- Speaker #0
effectivement le comité Colbert a cette raison d'être qui est très importante aujourd'hui, promouvoir passionnément développer durablement transmettre patiemment les savoir-faire et la création française pour insuffler du rêve
- Speaker #1
Les femmes de la joaillerie sont passionnées et cultivées, intelligentes et créatives, bosseuses et imaginatives. Elles sont brillantes. On imagine le monde des bijoux comme un secteur léger et opulent. La réalité est autre. C'est un monde qui exige l'excellence dans tous les domaines, un monde de travail acharné, des artisans d'art aux mains de fées, aux groupes internationaux, à la puissance. supranationales. Le monde des bijoux, c'est aussi une certaine image de la France qui s'impose depuis le XVIIe siècle. Et dans ce monde protéiforme, les femmes ont dû se sortir une place. Et elles ont réussi parce qu'elles sont brillantes. Dans ce podcast brillante, je vous fais découvrir, non pas l'envers du décor, mais la réalité du monde joaillier ou féminin en interieuvant. les femmes de la joaillerie. A chaque fois, je leur demande un conseil pour une jeune femme qui serait tentée par ce monde où le scintillement de vitrines cache l'exigence du travail et de l'investissement personnel pour que la prochaine génération se prépare ainsi à devenir brillante.
- Speaker #2
Aujourd'hui, je suis avec une femme brillante, Bénédicte Epinet.
- Speaker #1
Ce n'est pas seulement une femme de la joaillerie,
- Speaker #2
mais la femme qui incarne le luxe, puisque c'est la CEO du Comité Colbert. Bonjour Bénédicte.
- Speaker #0
Bonjour Anne.
- Speaker #2
La question que je pose à tout le monde, quel est votre plus joli souvenir de bijoux ?
- Speaker #0
Alors mon plus joli souvenir de bijoux, je pense que c'est la bague que mon mari m'a offerte pour la naissance de mon fils, qui était une très jolie bague Chanel avec des perles, et qu'évidemment je porte toujours.
- Speaker #2
Vous êtes la CEO du Comité Colbert. Alors, racontez-nous cette institution qui rassemble le luxe à la française au niveau international. C'est bien sa mission, non ?
- Speaker #0
Alors, effectivement, le Comité Colbert a été créé en 1954 à l'initiative du parfumeur Jean-Jacques Guerlin. On est quelques années après la fin de la Deuxième Guerre mondiale et se posent très crûment plusieurs questions. La première, c'est de trouver une nouvelle génération d'artisans parce que malheureusement, beaucoup d'entre eux sont morts au combat. Et la deuxième mission, c'est de réouvrir les marchés à l'export. Évidemment, le commerce mondial s'est arrêté pendant la guerre. Et donc, les grandes maisons de luxe ont perdu leurs marchés à l'export et se posent la question de réouvrir ces marchés. Et Jean-Jacques Guerlain a cette idée tout à fait géniale à l'époque de dire « Mais moi, tout seul, je ne vais pas réussir à réouvrir ces marchés. On serait bien plus fort si on était plusieurs à le faire. » Et donc, il était à l'époque le président de la Fédération des entreprises de beauté. Il appelle son confrère le président de la Fédération de la Couture, qui s'appelle Lucien Lelon, qui était un grand couturier à l'époque. Lui partage cette idée. Lucien Lelon lui dit mais oui, mais il faut créer cette association. Et donc voilà, ainsi est né le comité Colbert, 15 membres fondateurs. Les grandes maisons déjà sont là. Christian Dior, mais qui est une toute petite maison, qui a été créée quelques années plus tôt. Hermès est déjà là. Cartier est déjà là. Chômay est là. Les grandes maisons d'art de la table... tels que Baccarat, Christophe, le Puy-Forca. Un grand hôtel déjà, ce qui était très précurseur dans cette vision d'un luxe transversal. Le Bristol est là déjà et ainsi est né le comité Colbert. Pourquoi Colbert ? Parce que Colbert, qui fut le ministre des Finances de Louis XIV, a été celui qui a eu cette idée de spécialiser le royaume de France. Donc on est au XVIIe siècle, Louis XIV est le roi de France. La France est à l'époque un royaume très peuplé, le plus peuplé en Europe, mais aussi le plus pauvre. Et le roi se désole de voir toute sa cour acheter ses bijoux, ses draps de soie, tout ce qui fait le charme de la cour, on se désole de les voir acheter à l'étranger. Et Colbert a cette idée géniale de dire, eh bien, qu'à cela ne tienne, on va spécialiser le royaume de France en produits de très haute qualité. Évidemment, on ne parle pas de luxe à l'époque, ce mot n'existe pas dans le vocabulaire. Et donc quand Jean-Jacques Guerlinge revient en 1954, quand se pose la question de la création de cette association, le nom de Colbert vient immédiatement à l'esprit parce que clairement, le luxe français est né à cette époque avec la création des grandes manufactures royales qui ont été l'en déclencheur de cette spécialisation du Royaume de France en produits de très haute qualité.
- Speaker #2
Est-ce que vous avez une idée de pourquoi il aurait choisi le statut d'association ? Parce que chacun venait d'une fédération, de son métier, et est-ce qu'on ne pouvait pas imaginer une fédération, puisque c'était transversal, ou est-ce que c'était mieux une association ? Pourquoi ?
- Speaker #0
Alors je pense que c'était tout simplement plus simple à l'époque de créer une association loi 1920. Le but, vous savez que les fédérations, elles représentent un secteur, elles s'occupent de... gérer notamment les salaires, les grilles des salaires, tout un tas de choses sur lesquelles il ne souhaitait pas que le comité Colbert joue ce Ausha, puisque les fédérations le jouaient. Donc c'était vraiment une couche supplémentaire, si je puis dire, transversale, avec deux missions principales, qui étaient la préservation des métiers d'art par le recrutement d'une nouvelle génération d'artisans, et la promotion... collectif de ce secteur à l'étranger, avec pour objectif de réouvrir les marchés à l'export. Mais à l'époque, il n'y avait pas du tout cette idée de on va parler salaire, on va parler lobbying, tout ça n'entrait pas en ligne de compte. Aujourd'hui, c'est le cas, mais ça n'était pas le cas à l'époque. Donc, effectivement, c'était bien plus simple, pour revenir à votre question, de créer une association loi 1901.
- Speaker #2
Par rapport aux gens du début, est-ce que les secteurs... secteurs se sont enrichis un petit peu à la fois. Parce que j'ai noté qu'aujourd'hui, les secteurs, il y en avait quand même beaucoup. Il y avait l'automobile, le cristal, curé maroquinerie, design création, édition, faïence porcelaine, gastronomie, haute couture et mode, joaillerie et horlogerie, musique. Donc je pense qu'au début, tout le monde n'était pas là.
