous contacter ou bien c'est chacun avec son bâton de pèlerin où vous allez chercher vos missions ?

  • Speaker #0

    On se débrouille un peu tout seul, parce qu'on sait où chercher, mais au fur et à mesure, on rencontre d'autres médecins. Il y en a où on accroche, d'autres moins, mais on se recroise. D'ailleurs, finalement, on finit par tous un petit peu se connaître par l'intermédiaire des uns des autres. et il y a quelques années ils ont créé une société médicale qui s'appelle la Sophramie qui est vraiment axée médecine en site isolé et à travers cette société ça permettait d'échanger autour des opportunités de travail autour des pratiques, du matériel etc. mais on est nombreux et je dirais il y a les médecins il y a des infirmiers, il y a des kinés, il y a des sages-femmes je pense à quelques centaines de personnes qui tournent uniquement sur ce type sur l'univers médical autour du monde mais on finit par se croiser un jour généralement et c'est quoi ta plus belle rencontre ? attention la plus belle rencontre elle est une des plus belles oui c'est ça parce qu'il y en qui sont très belles quand même oui si il y en a un qui me vient tout de suite parce qu'on parlait des marquises il n'y a pas très longtemps c'est Pory alors Pory c'est un marquisien qui m'a appris à jouer du ukulélé alors imaginez c'est un gars qui était pêcheur et puis qui avait des problèmes d'addiction, une vie un peu compliquée entre le jeu, la boisson. Il allait à Vegas. C'est vrai que les Polynésiens adorent aller à Las Vegas. Et puis il a été sauvé par sa femme, Marguerite, qui a l'air comme ça d'un gardien de porte de prison et qui est la nana la plus gentille de la Terre, qui était aide-soignante à l'hôpital. et donc il a trouvé Marguerite et Dieu et le ukulélé il s'est racheté une nouvelle vie et lui il est maintenant luthier donc il fait des ukulélés qui sont magnifiques et je les écoutais jouer tous les après-midi le dimanche au petit snack au bord de l'eau ça me faisait rêver, c'était magnifique puis j'ai fini par prendre mon courage à deux mains je me suis pointée avec ma guitare, je connaissais quatre accords donc il a pas du tout aimé la façon dont je jouais par contre quand il a pris ma guitare, il a beaucoup aimé ma guitare donc il m'a dit tu peux revenir mais qu'avec la guitare et au bout de six mois, je l'ai eu à l'usure en fait on est vraiment devenu très proche c'était mon papa adoptif là-bas quand je suis retournée trois, quatre ans après, j'ai recommencé à jouer du ukulélé avec lui dans le petit snack le dimanche après-midi.

  • Speaker #1

    T'as un ukulélé à la maison ?

  • Speaker #0

    Bah du coup j'ai le sien, oui le seul truc vraiment auquel je tiens dans toutes mes affaires, c'est ça

  • Speaker #1

    T'as un souvenir de chaque voyage chez toi ?

  • Speaker #0

    Presque, ouais. Ouais, il y a un petit côté cabinet des curiosités. Beaucoup les marquises, quand même. J'ai vraiment eu beaucoup de cadeaux à la sortie, mais ouais.

  • Speaker #1

    Ouais, ça t'est resté. Et ta plus grande frayeur ?

  • Speaker #0

    Ma plus grande frayeur... Il y en a eu pas mal, quand même. Mais ouais, ce serait sur la mission à Bangui, en Centrafrique. Le chef de la mission nous dit, Allez, il y a eu un accident de camion, je crois que c'était à 80 kilomètres. on y va. Puis on se décide un peu dans la panique. Ce n'est pas du tout la mission qu'on est censé faire. Dans le moment, je ne réfléchis pas, je suis le mouvement. D'accord, on part à trois camions.

  • Speaker #1

    C'est toi la boss ? Tu avais un boss ?

  • Speaker #0

    Non, j'étais ma première mission, donc j'étais en bas de l'échelle.

  • Speaker #1

    Et à quoi ? Après, c'est quelqu'un qui est chef de mission ?

  • Speaker #0

    J'avais ma N plus 1 qui était la médecin référent. Et puis, il y avait lui au-dessus qui était chef de projet.

  • Speaker #1

    Chef de projet. Le chef de mission,

  • Speaker #0

    c'est celui qui chapeaute plusieurs projets dans le pays. Donc, lui était chef du projet de l'hôpital dans lequel je travaillais. Donc on y va, on est sur une route, alors on n'avait pas le droit de quitter la ville normalement, donc on est sur une route de campagne, puis on arrive de nuit sur les lieux de l'accident, et puis en fait il y a plein de gens dans la forêt, on ne voit rien, finalement les blessés ont été émenés ailleurs. Je te passe le milieu de l'histoire qui est un peu long, mais en gros on finit par récupérer des blessés, et là il nous dit qu'il faut qu'on rentre très vite. Et je commence à comprendre qu'en fait, c'est dangereux. C'est-à-dire qu'on ne devrait pas être là. Ça craint. La route est en train d'être barrée par les rebelles. Donc, on repart. Moi, il m'a mis deux gars à l'arrière du camion, dont un qui est dans le coma. Et là, il dit, on ne s'arrête plus. C'est-à-dire qu'on ne s'arrête plus. Que un, pour quoi ? Sous aucune raison, on trace.

  • Speaker #1

    Attends, qui tu dis ça ? C'est le chef de projet ?

  • Speaker #0

    C'est le chef de projet qui dit ça. Il est dans le camion de devant. Et puis, il dit, on ne s'arrête plus, quoi qu'il arrive. Donc là, déjà, tu es mal. Et puis, on roule vite sur une roule qui n'est pas éclairée. Il y a des gens qui traversent. Il y a des villages. Tu te dis, on va finir par percuter un gamin ou quelque chose. Et là, le gars dans le coma se réveille. hyper agitée, mais elle tapait partout dans l'arrière du camion. Le chauffeur à côté de moi, il est terrifié. Je lui dis, mais qu'est-ce qu'on fait, quoi ? Je lui dis, mais il faut qu'on s'arrête, en fait. Il faut que je le calme et tout. Il me dit, non, non, hors de question, tu te débrouilles, tu ne t'arrêtes pas.

  • Speaker #1

    Et tu n'as rien avec toi ?

  • Speaker #0

    Mais je n'avais rien avec moi. Et puis, en plus, il tapait sur le blessé d'à côté qui avait une fracture de jambe. Alors, on prend le sketch. et puis en fait dans la langue que je ne comprenais pas et la situation que je ne comprenais pas on a fini par comprendre qu'il voulait juste faire pipi donc j'ai vidé ma bouteille de Coca-Cola par la fenêtre, je lui ai donné et puis il a fait pipi et on a fait le reste de la route un peu plus sereinement n'empêche qu'on a dû passer des barrages et quand on est arrivé à l'hôpital tout le reste de l'équipe était absolument terrifié et là j'ai compris à posteriori qu'on avait pris des risques qu'on n'aurait jamais dû prendre ouais t'es pas un super héros Non, alors moi, je ne suis pas là pour mourir pour la cause. Ça, c'est vraiment un truc... Je suis là pour la rencontre, pour le soin, mais je n'irai pas la fleur au fusil.

  • Speaker #1

    Tu retournerais en Afrique ?

  • Speaker #0

    Oui. Par contre, maintenant, je choisirais mes missions pas forcément sur le critère sécurité, mais sur le critère bienfait médical. Est-ce que ça correspond vraiment à ce que je crois qu'il faut faire ou pas ?

  • Speaker #1

    Qu'il faut faire. Tu m'as dit que tu étais allée en Afghanistan. Ça n'a quand même rien à voir avec ces missions de... de terre lointaine et de terre oubliée. Tu es allée faire quoi là-bas ?

  • Speaker #0

    Je suis allée à Kaboul. Je t'avais dit à MSF que je ne voulais pas repartir en capitale. Je suis repartie en capitale. Là, on ne pouvait pas ni faire la fête ni boire d'alcool. bien plus calme. Je suis partie comme... Là, je suis montée en grade et j'étais référent médical de projet, si je traduis bien. Donc, j'étais en charge d'une équipe de 180 personnes, nationaux et expatriées. Et il s'agissait d'une maternité avec un bloc de chirurgie ostétricale et un petit service de pédiatrie néonate. Donc, moi, j'étais beaucoup sur du management d'équipe puis la direction du projet. mais quand même aussi les gynécologues quand ils étaient en galère m'appelaient sur mon téléphone notamment la nuit donc c'était une mission assez dense t'es restée combien de temps ? je suis restée 6 mois et demi, j'ai perdu 9 kilos j'étais malade tout le temps J'ai jamais été autant stressée, mais pour des raisons de travail, en fait. C'était pas le contexte sécuritaire. C'était vraiment... C'est pas un travail que j'avais l'habitude de faire.

  • Speaker #1

    De gérer autant de monde, tu peux dire.

  • Speaker #0

    C'est hyper stressant, quoi. Ben voilà, c'est ça. C'est l'hôpital, je sais pas si les gens se rappellent, mais il a été attaqué après par Daesh, un ou deux ans plus tard. Il y a eu des morts dans cette maternité. Voilà, donc là, Kaboul, on était au summum de l'enfermement et de l'activation de liberté.

  • Speaker #1

    C'est vrai, t'as fait comment une journée quand t'es là-bas, alors ?

  • Speaker #0

    en fait on était la seule mission du pays qui avait le droit de marcher dehors sur à peu près je crois 200 mètres sur le trottoir pour aller de la maison à l'hôpital 8h le matin on rentrait déjeuner, on revenait boulot boulot jusqu'à

  • Speaker #1

    18h-19h et après t'es enfermée chez toi ?

  • Speaker #0

    le soir t'es enfermée, le week-end t'es enfermée alors tu peux aller faire une course, t'as le droit un petit peu On a eu le plaisir d'aller acheter du tissu pour se faire des tenues. Et là, je me suis retrouvée avec un tailleur afghan qui me prenait les mesures en me frôlant les seins. Alors je me suis dit, mais on ne devrait pas être en train de faire ça. Mais ça s'est bien passé. Et puis, on s'est même retrouvée à aller acheter une guitare aussi, dans un magasin de musique qui n'avait jamais vu de femme blanche passer le seuil. Donc, un grand moment.

  • Speaker #1

    Tu as aimé cette mission, malgré le boulot ?

  • Speaker #0

    J'ai failli arrêter à cause du stress lié à des problèmes que j'avais avec des gens dans la mission. mais en fait, j'ai beaucoup aimé. Notamment, tu vois, je te parle de guitare, c'était mon échappatoire, puisqu'on était enfermés tout le temps. Puis un jour, elle s'est cassée, parce que c'était une vieille guitare en mauvais état. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je suis partie en week-end. Il faut savoir que c'est un pays où les femmes n'ont pas le droit de jouer de musique. Je suis partie en week-end dans une autre maison de la mission, et quand je suis revenue dans mon bureau, qui est un grand open space, ils avaient réparé ma guitare. C'est-à-dire qu'il y avait tous ces hommes afghans qui avaient réparé ma guitare. et qu'il l'avait posé sur mon bureau comme ça. Donc il y avait des moments un peu, malgré tout, des beaux moments.

  • Speaker #1

    Suspendus, quoi.

  • Speaker #0

    Ouais,

  • Speaker #1

    exactement. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    De rien.

  • Speaker #1

    C'est la fin. Merci mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. J'espère que vous aussi, vous avez voyagé. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous laisser 5 étoiles sur Apple Podcast et un petit commentaire. On attend avec impatience vos retours et vos impressions. Et si vous aussi vous avez envie de nous raconter un extraordinaire voyage ou une aventure au bout de votre rue, envoyez-nous un petit message sur Instagram. A très vite, merci et à bientôt.

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Description

Anais Pélier appartient à cette communauté extraordinaire des médecins-voyageurs. Loin d’un cabinet de ville, ces aventuriers embarquent  leur stéthoscope dans leur sac à dos pour partir en mission aux 4 coins de la planète 


La vie d’Anais est digne des plus grands romans d’aventure. 

Pour Beau Voyage elle revient sur sa fascination pour les Terres Australes qui l’a poussé à partir plusieurs mois sur l’Ile d’Amsterdam, puis à Crozet et à Kerguelen, 3 iles du bout du monde sur lesquelles personne ne vit vraiment.

Sur ces "cailloux", on ne trouve que des professionnels en mission, des biologistes, des scientifiques.. qui vivent en communauté ultra restreinte dans des conditions extremes avec un ravitaillement par bateau tous les 3 mois.


Elle nous raconte aussi ces 4 étés passés au milieu de l’Antarctique où elle accompagne le Raid au volant d'un tracteur XXL qui parcourt les glaces. Sa mission? Etre le médecin de ce convoi hors-normes qui traverse la banquise pendant 15 jours pour ravitailler la station Concordia.


Dans cet épisode complètement fou, cette aventurière nous dévoile les dessous du quotidien méconnu de ces médecins tout terrain. Elle nous parle de cette vie toujours en mouvement, de ses missions très loin de tout ce que l'on peut imaginer et de ces opérations réalisées avec les moyens du bord.  Elle nous parle aussi de ses missions humanitaires en Centrafrique, en Afghanistan et sur les îles Marquises, ces rencontres, ces frayeurs, la violence au milieu du paradis.


Anais a une vie extraordinaire et une vision de l'aventure que j'ai adoré, j’aurais pu passer ma journée à l’écouter. 

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Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous laisser 5 étoiles ou un commentaire sur Apple Podcasts ou Spotify. Ce serait vraiment un sacré coup de pouce pour nous !

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Production : Sakti Productions

Vous êtes une marque et vous souhaitez collaborer avec Beau Voyage

Ecrivez-nous : mariegarreau@saktiproductions.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Au fur et à mesure des missions, j'ai quand même eu trois chirurgies à faire. Et tu fais ta chirurgie avec l'ornito, le gendarme, le cuisinier, l'informaticien. J'ai un souvenir, on a mis du Georges Brassens, et puis à la fin, on a chanté les copains d'abord. C'est une super ambiance. Eux, ils t'emmènent attraper des manchots et des otaries, ou alors ils t'emmènent gérer l'approvisionnement d'eau. C'est une chance incroyable, parce qu'ils sont 22, j'ai pas du travail. par-dessus la tête non plus. Donc j'ai le temps de faire autre chose.

  • Speaker #1

    Bonjour, c'est Marie et vous écoutez Beau Voyage. De l'ascension du Merapik au Népal, au tour du monde en famille, du road trip au Chili au bivouac en Inde dans les Pyrénées, vous entendrez des hommes et des femmes qui partagent leurs aventures hors des sentiers battus. Des aventuriers ordinaires qui vous racontent leurs aventures extraordinaires. À deux ou en tribu, à l'autre bout du monde ou en bas de chez eux, avec trois sous ou en claquant leur PEL, ces voyageurs nous confient leurs histoires, leurs galères, leurs bons plans et leurs coups de cœur. Sur Beau Voyage, nous allons vous prouver que l'aventure est partout et à la portée de tout le monde. Alors montez le son et venez rêver avec nous. Mon invité aujourd'hui s'appelle Anaïs Pellier et appartient à cette communauté extraordinaire des médecins voyageurs. Très loin d'un cabinet de ville, ils embarquent leur stéthoscope dans un sac à dos pour partir en mission aux quatre coins de la planète. En fait, la vie d'Anaïs est digne des plus grands romans d'aventure. Pour Beau Voyage, elle a accepté de nous raconter sa fascination pour les terres australes, qui la poussait à partir plusieurs mois sur l'île d'Amsterdam, puis à Crozet et à Kerguelen. En fait, sur ces trois îles, personne ne vit vraiment. Il n'y a que des professionnels en mission, des biologistes, des scientifiques et anaïs. Ils vivent en communauté ultra restreinte, dans des conditions extrêmes, avec un seul ravitaillement par bateau tous les trois mois. Elle revient aussi sur ses quatre étés passés au milieu de l'Antarctique, où elle accompagne le RAID. Sa mission, être le médecin du convoi de tracteurs qui part sur les glaces pendant deux semaines pour ravitailler la station Concordia. En fait, dans cet épisode totalement dingue, elle nous dévoile des dessous du quotidien méconnu de ces médecins tout-terrain, sa vie toujours en mouvement, ses missions très loin de tout et ses opérations réalisées avec les moyens du bord. Et comme j'étais très curieuse, elle m'a aussi raconté ses missions humanitaires en Centrafrique, en Afghanistan et sur les îles marquises, avec ses moments suspendus et ses très grandes frayeurs. En fait, j'aurais pu passer ma journée à l'écouter et j'espère que vous allez adorer vous aussi écouter ces histoires. Bonjour Anaïs, je suis ravie de voyager avec toi aujourd'hui. Est-ce que tu peux rapidement te présenter ?

  • Speaker #0

    Oui, je m'appelle Anaïs Pellier, j'ai 40 ans, je suis née dans le Ménéloir, dans l'Ouest, et je suis médecin généraliste.

  • Speaker #1

    Et t'as voyagé quand t'étais petite ?

  • Speaker #0

    Et j'ai voyagé quand j'étais petite, j'ai eu beaucoup, beaucoup de chance. J'avais des parents qui adoraient absolument voyager. Et donc chaque été, on avait le droit à un grand voyage, mais vraiment des beaux voyages. C'est-à-dire que ma mère, toute l'année, préparait soigneusement la destination. Elle nous a emmenés à l'île de Pâques, elle nous a emmenés aux Marquises, elle nous a emmenés en Afrique du Sud, dans les parcs animaliers absolument fous. Et donc chaque année, on avait le droit à ça. Et j'ai trois frères et sœurs, on a tous eu le virus comme ça.

  • Speaker #1

    Elle partait comme ça, quatre enfants, vous partiez à six ?

  • Speaker #0

    Oui, on partait à six. Au bout du monde, quoi. Au bout du monde, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et ça cadeau ou c'était quoi comme ambiance de voyage ?

  • Speaker #0

    C'était plutôt ambiance confort quand même. Mais bon, avec le goût du risque un peu, parfois, j'ai des souvenirs de pannes de véhicules au milieu des parcs animaliers avec des lions, des éléphants, des trucs un peu où de passer des rivières au Guatemala avec une escorte militaire. Dans mes yeux d'enfant, ça avait l'air très safe. Avec le recul, je me rends compte que parfois,

  • Speaker #1

    c'était un peu l'aventure aussi.

  • Speaker #0

    voilà mais elle n'a pas froid aux yeux ma mère elle est pilote aussi amateur elle est aussi médecin mais elle est pilote amateur et elle avait une petite ONG où elle allait en avion jusqu'au Burkina Faso donc déjà il y avait quand même une fibre un peu voilà ça vient de nulle part et

  • Speaker #1

    toi tu décides d'être médecin ?

  • Speaker #0

    très tard, moi je voulais être vétérinaire je voulais retourner en Afrique soigner les lions et les éléphants et puis on m'a dit c'est trop dur alors j'ai fait médecine et je ne regrette pas du tout.

  • Speaker #1

    C'est beau de faire médecine par dépit quand même. C'est rare.

  • Speaker #0

    J'ai mis du temps à savoir que ça me plaisait et aujourd'hui, et surtout la médecine générale, je ne regrette absolument pas. J'adore ce métier et j'ai rarement connu un métier qu'on met dans son sac à dos avec une telle facilité, c'est-à-dire qu'il y a du travail partout, dans des conditions variées, intéressantes. C'est un vrai privilège.

  • Speaker #1

    Quand tu l'as fait, quand tu as fait les études de médecine, qui sont quand même des études difficiles, Tu l'as fait avec cette idée qu'un jour tu allais le mettre dans ton sac à dos ou tu ne savais pas trop ?

  • Speaker #0

    Dès la première année, je savais, mais j'étais plutôt dans l'optique médecine humanitaire. Voilà, un peu en mode on va aller sauver le monde. et puis j'ai fait mon dernier semestre d'internat au Sénégal fin fond de la brousse, grâce à ma mère qui travaillait en partenariat avec un hôpital de là-bas qui est allé me déposer avec son petit avion jusque là-bas. Ça a été une expérience assez intense, mais où je me suis dit, avant d'aller faire de l'humanitaire, va faire autre chose, parce qu'il faut que tu fasses tes armes. Je ne me sentais pas prête. Et par des hasards absolus, je me suis retrouvée dans les terres australes et antarctiques françaises.

  • Speaker #1

    Mais raconte-nous ça.

  • Speaker #0

    Je rentre du Sénégal, et je ne sais pas ce que je vais faire de ma vie. Je n'ai plus de copains, je n'ai pas d'appart. C'est un peu le coup de mou, comme ça. Et puis, il y a un magazine gratuit d'annonces médicales qu'on reçoit, souvent. Il y a une petite annonce. qui dit, si vous aimez l'aventure et les grands espaces, venez nous retrouver, vous ferez du dentaire, de la radiologie, de la chirurgie. N'hésitez pas à appeler. Je me dis, il faut être complètement sonné pour vouloir faire ça, mais je découpe l'annonce, puis je la laisse dans un coin. Puis au bout d'une semaine, j'y reviens, je dis, allez, j'envoie un CV. Le directeur m'a rappelé une semaine après. Il m'a dit, on a besoin de vous, il nous faut quelqu'un à Amsterdam dans six mois. Mais la nouvelle Amsterdam. Donc j'ai dit, OK, d'accord. Et puis après, je suis allée sur Internet. J'ai tapé Nouvelle Amsterdam et là j'ai vu un grand carré bleu sur Maps avec un petit truc rouge comme ça, j'ai fait bon ça me dit pas où c'est alors je recule, je recule, je recule puis là je vois apparaître l'Australie, l'Afrique j'ai fait mais qu'est-ce que j'ai pas fait

  • Speaker #1

    Mais c'est où alors la Nouvelle Amsterdam ?

