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Brillante #7 Caroline Besse, l'artiste qui peint avec les gemmes cover
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Brillante

Brillante #7 Caroline Besse, l'artiste qui peint avec les gemmes

Brillante #7 Caroline Besse, l'artiste qui peint avec les gemmes

38min |15/03/2025
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Brillante #7 Caroline Besse, l'artiste qui peint avec les gemmes

Brillante #7 Caroline Besse, l'artiste qui peint avec les gemmes

38min |15/03/2025
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Description

Dans ce nouvel épisode de Brillante, le podcast des femmes de la joaillerie, je reçois une artiste dont le travail transcende en peinture la beauté brute des minéraux. Caroline Besse, artiste peintre au parcours singulier, donne vie à une peinture hors du commun en broyant des pierres précieuses et des gemmes pour en faire des pigments.


Invitée du podcast Brillante, elle raconte son voyage artistique et spirituel, marqué par une fascination pour la symbolique des couleurs et leur lien avec la conscience.

Tout commence avec la calligraphie et la peinture à l'encre, avant qu'elle ne découvre les minéraux dans l'art sacré bouddhiste. Cette révélation l'amène à explorer une peinture devenue laïque, où chaque nuance devient un langage en soi. Inspirée par la technique japonaise du Nihonga, elle adapte cette tradition aux grands formats, défiant les contraintes techniques tout en conservant la subtilité des superpositions et des jeux de transparence.


Les maisons de luxe ne s'y trompent pas : Cartier et Van Cleef & Arpels lui confient la réalisation d'œuvres monumentales pour leurs flagships. À Miami, elle crée une fresque évoquant les lagons des Caraïbes, tandis qu'à la place Vendôme, une brume minérale joue avec la lumière, donnant l'illusion de particules en suspension.


Dans son atelier, Caroline Besse travaille minutieusement ses pigments, jouant sur l’éclat et la profondeur. Chaque pierre, une fois broyée, révèle une couleur inattendue : La lazurite révèle un bleu intense, la malachite devient un vert doux et enveloppant et le rubis un rose délicat.


Loin de se limiter à un nuancier figé, elle cherche sans cesse de nouvelles sources minérales, notamment lors de sa résidence avec le Fonds de dotation Verrechia, où elle collecte les pierres et gemmes de France et en analyse les potentiels chromatiques. Auparavant elle a travaillé en partenariat avec l'Institut des Sciences de la Terre Sorbonne Université pour étudier l'intérêt esthétique des gemmes suivant leur granulométrie puis a exposé avec eux ses oeuvres dans l'exposition « Infraterre, incursion chromatique ». Avec le Fonds de dotation Verrachia c'est dans l'exposition collective "Romance in the Stone : de la roche à l'œuvre" au Musée de minéralogie de l'École des Mines qu'elle présente ses recherches et ses oeuvres.


Sa démarche, à mi-chemin entre la science et l’art, explore les infinies variations de la matière. Elle joue sur la superposition des couches, la densité des pigments et la profondeur de champ pour créer des œuvres vibrantes, où la couleur semble en mouvement. Peindre ainsi devient un processus méditatif, une lente construction où le temps et les strates de pigments révèlent, couche après couche, une alchimie fascinante entre la lumière, la matière et l’émotion.

Ce voyage dans la couleur et la texture n’est pas qu’esthétique : il est sensoriel et spirituel.

Caroline Besse ne cherche pas à imposer une vision, mais à inviter le regardeur à une immersion progressive, à une rencontre intime avec la couleur. Son travail, tout en nuances et en subtilités, transcende la simple peinture pour devenir une expérience à part entière.


Belle écoute et soyez Brillante !


Brillante est le podcast des femmes de la joaillerie par Anne Desmarest de Jotemps, il était une fois le bijou

sound design et création sonore : Alice Krief - Les Belles Fréquences


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai rencontré les minéraux broyés en abordant la peinture sacré bouddhiste après avoir fait de la calligraphie, de la peinture à l'encre. Donc à la fois j'avais une recherche sur la symbolique de la couleur. Ça venait amplifier en fait tous ces messages à la fois sur les postures corporelles et sur la façon dont chaque couleur peut être reliée à un état de la conscience. Je me suis saisie des minéraux pour continuer à travailler la peinture sacrée mais laïque. Ce qui m'intéressait c'est comment chaque couleur est reliée à un état de la conscience par le moelleux des nuances qui se succèdent.

  • Speaker #1

    Les femmes de la joaillerie sont passionnées et cultivées, intelligentes et créatives, bosseuses. et imaginatives. Elles sont brillantes. On imagine le monde des bijoux comme un secteur léger et opulent. La réalité est autre. C'est un monde qui exige l'excellence dans tous les domaines. Un monde de travail acharné, des artisans d'art aux mains de fées, aux groupes internationaux, à la puissance supranationale. Le monde des bijoux, c'est aussi une certaine image de la France qui s'impose depuis le XVIIe siècle. Et dans ce monde protéiforme, les femmes ont dû se sortir une place. Et elles ont réussi parce qu'elles sont brillantes. Dans ce podcast, brillante, je vous fais découvrir, non pas l'envers du décor, mais la réalité du monde joaillier ou féminin en interrovant. les femmes de la joaillerie. À chaque fois, je leur demande un conseil pour une jeune femme qui serait tentée par ce monde où le scintillement de vitrines cache l'exigence du travail et de l'investissement personnel pour que la prochaine génération se prépare ainsi à devenir brillante.

  • Speaker #2

    Aujourd'hui, je suis avec une femme brillante, Caroline Bess, qui explose, il faut dire, écrapoutit, écrase les pierres gemmes et précieuses pour en faire des peintures que, d'ailleurs, les flagships de grandes maisons de joaillerie, Cartier et Van Cleef, se sont arrachées. Bonjour Caroline.

  • Speaker #0

    Bonjour Anne. Alors,

  • Speaker #2

    justement, je viens dans l'introduction de tout dire, mais on va commencer par notre première question gimmick. Quel est ton plus joli souvenir de bijoux ?

  • Speaker #0

    Écoute, j'ai pas vraiment de grands souvenirs anciens de bijoux, j'ai plus de souvenirs de pierres brutes en fait, ce qui est finalement assez logique. Moi j'ai ce souvenir avec mes parents en randonneur, dans les Pyrénées, au cours des balades, de ramasser les cailloux avec ma sœur et de commencer ma petite collection personnelle comme ça, l'espèce de magie. de découvrir le mica dans les gaves, dans les rivières, et de jouer aux chercheurs d'or. C'est plutôt ces souvenirs qui sont liés directement à la matière brute, plus qu'aux bijoux.

  • Speaker #2

    Et c'était quelle matière brute ?

  • Speaker #0

    À l'époque, je pense que ce que je trouvais le plus facilement, c'était des quartz, des mica. C'était ce côté brillant qui prend l'œil des enfants.

  • Speaker #2

    Très bien. Tu es une artiste très spéciale qui, comme je l'ai dit, fait de la poudre avec les gemmes. Et de cette poudre... tu mets un liant et tu en fais des peintures. J'ai bien résumé ? Oui,

  • Speaker #0

    tout à fait, c'est ça.

  • Speaker #2

    Explique-nous cette technique spéciale. Alors, bien sûr, on a tous dans la tête les peintures d'Osiris où on nous explique qu'on a écrasé du lapis lazuli pour en faire des peintures sur le mur. Ça, ceux qui ont été en Égypte ou quand on a ouvert un livre, on s'en souvient. Mais c'est à peu près tout.

  • Speaker #0

    C'est vrai que traditionnellement, en Occident, c'était utilisé dans la peinture sacrée et puis ça continue d'être utilisé. pour les icônes byzantines, il y avait juste quelques couleurs qui étaient utilisées. Donc la pilazulime, la laquite, de l'azurite aussi, du cinabre, de leur piment pour les rouges et les jaunes. Et vraiment très peu de couleurs. Tandis qu'en Asie, c'est le Japon qui a vraiment développé cette technique qui est devenue leur technique traditionnelle de peinture, où ils ont broyé beaucoup plus de pierres et pour le coup, ils ont une palette de couleurs beaucoup plus vaste et avec des... tonalités qui sont vraiment propres à leur culture, parce que, pour le coup, leur peinture traditionnelle étant issue de ces couleurs-là, on les retrouve un peu partout. En fait, c'est une technique qui était importée de Chine à partir du 8e siècle et que, eux, ils ont développée. Tandis que c'est vrai qu'en Chine, également en peinture sacrée, parce que c'est là qu'on retrouvait les premières peintures, ils utilisaient quelques couleurs de la même façon que nous en Occident. Et c'est vraiment le Japon qui a développé la palette de couleurs qu'il a beaucoup élargie.

  • Speaker #2

    Et les autres pays, après, se sont appropriés ça ?

  • Speaker #0

    Pas tellement, c'est resté une technique traditionnelle japonaise qu'ils ont continué de nourrir malgré l'ouverture à l'Occident au XIXe siècle. Ils ont conservé dans les écoles de beaux-arts, en université, les classes de nironga, peinture traditionnelle, ce qui fait que les étudiants là-bas passent par cette étape-là, même s'ils apprennent toutes les autres techniques, à l'huile, à l'acrylique, etc.

  • Speaker #2

    Et le support, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    Le support, traditionnellement, c'est du... papier ou de la soie. Le textile est le plus souvent de la soie. Il y a vraiment une chimie très particulière pour l'adhérence des poudres de minéraux qui sont en différentes granulométries. Donc certaines sont très fines comme du talc et avec le liant qu'on utilise, ça recrée pratiquement une peinture qu'on va pouvoir utiliser un peu en pâte ou plus ou moins diluée. Et puis il y a des granulométries plus fortes qu'il s'agit de faire adhérer sur ces supports et ces supports sont des fibres naturelles qui vont... absorber cette pâte de minéraux, la maintenir dans les fibres pour avoir une œuvre qui soit pérenne.

  • Speaker #2

    Alors justement, c'est la question que j'étais en train de me poser pendant que je t'écoutais. Quelle sorte de lion on met ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    Parce que si moi, je m'amuse à mettre du sable, c'est la seule poudre auquel je pense, du sable avec de l'eau, je n'arriverai jamais à peindre avec ça, en fait.

  • Speaker #0

    Non, non, non. Donc le lion que j'utilise, il y en a plusieurs. Principalement, c'est la Nikawa, la colle de peau de bœuf. Il y a aussi de la colle de poisson et il y a aussi de la colle d'algues qui est possible.

  • Speaker #2

    De la colle d'algues ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    On voit que c'est imprégné du Japon. Ça se fait aussi ici en Europe, la colle d'algues ?

  • Speaker #0

    Non, je n'ai pas connaissance de ça. Enfin, peut-être qu'il y a des choses qui se développent aujourd'hui. Justement, moi, ça m'intéresse beaucoup, les nouvelles colles. Je suis un peu du biomimétisme, d'observer, mais qu'est-ce qui, dans la nature, peut nous produire un collant aussi efficace que ce qu'on fait chimiquement ? Mais... Pour que ce soit développé à un niveau industriel, on en est au tout début.

  • Speaker #2

    Mais de toute façon, toi, tu n'en es pas du tout au niveau industriel.

  • Speaker #0

    Non, pas du tout.

  • Speaker #2

    Parce que chaque œuvre est une œuvre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une œuvre unique qui prend du temps à être réalisée. Tout est fait à la main sur des process qui sont aussi assez longs, avec un respect des temps de séchage entre chaque couche.

  • Speaker #2

    Alors concrètement, tu fais quoi ? Tu poses ton papier à plat. Là-dessus, tu prends tes poudres de minéraux. Tu les mets une par une ? Tu les mélanges ? Est-ce que, par exemple, comme une peinture, si je prends une pierre qui est blanche et une pierre qui est bleue, ça va me faire une pierre bleu ciel ? Comment tu fais ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'ai fait tout un travail d'adaptation de la technique traditionnelle parce que je suis peintre-décorateur de métier. Et ce qui m'intéressait, c'était de réaliser des grands formats avec cette technique-là. Donc, il fallait que je trouve quelque chose qui fonctionne sur des échelles différentes. Et puis aussi, par goût, j'ai toujours aimé travailler la couleur en transparence. en superposition de couches, jusqu'à ce que j'obtienne une couleur qui vient résonner à la fois dans la chaleur, dans l'intensité, tout ça. Et je trouve que je peux l'avoir qu'en superposant les couches et pas en mélangeant directement les minéraux entre eux. Donc moi, je travaille au pinceau et aux petites brosses, plus ou moins larges. Et en fait, je superpose les couches. Donc j'ai un premier travail où je structure d'ailleurs la pièce que je vais faire à l'encre de Chine, parce que j'ai fait beaucoup. beaucoup aussi de calligraphie et de peinture à l'encre. Et il y a cette espèce de structure, d'os que je dépose sur le papier et qui me permet d'avoir en fait des différentes nuances de gris. Et ça va me permettre ensuite de travailler la couleur, soit sur le fond blanc naturel du papier, soit sur un fond gris ou un fond noir. Et en fonction des couleurs, elles vont avoir un éclat tout à fait différent. Donc j'utilise ce fond de couleurs différentes. pour à chaque fois pouvoir faire sortir l'intérêt d'une couleur de pierre d'une façon tout à fait particulière. Il y a certaines couleurs, je les adore sur le papier naturel et je les aime tout autant sur fond noir, mais après ça dépend de ce que je veux faire. Donc il y a ce premier jet à l'encre de Chine et ensuite je reviens avec une couleur, une poudre au pinceau, j'attends que ça sèche et je reviens le lendemain et je construis mon travail comme ça de jour en jour avec des couleurs de pierre d'une façon tout à fait particulière. quelque part un peu la surprise de ce qui va être révélé à la fin. Donc, il faut que je m'organise, avoir plusieurs travaux en cours et créer des séries. Ou alors, quand c'est des grands volumes, de toute façon, le temps qu'on commence un morceau, quand on a fini de l'autre côté, c'est sec. Donc là, ça permet de continuer à travailler. Mais en tout cas, il y a cette espèce de respect du temps de séchage et du temps qui fait que la matière s'imprègne dans le papier. avant de recommencer, de déposer une autre couche dessus, de laisser le temps au temps pour construire l'œuvre très tranquillement.

  • Speaker #2

    Ce que j'ai vu, ce que tu m'as montré dans les flagships de Van Cleef & Cartier, on dirait des étages doux entre les différentes couleurs, un peu comme si on était dans le désert et qu'on voyait une couche après l'autre se superposer, imaginer les dégradés comme ça. C'est ton style vraiment ou est-ce que tu pourrais faire d'autres formes plus mouvantes ou est-ce que c'est vraiment une volonté ?

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'au départ, moi, ce qui m'avait intéressé dans l'intensité de ces couleurs des minéraux broyés, justement c'était avoir vu très précisément que ça ne me produisait pas du tout le même effet dans l'œil que de travailler avec des huiles et des acryliques et toutes sortes d'autres matières que j'avais expérimentées et j'ai rencontré d'ailleurs les minéraux broyés dans le cadre des enseignements bouddhistes en abordant la peinture sacrée bouddhiste après avoir fait de la calligraphie, de la peinture à l'encre je poursuivais cet intérêt-là ... Donc à la fois j'avais une recherche sur la symbolique de la couleur, à la fois en médecine traditionnelle chinoise sur les correspondances entre les organes et la couleur. Et quand j'ai rencontré ces minéraux dans l'art sacré bouddhiste, ça venait mettre, amplifier en fait tous ces messages à la fois sur les postures corporelles et sur la façon dont chaque couleur peut être reliée à un état de la conscience. Et c'est ça qui m'intéressait. Je me suis saisie des minéraux, en fait, pour continuer à travailler la peinture sacrée, mais laïque, sans iconographie. Ce qui m'intéressait, c'est comment chaque couleur est reliée à un état de la conscience. La question que je me suis posée, c'est comment est-ce que je mets ça en avant ? Et c'était vraiment par le moelleux des nuances qui se succèdent, qui créent des va-et-vient dans l'œil, parce qu'avec l'encre de chine sur le papier, on a une matité très profonde. Et avec l'irrisation d'une pierre comme le mica, il y a quelque chose qui revient vers nous. Donc, ça crée une profondeur de champ. Et donc, à la fois, ces lignes successives montent ou descendent et en même temps créent un va-et-vient dans la profondeur du champ. Donc, c'est ça qui m'intéressait, d'arriver à une espèce de sensation d'apesanteur de la ligne et jusqu'à arriver à la couleur pure, en fait. Donc, j'allais des nuances qui partaient de ton pastel. ou de tons très profonds sortis du noir de l'encre de Chine. Et j'arrivais à la pureté de la malachite sur quelques lignes ou des aplats où il n'y a plus que cette couleur-là qui donne toute sa force. Mais je préférais y aller tranquillement par échelle successive, comme si je proposais de faire un chemin vers cette couleur-là, qu'on puisse gravir à nouveau, faire à nouveau tranquillement, plutôt que de montrer un aplat de couleur. couleurs très pures, très directement, qui est un choc visuel, mais qui moi ne me permettait pas d'aller rencontrer la couleur à l'intérieur de moi.

  • Speaker #2

    Pour ces flagships, ton défi, ça a été la largeur.

  • Speaker #0

    J'ai fait, oui, des 4 mètres, 4,50 mètres. Effectivement, le défi sur la ligne horizontale, sur des longueurs de 4,50 mètres, c'était effectivement très technique. Et trouver comment ne pas avoir de raccords tout simplement, et arriver à ... à tenir la qualité de la matière sur des longueurs pareilles. C'est toujours une chouette expérience, j'ai pris goût.

  • Speaker #2

    Et donc, du coup, c'était quel flexible déjà ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est pour Cartier à Miami, la boutique Aventura à Miami, où il y a eu des très grandes longueurs comme ça.

  • Speaker #2

    Ah oui, donc en résonance avec le sable et le ciel bleu de là-bas.

  • Speaker #0

    Là, c'est les couleurs lagon, lapis azurite et malachite, et des couleurs extraordinaires. En atelier, avec mon assistante, on travaillait les couleurs et en superposant la malachite et la serpentine, qui est un vert un peu plus jaune, sur des fonds clairs, en fait on arrivait à une couleur quasi fluorescente, un vert quasi fluorescent et on se disait, oh là, non, là il y a quelque chose qui n'est pas naturel. Et en fait, si, j'ai découvert ensuite sur la mer des Caraïbes qu'on a ces verts. incroyablement intense et lumineux par certaines qualités du soleil.

  • Speaker #2

    Et pour le flagship de SCA alors ?

  • Speaker #0

    C'est un graphisme tout à fait différent que j'avais proposé qui était une brume en fait. Une brume de minéraux qui se déposent, qui se décomposent, qui passent de la matité à la brillance sur 2 mètres et quelques de haut et 4 à 5 mètres de largeur et sur un mur cintré. Donc la lumière glisse dessus ce qui fait que Lorsqu'on se déplace devant, on a l'impression que les micas créent des éclairs qui nous poursuivent dans la pièce. Ça, c'est le VCA de la place Vendôme.

  • Speaker #2

    Évidemment, la question que je me pose, c'est comment ça tient ? Tu as bien dit que tu mettais un lien pour que ça tienne sur le papier, mais là, c'est sur un mur, ça ne va pas tomber ?

  • Speaker #0

    Ah non, bien sûr, ça ne tombe pas. C'est là l'enseignement des process japonais, de la rigueur qu'on doit avoir en atelier à bien les respecter. Je ne vais pas prendre le risque de superposer des couches qui ne sont pas sèches. parce que c'est ça, ça pourrait former croûte et tomber. Là, pas du tout, quand on est dérespectueux. Puis moi, je travaille très léger en couleurs et je préfère additionner les couches. De toute manière, c'est naturellement une façon de travailler qui me convient. Donc en fait, ça s'incorpore petit à petit au papier. C'est très bien attaché dessus, ça ne tombe absolument pas.

  • Speaker #2

    Moi, j'imaginais mon vernis à ongles, tu vois. Il y a la base, les couches de couleurs. Puis ensuite, il y a le top coat qui... tiens, tu vois. C'est pour ça que je te pose cette question. Oui,

  • Speaker #0

    alors après, je vaporise le liant en version très légère et diluée pour former une espèce de vernis, mais qui à aucun moment devient satin ou brillant. Parce que ce qui est beau, c'est que c'est les différences, les irisations dans la lumière. Donc, il faut que la matité reste et il faut que les brillances restent. Donc, on ne peut pas mettre n'importe quoi, sinon on viendrait... complètement tuer le jeu de lumière qui est vraiment le plus intéressant à travailler avec les minéraux broyés.