- Speaker #0
Non, tout le monde n'était pas là. Au début, on avait clairement la mode, l'art de la table, la joaillerie et l'hôtellerie. Avec certains membres fondateurs qui ont d'ailleurs disparu parce que la vie a fait que... Ces entreprises ont disparu. Je pense à une très grande marque de design et de décoration française qui s'appelait Janssen, qui a été une très grande marque et qui a malheureusement disparu. Mais voilà, donc de 4-5 secteurs, nous sommes aujourd'hui 14 secteurs d'activité, et donc avec une vraie vision transversale des enjeux de cette industrie. Oui, le scope s'est élargi dramatiquement au cours des années.
- Speaker #2
Et cette notion de luxe, est-ce qu'elle apparaît tout de suite ou est-ce qu'elle apparaît... Après,
- Speaker #0
elle apparaît tout de suite. Elle est déjà très présente dans les statuts. Dès le départ, n'entre au comité Colbert que les entreprises du luxe français. Et aujourd'hui, c'est un mot auquel on est personnellement, enfin, je suis et l'association est très attachée parce que, pour vous donner un exemple, au plan européen, vous savez que c'est le secteur du luxe a cette particularité que n'a pas d'autres secteurs de pouvoir choisir. les magasins dans lesquels elle vend ses produits. Donc nous avons une exception, pas une exception culturelle, mais presque une exception au plan européen, qui s'appelle la distribution sélective, qui est une législation qui est née en réponse au développement dans les années 70-80 des supermarchés, des hypermarchés, qui se sont dit un jour, mais pourquoi on ne vendrait pas des produits de luxe ? Et là, le secteur s'est rassemblé, a dit, mais non, en fait, nous, on veut pouvoir. choisir les magasins dans lesquels on veut vendre nos produits et certainement pas les hypermarchés. Et donc à partir de ce moment-là est née cette régulation, cette législation de la distribution sélective qui n'est attribuée qu'aux marques de luxe. Donc c'est là où j'en viens à l'importance de ce mot « luxe » parce qu'il est inscrit dans le droit. Nous, on y est très très attachés. On n'est ni premium, ni haut de gamme, on est luxe.
- Speaker #2
Il y a donc un certain nombre de membres, on l'a vu. 96 maisons de luxe, 18 institutions culturelles, vous y venez beaucoup,
- Speaker #0
je crois. Absolument.
- Speaker #2
Six membres européens, et donc en joaillerie, il y a Zolotas, et puis un membre honoraire. Comment on devient membre ? Parce que évidemment, on sait tous que Messika vient de rentrer. Donc, comment ça se passe ? En tout cas, il y a plusieurs personnes du même secteur. C'est pas comme au Rotary où il faut un membre de chaque métier. Donc, il y a plusieurs membres. Comment on devient membre ? Comment on ouvre un groupe ? Puisqu'au début, il n'y avait pas la musique. par exemple. Est-ce que vous pouvez nous expliquer tout ça ?
- Speaker #0
Alors, c'est un processus assez long quand une entreprise candidate pour entrer au comité Colbert. Donc d'abord, il y a une manifestation d'intérêt d'une entreprise qui nous écrit en disant, voilà, je me reconnais dans les valeurs du comité Colbert. Est-ce que vous pourriez réfléchir à considérer une candidature ? Donc c'est la première étape.
- Speaker #2
Il n'y a pas de cooptation, c'est pas ça ?
- Speaker #0
Ah non, du tout. Ensuite, il y a une cooptation en interne. Mais donc, la première étape, c'est cette manifestation d'intérêt. que nous analysons en commission. Nous avons une commission des nouveaux membres qui est présidée par Guillaume Dessenne, qui est directeur général d'Hermès, et siège à cette commission un certain nombre de présidents. Et la manifestation d'intérêt peut s'arrêter là. Si cette commission juge que la maison ne peut pas entrer pour diverses raisons, la candidature peut s'arrêter là. Si la commission juge que cette maison est digne d'intérêt d'entrer au comité Colbert, nous le faisons savoir à cette maison qui passe ensuite en mode candidate. Donc le mode candidat, ça passe par une lettre de candidature, une lettre de motivation qui est nourrie. C'est une première étape importante pour l'entreprise parce qu'il faut que cette lettre... elles contiennent un certain nombre d'arguments, qu'on y sente la motivation de la maison, ses valeurs, à entrer au comité Colbert. Et ensuite, il y a un premier grand oral du président ou de la présidente de cette maison, devant cette commission, et ça peut à nouveau s'arrêter là. C'est-à-dire que si on considère qu'au terme de cet oral, la maison qui nous semblait remplir un certain nombre de critères, finalement ne les remplit pas, à nouveau pour un certain nombre de raisons, eh bien ça peut s'arrêter là. Si la commission dit « eh bien oui, vraiment, on a beaucoup apprécié vous écouter, vous avez répondu à des questions de manière tout à fait satisfaisante » , eh bien ensuite, il y a un deuxième grand oral qui se passe devant le conseil d'administration. Donc là, ce n'est plus seulement la commission éthique et nouveaux membres, qui est une commission où on est sept ou huit membres seulement. Mais là, c'est le conseil d'administration, donc 27 présidents. qui siège. Donc le grand oral est plus impressionnant pour le président ou la présidente qui fait ce grand oral. J'ai oublié de dire que le candidat, et c'est important, une maison candidate doit avoir, vous l'avez d'ailleurs dit en introduction, deux parrains. Donc ce n'est pas un système de cooptation, mais deux parrains. Un parrain dans son industrie. Par exemple, le parrain sans trahir de secret de Valérie Messica, c'était Nicolas Boss, qui est le directeur général de Richemont, ancien président de Van Cleef & Arpels. Donc c'est important parce que ça veut dire que cette maison candidate dans ce secteur qui est celui de la joaillerie, elle est adoubée par un concurrent, tout simplement. Nous ne voulons pas faire entrer une maison qui dans son secteur serait un peu le mouton noir du secteur, par exemple. Donc ça, pour nous, c'est très important d'avoir ce parrainage d'une maison concurrente. Et puis, il faut aussi le parrainage d'une autre maison qui n'est pas dans son secteur, mais qui prouve... que par ses arguments, par ses valeurs, elle a su convaincre une autre maison. Le candidat passe ce grand oral devant le conseil d'administration, ça peut à nouveau s'arrêter là. Si le conseil qui vote considère à nouveau pour tout un tas de raisons que la candidateur finalement ne remplit pas tout un tas de critères qui semblent importants aux membres du conseil d'administration, ça peut s'arrêter là, fort heureusement. Ça n'est quand même pas souvent le cas, je rassure ceux qui nous écoutent. Et ensuite, il y a un autre vote à l'Assemblée Générale. Donc là, le président ou la présidente de cette maison n'est pas présente. Ce sont les parrains qui prennent le relais et qui présentent et défendent la candidature qu'ils ont choisi de parrainer. D'où l'importance de bien choisir ses parrains. Et ensuite, il y a un vote de l'Assemblée Générale. Et 75% des présidents de maisons présentes doivent voter favorablement pour que la maison... soit intégré au comité Colbert. Donc vous voyez, c'est un petit parcours du combattant qui s'étend généralement sur une année, parfois plus. Ça nous assure finalement que la maison qui candidate le fait à la fois sérieusement, on vérifie la motivation aussi. Parce que si vous n'êtes pas motivé, vous vous arrêtez en milieu de parcours en fait. Parce que rien ne serait pire que d'une maison, c'est ça qu'on veut absolument éviter, une maison qui cherche le tampon comité Colbert. qui est un tampon important, on le sait, pour une maison. Entrer au comité Colbert, c'est important. Et Valérie Messica, qui effectivement, à la dernière entrée, a été à la fois très émue de cette entrée au comité Colbert. Elle l'a beaucoup relayée en termes de communication. On a vu, on a compris, on a été touchés de l'importance qu'elle mettait à son entrée au comité Colbert. Mais nous, on ne cherche pas les entreprises qui ne courent qu'après le tampon. On veut ensuite des entreprises qui s'engagent dans nos actions. Donc voilà pourquoi c'est complexe d'entrer au comité Colbert.