  • Speaker #0

    C'est à mi-chemin entre l'Australie et l'Afrique c'est à la limite entre l'océan Indien et l'océan Austral Ça fait partie des terres australes et antarctiques françaises. Je suis allée là-bas, je ne savais même pas dans quoi je mettais les pieds.

  • Speaker #1

    Mais donc tu pars pour combien de temps ? Qu'est-ce que tu fais ?

  • Speaker #0

    Cette fois-là, je pars pour quatre mois. C'est mon premier job après ma thèse. On me demande pendant trois mois de me former avant en chirurgie, en dentaire, en anesthésie, un peu en mode débrouille-toi, tu seras toute seule

  • Speaker #1

    Donc tu fais ?

  • Speaker #0

    Donc je fais.

  • Speaker #1

    Et comment ça se fait ? Comment on fait ces formations-là ? Alors avant, c'était en 2011.

  • Speaker #0

    Ce que je te raconte, à l'époque, on bricolait avec les contacts qu'on avait. Je suis allée dans le cabinet du coin de la campagne, je suis allée chez les copains chirurgiens de la main. Maintenant, c'est cadré avec l'armée. C'est des contrats militaires, en fait. Et l'armée nous embauche en CDD et nous prête au territoire d'État. D'accord. Maintenant, ils nous forment. Avant, c'était un peu...

  • Speaker #1

    Il fallait vraiment avoir envie, quand même.

  • Speaker #0

    pour aller te débrouiller et avoir tout ça je pense que j'étais complètement inconsciente je m'en rends compte maintenant je suis bien contente d'avoir fait 3 fois et 4 fois la formation je me sens plus en confiance à l'époque j'étais un peu gonflée donc je pars, je prends le Marion Dufresne qui est un grand bateau ravitailleur qui part de la Réunion tu voles jusqu'à la Réunion je prends le bateau il faut déjà 5 jours, alors on passe à Crozet donc les gens descendent à Crozet, remontent Après, on passe à Kerguelen. Et puis, au bout de trois semaines, on arrive à la nouvelle Amsterdam. Et puis là, je vois un petit caillou qui fait 55 kilomètres carrés. Et puis, on me pose là, quoi, en fait, avec les autres. Et puis, ben voilà. Qui, les autres ? Les autres, c'est des militaires, des civils. Voilà, c'est tous les gens qui viennent travailler sur le site et qui sont renouvelés, en fait, chaque année.

  • Speaker #1

    Donc, il n'y a que des gens qui travaillent à la nouvelle Amsterdam ?

  • Speaker #0

    Il n'y a aucun autochtone dans tous les terres australes et antarctiques français. Il n'y a que des agents. qui viennent pour travailler. Il n'y a personne qui vit.

  • Speaker #1

    Donc là, tu débarques là.

  • Speaker #0

    Je débarque là. Il y a des otaries partout. Et puis surtout, c'est tout petit. Et puis le bateau repart. Et puis c'est vrai qu'on se demande un peu ce qu'on vient faire là. Mais tout de suite, une ambiance humaine, c'est l'exaltation complète. Tout le monde est fou furieux d'être là. Et puis c'est la nouveauté. Tout est une découverte. On vit dans une colonie d'otaries. Il y a des albatros. c'était un énorme coup de cœur. On était une vingtaine.

  • Speaker #1

    Et là, pendant quatre mois, tu sais que vous n'allez être qu'une vingtaine ? Oui. C'est incroyable quand même.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est ça qui est génial. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça peut mal se passer. D'ailleurs, il y a des choses qui se passent mal. Et puis, il y a des choses qui sont fantastiques sur le plan humain. C'est très riche, en fait. Cette intimité, ce confinement. Alors à l'époque, personne ne savait ce que c'était que le confinement. On n'avait pas encore eu le Covid. Et puis, cette découverte. Je me suis dit, je vais retourner faire mes études. Je vais refaire vétérinaire. Ce n'est pas possible d'être au milieu des manchots, des oiseaux, partir. Donc, tout se fait à pied. la grande colonie d'Albatros, elle est sur la falaise d'Entrecasteaux, qui est une immense falaise, qui est 700 mètres de haut, qui est à l'autre bout de l'île. Elle se mérite, il y a quand même 8 heures de marche, il y a une Via Ferrata, il faut y aller. Donc moi qui avais un vertige monstrueux, je me suis fait violente. C'est incroyable d'être le spectateur de cette richesse naturelle, de ces paysages magnifiques. Moi, je suis tombée amoureuse. Je ne voulais pas partir, en fait. Je ne voulais pas repartir dans le bateau. J'ai dû partir quand même.

  • Speaker #1

    Il y avait autant de femmes que d'hommes ?

  • Speaker #0

    on était quatre femmes pour du coup 18 hommes ce qui était pas mal il y a eu moins il y a pire il y a eu moins et elle faisait quoi les autres femmes ? alors il y avait une autre analyse qui était chimiste elle était trois d'ailleurs elle était vraiment dans la chimie et l'atmosphère elle faisait des prélèvements d'air parce que l'air de la Nouvelle Amsterdam est le plus pur du monde Il sert de référence pour les études de qualité de l'air, de l'évolution de l'air, de la biomasse maritime. Ces trois femmes-là étaient vraiment axées là-dessus. Et puis il y avait d'autres scientifiques qui étaient des hommes, qui étaient plutôt biologie marine, ornithologie, sismique et magnétisme aussi. Puis ensuite il y avait les agents de la réserve naturelle. Il faut savoir que les terres australes et antarctiques, c'est la plus grande réserve naturelle française, avec la plus grande zone maritime aussi. donc il y a forcément des agents qui sont là pour les inventaires des espèces pour le maintien des accès ce genre de choses et comment ça se passe quand on est une femme justement enfin une femme ou un homme d'ailleurs quand on fait ses missions on est vraiment enfermé pendant

  • Speaker #1

    6 mois, tu vas te nidiser 9 mois etc, il y a quoi des histoires d'amour des histoires de cul comment ça gère les relations humaines comme ça enfermée.

  • Speaker #0

    C'est très intense et on ne peut pas y échapper. Donc forcément, sur les terres australes et antarctiques, vraiment, c'était très peu de femmes et beaucoup d'hommes. Moi, la première fois que je suis partie, ça m'est complètement montée à la tête. C'est-à-dire que je suis arrivée, je trouvais que tous les hommes étaient magnifiques. D'ailleurs, je continue de le penser. Et eux, ils trouvaient tous que j'étais magnifique, ce qui ne m'arrive pas d'habitude. Ce qui fait que j'ai un peu perdu la tête de toute cette séduction, de toute cette attention. et puis en plus j'étais en pleine rupture amoureuse j'avais le coeur brisé donc j'ai pas bien su gérer ça on te prépare pas à ça ? non parce qu'en fait souvent c'est des hommes qui t'ont en entretien d'embauche et donc qui te le disent pas moi je sais que j'en ai beaucoup parlé après avec les femmes que je croisais qui y allaient ou sur place mais c'est pas un sujet qu'on évoque beaucoup avant et puis j'ai subi du harcèlement aussi, j'ai subi des violences il y a eu des choses très négatives il y a eu des choses merveilleuses je suis tombée amoureuse follement j'ai vécu des très belles histoires mais ce qui est sûr c'est qu'on n'échappe pas aux autres donc ça on ne peut pas partir, on se confronte à des gens qu'on n'aurait jamais croisés dans la vie de tous les jours et finalement c'est très bien par contre ça apprend quand même à se gérer c'est à dire qu'on peut pas faire n'importe quoi c'est un groupe, c'est vraiment un équilibre fragile et si on se met à briser un coeur là ou à générer une jalousie ici, attention ça peut complètement partir en cacahuète et ça c'est vu, et il n'y a pas d'échappatoire et il n'y a pas d'échappatoire donc je pense que c'est une responsabilité ce que j'ai découvert du coup moi au début j'ai dit les hommes sont vraiment des animaux et puis je suis partie à Kaboul alors on était 12 filles douze filles, on a vu arriver cet incroyable Australien magnifique, taillé comme un viking, qui est pédiatre, qui fait la cuisine d'une gentillesse pas possible, et qui se promenait torse nu tout le temps. Et je me suis rendue compte qu'en fait, la frustration, c'était la même chose. Je crois quand même que les femmes iront moins à l'agression et au harcèlement, mais toujours est-il que... En effet, ce jeune homme charmant, on lui a demandé de se rhabiller quand même, d'arrêter de déambuler à moitié nue, par respect.

  • Speaker #1

    Pour vos petits cœurs de femmes.

  • Speaker #0

    Exact, oui, les cœurs, on va dire ça. On va dire ça.

  • Speaker #1

    Et les gens, ils sont tous en mission ? Ou bien il y en a qui restent vraiment, vivent là-bas ?

  • Speaker #0

    Personne n'a le droit de rester, en fait.

  • Speaker #1

    Ah oui,

  • Speaker #0

    d'accord. Ah oui, on est vraiment embauchés, on y va, on est ressortis, mais il n'y a pas de...

  • Speaker #1

    Personne ne reste.

  • Speaker #0

    On ne peut pas décider de rester, oui.

  • Speaker #1

    Tu serais restée, toi ?

  • Speaker #0

    Alors, je serais restée, j'ai envie de dire, au début, avec les gens avec qui j'étais à ce moment-là. Voilà, pour vraiment vivre l'aventure jusqu'au bout. Notamment, je vais retourner après sur une autre île, mais l'idée, c'est de faire une année complète. ce besoin de voir le cycle de vie complet. Des otaries, des manchots, des oiseaux, revoir revenir la saison. Une fois qu'on a vu tout ça déjà... on a l'impression qu'on peut rentrer.

  • Speaker #1

    Et là, donc, toi, tu as un petit cabinet ? Comment ça se passe ton quotidien,

  • Speaker #0

    entre deux ?

  • Speaker #1

    Non, mais là, quand tu arrives à la nouvelle syndrome...

  • Speaker #0

    Oui, en fait, il y a un hôpital, on appelle ça un hôpital, dans lequel j'habite. Il y a un bloc opératoire, une chambre pour le patient, il y a de quoi faire soi-même un petit peu d'analyse sanguine, biologie, il y a un cabinet de dentaire, il y a de quoi faire des radios. voilà et le truc c'est qu'on est quand même tout seul avec que deux mains donc la première étape c'est de former les autres personnes à t'aider d'accord voilà à t'aider au bloc opératoire à t'aider pour faire les prises de sang les radios mais donc tu choisis t'es le soir au dîner c'est sur volontariat parce que ceux qui aiment pas le sang ceux qui aiment pas le sang et tout tu vas pas les on fait des malaises c'est pas le but du jeu c'est sur le volontariat mais moi au fur et à mesure des missions j'ai quand même eu trois chirurgies à faire et tu fais ta chirurgie avec l'ornitho, le gendarme, le cuisinier, l'informaticien. J'ai un souvenir, on a mis du Georges Brassens, puis à la fin, on a chanté les copains d'abord. Super ambiance. Eux, ils t'emmènent attraper des manchots et des otaries, ou alors ils t'emmènent gérer l'approvisionnement d'eau. Donc en fait, chacun...

  • Speaker #1

    Oui, chacun échange son savoir.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est une chance incroyable, parce qu'ils sont 22, j'ai pas du travail. par-dessus la tête non plus. Donc, j'ai le temps de faire autre chose.

  • Speaker #1

    Tu es surtout là pour des urgences, en fait.

  • Speaker #0

    Il y a les petites bobologies du quotidien. Et puis, l'hivernage, psychologiquement, c'est quand même un concept. Ce n'est pas facile tous les jours. donc il y a quand même ce petit suivi au quotidien t'es un peu psy aussi alors ? sachant que comme tu fais partie du groupe c'est un peu compliqué d'être psy et de faire partie de... C'est un genre de psy.

  • Speaker #1

    Oui, on est ravis de pousser ta porte pour un peu se confier.

  • Speaker #0

    Oui, selon les affinités. Il y en a qui n'ont pas envie de me parler. Mais oui, ça peut être... En fait, parfois, tu les vois dans le bureau. Parfois, tu les vois dans la salle de café.

  • Speaker #1

    Et donc, pendant quatre mois, tu ne bouges pas. Il n'y a rien autour de toi, de toute façon.

  • Speaker #0

    Alors, surtout la Nouvelle-Amsterdam. Tu as encore Kerguelen, Crozet. Il y a du passage de bateaux de pêche ou de bateaux militaires. Nouvelle-Amsterdam, c'est vraiment le caillou où personne ne passe à part un bateau de pêche de langoustes qui s'appelle l'Austral. mais qui n'est pas là toute l'année. Donc effectivement, il ne se passe rien.

  • Speaker #1

    Et comment on t'est nourri alors ?

  • Speaker #0

    Le bateau, donc le Marion Dufresne ravitaille tous les quatre mois. Donc tu as à manger, tu as du frais pendant à peu près trois semaines, parce qu'il y a déjà eu trois semaines de bateau avant. et puis ensuite, tu travailles sur des conserves et du surgelé, des choses comme ça. Avant, il y avait des potagers. Je ne sais pas où ça en est à la Nouvelle-Amsterdam, mais dans la logique de la réserve, on les a arrêtés pour éviter la transmission de maladies et revenir à des végétations vraiment locales, initiales. D'accord, initiales. C'est ça.

  • Speaker #1

    Et si tu as un problème quand tu es là-bas, il se passe quoi ?

  • Speaker #0

    Si tu as de la chance, il y a un bateau pas très loin qui peut t'emmener. Sinon, il faut faire descendre un bateau de la Réunion, ce qui met au moins cinq à six jours.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas d'avion, tu n'es pas à côté.

  • Speaker #0

    Tu n'auras pas d'avion, tu es trop loin de la Réunion. Et il n'y a pas de piste. C'est un caillou volcanique, donc tu ne peux pas faire atterrir. Non, ça, ça ne marche pas.

  • Speaker #1

    On te fait des tests, d'ailleurs, pour savoir si tu es en bonne santé avant d'y aller.

  • Speaker #0

    Oui, tout le monde passe. Pour les hivernants, c'est un peu plus lourd. Les hivernants, c'est ceux qui font toute l'année. Il y a ce qu'on appelle les campagnards d'été, qui, eux, ne font que la saison d'été, la campagne d'été. Et tout le monde passe des examens médicaux plus ou moins poussés en fonction de la durée de séjour. Et des examens psychologiques. pour les hivernains aussi.

  • Speaker #1

    Oui, ce qui semble logique quand même. Parce que tu... En même temps,

  • Speaker #0

    si tu emmènes un psychopathe, ça ne fait pas bon ménage.

  • Speaker #1

    C'est le loft dans la nature.

  • Speaker #0

    Mais les psychopathes sont très bons aux examens psy. Ils sont meilleurs. Ça ne marche pas, ça.

  • Speaker #1

    Et donc, tu rentres, donc quand même transformée, j'imagine.

  • Speaker #0

    Le premier retour a été très, très, très difficile.

  • Speaker #1

    Ça se passe comment ?

  • Speaker #0

    On est arrivés à la réunion avec le bateau. Je me rappelle, les copains m'ont emmenée dans un grand supermarché parce qu'ils voulaient faire des courses pour renvoyer du chocolat et des bonbons à ceux qui étaient restés là-bas. et moi j'ai fait une crise d'angoisse dans ce magasin c'était trop et puis bien sûr j'ai voulu revenir absolument faire un hiver complet et à mon passage avec le bateau Crozet était l'île qui m'avait le plus accrochée donc quand je suis arrivée à Paris en avion je suis allée directe chez mon directeur médical Je me rappelle, j'avais 42 fièvres, j'étais en âge. Et en plein mois de décembre, j'étais en t-shirt, fatiguée, mais je lui ai dit, je veux repartir.

  • Speaker #1

    Et quand tu dis directeur médical, c'est qui alors ?

  • Speaker #0

    À l'époque, c'était le docteur Claude Bachelard, qui est responsable du service médical des terres australes.

  • Speaker #1

    Des terres australes. Voilà,

  • Speaker #0

    et c'est lui qui faisait l'embauche. Donc il m'a dit, pas de problème, tu veux aller où ? Donc j'ai dit, je veux aller à Crozet. Et comme ça, neuf mois plus tard, j'étais repartie sur le Marion Dufresne. Mais cette fois-ci, pour faire une année complète.

  • Speaker #1

    D'accord, tu étais repartie. Et pendant ces neuf mois, qu'est-ce que tu as fait alors ?

  • Speaker #0

    Entre les deux ? J'ai refait ma formation, du coup, là, de trois mois, ce qui ne faisait pas de mal. Et c'est une année où j'ai beaucoup voyagé avec mes amis. Je suis partie dans les Highlands, en Écosse, qui m'ont tellement rappelé Amsterdam que du coup, j'adore l'Écosse. Et je me rappelle, c'est l'année aussi où je suis partie en Mongolie avec des copines. Et puis, comme j'avais le temps, elles, elles sont rentrées en avion. Puis moi, je suis rentrée avec le transsibérien. et à peu près en train et en bus jusqu'à Lyon. À l'époque, j'étais à Lyon. J'ai pris le temps de voyager pas mal pour repartir pendant un an.

  • Speaker #1

    Mais qu'est-ce qu'on met dans sa valise quand on part un an sur un caillou comme ça ?

  • Speaker #0

    On met plein de choses qu'on n'utilise pas. Je ne suis pas la seule qui pourra te le dire. J'ai emmené un harmonica, une méthode d'italien, de l'aquarelle. Je n'ai pas ouvert ma cantine et j'ai fait plein d'autres choses que je n'avais pas prévu de faire. Dans ma valise, du coup, les vêtements, oui, les photos des copains. de la famille, ça, pour tapisser un peu les murs, etc. Finalement, en termes de gourmandise ou de choses qui peuvent manquer, moi, j'ai pas trop souffert en grossissant là-bas. Plutôt qu'autre chose.

  • Speaker #1

    C'est vrai ? Ouais.

  • Speaker #0

    Bah, ça va faire que manger pour se réconforter. Tu bois un peu ? Oui. Maintenant, l'alcool est régulé.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et en plus, il est pas très bon. Du coup, ça facilite un peu les choses. Mais ouais. Donc, dans la valise, il faut au final... tout ce que j'ai emmené, je ne l'ai pas utilisé.

  • Speaker #1

    Et donc là, tu es restée un an. Et c'est quoi la différence entre Crozet et la Nouvelle-Amsterdam ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la même météo. Et Amsterdam est plus haut en termes de latitude. Donc, tu es vraiment sur un climat plus proche de la Bretagne. On va dire en pire, c'est ce qu'on dit d'habitude. Mais où tu peux avoir du gros soleil, vraiment qui tape en rando et compagnie. Comme des jours de pluie avec des tempêtes, pas possible. Mais on est sur une végétation qui n'est pas la même. Crozet, c'est... 300 jours de pluie par an, 200 jours de vent au-delà de 80 km heure.

  • Speaker #1

    Tu m'endurais, toi.

  • Speaker #0

    Moi, j'adore. Quand il n'y a pas de vent, j'ai l'impression que la terre s'est arrêtée.

  • Speaker #1

    Tu aimes quand c'est rude quand même.

  • Speaker #0

    Il faut croire. Je suis allée au Marquis, mais quoi que c'est rude pour la Polynésie, donc il y a peut-être un truc. Crozet est beaucoup plus humide. La météo est plus tourmentée. C'est vraiment des roches très escarpées. Et puis, Crozet fait six fois plus. Six fois plus grand quand même.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de voiture non plus ? Vous faites tout à pied ?

  • Speaker #0

    À l'époque, il y avait un pick-up sur la base. Qui d'ailleurs, a priori, était pour moi. Mais comme j'étais une nanane... bizarrement j'ai jamais eu le rôle de conduire de l'année il y a toujours quelqu'un pour le conduire pour moi mais vous pouvez vous balader un peu sur l'île avec ce... c'est absolument pas praticable sur Crozet il y a une route qui fait 400 mètres qui descend de la base à la baie du marin où tu as la grande colonie de Manchot-Royaux où les chercheurs travaillent mais à part ça les chercheurs ils descendent à pied, c'est pas eux qui ont la voiture et tout le reste de l'île ça ne se fait qu'à pied et c'est pas un GR des fois il y a tellement de tourbes pour protéger la végétation on marche avec des raquettes dans la rivière, dans la mousse il y a des pierriers de pierres volcaniques c'est pas de la rando simple, mais c'est moi qui marchais pas, j'ai appris à marcher là-bas pareil,

  • Speaker #1

    c'est devenu une passion et vous étiez combien là pendant une année ?