  • Speaker #2

    Mais dans ces minéraux, tu as vraiment toutes les couleurs ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de couleurs, oui. C'est très étonnant. Une qui est fabuleuse, c'est la sujillite, qui est violette. Et donc autant, la pierre naturelle, elle a un violet un peu sombre. Mais quand elle est broyée, parce que très souvent, quand on broie, ça vient éclaircir la couleur parce que plus les grains sont fins, Plus il y a de lumière qui tourne autour de chaque grain, donc plus la couleur est claire. Et donc pour le coup, on arrive à la sujilite, non pas mauve, mais un vrai violet surprenant et intense. D'ailleurs, il est tellement intense, moi j'ai plutôt tendance à le travailler sur un fond d'encre de chine pour lui donner de la profondeur. Et avec des réaux de la pilazulie, de gros grains de la pilazulie, ça passe du violet au bleu profond. Oui, très profonde.

  • Speaker #2

    Donc, c'est ta couleur préférée ?

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas ma couleur préférée. Je n'arrive pas à avoir de couleur préférée. Je les aime beaucoup toutes. C'est-à-dire qu'elles ne produisent pas le même effet, en fait. Il y a quelque chose qui est très profond avec ces violets bleus qui donnent une intensité et une profondeur qui pourraient être aussi un peu lourdes, quelque part. Et par exemple, si on va sur le vert de la malachite, que j'affectionne vraiment, parce qu'autant la pierre, quand on la voit, Poli, c'est un vert assez soutenu. Autant quand elle est broyée, tout d'un coup, elle a beaucoup plus de moelleux, elle est plus claire. Elle va tirer sur le bleu, ce n'est pas un vert qui tire sur le jaune. C'est bien équilibré, en fait, et il y a une très grande douceur. J'aime beaucoup regarder cette couleur-là qui vient vraiment donner une qualité de contemplation ouverte. Avec le bleu... Avec des lapis lazuli clairs, c'est très beau. Il y a des loups qui nous suspendent, qui nous emmènent dans le ciel ou dans l'immensité. Il y a vraiment ça avec la couleur. Le vert, il y a cette espèce d'ouverture de l'immense, mais qui reste très incarnée et qui vient jouer dans le corps. Je trouve qu'il y a une ouverture du cœur à regarder la malachite en poudre.

  • Speaker #2

    On a vu le bleu, le vert. Est-ce qu'il y a des roses, des rouges ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a des roses et des rouges. Il y a beaucoup. beaucoup de roses parce que les pierres rouges, quand on va les broyer, elles vont devenir roses. Alors, différents rosés qui vont tirer sur l'ocre, qui vont tirer vraiment plutôt sur le carmin, sur des roses un peu plus grenats, un peu plus mauves. Le grenat va donner un mauve rosé, le rubis donne aussi un rose, les quartz et matite donnent des roses mauves aussi différents. Et puis dans les rouges, Le jaspe fonctionne très bien, il est quand même très profond. Donc en fonction aussi des qualités de jaspe qu'on a, on va avoir des rouges très différents. Et puis traditionnellement, évidemment, il y a le cinabre qui a été toujours utilisé en peinture sacrée et qui est utilisé toujours beaucoup au Japon en la Kurushi. Alors bon, très souvent on me dit, oh là là, le cinabre, attention toxique. Alors effectivement, on est très précautionneux à utiliser le cinabre. Il s'agit de ne pas le respirer ou l'ingérer. Mais à partir du moment où il est dans une colle ou un vernis, il devient inoffensif. C'est très puissant, ce rouge-là.

  • Speaker #2

    Tu as dit que tu... utilisait des rubis pulvérisés dans des fleurs ? Parce que jusqu'à présent, tu nous as parlé de pierres ornementales, de pierres fines. Est-ce que, par exemple, tu pulvérises des amethystes ?

  • Speaker #0

    Ça m'est arrivé dans le cadre de la collecte des minéraux sur le territoire français que j'ai fait dans une résidence artistique avec le Fonds de dotation Vérecia. Pour le coup, il s'agissait d'aller vraiment à la rencontre des ressources locales en France. Qu'est-ce qu'on a, nous, comme... couleurs sous nos pieds parce que jusque-là, je les achetais au Japon ou à des géologues français ou j'avais récupéré des stocks de géologues et j'étais quand même très curieuse de savoir, mais en fait, qu'est-ce qu'on a, nous, sous nos pieds ? Qu'est-ce qu'il y a comme couleur ? Donc, j'ai proposé ce sujet au fond de dotation Véreka quand je les ai rencontrés. Ils m'ont dit go, ils étaient super curieux, eux aussi. Donc, j'ai commencé par aller me renseigner sur les mines françaises, les anciennes mines françaises. donc au musée de minéralogie de l'école des mines auprès d'Éloïse Gayou. On a constaté qu'il reste très peu de mines en France. C'était quand même un peu complexe d'aller trouver aujourd'hui une étendue de minéraux de couleur. Et en fait, c'est grâce aux associations de géologues et de minéralogistes sur chaque département ou région que j'ai pu avancer dans ma recherche. Ils m'ont beaucoup aidée en m'indiquant qu'elles étaient... Les anciennes milles, les gisements, les endroits où on pouvait ramasser de façon tout à fait tranquille. Et ils m'ont même accompagnée sur les lieux parfois. Donc c'est vraiment grâce à ces passionnés de minéralogie que j'ai pu mener cette recherche. Et qui n'est pas exhaustive, ça continue parce qu'on continue de m'envoyer ou de me faire part d'endroits où il y aurait des pierres un peu différentes. Voilà. Après ces mois de recherche et de collecte, il y a un moment où il fallait s'arrêter. Et à ce moment-là, il y en avait plus d'une quarantaine qui avaient des couleurs vraiment intéressantes.

  • Speaker #2

    En France, tu as trouvé 40 nuances, non pas de grès, mais de couleurs de minéraux en poudre. Alors, est-ce que tu as été voir les saphirs chez nous ou pas ?

  • Speaker #0

    Non, j'ignorais qu'il y avait la réouverture de ces mines à ce moment-là. Et de toute façon... J'avais eu le stock de ce géologue qui avait broyé pas mal de pierres tout à fait étonnantes, dont le saphir. Donc je savais que le saphir, finalement, c'était pas loin d'un quartz. Ça donne quelque chose d'assez transparent, qui n'a pas un grand intérêt en termes de couleur. C'est plus en symbolique. Moi, je sais qu'au tout début, où j'ai commencé à peindre avec les mineurs broyés, je faisais de l'art sacré bouddhique. Je faisais les yeux d'Amitaba avec du saphir. Ça me faisait plaisir, mais ce n'était pas tellement pour la couleur.

  • Speaker #2

    Et donc l'émeraude, tu as essayé ?

  • Speaker #0

    Non, je n'ai jamais eu d'émeraude.

  • Speaker #2

    Et le diamant, du coup, qui est déjà transparent, ça n'aura aucun intérêt pour le coup ?

  • Speaker #0

    Oui, après, c'est plus la symbolique et la façon de travailler les grains qui pourraient être très belles dans la transparence et tout. Mais là, on imagine le budget.

  • Speaker #2

    Donc, nos pierres fines, en fait, pour ta peinture, pour ta technique, ce n'est pas intéressant, ça reste trop clair. Donc déjà, il vaut mieux que tu utilises les pierres dures, les pierres en aimantale.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est vrai que les pierres dures vont avoir une intensité colorée dans la matière qui est plus intéressante s'il va rester quelque chose au broyage.

  • Speaker #2

    Et donc en fait, avec le fond de dotation Veracchia, en tant que résidence d'artiste, toi tu as fait l'itinéraire.

  • Speaker #0

    Oui, puisque le sujet, c'était la collecte des minéraux sur tout le territoire. Il fallait que je me déplace. Donc, c'était itinérant. Et donc,

  • Speaker #2

    ça a duré un an ?

  • Speaker #0

    Un peu moins, plutôt neuf mois avec l'étude. L'étude a été longue. Prendre les contacts, tout ça, c'était long. Et puis après, lister tous les minéraux que je pouvais trouver. quel était leur intérêt chromatique par rapport à la trace, leur trace, c'est-à-dire quand on raye une céramique avec le minéral, ça laisse une couleur et c'est ça qui va donner une indication sur la couleur qu'on peut avoir quand il est broyé. Donc en fait, il y a certaines pierres qui sont de couleur, mais qui sont dans la trace et restent blanches ou grises. Donc bon, il y avait une grosse recherche sur tous les minéraux en France et j'ai dû illuminer au moins les trois quarts, voire... peut-être plus des pierres parce qu'on était sur des gris et des blancs. Ça n'avait pas beaucoup d'intérêt. Après aussi, toutes les pierres calcaires. Je n'avais pas vocation à faire un camailleu de ton pierre, même si c'est super intéressant en soi. J'étais surtout curieuse de voir ce qu'on avait comme réelle couleur un peu plus intense.

  • Speaker #2

    Et alors, pour arriver à les broyer, tu t'es adressée à qui ?

  • Speaker #0

    J'ai eu la chance de faire un partenariat avec l'Institut des sciences de la terre de Sorbonne Université. Donc avec l'enseignant-chercheur Erwan Martin, et c'est Héloïse Gayot qui nous avait présenté. Et Erwan était à peu près aussi curieux que moi de découvrir ces couleurs des minéraux. Donc on a travaillé tous les deux au labo de l'Institut des sciences de la Terre pour pouvoir concasser, broyer et tamiser chaque minéral. Donc je prenais des roches massives, c'est-à-dire des roches... pure pour que chaque minéraux, on sache quel est le minéral qui était représenté ensuite en poudre. Et puis, déjà Erwan validait l'appellation de la pierre en fonction des différentes propriétés, tout ça. Et puis après, c'était assez physique, le concassage est très rigoureux et long, la phase de broyage et de tamisage. Et là, très intéressant de découvrir Pour chaque pierre, quelle granulométrie a un intérêt esthétique ? Parce qu'en fait, certaines pierres en poudre talc deviennent inintéressantes, alors qu'entre 63 et 250 microns, elles ont tout d'un coup une brillance, une couleur un peu différente. Et dans des granulométries plus hautes, entre 250 et 500 microns, là, elles ont des qualités de réflexion de la lumière super importantes. Et parfois, c'est l'inverse. très brillante, très fine et elle reste un peu plate en grosse granulométrie. Donc ça, c'était vraiment la partie hyper intéressante pour moi de savoir, bon, celle-là, je ne la mettrai plus jamais en moins de 63 microns, ça n'a pas d'intérêt. Je préfère la garder en telle granulométrie ou telle granulométrie.

  • Speaker #2

    Ce travail, avec le fond d'autodidaction Veracat, tu l'as exposé au musée de minéralogie et tu avais choisi de mettre deux œuvres. Est-ce que tu peux nous en parler de ces deux œuvres ?

  • Speaker #0

    Oui, alors dans un premier temps, à l'issue de la collecte et de tout le travail de broyage, on a d'abord fait une exposition à la collection de minéraux de Sorbonne Université, à Jussieu, qui a duré neuf mois, qu'on a appelée « Infraterre, incursion chromatique » . Et là, en fait, l'exposition avec le Fonds de dotation Véreka, qui est une exposition collective qui regroupe une douzaine d'artistes qui ont fait cette résidence qu'ils appellent « Bourse matière » avec le Fonds de dotation Véreka. viennent exposer au musée de minéralogie de l'École des Mines les différents aspects de recherche artistique autour de la pierre. Très variées, étonnantes et passionnantes. Donc moi, je fais partie de l'exposition avec la collecte des minéraux et ces nuanciers que j'ai pu mettre à jour. Et j'y présente beaucoup des œuvres qui sont réalisées avec ma technique. Il y a une première qui s'appelle « Respiration rouge » . C'était vraiment un travail sur la... l'équilibre entre le carmin, le vermillon, dans l'intensité de ces couleurs-là, comment je suis venue les adoucir et en même temps leur donner de la profondeur avec des tons un peu bruyères, des mauves profonds. C'est un travail que j'avais réalisé en automne à mon atelier qui est dans le Vercors. Et c'était vraiment ce que j'avais sous les yeux. J'avais des rouges hyper intenses dans certains feuillages d'arbres et tout le haut de la montagne qui sont des hêtres. devenait mauve, violée. Ça m'avait tellement marquée dans l'œil que je voulais restituer cette intensité des rouges. Et la deuxième, c'est quelque chose de beaucoup plus doux, qui tend aussi à sortir de la ligne et qui va de la ligne au nuageux, qui fait un envol entre les deux, où la ligne semble comme une vague se dissoudre en brume. Donc ça me permet de travailler les deux graphismes en transition. Les tombes sont réalisées avec un peu d'azurite, pas mal de jade, de lacerte. Donc, c'est des bleus verts très doux, rehaussés avec des micas, des blancs de calcite.

  • Speaker #1

    Et donc, avant d'avoir envie de pulvériser des gemmes et des minéraux pour en faire de la peinture, qu'est-ce que tu faisais ?

  • Speaker #0

    J'étais peintre-décorateur, j'étais déjà dans la couleur, le grand format, en fait, la couleur sur les murs, je faisais des fresques. Un travail de création avec l'architecture du lieu et le client, ses émotions, ses désirs. La question c'était quelle atmosphère on va donner à cette pièce ? Qu'est-ce que ça va venir faire surgir comme émotion en fonction des nuances qu'on peut y mettre ? Je trouvais ça passionnant.

  • Speaker #1

    Tu as fait quelle école pour ça ?

  • Speaker #0

    En fait, le parcours n'a pas été si simple que ça parce qu'enfant, je peignais. Je dessinais tout le temps. C'est vrai que quand on me posait la question, qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grande ? Je veux dessiner. Et puis, en fait, je n'ai pas été poussée du tout là-dedans par le milieu familial parce que ça faisait peur. Donc, j'ai fini par faire des études de gestion un peu sans grande motivation. Et j'ai attendu d'être indépendante financièrement pour reprendre une formation professionnelle de peintre-décorateur, en fait. Parce que ce qui m'intéressait, c'était à la fois l'architecture d'intérieur. et la peinture parce que je peignais sur tout mon temps libre. Et entre les deux, quand j'ai découvert ce métier, je me suis dit « Ah non, mais c'est ça ! »

  • Speaker #1

    Donc en fait, tout ça, ça t'a demandé beaucoup de travail finalement ?

  • Speaker #0

    Oui, pas mal. Moi, j'étais en Charente et à Bordeaux et c'est vrai qu'on ne fait pas beaucoup appel aux peintres décorateurs à part à l'Opéra de Bordeaux et en décoration sur quelques grands vignobles. Mais pour le coup, ce n'était pas un métier qui était très connu. J'ai réussi à trouver un financement. à faire la formation professionnelle sur une année scolaire entière, qui était une grosse année parce que vraiment, on y était de 9h du matin à minuit tous les soirs, parce que c'était vraiment un apprentissage des techniques de la transparence.

  • Speaker #1

    Après ça, la première commande, celle qui t'a permis de te dire « ça y est, je suis devenue peintre d'air correcteur » , tu t'en souviens ?

  • Speaker #0

    Oui, je me suis mis à mon compte à Bordeaux et j'ai eu une commande d'un château viticole. Sur le bâti, j'ai fini des décorations sur toutes les portes des chambres. Il y en avait une dizaine, recto verso. Et dans un hall, un espace de passage avec deux grandes fresques qui étaient des panoramiques. C'était vraiment très décoratif et ornemental. Pour le coup, les cinq années que j'ai passées à Bordeaux, j'ai fait beaucoup de trompe-l'œil, de grappes de raisins. de bouteilles de vin et des perspectives de vignobles. Ça, c'était quand même le sujet obligatoire. Heureusement, en fait, je partageais mon atelier avec un designer qui avait un tout autre regard sur la ligne et qui m'a formée, en fait. C'est lui qui m'a formée l'œil. Et on a travaillé ensuite ensemble sur des projets. Petit à petit, je suis passée de l'ornementation à l'abstraction de la ligne colorée.

  • Speaker #1

    Cette abstraction, c'est une progression strata technique. classiques de décoration et de peinture. Et est-ce que ça a été une révolution ou ça a été une évolution, un petit peu à la fois, jusqu'à arriver à prendre des gemmes et en faire de la peinture ?

  • Speaker #0

    Ça a vraiment été une évolution. Au début, moi, j'étais très curieuse de faire des expériences. Je voulais vraiment faire l'expérience de la matière, donc je ne faisais jamais deux chantiers identiques quand je faisais des expériences de matière. Et ensuite, c'est vraiment en étudiant la médecine traditionnelle chinoise et tout le rapport au geste et à la respiration et l'étude des grands textes sacrés qui m'a amenée à comprendre petit à petit qu'est-ce que je cherchais moi personnellement dans la représentation, dans le partage artistique et dans mon esprit que j'avais besoin de passer par telle ou telle étape d'expérimentation de la matière. pour arriver à un geste qui était pur. Passer par l'art sacré, ça a été la plus grande expérience artistique parce que dans la représentation, on vient se connecter au divin qui est véhiculé par un personnage. Les bodhisattvas ou les bouddhas, c'est une qualité de l'être que tout le monde a et qui est personnifiée. Et dans cette concentration qu'on a de la représenter, et dans l'idée aussi qui vient vraiment de la peinture chinoise qu'on va déposer le souffle et la présence de cette divinité sur le papier. Donc il y avait tout un travail antérieur de transparence de soi pour laisser les choses se faire, des nécessités d'un lâcher prise avec le pinceau où on vient se mettre au service de cette représentation-là. Mais à un moment, c'est vraiment quelque chose qui nous dépasse. et qui vient prendre la place. Et ça, c'est des expériences artistiques. Moi, c'est la plus intense que j'ai pu connaître. C'était magique. J'étais spécialiste de Guanine, le Bodhisattva de la compassion. J'ai adoré peindre Guanine en différentes couleurs. C'était un contact très direct, très riche et très enseignant.

  • Speaker #1

    Est-ce que maintenant, tu penses que tu es à ton apogée ou est-ce que tu vas continuer ? comme ça, à évoluer et vers quoi tu voudrais aller ?

  • Speaker #0

    Je pense que je vais continuer à évoluer. Justement, c'est vraiment une question en ce moment. J'ai passé sept ans sur la ligne. Je sens qu'il y a quelque chose qui bouge depuis un moment. Donc, ça part dans différentes explorations qui sont liées à la matière, notamment la surtextile. Mais il y a d'autres idées avec le verre, avec le métal, avec différents supports. port et l'idée du volume aussi. Donc, j'ai besoin toujours de passer par la matière, de voir, de faire l'expérience du geste parce que c'est toujours important qu'il y ait une cohérence entre le fond, la forme et la façon dont je lis les deux. Donc, ça passe vraiment par l'atelier.

  • Speaker #1

    Et maintenant, qu'est-ce que tu voudrais qu'on te souhaite ?

  • Speaker #0

    Qu'on me souhaite toujours réaliser les grands panneaux immersifs. Ça me réjouit, ces commandes de... de grands panneaux et de fresques. Il y a quelque chose de très magnifique à l'atelier, parce que c'est une plongée dans la couleur que j'adore. Et puis parallèlement, je fais aussi des tableaux qui sont plus mes études personnelles sur des couleurs que je propose en galerie et qui vont être exposées bientôt d'ailleurs à Art Basel Miami. Et je me souhaite du succès !

  • Speaker #1

    Eh bien, on te le souhaite aussi ! Alors la dernière question, qui est la question gimmick. Quel conseil tu donnerais à une jeune femme qui voudrait marcher sur tes traces aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Je lui donnerais le conseil de toujours suivre son plaisir. Son plaisir au travail comme premier et essentiel moteur de décision. On est tellement sollicité aujourd'hui par l'environnement extérieur, les obligations, le marché, tout ça. Et finalement, le constat, c'est que quand on est... aligné avec son désir profond, les choses sont tellement plus simples. Et de ne pas se perdre, quoi. De rester toujours connecté à ça, parce que c'est facile de se laisser embarquer, surtout quand on travaille sur commande, en fait.

  • Speaker #1

    Eh bien, écoute, Caroline, je te remercie. Et au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir, Anne.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté, Brian. Je suis Anne Desmarais de Jotan et je donne une voix aux bijoux chaque dimanche. Et si vous aussi vous avez envie de faire parler vos bijoux et votre maison, je serai ravie de vous accompagner pour réaliser votre podcast de marque ou vous accueillir en partenaire dans mes podcasts natifs. Je vous donne rendez-vous le mois prochain sur ce podcast brillante et en attendant, sur le podcast Le Bijou comme un bisou, en alternance avec le podcast Il était une fois le bijou. Faites-moi plaisir, soutenez le podcast en mettant des avis, des étoiles sur Spotify ou Apple Podcast. Abonnez-vous et partagez l'épisode sur vos réseaux sociaux. A dimanche prochain et soyez brillants !