- Speaker #2
Du coup, si je comprends bien, il ne suffit pas d'avoir un bon chiffre d'affaires. D'abord, il faut faire partie du luxe, d'accord. Il faut quand même représenter quelque chose à l'international, puisqu'on va aller représenter le luxe à l'international. Mais après, il y a une démonstration, quand vous dites de valeur aussi, de management, de savoir-faire, de patrimoine. artistiques et culturelles, de gestes de la main confirmés, etc.
- Speaker #0
Alors, c'est effectivement, vous l'avez bien résumé, un mélange de tout ça. Et j'ai presque envie de vous dire, le chiffre d'affaires, on s'en moque, en fait. Ce qui nous importe, parce qu'on a des toutes petites maisons, y compris en joaillerie, ce qui nous importe, c'est plutôt le rayonnement de cette maison à l'étranger. Parce qu'effectivement, quand on fait des opérations, nous, de rayonnement collectif à l'étranger, c'est important de savoir que nos maisons rayonnent déjà individuellement et que le rayonnement collectif, finalement, n'est qu'une concrétisation d'un rayonnement déjà individuel. Plus que le chiffre d'affaires, c'est le rayonnement, les savoir-faire, l'engagement, l'histoire, les archives, le développement durable, tout un tas de valeurs qui, nous, nous sont très chères.
- Speaker #2
Et comme les parents, on ne les a pas au début, en fait. Comment ça se passe ? C'est la personne choisie elle-même ses parrains ou c'est des gens qui se disent « moi je veux être le parrain » .
- Speaker #0
Alors parfois la maison arrive avec déjà une idée de ses parrains. On va dire que c'est dans 80% des cas parce que c'est un secteur où se crée beaucoup d'amitié. Tous ces présidents se fréquentent beaucoup dans d'autres institutions, dans d'autres fédérations. Donc voilà, ils se connaissent tous. C'est quand même un petit monde. Donc parfois ils arrivent avec des idées de parrains. parfois pas, et à ce moment-là, en discutant avec eux, on les oriente. Et puis ensuite, on interroge des présidents de maison. Voilà, nous avons cette candidature. Est-ce que tu souhaiterais être parrain de cette maison ? Et donc, il y a une rencontre qui se fait. Voilà, on fait tout ça très sérieusement.
- Speaker #2
Il faut vraiment que tout le monde s'entende.
- Speaker #0
Oui, ça, ça nous est vraiment très important parce qu'en fait, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que moi, je ne mets que des concurrents autour d'une table. Donc, s'il n'y a pas un bon climat, ça ne peut pas marcher. Alors, ce qu'il faut comprendre aussi, c'est qu'on est une association qui, depuis, avons été reconnues d'intérêt général. C'est important, mais c'est important aussi de comprendre que ce statut nous oblige, et par exemple, il nous oblige à ne pas évoquer jamais de sujets de business au sein de nos réunions. C'est-à-dire que tout ce qui est sujet à compétition entre eux, eh bien, en fait, nous, nous n'en parlons pas dans nos réunions. On se concentre sur les sujets d'intérêt général. Donc, c'est des sujets... de patrimoine, ça peut être des sujets de préservation des métiers d'art, donc de ressources humaines. Ce sont des sujets de rayonnement collectif de cette industrie et je dis bien collectif parce que souvent je suis interpellée par des étudiants, je parle beaucoup dans les grandes écoles de management, de communication sur le luxe, et souvent je suis interrogée par des étudiants qui me disent mais en fait on ne comprend pas bien en quoi le comité Colbert est utile à Hermès ou est utile de... à Vuitton ou à Chanel pour rayonner à l'étranger. Je dis mais vous avez tout à fait raison, le comité Colbert n'est absolument pas utile à tous les noms que vous avez cités pour rayonner à l'étranger. En revanche, vous aurez remarqué que dans la signature de ces maisons, il y a Paris et moi je viens nourrir la signature de Paris. C'est-à-dire que ni Vuitton, ni Chanel, ni Hermès, ni Dior, ni aucune de ces maisons ne peut prétendre toute seule, représenter, incarner. le luxe à la française. Elle n'en est qu'un morceau, parfois important, mais elle n'en est qu'un morceau. Et c'est ce qui d'ailleurs souvent interpelle nos concurrents étrangers, nos gouvernements et les gouvernements étrangers qui nous visitent ou que nous visitons, c'est l'extrême humilité de toutes ces marques qui, sur des événements de rayonnement à l'étranger, décident d'être ensemble pour représenter ce collectif du luxe et de l'art de vivre français. Voilà. Aucune d'entre elles ne peut, encore une fois, revendiquer, le représenter tout seul. Elles sont toutes un morceau constitutif de quelque chose qui est plus grand qu'elles, qui les dépasse, qui est cette histoire collective que nous représentons tous. Et ça, c'est très important de le comprendre.
- Speaker #2
Comment les membres européens arrivent là-dedans ? Parce que eux, ce n'est pas les membres à la française.
- Speaker #0
Non, alors les membres européens sont arrivés à un moment important de l'histoire du comité Colbert quand... nous avons commencé à faire de l'influence à Bruxelles. Je vous l'ai dit, au gré de l'histoire du comité Colbert, notre rôle a évolué et nous sommes devenus, à l'échelon politique, le représentant de cette industrie. Donc, on nous consulte. Quand on a besoin de rentrer en communication avec les entreprises françaises du luxe, eh bien, c'est le comité Colbert que l'on appelle. Et ça, c'est une bonne chose. Et à l'échelon européen, nous avons commencé à nous... préoccuper de notre représentativité à Bruxelles. Et donc nous avons créé une supra-association européenne des associations locales du luxe qui s'appelle ECIA, ça veut dire European Creative Cultural Industry Alliance. Et cette association européenne regroupe toutes les associations nationales du luxe, dont le comité Colbert, puisque nous sommes le fondateur de cette association européenne. mais également les Anglais de The World Poll, les Allemands du Meisterkrasht, les Italiens de Altagama, les Espagnols du Circulo Fortuny, les Portugais de L'Orel, les Suédois du Gustav III Committee. Et nous avons à cette occasion-là, nous, le comité Colbert, accepté d'accueillir quelques membres de pays européens qui n'avaient pas la chance dans leur... pays respectifs, d'avoir une association représentative du luxe. C'est comme ça que nous avons accueilli le grec Zolotas ou le maréconier belge Delvaux, etc. Donc nous avons effectivement six membres européens qui jouent un rôle non pas dans nos actions françaises, mais dans nos actions à Bruxelles. Donc voilà.