  • Speaker #0

    alors Crozet, on était 35 l'été, et puis on est tombé à 21 au plus bas de l'hiver

  • Speaker #1

    C'est dingue.

  • Speaker #0

    Un peu le même topo.

  • Speaker #1

    Il y a un cuisinier ou c'est vous qui faites la cuisine ?

  • Speaker #0

    Il y a deux cuisiniers qui ont le poste, je pense, le plus difficile de toute la base. Surtout chez les Français. Il n'y a quand même pas plus exigeant que les Français en gastronomie. Souvent, c'est des cuisiniers de la Réunion. Parce qu'ils embauchent pas mal de civils réunionnais. Moi, j'ai découvert le rougail saucisse, le boucané. J'adore, c'est super bon. et puis de temps en temps on essaye de faire la cuisine un peu pour leur donner des jours off ou parce que ça fait plaisir oui c'est agréable en plus c'est ça voilà mais puis en dehors de la base tu peux partir à pied pour accompagner certaines missions scientifiques ou de la réserve et là tu dors dans des petites cabanes assez rustiques et là tu fais la cuisine

  • Speaker #1

    C'est extraordinaire quand même. C'est une vie extraordinaire, complètement coupée du monde.

  • Speaker #0

    Oui, alors maintenant, il y a de plus en plus d'Internet, donc bien sûr, ça change. Mais à l'époque, le téléphone était à 1 euro la minute. Et il y avait trois postes informatiques avec Internet pour juste aller sur ta boîte mail, etc. Donc c'est vrai que tu mettais ton téléphone dans un tiroir pendant un an. C'est dur d'être coupée de la famille et des proches, mais c'est bien d'être coupée aussi des fois de la frénésie du monde.

  • Speaker #1

    Vous aviez les infos ? Vous regardiez les infos ?

  • Speaker #0

    Non, on avait chaque semaine un petit format à quatre des dépêches de l'AFP. Choisis. Choisissez. Donc,

  • Speaker #1

    il pouvait se passer des trucs dans le monde. En fait, vous étiez vraiment à part.

  • Speaker #0

    Oui, mais il y a des sujets qui génèrent des sacrés remous. Moi, j'étais en 2013 sur tout le moment où on a voté la loi du mariage pour tous. je ne te raconte pas à table tout le monde n'était pas d'accord et quand tu vis tout le temps les uns sur les autres ça a créé des sacrées tensions et puis il y a une année où j'étais en Antarctique sur les tout débuts du Covid une année arrivée en Antarctique le jour de l'attentat du Pataclan donc si les choses arrivent et puis en plus en étant loin on n'est pas de la même façon et ta famille peut t'appeler si jamais il se passe quelque chose oui et par contre s'il se passe quelque chose c'est là-bas de toute façon tu peux pas rentrer ça se discute ça se discute ouais ça se discute mais on affrètera pas un bateau pour que tu puisses rentrer à l'enterrement de la grand-mère ou quelque chose comme ça non ça c'est pas possible mais il y a des gens qui peuvent choisir d'abréger leur mission parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas à la maison ou quoi le poste de médecin c'est compliqué, on ne te laisse pas partir si tu n'as pas un remplaçant et si toi tu tombes malade ? c'est arrivé à une collègue qui s'est blessée elle a été ramenée avec un bateau de pêche en fait à Kerguelen il y a deux médecins il y a un interne et puis un médecin donc ils sont allés chercher l'interne ils l'ont déposée à Crozet puis ils ont ramené la collègue c'est pas organisé quoi oui mais c'est des moyens qui sont coûteux Détourner un bateau, affréter un bateau, c'est quand même des choses très très coûteuses. Donc ça se fait pas comme ça.

  • Speaker #1

    Comment on dit au revoir d'une année comme ça ?

  • Speaker #0

    Comment j'ai... C'était il y a tellement longtemps, tiens, puis maintenant je pars tout le temps, alors c'est devenu un peu routinier. J'ai horreur de dire au revoir, j'ai horreur de voir ma mère pleurer à chaque fois. J'ai tendance à pas dire au revoir, en fait. Tu pars quoi ? Je vois tout le monde, on fait un resto, une bouffe, et puis je dis à la prochaine, mais il n'y a pas de... Non, il n'y a pas d'endroit officiel.

  • Speaker #1

    Et alors, tu termines une année là-bas. Tu rentres à Paris.

  • Speaker #0

    Oui. Après, j'ai passé six mois à me demander ce que j'allais faire comme travail parce que rien ne serait jamais à la hauteur. C'est un peu compliqué.

  • Speaker #1

    Mais tu ne te dis pas que tu vas ouvrir un cabinet de ville ?

  • Speaker #0

    Jamais.

  • Speaker #1

    Jamais. Tu sais qu'il faut que tu partes ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que j'adore aller découvrir. Il y a un truc dans la découverte, aller ailleurs. Et puis encore, les terres australes, c'est que des Français. Donc, il n'y a même pas la dimension culturelle que j'avais au Sénégal. Mais moi, je m'en lasse pas, quoi. Et puis, j'ai parlé avec des médecins qui ont fait la Guyane, les Nouvelles-Calédonies, le Vanoua et tout. On a l'impression qu'il y a un terrain de jeu. c'est pas possible donc il y a des tas de choses à faire et puis j'avais cette idée d'humanitaire alors qu'est-ce que tu fais après ? je postule chez Médecins Sans Frontières rien ne t'arrête ?

  • Speaker #1

    dans la logique des choses et comment ça se passe quand on postule chez Médecins Sans Frontières ? tu peux choisir tes pays, tes missions ?

  • Speaker #0

    c'est-à-dire qu'une fois que tu as passé le processus de recrutement et qu'ils ont dit que tu pouvais y aller donc ça aussi j'imagine que tu es assez forte psychologiquement et que tu peux J'ai eu un entretien de deux heures, en fait. Mais vu mon CV, ils m'ont dit que j'étais plus que prête. En gros, je pense qu'ils étaient rassurés. Il y avait eu le Sénégal toute seule. Il y avait eu ensuite les Terres Australes. Et il y a énormément de gens qui font les deux. L'humanitaire et les Terres Australes, c'est vraiment le même type de profil. Donc, ça n'a pas été très compliqué, l'embauche. Et après, effectivement, ils te proposent des missions et tu n'es pas forcé d'accepter. Tu as le droit de dire, ce pays-là, je ne le sens pas, etc.

  • Speaker #1

    alors qu'est-ce qu'il te propose ?

  • Speaker #0

    il me propose un poste à Bangui qui est la capitale de la Centrafrique pour chapeauter une petite équipe d'une dizaine de soignants qui font de la consultation mobile c'est à dire qu'on a un endroit dans un dispensaire mais on amène tout le matériel tous les jours et on ramène tout l'après-midi on reste jamais sur place ça s'appelle PK5 c'est le quartier musulman dans Bangui et en fait les gens de ce quartier s'ils sortent du quartier, mais il n'y a pas de mur il y a juste une rue s'ils traversent la rue, ils se font tuer. En fait, la tension entre les ethnies, qui est un peu autour de chrétiens, musulmans, mais c'est plus compliqué que ça, est si forte que les gens ne peuvent plus quitter le quartier, ils ne peuvent pas aller à l'hôpital. Et nous, notre job, c'est de soigner surtout les petits, les enfants. Donc on y va, on est une...

  • Speaker #1

    Mais vous ne pouvez pas rester vivre dans le quartier ?

  • Speaker #0

    C'est trop dangereux. Ah ouais ? C'est trop dangereux, donc tous les soirs, on est ramenés à l'extérieur.

  • Speaker #1

    Mais par contre, vous êtes bienvenus, ils vous attendent quand même, eux, dans le quartier, ils ont besoin de vous ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que quand on ouvre les portes... Alors si c'est trop dangereux, s'il y a eu une attaque la veille ou quelque chose, on arrive... C'est le quartier du marché, donc c'est très vivant, en fait. Et c'est arrivé des journées où il n'y avait personne, il n'y avait pas un chat. Donc là, on sait qu'on ne verra personne, et surtout, ça veut dire que ça craint qu'il s'est passé quelque chose. Et puis les jours où ça va, on a 200 personnes minimum. qui débarquent. 200 mamans avec les bébés.

  • Speaker #1

    Ils sont contents de te

  • Speaker #0

    Oui, alors après, ce n'est pas parce que c'est MSF que tout le monde est content. Je me suis grondée par des mamans qui trouvaient que je ne donnais pas assez d'antibiotiques optiques. J'en ai eu une, elle m'a dit, c'est parce que je suis musulmane, mais elle, elle est catholique, donc tu lui donnes des antibiotiques.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    on se fait malmener aussi. C'est des gens qui sont inquiets pour leur santé, en fait. Et ce n'est pas parce que c'est gratuit qu'ils sont... Bien sûr. Voilà, ils ont le droit.

  • Speaker #1

    C'est l'armée qui te protège quand tu vas dans le quartier le matin ?

  • Speaker #0

    Médecins sans frontières se protègent lui-même, ils essayent de ne pas justement être associés à l'armée pour éviter de devenir une cible. Donc il y a une espèce de devoir de neutralité, ce qui fait qu'on assure notre sécurité tout seul. Donc il faut avoir confiance dans la personne qui est responsable. Ou dans ton supérieur.

  • Speaker #1

    Il y a une histoire humaine quand même, une force humaine. Et là, les mamans que tu rencontres, ce que tu dis sur tous les mamans, elles parlent français ?

  • Speaker #0

    Souvent, oui. Après, dans l'équipe de... En fait, moi, je soignais, mais pas tellement parce que je ne parlais pas le sango. Donc, je l'ai appris au fur et à mesure. À la fin, je pouvais faire une consulte à peu près, mais pas aussi bonne que si c'était mieux maîtrisé. Par contre, les infirmiers et une médecin avec qui je travaillais, eux, étaient centrafricains. Donc voilà, finalement, c'était plus une histoire d'intervenir si la situation était compliquée, de former les gens à la consultation. C'était de la supervision. et de la consulter.

  • Speaker #1

    Donc là, tu es vraiment allée à l'encontre de l'humain. Parce que tu disais, terre australe, c'était vraiment la grande nature et finalement, les Français. Mais là, tu es vraiment dans l'humain 100%. Oui,

  • Speaker #0

    c'est la culture et puis c'est un conflit. Une zone de conflit, je n'étais jamais arrivée. Je n'avais jamais vécu ça. Ce n'est pas les belles vacances au fin fond du pays où tu vas rencontrer les gens dans les villages. Là, c'est, il y a des militaires qui tournent, il y a des armes, tu entends des balles. C'est un univers extrêmement hostile. Et puis, c'est la première fois que je me suis sentie autant enfermée, puisqu'on n'a pas le droit de quitter la maison, ou très peu.

  • Speaker #1

    Parce que le soir, on va te déposer, tu vis avec des copains, vous vivez entre vous, tu vis comment ?

  • Speaker #0

    Le soir, c'est une maison d'expatriés. C'est-à-dire que tous les gens de la mission vivent dans une maison ensemble. Mais tu as un couvre-feu. Si tu veux aller boire un verre chez Action contre la faim ou autre, il faut que tu demandes l'autorisation au chef de la mission. C'est extrêmement contraint. ce que je comprends. On n'a pas le droit de lier amitié avec des gens du pays. Si on est invité à un mariage, on n'a pas le droit d'y aller. L'idée, c'est de rester neutre. Il y a des tas d'ethnies, il y a des tensions, il y a des enjeux, donc il faut rester neutre. Mais alors là, d'être dans un pays comme ça, et de ne pas pouvoir le découvrir, c'est une drôle de sensation.

  • Speaker #1

    Tu restes combien de temps là-bas ?

  • Speaker #0

    Six mois.

  • Speaker #1

    et tu tiens 6 mois ?

  • Speaker #0

    oui c'était vraiment un vrai plaisir en plus avec le Sénégal j'avais l'expérience du palu au niveau médical j'étais assez à l'aise et j'ai vraiment pu profiter et amener quelque chose c'est pas moi qui ai tout appris pendant 6 mois j'ai pu un peu construire...

  • Speaker #1

    Des échanges, quoi. Et t'avais des jours off ? Tu pouvais faire quelque chose ou t'étais dans la maison les jours off ?

  • Speaker #0

    Le soir et les jours off, t'es surtout dans la maison. De temps en temps, on avait le droit d'aller à la piscine, mais on se retrouve en fait dans des endroits d'expats. C'est ça qui m'a un peu gênée. C'est une capitale et on se retrouve dans les mêmes hôtels, aux mêmes piscines, les soirées avec d'autres ONG et il y a un côté un peu indécent à tout ça. Donc ça ne m'a pas trop convenu. Je sais que quand j'ai repostulé chez eux, je leur ai dit si je pouvais ne pas partir en capitale, J'avais entendu te parler de missions plus en rural.

  • Speaker #1

    C'est plus facile de se mélanger quand tu es hors des villes.

  • Speaker #0

    En tout cas, de ne pas avoir l'impression de flamber son argent quand le reste du pays est à l'agonie ou affamé. C'est ce décalage-là qui me gênait. Oui,

  • Speaker #1

    être plus d'égal à égal, de partager plus la vie des gens.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et ces missions, elles durent tout le temps six mois ou c'est à un moment, tu dis j'ai envie de rentrer ?

  • Speaker #0

    Tu choisis. Non, tu donnes ta durée avant. tu as une égoïsme qui t'a duré avant après ça dépend de ce dont ils ont besoin mais en médecine générale ils ont surtout besoin de gens qui restent longtemps l'idée c'est de construire toi tu pars et il y a un autre médecin qui te remplace voilà mais si tu fais plus court ça devient du tourisme médical mais ça dépend mais par exemple un chirurgien qui part là-bas lui il va opérer donc s'il part un mois il va opérer tous les jours tu peux comprendre qu'au bout d'un mois il soit fatigué un anesthésiste pareil le médecin généraliste souvent il a un poste de chef d'équipe donc il faut construire quelque chose si tu viens un mois,

  • Speaker #1

    tu n'as pas le temps d'avoir compris la situation tu es déjà reparti et créer des liens avec tout le monde pour travailler ensemble les gens qui travaillent avec toi,

  • Speaker #0

    ils ont besoin d'un peu de continuité

  • Speaker #1

    sinon ils perdent la tête et t'arrives à partir au bout de 6 mois ? c'est pas dur de quitter ces gens justement ?

  • Speaker #0

    c'est dur et pas dur mais la restriction de liberté était extrêmement pesante donc ça fait du bien de partir t'es contente ? je suis ravie j'ai envie de recommencer mais je suis aussi ravie de marcher dans la rue d'une ville sans me demander s'il va m'arriver quelque chose et de pouvoir aller faire une rando d'être libre et de ne pas guetter les balles qui sifflent et

  • Speaker #1

    qu'est-ce que tu fais après ça ?

  • Speaker #0

    j'ai fait ma première mission Antarctique

  • Speaker #1

    Et tu postules auprès de qui pour une mission en Antarctique ?

  • Speaker #0

    Alors l'Antarctique, la Terre Adélie a beau faire partie des terres australes et antarctiques françaises, mais avec un statut un peu à part, c'est l'Institut polaire français qui gère en majorité le recrutement des personnes sur la Terre Adélie.

  • Speaker #1

    Donc Terre Adélie, que j'ai bossé mon entourage.

  • Speaker #0

    Ah bah ouais.

  • Speaker #1

    C'est une partie de l'Antarctique, c'est ça ?

  • Speaker #0

    C'est une part du fromage.

  • Speaker #1

    C'est une part du fromage. Tu envoies l'Antarctique comme un fromage.

  • Speaker #0

    C'est la part française du fromage. Ok, voilà. Et donc j'ai postulé pour ce qu'on appelle le RED, qui est un ravitaillement logistique qui part de la côte de la Terre Adélie, juste à côté de la station du Mont-Durville, et qui parcourt 1 200 km, donc c'est terrestre, c'est des tracteurs avec des conteneurs sur ski, c'est une caravane, et qui va jusqu'à la station Concordia, qui est à 1 200 km à peu près, sur un plateau qui est à 3 000 m d'altitude. et ce qu'on voit de ravitaillement a besoin d'un médecin extraordinaire et donc à Crozet quand j'en ai parlé on m'a dit non t'auras pas le poste c'est très demandé ces postes là ? c'est ce qu'on m'a dit, bon bah j'ai eu le poste

  • Speaker #1

    comme quoi il ne faut vraiment jamais faire ça et tu as eu le poste pour une mission ? pour un ravitaillement ?

  • Speaker #0

    oui j'ai fait un et demi c'est à dire que j'ai fait l'ouverture de la saison parce que la station de Cap Prud'homme qui est en face de Dumont-Durville ne sert qu'à ça il y a de la science aussi mais elle ne vit que l'été donc elle s'ouvre fin octobre tout se met en place moi je suis arrivée avec les premiers arrivants et cette année là on a fait un mini raid c'est à dire qu'on a fait que la moitié pour aller à mi-chemin damer une piste d'avion et mettre du kérosène, qui sert de piste de secours pour les avions qui transitent entre Concordia et Cap-Prud'homme. Donc ça m'a permis de me mettre en jambes. On n'était pas très nombreux, on n'a fait que la moitié. Et là,

  • Speaker #1

    tu es dans un tracteur toute la journée ?

  • Speaker #0

    Donc là, tu es dans un tracteur toute la journée. Le contrat, c'est médecin, cuisinier, chauffeur. donc parce qu'avant il ne m'était pas cuisinier il y avait des médecins qui ne voulaient pas le faire il faut bien préciser voilà sinon et donc tu conduis le tracteur s'il y a de la médecine à faire tu fais ça veut dire qu'il faut que tu gères tes médicaments ton matériel ça c'est toi toute seule il faut que tu aies pris tout dans ton sac à dos ah oui tu as carrément une armoire tu as beaucoup de matériel et puis aussi tu fais l'intendance donc tu gères l'eau potable est-ce qu'on en a amené assez et tu prépares les repas tous les jours qui sont des repas préparés déjà.

  • Speaker #1

    Tu ne te mets pas à faire un petit rôti de veau ?

  • Speaker #0

    Non, tu n'as pas le temps. Sauf s'il y a une panne.

  • Speaker #1

    Il y a combien de personnes avec toi dans ce convoi ?

  • Speaker #0

    Sur un convoi classique, on va dire entre 8 et 12 personnes. On ne roule pas vite, c'est des tracteurs. Il faut monter à 3000 mètres. L'aller va prendre grosso modo une dizaine de jours. Et puis le retour, plutôt 8.

  • Speaker #1

    Et tu dors où ?

  • Speaker #0

    il y a ce qu'on appelle deux caravanes, la caravane vie, la caravane énergie. Dans cette caravane vie, tu as la salle à manger et cuisine, et puis des chambres. Dans l'autre caravane, tu as la salle de bain, les toilettes et de quoi faire la vaisselle. Et puis le générateur qui nous permet d'avoir toute l'énergie nécessaire. Donc tu es vraiment itinérant. des nomades de l'Antarctique c'est ça du coup c'est encore plus confiné Amsterdam à côté c'est de la rigolade les uns sur les autres il y avait d'autres femmes ? j'en ai fait il n'y avait pas de femmes à part moi et puis j'en ai fait on était trois et j'ai eu une amie, Elisa, qui est sociologue et anthropologue, avec qui j'ai fait deux fois le raid aussi.

  • Speaker #1

    T'as aimé ce raid ?

  • Speaker #0

    Moi, ça a été pareil, un grand coup de foudre. Mais ce qui est drôle, parce que mon premier raid, le vrai raid complet, a été un des pires en termes de panne et de galère absolue. C'était un cauchemar, apparemment. J'ai trouvé ça génial. Du coup, quand j'ai fait le deuxième et que ça s'est bien passé, je n'ai pas compris, en fait. Je pensais que ça se passait toujours mal, comme le premier. Mais oui, c'est magnifique. C'est absolument magnifique.

  • Speaker #1

    C'est tout blanc.

  • Speaker #0

    tu vois que c'est blanc ? il y a des jours c'est gris puis tu vois du bleu s'il y a le ciel mais c'est plat en fait l'Antarctique ça monte très haut il y a beaucoup de reliefs mais pas dans l'Antarctique Est donc tu montes doucement sans presque t'en rendre compte et le seul relief que tu as c'est les vagues qui sont sculptées par le vent qui est toujours dans le même sens c'est vrai qu'ils les astrugies c'est des choses très belles on dirait des dauphins des vagues tu vois tout ce que tu veux à perdre de vue. Certaines personnes trouvent ça très angoissant. Moi, ça m'apaise beaucoup.

  • Speaker #1

    Tu écoutes de la musique, tu lis des livres dans ces voyages-là ?