Description

Dans ce nouvel épisode de Brillante, le podcast des femmes de la joaillerie, je reçois une artiste dont le travail transcende en peinture la beauté brute des minéraux. Caroline Besse, artiste peintre au parcours singulier, donne vie à une peinture hors du commun en broyant des pierres précieuses et des gemmes pour en faire des pigments.


Invitée du podcast Brillante, elle raconte son voyage artistique et spirituel, marqué par une fascination pour la symbolique des couleurs et leur lien avec la conscience.

Tout commence avec la calligraphie et la peinture à l'encre, avant qu'elle ne découvre les minéraux dans l'art sacré bouddhiste. Cette révélation l'amène à explorer une peinture devenue laïque, où chaque nuance devient un langage en soi. Inspirée par la technique japonaise du Nihonga, elle adapte cette tradition aux grands formats, défiant les contraintes techniques tout en conservant la subtilité des superpositions et des jeux de transparence.


Les maisons de luxe ne s'y trompent pas : Cartier et Van Cleef & Arpels lui confient la réalisation d'œuvres monumentales pour leurs flagships. À Miami, elle crée une fresque évoquant les lagons des Caraïbes, tandis qu'à la place Vendôme, une brume minérale joue avec la lumière, donnant l'illusion de particules en suspension.


Dans son atelier, Caroline Besse travaille minutieusement ses pigments, jouant sur l’éclat et la profondeur. Chaque pierre, une fois broyée, révèle une couleur inattendue : La lazurite révèle un bleu intense, la malachite devient un vert doux et enveloppant et le rubis un rose délicat.


Loin de se limiter à un nuancier figé, elle cherche sans cesse de nouvelles sources minérales, notamment lors de sa résidence avec le Fonds de dotation Verrechia, où elle collecte les pierres et gemmes de France et en analyse les potentiels chromatiques. Auparavant elle a travaillé en partenariat avec l'Institut des Sciences de la Terre Sorbonne Université pour étudier l'intérêt esthétique des gemmes suivant leur granulométrie puis a exposé avec eux ses oeuvres dans l'exposition « Infraterre, incursion chromatique ». Avec le Fonds de dotation Verrachia c'est dans l'exposition collective "Romance in the Stone : de la roche à l'œuvre" au Musée de minéralogie de l'École des Mines qu'elle présente ses recherches et ses oeuvres.


Sa démarche, à mi-chemin entre la science et l’art, explore les infinies variations de la matière. Elle joue sur la superposition des couches, la densité des pigments et la profondeur de champ pour créer des œuvres vibrantes, où la couleur semble en mouvement. Peindre ainsi devient un processus méditatif, une lente construction où le temps et les strates de pigments révèlent, couche après couche, une alchimie fascinante entre la lumière, la matière et l’émotion.

Ce voyage dans la couleur et la texture n’est pas qu’esthétique : il est sensoriel et spirituel.

Caroline Besse ne cherche pas à imposer une vision, mais à inviter le regardeur à une immersion progressive, à une rencontre intime avec la couleur. Son travail, tout en nuances et en subtilités, transcende la simple peinture pour devenir une expérience à part entière.


Belle écoute et soyez Brillante !


Brillante est le podcast des femmes de la joaillerie par Anne Desmarest de Jotemps, il était une fois le bijou

sound design et création sonore : Alice Krief - Les Belles Fréquences


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai rencontré les minéraux broyés en abordant la peinture sacré bouddhiste après avoir fait de la calligraphie, de la peinture à l'encre. Donc à la fois j'avais une recherche sur la symbolique de la couleur. Ça venait amplifier en fait tous ces messages à la fois sur les postures corporelles et sur la façon dont chaque couleur peut être reliée à un état de la conscience. Je me suis saisie des minéraux pour continuer à travailler la peinture sacrée mais laïque. Ce qui m'intéressait c'est comment chaque couleur est reliée à un état de la conscience par le moelleux des nuances qui se succèdent.

  • Speaker #1

    Les femmes de la joaillerie sont passionnées et cultivées, intelligentes et créatives, bosseuses. et imaginatives. Elles sont brillantes. On imagine le monde des bijoux comme un secteur léger et opulent. La réalité est autre. C'est un monde qui exige l'excellence dans tous les domaines. Un monde de travail acharné, des artisans d'art aux mains de fées, aux groupes internationaux, à la puissance supranationale. Le monde des bijoux, c'est aussi une certaine image de la France qui s'impose depuis le XVIIe siècle. Et dans ce monde protéiforme, les femmes ont dû se sortir une place. Et elles ont réussi parce qu'elles sont brillantes. Dans ce podcast, brillante, je vous fais découvrir, non pas l'envers du décor, mais la réalité du monde joaillier ou féminin en interrovant. les femmes de la joaillerie. À chaque fois, je leur demande un conseil pour une jeune femme qui serait tentée par ce monde où le scintillement de vitrines cache l'exigence du travail et de l'investissement personnel pour que la prochaine génération se prépare ainsi à devenir brillante.

  • Speaker #2

    Aujourd'hui, je suis avec une femme brillante, Caroline Bess, qui explose, il faut dire, écrapoutit, écrase les pierres gemmes et précieuses pour en faire des peintures que, d'ailleurs, les flagships de grandes maisons de joaillerie, Cartier et Van Cleef, se sont arrachées. Bonjour Caroline.

  • Speaker #0

    Bonjour Anne. Alors,

  • Speaker #2

    justement, je viens dans l'introduction de tout dire, mais on va commencer par notre première question gimmick. Quel est ton plus joli souvenir de bijoux ?

  • Speaker #0

    Écoute, j'ai pas vraiment de grands souvenirs anciens de bijoux, j'ai plus de souvenirs de pierres brutes en fait, ce qui est finalement assez logique. Moi j'ai ce souvenir avec mes parents en randonneur, dans les Pyrénées, au cours des balades, de ramasser les cailloux avec ma sœur et de commencer ma petite collection personnelle comme ça, l'espèce de magie. de découvrir le mica dans les gaves, dans les rivières, et de jouer aux chercheurs d'or. C'est plutôt ces souvenirs qui sont liés directement à la matière brute, plus qu'aux bijoux.

  • Speaker #2

    Et c'était quelle matière brute ?

  • Speaker #0

    À l'époque, je pense que ce que je trouvais le plus facilement, c'était des quartz, des mica. C'était ce côté brillant qui prend l'œil des enfants.

  • Speaker #2

    Très bien. Tu es une artiste très spéciale qui, comme je l'ai dit, fait de la poudre avec les gemmes. Et de cette poudre... tu mets un liant et tu en fais des peintures. J'ai bien résumé ? Oui,

  • Speaker #0

    tout à fait, c'est ça.

  • Speaker #2

    Explique-nous cette technique spéciale. Alors, bien sûr, on a tous dans la tête les peintures d'Osiris où on nous explique qu'on a écrasé du lapis lazuli pour en faire des peintures sur le mur. Ça, ceux qui ont été en Égypte ou quand on a ouvert un livre, on s'en souvient. Mais c'est à peu près tout.

  • Speaker #0

    C'est vrai que traditionnellement, en Occident, c'était utilisé dans la peinture sacrée et puis ça continue d'être utilisé. pour les icônes byzantines, il y avait juste quelques couleurs qui étaient utilisées. Donc la pilazulime, la laquite, de l'azurite aussi, du cinabre, de leur piment pour les rouges et les jaunes. Et vraiment très peu de couleurs. Tandis qu'en Asie, c'est le Japon qui a vraiment développé cette technique qui est devenue leur technique traditionnelle de peinture, où ils ont broyé beaucoup plus de pierres et pour le coup, ils ont une palette de couleurs beaucoup plus vaste et avec des... tonalités qui sont vraiment propres à leur culture, parce que, pour le coup, leur peinture traditionnelle étant issue de ces couleurs-là, on les retrouve un peu partout. En fait, c'est une technique qui était importée de Chine à partir du 8e siècle et que, eux, ils ont développée. Tandis que c'est vrai qu'en Chine, également en peinture sacrée, parce que c'est là qu'on retrouvait les premières peintures, ils utilisaient quelques couleurs de la même façon que nous en Occident. Et c'est vraiment le Japon qui a développé la palette de couleurs qu'il a beaucoup élargie.

  • Speaker #2

    Et les autres pays, après, se sont appropriés ça ?

  • Speaker #0

    Pas tellement, c'est resté une technique traditionnelle japonaise qu'ils ont continué de nourrir malgré l'ouverture à l'Occident au XIXe siècle. Ils ont conservé dans les écoles de beaux-arts, en université, les classes de nironga, peinture traditionnelle, ce qui fait que les étudiants là-bas passent par cette étape-là, même s'ils apprennent toutes les autres techniques, à l'huile, à l'acrylique, etc.

  • Speaker #2

    Et le support, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    Le support, traditionnellement, c'est du... papier ou de la soie. Le textile est le plus souvent de la soie. Il y a vraiment une chimie très particulière pour l'adhérence des poudres de minéraux qui sont en différentes granulométries. Donc certaines sont très fines comme du talc et avec le liant qu'on utilise, ça recrée pratiquement une peinture qu'on va pouvoir utiliser un peu en pâte ou plus ou moins diluée. Et puis il y a des granulométries plus fortes qu'il s'agit de faire adhérer sur ces supports et ces supports sont des fibres naturelles qui vont... absorber cette pâte de minéraux, la maintenir dans les fibres pour avoir une œuvre qui soit pérenne.

  • Speaker #2

    Alors justement, c'est la question que j'étais en train de me poser pendant que je t'écoutais. Quelle sorte de lion on met ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    Parce que si moi, je m'amuse à mettre du sable, c'est la seule poudre auquel je pense, du sable avec de l'eau, je n'arriverai jamais à peindre avec ça, en fait.

  • Speaker #0

    Non, non, non. Donc le lion que j'utilise, il y en a plusieurs. Principalement, c'est la Nikawa, la colle de peau de bœuf. Il y a aussi de la colle de poisson et il y a aussi de la colle d'algues qui est possible.

  • Speaker #2

    De la colle d'algues ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    On voit que c'est imprégné du Japon. Ça se fait aussi ici en Europe, la colle d'algues ?

  • Speaker #0

    Non, je n'ai pas connaissance de ça. Enfin, peut-être qu'il y a des choses qui se développent aujourd'hui. Justement, moi, ça m'intéresse beaucoup, les nouvelles colles. Je suis un peu du biomimétisme, d'observer, mais qu'est-ce qui, dans la nature, peut nous produire un collant aussi efficace que ce qu'on fait chimiquement ? Mais... Pour que ce soit développé à un niveau industriel, on en est au tout début.

  • Speaker #2

    Mais de toute façon, toi, tu n'en es pas du tout au niveau industriel.

  • Speaker #0

    Non, pas du tout.

  • Speaker #2

    Parce que chaque œuvre est une œuvre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une œuvre unique qui prend du temps à être réalisée. Tout est fait à la main sur des process qui sont aussi assez longs, avec un respect des temps de séchage entre chaque couche.

  • Speaker #2

    Alors concrètement, tu fais quoi ? Tu poses ton papier à plat. Là-dessus, tu prends tes poudres de minéraux. Tu les mets une par une ? Tu les mélanges ? Est-ce que, par exemple, comme une peinture, si je prends une pierre qui est blanche et une pierre qui est bleue, ça va me faire une pierre bleu ciel ? Comment tu fais ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'ai fait tout un travail d'adaptation de la technique traditionnelle parce que je suis peintre-décorateur de métier. Et ce qui m'intéressait, c'était de réaliser des grands formats avec cette technique-là. Donc, il fallait que je trouve quelque chose qui fonctionne sur des échelles différentes. Et puis aussi, par goût, j'ai toujours aimé travailler la couleur en transparence. en superposition de couches, jusqu'à ce que j'obtienne une couleur qui vient résonner à la fois dans la chaleur, dans l'intensité, tout ça. Et je trouve que je peux l'avoir qu'en superposant les couches et pas en mélangeant directement les minéraux entre eux. Donc moi, je travaille au pinceau et aux petites brosses, plus ou moins larges. Et en fait, je superpose les couches. Donc j'ai un premier travail où je structure d'ailleurs la pièce que je vais faire à l'encre de Chine, parce que j'ai fait beaucoup. beaucoup aussi de calligraphie et de peinture à l'encre. Et il y a cette espèce de structure, d'os que je dépose sur le papier et qui me permet d'avoir en fait des différentes nuances de gris. Et ça va me permettre ensuite de travailler la couleur, soit sur le fond blanc naturel du papier, soit sur un fond gris ou un fond noir. Et en fonction des couleurs, elles vont avoir un éclat tout à fait différent. Donc j'utilise ce fond de couleurs différentes. pour à chaque fois pouvoir faire sortir l'intérêt d'une couleur de pierre d'une façon tout à fait particulière. Il y a certaines couleurs, je les adore sur le papier naturel et je les aime tout autant sur fond noir, mais après ça dépend de ce que je veux faire. Donc il y a ce premier jet à l'encre de Chine et ensuite je reviens avec une couleur, une poudre au pinceau, j'attends que ça sèche et je reviens le lendemain et je construis mon travail comme ça de jour en jour avec des couleurs de pierre d'une façon tout à fait particulière. quelque part un peu la surprise de ce qui va être révélé à la fin. Donc, il faut que je m'organise, avoir plusieurs travaux en cours et créer des séries. Ou alors, quand c'est des grands volumes, de toute façon, le temps qu'on commence un morceau, quand on a fini de l'autre côté, c'est sec. Donc là, ça permet de continuer à travailler. Mais en tout cas, il y a cette espèce de respect du temps de séchage et du temps qui fait que la matière s'imprègne dans le papier. avant de recommencer, de déposer une autre couche dessus, de laisser le temps au temps pour construire l'œuvre très tranquillement.

  • Speaker #2

    Ce que j'ai vu, ce que tu m'as montré dans les flagships de Van Cleef & Cartier, on dirait des étages doux entre les différentes couleurs, un peu comme si on était dans le désert et qu'on voyait une couche après l'autre se superposer, imaginer les dégradés comme ça. C'est ton style vraiment ou est-ce que tu pourrais faire d'autres formes plus mouvantes ou est-ce que c'est vraiment une volonté ?

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'au départ, moi, ce qui m'avait intéressé dans l'intensité de ces couleurs des minéraux broyés, justement c'était avoir vu très précisément que ça ne me produisait pas du tout le même effet dans l'œil que de travailler avec des huiles et des acryliques et toutes sortes d'autres matières que j'avais expérimentées et j'ai rencontré d'ailleurs les minéraux broyés dans le cadre des enseignements bouddhistes en abordant la peinture sacrée bouddhiste après avoir fait de la calligraphie, de la peinture à l'encre je poursuivais cet intérêt-là ... Donc à la fois j'avais une recherche sur la symbolique de la couleur, à la fois en médecine traditionnelle chinoise sur les correspondances entre les organes et la couleur. Et quand j'ai rencontré ces minéraux dans l'art sacré bouddhiste, ça venait mettre, amplifier en fait tous ces messages à la fois sur les postures corporelles et sur la façon dont chaque couleur peut être reliée à un état de la conscience. Et c'est ça qui m'intéressait. Je me suis saisie des minéraux, en fait, pour continuer à travailler la peinture sacrée, mais laïque, sans iconographie. Ce qui m'intéressait, c'est comment chaque couleur est reliée à un état de la conscience. La question que je me suis posée, c'est comment est-ce que je mets ça en avant ? Et c'était vraiment par le moelleux des nuances qui se succèdent, qui créent des va-et-vient dans l'œil, parce qu'avec l'encre de chine sur le papier, on a une matité très profonde. Et avec l'irrisation d'une pierre comme le mica, il y a quelque chose qui revient vers nous. Donc, ça crée une profondeur de champ. Et donc, à la fois, ces lignes successives montent ou descendent et en même temps créent un va-et-vient dans la profondeur du champ. Donc, c'est ça qui m'intéressait, d'arriver à une espèce de sensation d'apesanteur de la ligne et jusqu'à arriver à la couleur pure, en fait. Donc, j'allais des nuances qui partaient de ton pastel. ou de tons très profonds sortis du noir de l'encre de Chine. Et j'arrivais à la pureté de la malachite sur quelques lignes ou des aplats où il n'y a plus que cette couleur-là qui donne toute sa force. Mais je préférais y aller tranquillement par échelle successive, comme si je proposais de faire un chemin vers cette couleur-là, qu'on puisse gravir à nouveau, faire à nouveau tranquillement, plutôt que de montrer un aplat de couleur. couleurs très pures, très directement, qui est un choc visuel, mais qui moi ne me permettait pas d'aller rencontrer la couleur à l'intérieur de moi.

  • Speaker #2

    Pour ces flagships, ton défi, ça a été la largeur.

  • Speaker #0

    J'ai fait, oui, des 4 mètres, 4,50 mètres. Effectivement, le défi sur la ligne horizontale, sur des longueurs de 4,50 mètres, c'était effectivement très technique. Et trouver comment ne pas avoir de raccords tout simplement, et arriver à ... à tenir la qualité de la matière sur des longueurs pareilles. C'est toujours une chouette expérience, j'ai pris goût.

  • Speaker #2

    Et donc, du coup, c'était quel flexible déjà ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est pour Cartier à Miami, la boutique Aventura à Miami, où il y a eu des très grandes longueurs comme ça.

  • Speaker #2

    Ah oui, donc en résonance avec le sable et le ciel bleu de là-bas.

  • Speaker #0

    Là, c'est les couleurs lagon, lapis azurite et malachite, et des couleurs extraordinaires. En atelier, avec mon assistante, on travaillait les couleurs et en superposant la malachite et la serpentine, qui est un vert un peu plus jaune, sur des fonds clairs, en fait on arrivait à une couleur quasi fluorescente, un vert quasi fluorescent et on se disait, oh là, non, là il y a quelque chose qui n'est pas naturel. Et en fait, si, j'ai découvert ensuite sur la mer des Caraïbes qu'on a ces verts. incroyablement intense et lumineux par certaines qualités du soleil.

  • Speaker #2

    Et pour le flagship de SCA alors ?

  • Speaker #0

    C'est un graphisme tout à fait différent que j'avais proposé qui était une brume en fait. Une brume de minéraux qui se déposent, qui se décomposent, qui passent de la matité à la brillance sur 2 mètres et quelques de haut et 4 à 5 mètres de largeur et sur un mur cintré. Donc la lumière glisse dessus ce qui fait que Lorsqu'on se déplace devant, on a l'impression que les micas créent des éclairs qui nous poursuivent dans la pièce. Ça, c'est le VCA de la place Vendôme.

  • Speaker #2

    Évidemment, la question que je me pose, c'est comment ça tient ? Tu as bien dit que tu mettais un lien pour que ça tienne sur le papier, mais là, c'est sur un mur, ça ne va pas tomber ?

  • Speaker #0

    Ah non, bien sûr, ça ne tombe pas. C'est là l'enseignement des process japonais, de la rigueur qu'on doit avoir en atelier à bien les respecter. Je ne vais pas prendre le risque de superposer des couches qui ne sont pas sèches. parce que c'est ça, ça pourrait former croûte et tomber. Là, pas du tout, quand on est dérespectueux. Puis moi, je travaille très léger en couleurs et je préfère additionner les couches. De toute manière, c'est naturellement une façon de travailler qui me convient. Donc en fait, ça s'incorpore petit à petit au papier. C'est très bien attaché dessus, ça ne tombe absolument pas.

  • Speaker #2

    Moi, j'imaginais mon vernis à ongles, tu vois. Il y a la base, les couches de couleurs. Puis ensuite, il y a le top coat qui... tiens, tu vois. C'est pour ça que je te pose cette question. Oui,

  • Speaker #0

    alors après, je vaporise le liant en version très légère et diluée pour former une espèce de vernis, mais qui à aucun moment devient satin ou brillant. Parce que ce qui est beau, c'est que c'est les différences, les irisations dans la lumière. Donc, il faut que la matité reste et il faut que les brillances restent. Donc, on ne peut pas mettre n'importe quoi, sinon on viendrait... complètement tuer le jeu de lumière qui est vraiment le plus intéressant à travailler avec les minéraux broyés.