- Speaker #2
Alors je sais qu'il y a quelque chose qui vous tient très à cœur, c'est l'aspect culturel. C'est-à-dire que le luxe pour vous, c'est l'art et la culture aussi. Oui. Et donc il y a 18 institutions culturelles au sein du comité Colbert.
- Speaker #0
Absolument. Alors ça, ça remonte au début des années 80, où nos maisons ont commencé à se préoccuper. Alors je pense que la première, ça devait être la fondation Cartier, avec la création de la fondation Cartier. où la culture a commencé à faire son entrée. Alors ça nous paraît une évidence aujourd'hui, parce qu'on parle même d'industrie culturelle et créative. Quand on nous consulte, le gouvernement ne consulte pas l'industrie du luxe, il consulte les industries culturelles et créatives. Et même à l'échelon européen, comme je vous le disais, notre association européenne s'appelle l'Association des industries culturelles et créatives. Donc aujourd'hui ça paraît une évidence, ça a été moins au début des années 80, et nous avons ressenti à l'époque l'utilité... d'accueillir en notre sein des institutions culturelles. Donc, évidemment, le château de Versailles, parce que ça paraît une évidence, puisque comme je vous le disais tout à l'heure, Colbert, Louis XIV, créateur du château de Versailles, qui a été probablement le premier showroom dans l'histoire du luxe français. On venait du monde entier observer ce roi bizarre qui adorait se bijouter, se parfumer, qui portait des habits extravagants, qui, voilà, tout de soi vêtus. Donc le château de Versailles, mais aussi le Louvre, le musée d'Orsay, l'Opéra de Paris, le musée des arts décoratifs, le mobilier national, Sèvres, Manufacture Royale, le mobilier national aussi, ancienne Manufacture Royale. Donc voilà, et c'était très important pour nous de nous rassembler autour d'une raison d'être que moi j'ai voulu poser en prenant mes fonctions en mars 2020. J'ai compris qu'il fallait quand même poser des mots pour rassembler. tout ce petit monde, des maisons de luxe et des institutions culturelles. Et cette raison d'être qui est très importante aujourd'hui, elle est celle-ci, promouvoir passionnément, développer durablement, transmettre patiemment les savoir-faire et la création française pour insuffler du rêve. Et tous les mots ont une importance. La passion, donc cette promotion de cette industrie que nous faisons passionnément à l'étranger, et la passion que mettent nos artisans aussi à travailler. Le développement durable, qui s'est invité dans nos maisons depuis le début des années 2000. Moi, dans les archives du comité Colbert, on a nos premières réunions sur le développement durable dès les années 2000. Évidemment, la transmission, qui ne peut s'effectuer autrement que patiemment. Parce que vous le savez mieux quiconque, ce sont des métiers du temps long. L'apprentissage, il est long. Faire un joaillier dans la haute joaillerie, il faut dix ans. Et on ne peut pas raccourcir cette période. Et puis, on parle de savoir-faire et de création française, parce que tous ces métiers sont des métiers de création. et d'innovation, sinon nos maisons n'auraient pas franchi les années comme elles le franchissent. Et puis au final, on est tous là pour faire rêver les gens. Donc voilà ce qui nous rassemble et dans quelques jours, cette union des maisons de luxe et des institutions culturelles va trouver tout son sens par l'organisation des Journées européennes des métiers d'art, auxquelles nous participons chaque année, avec un événement qui s'appelle Entrée en matière. Donc la matière, c'est le métal, le diamant, le cuir, le textile, etc. Et Et pour la première fois cette année, nous allons être dans le musée d'Orsay, au milieu des œuvres du Més Orsay. Là, on a une concrétisation vraiment très plausible de notre alliance avec les institutions culturelles. Et le mobilier national, qui est à l'origine aussi de cette exposition entrée en matière, sera aussi présent au sein de cette exposition.
- Speaker #2
Alors c'est dommage parce que je crois que le podcast, il va apparaître après. Ah, mais c'est tous les ans.
- Speaker #0
C'est tous les ans, absolument.
- Speaker #2
Je comprends bien ces techniques de transmettre, de garder la culture, etc. Est-ce qu'il y a des sujets comme ça qui sont communs à tous, puisqu'il y a quand même plusieurs secteurs, ou est-ce qu'il y a des sujets qui sont différents, et puis notamment en joaillerie ?
- Speaker #0
Alors, il y a beaucoup de sujets communs, et on se concentre en priorité sur celui-ci, et les ressources humaines en état. Nous, on a fait un petit sondage, je crois que ça devait être en 2022 ou 2023, demandant à nos maisons... parce qu'on sortait du Covid, on a presque oublié aujourd'hui, mais on sortait du Covid. Et moi, je voulais connaître les enjeux de nos maisons. Et donc, on a fait ce petit sondage auprès de nos maisons. Et à ma grande surprise, l'enjeu numéro un, c'était l'enjeu du recrutement. Et donc, on a creusé cette histoire du recrutement. Et j'ai découvert à cette occasion que toutes nos maisons avaient des problématiques de recrutement d'une nouvelle génération d'artisans. Et donc là, on a creusé encore un peu plus ce sujet-là. Et j'ai découvert à cette occasion que... toutes nos maisons ont été confrontées à une problématique de pyramide des âges qui faisait qu'aujourd'hui, dans les ateliers, la moyenne d'âge, elle est supérieure à 55 ans. Et donc, si on ne se préoccupe pas maintenant d'attirer une nouvelle génération d'artisans, on a beaucoup des savoir-faire de nos maisons qui seront en danger. Et donc ça, c'est vraiment transsectoriel. C'est une problématique que l'on voit. partout. Et comme je le disais tout à l'heure, un joaillier, c'est 10 ans, mais un couturier, c'est 10 ans, un brodeur, c'est 10 ans, un maroquinier chez Hermès à faire un kelly, on ne le lance pas tout seul avant 10 ans d'apprentissage. Donc c'est maintenant, et il y a une urgence maintenant. Donc c'est le premier sujet d'intérêt général sur lequel on s'est concentré. Le deuxième sujet, c'est le développement durable, tout simplement parce qu'on vit tous sur la même planète. Et donc si demain la planète est en danger, il n'y a pas de question de compétition. Donc, ce qui était plus complexe sur le développement durable, c'est qu'en revanche, les problématiques des maisons des vins espiriteux ne sont pas les mêmes que les problématiques d'une maison de couture ou que celles d'une maison de joaillerie. Donc, là, c'était plus tricky, pardon, le mot me vient en anglais, de trouver le sujet qui allait les rassembler. Alors, par exemple, cette année, nous avons un sujet qui nous rassemble tous, c'est le stress hydrique. Toutes nos maisons, quelles qu'elles soient, eh bien, il y a l'eau qui rentre quelque part dans le processus. On a décidé de se concentrer sur le stress hydrique pour essayer de réfléchir ensemble à comment nous améliorer sur cette problématique de l'eau dont on le sait qu'elle va nous manquer. Voilà un sujet que l'on partage. Le sujet immense que l'on partage, c'est la lutte contre la contrefaçon. C'est la préservation de la propriété intellectuelle. Tous les jours dans les journaux, vous voyez des articles sur les dupes et sur la contrefaçon, à quel point ce sujet est devenu dramatique et donc qui nous concerne au premier chef. on travaille et à Paris et à Bruxelles sur des règlements d'orientation dont on espère qu'elles vont protéger notre secteur. Et ça, c'est presque un sujet