  • Speaker #0

    Oui, tu écoutes des podcasts, tu écoutes des livres, des musiques. Plus ça va, moins j'écoute. C'est vrai ? Avant, j'écoutais beaucoup, beaucoup de choses. Et puis, plus ça va, plus j'ai des grandes phases où je laisse dans le silence. Ouais, soit je réfléchis, soit je réfléchis pas d'ailleurs et ça fait du bien aussi de pas être toujours sollicité par quelque chose en sonore Parce que t'es toute seule dans ton Dans le tracteur t'es tout seule d'ailleurs ça étonne souvent les gens mais en fait personne ne veut partager son tracteur le tracteur de toute ta mission en Antarctique est ton seul espace d'intimité D'accord C'est le seul endroit où tu peux te mettre le doigt dans le nez ou pas réfléchir à s'il faut que tu rentres ton ventre ou je ne sais quoi, c'est vraiment le seul moment où t'as presque la paix et ça fait du bien et les gens sont les gens n'ont pas envie d'avoir quelqu'un sur le stétabule à côté,

  • Speaker #1

    ouais c'est vraiment ça et ça tu fais ça combien de fois ?

  • Speaker #0

    ben là tu vois je suis revenue il y a 15 jours de ma cinquième mission là-bas et je pensais que ce serait la dernière cette année je suis allée pour dire au revoir et puis au bout d'une semaine j'ai dit non pas du tout, jamais de la vie je refais et pourtant c'est violent pour y aller, moi j'ai beaucoup de mal avec le bateau donc cette année le bateau qui y va c'est l'Astrolabe c'est un bateau, alors avant il y avait l'ancienne Astrolabe qui était encore pire maintenant il y a le nouvel Astrolabe c'est la marine nationale qui est dessus alors moi j'ai un mal des transports terrible il bouge tu pars d'où alors toi ? tu pars de Hobart en Tasmanie et si tu as la chance d'y aller en avion tu pars de Hobart en Tasmanie ou de Nouvelle-Zélande Christchurch et là le bateau c'est combien de temps ?

  • Speaker #1

    c'est 5 jours mais 5 jours d'enfer

  • Speaker #0

    Non, ça dépend. Il y a des fois, c'est bien quand même. Mais là, cette année, l'aller, ça a été l'horreur.

  • Speaker #1

    Mais c'est quoi l'horreur ?

  • Speaker #0

    Moi, il y avait six mètres de creux pendant trois jours et demi. J'ai fini sous perfusion. Ah oui ? Donc,

  • Speaker #1

    il y a un autre médecin dans le bateau,

  • Speaker #0

    à priori ? Oui, il y a le médecin militaire. Il y a un infirmier aussi. Il y a le pauvre infirmier. Il m'a posé le garrot pour me mettre la perf. Il est allé vomir. Il est revenu pour me mettre la perf.

  • Speaker #1

    Et pourquoi ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on te met ? On me met de l'eau, du sel, du sucre.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Parce que tu vomis trop ?

  • Speaker #0

    Parce que ça fait trois jours que je n'ai pas dormi, que je n'ai pas réussi à garder ce que je... J'avais des hallucinations, ce n'était pas clair.

  • Speaker #1

    À cause d'un énorme mal de mer.

  • Speaker #0

    Mais c'est le pire que j'ai eu. Les autres fois, je suis juste à chaise pendant deux, trois jours. Et même des moments, je suis bien. Je suis sur le pont et tout.

  • Speaker #1

    Mais tout le monde est pareil, non ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y a pas de justice dans le mal des transports.

  • Speaker #1

    Mais quand tu as trois jours à s'y mettre...

  • Speaker #0

    Je sais qu'il y avait cinq marins qui étaient à chaise, au fond des Madès, sur un équipage de 35. Je pense que c'était quand même la mer un peu pénible.

  • Speaker #1

    D'accord. Et on te prévient avant de monter ? C'est comme dans l'avion, quand on dit qu'il va y avoir des turbulences ?

  • Speaker #0

    Oui, mais ça, je pense que c'est contre-productif. D'ailleurs, j'ai passé toute la matinée à les engueuler en disant Arrêtez de dire que ça va être l'horreur parce que vous êtes en train de faire bon. Ça n'a pas loupé. Oui, il y a des fois, il ne vaut mieux pas savoir.

  • Speaker #1

    Et donc, tu sais que tu vas le refaire dans l'autre sens.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu n'as pas le choix. t'es coincée et comment tu fais pour prendre l'avion alors pourquoi il y en a qui prennent l'avion en fait si t'as la chance de faire vraiment l'ouverture de saison ils ouvrent en avion parce que le bateau peut pas encore accéder la banquise est trop présente donc là c'est génial moi j'ai aussi le mal des transports en avion mais je vomis que 8h ben voilà j'arrive pas à percuter au coup ça te mal tes transports et tu continues de parcourir le monde moi je suis en carton mais ça m'agace de me dire que ça peut me limiter tu t'es jamais limitée en fait non ma limite en humanitaire c'est les bombardements c'est le seul truc où ma limite c'était ça t'as pas beaucoup de limites quoi et t'as fait quoi comme autre voyage incroyable à part ces raids alors et l'autre endroit où j'ai adoré travailler c'est les Marquises en Polynésie merci maman elle nous emmène aux Marquises, j'avais 17 ans et on arrive sur l'île de Nukuiva qui est l'île principale de l'archipel des Marquises les Marquises c'est la Polynésie française mais c'est vraiment en plein milieu du Pacifique et c'est l'île habitée la plus isolée des autres habitants du monde c'est vraiment un endroit encore un peu perdu. Il y a quatre heures de vol depuis Tahiti. Et donc, on est arrivé à Nuku Iva. Moi, j'ai 17 ans. Je ne sais même pas si je veux faire médecine. Ce n'est pas très clair. J'ai un espèce de flash. Ah oui, je vais revenir travailler ici.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi,

  • Speaker #0

    mais je vais revenir vivre ici. Il y a un truc. Mais ce n'est même pas que j'ai adoré. Je savais que je reviendrais. Je ne sais pas pourquoi.

  • Speaker #1

    Tu as senti quelque chose sur cette île ?

  • Speaker #0

    Voilà. Et c'est marrant parce que j'ai senti un effet très négatif sur une autre île. Les Polynésiens appellent ça le mana. ils te disent c'est normal, c'est sensible ou pas au mana, à l'énergie qui se dégage de tel ou tel endroit c'est l'île de Jacques Brel et Paul Gauguin donc voilà moi je suis retournée bosser à Nuku'iva 17 ans plus tard et pareil, ça a été un vrai bonheur ce qui fait que je suis retournée aux marquises Nuku'iva changeait beaucoup, s'urbanisait beaucoup, j'avais plutôt envie de faire quelque chose de plus rural, donc j'ai demandé à aller à Wapo, qui est une plus petite île en face, ça n'a pas été facile en termes humains

  • Speaker #1

    tu y allais comment sur cette petite île ?

  • Speaker #0

    alors du coup une fois que tu as pris ton avion jusqu'à Nuku Iva, soit tu as de la chance et tu as un petit coup d'avion, soit tu prends le bateau il est rude l'atterrissage est assez magique la piste démarre au bord de la mer et tu as des grands pics volcaniques au bout de la piste et les pilotes sont à deux sur les manettes pour être sûr qu'il y en ait un qui ne se rate pas tout le monde fait une prière avant de partir et tout le monde applaudit en arrivant mais le bateau il est rude aussi Ça va. En fait, la traversée que j'ai faite, ça allait. Mais j'ai eu de la chance.

  • Speaker #1

    Et t'es allée combien de temps sur cette petite île ?

  • Speaker #0

    Alors, Nukuiva, c'était six mois et Wapos, c'était neuf mois.

  • Speaker #1

    Mais il y a combien d'habitants à Wapos ?

  • Speaker #0

    Wapos, c'est 2500 habitants.

  • Speaker #1

    Et là, t'as une petite maison ? Là, tu deviens le médecin un peu du...

  • Speaker #0

    Oui, alors au début, j'avais une maison de fonction entre l'hôpital et le cimetière, mais qui était pleine de puces de lit. Donc, je suis pas restée très longtemps. Je ramenais les puces de lit à l'hôpital, c'était assez désagréable. Et donc, j'ai trouvé une autre maison où j'étais avec une sage-femme. Puis on s'est fait cambrioler, je me suis réveillée avec le gars au-dessus de ma tête en train de me piquer mes affaires, donc j'ai changé de maison. sur une île où il y a 2500 habitants ben oui mais en fait il a piqué du sucre et 10 euros j'avais des sous, mon ordinateur, mon téléphone des trucs comme ça mais il peut pas vraiment les revendre quand t'es sur une petite île je sais pas je me suis fait piquer mon téléphone il a quand même jamais réapparu mais toujours est-il que j'ai fini dans une maison merveilleuse d'une seule pièce avec une grande vue sur la vallée,

  • Speaker #1

    sur les pics volcaniques et pendant 9 mois t'as pas bougé de ton île ?

  • Speaker #0

    non déjà je travaillais tout le temps pendant 4 mois j'ai pas eu de collègue donc j'étais de garde tout le temps 4 mois de garde ça fait long quand même tu sais tout faire toi ?

  • Speaker #1

    tu peux autant accoucher, racheter une dent je bricole dans tout,

  • Speaker #0

    je sais pas faire très bien plein de choses mais je sais faire un peu beaucoup de choses il y avait un dentiste sur place, là ça va j'avais pas à faire les soins dentaires et il y avait la sage-femme donc si jamais il y avait vraiment eu un accouchement elle était bien meilleure que moi pour le faire il n'y a pas eu une histoire où au marquis ils ont demandé après justement d'avoir un

  • Speaker #1

    Un hélicoptère ou un avion pour aller à Tahiti ?

  • Speaker #0

    En tout cas,

  • Speaker #1

    en cas d'urgence, pour avoir...

  • Speaker #0

    En fait, quand j'étais à Nukuiva, il n'y avait plus l'hélicoptère parce qu'il avait existé. D'ailleurs, c'est fou parce que le pilote de l'hélicoptère, je l'ai retrouvé en Terre Adélie. Mais toujours est-il qu'ils n'avaient pas les financements pour garder cet hélico qui servait à rapatrier des plus petites îles vers l'hôpital de Nukuiva.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Où il y a un chirurgien d'anesthésiste. Ce que n'ont pas les autres îles. Et quand je suis retournée et que je suis allée à Wapo, là, ils avaient trouvé les financements. Parce qu'il y a eu le décès d'un bébé. Entre Wapo et Nukuiva. il aurait été sauvé s'il y avait eu l'hélicoptère pour en avoir parlé avec le médecin qui s'occupait de l'affaire c'est un peu plus compliqué que ça mais du coup l'hélicoptère il existait après l'hélicoptère ils ne volent pas de nuit c'est pratique et puis ils ne volent pas quand c'est bâché mais moi j'ai des souvenirs d'avoir tenu des patients un peu casse gueule la nuit en guettant le lever du soleil en disant quand est-ce que je le tiens, je le tiens mais vivement que l'hélicoptère arrive et toi t'es un super héros en fait non,

  • Speaker #1

    bah sinon tu t'en rends pas compte ?

  • Speaker #0

    bah en fait quand t'es là-bas moi ici quand je suis aux urgences, je travaille aux urgences tous les cas compliqués je les laisse à mes collègues urgentistes je pense qu'on a le droit aux meilleurs soins possibles mais quand t'es là-bas et qu'il n'y a que toi c'est pas compliqué en fait soit tu fais quelque chose, au pire ça marche pas soit tu fais rien, donc on y va tu fais et puis WAPO, ce n'est pas comme un service d'urgence en France. Tu as rarement cinq mecs, six mecs à gérer en même temps. Tu as un patient à la fois, donc tu as le temps d'aller aussi ouvrir ton ordinateur, chercher, te renseigner, appeler un collègue. C'est un patient par un patient. Ce n'est pas du tout la même...

  • Speaker #1

    Oui, ce n'est pas le même travail, mais d'être quand même seule au bout du monde, finalement, ça repose sur toi. Ce n'est pas la même chose que d'être ici à l'hôpital avec toute une équipe, des spécialistes, d'autres experts.

  • Speaker #0

    Oui, mais j'ai des copains médecins qui ne le feraient pas.

  • Speaker #1

    c'est vrai qu'il faut se rendre compte t'es quand même un super héros pour moi et pour plein de gens je trouve ça génial et t'as créé des liens là-bas, tu t'es fait des copains ?

  • Speaker #0

    oui, les Polynésiens sont très loin des yeux, loin du cœur donc quand il n'y est plus, t'as du mal à garder le contact mais je sais que quand je suis retournée, il y a eu 3-4 ans entre les deux missions, j'ai retrouvé les copains et puis j'ai une famille d'amis qui est venue à Paris faire soigner son grand à l'hôpital ici je les ai emmenés à Angers, on s'est baladés ensemble et compagnie

  • Speaker #1

    donc t'as enchaîné pendant 20 ans ?

  • Speaker #0

    oui différents endroits avec des petites pauses en France entre les deux parce que sinon tu finis par plus savoir faire de médecine occidentale et tu fais que de la médecine de brousse donc t'as refait des formations pendant 20 ans ? j'ai refait des formations et puis j'ai travaillé en France en fait entre deux histoire de maintenir quand même un peu c'est pour ça que c'est un métier magique tu rentres, t'as un boulot tu lâches un boulot, tu repars, tu reviens c'est un privilège et c'est quoi ton rêve pour demain ? Ah, mes deux jobs de rêve, je voulais, là je suis un peu bloquée, mais dans l'idéal, je voudrais aller travailler en Écosse parce que c'est mon pays adoré. Et j'ai repéré un hôpital sur l'île de Skye qui a l'air très très bien.

  • Speaker #1

    On a le droit, avec un diplôme français, d'aller travailler en Écosse ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, il faut que je me renseigne justement.

  • Speaker #1

    Parce que pour la médecine d'urgence, tu as le droit, sur des missions comme ces médecins sans frontières et tout, mais pour aller vraiment être employée dans un hôpital...

  • Speaker #0

    Ça dépend des pays, en fait. Et mon deuxième job sur ma liste, c'est Vanuatu. Et ça, je sais que c'est faisable. Donc j'ai déjà les contacts de l'hôpital où je pourrais aller.

  • Speaker #1

    Et pourquoi le Vanuatu ?

  • Speaker #0

    Parce que j'ai beaucoup aimé le côté rustique des marquises et la culture pacifique. Je travaillais avec un infirmier qui a beaucoup baroudé aussi, surtout le fin fond de la Guyane, forêt amazonienne, et puis le Vanuatu. Et quand il m'en parlait, quand j'ai vu les vidéos, etc., ce qui m'a attirée, c'est ce côté qui est encore rustique là-bas et les volcans.

  • Speaker #1

    les volcans c'est un truc qui me fascine absolument j'en ai jamais vu en activité l'idée c'est de combiner les deux mais c'est dressé là-bas ou t'as toujours envie de faire ces missions de 6 mois,

  • Speaker #0

    9 mois en fait pour l'instant j'ai envie d'avoir des amis qui rentraient en métropole donc je trouve que c'est très très important de rentrer et de cultiver il y a un entourage quand même j'en ai vu surtout en humanitaire des gens qui vivent sur le canapé entre deux missions jamais chez eux, ils finissent par même ne plus savoir pourquoi ils partent en mission en fait mais il n'y a personne qui les attend

  • Speaker #1

    C'est ça qui te tient, c'est qu'il y a des gens qui t'attendent ?

  • Speaker #0

    Oui, les amis, c'est la base.

  • Speaker #1

    Il existe une communauté de médecins comme toi ? Vous avez un moyen de tous vous contacter ou bien c'est chacun avec son bâton de pèlerin où vous allez chercher vos missions ?

  • Speaker #0

    On se débrouille un peu tout seul, parce qu'on sait où chercher, mais au fur et à mesure, on rencontre d'autres médecins. Il y en a où on accroche, d'autres moins, mais on se recroise. D'ailleurs, finalement, on finit par tous un petit peu se connaître par l'intermédiaire des uns des autres. et il y a quelques années ils ont créé une société médicale qui s'appelle la Sophramie qui est vraiment axée médecine en site isolé et à travers cette société ça permettait d'échanger autour des opportunités de travail autour des pratiques, du matériel etc. mais on est nombreux et je dirais il y a les médecins il y a des infirmiers, il y a des kinés, il y a des sages-femmes je pense à quelques centaines de personnes qui tournent uniquement sur ce type sur l'univers médical autour du monde mais on finit par se croiser un jour généralement et c'est quoi ta plus belle rencontre ? attention la plus belle rencontre elle est une des plus belles oui c'est ça parce qu'il y en qui sont très belles quand même oui si il y en a un qui me vient tout de suite parce qu'on parlait des marquises il n'y a pas très longtemps c'est Pory alors Pory c'est un marquisien qui m'a appris à jouer du ukulélé alors imaginez c'est un gars qui était pêcheur et puis qui avait des problèmes d'addiction, une vie un peu compliquée entre le jeu, la boisson. Il allait à Vegas. C'est vrai que les Polynésiens adorent aller à Las Vegas. Et puis il a été sauvé par sa femme, Marguerite, qui a l'air comme ça d'un gardien de porte de prison et qui est la nana la plus gentille de la Terre, qui était aide-soignante à l'hôpital. et donc il a trouvé Marguerite et Dieu et le ukulélé il s'est racheté une nouvelle vie et lui il est maintenant luthier donc il fait des ukulélés qui sont magnifiques et je les écoutais jouer tous les après-midi le dimanche au petit snack au bord de l'eau ça me faisait rêver, c'était magnifique puis j'ai fini par prendre mon courage à deux mains je me suis pointée avec ma guitare, je connaissais quatre accords donc il a pas du tout aimé la façon dont je jouais par contre quand il a pris ma guitare, il a beaucoup aimé ma guitare donc il m'a dit tu peux revenir mais qu'avec la guitare et au bout de six mois, je l'ai eu à l'usure en fait on est vraiment devenu très proche c'était mon papa adoptif là-bas quand je suis retournée trois, quatre ans après, j'ai recommencé à jouer du ukulélé avec lui dans le petit snack le dimanche après-midi.

  • Speaker #1

    T'as un ukulélé à la maison ?

  • Speaker #0

    Bah du coup j'ai le sien, oui le seul truc vraiment auquel je tiens dans toutes mes affaires, c'est ça

  • Speaker #1

    T'as un souvenir de chaque voyage chez toi ?

  • Speaker #0

    Presque, ouais. Ouais, il y a un petit côté cabinet des curiosités. Beaucoup les marquises, quand même. J'ai vraiment eu beaucoup de cadeaux à la sortie, mais ouais.

  • Speaker #1

    Ouais, ça t'est resté. Et ta plus grande frayeur ?

  • Speaker #0

    Ma plus grande frayeur... Il y en a eu pas mal, quand même. Mais ouais, ce serait sur la mission à Bangui, en Centrafrique. Le chef de la mission nous dit, Allez, il y a eu un accident de camion, je crois que c'était à 80 kilomètres. on y va. Puis on se décide un peu dans la panique. Ce n'est pas du tout la mission qu'on est censé faire. Dans le moment, je ne réfléchis pas, je suis le mouvement. D'accord, on part à trois camions.

  • Speaker #1

    C'est toi la boss ? Tu avais un boss ?

  • Speaker #0

    Non, j'étais ma première mission, donc j'étais en bas de l'échelle.

  • Speaker #1

    Et à quoi ? Après, c'est quelqu'un qui est chef de mission ?

  • Speaker #0

    J'avais ma N plus 1 qui était la médecin référent. Et puis, il y avait lui au-dessus qui était chef de projet.

  • Speaker #1

    Chef de projet. Le chef de mission,

  • Speaker #0

    c'est celui qui chapeaute plusieurs projets dans le pays. Donc, lui était chef du projet de l'hôpital dans lequel je travaillais. Donc on y va, on est sur une route, alors on n'avait pas le droit de quitter la ville normalement, donc on est sur une route de campagne, puis on arrive de nuit sur les lieux de l'accident, et puis en fait il y a plein de gens dans la forêt, on ne voit rien, finalement les blessés ont été émenés ailleurs. Je te passe le milieu de l'histoire qui est un peu long, mais en gros on finit par récupérer des blessés, et là il nous dit qu'il faut qu'on rentre très vite. Et je commence à comprendre qu'en fait, c'est dangereux. C'est-à-dire qu'on ne devrait pas être là. Ça craint. La route est en train d'être barrée par les rebelles. Donc, on repart. Moi, il m'a mis deux gars à l'arrière du camion, dont un qui est dans le coma. Et là, il dit, on ne s'arrête plus. C'est-à-dire qu'on ne s'arrête plus. Que un, pour quoi ? Sous aucune raison, on trace.

  • Speaker #1

    Attends, qui tu dis ça ? C'est le chef de projet ?

  • Speaker #0

    C'est le chef de projet qui dit ça. Il est dans le camion de devant. Et puis, il dit, on ne s'arrête plus, quoi qu'il arrive. Donc là, déjà, tu es mal. Et puis, on roule vite sur une roule qui n'est pas éclairée. Il y a des gens qui traversent. Il y a des villages. Tu te dis, on va finir par percuter un gamin ou quelque chose. Et là, le gars dans le coma se réveille. hyper agitée, mais elle tapait partout dans l'arrière du camion. Le chauffeur à côté de moi, il est terrifié. Je lui dis, mais qu'est-ce qu'on fait, quoi ? Je lui dis, mais il faut qu'on s'arrête, en fait. Il faut que je le calme et tout. Il me dit, non, non, hors de question, tu te débrouilles, tu ne t'arrêtes pas.