  • Speaker #2

    Mais dans ces minéraux, tu as vraiment toutes les couleurs ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de couleurs, oui. C'est très étonnant. Une qui est fabuleuse, c'est la sujillite, qui est violette. Et donc autant, la pierre naturelle, elle a un violet un peu sombre. Mais quand elle est broyée, parce que très souvent, quand on broie, ça vient éclaircir la couleur parce que plus les grains sont fins, Plus il y a de lumière qui tourne autour de chaque grain, donc plus la couleur est claire. Et donc pour le coup, on arrive à la sujilite, non pas mauve, mais un vrai violet surprenant et intense. D'ailleurs, il est tellement intense, moi j'ai plutôt tendance à le travailler sur un fond d'encre de chine pour lui donner de la profondeur. Et avec des réaux de la pilazulie, de gros grains de la pilazulie, ça passe du violet au bleu profond. Oui, très profonde.

  • Speaker #2

    Donc, c'est ta couleur préférée ?

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas ma couleur préférée. Je n'arrive pas à avoir de couleur préférée. Je les aime beaucoup toutes. C'est-à-dire qu'elles ne produisent pas le même effet, en fait. Il y a quelque chose qui est très profond avec ces violets bleus qui donnent une intensité et une profondeur qui pourraient être aussi un peu lourdes, quelque part. Et par exemple, si on va sur le vert de la malachite, que j'affectionne vraiment, parce qu'autant la pierre, quand on la voit, Poli, c'est un vert assez soutenu. Autant quand elle est broyée, tout d'un coup, elle a beaucoup plus de moelleux, elle est plus claire. Elle va tirer sur le bleu, ce n'est pas un vert qui tire sur le jaune. C'est bien équilibré, en fait, et il y a une très grande douceur. J'aime beaucoup regarder cette couleur-là qui vient vraiment donner une qualité de contemplation ouverte. Avec le bleu... Avec des lapis lazuli clairs, c'est très beau. Il y a des loups qui nous suspendent, qui nous emmènent dans le ciel ou dans l'immensité. Il y a vraiment ça avec la couleur. Le vert, il y a cette espèce d'ouverture de l'immense, mais qui reste très incarnée et qui vient jouer dans le corps. Je trouve qu'il y a une ouverture du cœur à regarder la malachite en poudre.

  • Speaker #2

    On a vu le bleu, le vert. Est-ce qu'il y a des roses, des rouges ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a des roses et des rouges. Il y a beaucoup. beaucoup de roses parce que les pierres rouges, quand on va les broyer, elles vont devenir roses. Alors, différents rosés qui vont tirer sur l'ocre, qui vont tirer vraiment plutôt sur le carmin, sur des roses un peu plus grenats, un peu plus mauves. Le grenat va donner un mauve rosé, le rubis donne aussi un rose, les quartz et matite donnent des roses mauves aussi différents. Et puis dans les rouges, Le jaspe fonctionne très bien, il est quand même très profond. Donc en fonction aussi des qualités de jaspe qu'on a, on va avoir des rouges très différents. Et puis traditionnellement, évidemment, il y a le cinabre qui a été toujours utilisé en peinture sacrée et qui est utilisé toujours beaucoup au Japon en la Kurushi. Alors bon, très souvent on me dit, oh là là, le cinabre, attention toxique. Alors effectivement, on est très précautionneux à utiliser le cinabre. Il s'agit de ne pas le respirer ou l'ingérer. Mais à partir du moment où il est dans une colle ou un vernis, il devient inoffensif. C'est très puissant, ce rouge-là.

  • Speaker #2

    Tu as dit que tu... utilisait des rubis pulvérisés dans des fleurs ? Parce que jusqu'à présent, tu nous as parlé de pierres ornementales, de pierres fines. Est-ce que, par exemple, tu pulvérises des amethystes ?

  • Speaker #0

    Ça m'est arrivé dans le cadre de la collecte des minéraux sur le territoire français que j'ai fait dans une résidence artistique avec le Fonds de dotation Vérecia. Pour le coup, il s'agissait d'aller vraiment à la rencontre des ressources locales en France. Qu'est-ce qu'on a, nous, comme... couleurs sous nos pieds parce que jusque-là, je les achetais au Japon ou à des géologues français ou j'avais récupéré des stocks de géologues et j'étais quand même très curieuse de savoir, mais en fait, qu'est-ce qu'on a, nous, sous nos pieds ? Qu'est-ce qu'il y a comme couleur ? Donc, j'ai proposé ce sujet au fond de dotation Véreka quand je les ai rencontrés. Ils m'ont dit go, ils étaient super curieux, eux aussi. Donc, j'ai commencé par aller me renseigner sur les mines françaises, les anciennes mines françaises. donc au musée de minéralogie de l'école des mines auprès d'Éloïse Gayou. On a constaté qu'il reste très peu de mines en France. C'était quand même un peu complexe d'aller trouver aujourd'hui une étendue de minéraux de couleur. Et en fait, c'est grâce aux associations de géologues et de minéralogistes sur chaque département ou région que j'ai pu avancer dans ma recherche. Ils m'ont beaucoup aidée en m'indiquant qu'elles étaient... Les anciennes milles, les gisements, les endroits où on pouvait ramasser de façon tout à fait tranquille. Et ils m'ont même accompagnée sur les lieux parfois. Donc c'est vraiment grâce à ces passionnés de minéralogie que j'ai pu mener cette recherche. Et qui n'est pas exhaustive, ça continue parce qu'on continue de m'envoyer ou de me faire part d'endroits où il y aurait des pierres un peu différentes. Voilà. Après ces mois de recherche et de collecte, il y a un moment où il fallait s'arrêter. Et à ce moment-là, il y en avait plus d'une quarantaine qui avaient des couleurs vraiment intéressantes.

  • Speaker #2

    En France, tu as trouvé 40 nuances, non pas de grès, mais de couleurs de minéraux en poudre. Alors, est-ce que tu as été voir les saphirs chez nous ou pas ?

  • Speaker #0

    Non, j'ignorais qu'il y avait la réouverture de ces mines à ce moment-là. Et de toute façon... J'avais eu le stock de ce géologue qui avait broyé pas mal de pierres tout à fait étonnantes, dont le saphir. Donc je savais que le saphir, finalement, c'était pas loin d'un quartz. Ça donne quelque chose d'assez transparent, qui n'a pas un grand intérêt en termes de couleur. C'est plus en symbolique. Moi, je sais qu'au tout début, où j'ai commencé à peindre avec les mineurs broyés, je faisais de l'art sacré bouddhique. Je faisais les yeux d'Amitaba avec du saphir. Ça me faisait plaisir, mais ce n'était pas tellement pour la couleur.

  • Speaker #2

    Et donc l'émeraude, tu as essayé ?

  • Speaker #0

    Non, je n'ai jamais eu d'émeraude.

  • Speaker #2

    Et le diamant, du coup, qui est déjà transparent, ça n'aura aucun intérêt pour le coup ?

  • Speaker #0

    Oui, après, c'est plus la symbolique et la façon de travailler les grains qui pourraient être très belles dans la transparence et tout. Mais là, on imagine le budget.

  • Speaker #2

    Donc, nos pierres fines, en fait, pour ta peinture, pour ta technique, ce n'est pas intéressant, ça reste trop clair. Donc déjà, il vaut mieux que tu utilises les pierres dures, les pierres en aimantale.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est vrai que les pierres dures vont avoir une intensité colorée dans la matière qui est plus intéressante s'il va rester quelque chose au broyage.

  • Speaker #2

    Et donc en fait, avec le fond de dotation Veracchia, en tant que résidence d'artiste, toi tu as fait l'itinéraire.

  • Speaker #0

    Oui, puisque le sujet, c'était la collecte des minéraux sur tout le territoire. Il fallait que je me déplace. Donc, c'était itinérant. Et donc,

  • Speaker #2

    ça a duré un an ?

  • Speaker #0

    Un peu moins, plutôt neuf mois avec l'étude. L'étude a été longue. Prendre les contacts, tout ça, c'était long. Et puis après, lister tous les minéraux que je pouvais trouver. quel était leur intérêt chromatique par rapport à la trace, leur trace, c'est-à-dire quand on raye une céramique avec le minéral, ça laisse une couleur et c'est ça qui va donner une indication sur la couleur qu'on peut avoir quand il est broyé. Donc en fait, il y a certaines pierres qui sont de couleur, mais qui sont dans la trace et restent blanches ou grises. Donc bon, il y avait une grosse recherche sur tous les minéraux en France et j'ai dû illuminer au moins les trois quarts, voire... peut-être plus des pierres parce qu'on était sur des gris et des blancs. Ça n'avait pas beaucoup d'intérêt. Après aussi, toutes les pierres calcaires. Je n'avais pas vocation à faire un camailleu de ton pierre, même si c'est super intéressant en soi. J'étais surtout curieuse de voir ce qu'on avait comme réelle couleur un peu plus intense.

  • Speaker #2

    Et alors, pour arriver à les broyer, tu t'es adressée à qui ?

  • Speaker #0

    J'ai eu la chance de faire un partenariat avec l'Institut des sciences de la terre de Sorbonne Université. Donc avec l'enseignant-chercheur Erwan Martin, et c'est Héloïse Gayot qui nous avait présenté. Et Erwan était à peu près aussi curieux que moi de découvrir ces couleurs des minéraux. Donc on a travaillé tous les deux au labo de l'Institut des sciences de la Terre pour pouvoir concasser, broyer et tamiser chaque minéral. Donc je prenais des roches massives, c'est-à-dire des roches... pure pour que chaque minéraux, on sache quel est le minéral qui était représenté ensuite en poudre. Et puis, déjà Erwan validait l'appellation de la pierre en fonction des différentes propriétés, tout ça. Et puis après, c'était assez physique, le concassage est très rigoureux et long, la phase de broyage et de tamisage. Et là, très intéressant de découvrir Pour chaque pierre, quelle granulométrie a un intérêt esthétique ? Parce qu'en fait, certaines pierres en poudre talc deviennent inintéressantes, alors qu'entre 63 et 250 microns, elles ont tout d'un coup une brillance, une couleur un peu différente. Et dans des granulométries plus hautes, entre 250 et 500 microns, là, elles ont des qualités de réflexion de la lumière super importantes. Et parfois, c'est l'inverse. très brillante, très fine et elle reste un peu plate en grosse granulométrie. Donc ça, c'était vraiment la partie hyper intéressante pour moi de savoir, bon, celle-là, je ne la mettrai plus jamais en moins de 63 microns, ça n'a pas d'intérêt. Je préfère la garder en telle granulométrie ou telle granulométrie.

  • Speaker #2

    Ce travail, avec le fond d'autodidaction Veracat, tu l'as exposé au musée de minéralogie et tu avais choisi de mettre deux œuvres. Est-ce que tu peux nous en parler de ces deux œuvres ?

  • Speaker #0

    Oui, alors dans un premier temps, à l'issue de la collecte et de tout le travail de broyage, on a d'abord fait une exposition à la collection de minéraux de Sorbonne Université, à Jussieu, qui a duré neuf mois, qu'on a appelée « Infraterre, incursion chromatique » . Et là, en fait, l'exposition avec le Fonds de dotation Véreka, qui est une exposition collective qui regroupe une douzaine d'artistes qui ont fait cette résidence qu'ils appellent « Bourse matière » avec le Fonds de dotation Véreka. viennent exposer au musée de minéralogie de l'École des Mines les différents aspects de recherche artistique autour de la pierre. Très variées, étonnantes et passionnantes. Donc moi, je fais partie de l'exposition avec la collecte des minéraux et ces nuanciers que j'ai pu mettre à jour. Et j'y présente beaucoup des œuvres qui sont réalisées avec ma technique. Il y a une première qui s'appelle « Respiration rouge » . C'était vraiment un travail sur la... l'équilibre entre le carmin, le vermillon, dans l'intensité de ces couleurs-là, comment je suis venue les adoucir et en même temps leur donner de la profondeur avec des tons un peu bruyères, des mauves profonds. C'est un travail que j'avais réalisé en automne à mon atelier qui est dans le Vercors. Et c'était vraiment ce que j'avais sous les yeux. J'avais des rouges hyper intenses dans certains feuillages d'arbres et tout le haut de la montagne qui sont des hêtres. devenait mauve, violée. Ça m'avait tellement marquée dans l'œil que je voulais restituer cette intensité des rouges. Et la deuxième, c'est quelque chose de beaucoup plus doux, qui tend aussi à sortir de la ligne et qui va de la ligne au nuageux, qui fait un envol entre les deux, où la ligne semble comme une vague se dissoudre en brume. Donc ça me permet de travailler les deux graphismes en transition. Les tombes sont réalisées avec un peu d'azurite, pas mal de jade, de lacerte. Donc, c'est des bleus verts très doux, rehaussés avec des micas, des blancs de calcite.

  • Speaker #1

    Et donc, avant d'avoir envie de pulvériser des gemmes et des minéraux pour en faire de la peinture, qu'est-ce que tu faisais ?

  • Speaker #0

    J'étais peintre-décorateur, j'étais déjà dans la couleur, le grand format, en fait, la couleur sur les murs, je faisais des fresques. Un travail de création avec l'architecture du lieu et le client, ses émotions, ses désirs. La question c'était quelle atmosphère on va donner à cette pièce ? Qu'est-ce que ça va venir faire surgir comme émotion en fonction des nuances qu'on peut y mettre ? Je trouvais ça passionnant.

  • Speaker #1

    Tu as fait quelle école pour ça ?

  • Speaker #0

    En fait, le parcours n'a pas été si simple que ça parce qu'enfant, je peignais. Je dessinais tout le temps. C'est vrai que quand on me posait la question, qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grande ? Je veux dessiner. Et puis, en fait, je n'ai pas été poussée du tout là-dedans par le milieu familial parce que ça faisait peur. Donc, j'ai fini par faire des études de gestion un peu sans grande motivation. Et j'ai attendu d'être indépendante financièrement pour reprendre une formation professionnelle de peintre-décorateur, en fait. Parce que ce qui m'intéressait, c'était à la fois l'architecture d'intérieur. et la peinture parce que je peignais sur tout mon temps libre. Et entre les deux, quand j'ai découvert ce métier, je me suis dit « Ah non, mais c'est ça ! »

  • Speaker #1

    Donc en fait, tout ça, ça t'a demandé beaucoup de travail finalement ?

  • Speaker #0

    Oui, pas mal. Moi, j'étais en Charente et à Bordeaux et c'est vrai qu'on ne fait pas beaucoup appel aux peintres décorateurs à part à l'Opéra de Bordeaux et en décoration sur quelques grands vignobles. Mais pour le coup, ce n'était pas un métier qui était très connu. J'ai réussi à trouver un financement. à faire la formation professionnelle sur une année scolaire entière, qui était une grosse année parce que vraiment, on y était de 9h du matin à minuit tous les soirs, parce que c'était vraiment un apprentissage des techniques de la transparence.

  • Speaker #1

    Après ça, la première commande, celle qui t'a permis de te dire « ça y est, je suis devenue peintre d'air correcteur » , tu t'en souviens ?

  • Speaker #0

    Oui, je me suis mis à mon compte à Bordeaux et j'ai eu une commande d'un château viticole. Sur le bâti, j'ai fini des décorations sur toutes les portes des chambres. Il y en avait une dizaine, recto verso. Et dans un hall, un espace de passage avec deux grandes fresques qui étaient des panoramiques. C'était vraiment très décoratif et ornemental. Pour le coup, les cinq années que j'ai passées à Bordeaux, j'ai fait beaucoup de trompe-l'œil, de grappes de raisins. de bouteilles de vin et des perspectives de vignobles. Ça, c'était quand même le sujet obligatoire. Heureusement, en fait, je partageais mon atelier avec un designer qui avait un tout autre regard sur la ligne et qui m'a formée, en fait. C'est lui qui m'a formée l'œil. Et on a travaillé ensuite ensemble sur des projets. Petit à petit, je suis passée de l'ornementation à l'abstraction de la ligne colorée.

  • Speaker #1

    Cette abstraction, c'est une progression strata technique. classiques de décoration et de peinture. Et est-ce que ça a été une révolution ou ça a été une évolution, un petit peu à la fois, jusqu'à arriver à prendre des gemmes et en faire de la peinture ?

  • Speaker #0

    Ça a vraiment été une évolution. Au début, moi, j'étais très curieuse de faire des expériences. Je voulais vraiment faire l'expérience de la matière, donc je ne faisais jamais deux chantiers identiques quand je faisais des expériences de matière. Et ensuite, c'est vraiment en étudiant la médecine traditionnelle chinoise et tout le rapport au geste et à la respiration et l'étude des grands textes sacrés qui m'a amenée à comprendre petit à petit qu'est-ce que je cherchais moi personnellement dans la représentation, dans le partage artistique et dans mon esprit que j'avais besoin de passer par telle ou telle étape d'expérimentation de la matière. pour arriver à un geste qui était pur. Passer par l'art sacré, ça a été la plus grande expérience artistique parce que dans la représentation, on vient se connecter au divin qui est véhiculé par un personnage. Les bodhisattvas ou les bouddhas, c'est une qualité de l'être que tout le monde a et qui est personnifiée. Et dans cette concentration qu'on a de la représenter, et dans l'idée aussi qui vient vraiment de la peinture chinoise qu'on va déposer le souffle et la présence de cette divinité sur le papier. Donc il y avait tout un travail antérieur de transparence de soi pour laisser les choses se faire, des nécessités d'un lâcher prise avec le pinceau où on vient se mettre au service de cette représentation-là. Mais à un moment, c'est vraiment quelque chose qui nous dépasse. et qui vient prendre la place. Et ça, c'est des expériences artistiques. Moi, c'est la plus intense que j'ai pu connaître. C'était magique. J'étais spécialiste de Guanine, le Bodhisattva de la compassion. J'ai adoré peindre Guanine en différentes couleurs. C'était un contact très direct, très riche et très enseignant.

  • Speaker #1

    Est-ce que maintenant, tu penses que tu es à ton apogée ou est-ce que tu vas continuer ? comme ça, à évoluer et vers quoi tu voudrais aller ?

  • Speaker #0

    Je pense que je vais continuer à évoluer. Justement, c'est vraiment une question en ce moment. J'ai passé sept ans sur la ligne. Je sens qu'il y a quelque chose qui bouge depuis un moment. Donc, ça part dans différentes explorations qui sont liées à la matière, notamment la surtextile. Mais il y a d'autres idées avec le verre, avec le métal, avec différents supports. port et l'idée du volume aussi. Donc, j'ai besoin toujours de passer par la matière, de voir, de faire l'expérience du geste parce que c'est toujours important qu'il y ait une cohérence entre le fond, la forme et la façon dont je lis les deux. Donc, ça passe vraiment par l'atelier.

  • Speaker #1

    Et maintenant, qu'est-ce que tu voudrais qu'on te souhaite ?

  • Speaker #0

    Qu'on me souhaite toujours réaliser les grands panneaux immersifs. Ça me réjouit, ces commandes de... de grands panneaux et de fresques. Il y a quelque chose de très magnifique à l'atelier, parce que c'est une plongée dans la couleur que j'adore. Et puis parallèlement, je fais aussi des tableaux qui sont plus mes études personnelles sur des couleurs que je propose en galerie et qui vont être exposées bientôt d'ailleurs à Art Basel Miami. Et je me souhaite du succès !

  • Speaker #1

    Eh bien, on te le souhaite aussi ! Alors la dernière question, qui est la question gimmick. Quel conseil tu donnerais à une jeune femme qui voudrait marcher sur tes traces aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Je lui donnerais le conseil de toujours suivre son plaisir. Son plaisir au travail comme premier et essentiel moteur de décision. On est tellement sollicité aujourd'hui par l'environnement extérieur, les obligations, le marché, tout ça. Et finalement, le constat, c'est que quand on est... aligné avec son désir profond, les choses sont tellement plus simples. Et de ne pas se perdre, quoi. De rester toujours connecté à ça, parce que c'est facile de se laisser embarquer, surtout quand on travaille sur commande, en fait.

  • Speaker #1

    Eh bien, écoute, Caroline, je te remercie. Et au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir, Anne.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté, Brian. Je suis Anne Desmarais de Jotan et je donne une voix aux bijoux chaque dimanche. Et si vous aussi vous avez envie de faire parler vos bijoux et votre maison, je serai ravie de vous accompagner pour réaliser votre podcast de marque ou vous accueillir en partenaire dans mes podcasts natifs. Je vous donne rendez-vous le mois prochain sur ce podcast brillante et en attendant, sur le podcast Le Bijou comme un bisou, en alternance avec le podcast Il était une fois le bijou. Faites-moi plaisir, soutenez le podcast en mettant des avis, des étoiles sur Spotify ou Apple Podcast. Abonnez-vous et partagez l'épisode sur vos réseaux sociaux. A dimanche prochain et soyez brillants !