sans fin. On pensait ce sujet réglé. Et puis, les réseaux sociaux n'ont fait qu'amplifier aujourd'hui ce sujet, aujourd'hui dramatique. Donc ça, voilà encore un sujet d'intérêt général qui nous mobilise tous. Le rayonnement collectif de cette industrie à l'étranger. Et un sujet aussi d'intérêt général parce que, alors évidemment, je le disais tout à l'heure, nos grandes maisons rayonnent déjà individuellement. Mais quand on fait, comme on vient de le faire à Shanghai au mois de novembre dernier, un événement de dialogue de savoir-faire entre les artisans de nos maisons et des artisans chinois, c'est un événement de soft power français. Donc on vient, nous, luxe français en Chine, à un moment qui est quand même complexe géopolitiquement. avec la Chine, mais on vient avec un événement culturel pour dire, eh bien, voilà, nous, on vient dialoguer avec vos artisans. On sait que vous avez en Chine une expertise sur tout un tas de métiers. Eh bien, on vient dialoguer, très simplement. Et là, l'intérêt, c'est que nos grandes maisons sont là, mais nos petites maisons sont là et elles sont embarquées dans le mouvement. Donc, c'est aussi une manière de donner la main aux plus petites maisons pour qu'elles profitent de la notoriété apportée par les grandes dans un événement qui est culturel en Chine. Donc ça aussi, c'est éminemment d'intérêt général.
- Speaker #2
C'est amusant parce que c'est un peu l'inverse de la visite de l'empereur du Siam à Louis XIV.
- Speaker #0
Absolument, oui, absolument. En dehors de ces grandes trajectoires, est-ce qu'il y a des actions précises que chacun des secteurs réalise ou que vous réalisez tous ensemble ?
- Speaker #1
Le premier qui me vient à l'esprit, parce que ça vient de se tenir sur le développement durable, je pense qu'on a, nous, Comité Colbert, avec nos maisons, un grand rôle à jouer pour dire, affirmer, exemple à l'appui. que non seulement nous sommes motivés à sauver cette planète collectivement, mais que nous faisons des choses. Et moi, je suis toujours absolument navrée par cette vision qu'ont souvent les gens à dire « le luxe pollue » . Alors d'abord, on ne pollue pas plus qu'un autre secteur, mais il y a une espèce de mélange des genres entre la mode pollue, la mode c'est le luxe, donc le luxe pollue. Mais nous ne sommes pas la mode. Moi, ce raccourci, il m'exaspère. Mon rôle à moi en tant que CEO du Comité Colbert, c'est de faire en sorte de passer les bons messages. Et donc, nous étions à l'Université de la Terre qui s'est tenue à l'UNESCO. Nous étions déjà à la précédente édition qui était en 2022. Et là, nous avons passé plusieurs messages. D'abord, nous avions un grand espace Comité Colbert sur lequel nous présentions divers objets de nos maisons qui avaient été... « upcyclé » , alors pardon, c'est des mots anglais, mais « upcyclé » , « recyclé » , « biosourcé » , « de la seconde main » , voilà. Et l'idée, c'était de montrer tout ce que nos maisons font aujourd'hui en matière de développement durable, qui prouve à la fois que nous sommes en route, en chemin, donc on n'est pas inactifs, quand bien même on pourrait s'abriter derrière le fait de dire « mais nous, nos produits sont durables par essence, puisqu'ils vont être un jour transmis à une génération d'après » . On pourrait s'abriter et se dire qu'en fait, on fait déjà le job. Mais non, on fait plus que ça. Et pour vous donner un exemple, dans la joaillerie, nous présentions les nouveaux écrins mis au point par Boucheron. Et cette nouvelle stratégie consiste à dire « No pack is the new pack » . Donc, finis les écrins, bienvenue à une nouvelle forme d'écrin plus durable, plus conforme à la préservation de la planète. Et puis, on a eu aussi à cette Université de la Terre... deux tables rondes dans lesquelles, je l'espère, en tout cas c'est le sentiment qu'on a eu en interrogeant l'audience à la sortie de ces deux événements, ont compris que non, nous n'étions pas ce secteur polluant que certains voudraient faire croire, mais qu'on est clairement en chemin sur tout un tas de sujets depuis le sourcing des matériaux. Et encore une fois, pardon parce que je recite Boucheron, mais Hélène Poulet-Duken, sa présidente, était sur scène. Elle a rappelé que 95% de l'or utilisé chez Boucheron, je pense que c'est le cas dans beaucoup d'autres maisons, est de l'or recyclé. Et ça, je pense qu'il faut le dire et le redire parce que souvent, ça n'est pas su du grand public. Et on a donné beaucoup d'autres informations comme cela qui montrent qu'effectivement, ce secteur est en chemin. Donc voilà une action très concrète qui vient de se passer pour diffuser ces messages sur le développement durable. Autre initiative que nous avons très régulièrement, donc via notre représentation à Bruxelles, nous avons donc des bureaux à Bruxelles et une représentation à Bruxelles et à Strasbourg. Donc nous sommes très présents via des rencontres avec nos députés européens à Strasbourg, les commissaires européens à Bruxelles. Et là encore, nous allons sortir dans quelques semaines une étude sur le luxe en Europe pour montrer quel est notre poids. Parce que souvent, quand on rencontre des députés et des parlementaires européens ou des commissaires européens, ils n'ont pas l'idée, la connaissance de ce que nous représentons au niveau européen. Mais au niveau européen, on parle de plus de 700 marques de luxe, on parle de plus de 2 millions d'emplois. Donc c'est colossal. L'idée, c'est qu'il faut nous écouter, il faut nous prendre en compte. Quand vous décidez de nouvelles réglementations, venez nous consulter. On représente un secteur qu'il faut prendre en considération. Donc voilà une autre action très concrète. Nous travaillons, mais c'est à beaucoup plus longue échéance, sur un événement l'année prochaine à New York, puisque l'année prochaine, la France et les États-Unis célébreront, alors on espère que le climat géopolitique sera plus apaisé, mais nous parlons de la culture, donc quand on parle de culture, le climat est généralement plus apaisé. Nous fêterons l'année prochaine la création des États-Unis, 250 ans, et donc 250 ans d'amitié franco-américaine. Et donc nous irons à New York avec un événement culturel. sur les métiers d'art. Et puis plus proche de nous, au mois d'octobre, là c'est sur la préservation des métiers d'art et sur le recrutement de cette nouvelle génération d'artisans, nous allons nous installer au Grand Palais. pour quatre jours et tenir cet événement qui en sera à sa cinquième édition qui s'appelle les Demains du Luxe. Et les Demains du Luxe, c'est un gigantesque salon de l'orientation, mais un salon d'orientation un peu particulier puisque les visiteurs, qu'ils soient collégiens, lycéens ou adultes en reconversion, viennent et ne prennent pas un prospectus mais s'installent à une table et à l'établi du joaillier ou à la table de brodeur. ou chez Hermès à s'exercer au métier de maroquinière. En fait, c'est un salon du fer, en espérant que via ces multiples expériences, via les 40 maisons qui seront présentes, on plantera une petite graine, on allumera une petite lumière dans la tête de ces jeunes ou de ces moins jeunes. Et à côté de ces 40 maisons qui viendront exposer leur savoir-faire, nous aurons également tous les lycées de la bois professionnels. Et nous aurons également l'amphithéâtre du Grand Palais, dans lequel nous aurons aussi des conférences sur ces métiers, avec l'idée de faire rêver tout simplement nos visiteurs.