  • Speaker #1

    Et tu n'as rien avec toi ?

  • Speaker #0

    Mais je n'avais rien avec moi. Et puis, en plus, il tapait sur le blessé d'à côté qui avait une fracture de jambe. Alors, on prend le sketch. et puis en fait dans la langue que je ne comprenais pas et la situation que je ne comprenais pas on a fini par comprendre qu'il voulait juste faire pipi donc j'ai vidé ma bouteille de Coca-Cola par la fenêtre, je lui ai donné et puis il a fait pipi et on a fait le reste de la route un peu plus sereinement n'empêche qu'on a dû passer des barrages et quand on est arrivé à l'hôpital tout le reste de l'équipe était absolument terrifié et là j'ai compris à posteriori qu'on avait pris des risques qu'on n'aurait jamais dû prendre ouais t'es pas un super héros Non, alors moi, je ne suis pas là pour mourir pour la cause. Ça, c'est vraiment un truc... Je suis là pour la rencontre, pour le soin, mais je n'irai pas la fleur au fusil.

  • Speaker #1

    Tu retournerais en Afrique ?

  • Speaker #0

    Oui. Par contre, maintenant, je choisirais mes missions pas forcément sur le critère sécurité, mais sur le critère bienfait médical. Est-ce que ça correspond vraiment à ce que je crois qu'il faut faire ou pas ?

  • Speaker #1

    Qu'il faut faire. Tu m'as dit que tu étais allée en Afghanistan. Ça n'a quand même rien à voir avec ces missions de... de terre lointaine et de terre oubliée. Tu es allée faire quoi là-bas ?

  • Speaker #0

    Je suis allée à Kaboul. Je t'avais dit à MSF que je ne voulais pas repartir en capitale. Je suis repartie en capitale. Là, on ne pouvait pas ni faire la fête ni boire d'alcool. bien plus calme. Je suis partie comme... Là, je suis montée en grade et j'étais référent médical de projet, si je traduis bien. Donc, j'étais en charge d'une équipe de 180 personnes, nationaux et expatriées. Et il s'agissait d'une maternité avec un bloc de chirurgie ostétricale et un petit service de pédiatrie néonate. Donc, moi, j'étais beaucoup sur du management d'équipe puis la direction du projet. mais quand même aussi les gynécologues quand ils étaient en galère m'appelaient sur mon téléphone notamment la nuit donc c'était une mission assez dense t'es restée combien de temps ? je suis restée 6 mois et demi, j'ai perdu 9 kilos j'étais malade tout le temps J'ai jamais été autant stressée, mais pour des raisons de travail, en fait. C'était pas le contexte sécuritaire. C'était vraiment... C'est pas un travail que j'avais l'habitude de faire.

  • Speaker #1

    De gérer autant de monde, tu peux dire.

  • Speaker #0

    C'est hyper stressant, quoi. Ben voilà, c'est ça. C'est l'hôpital, je sais pas si les gens se rappellent, mais il a été attaqué après par Daesh, un ou deux ans plus tard. Il y a eu des morts dans cette maternité. Voilà, donc là, Kaboul, on était au summum de l'enfermement et de l'activation de liberté.

  • Speaker #1

    C'est vrai, t'as fait comment une journée quand t'es là-bas, alors ?

  • Speaker #0

    en fait on était la seule mission du pays qui avait le droit de marcher dehors sur à peu près je crois 200 mètres sur le trottoir pour aller de la maison à l'hôpital 8h le matin on rentrait déjeuner, on revenait boulot boulot jusqu'à

  • Speaker #1

    18h-19h et après t'es enfermée chez toi ?

  • Speaker #0

    le soir t'es enfermée, le week-end t'es enfermée alors tu peux aller faire une course, t'as le droit un petit peu On a eu le plaisir d'aller acheter du tissu pour se faire des tenues. Et là, je me suis retrouvée avec un tailleur afghan qui me prenait les mesures en me frôlant les seins. Alors je me suis dit, mais on ne devrait pas être en train de faire ça. Mais ça s'est bien passé. Et puis, on s'est même retrouvée à aller acheter une guitare aussi, dans un magasin de musique qui n'avait jamais vu de femme blanche passer le seuil. Donc, un grand moment.

  • Speaker #1

    Tu as aimé cette mission, malgré le boulot ?

  • Speaker #0

    J'ai failli arrêter à cause du stress lié à des problèmes que j'avais avec des gens dans la mission. mais en fait, j'ai beaucoup aimé. Notamment, tu vois, je te parle de guitare, c'était mon échappatoire, puisqu'on était enfermés tout le temps. Puis un jour, elle s'est cassée, parce que c'était une vieille guitare en mauvais état. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je suis partie en week-end. Il faut savoir que c'est un pays où les femmes n'ont pas le droit de jouer de musique. Je suis partie en week-end dans une autre maison de la mission, et quand je suis revenue dans mon bureau, qui est un grand open space, ils avaient réparé ma guitare. C'est-à-dire qu'il y avait tous ces hommes afghans qui avaient réparé ma guitare. et qu'il l'avait posé sur mon bureau comme ça. Donc il y avait des moments un peu, malgré tout, des beaux moments.

  • Speaker #1

    Suspendus, quoi.

  • Speaker #0

    Ouais,

  • Speaker #1

    exactement. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    De rien.

  • Speaker #1

    C'est la fin. Merci mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. J'espère que vous aussi, vous avez voyagé. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous laisser 5 étoiles sur Apple Podcast et un petit commentaire. On attend avec impatience vos retours et vos impressions. Et si vous aussi vous avez envie de nous raconter un extraordinaire voyage ou une aventure au bout de votre rue, envoyez-nous un petit message sur Instagram. A très vite, merci et à bientôt.

Description

Anais Pélier appartient à cette communauté extraordinaire des médecins-voyageurs. Loin d’un cabinet de ville, ces aventuriers embarquent  leur stéthoscope dans leur sac à dos pour partir en mission aux 4 coins de la planète 


La vie d’Anais est digne des plus grands romans d’aventure. 

Pour Beau Voyage elle revient sur sa fascination pour les Terres Australes qui l’a poussé à partir plusieurs mois sur l’Ile d’Amsterdam, puis à Crozet et à Kerguelen, 3 iles du bout du monde sur lesquelles personne ne vit vraiment.

Sur ces "cailloux", on ne trouve que des professionnels en mission, des biologistes, des scientifiques.. qui vivent en communauté ultra restreinte dans des conditions extremes avec un ravitaillement par bateau tous les 3 mois.


Elle nous raconte aussi ces 4 étés passés au milieu de l’Antarctique où elle accompagne le Raid au volant d'un tracteur XXL qui parcourt les glaces. Sa mission? Etre le médecin de ce convoi hors-normes qui traverse la banquise pendant 15 jours pour ravitailler la station Concordia.


Dans cet épisode complètement fou, cette aventurière nous dévoile les dessous du quotidien méconnu de ces médecins tout terrain. Elle nous parle de cette vie toujours en mouvement, de ses missions très loin de tout ce que l'on peut imaginer et de ces opérations réalisées avec les moyens du bord.  Elle nous parle aussi de ses missions humanitaires en Centrafrique, en Afghanistan et sur les îles Marquises, ces rencontres, ces frayeurs, la violence au milieu du paradis.


Anais a une vie extraordinaire et une vision de l'aventure que j'ai adoré, j’aurais pu passer ma journée à l’écouter. 

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Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous laisser 5 étoiles ou un commentaire sur Apple Podcasts ou Spotify. Ce serait vraiment un sacré coup de pouce pour nous !

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Production : Sakti Productions

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Ecrivez-nous : mariegarreau@saktiproductions.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Au fur et à mesure des missions, j'ai quand même eu trois chirurgies à faire. Et tu fais ta chirurgie avec l'ornito, le gendarme, le cuisinier, l'informaticien. J'ai un souvenir, on a mis du Georges Brassens, et puis à la fin, on a chanté les copains d'abord. C'est une super ambiance. Eux, ils t'emmènent attraper des manchots et des otaries, ou alors ils t'emmènent gérer l'approvisionnement d'eau. C'est une chance incroyable, parce qu'ils sont 22, j'ai pas du travail. par-dessus la tête non plus. Donc j'ai le temps de faire autre chose.

  • Speaker #1

    Bonjour, c'est Marie et vous écoutez Beau Voyage. De l'ascension du Merapik au Népal, au tour du monde en famille, du road trip au Chili au bivouac en Inde dans les Pyrénées, vous entendrez des hommes et des femmes qui partagent leurs aventures hors des sentiers battus. Des aventuriers ordinaires qui vous racontent leurs aventures extraordinaires. À deux ou en tribu, à l'autre bout du monde ou en bas de chez eux, avec trois sous ou en claquant leur PEL, ces voyageurs nous confient leurs histoires, leurs galères, leurs bons plans et leurs coups de cœur. Sur Beau Voyage, nous allons vous prouver que l'aventure est partout et à la portée de tout le monde. Alors montez le son et venez rêver avec nous. Mon invité aujourd'hui s'appelle Anaïs Pellier et appartient à cette communauté extraordinaire des médecins voyageurs. Très loin d'un cabinet de ville, ils embarquent leur stéthoscope dans un sac à dos pour partir en mission aux quatre coins de la planète. En fait, la vie d'Anaïs est digne des plus grands romans d'aventure. Pour Beau Voyage, elle a accepté de nous raconter sa fascination pour les terres australes, qui la poussait à partir plusieurs mois sur l'île d'Amsterdam, puis à Crozet et à Kerguelen. En fait, sur ces trois îles, personne ne vit vraiment. Il n'y a que des professionnels en mission, des biologistes, des scientifiques et anaïs. Ils vivent en communauté ultra restreinte, dans des conditions extrêmes, avec un seul ravitaillement par bateau tous les trois mois. Elle revient aussi sur ses quatre étés passés au milieu de l'Antarctique, où elle accompagne le RAID. Sa mission, être le médecin du convoi de tracteurs qui part sur les glaces pendant deux semaines pour ravitailler la station Concordia. En fait, dans cet épisode totalement dingue, elle nous dévoile des dessous du quotidien méconnu de ces médecins tout-terrain, sa vie toujours en mouvement, ses missions très loin de tout et ses opérations réalisées avec les moyens du bord. Et comme j'étais très curieuse, elle m'a aussi raconté ses missions humanitaires en Centrafrique, en Afghanistan et sur les îles marquises, avec ses moments suspendus et ses très grandes frayeurs. En fait, j'aurais pu passer ma journée à l'écouter et j'espère que vous allez adorer vous aussi écouter ces histoires. Bonjour Anaïs, je suis ravie de voyager avec toi aujourd'hui. Est-ce que tu peux rapidement te présenter ?

  • Speaker #0

    Oui, je m'appelle Anaïs Pellier, j'ai 40 ans, je suis née dans le Ménéloir, dans l'Ouest, et je suis médecin généraliste.

  • Speaker #1

    Et t'as voyagé quand t'étais petite ?

  • Speaker #0

    Et j'ai voyagé quand j'étais petite, j'ai eu beaucoup, beaucoup de chance. J'avais des parents qui adoraient absolument voyager. Et donc chaque été, on avait le droit à un grand voyage, mais vraiment des beaux voyages. C'est-à-dire que ma mère, toute l'année, préparait soigneusement la destination. Elle nous a emmenés à l'île de Pâques, elle nous a emmenés aux Marquises, elle nous a emmenés en Afrique du Sud, dans les parcs animaliers absolument fous. Et donc chaque année, on avait le droit à ça. Et j'ai trois frères et sœurs, on a tous eu le virus comme ça.

  • Speaker #1

    Elle partait comme ça, quatre enfants, vous partiez à six ?

  • Speaker #0

    Oui, on partait à six. Au bout du monde, quoi. Au bout du monde, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et ça cadeau ou c'était quoi comme ambiance de voyage ?

  • Speaker #0

    C'était plutôt ambiance confort quand même. Mais bon, avec le goût du risque un peu, parfois, j'ai des souvenirs de pannes de véhicules au milieu des parcs animaliers avec des lions, des éléphants, des trucs un peu où de passer des rivières au Guatemala avec une escorte militaire. Dans mes yeux d'enfant, ça avait l'air très safe. Avec le recul, je me rends compte que parfois,

  • Speaker #1

    c'était un peu l'aventure aussi.

  • Speaker #0

    voilà mais elle n'a pas froid aux yeux ma mère elle est pilote aussi amateur elle est aussi médecin mais elle est pilote amateur et elle avait une petite ONG où elle allait en avion jusqu'au Burkina Faso donc déjà il y avait quand même une fibre un peu voilà ça vient de nulle part et

  • Speaker #1

    toi tu décides d'être médecin ?

  • Speaker #0

    très tard, moi je voulais être vétérinaire je voulais retourner en Afrique soigner les lions et les éléphants et puis on m'a dit c'est trop dur alors j'ai fait médecine et je ne regrette pas du tout.

  • Speaker #1

    C'est beau de faire médecine par dépit quand même. C'est rare.

  • Speaker #0

    J'ai mis du temps à savoir que ça me plaisait et aujourd'hui, et surtout la médecine générale, je ne regrette absolument pas. J'adore ce métier et j'ai rarement connu un métier qu'on met dans son sac à dos avec une telle facilité, c'est-à-dire qu'il y a du travail partout, dans des conditions variées, intéressantes. C'est un vrai privilège.

  • Speaker #1

    Quand tu l'as fait, quand tu as fait les études de médecine, qui sont quand même des études difficiles, Tu l'as fait avec cette idée qu'un jour tu allais le mettre dans ton sac à dos ou tu ne savais pas trop ?

  • Speaker #0

    Dès la première année, je savais, mais j'étais plutôt dans l'optique médecine humanitaire. Voilà, un peu en mode on va aller sauver le monde. et puis j'ai fait mon dernier semestre d'internat au Sénégal fin fond de la brousse, grâce à ma mère qui travaillait en partenariat avec un hôpital de là-bas qui est allé me déposer avec son petit avion jusque là-bas. Ça a été une expérience assez intense, mais où je me suis dit, avant d'aller faire de l'humanitaire, va faire autre chose, parce qu'il faut que tu fasses tes armes. Je ne me sentais pas prête. Et par des hasards absolus, je me suis retrouvée dans les terres australes et antarctiques françaises.

  • Speaker #1

    Mais raconte-nous ça.

  • Speaker #0

    Je rentre du Sénégal, et je ne sais pas ce que je vais faire de ma vie. Je n'ai plus de copains, je n'ai pas d'appart. C'est un peu le coup de mou, comme ça. Et puis, il y a un magazine gratuit d'annonces médicales qu'on reçoit, souvent. Il y a une petite annonce. qui dit, si vous aimez l'aventure et les grands espaces, venez nous retrouver, vous ferez du dentaire, de la radiologie, de la chirurgie. N'hésitez pas à appeler. Je me dis, il faut être complètement sonné pour vouloir faire ça, mais je découpe l'annonce, puis je la laisse dans un coin. Puis au bout d'une semaine, j'y reviens, je dis, allez, j'envoie un CV. Le directeur m'a rappelé une semaine après. Il m'a dit, on a besoin de vous, il nous faut quelqu'un à Amsterdam dans six mois. Mais la nouvelle Amsterdam. Donc j'ai dit, OK, d'accord. Et puis après, je suis allée sur Internet. J'ai tapé Nouvelle Amsterdam et là j'ai vu un grand carré bleu sur Maps avec un petit truc rouge comme ça, j'ai fait bon ça me dit pas où c'est alors je recule, je recule, je recule puis là je vois apparaître l'Australie, l'Afrique j'ai fait mais qu'est-ce que j'ai pas fait

  • Speaker #1

    Mais c'est où alors la Nouvelle Amsterdam ?

  • Speaker #0

    C'est à mi-chemin entre l'Australie et l'Afrique c'est à la limite entre l'océan Indien et l'océan Austral Ça fait partie des terres australes et antarctiques françaises. Je suis allée là-bas, je ne savais même pas dans quoi je mettais les pieds.

  • Speaker #1

    Mais donc tu pars pour combien de temps ? Qu'est-ce que tu fais ?

  • Speaker #0

    Cette fois-là, je pars pour quatre mois. C'est mon premier job après ma thèse. On me demande pendant trois mois de me former avant en chirurgie, en dentaire, en anesthésie, un peu en mode débrouille-toi, tu seras toute seule

  • Speaker #1

    Donc tu fais ?

  • Speaker #0

    Donc je fais.

  • Speaker #1

    Et comment ça se fait ? Comment on fait ces formations-là ? Alors avant, c'était en 2011.

  • Speaker #0

    Ce que je te raconte, à l'époque, on bricolait avec les contacts qu'on avait. Je suis allée dans le cabinet du coin de la campagne, je suis allée chez les copains chirurgiens de la main. Maintenant, c'est cadré avec l'armée. C'est des contrats militaires, en fait. Et l'armée nous embauche en CDD et nous prête au territoire d'État. D'accord. Maintenant, ils nous forment. Avant, c'était un peu...

  • Speaker #1

    Il fallait vraiment avoir envie, quand même.

  • Speaker #0

    pour aller te débrouiller et avoir tout ça je pense que j'étais complètement inconsciente je m'en rends compte maintenant je suis bien contente d'avoir fait 3 fois et 4 fois la formation je me sens plus en confiance à l'époque j'étais un peu gonflée donc je pars, je prends le Marion Dufresne qui est un grand bateau ravitailleur qui part de la Réunion tu voles jusqu'à la Réunion je prends le bateau il faut déjà 5 jours, alors on passe à Crozet donc les gens descendent à Crozet, remontent Après, on passe à Kerguelen. Et puis, au bout de trois semaines, on arrive à la nouvelle Amsterdam. Et puis là, je vois un petit caillou qui fait 55 kilomètres carrés. Et puis, on me pose là, quoi, en fait, avec les autres. Et puis, ben voilà. Qui, les autres ? Les autres, c'est des militaires, des civils. Voilà, c'est tous les gens qui viennent travailler sur le site et qui sont renouvelés, en fait, chaque année.

  • Speaker #1

    Donc, il n'y a que des gens qui travaillent à la nouvelle Amsterdam ?

  • Speaker #0

    Il n'y a aucun autochtone dans tous les terres australes et antarctiques français. Il n'y a que des agents. qui viennent pour travailler. Il n'y a personne qui vit.

  • Speaker #1

    Donc là, tu débarques là.

  • Speaker #0

    Je débarque là. Il y a des otaries partout. Et puis surtout, c'est tout petit. Et puis le bateau repart. Et puis c'est vrai qu'on se demande un peu ce qu'on vient faire là. Mais tout de suite, une ambiance humaine, c'est l'exaltation complète. Tout le monde est fou furieux d'être là. Et puis c'est la nouveauté. Tout est une découverte. On vit dans une colonie d'otaries. Il y a des albatros. c'était un énorme coup de cœur. On était une vingtaine.

  • Speaker #1

    Et là, pendant quatre mois, tu sais que vous n'allez être qu'une vingtaine ? Oui. C'est incroyable quand même.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est ça qui est génial. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça peut mal se passer. D'ailleurs, il y a des choses qui se passent mal. Et puis, il y a des choses qui sont fantastiques sur le plan humain. C'est très riche, en fait. Cette intimité, ce confinement. Alors à l'époque, personne ne savait ce que c'était que le confinement. On n'avait pas encore eu le Covid. Et puis, cette découverte. Je me suis dit, je vais retourner faire mes études. Je vais refaire vétérinaire. Ce n'est pas possible d'être au milieu des manchots, des oiseaux, partir. Donc, tout se fait à pied. la grande colonie d'Albatros, elle est sur la falaise d'Entrecasteaux, qui est une immense falaise, qui est 700 mètres de haut, qui est à l'autre bout de l'île. Elle se mérite, il y a quand même 8 heures de marche, il y a une Via Ferrata, il faut y aller. Donc moi qui avais un vertige monstrueux, je me suis fait violente. C'est incroyable d'être le spectateur de cette richesse naturelle, de ces paysages magnifiques. Moi, je suis tombée amoureuse. Je ne voulais pas partir, en fait. Je ne voulais pas repartir dans le bateau. J'ai dû partir quand même.

  • Speaker #1

    Il y avait autant de femmes que d'hommes ?

  • Speaker #0

    on était quatre femmes pour du coup 18 hommes ce qui était pas mal il y a eu moins il y a pire il y a eu moins et elle faisait quoi les autres femmes ? alors il y avait une autre analyse qui était chimiste elle était trois d'ailleurs elle était vraiment dans la chimie et l'atmosphère elle faisait des prélèvements d'air parce que l'air de la Nouvelle Amsterdam est le plus pur du monde Il sert de référence pour les études de qualité de l'air, de l'évolution de l'air, de la biomasse maritime. Ces trois femmes-là étaient vraiment axées là-dessus. Et puis il y avait d'autres scientifiques qui étaient des hommes, qui étaient plutôt biologie marine, ornithologie, sismique et magnétisme aussi. Puis ensuite il y avait les agents de la réserve naturelle. Il faut savoir que les terres australes et antarctiques, c'est la plus grande réserve naturelle française, avec la plus grande zone maritime aussi. donc il y a forcément des agents qui sont là pour les inventaires des espèces pour le maintien des accès ce genre de choses et comment ça se passe quand on est une femme justement enfin une femme ou un homme d'ailleurs quand on fait ses missions on est vraiment enfermé pendant

  • Speaker #1

    6 mois, tu vas te nidiser 9 mois etc, il y a quoi des histoires d'amour des histoires de cul comment ça gère les relations humaines comme ça enfermée.