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Description

Dans ce nouvel épisode de Brillante, le podcast des femmes de la joaillerie, je reçois une artiste dont le travail transcende en peinture la beauté brute des minéraux. Caroline Besse, artiste peintre au parcours singulier, donne vie à une peinture hors du commun en broyant des pierres précieuses et des gemmes pour en faire des pigments.


Invitée du podcast Brillante, elle raconte son voyage artistique et spirituel, marqué par une fascination pour la symbolique des couleurs et leur lien avec la conscience.

Tout commence avec la calligraphie et la peinture à l'encre, avant qu'elle ne découvre les minéraux dans l'art sacré bouddhiste. Cette révélation l'amène à explorer une peinture devenue laïque, où chaque nuance devient un langage en soi. Inspirée par la technique japonaise du Nihonga, elle adapte cette tradition aux grands formats, défiant les contraintes techniques tout en conservant la subtilité des superpositions et des jeux de transparence.


Les maisons de luxe ne s'y trompent pas : Cartier et Van Cleef & Arpels lui confient la réalisation d'œuvres monumentales pour leurs flagships. À Miami, elle crée une fresque évoquant les lagons des Caraïbes, tandis qu'à la place Vendôme, une brume minérale joue avec la lumière, donnant l'illusion de particules en suspension.


Dans son atelier, Caroline Besse travaille minutieusement ses pigments, jouant sur l’éclat et la profondeur. Chaque pierre, une fois broyée, révèle une couleur inattendue : La lazurite révèle un bleu intense, la malachite devient un vert doux et enveloppant et le rubis un rose délicat.


Loin de se limiter à un nuancier figé, elle cherche sans cesse de nouvelles sources minérales, notamment lors de sa résidence avec le Fonds de dotation Verrechia, où elle collecte les pierres et gemmes de France et en analyse les potentiels chromatiques. Auparavant elle a travaillé en partenariat avec l'Institut des Sciences de la Terre Sorbonne Université pour étudier l'intérêt esthétique des gemmes suivant leur granulométrie puis a exposé avec eux ses oeuvres dans l'exposition « Infraterre, incursion chromatique ». Avec le Fonds de dotation Verrachia c'est dans l'exposition collective "Romance in the Stone : de la roche à l'œuvre" au Musée de minéralogie de l'École des Mines qu'elle présente ses recherches et ses oeuvres.


Sa démarche, à mi-chemin entre la science et l’art, explore les infinies variations de la matière. Elle joue sur la superposition des couches, la densité des pigments et la profondeur de champ pour créer des œuvres vibrantes, où la couleur semble en mouvement. Peindre ainsi devient un processus méditatif, une lente construction où le temps et les strates de pigments révèlent, couche après couche, une alchimie fascinante entre la lumière, la matière et l’émotion.

Ce voyage dans la couleur et la texture n’est pas qu’esthétique : il est sensoriel et spirituel.

Caroline Besse ne cherche pas à imposer une vision, mais à inviter le regardeur à une immersion progressive, à une rencontre intime avec la couleur. Son travail, tout en nuances et en subtilités, transcende la simple peinture pour devenir une expérience à part entière.


Belle écoute et soyez Brillante !


Brillante est le podcast des femmes de la joaillerie par Anne Desmarest de Jotemps, il était une fois le bijou

sound design et création sonore : Alice Krief - Les Belles Fréquences


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai rencontré les minéraux broyés en abordant la peinture sacré bouddhiste après avoir fait de la calligraphie, de la peinture à l'encre. Donc à la fois j'avais une recherche sur la symbolique de la couleur. Ça venait amplifier en fait tous ces messages à la fois sur les postures corporelles et sur la façon dont chaque couleur peut être reliée à un état de la conscience. Je me suis saisie des minéraux pour continuer à travailler la peinture sacrée mais laïque. Ce qui m'intéressait c'est comment chaque couleur est reliée à un état de la conscience par le moelleux des nuances qui se succèdent.

  • Speaker #1

    Les femmes de la joaillerie sont passionnées et cultivées, intelligentes et créatives, bosseuses. et imaginatives. Elles sont brillantes. On imagine le monde des bijoux comme un secteur léger et opulent. La réalité est autre. C'est un monde qui exige l'excellence dans tous les domaines. Un monde de travail acharné, des artisans d'art aux mains de fées, aux groupes internationaux, à la puissance supranationale. Le monde des bijoux, c'est aussi une certaine image de la France qui s'impose depuis le XVIIe siècle. Et dans ce monde protéiforme, les femmes ont dû se sortir une place. Et elles ont réussi parce qu'elles sont brillantes. Dans ce podcast, brillante, je vous fais découvrir, non pas l'envers du décor, mais la réalité du monde joaillier ou féminin en interrovant. les femmes de la joaillerie. À chaque fois, je leur demande un conseil pour une jeune femme qui serait tentée par ce monde où le scintillement de vitrines cache l'exigence du travail et de l'investissement personnel pour que la prochaine génération se prépare ainsi à devenir brillante.

  • Speaker #2

    Aujourd'hui, je suis avec une femme brillante, Caroline Bess, qui explose, il faut dire, écrapoutit, écrase les pierres gemmes et précieuses pour en faire des peintures que, d'ailleurs, les flagships de grandes maisons de joaillerie, Cartier et Van Cleef, se sont arrachées. Bonjour Caroline.

  • Speaker #0

    Bonjour Anne. Alors,

  • Speaker #2

    justement, je viens dans l'introduction de tout dire, mais on va commencer par notre première question gimmick. Quel est ton plus joli souvenir de bijoux ?

  • Speaker #0

    Écoute, j'ai pas vraiment de grands souvenirs anciens de bijoux, j'ai plus de souvenirs de pierres brutes en fait, ce qui est finalement assez logique. Moi j'ai ce souvenir avec mes parents en randonneur, dans les Pyrénées, au cours des balades, de ramasser les cailloux avec ma sœur et de commencer ma petite collection personnelle comme ça, l'espèce de magie. de découvrir le mica dans les gaves, dans les rivières, et de jouer aux chercheurs d'or. C'est plutôt ces souvenirs qui sont liés directement à la matière brute, plus qu'aux bijoux.

  • Speaker #2

    Et c'était quelle matière brute ?

  • Speaker #0

    À l'époque, je pense que ce que je trouvais le plus facilement, c'était des quartz, des mica. C'était ce côté brillant qui prend l'œil des enfants.

  • Speaker #2

    Très bien. Tu es une artiste très spéciale qui, comme je l'ai dit, fait de la poudre avec les gemmes. Et de cette poudre... tu mets un liant et tu en fais des peintures. J'ai bien résumé ? Oui,

  • Speaker #0

    tout à fait, c'est ça.

  • Speaker #2

    Explique-nous cette technique spéciale. Alors, bien sûr, on a tous dans la tête les peintures d'Osiris où on nous explique qu'on a écrasé du lapis lazuli pour en faire des peintures sur le mur. Ça, ceux qui ont été en Égypte ou quand on a ouvert un livre, on s'en souvient. Mais c'est à peu près tout.

  • Speaker #0

    C'est vrai que traditionnellement, en Occident, c'était utilisé dans la peinture sacrée et puis ça continue d'être utilisé. pour les icônes byzantines, il y avait juste quelques couleurs qui étaient utilisées. Donc la pilazulime, la laquite, de l'azurite aussi, du cinabre, de leur piment pour les rouges et les jaunes. Et vraiment très peu de couleurs. Tandis qu'en Asie, c'est le Japon qui a vraiment développé cette technique qui est devenue leur technique traditionnelle de peinture, où ils ont broyé beaucoup plus de pierres et pour le coup, ils ont une palette de couleurs beaucoup plus vaste et avec des... tonalités qui sont vraiment propres à leur culture, parce que, pour le coup, leur peinture traditionnelle étant issue de ces couleurs-là, on les retrouve un peu partout. En fait, c'est une technique qui était importée de Chine à partir du 8e siècle et que, eux, ils ont développée. Tandis que c'est vrai qu'en Chine, également en peinture sacrée, parce que c'est là qu'on retrouvait les premières peintures, ils utilisaient quelques couleurs de la même façon que nous en Occident. Et c'est vraiment le Japon qui a développé la palette de couleurs qu'il a beaucoup élargie.

  • Speaker #2

    Et les autres pays, après, se sont appropriés ça ?

  • Speaker #0

    Pas tellement, c'est resté une technique traditionnelle japonaise qu'ils ont continué de nourrir malgré l'ouverture à l'Occident au XIXe siècle. Ils ont conservé dans les écoles de beaux-arts, en université, les classes de nironga, peinture traditionnelle, ce qui fait que les étudiants là-bas passent par cette étape-là, même s'ils apprennent toutes les autres techniques, à l'huile, à l'acrylique, etc.

  • Speaker #2

    Et le support, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    Le support, traditionnellement, c'est du... papier ou de la soie. Le textile est le plus souvent de la soie. Il y a vraiment une chimie très particulière pour l'adhérence des poudres de minéraux qui sont en différentes granulométries. Donc certaines sont très fines comme du talc et avec le liant qu'on utilise, ça recrée pratiquement une peinture qu'on va pouvoir utiliser un peu en pâte ou plus ou moins diluée. Et puis il y a des granulométries plus fortes qu'il s'agit de faire adhérer sur ces supports et ces supports sont des fibres naturelles qui vont... absorber cette pâte de minéraux, la maintenir dans les fibres pour avoir une œuvre qui soit pérenne.

  • Speaker #2

    Alors justement, c'est la question que j'étais en train de me poser pendant que je t'écoutais. Quelle sorte de lion on met ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    Parce que si moi, je m'amuse à mettre du sable, c'est la seule poudre auquel je pense, du sable avec de l'eau, je n'arriverai jamais à peindre avec ça, en fait.

  • Speaker #0

    Non, non, non. Donc le lion que j'utilise, il y en a plusieurs. Principalement, c'est la Nikawa, la colle de peau de bœuf. Il y a aussi de la colle de poisson et il y a aussi de la colle d'algues qui est possible.

  • Speaker #2

    De la colle d'algues ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    On voit que c'est imprégné du Japon. Ça se fait aussi ici en Europe, la colle d'algues ?

  • Speaker #0

    Non, je n'ai pas connaissance de ça. Enfin, peut-être qu'il y a des choses qui se développent aujourd'hui. Justement, moi, ça m'intéresse beaucoup, les nouvelles colles. Je suis un peu du biomimétisme, d'observer, mais qu'est-ce qui, dans la nature, peut nous produire un collant aussi efficace que ce qu'on fait chimiquement ? Mais... Pour que ce soit développé à un niveau industriel, on en est au tout début.

  • Speaker #2

    Mais de toute façon, toi, tu n'en es pas du tout au niveau industriel.

  • Speaker #0

    Non, pas du tout.

  • Speaker #2

    Parce que chaque œuvre est une œuvre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une œuvre unique qui prend du temps à être réalisée. Tout est fait à la main sur des process qui sont aussi assez longs, avec un respect des temps de séchage entre chaque couche.

  • Speaker #2

    Alors concrètement, tu fais quoi ? Tu poses ton papier à plat. Là-dessus, tu prends tes poudres de minéraux. Tu les mets une par une ? Tu les mélanges ? Est-ce que, par exemple, comme une peinture, si je prends une pierre qui est blanche et une pierre qui est bleue, ça va me faire une pierre bleu ciel ? Comment tu fais ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'ai fait tout un travail d'adaptation de la technique traditionnelle parce que je suis peintre-décorateur de métier. Et ce qui m'intéressait, c'était de réaliser des grands formats avec cette technique-là. Donc, il fallait que je trouve quelque chose qui fonctionne sur des échelles différentes. Et puis aussi, par goût, j'ai toujours aimé travailler la couleur en transparence. en superposition de couches, jusqu'à ce que j'obtienne une couleur qui vient résonner à la fois dans la chaleur, dans l'intensité, tout ça. Et je trouve que je peux l'avoir qu'en superposant les couches et pas en mélangeant directement les minéraux entre eux. Donc moi, je travaille au pinceau et aux petites brosses, plus ou moins larges. Et en fait, je superpose les couches. Donc j'ai un premier travail où je structure d'ailleurs la pièce que je vais faire à l'encre de Chine, parce que j'ai fait beaucoup. beaucoup aussi de calligraphie et de peinture à l'encre. Et il y a cette espèce de structure, d'os que je dépose sur le papier et qui me permet d'avoir en fait des différentes nuances de gris. Et ça va me permettre ensuite de travailler la couleur, soit sur le fond blanc naturel du papier, soit sur un fond gris ou un fond noir. Et en fonction des couleurs, elles vont avoir un éclat tout à fait différent. Donc j'utilise ce fond de couleurs différentes. pour à chaque fois pouvoir faire sortir l'intérêt d'une couleur de pierre d'une façon tout à fait particulière. Il y a certaines couleurs, je les adore sur le papier naturel et je les aime tout autant sur fond noir, mais après ça dépend de ce que je veux faire. Donc il y a ce premier jet à l'encre de Chine et ensuite je reviens avec une couleur, une poudre au pinceau, j'attends que ça sèche et je reviens le lendemain et je construis mon travail comme ça de jour en jour avec des couleurs de pierre d'une façon tout à fait particulière. quelque part un peu la surprise de ce qui va être révélé à la fin. Donc, il faut que je m'organise, avoir plusieurs travaux en cours et créer des séries. Ou alors, quand c'est des grands volumes, de toute façon, le temps qu'on commence un morceau, quand on a fini de l'autre côté, c'est sec. Donc là, ça permet de continuer à travailler. Mais en tout cas, il y a cette espèce de respect du temps de séchage et du temps qui fait que la matière s'imprègne dans le papier. avant de recommencer, de déposer une autre couche dessus, de laisser le temps au temps pour construire l'œuvre très tranquillement.

  • Speaker #2

    Ce que j'ai vu, ce que tu m'as montré dans les flagships de Van Cleef & Cartier, on dirait des étages doux entre les différentes couleurs, un peu comme si on était dans le désert et qu'on voyait une couche après l'autre se superposer, imaginer les dégradés comme ça. C'est ton style vraiment ou est-ce que tu pourrais faire d'autres formes plus mouvantes ou est-ce que c'est vraiment une volonté ?

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'au départ, moi, ce qui m'avait intéressé dans l'intensité de ces couleurs des minéraux broyés, justement c'était avoir vu très précisément que ça ne me produisait pas du tout le même effet dans l'œil que de travailler avec des huiles et des acryliques et toutes sortes d'autres matières que j'avais expérimentées et j'ai rencontré d'ailleurs les minéraux broyés dans le cadre des enseignements bouddhistes en abordant la peinture sacrée bouddhiste après avoir fait de la calligraphie, de la peinture à l'encre je poursuivais cet intérêt-là ... Donc à la fois j'avais une recherche sur la symbolique de la couleur, à la fois en médecine traditionnelle chinoise sur les correspondances entre les organes et la couleur. Et quand j'ai rencontré ces minéraux dans l'art sacré bouddhiste, ça venait mettre, amplifier en fait tous ces messages à la fois sur les postures corporelles et sur la façon dont chaque couleur peut être reliée à un état de la conscience. Et c'est ça qui m'intéressait. Je me suis saisie des minéraux, en fait, pour continuer à travailler la peinture sacrée, mais laïque, sans iconographie. Ce qui m'intéressait, c'est comment chaque couleur est reliée à un état de la conscience. La question que je me suis posée, c'est comment est-ce que je mets ça en avant ? Et c'était vraiment par le moelleux des nuances qui se succèdent, qui créent des va-et-vient dans l'œil, parce qu'avec l'encre de chine sur le papier, on a une matité très profonde. Et avec l'irrisation d'une pierre comme le mica, il y a quelque chose qui revient vers nous. Donc, ça crée une profondeur de champ. Et donc, à la fois, ces lignes successives montent ou descendent et en même temps créent un va-et-vient dans la profondeur du champ. Donc, c'est ça qui m'intéressait, d'arriver à une espèce de sensation d'apesanteur de la ligne et jusqu'à arriver à la couleur pure, en fait. Donc, j'allais des nuances qui partaient de ton pastel. ou de tons très profonds sortis du noir de l'encre de Chine. Et j'arrivais à la pureté de la malachite sur quelques lignes ou des aplats où il n'y a plus que cette couleur-là qui donne toute sa force. Mais je préférais y aller tranquillement par échelle successive, comme si je proposais de faire un chemin vers cette couleur-là, qu'on puisse gravir à nouveau, faire à nouveau tranquillement, plutôt que de montrer un aplat de couleur. couleurs très pures, très directement, qui est un choc visuel, mais qui moi ne me permettait pas d'aller rencontrer la couleur à l'intérieur de moi.

  • Speaker #2

    Pour ces flagships, ton défi, ça a été la largeur.

  • Speaker #0

    J'ai fait, oui, des 4 mètres, 4,50 mètres. Effectivement, le défi sur la ligne horizontale, sur des longueurs de 4,50 mètres, c'était effectivement très technique. Et trouver comment ne pas avoir de raccords tout simplement, et arriver à ... à tenir la qualité de la matière sur des longueurs pareilles. C'est toujours une chouette expérience, j'ai pris goût.

  • Speaker #2

    Et donc, du coup, c'était quel flexible déjà ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est pour Cartier à Miami, la boutique Aventura à Miami, où il y a eu des très grandes longueurs comme ça.

  • Speaker #2

    Ah oui, donc en résonance avec le sable et le ciel bleu de là-bas.

  • Speaker #0

    Là, c'est les couleurs lagon, lapis azurite et malachite, et des couleurs extraordinaires. En atelier, avec mon assistante, on travaillait les couleurs et en superposant la malachite et la serpentine, qui est un vert un peu plus jaune, sur des fonds clairs, en fait on arrivait à une couleur quasi fluorescente, un vert quasi fluorescent et on se disait, oh là, non, là il y a quelque chose qui n'est pas naturel. Et en fait, si, j'ai découvert ensuite sur la mer des Caraïbes qu'on a ces verts. incroyablement intense et lumineux par certaines qualités du soleil.

  • Speaker #2

    Et pour le flagship de SCA alors ?

  • Speaker #0

    C'est un graphisme tout à fait différent que j'avais proposé qui était une brume en fait. Une brume de minéraux qui se déposent, qui se décomposent, qui passent de la matité à la brillance sur 2 mètres et quelques de haut et 4 à 5 mètres de largeur et sur un mur cintré. Donc la lumière glisse dessus ce qui fait que Lorsqu'on se déplace devant, on a l'impression que les micas créent des éclairs qui nous poursuivent dans la pièce. Ça, c'est le VCA de la place Vendôme.

  • Speaker #2

    Évidemment, la question que je me pose, c'est comment ça tient ? Tu as bien dit que tu mettais un lien pour que ça tienne sur le papier, mais là, c'est sur un mur, ça ne va pas tomber ?

  • Speaker #0

    Ah non, bien sûr, ça ne tombe pas. C'est là l'enseignement des process japonais, de la rigueur qu'on doit avoir en atelier à bien les respecter. Je ne vais pas prendre le risque de superposer des couches qui ne sont pas sèches. parce que c'est ça, ça pourrait former croûte et tomber. Là, pas du tout, quand on est dérespectueux. Puis moi, je travaille très léger en couleurs et je préfère additionner les couches. De toute manière, c'est naturellement une façon de travailler qui me convient. Donc en fait, ça s'incorpore petit à petit au papier. C'est très bien attaché dessus, ça ne tombe absolument pas.

  • Speaker #2

    Moi, j'imaginais mon vernis à ongles, tu vois. Il y a la base, les couches de couleurs. Puis ensuite, il y a le top coat qui... tiens, tu vois. C'est pour ça que je te pose cette question. Oui,

  • Speaker #0

    alors après, je vaporise le liant en version très légère et diluée pour former une espèce de vernis, mais qui à aucun moment devient satin ou brillant. Parce que ce qui est beau, c'est que c'est les différences, les irisations dans la lumière. Donc, il faut que la matité reste et il faut que les brillances restent. Donc, on ne peut pas mettre n'importe quoi, sinon on viendrait... complètement tuer le jeu de lumière qui est vraiment le plus intéressant à travailler avec les minéraux broyés.