- Speaker #0
Et de susciter des vocations.
- Speaker #1
Absolument, c'est l'objectif final.
- Speaker #0
Je vais vous parler d'un petit bout de la lorgnette, c'est-à-dire la communication, parce qu'effectivement vous dites qu'il faut le faire savoir, et vous avez été aussi dans les premiers à faire un podcast. Vous avez créé Dirigeanteux du Luxe Français. qui est toute une série de podcasts.
- Speaker #1
Oui, alors on a fait une saison de podcasts. Moi, j'aime beaucoup le podcast à titre personnel. J'en écoute beaucoup. Je trouve que c'est un médium très intéressant, dans lequel on se confie facilement, on prend du temps. Moi, j'en écoute beaucoup en faisant du sport, par exemple. Je trouve que c'est un moment de calme, de repli sur soi. C'est un médium qui, pour moi, compte beaucoup. On n'a pas été au-delà d'une saison, parce qu'en fait, on interviewait nos présidents. Et en fait, ils ont tellement peu de bandes passantes. C'était très compliqué de fixer des rendez-vous. Donc, on a arrêté. Et à l'inverse, on s'est lancé sur les réseaux sociaux et notamment assez récemment sur TikTok, considérant avec cet objectif d'attirer une nouvelle génération de jeunes artisans. Je me suis dit, essayons de nous lancer sur TikTok, parce que finalement, les jeunes sont sur TikTok. Ils regardent des vidéos qui ne sont peut-être pas toujours très intéressantes et nous, on va leur apporter un contenu intéressant. Et donc, on a commencé à filmer face caméra des jeunes artisans qui nous racontaient pourquoi. pourquoi leur métier est formidable, comment ils s'en sont venus à choisir ce métier-là. Et en fait, très rapidement, ça a pris, à tel point que TikTok nous a appelés, TikTok France, en nous disant « Mais c'est formidable ce que vous faites, est-ce qu'on ne pourrait pas ensemble créer et booster un hashtag savoir-faire ? » Donc on était à la fois très honorés de leur appel et très honorés de cette démarche. Et donc on a décidé de créer ce hashtag savoir-faire, de créer un mini-site dont nous étions le sponsor. Et aujourd'hui, ce hashtag savoir-faire, il rassemble plus de 700 millions de followers. Donc la bonne nouvelle que je retiens de tout ça, c'est que les savoir-faire, quand on en parle aux jeunes, ça les intéresse. Ça prouve que quand on rend visibles à nouveau ces savoir-faire, ça justifie notre salon d'orientation, les Demains du Luxe. Les jeunes, ils n'ont rien contre les savoir-faire, simplement ils ne les connaissent pas. Donc il faut aller à eux. Avec quelque chose de très simple, parce que les artisans qu'on interroge, ils parlent de leur métier avec leurs mots, c'est tout simple. On a laissé tomber, j'espère qu'on y reviendra, le podcast, pour venir sur TikTok avec ces petites vidéos qui cartonnent.
- Speaker #0
Alors on va passer à votre parcours, et vous par contre ? Vous saviez depuis longtemps que vous vouliez être journaliste ?
- Speaker #1
Ah oui, moi j'ai su très très tôt que je voulais être journaliste parce que j'adore écrire. J'avais une passion à l'école pour les exposer. J'adorais faire des exposés, j'adorais qu'on me donne une problématique, quelle qu'elle soit. Réfléchir à la manière dont j'allais apporter des solutions. Et donc très vite, je me suis passionnée pour l'idée de transmettre à d'autres personnes quelque chose que j'avais appris. Et puis assez vite aussi, je ne sais pas pourquoi. mais le journalisme économique est venu très très vite dans mon idée de faire du journalisme alors ça a mis un petit peu de temps à se concrétiser et donc je me suis lancée dans des études de sciences économiques et de sciences politiques en première instance, donc dans une fac et puis j'ai eu besoin au bout de 3-4 ans d'études de rendre ça concret je suis venue à Paris je suis montée à la capitale comme on dit ces études je les ai faites à Angers, chez moi à Paris j'ai fait les FAP qui lançait pour la première fois un cursus de journalisme. Donc voilà, j'ai dû faire partie des premiers étudiants qui ont fait ce cursus-là. Je ne sais pas s'il existe toujours. Et ce qui était formidable, qui n'existe pas beaucoup à l'époque, aujourd'hui ça paraît bizarre de dire ça, mais ce que j'ai beaucoup aimé à l'EFAP, c'était les stages, parce qu'on en faisait beaucoup. Et le stage qui m'a le plus marquée, c'était un stage que j'ai effectué à France Soir. Alors on était loin du journalisme économique, mais à dire vrai, si c'était à refaire, je pense que je le referais, parce que ça m'a donné énormément de confiance en moi, parce que l'info, en fait, il faut aller la chercher. Quand vous faites du journalisme économique, vous assistez à des conférences de presse. Vous n'avez pas forcément à aller enquêter, chercher l'info. Alors oui, si vous faites une enquête en profondeur sur un sujet. qui n'a pas fait l'objet d'une communication, mais on va dire que 70% des informations que vous traitez, vous les avez via une conférence de presse, un communiqué de presse, un dossier de presse. Dans le journalisme qui était celui par lequel j'ai commencé, à François, puisqu'ensuite il m'a engagée après ce stage, le journalisme de faits divers, vous avez une dépêche qui vous dit que telle personne a été assassinée, que tel feu a détruit je ne sais quoi, et la dépêche elle n'en dit pas plus. Et ensuite... Eh bien, on vous demande d'écrire un long texte pour raconter cette histoire. Et là, il faut aller chercher toute l'info, en fait. Vous n'avez rien. Et si possible,
- Speaker #0
il faut le faire dans la journée.