  • Speaker #0

    C'est très intense et on ne peut pas y échapper. Donc forcément, sur les terres australes et antarctiques, vraiment, c'était très peu de femmes et beaucoup d'hommes. Moi, la première fois que je suis partie, ça m'est complètement montée à la tête. C'est-à-dire que je suis arrivée, je trouvais que tous les hommes étaient magnifiques. D'ailleurs, je continue de le penser. Et eux, ils trouvaient tous que j'étais magnifique, ce qui ne m'arrive pas d'habitude. Ce qui fait que j'ai un peu perdu la tête de toute cette séduction, de toute cette attention. et puis en plus j'étais en pleine rupture amoureuse j'avais le coeur brisé donc j'ai pas bien su gérer ça on te prépare pas à ça ? non parce qu'en fait souvent c'est des hommes qui t'ont en entretien d'embauche et donc qui te le disent pas moi je sais que j'en ai beaucoup parlé après avec les femmes que je croisais qui y allaient ou sur place mais c'est pas un sujet qu'on évoque beaucoup avant et puis j'ai subi du harcèlement aussi, j'ai subi des violences il y a eu des choses très négatives il y a eu des choses merveilleuses je suis tombée amoureuse follement j'ai vécu des très belles histoires mais ce qui est sûr c'est qu'on n'échappe pas aux autres donc ça on ne peut pas partir, on se confronte à des gens qu'on n'aurait jamais croisés dans la vie de tous les jours et finalement c'est très bien par contre ça apprend quand même à se gérer c'est à dire qu'on peut pas faire n'importe quoi c'est un groupe, c'est vraiment un équilibre fragile et si on se met à briser un coeur là ou à générer une jalousie ici, attention ça peut complètement partir en cacahuète et ça c'est vu, et il n'y a pas d'échappatoire et il n'y a pas d'échappatoire donc je pense que c'est une responsabilité ce que j'ai découvert du coup moi au début j'ai dit les hommes sont vraiment des animaux et puis je suis partie à Kaboul alors on était 12 filles douze filles, on a vu arriver cet incroyable Australien magnifique, taillé comme un viking, qui est pédiatre, qui fait la cuisine d'une gentillesse pas possible, et qui se promenait torse nu tout le temps. Et je me suis rendue compte qu'en fait, la frustration, c'était la même chose. Je crois quand même que les femmes iront moins à l'agression et au harcèlement, mais toujours est-il que... En effet, ce jeune homme charmant, on lui a demandé de se rhabiller quand même, d'arrêter de déambuler à moitié nue, par respect.

  • Speaker #1

    Pour vos petits cœurs de femmes.

  • Speaker #0

    Exact, oui, les cœurs, on va dire ça. On va dire ça.

  • Speaker #1

    Et les gens, ils sont tous en mission ? Ou bien il y en a qui restent vraiment, vivent là-bas ?

  • Speaker #0

    Personne n'a le droit de rester, en fait.

  • Speaker #1

    Ah oui,

  • Speaker #0

    d'accord. Ah oui, on est vraiment embauchés, on y va, on est ressortis, mais il n'y a pas de...

  • Speaker #1

    Personne ne reste.

  • Speaker #0

    On ne peut pas décider de rester, oui.

  • Speaker #1

    Tu serais restée, toi ?

  • Speaker #0

    Alors, je serais restée, j'ai envie de dire, au début, avec les gens avec qui j'étais à ce moment-là. Voilà, pour vraiment vivre l'aventure jusqu'au bout. Notamment, je vais retourner après sur une autre île, mais l'idée, c'est de faire une année complète. ce besoin de voir le cycle de vie complet. Des otaries, des manchots, des oiseaux, revoir revenir la saison. Une fois qu'on a vu tout ça déjà... on a l'impression qu'on peut rentrer.

  • Speaker #1

    Et là, donc, toi, tu as un petit cabinet ? Comment ça se passe ton quotidien,

  • Speaker #0

    entre deux ?

  • Speaker #1

    Non, mais là, quand tu arrives à la nouvelle syndrome...

  • Speaker #0

    Oui, en fait, il y a un hôpital, on appelle ça un hôpital, dans lequel j'habite. Il y a un bloc opératoire, une chambre pour le patient, il y a de quoi faire soi-même un petit peu d'analyse sanguine, biologie, il y a un cabinet de dentaire, il y a de quoi faire des radios. voilà et le truc c'est qu'on est quand même tout seul avec que deux mains donc la première étape c'est de former les autres personnes à t'aider d'accord voilà à t'aider au bloc opératoire à t'aider pour faire les prises de sang les radios mais donc tu choisis t'es le soir au dîner c'est sur volontariat parce que ceux qui aiment pas le sang ceux qui aiment pas le sang et tout tu vas pas les on fait des malaises c'est pas le but du jeu c'est sur le volontariat mais moi au fur et à mesure des missions j'ai quand même eu trois chirurgies à faire et tu fais ta chirurgie avec l'ornitho, le gendarme, le cuisinier, l'informaticien. J'ai un souvenir, on a mis du Georges Brassens, puis à la fin, on a chanté les copains d'abord. Super ambiance. Eux, ils t'emmènent attraper des manchots et des otaries, ou alors ils t'emmènent gérer l'approvisionnement d'eau. Donc en fait, chacun...

  • Speaker #1

    Oui, chacun échange son savoir.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est une chance incroyable, parce qu'ils sont 22, j'ai pas du travail. par-dessus la tête non plus. Donc, j'ai le temps de faire autre chose.

  • Speaker #1

    Tu es surtout là pour des urgences, en fait.

  • Speaker #0

    Il y a les petites bobologies du quotidien. Et puis, l'hivernage, psychologiquement, c'est quand même un concept. Ce n'est pas facile tous les jours. donc il y a quand même ce petit suivi au quotidien t'es un peu psy aussi alors ? sachant que comme tu fais partie du groupe c'est un peu compliqué d'être psy et de faire partie de... C'est un genre de psy.

  • Speaker #1

    Oui, on est ravis de pousser ta porte pour un peu se confier.

  • Speaker #0

    Oui, selon les affinités. Il y en a qui n'ont pas envie de me parler. Mais oui, ça peut être... En fait, parfois, tu les vois dans le bureau. Parfois, tu les vois dans la salle de café.

  • Speaker #1

    Et donc, pendant quatre mois, tu ne bouges pas. Il n'y a rien autour de toi, de toute façon.

  • Speaker #0

    Alors, surtout la Nouvelle-Amsterdam. Tu as encore Kerguelen, Crozet. Il y a du passage de bateaux de pêche ou de bateaux militaires. Nouvelle-Amsterdam, c'est vraiment le caillou où personne ne passe à part un bateau de pêche de langoustes qui s'appelle l'Austral. mais qui n'est pas là toute l'année. Donc effectivement, il ne se passe rien.

  • Speaker #1

    Et comment on t'est nourri alors ?

  • Speaker #0

    Le bateau, donc le Marion Dufresne ravitaille tous les quatre mois. Donc tu as à manger, tu as du frais pendant à peu près trois semaines, parce qu'il y a déjà eu trois semaines de bateau avant. et puis ensuite, tu travailles sur des conserves et du surgelé, des choses comme ça. Avant, il y avait des potagers. Je ne sais pas où ça en est à la Nouvelle-Amsterdam, mais dans la logique de la réserve, on les a arrêtés pour éviter la transmission de maladies et revenir à des végétations vraiment locales, initiales. D'accord, initiales. C'est ça.

  • Speaker #1

    Et si tu as un problème quand tu es là-bas, il se passe quoi ?

  • Speaker #0

    Si tu as de la chance, il y a un bateau pas très loin qui peut t'emmener. Sinon, il faut faire descendre un bateau de la Réunion, ce qui met au moins cinq à six jours.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas d'avion, tu n'es pas à côté.

  • Speaker #0

    Tu n'auras pas d'avion, tu es trop loin de la Réunion. Et il n'y a pas de piste. C'est un caillou volcanique, donc tu ne peux pas faire atterrir. Non, ça, ça ne marche pas.

  • Speaker #1

    On te fait des tests, d'ailleurs, pour savoir si tu es en bonne santé avant d'y aller.

  • Speaker #0

    Oui, tout le monde passe. Pour les hivernants, c'est un peu plus lourd. Les hivernants, c'est ceux qui font toute l'année. Il y a ce qu'on appelle les campagnards d'été, qui, eux, ne font que la saison d'été, la campagne d'été. Et tout le monde passe des examens médicaux plus ou moins poussés en fonction de la durée de séjour. Et des examens psychologiques. pour les hivernains aussi.

  • Speaker #1

    Oui, ce qui semble logique quand même. Parce que tu... En même temps,

  • Speaker #0

    si tu emmènes un psychopathe, ça ne fait pas bon ménage.

  • Speaker #1

    C'est le loft dans la nature.

  • Speaker #0

    Mais les psychopathes sont très bons aux examens psy. Ils sont meilleurs. Ça ne marche pas, ça.

  • Speaker #1

    Et donc, tu rentres, donc quand même transformée, j'imagine.

  • Speaker #0

    Le premier retour a été très, très, très difficile.

  • Speaker #1

    Ça se passe comment ?

  • Speaker #0

    On est arrivés à la réunion avec le bateau. Je me rappelle, les copains m'ont emmenée dans un grand supermarché parce qu'ils voulaient faire des courses pour renvoyer du chocolat et des bonbons à ceux qui étaient restés là-bas. et moi j'ai fait une crise d'angoisse dans ce magasin c'était trop et puis bien sûr j'ai voulu revenir absolument faire un hiver complet et à mon passage avec le bateau Crozet était l'île qui m'avait le plus accrochée donc quand je suis arrivée à Paris en avion je suis allée directe chez mon directeur médical Je me rappelle, j'avais 42 fièvres, j'étais en âge. Et en plein mois de décembre, j'étais en t-shirt, fatiguée, mais je lui ai dit, je veux repartir.

  • Speaker #1

    Et quand tu dis directeur médical, c'est qui alors ?

  • Speaker #0

    À l'époque, c'était le docteur Claude Bachelard, qui est responsable du service médical des terres australes.

  • Speaker #1

    Des terres australes. Voilà,

  • Speaker #0

    et c'est lui qui faisait l'embauche. Donc il m'a dit, pas de problème, tu veux aller où ? Donc j'ai dit, je veux aller à Crozet. Et comme ça, neuf mois plus tard, j'étais repartie sur le Marion Dufresne. Mais cette fois-ci, pour faire une année complète.

  • Speaker #1

    D'accord, tu étais repartie. Et pendant ces neuf mois, qu'est-ce que tu as fait alors ?

  • Speaker #0

    Entre les deux ? J'ai refait ma formation, du coup, là, de trois mois, ce qui ne faisait pas de mal. Et c'est une année où j'ai beaucoup voyagé avec mes amis. Je suis partie dans les Highlands, en Écosse, qui m'ont tellement rappelé Amsterdam que du coup, j'adore l'Écosse. Et je me rappelle, c'est l'année aussi où je suis partie en Mongolie avec des copines. Et puis, comme j'avais le temps, elles, elles sont rentrées en avion. Puis moi, je suis rentrée avec le transsibérien. et à peu près en train et en bus jusqu'à Lyon. À l'époque, j'étais à Lyon. J'ai pris le temps de voyager pas mal pour repartir pendant un an.

  • Speaker #1

    Mais qu'est-ce qu'on met dans sa valise quand on part un an sur un caillou comme ça ?

  • Speaker #0

    On met plein de choses qu'on n'utilise pas. Je ne suis pas la seule qui pourra te le dire. J'ai emmené un harmonica, une méthode d'italien, de l'aquarelle. Je n'ai pas ouvert ma cantine et j'ai fait plein d'autres choses que je n'avais pas prévu de faire. Dans ma valise, du coup, les vêtements, oui, les photos des copains. de la famille, ça, pour tapisser un peu les murs, etc. Finalement, en termes de gourmandise ou de choses qui peuvent manquer, moi, j'ai pas trop souffert en grossissant là-bas. Plutôt qu'autre chose.

  • Speaker #1

    C'est vrai ? Ouais.

  • Speaker #0

    Bah, ça va faire que manger pour se réconforter. Tu bois un peu ? Oui. Maintenant, l'alcool est régulé.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et en plus, il est pas très bon. Du coup, ça facilite un peu les choses. Mais ouais. Donc, dans la valise, il faut au final... tout ce que j'ai emmené, je ne l'ai pas utilisé.

  • Speaker #1

    Et donc là, tu es restée un an. Et c'est quoi la différence entre Crozet et la Nouvelle-Amsterdam ?

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la même météo. Et Amsterdam est plus haut en termes de latitude. Donc, tu es vraiment sur un climat plus proche de la Bretagne. On va dire en pire, c'est ce qu'on dit d'habitude. Mais où tu peux avoir du gros soleil, vraiment qui tape en rando et compagnie. Comme des jours de pluie avec des tempêtes, pas possible. Mais on est sur une végétation qui n'est pas la même. Crozet, c'est... 300 jours de pluie par an, 200 jours de vent au-delà de 80 km heure.

  • Speaker #1

    Tu m'endurais, toi.

  • Speaker #0

    Moi, j'adore. Quand il n'y a pas de vent, j'ai l'impression que la terre s'est arrêtée.

  • Speaker #1

    Tu aimes quand c'est rude quand même.

  • Speaker #0

    Il faut croire. Je suis allée au Marquis, mais quoi que c'est rude pour la Polynésie, donc il y a peut-être un truc. Crozet est beaucoup plus humide. La météo est plus tourmentée. C'est vraiment des roches très escarpées. Et puis, Crozet fait six fois plus. Six fois plus grand quand même.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de voiture non plus ? Vous faites tout à pied ?

  • Speaker #0

    À l'époque, il y avait un pick-up sur la base. Qui d'ailleurs, a priori, était pour moi. Mais comme j'étais une nanane... bizarrement j'ai jamais eu le rôle de conduire de l'année il y a toujours quelqu'un pour le conduire pour moi mais vous pouvez vous balader un peu sur l'île avec ce... c'est absolument pas praticable sur Crozet il y a une route qui fait 400 mètres qui descend de la base à la baie du marin où tu as la grande colonie de Manchot-Royaux où les chercheurs travaillent mais à part ça les chercheurs ils descendent à pied, c'est pas eux qui ont la voiture et tout le reste de l'île ça ne se fait qu'à pied et c'est pas un GR des fois il y a tellement de tourbes pour protéger la végétation on marche avec des raquettes dans la rivière, dans la mousse il y a des pierriers de pierres volcaniques c'est pas de la rando simple, mais c'est moi qui marchais pas, j'ai appris à marcher là-bas pareil,

  • Speaker #1

    c'est devenu une passion et vous étiez combien là pendant une année ?

  • Speaker #0

    alors Crozet, on était 35 l'été, et puis on est tombé à 21 au plus bas de l'hiver

  • Speaker #1

    C'est dingue.

  • Speaker #0

    Un peu le même topo.

  • Speaker #1

    Il y a un cuisinier ou c'est vous qui faites la cuisine ?

  • Speaker #0

    Il y a deux cuisiniers qui ont le poste, je pense, le plus difficile de toute la base. Surtout chez les Français. Il n'y a quand même pas plus exigeant que les Français en gastronomie. Souvent, c'est des cuisiniers de la Réunion. Parce qu'ils embauchent pas mal de civils réunionnais. Moi, j'ai découvert le rougail saucisse, le boucané. J'adore, c'est super bon. et puis de temps en temps on essaye de faire la cuisine un peu pour leur donner des jours off ou parce que ça fait plaisir oui c'est agréable en plus c'est ça voilà mais puis en dehors de la base tu peux partir à pied pour accompagner certaines missions scientifiques ou de la réserve et là tu dors dans des petites cabanes assez rustiques et là tu fais la cuisine

  • Speaker #1

    C'est extraordinaire quand même. C'est une vie extraordinaire, complètement coupée du monde.

  • Speaker #0

    Oui, alors maintenant, il y a de plus en plus d'Internet, donc bien sûr, ça change. Mais à l'époque, le téléphone était à 1 euro la minute. Et il y avait trois postes informatiques avec Internet pour juste aller sur ta boîte mail, etc. Donc c'est vrai que tu mettais ton téléphone dans un tiroir pendant un an. C'est dur d'être coupée de la famille et des proches, mais c'est bien d'être coupée aussi des fois de la frénésie du monde.

  • Speaker #1

    Vous aviez les infos ? Vous regardiez les infos ?

  • Speaker #0

    Non, on avait chaque semaine un petit format à quatre des dépêches de l'AFP. Choisis. Choisissez. Donc,

  • Speaker #1

    il pouvait se passer des trucs dans le monde. En fait, vous étiez vraiment à part.

  • Speaker #0

    Oui, mais il y a des sujets qui génèrent des sacrés remous. Moi, j'étais en 2013 sur tout le moment où on a voté la loi du mariage pour tous. je ne te raconte pas à table tout le monde n'était pas d'accord et quand tu vis tout le temps les uns sur les autres ça a créé des sacrées tensions et puis il y a une année où j'étais en Antarctique sur les tout débuts du Covid une année arrivée en Antarctique le jour de l'attentat du Pataclan donc si les choses arrivent et puis en plus en étant loin on n'est pas de la même façon et ta famille peut t'appeler si jamais il se passe quelque chose oui et par contre s'il se passe quelque chose c'est là-bas de toute façon tu peux pas rentrer ça se discute ça se discute ouais ça se discute mais on affrètera pas un bateau pour que tu puisses rentrer à l'enterrement de la grand-mère ou quelque chose comme ça non ça c'est pas possible mais il y a des gens qui peuvent choisir d'abréger leur mission parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas à la maison ou quoi le poste de médecin c'est compliqué, on ne te laisse pas partir si tu n'as pas un remplaçant et si toi tu tombes malade ? c'est arrivé à une collègue qui s'est blessée elle a été ramenée avec un bateau de pêche en fait à Kerguelen il y a deux médecins il y a un interne et puis un médecin donc ils sont allés chercher l'interne ils l'ont déposée à Crozet puis ils ont ramené la collègue c'est pas organisé quoi oui mais c'est des moyens qui sont coûteux Détourner un bateau, affréter un bateau, c'est quand même des choses très très coûteuses. Donc ça se fait pas comme ça.

  • Speaker #1

    Comment on dit au revoir d'une année comme ça ?

  • Speaker #0

    Comment j'ai... C'était il y a tellement longtemps, tiens, puis maintenant je pars tout le temps, alors c'est devenu un peu routinier. J'ai horreur de dire au revoir, j'ai horreur de voir ma mère pleurer à chaque fois. J'ai tendance à pas dire au revoir, en fait. Tu pars quoi ? Je vois tout le monde, on fait un resto, une bouffe, et puis je dis à la prochaine, mais il n'y a pas de... Non, il n'y a pas d'endroit officiel.

  • Speaker #1

    Et alors, tu termines une année là-bas. Tu rentres à Paris.

  • Speaker #0

    Oui. Après, j'ai passé six mois à me demander ce que j'allais faire comme travail parce que rien ne serait jamais à la hauteur. C'est un peu compliqué.

  • Speaker #1

    Mais tu ne te dis pas que tu vas ouvrir un cabinet de ville ?

  • Speaker #0

    Jamais.

  • Speaker #1

    Jamais. Tu sais qu'il faut que tu partes ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que j'adore aller découvrir. Il y a un truc dans la découverte, aller ailleurs. Et puis encore, les terres australes, c'est que des Français. Donc, il n'y a même pas la dimension culturelle que j'avais au Sénégal. Mais moi, je m'en lasse pas, quoi. Et puis, j'ai parlé avec des médecins qui ont fait la Guyane, les Nouvelles-Calédonies, le Vanoua et tout. On a l'impression qu'il y a un terrain de jeu. c'est pas possible donc il y a des tas de choses à faire et puis j'avais cette idée d'humanitaire alors qu'est-ce que tu fais après ? je postule chez Médecins Sans Frontières rien ne t'arrête ?

  • Speaker #1

    dans la logique des choses et comment ça se passe quand on postule chez Médecins Sans Frontières ? tu peux choisir tes pays, tes missions ?