  • Speaker #2

    Mais dans ces minéraux, tu as vraiment toutes les couleurs ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de couleurs, oui. C'est très étonnant. Une qui est fabuleuse, c'est la sujillite, qui est violette. Et donc autant, la pierre naturelle, elle a un violet un peu sombre. Mais quand elle est broyée, parce que très souvent, quand on broie, ça vient éclaircir la couleur parce que plus les grains sont fins, Plus il y a de lumière qui tourne autour de chaque grain, donc plus la couleur est claire. Et donc pour le coup, on arrive à la sujilite, non pas mauve, mais un vrai violet surprenant et intense. D'ailleurs, il est tellement intense, moi j'ai plutôt tendance à le travailler sur un fond d'encre de chine pour lui donner de la profondeur. Et avec des réaux de la pilazulie, de gros grains de la pilazulie, ça passe du violet au bleu profond. Oui, très profonde.

  • Speaker #2

    Donc, c'est ta couleur préférée ?

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas ma couleur préférée. Je n'arrive pas à avoir de couleur préférée. Je les aime beaucoup toutes. C'est-à-dire qu'elles ne produisent pas le même effet, en fait. Il y a quelque chose qui est très profond avec ces violets bleus qui donnent une intensité et une profondeur qui pourraient être aussi un peu lourdes, quelque part. Et par exemple, si on va sur le vert de la malachite, que j'affectionne vraiment, parce qu'autant la pierre, quand on la voit, Poli, c'est un vert assez soutenu. Autant quand elle est broyée, tout d'un coup, elle a beaucoup plus de moelleux, elle est plus claire. Elle va tirer sur le bleu, ce n'est pas un vert qui tire sur le jaune. C'est bien équilibré, en fait, et il y a une très grande douceur. J'aime beaucoup regarder cette couleur-là qui vient vraiment donner une qualité de contemplation ouverte. Avec le bleu... Avec des lapis lazuli clairs, c'est très beau. Il y a des loups qui nous suspendent, qui nous emmènent dans le ciel ou dans l'immensité. Il y a vraiment ça avec la couleur. Le vert, il y a cette espèce d'ouverture de l'immense, mais qui reste très incarnée et qui vient jouer dans le corps. Je trouve qu'il y a une ouverture du cœur à regarder la malachite en poudre.

  • Speaker #2

    On a vu le bleu, le vert. Est-ce qu'il y a des roses, des rouges ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a des roses et des rouges. Il y a beaucoup. beaucoup de roses parce que les pierres rouges, quand on va les broyer, elles vont devenir roses. Alors, différents rosés qui vont tirer sur l'ocre, qui vont tirer vraiment plutôt sur le carmin, sur des roses un peu plus grenats, un peu plus mauves. Le grenat va donner un mauve rosé, le rubis donne aussi un rose, les quartz et matite donnent des roses mauves aussi différents. Et puis dans les rouges, Le jaspe fonctionne très bien, il est quand même très profond. Donc en fonction aussi des qualités de jaspe qu'on a, on va avoir des rouges très différents. Et puis traditionnellement, évidemment, il y a le cinabre qui a été toujours utilisé en peinture sacrée et qui est utilisé toujours beaucoup au Japon en la Kurushi. Alors bon, très souvent on me dit, oh là là, le cinabre, attention toxique. Alors effectivement, on est très précautionneux à utiliser le cinabre. Il s'agit de ne pas le respirer ou l'ingérer. Mais à partir du moment où il est dans une colle ou un vernis, il devient inoffensif. C'est très puissant, ce rouge-là.

  • Speaker #2

    Tu as dit que tu... utilisait des rubis pulvérisés dans des fleurs ? Parce que jusqu'à présent, tu nous as parlé de pierres ornementales, de pierres fines. Est-ce que, par exemple, tu pulvérises des amethystes ?

  • Speaker #0

    Ça m'est arrivé dans le cadre de la collecte des minéraux sur le territoire français que j'ai fait dans une résidence artistique avec le Fonds de dotation Vérecia. Pour le coup, il s'agissait d'aller vraiment à la rencontre des ressources locales en France. Qu'est-ce qu'on a, nous, comme... couleurs sous nos pieds parce que jusque-là, je les achetais au Japon ou à des géologues français ou j'avais récupéré des stocks de géologues et j'étais quand même très curieuse de savoir, mais en fait, qu'est-ce qu'on a, nous, sous nos pieds ? Qu'est-ce qu'il y a comme couleur ? Donc, j'ai proposé ce sujet au fond de dotation Véreka quand je les ai rencontrés. Ils m'ont dit go, ils étaient super curieux, eux aussi. Donc, j'ai commencé par aller me renseigner sur les mines françaises, les anciennes mines françaises. donc au musée de minéralogie de l'école des mines auprès d'Éloïse Gayou. On a constaté qu'il reste très peu de mines en France. C'était quand même un peu complexe d'aller trouver aujourd'hui une étendue de minéraux de couleur. Et en fait, c'est grâce aux associations de géologues et de minéralogistes sur chaque département ou région que j'ai pu avancer dans ma recherche. Ils m'ont beaucoup aidée en m'indiquant qu'elles étaient... Les anciennes milles, les gisements, les endroits où on pouvait ramasser de façon tout à fait tranquille. Et ils m'ont même accompagnée sur les lieux parfois. Donc c'est vraiment grâce à ces passionnés de minéralogie que j'ai pu mener cette recherche. Et qui n'est pas exhaustive, ça continue parce qu'on continue de m'envoyer ou de me faire part d'endroits où il y aurait des pierres un peu différentes. Voilà. Après ces mois de recherche et de collecte, il y a un moment où il fallait s'arrêter. Et à ce moment-là, il y en avait plus d'une quarantaine qui avaient des couleurs vraiment intéressantes.

  • Speaker #2

    En France, tu as trouvé 40 nuances, non pas de grès, mais de couleurs de minéraux en poudre. Alors, est-ce que tu as été voir les saphirs chez nous ou pas ?

  • Speaker #0

    Non, j'ignorais qu'il y avait la réouverture de ces mines à ce moment-là. Et de toute façon... J'avais eu le stock de ce géologue qui avait broyé pas mal de pierres tout à fait étonnantes, dont le saphir. Donc je savais que le saphir, finalement, c'était pas loin d'un quartz. Ça donne quelque chose d'assez transparent, qui n'a pas un grand intérêt en termes de couleur. C'est plus en symbolique. Moi, je sais qu'au tout début, où j'ai commencé à peindre avec les mineurs broyés, je faisais de l'art sacré bouddhique. Je faisais les yeux d'Amitaba avec du saphir. Ça me faisait plaisir, mais ce n'était pas tellement pour la couleur.

  • Speaker #2

    Et donc l'émeraude, tu as essayé ?

  • Speaker #0

    Non, je n'ai jamais eu d'émeraude.

  • Speaker #2

    Et le diamant, du coup, qui est déjà transparent, ça n'aura aucun intérêt pour le coup ?

  • Speaker #0

    Oui, après, c'est plus la symbolique et la façon de travailler les grains qui pourraient être très belles dans la transparence et tout. Mais là, on imagine le budget.

  • Speaker #2

    Donc, nos pierres fines, en fait, pour ta peinture, pour ta technique, ce n'est pas intéressant, ça reste trop clair. Donc déjà, il vaut mieux que tu utilises les pierres dures, les pierres en aimantale.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est vrai que les pierres dures vont avoir une intensité colorée dans la matière qui est plus intéressante s'il va rester quelque chose au broyage.

  • Speaker #2

    Et donc en fait, avec le fond de dotation Veracchia, en tant que résidence d'artiste, toi tu as fait l'itinéraire.

  • Speaker #0

    Oui, puisque le sujet, c'était la collecte des minéraux sur tout le territoire. Il fallait que je me déplace. Donc, c'était itinérant. Et donc,

  • Speaker #2

    ça a duré un an ?

  • Speaker #0

    Un peu moins, plutôt neuf mois avec l'étude. L'étude a été longue. Prendre les contacts, tout ça, c'était long. Et puis après, lister tous les minéraux que je pouvais trouver. quel était leur intérêt chromatique par rapport à la trace, leur trace, c'est-à-dire quand on raye une céramique avec le minéral, ça laisse une couleur et c'est ça qui va donner une indication sur la couleur qu'on peut avoir quand il est broyé. Donc en fait, il y a certaines pierres qui sont de couleur, mais qui sont dans la trace et restent blanches ou grises. Donc bon, il y avait une grosse recherche sur tous les minéraux en France et j'ai dû illuminer au moins les trois quarts, voire... peut-être plus des pierres parce qu'on était sur des gris et des blancs. Ça n'avait pas beaucoup d'intérêt. Après aussi, toutes les pierres calcaires. Je n'avais pas vocation à faire un camailleu de ton pierre, même si c'est super intéressant en soi. J'étais surtout curieuse de voir ce qu'on avait comme réelle couleur un peu plus intense.

  • Speaker #2

    Et alors, pour arriver à les broyer, tu t'es adressée à qui ?

  • Speaker #0

    J'ai eu la chance de faire un partenariat avec l'Institut des sciences de la terre de Sorbonne Université. Donc avec l'enseignant-chercheur Erwan Martin, et c'est Héloïse Gayot qui nous avait présenté. Et Erwan était à peu près aussi curieux que moi de découvrir ces couleurs des minéraux. Donc on a travaillé tous les deux au labo de l'Institut des sciences de la Terre pour pouvoir concasser, broyer et tamiser chaque minéral. Donc je prenais des roches massives, c'est-à-dire des roches... pure pour que chaque minéraux, on sache quel est le minéral qui était représenté ensuite en poudre. Et puis, déjà Erwan validait l'appellation de la pierre en fonction des différentes propriétés, tout ça. Et puis après, c'était assez physique, le concassage est très rigoureux et long, la phase de broyage et de tamisage. Et là, très intéressant de découvrir Pour chaque pierre, quelle granulométrie a un intérêt esthétique ? Parce qu'en fait, certaines pierres en poudre talc deviennent inintéressantes, alors qu'entre 63 et 250 microns, elles ont tout d'un coup une brillance, une couleur un peu différente. Et dans des granulométries plus hautes, entre 250 et 500 microns, là, elles ont des qualités de réflexion de la lumière super importantes. Et parfois, c'est l'inverse. très brillante, très fine et elle reste un peu plate en grosse granulométrie. Donc ça, c'était vraiment la partie hyper intéressante pour moi de savoir, bon, celle-là, je ne la mettrai plus jamais en moins de 63 microns, ça n'a pas d'intérêt. Je préfère la garder en telle granulométrie ou telle granulométrie.

  • Speaker #2

    Ce travail, avec le fond d'autodidaction Veracat, tu l'as exposé au musée de minéralogie et tu avais choisi de mettre deux œuvres. Est-ce que tu peux nous en parler de ces deux œuvres ?

  • Speaker #0

    Oui, alors dans un premier temps, à l'issue de la collecte et de tout le travail de broyage, on a d'abord fait une exposition à la collection de minéraux de Sorbonne Université, à Jussieu, qui a duré neuf mois, qu'on a appelée « Infraterre, incursion chromatique » . Et là, en fait, l'exposition avec le Fonds de dotation Véreka, qui est une exposition collective qui regroupe une douzaine d'artistes qui ont fait cette résidence qu'ils appellent « Bourse matière » avec le Fonds de dotation Véreka. viennent exposer au musée de minéralogie de l'École des Mines les différents aspects de recherche artistique autour de la pierre. Très variées, étonnantes et passionnantes. Donc moi, je fais partie de l'exposition avec la collecte des minéraux et ces nuanciers que j'ai pu mettre à jour. Et j'y présente beaucoup des œuvres qui sont réalisées avec ma technique. Il y a une première qui s'appelle « Respiration rouge » . C'était vraiment un travail sur la... l'équilibre entre le carmin, le vermillon, dans l'intensité de ces couleurs-là, comment je suis venue les adoucir et en même temps leur donner de la profondeur avec des tons un peu bruyères, des mauves profonds. C'est un travail que j'avais réalisé en automne à mon atelier qui est dans le Vercors. Et c'était vraiment ce que j'avais sous les yeux. J'avais des rouges hyper intenses dans certains feuillages d'arbres et tout le haut de la montagne qui sont des hêtres. devenait mauve, violée. Ça m'avait tellement marquée dans l'œil que je voulais restituer cette intensité des rouges. Et la deuxième, c'est quelque chose de beaucoup plus doux, qui tend aussi à sortir de la ligne et qui va de la ligne au nuageux, qui fait un envol entre les deux, où la ligne semble comme une vague se dissoudre en brume. Donc ça me permet de travailler les deux graphismes en transition. Les tombes sont réalisées avec un peu d'azurite, pas mal de jade, de lacerte. Donc, c'est des bleus verts très doux, rehaussés avec des micas, des blancs de calcite.

  • Speaker #1

    Et donc, avant d'avoir envie de pulvériser des gemmes et des minéraux pour en faire de la peinture, qu'est-ce que tu faisais ?

  • Speaker #0

    J'étais peintre-décorateur, j'étais déjà dans la couleur, le grand format, en fait, la couleur sur les murs, je faisais des fresques. Un travail de création avec l'architecture du lieu et le client, ses émotions, ses désirs. La question c'était quelle atmosphère on va donner à cette pièce ? Qu'est-ce que ça va venir faire surgir comme émotion en fonction des nuances qu'on peut y mettre ? Je trouvais ça passionnant.

  • Speaker #1

    Tu as fait quelle école pour ça ?

  • Speaker #0

    En fait, le parcours n'a pas été si simple que ça parce qu'enfant, je peignais. Je dessinais tout le temps. C'est vrai que quand on me posait la question, qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grande ? Je veux dessiner. Et puis, en fait, je n'ai pas été poussée du tout là-dedans par le milieu familial parce que ça faisait peur. Donc, j'ai fini par faire des études de gestion un peu sans grande motivation. Et j'ai attendu d'être indépendante financièrement pour reprendre une formation professionnelle de peintre-décorateur, en fait. Parce que ce qui m'intéressait, c'était à la fois l'architecture d'intérieur. et la peinture parce que je peignais sur tout mon temps libre. Et entre les deux, quand j'ai découvert ce métier, je me suis dit « Ah non, mais c'est ça ! »

  • Speaker #1

    Donc en fait, tout ça, ça t'a demandé beaucoup de travail finalement ?

  • Speaker #0

    Oui, pas mal. Moi, j'étais en Charente et à Bordeaux et c'est vrai qu'on ne fait pas beaucoup appel aux peintres décorateurs à part à l'Opéra de Bordeaux et en décoration sur quelques grands vignobles. Mais pour le coup, ce n'était pas un métier qui était très connu. J'ai réussi à trouver un financement. à faire la formation professionnelle sur une année scolaire entière, qui était une grosse année parce que vraiment, on y était de 9h du matin à minuit tous les soirs, parce que c'était vraiment un apprentissage des techniques de la transparence.

  • Speaker #1

    Après ça, la première commande, celle qui t'a permis de te dire « ça y est, je suis devenue peintre d'air correcteur » , tu t'en souviens ?

  • Speaker #0

    Oui, je me suis mis à mon compte à Bordeaux et j'ai eu une commande d'un château viticole. Sur le bâti, j'ai fini des décorations sur toutes les portes des chambres. Il y en avait une dizaine, recto verso. Et dans un hall, un espace de passage avec deux grandes fresques qui étaient des panoramiques. C'était vraiment très décoratif et ornemental. Pour le coup, les cinq années que j'ai passées à Bordeaux, j'ai fait beaucoup de trompe-l'œil, de grappes de raisins. de bouteilles de vin et des perspectives de vignobles. Ça, c'était quand même le sujet obligatoire. Heureusement, en fait, je partageais mon atelier avec un designer qui avait un tout autre regard sur la ligne et qui m'a formée, en fait. C'est lui qui m'a formée l'œil. Et on a travaillé ensuite ensemble sur des projets. Petit à petit, je suis passée de l'ornementation à l'abstraction de la ligne colorée.

  • Speaker #1

    Cette abstraction, c'est une progression strata technique. classiques de décoration et de peinture. Et est-ce que ça a été une révolution ou ça a été une évolution, un petit peu à la fois, jusqu'à arriver à prendre des gemmes et en faire de la peinture ?

  • Speaker #0

    Ça a vraiment été une évolution. Au début, moi, j'étais très curieuse de faire des expériences. Je voulais vraiment faire l'expérience de la matière, donc je ne faisais jamais deux chantiers identiques quand je faisais des expériences de matière. Et ensuite, c'est vraiment en étudiant la médecine traditionnelle chinoise et tout le rapport au geste et à la respiration et l'étude des grands textes sacrés qui m'a amenée à comprendre petit à petit qu'est-ce que je cherchais moi personnellement dans la représentation, dans le partage artistique et dans mon esprit que j'avais besoin de passer par telle ou telle étape d'expérimentation de la matière. pour arriver à un geste qui était pur. Passer par l'art sacré, ça a été la plus grande expérience artistique parce que dans la représentation, on vient se connecter au divin qui est véhiculé par un personnage. Les bodhisattvas ou les bouddhas, c'est une qualité de l'être que tout le monde a et qui est personnifiée. Et dans cette concentration qu'on a de la représenter, et dans l'idée aussi qui vient vraiment de la peinture chinoise qu'on va déposer le souffle et la présence de cette divinité sur le papier. Donc il y avait tout un travail antérieur de transparence de soi pour laisser les choses se faire, des nécessités d'un lâcher prise avec le pinceau où on vient se mettre au service de cette représentation-là. Mais à un moment, c'est vraiment quelque chose qui nous dépasse. et qui vient prendre la place. Et ça, c'est des expériences artistiques. Moi, c'est la plus intense que j'ai pu connaître. C'était magique. J'étais spécialiste de Guanine, le Bodhisattva de la compassion. J'ai adoré peindre Guanine en différentes couleurs. C'était un contact très direct, très riche et très enseignant.

  • Speaker #1

    Est-ce que maintenant, tu penses que tu es à ton apogée ou est-ce que tu vas continuer ? comme ça, à évoluer et vers quoi tu voudrais aller ?

  • Speaker #0

    Je pense que je vais continuer à évoluer. Justement, c'est vraiment une question en ce moment. J'ai passé sept ans sur la ligne. Je sens qu'il y a quelque chose qui bouge depuis un moment. Donc, ça part dans différentes explorations qui sont liées à la matière, notamment la surtextile. Mais il y a d'autres idées avec le verre, avec le métal, avec différents supports. port et l'idée du volume aussi. Donc, j'ai besoin toujours de passer par la matière, de voir, de faire l'expérience du geste parce que c'est toujours important qu'il y ait une cohérence entre le fond, la forme et la façon dont je lis les deux. Donc, ça passe vraiment par l'atelier.

  • Speaker #1

    Et maintenant, qu'est-ce que tu voudrais qu'on te souhaite ?

  • Speaker #0

    Qu'on me souhaite toujours réaliser les grands panneaux immersifs. Ça me réjouit, ces commandes de... de grands panneaux et de fresques. Il y a quelque chose de très magnifique à l'atelier, parce que c'est une plongée dans la couleur que j'adore. Et puis parallèlement, je fais aussi des tableaux qui sont plus mes études personnelles sur des couleurs que je propose en galerie et qui vont être exposées bientôt d'ailleurs à Art Basel Miami. Et je me souhaite du succès !

  • Speaker #1

    Eh bien, on te le souhaite aussi ! Alors la dernière question, qui est la question gimmick. Quel conseil tu donnerais à une jeune femme qui voudrait marcher sur tes traces aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Je lui donnerais le conseil de toujours suivre son plaisir. Son plaisir au travail comme premier et essentiel moteur de décision. On est tellement sollicité aujourd'hui par l'environnement extérieur, les obligations, le marché, tout ça. Et finalement, le constat, c'est que quand on est... aligné avec son désir profond, les choses sont tellement plus simples. Et de ne pas se perdre, quoi. De rester toujours connecté à ça, parce que c'est facile de se laisser embarquer, surtout quand on travaille sur commande, en fait.

  • Speaker #1

    Eh bien, écoute, Caroline, je te remercie. Et au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir, Anne.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté, Brian. Je suis Anne Desmarais de Jotan et je donne une voix aux bijoux chaque dimanche. Et si vous aussi vous avez envie de faire parler vos bijoux et votre maison, je serai ravie de vous accompagner pour réaliser votre podcast de marque ou vous accueillir en partenaire dans mes podcasts natifs. Je vous donne rendez-vous le mois prochain sur ce podcast brillante et en attendant, sur le podcast Le Bijou comme un bisou, en alternance avec le podcast Il était une fois le bijou. Faites-moi plaisir, soutenez le podcast en mettant des avis, des étoiles sur Spotify ou Apple Podcast. Abonnez-vous et partagez l'épisode sur vos réseaux sociaux. A dimanche prochain et soyez brillants !