- Speaker #1
Et si possible, il faut le faire dans la journée. Et il faut se mettre dans l'idée qu'à l'époque, il n'y a pas Internet. Donc, votre outil de travail, c'est la nuée téléphonique.
- Speaker #0
D'autant qu'il n'y avait pas encore l'information en continu que les jeunes connaissent aujourd'hui. Oui. Il y avait les journaux au point.
- Speaker #1
En fait, c'est une dépêche qui vous arrive, qui fait en général 3-4 lignes.
- Speaker #0
Voilà, une dépêche de l'AFP.
- Speaker #1
Merci. et qu'il faut ensuite nourrir pour passer de 3-4 lignes à 50 lignes. Et ça, c'est complexe, parce que c'est à la fois de la créativité, parce que parfois, j'allais voir mon chef, je disais, mais je ne trouve rien. Eh bien, ce n'est pas grave, tu vas raconter ce qui te passe par la tête, tu vas imaginer et tu vas romancer sans écrire des choses fausses. Donc, c'est un exercice de créativité et c'est un exercice d'enquête, à la fois d'enquête de terrain et d'enquête de téléphone, ou d'enquête à la documentation. Moi, à l'époque, je me souviens, j'avais des mentors dans ce service et qui me disaient « Ah, mais il y a déjà eu une histoire pareille, va voir la documentation, c'était en 72 ou en 65 » et donc j'allais me plonger dans les dossiers à la documentation et effectivement, je retrouvais une histoire assez similaire qui me permettait de raconter l'histoire qui venait de se passer. Donc, c'est une sacrée école, en fait. C'est une sacrée école de terrain, c'est une sacrée école de créativité, c'est une sacrée école d'écriture. À l'époque, évidemment, pas d'ordinateur, donc des machines à écrire. On écrit son texte, mais comme on n'a pas des machines à écrire pour tout le monde, il y a surtout des sténos. On va dicter son article et le premier lecteur, c'est la steno, à qui vous dictez votre article et qui vous dit... Alors soit, si vous avez bien écrit votre article, on parle de faits divers, soit elle est en larmes, à la quatrième ligne et vous dites « Ah ! » J'ai bien raconté mon histoire parce qu'elle est émue, en fait. Soit elle vous le dit, non mais attends, je ne comprends rien à ton truc. Mais si tu le disais comme ci, ou si tu le disais comme ça, et donc ça aussi, c'est une école. Honnêtement, François, ça a été très, très constructeur. Et puis très vite, je suis arrivée au journalisme économique par la petite porte, parce que se crée un quotidien dont tout le monde a oublié jusqu'à l'existence, mais qui s'est lancé en 85, qui était un quotidien du soir, qui s'appelait Paris ce soir, et qui n'avait rien de moins que... comme ambition de concurrencer le monde. Et j'ai été engagée au sein de ce quotidien au service économique. Et là, je réalisais enfin mon rêve de rentrer par la toute petite porte du journalisme économique dans lequel ensuite j'ai fait l'essentiel de ma carrière.
- Speaker #0
C'est fascinant cette appétence pour l'économie quand on veut être journaliste. Le journalisme, on l'imagine toujours plutôt littéraire, en fait. Peut-être que c'était la jonction entre votre famille, qui était quand même beaucoup dans la science.
- Speaker #1
Oui. Peut-être, je ne sais pas l'expliquer, mais je trouve qu'on me donne quatre chiffres et je vous écris une histoire. En fait, les chiffres sont très parlants. Les chiffres, c'est toute une histoire. Moi, j'adore les chiffres et je n'en suis pas guérie en fait. Aujourd'hui encore, j'adore les chiffres. Sur ce secteur, je n'aime rien moins qu'une bonne étude avec 150 chiffres à chaque page. Ça, ça me réjouit.
- Speaker #0
Et donc, les échos.
- Speaker #1
Oui. Je suis entrée aux échos juste après.
- Speaker #0
Alors,
- Speaker #1
je vous passe, parce que cette expérience, elle a duré. Je me souviens encore de mon rédacteur en chef, François, qui me dit, écoutez, c'est très bien, va tenter l'aventure. Mais ça ne va pas durer longtemps. Et effectivement, ça a duré 22 jours. C'était un peu court, mais ça a été extrêmement formateur, malgré tout. Et ensuite, j'ai été au chômage. Donc, j'ai commencé à faire des piges, un petit peu partout. et j'ai notamment fait des piges au Figaro Économie. Donc ça, ça a été extrêmement formateur aussi. Donc un long passage au Figaro Pagesaumont. J'ai couvert tout un tas de secteurs. Et ensuite, les échos sont venus me chercher pour une spécialité que je m'étais créée au Figaro et dans un autre hebdomadaire qui s'appelle la dépêche commerciale et agricole. Alors ça ne fait pas rêver, mais je ne suis pas sûre que ça existe toujours. C'était un hebdomadaire de... cotation de matières premières agricoles.
- Speaker #0
Donc il y avait plein de chiffres.
- Speaker #1
Donc il y avait plein de chiffres. J'allais tous les mercredis en séance à la Bourse du Commerce, qui n'était pas la fondation Pinault encore, mais qui était réellement la Bourse du Commerce. Et donc je m'étais créée cette spécialité et les échos m'ont recrutée avec cette spécialité-là. Donc je suis entrée aux échos pour couvrir ce secteur des matières premières agricoles et de l'agriculture en fait. Et puis ensuite j'ai... J'ai eu la grande chance aux Echos de changer de secteur quasiment tous les deux ans, jusqu'à arriver sur l'industrie du luxe. Alors le fait de changer de secteur tous les deux ans, ça aussi c'est très formateur, parce que vous appréhendez différentes problématiques de différents secteurs, et juste avant le luxe, je couvrais le secteur du retail, à la grande époque du déploiement des hypermarchés en France, et du déploiement du modèle français de l'hypermarché à l'étranger. Donc j'ai voyagé dans le monde entier. Et donc, je suis arrivée sur le luxe en 1995. Je dis souvent, le luxe a 300 000 ans, les marques de luxe françaises ont 300 ans, mais les groupes de luxe français, tels qu'on les connaît, ils ont 40 ans. Donc, quand je prends mes fonctions en 1995, LVMH a 5 ans. Kering n'est pas né, c'est encore le groupe EPR. Donc, tous ces groupes-là sont finalement extrêmement jeunes. Donc, j'arrive à un moment de construction. de ces groupes par des rachats successifs et notamment j'arrive au moment de la bataille pour le contrôle de Gucci entre LVMH et Pino Printemps Redoute puisque le groupe s'appelait comme ça à l'époque et qui a été également un moment très fort dans ma construction parce que j'ai écrit sur cette bataille un article tous les jours pendant plus d'un an donc c'était un feuilleton à la fois passionnant, rocambolesque avec des happenings permanents. Il y avait un petit côté François, dans le côté c'est quoi le prochain épisode ? C'est quoi la prochaine déclaration ? C'était palpitant.