  • Speaker #0

    c'est-à-dire qu'une fois que tu as passé le processus de recrutement et qu'ils ont dit que tu pouvais y aller donc ça aussi j'imagine que tu es assez forte psychologiquement et que tu peux J'ai eu un entretien de deux heures, en fait. Mais vu mon CV, ils m'ont dit que j'étais plus que prête. En gros, je pense qu'ils étaient rassurés. Il y avait eu le Sénégal toute seule. Il y avait eu ensuite les Terres Australes. Et il y a énormément de gens qui font les deux. L'humanitaire et les Terres Australes, c'est vraiment le même type de profil. Donc, ça n'a pas été très compliqué, l'embauche. Et après, effectivement, ils te proposent des missions et tu n'es pas forcé d'accepter. Tu as le droit de dire, ce pays-là, je ne le sens pas, etc.

  • Speaker #1

    alors qu'est-ce qu'il te propose ?

  • Speaker #0

    il me propose un poste à Bangui qui est la capitale de la Centrafrique pour chapeauter une petite équipe d'une dizaine de soignants qui font de la consultation mobile c'est à dire qu'on a un endroit dans un dispensaire mais on amène tout le matériel tous les jours et on ramène tout l'après-midi on reste jamais sur place ça s'appelle PK5 c'est le quartier musulman dans Bangui et en fait les gens de ce quartier s'ils sortent du quartier, mais il n'y a pas de mur il y a juste une rue s'ils traversent la rue, ils se font tuer. En fait, la tension entre les ethnies, qui est un peu autour de chrétiens, musulmans, mais c'est plus compliqué que ça, est si forte que les gens ne peuvent plus quitter le quartier, ils ne peuvent pas aller à l'hôpital. Et nous, notre job, c'est de soigner surtout les petits, les enfants. Donc on y va, on est une...

  • Speaker #1

    Mais vous ne pouvez pas rester vivre dans le quartier ?

  • Speaker #0

    C'est trop dangereux. Ah ouais ? C'est trop dangereux, donc tous les soirs, on est ramenés à l'extérieur.

  • Speaker #1

    Mais par contre, vous êtes bienvenus, ils vous attendent quand même, eux, dans le quartier, ils ont besoin de vous ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que quand on ouvre les portes... Alors si c'est trop dangereux, s'il y a eu une attaque la veille ou quelque chose, on arrive... C'est le quartier du marché, donc c'est très vivant, en fait. Et c'est arrivé des journées où il n'y avait personne, il n'y avait pas un chat. Donc là, on sait qu'on ne verra personne, et surtout, ça veut dire que ça craint qu'il s'est passé quelque chose. Et puis les jours où ça va, on a 200 personnes minimum. qui débarquent. 200 mamans avec les bébés.

  • Speaker #1

    Ils sont contents de te

  • Speaker #0

    Oui, alors après, ce n'est pas parce que c'est MSF que tout le monde est content. Je me suis grondée par des mamans qui trouvaient que je ne donnais pas assez d'antibiotiques optiques. J'en ai eu une, elle m'a dit, c'est parce que je suis musulmane, mais elle, elle est catholique, donc tu lui donnes des antibiotiques.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    on se fait malmener aussi. C'est des gens qui sont inquiets pour leur santé, en fait. Et ce n'est pas parce que c'est gratuit qu'ils sont... Bien sûr. Voilà, ils ont le droit.

  • Speaker #1

    C'est l'armée qui te protège quand tu vas dans le quartier le matin ?

  • Speaker #0

    Médecins sans frontières se protègent lui-même, ils essayent de ne pas justement être associés à l'armée pour éviter de devenir une cible. Donc il y a une espèce de devoir de neutralité, ce qui fait qu'on assure notre sécurité tout seul. Donc il faut avoir confiance dans la personne qui est responsable. Ou dans ton supérieur.

  • Speaker #1

    Il y a une histoire humaine quand même, une force humaine. Et là, les mamans que tu rencontres, ce que tu dis sur tous les mamans, elles parlent français ?

  • Speaker #0

    Souvent, oui. Après, dans l'équipe de... En fait, moi, je soignais, mais pas tellement parce que je ne parlais pas le sango. Donc, je l'ai appris au fur et à mesure. À la fin, je pouvais faire une consulte à peu près, mais pas aussi bonne que si c'était mieux maîtrisé. Par contre, les infirmiers et une médecin avec qui je travaillais, eux, étaient centrafricains. Donc voilà, finalement, c'était plus une histoire d'intervenir si la situation était compliquée, de former les gens à la consultation. C'était de la supervision. et de la consulter.

  • Speaker #1

    Donc là, tu es vraiment allée à l'encontre de l'humain. Parce que tu disais, terre australe, c'était vraiment la grande nature et finalement, les Français. Mais là, tu es vraiment dans l'humain 100%. Oui,

  • Speaker #0

    c'est la culture et puis c'est un conflit. Une zone de conflit, je n'étais jamais arrivée. Je n'avais jamais vécu ça. Ce n'est pas les belles vacances au fin fond du pays où tu vas rencontrer les gens dans les villages. Là, c'est, il y a des militaires qui tournent, il y a des armes, tu entends des balles. C'est un univers extrêmement hostile. Et puis, c'est la première fois que je me suis sentie autant enfermée, puisqu'on n'a pas le droit de quitter la maison, ou très peu.

  • Speaker #1

    Parce que le soir, on va te déposer, tu vis avec des copains, vous vivez entre vous, tu vis comment ?

  • Speaker #0

    Le soir, c'est une maison d'expatriés. C'est-à-dire que tous les gens de la mission vivent dans une maison ensemble. Mais tu as un couvre-feu. Si tu veux aller boire un verre chez Action contre la faim ou autre, il faut que tu demandes l'autorisation au chef de la mission. C'est extrêmement contraint. ce que je comprends. On n'a pas le droit de lier amitié avec des gens du pays. Si on est invité à un mariage, on n'a pas le droit d'y aller. L'idée, c'est de rester neutre. Il y a des tas d'ethnies, il y a des tensions, il y a des enjeux, donc il faut rester neutre. Mais alors là, d'être dans un pays comme ça, et de ne pas pouvoir le découvrir, c'est une drôle de sensation.

  • Speaker #1

    Tu restes combien de temps là-bas ?

  • Speaker #0

    Six mois.

  • Speaker #1

    et tu tiens 6 mois ?

  • Speaker #0

    oui c'était vraiment un vrai plaisir en plus avec le Sénégal j'avais l'expérience du palu au niveau médical j'étais assez à l'aise et j'ai vraiment pu profiter et amener quelque chose c'est pas moi qui ai tout appris pendant 6 mois j'ai pu un peu construire...

  • Speaker #1

    Des échanges, quoi. Et t'avais des jours off ? Tu pouvais faire quelque chose ou t'étais dans la maison les jours off ?

  • Speaker #0

    Le soir et les jours off, t'es surtout dans la maison. De temps en temps, on avait le droit d'aller à la piscine, mais on se retrouve en fait dans des endroits d'expats. C'est ça qui m'a un peu gênée. C'est une capitale et on se retrouve dans les mêmes hôtels, aux mêmes piscines, les soirées avec d'autres ONG et il y a un côté un peu indécent à tout ça. Donc ça ne m'a pas trop convenu. Je sais que quand j'ai repostulé chez eux, je leur ai dit si je pouvais ne pas partir en capitale, J'avais entendu te parler de missions plus en rural.

  • Speaker #1

    C'est plus facile de se mélanger quand tu es hors des villes.

  • Speaker #0

    En tout cas, de ne pas avoir l'impression de flamber son argent quand le reste du pays est à l'agonie ou affamé. C'est ce décalage-là qui me gênait. Oui,

  • Speaker #1

    être plus d'égal à égal, de partager plus la vie des gens.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Et ces missions, elles durent tout le temps six mois ou c'est à un moment, tu dis j'ai envie de rentrer ?

  • Speaker #0

    Tu choisis. Non, tu donnes ta durée avant. tu as une égoïsme qui t'a duré avant après ça dépend de ce dont ils ont besoin mais en médecine générale ils ont surtout besoin de gens qui restent longtemps l'idée c'est de construire toi tu pars et il y a un autre médecin qui te remplace voilà mais si tu fais plus court ça devient du tourisme médical mais ça dépend mais par exemple un chirurgien qui part là-bas lui il va opérer donc s'il part un mois il va opérer tous les jours tu peux comprendre qu'au bout d'un mois il soit fatigué un anesthésiste pareil le médecin généraliste souvent il a un poste de chef d'équipe donc il faut construire quelque chose si tu viens un mois,

  • Speaker #1

    tu n'as pas le temps d'avoir compris la situation tu es déjà reparti et créer des liens avec tout le monde pour travailler ensemble les gens qui travaillent avec toi,

  • Speaker #0

    ils ont besoin d'un peu de continuité

  • Speaker #1

    sinon ils perdent la tête et t'arrives à partir au bout de 6 mois ? c'est pas dur de quitter ces gens justement ?

  • Speaker #0

    c'est dur et pas dur mais la restriction de liberté était extrêmement pesante donc ça fait du bien de partir t'es contente ? je suis ravie j'ai envie de recommencer mais je suis aussi ravie de marcher dans la rue d'une ville sans me demander s'il va m'arriver quelque chose et de pouvoir aller faire une rando d'être libre et de ne pas guetter les balles qui sifflent et

  • Speaker #1

    qu'est-ce que tu fais après ça ?

  • Speaker #0

    j'ai fait ma première mission Antarctique

  • Speaker #1

    Et tu postules auprès de qui pour une mission en Antarctique ?

  • Speaker #0

    Alors l'Antarctique, la Terre Adélie a beau faire partie des terres australes et antarctiques françaises, mais avec un statut un peu à part, c'est l'Institut polaire français qui gère en majorité le recrutement des personnes sur la Terre Adélie.

  • Speaker #1

    Donc Terre Adélie, que j'ai bossé mon entourage.

  • Speaker #0

    Ah bah ouais.

  • Speaker #1

    C'est une partie de l'Antarctique, c'est ça ?

  • Speaker #0

    C'est une part du fromage.

  • Speaker #1

    C'est une part du fromage. Tu envoies l'Antarctique comme un fromage.

  • Speaker #0

    C'est la part française du fromage. Ok, voilà. Et donc j'ai postulé pour ce qu'on appelle le RED, qui est un ravitaillement logistique qui part de la côte de la Terre Adélie, juste à côté de la station du Mont-Durville, et qui parcourt 1 200 km, donc c'est terrestre, c'est des tracteurs avec des conteneurs sur ski, c'est une caravane, et qui va jusqu'à la station Concordia, qui est à 1 200 km à peu près, sur un plateau qui est à 3 000 m d'altitude. et ce qu'on voit de ravitaillement a besoin d'un médecin extraordinaire et donc à Crozet quand j'en ai parlé on m'a dit non t'auras pas le poste c'est très demandé ces postes là ? c'est ce qu'on m'a dit, bon bah j'ai eu le poste

  • Speaker #1

    comme quoi il ne faut vraiment jamais faire ça et tu as eu le poste pour une mission ? pour un ravitaillement ?

  • Speaker #0

    oui j'ai fait un et demi c'est à dire que j'ai fait l'ouverture de la saison parce que la station de Cap Prud'homme qui est en face de Dumont-Durville ne sert qu'à ça il y a de la science aussi mais elle ne vit que l'été donc elle s'ouvre fin octobre tout se met en place moi je suis arrivée avec les premiers arrivants et cette année là on a fait un mini raid c'est à dire qu'on a fait que la moitié pour aller à mi-chemin damer une piste d'avion et mettre du kérosène, qui sert de piste de secours pour les avions qui transitent entre Concordia et Cap-Prud'homme. Donc ça m'a permis de me mettre en jambes. On n'était pas très nombreux, on n'a fait que la moitié. Et là,

  • Speaker #1

    tu es dans un tracteur toute la journée ?

  • Speaker #0

    Donc là, tu es dans un tracteur toute la journée. Le contrat, c'est médecin, cuisinier, chauffeur. donc parce qu'avant il ne m'était pas cuisinier il y avait des médecins qui ne voulaient pas le faire il faut bien préciser voilà sinon et donc tu conduis le tracteur s'il y a de la médecine à faire tu fais ça veut dire qu'il faut que tu gères tes médicaments ton matériel ça c'est toi toute seule il faut que tu aies pris tout dans ton sac à dos ah oui tu as carrément une armoire tu as beaucoup de matériel et puis aussi tu fais l'intendance donc tu gères l'eau potable est-ce qu'on en a amené assez et tu prépares les repas tous les jours qui sont des repas préparés déjà.

  • Speaker #1

    Tu ne te mets pas à faire un petit rôti de veau ?

  • Speaker #0

    Non, tu n'as pas le temps. Sauf s'il y a une panne.

  • Speaker #1

    Il y a combien de personnes avec toi dans ce convoi ?

  • Speaker #0

    Sur un convoi classique, on va dire entre 8 et 12 personnes. On ne roule pas vite, c'est des tracteurs. Il faut monter à 3000 mètres. L'aller va prendre grosso modo une dizaine de jours. Et puis le retour, plutôt 8.

  • Speaker #1

    Et tu dors où ?

  • Speaker #0

    il y a ce qu'on appelle deux caravanes, la caravane vie, la caravane énergie. Dans cette caravane vie, tu as la salle à manger et cuisine, et puis des chambres. Dans l'autre caravane, tu as la salle de bain, les toilettes et de quoi faire la vaisselle. Et puis le générateur qui nous permet d'avoir toute l'énergie nécessaire. Donc tu es vraiment itinérant. des nomades de l'Antarctique c'est ça du coup c'est encore plus confiné Amsterdam à côté c'est de la rigolade les uns sur les autres il y avait d'autres femmes ? j'en ai fait il n'y avait pas de femmes à part moi et puis j'en ai fait on était trois et j'ai eu une amie, Elisa, qui est sociologue et anthropologue, avec qui j'ai fait deux fois le raid aussi.

  • Speaker #1

    T'as aimé ce raid ?

  • Speaker #0

    Moi, ça a été pareil, un grand coup de foudre. Mais ce qui est drôle, parce que mon premier raid, le vrai raid complet, a été un des pires en termes de panne et de galère absolue. C'était un cauchemar, apparemment. J'ai trouvé ça génial. Du coup, quand j'ai fait le deuxième et que ça s'est bien passé, je n'ai pas compris, en fait. Je pensais que ça se passait toujours mal, comme le premier. Mais oui, c'est magnifique. C'est absolument magnifique.

  • Speaker #1

    C'est tout blanc.

  • Speaker #0

    tu vois que c'est blanc ? il y a des jours c'est gris puis tu vois du bleu s'il y a le ciel mais c'est plat en fait l'Antarctique ça monte très haut il y a beaucoup de reliefs mais pas dans l'Antarctique Est donc tu montes doucement sans presque t'en rendre compte et le seul relief que tu as c'est les vagues qui sont sculptées par le vent qui est toujours dans le même sens c'est vrai qu'ils les astrugies c'est des choses très belles on dirait des dauphins des vagues tu vois tout ce que tu veux à perdre de vue. Certaines personnes trouvent ça très angoissant. Moi, ça m'apaise beaucoup.

  • Speaker #1

    Tu écoutes de la musique, tu lis des livres dans ces voyages-là ?

  • Speaker #0

    Oui, tu écoutes des podcasts, tu écoutes des livres, des musiques. Plus ça va, moins j'écoute. C'est vrai ? Avant, j'écoutais beaucoup, beaucoup de choses. Et puis, plus ça va, plus j'ai des grandes phases où je laisse dans le silence. Ouais, soit je réfléchis, soit je réfléchis pas d'ailleurs et ça fait du bien aussi de pas être toujours sollicité par quelque chose en sonore Parce que t'es toute seule dans ton Dans le tracteur t'es tout seule d'ailleurs ça étonne souvent les gens mais en fait personne ne veut partager son tracteur le tracteur de toute ta mission en Antarctique est ton seul espace d'intimité D'accord C'est le seul endroit où tu peux te mettre le doigt dans le nez ou pas réfléchir à s'il faut que tu rentres ton ventre ou je ne sais quoi, c'est vraiment le seul moment où t'as presque la paix et ça fait du bien et les gens sont les gens n'ont pas envie d'avoir quelqu'un sur le stétabule à côté,

  • Speaker #1

    ouais c'est vraiment ça et ça tu fais ça combien de fois ?

  • Speaker #0

    ben là tu vois je suis revenue il y a 15 jours de ma cinquième mission là-bas et je pensais que ce serait la dernière cette année je suis allée pour dire au revoir et puis au bout d'une semaine j'ai dit non pas du tout, jamais de la vie je refais et pourtant c'est violent pour y aller, moi j'ai beaucoup de mal avec le bateau donc cette année le bateau qui y va c'est l'Astrolabe c'est un bateau, alors avant il y avait l'ancienne Astrolabe qui était encore pire maintenant il y a le nouvel Astrolabe c'est la marine nationale qui est dessus alors moi j'ai un mal des transports terrible il bouge tu pars d'où alors toi ? tu pars de Hobart en Tasmanie et si tu as la chance d'y aller en avion tu pars de Hobart en Tasmanie ou de Nouvelle-Zélande Christchurch et là le bateau c'est combien de temps ?

  • Speaker #1

    c'est 5 jours mais 5 jours d'enfer

  • Speaker #0

    Non, ça dépend. Il y a des fois, c'est bien quand même. Mais là, cette année, l'aller, ça a été l'horreur.

  • Speaker #1

    Mais c'est quoi l'horreur ?

  • Speaker #0

    Moi, il y avait six mètres de creux pendant trois jours et demi. J'ai fini sous perfusion. Ah oui ? Donc,

  • Speaker #1

    il y a un autre médecin dans le bateau,

  • Speaker #0

    à priori ? Oui, il y a le médecin militaire. Il y a un infirmier aussi. Il y a le pauvre infirmier. Il m'a posé le garrot pour me mettre la perf. Il est allé vomir. Il est revenu pour me mettre la perf.

  • Speaker #1

    Et pourquoi ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on te met ? On me met de l'eau, du sel, du sucre.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Parce que tu vomis trop ?

  • Speaker #0

    Parce que ça fait trois jours que je n'ai pas dormi, que je n'ai pas réussi à garder ce que je... J'avais des hallucinations, ce n'était pas clair.

  • Speaker #1

    À cause d'un énorme mal de mer.

  • Speaker #0

    Mais c'est le pire que j'ai eu. Les autres fois, je suis juste à chaise pendant deux, trois jours. Et même des moments, je suis bien. Je suis sur le pont et tout.

  • Speaker #1

    Mais tout le monde est pareil, non ?

  • Speaker #0

    Non, il n'y a pas de justice dans le mal des transports.

  • Speaker #1

    Mais quand tu as trois jours à s'y mettre...

  • Speaker #0

    Je sais qu'il y avait cinq marins qui étaient à chaise, au fond des Madès, sur un équipage de 35. Je pense que c'était quand même la mer un peu pénible.

  • Speaker #1

    D'accord. Et on te prévient avant de monter ? C'est comme dans l'avion, quand on dit qu'il va y avoir des turbulences ?

  • Speaker #0

    Oui, mais ça, je pense que c'est contre-productif. D'ailleurs, j'ai passé toute la matinée à les engueuler en disant Arrêtez de dire que ça va être l'horreur parce que vous êtes en train de faire bon. Ça n'a pas loupé. Oui, il y a des fois, il ne vaut mieux pas savoir.

  • Speaker #1

    Et donc, tu sais que tu vas le refaire dans l'autre sens.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu n'as pas le choix. t'es coincée et comment tu fais pour prendre l'avion alors pourquoi il y en a qui prennent l'avion en fait si t'as la chance de faire vraiment l'ouverture de saison ils ouvrent en avion parce que le bateau peut pas encore accéder la banquise est trop présente donc là c'est génial moi j'ai aussi le mal des transports en avion mais je vomis que 8h ben voilà j'arrive pas à percuter au coup ça te mal tes transports et tu continues de parcourir le monde moi je suis en carton mais ça m'agace de me dire que ça peut me limiter tu t'es jamais limitée en fait non ma limite en humanitaire c'est les bombardements c'est le seul truc où ma limite c'était ça t'as pas beaucoup de limites quoi et t'as fait quoi comme autre voyage incroyable à part ces raids alors et l'autre endroit où j'ai adoré travailler c'est les Marquises en Polynésie merci maman elle nous emmène aux Marquises, j'avais 17 ans et on arrive sur l'île de Nukuiva qui est l'île principale de l'archipel des Marquises les Marquises c'est la Polynésie française mais c'est vraiment en plein milieu du Pacifique et c'est l'île habitée la plus isolée des autres habitants du monde c'est vraiment un endroit encore un peu perdu. Il y a quatre heures de vol depuis Tahiti. Et donc, on est arrivé à Nuku Iva. Moi, j'ai 17 ans. Je ne sais même pas si je veux faire médecine. Ce n'est pas très clair. J'ai un espèce de flash. Ah oui, je vais revenir travailler ici.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi,

  • Speaker #0

    mais je vais revenir vivre ici. Il y a un truc. Mais ce n'est même pas que j'ai adoré. Je savais que je reviendrais. Je ne sais pas pourquoi.

  • Speaker #1

    Tu as senti quelque chose sur cette île ?