Description

Dans ce nouvel épisode de Brillante, le podcast des femmes de la joaillerie, je reçois une artiste dont le travail transcende en peinture la beauté brute des minéraux. Caroline Besse, artiste peintre au parcours singulier, donne vie à une peinture hors du commun en broyant des pierres précieuses et des gemmes pour en faire des pigments.


Invitée du podcast Brillante, elle raconte son voyage artistique et spirituel, marqué par une fascination pour la symbolique des couleurs et leur lien avec la conscience.

Tout commence avec la calligraphie et la peinture à l'encre, avant qu'elle ne découvre les minéraux dans l'art sacré bouddhiste. Cette révélation l'amène à explorer une peinture devenue laïque, où chaque nuance devient un langage en soi. Inspirée par la technique japonaise du Nihonga, elle adapte cette tradition aux grands formats, défiant les contraintes techniques tout en conservant la subtilité des superpositions et des jeux de transparence.


Les maisons de luxe ne s'y trompent pas : Cartier et Van Cleef & Arpels lui confient la réalisation d'œuvres monumentales pour leurs flagships. À Miami, elle crée une fresque évoquant les lagons des Caraïbes, tandis qu'à la place Vendôme, une brume minérale joue avec la lumière, donnant l'illusion de particules en suspension.


Dans son atelier, Caroline Besse travaille minutieusement ses pigments, jouant sur l’éclat et la profondeur. Chaque pierre, une fois broyée, révèle une couleur inattendue : La lazurite révèle un bleu intense, la malachite devient un vert doux et enveloppant et le rubis un rose délicat.


Loin de se limiter à un nuancier figé, elle cherche sans cesse de nouvelles sources minérales, notamment lors de sa résidence avec le Fonds de dotation Verrechia, où elle collecte les pierres et gemmes de France et en analyse les potentiels chromatiques. Auparavant elle a travaillé en partenariat avec l'Institut des Sciences de la Terre Sorbonne Université pour étudier l'intérêt esthétique des gemmes suivant leur granulométrie puis a exposé avec eux ses oeuvres dans l'exposition « Infraterre, incursion chromatique ». Avec le Fonds de dotation Verrachia c'est dans l'exposition collective "Romance in the Stone : de la roche à l'œuvre" au Musée de minéralogie de l'École des Mines qu'elle présente ses recherches et ses oeuvres.


Sa démarche, à mi-chemin entre la science et l’art, explore les infinies variations de la matière. Elle joue sur la superposition des couches, la densité des pigments et la profondeur de champ pour créer des œuvres vibrantes, où la couleur semble en mouvement. Peindre ainsi devient un processus méditatif, une lente construction où le temps et les strates de pigments révèlent, couche après couche, une alchimie fascinante entre la lumière, la matière et l’émotion.

Ce voyage dans la couleur et la texture n’est pas qu’esthétique : il est sensoriel et spirituel.

Caroline Besse ne cherche pas à imposer une vision, mais à inviter le regardeur à une immersion progressive, à une rencontre intime avec la couleur. Son travail, tout en nuances et en subtilités, transcende la simple peinture pour devenir une expérience à part entière.


Belle écoute et soyez Brillante !


Brillante est le podcast des femmes de la joaillerie par Anne Desmarest de Jotemps, il était une fois le bijou

sound design et création sonore : Alice Krief - Les Belles Fréquences


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai rencontré les minéraux broyés en abordant la peinture sacré bouddhiste après avoir fait de la calligraphie, de la peinture à l'encre. Donc à la fois j'avais une recherche sur la symbolique de la couleur. Ça venait amplifier en fait tous ces messages à la fois sur les postures corporelles et sur la façon dont chaque couleur peut être reliée à un état de la conscience. Je me suis saisie des minéraux pour continuer à travailler la peinture sacrée mais laïque. Ce qui m'intéressait c'est comment chaque couleur est reliée à un état de la conscience par le moelleux des nuances qui se succèdent.

  • Speaker #1

    Les femmes de la joaillerie sont passionnées et cultivées, intelligentes et créatives, bosseuses. et imaginatives. Elles sont brillantes. On imagine le monde des bijoux comme un secteur léger et opulent. La réalité est autre. C'est un monde qui exige l'excellence dans tous les domaines. Un monde de travail acharné, des artisans d'art aux mains de fées, aux groupes internationaux, à la puissance supranationale. Le monde des bijoux, c'est aussi une certaine image de la France qui s'impose depuis le XVIIe siècle. Et dans ce monde protéiforme, les femmes ont dû se sortir une place. Et elles ont réussi parce qu'elles sont brillantes. Dans ce podcast, brillante, je vous fais découvrir, non pas l'envers du décor, mais la réalité du monde joaillier ou féminin en interrovant. les femmes de la joaillerie. À chaque fois, je leur demande un conseil pour une jeune femme qui serait tentée par ce monde où le scintillement de vitrines cache l'exigence du travail et de l'investissement personnel pour que la prochaine génération se prépare ainsi à devenir brillante.

  • Speaker #2

    Aujourd'hui, je suis avec une femme brillante, Caroline Bess, qui explose, il faut dire, écrapoutit, écrase les pierres gemmes et précieuses pour en faire des peintures que, d'ailleurs, les flagships de grandes maisons de joaillerie, Cartier et Van Cleef, se sont arrachées. Bonjour Caroline.

  • Speaker #0

    Bonjour Anne. Alors,

  • Speaker #2

    justement, je viens dans l'introduction de tout dire, mais on va commencer par notre première question gimmick. Quel est ton plus joli souvenir de bijoux ?

  • Speaker #0

    Écoute, j'ai pas vraiment de grands souvenirs anciens de bijoux, j'ai plus de souvenirs de pierres brutes en fait, ce qui est finalement assez logique. Moi j'ai ce souvenir avec mes parents en randonneur, dans les Pyrénées, au cours des balades, de ramasser les cailloux avec ma sœur et de commencer ma petite collection personnelle comme ça, l'espèce de magie. de découvrir le mica dans les gaves, dans les rivières, et de jouer aux chercheurs d'or. C'est plutôt ces souvenirs qui sont liés directement à la matière brute, plus qu'aux bijoux.

  • Speaker #2

    Et c'était quelle matière brute ?

  • Speaker #0

    À l'époque, je pense que ce que je trouvais le plus facilement, c'était des quartz, des mica. C'était ce côté brillant qui prend l'œil des enfants.

  • Speaker #2

    Très bien. Tu es une artiste très spéciale qui, comme je l'ai dit, fait de la poudre avec les gemmes. Et de cette poudre... tu mets un liant et tu en fais des peintures. J'ai bien résumé ? Oui,

  • Speaker #0

    tout à fait, c'est ça.

  • Speaker #2

    Explique-nous cette technique spéciale. Alors, bien sûr, on a tous dans la tête les peintures d'Osiris où on nous explique qu'on a écrasé du lapis lazuli pour en faire des peintures sur le mur. Ça, ceux qui ont été en Égypte ou quand on a ouvert un livre, on s'en souvient. Mais c'est à peu près tout.

  • Speaker #0

    C'est vrai que traditionnellement, en Occident, c'était utilisé dans la peinture sacrée et puis ça continue d'être utilisé. pour les icônes byzantines, il y avait juste quelques couleurs qui étaient utilisées. Donc la pilazulime, la laquite, de l'azurite aussi, du cinabre, de leur piment pour les rouges et les jaunes. Et vraiment très peu de couleurs. Tandis qu'en Asie, c'est le Japon qui a vraiment développé cette technique qui est devenue leur technique traditionnelle de peinture, où ils ont broyé beaucoup plus de pierres et pour le coup, ils ont une palette de couleurs beaucoup plus vaste et avec des... tonalités qui sont vraiment propres à leur culture, parce que, pour le coup, leur peinture traditionnelle étant issue de ces couleurs-là, on les retrouve un peu partout. En fait, c'est une technique qui était importée de Chine à partir du 8e siècle et que, eux, ils ont développée. Tandis que c'est vrai qu'en Chine, également en peinture sacrée, parce que c'est là qu'on retrouvait les premières peintures, ils utilisaient quelques couleurs de la même façon que nous en Occident. Et c'est vraiment le Japon qui a développé la palette de couleurs qu'il a beaucoup élargie.

  • Speaker #2

    Et les autres pays, après, se sont appropriés ça ?

  • Speaker #0

    Pas tellement, c'est resté une technique traditionnelle japonaise qu'ils ont continué de nourrir malgré l'ouverture à l'Occident au XIXe siècle. Ils ont conservé dans les écoles de beaux-arts, en université, les classes de nironga, peinture traditionnelle, ce qui fait que les étudiants là-bas passent par cette étape-là, même s'ils apprennent toutes les autres techniques, à l'huile, à l'acrylique, etc.

  • Speaker #2

    Et le support, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    Le support, traditionnellement, c'est du... papier ou de la soie. Le textile est le plus souvent de la soie. Il y a vraiment une chimie très particulière pour l'adhérence des poudres de minéraux qui sont en différentes granulométries. Donc certaines sont très fines comme du talc et avec le liant qu'on utilise, ça recrée pratiquement une peinture qu'on va pouvoir utiliser un peu en pâte ou plus ou moins diluée. Et puis il y a des granulométries plus fortes qu'il s'agit de faire adhérer sur ces supports et ces supports sont des fibres naturelles qui vont... absorber cette pâte de minéraux, la maintenir dans les fibres pour avoir une œuvre qui soit pérenne.

  • Speaker #2

    Alors justement, c'est la question que j'étais en train de me poser pendant que je t'écoutais. Quelle sorte de lion on met ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #2

    Parce que si moi, je m'amuse à mettre du sable, c'est la seule poudre auquel je pense, du sable avec de l'eau, je n'arriverai jamais à peindre avec ça, en fait.

  • Speaker #0

    Non, non, non. Donc le lion que j'utilise, il y en a plusieurs. Principalement, c'est la Nikawa, la colle de peau de bœuf. Il y a aussi de la colle de poisson et il y a aussi de la colle d'algues qui est possible.

  • Speaker #2

    De la colle d'algues ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    On voit que c'est imprégné du Japon. Ça se fait aussi ici en Europe, la colle d'algues ?

  • Speaker #0

    Non, je n'ai pas connaissance de ça. Enfin, peut-être qu'il y a des choses qui se développent aujourd'hui. Justement, moi, ça m'intéresse beaucoup, les nouvelles colles. Je suis un peu du biomimétisme, d'observer, mais qu'est-ce qui, dans la nature, peut nous produire un collant aussi efficace que ce qu'on fait chimiquement ? Mais... Pour que ce soit développé à un niveau industriel, on en est au tout début.

  • Speaker #2

    Mais de toute façon, toi, tu n'en es pas du tout au niveau industriel.

  • Speaker #0

    Non, pas du tout.

  • Speaker #2

    Parce que chaque œuvre est une œuvre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une œuvre unique qui prend du temps à être réalisée. Tout est fait à la main sur des process qui sont aussi assez longs, avec un respect des temps de séchage entre chaque couche.

  • Speaker #2

    Alors concrètement, tu fais quoi ? Tu poses ton papier à plat. Là-dessus, tu prends tes poudres de minéraux. Tu les mets une par une ? Tu les mélanges ? Est-ce que, par exemple, comme une peinture, si je prends une pierre qui est blanche et une pierre qui est bleue, ça va me faire une pierre bleu ciel ? Comment tu fais ?

  • Speaker #0

    Alors, moi, j'ai fait tout un travail d'adaptation de la technique traditionnelle parce que je suis peintre-décorateur de métier. Et ce qui m'intéressait, c'était de réaliser des grands formats avec cette technique-là. Donc, il fallait que je trouve quelque chose qui fonctionne sur des échelles différentes. Et puis aussi, par goût, j'ai toujours aimé travailler la couleur en transparence. en superposition de couches, jusqu'à ce que j'obtienne une couleur qui vient résonner à la fois dans la chaleur, dans l'intensité, tout ça. Et je trouve que je peux l'avoir qu'en superposant les couches et pas en mélangeant directement les minéraux entre eux. Donc moi, je travaille au pinceau et aux petites brosses, plus ou moins larges. Et en fait, je superpose les couches. Donc j'ai un premier travail où je structure d'ailleurs la pièce que je vais faire à l'encre de Chine, parce que j'ai fait beaucoup. beaucoup aussi de calligraphie et de peinture à l'encre. Et il y a cette espèce de structure, d'os que je dépose sur le papier et qui me permet d'avoir en fait des différentes nuances de gris. Et ça va me permettre ensuite de travailler la couleur, soit sur le fond blanc naturel du papier, soit sur un fond gris ou un fond noir. Et en fonction des couleurs, elles vont avoir un éclat tout à fait différent. Donc j'utilise ce fond de couleurs différentes. pour à chaque fois pouvoir faire sortir l'intérêt d'une couleur de pierre d'une façon tout à fait particulière. Il y a certaines couleurs, je les adore sur le papier naturel et je les aime tout autant sur fond noir, mais après ça dépend de ce que je veux faire. Donc il y a ce premier jet à l'encre de Chine et ensuite je reviens avec une couleur, une poudre au pinceau, j'attends que ça sèche et je reviens le lendemain et je construis mon travail comme ça de jour en jour avec des couleurs de pierre d'une façon tout à fait particulière. quelque part un peu la surprise de ce qui va être révélé à la fin. Donc, il faut que je m'organise, avoir plusieurs travaux en cours et créer des séries. Ou alors, quand c'est des grands volumes, de toute façon, le temps qu'on commence un morceau, quand on a fini de l'autre côté, c'est sec. Donc là, ça permet de continuer à travailler. Mais en tout cas, il y a cette espèce de respect du temps de séchage et du temps qui fait que la matière s'imprègne dans le papier. avant de recommencer, de déposer une autre couche dessus, de laisser le temps au temps pour construire l'œuvre très tranquillement.

  • Speaker #2

    Ce que j'ai vu, ce que tu m'as montré dans les flagships de Van Cleef & Cartier, on dirait des étages doux entre les différentes couleurs, un peu comme si on était dans le désert et qu'on voyait une couche après l'autre se superposer, imaginer les dégradés comme ça. C'est ton style vraiment ou est-ce que tu pourrais faire d'autres formes plus mouvantes ou est-ce que c'est vraiment une volonté ?

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'au départ, moi, ce qui m'avait intéressé dans l'intensité de ces couleurs des minéraux broyés, justement c'était avoir vu très précisément que ça ne me produisait pas du tout le même effet dans l'œil que de travailler avec des huiles et des acryliques et toutes sortes d'autres matières que j'avais expérimentées et j'ai rencontré d'ailleurs les minéraux broyés dans le cadre des enseignements bouddhistes en abordant la peinture sacrée bouddhiste après avoir fait de la calligraphie, de la peinture à l'encre je poursuivais cet intérêt-là ... Donc à la fois j'avais une recherche sur la symbolique de la couleur, à la fois en médecine traditionnelle chinoise sur les correspondances entre les organes et la couleur. Et quand j'ai rencontré ces minéraux dans l'art sacré bouddhiste, ça venait mettre, amplifier en fait tous ces messages à la fois sur les postures corporelles et sur la façon dont chaque couleur peut être reliée à un état de la conscience. Et c'est ça qui m'intéressait. Je me suis saisie des minéraux, en fait, pour continuer à travailler la peinture sacrée, mais laïque, sans iconographie. Ce qui m'intéressait, c'est comment chaque couleur est reliée à un état de la conscience. La question que je me suis posée, c'est comment est-ce que je mets ça en avant ? Et c'était vraiment par le moelleux des nuances qui se succèdent, qui créent des va-et-vient dans l'œil, parce qu'avec l'encre de chine sur le papier, on a une matité très profonde. Et avec l'irrisation d'une pierre comme le mica, il y a quelque chose qui revient vers nous. Donc, ça crée une profondeur de champ. Et donc, à la fois, ces lignes successives montent ou descendent et en même temps créent un va-et-vient dans la profondeur du champ. Donc, c'est ça qui m'intéressait, d'arriver à une espèce de sensation d'apesanteur de la ligne et jusqu'à arriver à la couleur pure, en fait. Donc, j'allais des nuances qui partaient de ton pastel. ou de tons très profonds sortis du noir de l'encre de Chine. Et j'arrivais à la pureté de la malachite sur quelques lignes ou des aplats où il n'y a plus que cette couleur-là qui donne toute sa force. Mais je préférais y aller tranquillement par échelle successive, comme si je proposais de faire un chemin vers cette couleur-là, qu'on puisse gravir à nouveau, faire à nouveau tranquillement, plutôt que de montrer un aplat de couleur. couleurs très pures, très directement, qui est un choc visuel, mais qui moi ne me permettait pas d'aller rencontrer la couleur à l'intérieur de moi.

  • Speaker #2

    Pour ces flagships, ton défi, ça a été la largeur.

  • Speaker #0

    J'ai fait, oui, des 4 mètres, 4,50 mètres. Effectivement, le défi sur la ligne horizontale, sur des longueurs de 4,50 mètres, c'était effectivement très technique. Et trouver comment ne pas avoir de raccords tout simplement, et arriver à ... à tenir la qualité de la matière sur des longueurs pareilles. C'est toujours une chouette expérience, j'ai pris goût.

  • Speaker #2

    Et donc, du coup, c'était quel flexible déjà ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est pour Cartier à Miami, la boutique Aventura à Miami, où il y a eu des très grandes longueurs comme ça.

  • Speaker #2

    Ah oui, donc en résonance avec le sable et le ciel bleu de là-bas.

  • Speaker #0

    Là, c'est les couleurs lagon, lapis azurite et malachite, et des couleurs extraordinaires. En atelier, avec mon assistante, on travaillait les couleurs et en superposant la malachite et la serpentine, qui est un vert un peu plus jaune, sur des fonds clairs, en fait on arrivait à une couleur quasi fluorescente, un vert quasi fluorescent et on se disait, oh là, non, là il y a quelque chose qui n'est pas naturel. Et en fait, si, j'ai découvert ensuite sur la mer des Caraïbes qu'on a ces verts. incroyablement intense et lumineux par certaines qualités du soleil.

  • Speaker #2

    Et pour le flagship de SCA alors ?

  • Speaker #0

    C'est un graphisme tout à fait différent que j'avais proposé qui était une brume en fait. Une brume de minéraux qui se déposent, qui se décomposent, qui passent de la matité à la brillance sur 2 mètres et quelques de haut et 4 à 5 mètres de largeur et sur un mur cintré. Donc la lumière glisse dessus ce qui fait que Lorsqu'on se déplace devant, on a l'impression que les micas créent des éclairs qui nous poursuivent dans la pièce. Ça, c'est le VCA de la place Vendôme.

  • Speaker #2

    Évidemment, la question que je me pose, c'est comment ça tient ? Tu as bien dit que tu mettais un lien pour que ça tienne sur le papier, mais là, c'est sur un mur, ça ne va pas tomber ?

  • Speaker #0

    Ah non, bien sûr, ça ne tombe pas. C'est là l'enseignement des process japonais, de la rigueur qu'on doit avoir en atelier à bien les respecter. Je ne vais pas prendre le risque de superposer des couches qui ne sont pas sèches. parce que c'est ça, ça pourrait former croûte et tomber. Là, pas du tout, quand on est dérespectueux. Puis moi, je travaille très léger en couleurs et je préfère additionner les couches. De toute manière, c'est naturellement une façon de travailler qui me convient. Donc en fait, ça s'incorpore petit à petit au papier. C'est très bien attaché dessus, ça ne tombe absolument pas.

  • Speaker #2

    Moi, j'imaginais mon vernis à ongles, tu vois. Il y a la base, les couches de couleurs. Puis ensuite, il y a le top coat qui... tiens, tu vois. C'est pour ça que je te pose cette question. Oui,

  • Speaker #0

    alors après, je vaporise le liant en version très légère et diluée pour former une espèce de vernis, mais qui à aucun moment devient satin ou brillant. Parce que ce qui est beau, c'est que c'est les différences, les irisations dans la lumière. Donc, il faut que la matité reste et il faut que les brillances restent. Donc, on ne peut pas mettre n'importe quoi, sinon on viendrait... complètement tuer le jeu de lumière qui est vraiment le plus intéressant à travailler avec les minéraux broyés.

  • Speaker #2

    Mais dans ces minéraux, tu as vraiment toutes les couleurs ?