- Speaker #0
Et en même temps, ça construit vraiment votre réseau, parce que vous aviez les patients en direct tous les jours.
- Speaker #1
Absolument, oui, oui, absolument. Il y avait Bernard Arnault quasiment tous les jours au téléphone, et François Pinault également. Donc oui, oui, ça construit un réseau, ça construit une connaissance. C'est passionnant parce que ça vous suit toute votre vie, en fait, ça.
- Speaker #0
Et en dehors de cette bataille pour Gucci, vous étiez aussi aux premières loges pour faire le lien entre la force de vente et la vente en gardant des valeurs. Donc, la construction d'un autre modèle de représentation de vente.
- Speaker #1
Oui, en fait, je dis souvent que le succès de cette industrie, c'est d'avoir internalisé la vente, d'avoir créé des magasins à leur image, d'en avoir fait des lieux de culture. C'est la grande force de cette industrie d'avoir réussi ce virage-là. J'ai l'occasion de voyager encore beaucoup. Souvent, je pense à un voyage très récent en Thaïlande où le premier ministre thaïlandais me disait « mais en fait, comment vous avez réussi en France à transformer des marques artisanales en marques de luxe global, mondial ? » Toutes ces maisons, elles sont passées d'artisans à ventes en gros, à internaliser la distribution, jusqu'à être aujourd'hui des marques de culture. Ça ne s'est pas fait en un an, ça a été une évolution lente qui leur a permis de mieux comprendre ce consommateur, parce que finalement, vous le voyez tous les jours dans vos magasins.
- Speaker #0
Dans toutes ces expériences, qu'est-ce qui vous a le plus plu ou le plus marqué ?
- Speaker #1
En fait, je pense que le fil conducteur de toute mon histoire, ça n'est pas le luxe, c'est les gens. Fondamentalement, la rencontre avec des gens, écouter les gens, interroger des gens, ça c'est mon fil conducteur. J'adore les gens. Le luxe est venu un peu par accident dans ma carrière. Quand Nicolas Béthoud, qui était le directeur de la rédaction des Echos, m'a proposé de suivre ce secteur, j'ai dit pourquoi pas, je ne connaissais pas du tout. Donc après, je suis... de tomber dedans, voilà, comme on tombe dans une marmite. Mais le fil conducteur, ça reste quand même les gens. Et dans ce secteur du luxe, les gens sont incroyables. Toute cette excellence, moi je suis admirative de tout le travail qui est fait à tous les échelons dans cette industrie.
- Speaker #0
Et donc, un chasseur de tête vous appelle et vous décidez d'intégrer le comité Colbert. Qu'est-ce qu'il faut qu'on vous souhaite maintenant ? Quels sont vos projets ?
- Speaker #1
D'abord, cette année, c'est de réussir le Grand Palais. Parce que c'est une marche... importante, parce que cet événement, dont c'est la cinquième édition, je le rappelle, se tenait avant à Station F. Station F, plus grand campus européen de start-up, mais on était sur 900 mètres carrés. 20 maisons participantes. Là, on triple la mise en termes de surface, et je double le nombre de maisons participantes, et c'est le Grand Palais. Donc, voilà, le challenge, il est colossal, et il faut le réussir. Donc voilà, ça c'est mon challenge de l'année. L'année prochaine, New York n'est pas non plus un petit challenge, donc il faudra le réussir, d'autant que le climat, encore une fois, géopolitique n'est pas apaisé. Donc j'espère qu'il le sera quand on fera cet événement-là. Moi, mon challenge à Colbert, c'est de réussir à faire que ces maisons continuent à collaborer ensemble, continuent à se mettre autour d'une table pour discuter de ce qui les rassemble et laisser dehors le business qui pourrait les diviser. Voilà, c'est mon ordre de mission, en fait. L'humain est encore à nouveau au centre. Je ne sais pas si je suis une chef d'équipe, un géo du Club Med. Je suis une animatrice, en fait. Donc voilà, essayer de faire en sorte que tous ces présidents collaborent bien ensemble.
- Speaker #0
Vous êtes une femme peu ordinaire. Déjà, vous aimiez le journalisme bien avant que d'autres sachent ce qu'ils voulaient savoir faire, mais économique. Vous avez bouffé, j'allais dire, des choses pas simples, parce que, bon, aller faire du terrain quand on est jeune journaliste, c'est pas simple. Après, être au chômage et faire des piges, c'est pas simple. Aller dans des métiers où il y a du commerce, de la distribution, c'est pas simple. Et après, il y a le côté qui fait rêver du luxe, mais... telle que vous l'avez vécue, ce n'était pas simple non plus de monter Série Limitée, de monter le supplément Week-end, ce n'était pas simple. Et surtout de se trouver en plein milieu des guerres, des grands... ce n'était pas simple non plus. Donc vous êtes une femme quand même très extraordinaire. Mais j'aimerais quand même, pour la dernière question gimmick que je pose à tout le monde, quel conseil vous donneriez à quelqu'un qui aimerait faire comme vous ? À une jeune femme ? Qui aimerait faire comme vous ?
- Speaker #1
Ne jamais rien lâcher. Voilà. En tout cas, moi, c'est ma ligne de vie, ne jamais rien lâcher. Le fond avant la forme, le fond, toujours le fond. Ça vaut pour tout, d'ailleurs. Ça vaut pour quelqu'un qui voudrait se lancer dans la joaillerie, par exemple. Oui, la forme compte, mais ce qui est important, c'est ce que vous allez raconter, en fait. Le fond avant la forme. Ici, c'est pareil, le fond avant la forme au comité Colbert. Qu'est-ce qu'on veut dire avant de comment on va le dire ? C'est quoi l'histoire du luxe en France ? C'est quoi les messages ? Même quand on va à l'étranger, c'est quoi nos messages ? Donc, en toutes choses, le fond. C'est ma ligne de vie.
- Speaker #0
C'est votre mantra.
- Speaker #1
C'est mon mantra.
- Speaker #0
Eh bien, écoutez, merci Ménédicte.
- Speaker #1
Merci Anne. Au revoir.
- Speaker #0
Au revoir. Merci d'avoir écouté, Brian. Je suis Anne Desmarais de Jotan et je donne une voix aux bijoux chaque dimanche. Et si vous aussi vous avez envie de faire parler vos bijoux et votre maison, je serai ravie de vous accompagner pour réaliser votre podcast de marque ou vous accueillir en partenaire dans mes podcasts natifs. Je vous donne rendez-vous le mois prochain sur ce podcast brillante et en attendant, sur le podcast Le Bijou comme un Bisou en alternance avec le podcast Il était une fois. le bijou. Faites-moi plaisir, soutenez le podcast en mettant des avis, des étoiles sur Spotify ou Apple Podcast. Abonnez-vous et partagez l'épisode sur vos réseaux sociaux. À dimanche prochain et soyez brillante !