  • Speaker #0

    Voilà. Et c'est marrant parce que j'ai senti un effet très négatif sur une autre île. Les Polynésiens appellent ça le mana. ils te disent c'est normal, c'est sensible ou pas au mana, à l'énergie qui se dégage de tel ou tel endroit c'est l'île de Jacques Brel et Paul Gauguin donc voilà moi je suis retournée bosser à Nuku'iva 17 ans plus tard et pareil, ça a été un vrai bonheur ce qui fait que je suis retournée aux marquises Nuku'iva changeait beaucoup, s'urbanisait beaucoup, j'avais plutôt envie de faire quelque chose de plus rural, donc j'ai demandé à aller à Wapo, qui est une plus petite île en face, ça n'a pas été facile en termes humains

  • Speaker #1

    tu y allais comment sur cette petite île ?

  • Speaker #0

    alors du coup une fois que tu as pris ton avion jusqu'à Nuku Iva, soit tu as de la chance et tu as un petit coup d'avion, soit tu prends le bateau il est rude l'atterrissage est assez magique la piste démarre au bord de la mer et tu as des grands pics volcaniques au bout de la piste et les pilotes sont à deux sur les manettes pour être sûr qu'il y en ait un qui ne se rate pas tout le monde fait une prière avant de partir et tout le monde applaudit en arrivant mais le bateau il est rude aussi Ça va. En fait, la traversée que j'ai faite, ça allait. Mais j'ai eu de la chance.

  • Speaker #1

    Et t'es allée combien de temps sur cette petite île ?

  • Speaker #0

    Alors, Nukuiva, c'était six mois et Wapos, c'était neuf mois.

  • Speaker #1

    Mais il y a combien d'habitants à Wapos ?

  • Speaker #0

    Wapos, c'est 2500 habitants.

  • Speaker #1

    Et là, t'as une petite maison ? Là, tu deviens le médecin un peu du...

  • Speaker #0

    Oui, alors au début, j'avais une maison de fonction entre l'hôpital et le cimetière, mais qui était pleine de puces de lit. Donc, je suis pas restée très longtemps. Je ramenais les puces de lit à l'hôpital, c'était assez désagréable. Et donc, j'ai trouvé une autre maison où j'étais avec une sage-femme. Puis on s'est fait cambrioler, je me suis réveillée avec le gars au-dessus de ma tête en train de me piquer mes affaires, donc j'ai changé de maison. sur une île où il y a 2500 habitants ben oui mais en fait il a piqué du sucre et 10 euros j'avais des sous, mon ordinateur, mon téléphone des trucs comme ça mais il peut pas vraiment les revendre quand t'es sur une petite île je sais pas je me suis fait piquer mon téléphone il a quand même jamais réapparu mais toujours est-il que j'ai fini dans une maison merveilleuse d'une seule pièce avec une grande vue sur la vallée,

  • Speaker #1

    sur les pics volcaniques et pendant 9 mois t'as pas bougé de ton île ?

  • Speaker #0

    non déjà je travaillais tout le temps pendant 4 mois j'ai pas eu de collègue donc j'étais de garde tout le temps 4 mois de garde ça fait long quand même tu sais tout faire toi ?

  • Speaker #1

    tu peux autant accoucher, racheter une dent je bricole dans tout,

  • Speaker #0

    je sais pas faire très bien plein de choses mais je sais faire un peu beaucoup de choses il y avait un dentiste sur place, là ça va j'avais pas à faire les soins dentaires et il y avait la sage-femme donc si jamais il y avait vraiment eu un accouchement elle était bien meilleure que moi pour le faire il n'y a pas eu une histoire où au marquis ils ont demandé après justement d'avoir un

  • Speaker #1

    Un hélicoptère ou un avion pour aller à Tahiti ?

  • Speaker #0

    En tout cas,

  • Speaker #1

    en cas d'urgence, pour avoir...

  • Speaker #0

    En fait, quand j'étais à Nukuiva, il n'y avait plus l'hélicoptère parce qu'il avait existé. D'ailleurs, c'est fou parce que le pilote de l'hélicoptère, je l'ai retrouvé en Terre Adélie. Mais toujours est-il qu'ils n'avaient pas les financements pour garder cet hélico qui servait à rapatrier des plus petites îles vers l'hôpital de Nukuiva.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Où il y a un chirurgien d'anesthésiste. Ce que n'ont pas les autres îles. Et quand je suis retournée et que je suis allée à Wapo, là, ils avaient trouvé les financements. Parce qu'il y a eu le décès d'un bébé. Entre Wapo et Nukuiva. il aurait été sauvé s'il y avait eu l'hélicoptère pour en avoir parlé avec le médecin qui s'occupait de l'affaire c'est un peu plus compliqué que ça mais du coup l'hélicoptère il existait après l'hélicoptère ils ne volent pas de nuit c'est pratique et puis ils ne volent pas quand c'est bâché mais moi j'ai des souvenirs d'avoir tenu des patients un peu casse gueule la nuit en guettant le lever du soleil en disant quand est-ce que je le tiens, je le tiens mais vivement que l'hélicoptère arrive et toi t'es un super héros en fait non,

  • Speaker #1

    bah sinon tu t'en rends pas compte ?

  • Speaker #0

    bah en fait quand t'es là-bas moi ici quand je suis aux urgences, je travaille aux urgences tous les cas compliqués je les laisse à mes collègues urgentistes je pense qu'on a le droit aux meilleurs soins possibles mais quand t'es là-bas et qu'il n'y a que toi c'est pas compliqué en fait soit tu fais quelque chose, au pire ça marche pas soit tu fais rien, donc on y va tu fais et puis WAPO, ce n'est pas comme un service d'urgence en France. Tu as rarement cinq mecs, six mecs à gérer en même temps. Tu as un patient à la fois, donc tu as le temps d'aller aussi ouvrir ton ordinateur, chercher, te renseigner, appeler un collègue. C'est un patient par un patient. Ce n'est pas du tout la même...

  • Speaker #1

    Oui, ce n'est pas le même travail, mais d'être quand même seule au bout du monde, finalement, ça repose sur toi. Ce n'est pas la même chose que d'être ici à l'hôpital avec toute une équipe, des spécialistes, d'autres experts.

  • Speaker #0

    Oui, mais j'ai des copains médecins qui ne le feraient pas.

  • Speaker #1

    c'est vrai qu'il faut se rendre compte t'es quand même un super héros pour moi et pour plein de gens je trouve ça génial et t'as créé des liens là-bas, tu t'es fait des copains ?

  • Speaker #0

    oui, les Polynésiens sont très loin des yeux, loin du cœur donc quand il n'y est plus, t'as du mal à garder le contact mais je sais que quand je suis retournée, il y a eu 3-4 ans entre les deux missions, j'ai retrouvé les copains et puis j'ai une famille d'amis qui est venue à Paris faire soigner son grand à l'hôpital ici je les ai emmenés à Angers, on s'est baladés ensemble et compagnie

  • Speaker #1

    donc t'as enchaîné pendant 20 ans ?

  • Speaker #0

    oui différents endroits avec des petites pauses en France entre les deux parce que sinon tu finis par plus savoir faire de médecine occidentale et tu fais que de la médecine de brousse donc t'as refait des formations pendant 20 ans ? j'ai refait des formations et puis j'ai travaillé en France en fait entre deux histoire de maintenir quand même un peu c'est pour ça que c'est un métier magique tu rentres, t'as un boulot tu lâches un boulot, tu repars, tu reviens c'est un privilège et c'est quoi ton rêve pour demain ? Ah, mes deux jobs de rêve, je voulais, là je suis un peu bloquée, mais dans l'idéal, je voudrais aller travailler en Écosse parce que c'est mon pays adoré. Et j'ai repéré un hôpital sur l'île de Skye qui a l'air très très bien.

  • Speaker #1

    On a le droit, avec un diplôme français, d'aller travailler en Écosse ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, il faut que je me renseigne justement.

  • Speaker #1

    Parce que pour la médecine d'urgence, tu as le droit, sur des missions comme ces médecins sans frontières et tout, mais pour aller vraiment être employée dans un hôpital...

  • Speaker #0

    Ça dépend des pays, en fait. Et mon deuxième job sur ma liste, c'est Vanuatu. Et ça, je sais que c'est faisable. Donc j'ai déjà les contacts de l'hôpital où je pourrais aller.

  • Speaker #1

    Et pourquoi le Vanuatu ?

  • Speaker #0

    Parce que j'ai beaucoup aimé le côté rustique des marquises et la culture pacifique. Je travaillais avec un infirmier qui a beaucoup baroudé aussi, surtout le fin fond de la Guyane, forêt amazonienne, et puis le Vanuatu. Et quand il m'en parlait, quand j'ai vu les vidéos, etc., ce qui m'a attirée, c'est ce côté qui est encore rustique là-bas et les volcans.

  • Speaker #1

    les volcans c'est un truc qui me fascine absolument j'en ai jamais vu en activité l'idée c'est de combiner les deux mais c'est dressé là-bas ou t'as toujours envie de faire ces missions de 6 mois,

  • Speaker #0

    9 mois en fait pour l'instant j'ai envie d'avoir des amis qui rentraient en métropole donc je trouve que c'est très très important de rentrer et de cultiver il y a un entourage quand même j'en ai vu surtout en humanitaire des gens qui vivent sur le canapé entre deux missions jamais chez eux, ils finissent par même ne plus savoir pourquoi ils partent en mission en fait mais il n'y a personne qui les attend

  • Speaker #1

    C'est ça qui te tient, c'est qu'il y a des gens qui t'attendent ?

  • Speaker #0

    Oui, les amis, c'est la base.

  • Speaker #1

    Il existe une communauté de médecins comme toi ? Vous avez un moyen de tous vous contacter ou bien c'est chacun avec son bâton de pèlerin où vous allez chercher vos missions ?

  • Speaker #0

    On se débrouille un peu tout seul, parce qu'on sait où chercher, mais au fur et à mesure, on rencontre d'autres médecins. Il y en a où on accroche, d'autres moins, mais on se recroise. D'ailleurs, finalement, on finit par tous un petit peu se connaître par l'intermédiaire des uns des autres. et il y a quelques années ils ont créé une société médicale qui s'appelle la Sophramie qui est vraiment axée médecine en site isolé et à travers cette société ça permettait d'échanger autour des opportunités de travail autour des pratiques, du matériel etc. mais on est nombreux et je dirais il y a les médecins il y a des infirmiers, il y a des kinés, il y a des sages-femmes je pense à quelques centaines de personnes qui tournent uniquement sur ce type sur l'univers médical autour du monde mais on finit par se croiser un jour généralement et c'est quoi ta plus belle rencontre ? attention la plus belle rencontre elle est une des plus belles oui c'est ça parce qu'il y en qui sont très belles quand même oui si il y en a un qui me vient tout de suite parce qu'on parlait des marquises il n'y a pas très longtemps c'est Pory alors Pory c'est un marquisien qui m'a appris à jouer du ukulélé alors imaginez c'est un gars qui était pêcheur et puis qui avait des problèmes d'addiction, une vie un peu compliquée entre le jeu, la boisson. Il allait à Vegas. C'est vrai que les Polynésiens adorent aller à Las Vegas. Et puis il a été sauvé par sa femme, Marguerite, qui a l'air comme ça d'un gardien de porte de prison et qui est la nana la plus gentille de la Terre, qui était aide-soignante à l'hôpital. et donc il a trouvé Marguerite et Dieu et le ukulélé il s'est racheté une nouvelle vie et lui il est maintenant luthier donc il fait des ukulélés qui sont magnifiques et je les écoutais jouer tous les après-midi le dimanche au petit snack au bord de l'eau ça me faisait rêver, c'était magnifique puis j'ai fini par prendre mon courage à deux mains je me suis pointée avec ma guitare, je connaissais quatre accords donc il a pas du tout aimé la façon dont je jouais par contre quand il a pris ma guitare, il a beaucoup aimé ma guitare donc il m'a dit tu peux revenir mais qu'avec la guitare et au bout de six mois, je l'ai eu à l'usure en fait on est vraiment devenu très proche c'était mon papa adoptif là-bas quand je suis retournée trois, quatre ans après, j'ai recommencé à jouer du ukulélé avec lui dans le petit snack le dimanche après-midi.

  • Speaker #1

    T'as un ukulélé à la maison ?

  • Speaker #0

    Bah du coup j'ai le sien, oui le seul truc vraiment auquel je tiens dans toutes mes affaires, c'est ça

  • Speaker #1

    T'as un souvenir de chaque voyage chez toi ?

  • Speaker #0

    Presque, ouais. Ouais, il y a un petit côté cabinet des curiosités. Beaucoup les marquises, quand même. J'ai vraiment eu beaucoup de cadeaux à la sortie, mais ouais.

  • Speaker #1

    Ouais, ça t'est resté. Et ta plus grande frayeur ?

  • Speaker #0

    Ma plus grande frayeur... Il y en a eu pas mal, quand même. Mais ouais, ce serait sur la mission à Bangui, en Centrafrique. Le chef de la mission nous dit, Allez, il y a eu un accident de camion, je crois que c'était à 80 kilomètres. on y va. Puis on se décide un peu dans la panique. Ce n'est pas du tout la mission qu'on est censé faire. Dans le moment, je ne réfléchis pas, je suis le mouvement. D'accord, on part à trois camions.

  • Speaker #1

    C'est toi la boss ? Tu avais un boss ?

  • Speaker #0

    Non, j'étais ma première mission, donc j'étais en bas de l'échelle.

  • Speaker #1

    Et à quoi ? Après, c'est quelqu'un qui est chef de mission ?

  • Speaker #0

    J'avais ma N plus 1 qui était la médecin référent. Et puis, il y avait lui au-dessus qui était chef de projet.

  • Speaker #1

    Chef de projet. Le chef de mission,

  • Speaker #0

    c'est celui qui chapeaute plusieurs projets dans le pays. Donc, lui était chef du projet de l'hôpital dans lequel je travaillais. Donc on y va, on est sur une route, alors on n'avait pas le droit de quitter la ville normalement, donc on est sur une route de campagne, puis on arrive de nuit sur les lieux de l'accident, et puis en fait il y a plein de gens dans la forêt, on ne voit rien, finalement les blessés ont été émenés ailleurs. Je te passe le milieu de l'histoire qui est un peu long, mais en gros on finit par récupérer des blessés, et là il nous dit qu'il faut qu'on rentre très vite. Et je commence à comprendre qu'en fait, c'est dangereux. C'est-à-dire qu'on ne devrait pas être là. Ça craint. La route est en train d'être barrée par les rebelles. Donc, on repart. Moi, il m'a mis deux gars à l'arrière du camion, dont un qui est dans le coma. Et là, il dit, on ne s'arrête plus. C'est-à-dire qu'on ne s'arrête plus. Que un, pour quoi ? Sous aucune raison, on trace.

  • Speaker #1

    Attends, qui tu dis ça ? C'est le chef de projet ?

  • Speaker #0

    C'est le chef de projet qui dit ça. Il est dans le camion de devant. Et puis, il dit, on ne s'arrête plus, quoi qu'il arrive. Donc là, déjà, tu es mal. Et puis, on roule vite sur une roule qui n'est pas éclairée. Il y a des gens qui traversent. Il y a des villages. Tu te dis, on va finir par percuter un gamin ou quelque chose. Et là, le gars dans le coma se réveille. hyper agitée, mais elle tapait partout dans l'arrière du camion. Le chauffeur à côté de moi, il est terrifié. Je lui dis, mais qu'est-ce qu'on fait, quoi ? Je lui dis, mais il faut qu'on s'arrête, en fait. Il faut que je le calme et tout. Il me dit, non, non, hors de question, tu te débrouilles, tu ne t'arrêtes pas.

  • Speaker #1

    Et tu n'as rien avec toi ?

  • Speaker #0

    Mais je n'avais rien avec moi. Et puis, en plus, il tapait sur le blessé d'à côté qui avait une fracture de jambe. Alors, on prend le sketch. et puis en fait dans la langue que je ne comprenais pas et la situation que je ne comprenais pas on a fini par comprendre qu'il voulait juste faire pipi donc j'ai vidé ma bouteille de Coca-Cola par la fenêtre, je lui ai donné et puis il a fait pipi et on a fait le reste de la route un peu plus sereinement n'empêche qu'on a dû passer des barrages et quand on est arrivé à l'hôpital tout le reste de l'équipe était absolument terrifié et là j'ai compris à posteriori qu'on avait pris des risques qu'on n'aurait jamais dû prendre ouais t'es pas un super héros Non, alors moi, je ne suis pas là pour mourir pour la cause. Ça, c'est vraiment un truc... Je suis là pour la rencontre, pour le soin, mais je n'irai pas la fleur au fusil.

  • Speaker #1

    Tu retournerais en Afrique ?

  • Speaker #0

    Oui. Par contre, maintenant, je choisirais mes missions pas forcément sur le critère sécurité, mais sur le critère bienfait médical. Est-ce que ça correspond vraiment à ce que je crois qu'il faut faire ou pas ?

  • Speaker #1

    Qu'il faut faire. Tu m'as dit que tu étais allée en Afghanistan. Ça n'a quand même rien à voir avec ces missions de... de terre lointaine et de terre oubliée. Tu es allée faire quoi là-bas ?

  • Speaker #0

    Je suis allée à Kaboul. Je t'avais dit à MSF que je ne voulais pas repartir en capitale. Je suis repartie en capitale. Là, on ne pouvait pas ni faire la fête ni boire d'alcool. bien plus calme. Je suis partie comme... Là, je suis montée en grade et j'étais référent médical de projet, si je traduis bien. Donc, j'étais en charge d'une équipe de 180 personnes, nationaux et expatriées. Et il s'agissait d'une maternité avec un bloc de chirurgie ostétricale et un petit service de pédiatrie néonate. Donc, moi, j'étais beaucoup sur du management d'équipe puis la direction du projet. mais quand même aussi les gynécologues quand ils étaient en galère m'appelaient sur mon téléphone notamment la nuit donc c'était une mission assez dense t'es restée combien de temps ? je suis restée 6 mois et demi, j'ai perdu 9 kilos j'étais malade tout le temps J'ai jamais été autant stressée, mais pour des raisons de travail, en fait. C'était pas le contexte sécuritaire. C'était vraiment... C'est pas un travail que j'avais l'habitude de faire.

  • Speaker #1

    De gérer autant de monde, tu peux dire.

  • Speaker #0

    C'est hyper stressant, quoi. Ben voilà, c'est ça. C'est l'hôpital, je sais pas si les gens se rappellent, mais il a été attaqué après par Daesh, un ou deux ans plus tard. Il y a eu des morts dans cette maternité. Voilà, donc là, Kaboul, on était au summum de l'enfermement et de l'activation de liberté.

  • Speaker #1

    C'est vrai, t'as fait comment une journée quand t'es là-bas, alors ?

  • Speaker #0

    en fait on était la seule mission du pays qui avait le droit de marcher dehors sur à peu près je crois 200 mètres sur le trottoir pour aller de la maison à l'hôpital 8h le matin on rentrait déjeuner, on revenait boulot boulot jusqu'à

  • Speaker #1

    18h-19h et après t'es enfermée chez toi ?

  • Speaker #0

    le soir t'es enfermée, le week-end t'es enfermée alors tu peux aller faire une course, t'as le droit un petit peu On a eu le plaisir d'aller acheter du tissu pour se faire des tenues. Et là, je me suis retrouvée avec un tailleur afghan qui me prenait les mesures en me frôlant les seins. Alors je me suis dit, mais on ne devrait pas être en train de faire ça. Mais ça s'est bien passé. Et puis, on s'est même retrouvée à aller acheter une guitare aussi, dans un magasin de musique qui n'avait jamais vu de femme blanche passer le seuil. Donc, un grand moment.

  • Speaker #1

    Tu as aimé cette mission, malgré le boulot ?

  • Speaker #0

    J'ai failli arrêter à cause du stress lié à des problèmes que j'avais avec des gens dans la mission. mais en fait, j'ai beaucoup aimé. Notamment, tu vois, je te parle de guitare, c'était mon échappatoire, puisqu'on était enfermés tout le temps. Puis un jour, elle s'est cassée, parce que c'était une vieille guitare en mauvais état. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je suis partie en week-end. Il faut savoir que c'est un pays où les femmes n'ont pas le droit de jouer de musique. Je suis partie en week-end dans une autre maison de la mission, et quand je suis revenue dans mon bureau, qui est un grand open space, ils avaient réparé ma guitare. C'est-à-dire qu'il y avait tous ces hommes afghans qui avaient réparé ma guitare. et qu'il l'avait posé sur mon bureau comme ça. Donc il y avait des moments un peu, malgré tout, des beaux moments.

  • Speaker #1

    Suspendus, quoi.

  • Speaker #0

    Ouais,

  • Speaker #1

    exactement. Merci beaucoup.

  • Speaker #0

    De rien.

  • Speaker #1

    C'est la fin. Merci mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. J'espère que vous aussi, vous avez voyagé. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous laisser 5 étoiles sur Apple Podcast et un petit commentaire. On attend avec impatience vos retours et vos impressions. Et si vous aussi vous avez envie de nous raconter un extraordinaire voyage ou une aventure au bout de votre rue, envoyez-nous un petit message sur Instagram. A très vite, merci et à bientôt.

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