  • Speaker #0

    Il y a beaucoup de couleurs, oui. C'est très étonnant. Une qui est fabuleuse, c'est la sujillite, qui est violette. Et donc autant, la pierre naturelle, elle a un violet un peu sombre. Mais quand elle est broyée, parce que très souvent, quand on broie, ça vient éclaircir la couleur parce que plus les grains sont fins, Plus il y a de lumière qui tourne autour de chaque grain, donc plus la couleur est claire. Et donc pour le coup, on arrive à la sujilite, non pas mauve, mais un vrai violet surprenant et intense. D'ailleurs, il est tellement intense, moi j'ai plutôt tendance à le travailler sur un fond d'encre de chine pour lui donner de la profondeur. Et avec des réaux de la pilazulie, de gros grains de la pilazulie, ça passe du violet au bleu profond. Oui, très profonde.

  • Speaker #2

    Donc, c'est ta couleur préférée ?

  • Speaker #0

    Non, ce n'est pas ma couleur préférée. Je n'arrive pas à avoir de couleur préférée. Je les aime beaucoup toutes. C'est-à-dire qu'elles ne produisent pas le même effet, en fait. Il y a quelque chose qui est très profond avec ces violets bleus qui donnent une intensité et une profondeur qui pourraient être aussi un peu lourdes, quelque part. Et par exemple, si on va sur le vert de la malachite, que j'affectionne vraiment, parce qu'autant la pierre, quand on la voit, Poli, c'est un vert assez soutenu. Autant quand elle est broyée, tout d'un coup, elle a beaucoup plus de moelleux, elle est plus claire. Elle va tirer sur le bleu, ce n'est pas un vert qui tire sur le jaune. C'est bien équilibré, en fait, et il y a une très grande douceur. J'aime beaucoup regarder cette couleur-là qui vient vraiment donner une qualité de contemplation ouverte. Avec le bleu... Avec des lapis lazuli clairs, c'est très beau. Il y a des loups qui nous suspendent, qui nous emmènent dans le ciel ou dans l'immensité. Il y a vraiment ça avec la couleur. Le vert, il y a cette espèce d'ouverture de l'immense, mais qui reste très incarnée et qui vient jouer dans le corps. Je trouve qu'il y a une ouverture du cœur à regarder la malachite en poudre.

  • Speaker #2

    On a vu le bleu, le vert. Est-ce qu'il y a des roses, des rouges ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a des roses et des rouges. Il y a beaucoup. beaucoup de roses parce que les pierres rouges, quand on va les broyer, elles vont devenir roses. Alors, différents rosés qui vont tirer sur l'ocre, qui vont tirer vraiment plutôt sur le carmin, sur des roses un peu plus grenats, un peu plus mauves. Le grenat va donner un mauve rosé, le rubis donne aussi un rose, les quartz et matite donnent des roses mauves aussi différents. Et puis dans les rouges, Le jaspe fonctionne très bien, il est quand même très profond. Donc en fonction aussi des qualités de jaspe qu'on a, on va avoir des rouges très différents. Et puis traditionnellement, évidemment, il y a le cinabre qui a été toujours utilisé en peinture sacrée et qui est utilisé toujours beaucoup au Japon en la Kurushi. Alors bon, très souvent on me dit, oh là là, le cinabre, attention toxique. Alors effectivement, on est très précautionneux à utiliser le cinabre. Il s'agit de ne pas le respirer ou l'ingérer. Mais à partir du moment où il est dans une colle ou un vernis, il devient inoffensif. C'est très puissant, ce rouge-là.

  • Speaker #2

    Tu as dit que tu... utilisait des rubis pulvérisés dans des fleurs ? Parce que jusqu'à présent, tu nous as parlé de pierres ornementales, de pierres fines. Est-ce que, par exemple, tu pulvérises des amethystes ?

  • Speaker #0

    Ça m'est arrivé dans le cadre de la collecte des minéraux sur le territoire français que j'ai fait dans une résidence artistique avec le Fonds de dotation Vérecia. Pour le coup, il s'agissait d'aller vraiment à la rencontre des ressources locales en France. Qu'est-ce qu'on a, nous, comme... couleurs sous nos pieds parce que jusque-là, je les achetais au Japon ou à des géologues français ou j'avais récupéré des stocks de géologues et j'étais quand même très curieuse de savoir, mais en fait, qu'est-ce qu'on a, nous, sous nos pieds ? Qu'est-ce qu'il y a comme couleur ? Donc, j'ai proposé ce sujet au fond de dotation Véreka quand je les ai rencontrés. Ils m'ont dit go, ils étaient super curieux, eux aussi. Donc, j'ai commencé par aller me renseigner sur les mines françaises, les anciennes mines françaises. donc au musée de minéralogie de l'école des mines auprès d'Éloïse Gayou. On a constaté qu'il reste très peu de mines en France. C'était quand même un peu complexe d'aller trouver aujourd'hui une étendue de minéraux de couleur. Et en fait, c'est grâce aux associations de géologues et de minéralogistes sur chaque département ou région que j'ai pu avancer dans ma recherche. Ils m'ont beaucoup aidée en m'indiquant qu'elles étaient... Les anciennes milles, les gisements, les endroits où on pouvait ramasser de façon tout à fait tranquille. Et ils m'ont même accompagnée sur les lieux parfois. Donc c'est vraiment grâce à ces passionnés de minéralogie que j'ai pu mener cette recherche. Et qui n'est pas exhaustive, ça continue parce qu'on continue de m'envoyer ou de me faire part d'endroits où il y aurait des pierres un peu différentes. Voilà. Après ces mois de recherche et de collecte, il y a un moment où il fallait s'arrêter. Et à ce moment-là, il y en avait plus d'une quarantaine qui avaient des couleurs vraiment intéressantes.

  • Speaker #2

    En France, tu as trouvé 40 nuances, non pas de grès, mais de couleurs de minéraux en poudre. Alors, est-ce que tu as été voir les saphirs chez nous ou pas ?

  • Speaker #0

    Non, j'ignorais qu'il y avait la réouverture de ces mines à ce moment-là. Et de toute façon... J'avais eu le stock de ce géologue qui avait broyé pas mal de pierres tout à fait étonnantes, dont le saphir. Donc je savais que le saphir, finalement, c'était pas loin d'un quartz. Ça donne quelque chose d'assez transparent, qui n'a pas un grand intérêt en termes de couleur. C'est plus en symbolique. Moi, je sais qu'au tout début, où j'ai commencé à peindre avec les mineurs broyés, je faisais de l'art sacré bouddhique. Je faisais les yeux d'Amitaba avec du saphir. Ça me faisait plaisir, mais ce n'était pas tellement pour la couleur.

  • Speaker #2

    Et donc l'émeraude, tu as essayé ?

  • Speaker #0

    Non, je n'ai jamais eu d'émeraude.

  • Speaker #2

    Et le diamant, du coup, qui est déjà transparent, ça n'aura aucun intérêt pour le coup ?

  • Speaker #0

    Oui, après, c'est plus la symbolique et la façon de travailler les grains qui pourraient être très belles dans la transparence et tout. Mais là, on imagine le budget.

  • Speaker #2

    Donc, nos pierres fines, en fait, pour ta peinture, pour ta technique, ce n'est pas intéressant, ça reste trop clair. Donc déjà, il vaut mieux que tu utilises les pierres dures, les pierres en aimantale.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est vrai que les pierres dures vont avoir une intensité colorée dans la matière qui est plus intéressante s'il va rester quelque chose au broyage.

  • Speaker #2

    Et donc en fait, avec le fond de dotation Veracchia, en tant que résidence d'artiste, toi tu as fait l'itinéraire.

  • Speaker #0

    Oui, puisque le sujet, c'était la collecte des minéraux sur tout le territoire. Il fallait que je me déplace. Donc, c'était itinérant. Et donc,

  • Speaker #2

    ça a duré un an ?

  • Speaker #0

    Un peu moins, plutôt neuf mois avec l'étude. L'étude a été longue. Prendre les contacts, tout ça, c'était long. Et puis après, lister tous les minéraux que je pouvais trouver. quel était leur intérêt chromatique par rapport à la trace, leur trace, c'est-à-dire quand on raye une céramique avec le minéral, ça laisse une couleur et c'est ça qui va donner une indication sur la couleur qu'on peut avoir quand il est broyé. Donc en fait, il y a certaines pierres qui sont de couleur, mais qui sont dans la trace et restent blanches ou grises. Donc bon, il y avait une grosse recherche sur tous les minéraux en France et j'ai dû illuminer au moins les trois quarts, voire... peut-être plus des pierres parce qu'on était sur des gris et des blancs. Ça n'avait pas beaucoup d'intérêt. Après aussi, toutes les pierres calcaires. Je n'avais pas vocation à faire un camailleu de ton pierre, même si c'est super intéressant en soi. J'étais surtout curieuse de voir ce qu'on avait comme réelle couleur un peu plus intense.

  • Speaker #2

    Et alors, pour arriver à les broyer, tu t'es adressée à qui ?

  • Speaker #0

    J'ai eu la chance de faire un partenariat avec l'Institut des sciences de la terre de Sorbonne Université. Donc avec l'enseignant-chercheur Erwan Martin, et c'est Héloïse Gayot qui nous avait présenté. Et Erwan était à peu près aussi curieux que moi de découvrir ces couleurs des minéraux. Donc on a travaillé tous les deux au labo de l'Institut des sciences de la Terre pour pouvoir concasser, broyer et tamiser chaque minéral. Donc je prenais des roches massives, c'est-à-dire des roches... pure pour que chaque minéraux, on sache quel est le minéral qui était représenté ensuite en poudre. Et puis, déjà Erwan validait l'appellation de la pierre en fonction des différentes propriétés, tout ça. Et puis après, c'était assez physique, le concassage est très rigoureux et long, la phase de broyage et de tamisage. Et là, très intéressant de découvrir Pour chaque pierre, quelle granulométrie a un intérêt esthétique ? Parce qu'en fait, certaines pierres en poudre talc deviennent inintéressantes, alors qu'entre 63 et 250 microns, elles ont tout d'un coup une brillance, une couleur un peu différente. Et dans des granulométries plus hautes, entre 250 et 500 microns, là, elles ont des qualités de réflexion de la lumière super importantes. Et parfois, c'est l'inverse. très brillante, très fine et elle reste un peu plate en grosse granulométrie. Donc ça, c'était vraiment la partie hyper intéressante pour moi de savoir, bon, celle-là, je ne la mettrai plus jamais en moins de 63 microns, ça n'a pas d'intérêt. Je préfère la garder en telle granulométrie ou telle granulométrie.

  • Speaker #2

    Ce travail, avec le fond d'autodidaction Veracat, tu l'as exposé au musée de minéralogie et tu avais choisi de mettre deux œuvres. Est-ce que tu peux nous en parler de ces deux œuvres ?

  • Speaker #0

    Oui, alors dans un premier temps, à l'issue de la collecte et de tout le travail de broyage, on a d'abord fait une exposition à la collection de minéraux de Sorbonne Université, à Jussieu, qui a duré neuf mois, qu'on a appelée « Infraterre, incursion chromatique » . Et là, en fait, l'exposition avec le Fonds de dotation Véreka, qui est une exposition collective qui regroupe une douzaine d'artistes qui ont fait cette résidence qu'ils appellent « Bourse matière » avec le Fonds de dotation Véreka. viennent exposer au musée de minéralogie de l'École des Mines les différents aspects de recherche artistique autour de la pierre. Très variées, étonnantes et passionnantes. Donc moi, je fais partie de l'exposition avec la collecte des minéraux et ces nuanciers que j'ai pu mettre à jour. Et j'y présente beaucoup des œuvres qui sont réalisées avec ma technique. Il y a une première qui s'appelle « Respiration rouge » . C'était vraiment un travail sur la... l'équilibre entre le carmin, le vermillon, dans l'intensité de ces couleurs-là, comment je suis venue les adoucir et en même temps leur donner de la profondeur avec des tons un peu bruyères, des mauves profonds. C'est un travail que j'avais réalisé en automne à mon atelier qui est dans le Vercors. Et c'était vraiment ce que j'avais sous les yeux. J'avais des rouges hyper intenses dans certains feuillages d'arbres et tout le haut de la montagne qui sont des hêtres. devenait mauve, violée. Ça m'avait tellement marquée dans l'œil que je voulais restituer cette intensité des rouges. Et la deuxième, c'est quelque chose de beaucoup plus doux, qui tend aussi à sortir de la ligne et qui va de la ligne au nuageux, qui fait un envol entre les deux, où la ligne semble comme une vague se dissoudre en brume. Donc ça me permet de travailler les deux graphismes en transition. Les tombes sont réalisées avec un peu d'azurite, pas mal de jade, de lacerte. Donc, c'est des bleus verts très doux, rehaussés avec des micas, des blancs de calcite.

  • Speaker #1

    Et donc, avant d'avoir envie de pulvériser des gemmes et des minéraux pour en faire de la peinture, qu'est-ce que tu faisais ?

  • Speaker #0

    J'étais peintre-décorateur, j'étais déjà dans la couleur, le grand format, en fait, la couleur sur les murs, je faisais des fresques. Un travail de création avec l'architecture du lieu et le client, ses émotions, ses désirs. La question c'était quelle atmosphère on va donner à cette pièce ? Qu'est-ce que ça va venir faire surgir comme émotion en fonction des nuances qu'on peut y mettre ? Je trouvais ça passionnant.

  • Speaker #1

    Tu as fait quelle école pour ça ?

  • Speaker #0

    En fait, le parcours n'a pas été si simple que ça parce qu'enfant, je peignais. Je dessinais tout le temps. C'est vrai que quand on me posait la question, qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grande ? Je veux dessiner. Et puis, en fait, je n'ai pas été poussée du tout là-dedans par le milieu familial parce que ça faisait peur. Donc, j'ai fini par faire des études de gestion un peu sans grande motivation. Et j'ai attendu d'être indépendante financièrement pour reprendre une formation professionnelle de peintre-décorateur, en fait. Parce que ce qui m'intéressait, c'était à la fois l'architecture d'intérieur. et la peinture parce que je peignais sur tout mon temps libre. Et entre les deux, quand j'ai découvert ce métier, je me suis dit « Ah non, mais c'est ça ! »

  • Speaker #1

    Donc en fait, tout ça, ça t'a demandé beaucoup de travail finalement ?

  • Speaker #0

    Oui, pas mal. Moi, j'étais en Charente et à Bordeaux et c'est vrai qu'on ne fait pas beaucoup appel aux peintres décorateurs à part à l'Opéra de Bordeaux et en décoration sur quelques grands vignobles. Mais pour le coup, ce n'était pas un métier qui était très connu. J'ai réussi à trouver un financement. à faire la formation professionnelle sur une année scolaire entière, qui était une grosse année parce que vraiment, on y était de 9h du matin à minuit tous les soirs, parce que c'était vraiment un apprentissage des techniques de la transparence.

  • Speaker #1

    Après ça, la première commande, celle qui t'a permis de te dire « ça y est, je suis devenue peintre d'air correcteur » , tu t'en souviens ?

  • Speaker #0

    Oui, je me suis mis à mon compte à Bordeaux et j'ai eu une commande d'un château viticole. Sur le bâti, j'ai fini des décorations sur toutes les portes des chambres. Il y en avait une dizaine, recto verso. Et dans un hall, un espace de passage avec deux grandes fresques qui étaient des panoramiques. C'était vraiment très décoratif et ornemental. Pour le coup, les cinq années que j'ai passées à Bordeaux, j'ai fait beaucoup de trompe-l'œil, de grappes de raisins. de bouteilles de vin et des perspectives de vignobles. Ça, c'était quand même le sujet obligatoire. Heureusement, en fait, je partageais mon atelier avec un designer qui avait un tout autre regard sur la ligne et qui m'a formée, en fait. C'est lui qui m'a formée l'œil. Et on a travaillé ensuite ensemble sur des projets. Petit à petit, je suis passée de l'ornementation à l'abstraction de la ligne colorée.

  • Speaker #1

    Cette abstraction, c'est une progression strata technique. classiques de décoration et de peinture. Et est-ce que ça a été une révolution ou ça a été une évolution, un petit peu à la fois, jusqu'à arriver à prendre des gemmes et en faire de la peinture ?

  • Speaker #0

    Ça a vraiment été une évolution. Au début, moi, j'étais très curieuse de faire des expériences. Je voulais vraiment faire l'expérience de la matière, donc je ne faisais jamais deux chantiers identiques quand je faisais des expériences de matière. Et ensuite, c'est vraiment en étudiant la médecine traditionnelle chinoise et tout le rapport au geste et à la respiration et l'étude des grands textes sacrés qui m'a amenée à comprendre petit à petit qu'est-ce que je cherchais moi personnellement dans la représentation, dans le partage artistique et dans mon esprit que j'avais besoin de passer par telle ou telle étape d'expérimentation de la matière. pour arriver à un geste qui était pur. Passer par l'art sacré, ça a été la plus grande expérience artistique parce que dans la représentation, on vient se connecter au divin qui est véhiculé par un personnage. Les bodhisattvas ou les bouddhas, c'est une qualité de l'être que tout le monde a et qui est personnifiée. Et dans cette concentration qu'on a de la représenter, et dans l'idée aussi qui vient vraiment de la peinture chinoise qu'on va déposer le souffle et la présence de cette divinité sur le papier. Donc il y avait tout un travail antérieur de transparence de soi pour laisser les choses se faire, des nécessités d'un lâcher prise avec le pinceau où on vient se mettre au service de cette représentation-là. Mais à un moment, c'est vraiment quelque chose qui nous dépasse. et qui vient prendre la place. Et ça, c'est des expériences artistiques. Moi, c'est la plus intense que j'ai pu connaître. C'était magique. J'étais spécialiste de Guanine, le Bodhisattva de la compassion. J'ai adoré peindre Guanine en différentes couleurs. C'était un contact très direct, très riche et très enseignant.

  • Speaker #1

    Est-ce que maintenant, tu penses que tu es à ton apogée ou est-ce que tu vas continuer ? comme ça, à évoluer et vers quoi tu voudrais aller ?

  • Speaker #0

    Je pense que je vais continuer à évoluer. Justement, c'est vraiment une question en ce moment. J'ai passé sept ans sur la ligne. Je sens qu'il y a quelque chose qui bouge depuis un moment. Donc, ça part dans différentes explorations qui sont liées à la matière, notamment la surtextile. Mais il y a d'autres idées avec le verre, avec le métal, avec différents supports. port et l'idée du volume aussi. Donc, j'ai besoin toujours de passer par la matière, de voir, de faire l'expérience du geste parce que c'est toujours important qu'il y ait une cohérence entre le fond, la forme et la façon dont je lis les deux. Donc, ça passe vraiment par l'atelier.

  • Speaker #1

    Et maintenant, qu'est-ce que tu voudrais qu'on te souhaite ?

  • Speaker #0

    Qu'on me souhaite toujours réaliser les grands panneaux immersifs. Ça me réjouit, ces commandes de... de grands panneaux et de fresques. Il y a quelque chose de très magnifique à l'atelier, parce que c'est une plongée dans la couleur que j'adore. Et puis parallèlement, je fais aussi des tableaux qui sont plus mes études personnelles sur des couleurs que je propose en galerie et qui vont être exposées bientôt d'ailleurs à Art Basel Miami. Et je me souhaite du succès !

  • Speaker #1

    Eh bien, on te le souhaite aussi ! Alors la dernière question, qui est la question gimmick. Quel conseil tu donnerais à une jeune femme qui voudrait marcher sur tes traces aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Je lui donnerais le conseil de toujours suivre son plaisir. Son plaisir au travail comme premier et essentiel moteur de décision. On est tellement sollicité aujourd'hui par l'environnement extérieur, les obligations, le marché, tout ça. Et finalement, le constat, c'est que quand on est... aligné avec son désir profond, les choses sont tellement plus simples. Et de ne pas se perdre, quoi. De rester toujours connecté à ça, parce que c'est facile de se laisser embarquer, surtout quand on travaille sur commande, en fait.

  • Speaker #1

    Eh bien, écoute, Caroline, je te remercie. Et au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir, Anne.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté, Brian. Je suis Anne Desmarais de Jotan et je donne une voix aux bijoux chaque dimanche. Et si vous aussi vous avez envie de faire parler vos bijoux et votre maison, je serai ravie de vous accompagner pour réaliser votre podcast de marque ou vous accueillir en partenaire dans mes podcasts natifs. Je vous donne rendez-vous le mois prochain sur ce podcast brillante et en attendant, sur le podcast Le Bijou comme un bisou, en alternance avec le podcast Il était une fois le bijou. Faites-moi plaisir, soutenez le podcast en mettant des avis, des étoiles sur Spotify ou Apple Podcast. Abonnez-vous et partagez l'épisode sur vos réseaux sociaux. A dimanche prochain et soyez brillants !

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