- Speaker #0
Chers auditeurs et auditrices, un petit mot avant de commencer cet épisode. C'est la Voix a désormais un Patreon. En vous y abonnant, vous débloquez la possibilité d'accéder aux épisodes en avance et d'avoir votre nom cité dedans. Et surtout, vous participez à voir grandir ce petit podcast que je prends plaisir à réaliser. C'est la Voix est et restera disponible sur toutes les bonnes plateformes. Et sur ce, bonne écoute. Bonjour à tous et bienvenue dans C'est la voix, un podcast où j'invite un mardi sur deux des professionnels de la voix, que ce soit des chanteurs, des coachs vocaux ou d'autres spécialistes. Pour ce nouvel épisode, je reçois Emmanuelle Trinques, oui, la Emmanuelle Trinques, dont on a déjà parlé durant trois épisodes avec d'autres invités. J'ai l'honneur de vous la présenter aujourd'hui. Elle est professeure de technique vocale et de chant, kinésithérapeute, préparatrice mentale et coordinatrice internationale pour l'Association française des professeurs de chant. et également présidente de l'association VoxLab. Tout ça, on va en parler. Emmanuelle, bonjour.
- Speaker #1
Bonjour, bonjour.
- Speaker #0
Bienvenue dans C'est la Voix. Merci,
- Speaker #1
merci pour l'accueil, merci pour l'invitation.
- Speaker #0
Alors, c'est une tradition pour moi, et comme pour les auditeurs, je vais d'abord te demander de présenter ton parcours.
- Speaker #1
Alors, mon parcours, je dirais que mon lien avec la voix, en fait, il remonte au tout début de ma vie, parce que je suis née aveugle, je ne voyais rien du tout. Et du coup, les bruits environnants, c'était toute ma vie. Et particulièrement, j'étais attirée par les sons de la voix, des voix. Donc assez naturellement, je me suis mise à chanter, assez jeune je pense, et puis en amateur pendant des années et des années. Arrivé après le bac, il fallait faire un vrai métier. Du coup, je me suis dirigée vers des études de kiné. Et j'ai adoré être kiné. Franchement, ça a été une excellente expérience et j'y ai beaucoup appris. Mais parallèlement, à partir de 18 ans à peu près, j'ai commencé à chanter dans pas mal de groupes et à professionnaliser le chant. Assez rapidement aussi après, j'ai souhaité associer mes deux métiers, le chant et la kiné, et puis créer un genre d'approche physiologique de la voix, un peu comme on fait de la kiné du sport, mais pour la voix, pour les chanteurs, pour les comédiens, pour les orateurs. Donc ça a été mon métier pendant un petit moment, je faisais pas mal de thérapie locale pour la voix, et puis parallèlement je suis commencée à intervenir pour des écoles de musique, des conservatoires, même à la fac, sur la physiologie de la voix, et notamment pour former des profs de chant. Je me suis installée comme prof de chant aussi, j'ai refait une formation, j'ai fait un master, un master 1 de pédagogie didactique de la musique, de musicologie à la Sorbonne, et puis je me suis installée comme prof de chant, j'ai adoré aussi, c'était génial. Et puis quelques années après, j'ai monté un centre de formation pour former des professeurs de chant à une approche à la fois physiologique, ludique, sensorielle de la voix. Voilà, voilà. Donc on en est là. Maintenant, ça fait une grosse dizaine d'années que le centre est créé, 12 ans. Et puis ça fait donc 12 ans que mon activité principale, c'est de former des profs de chant. Et depuis 2018, on a la reconnaissance par l'État. Et les profs de chant qui suivent la formation peuvent passer un titre. RNCP. Le RNCP, c'est le répertoire national des certifications professionnelles et c'est un bac plus 3-4. Voilà,
- Speaker #0
voilà. D'accord. Déjà, merci pour cette introduction. Alors, les élèves passés par tes cours parlent d'une méthode révolutionnaire pour l'enseignement du chant. Et justement, moi, j'aimerais bien que tu nous en dises un peu plus sur cet aspect révolutionnaire dans le chant. dans l'enseignement et surtout dans le fait de comment apprendre à chanter en fait.
- Speaker #1
Comment aborder la voix. Leur révolutionnaire, je ne suis pas sûre quand même. Ils sont gentils, je les aime. Mais en tout cas, oui, si j'ai monté une formation pour les profs de chant, c'est parce que je trouvais, mais ça n'engage que moi, que j'avais du mal à trouver des profs de chant qui connaissent bien la physiologie. Et en fait, il y avait une dissonance cognitive quand j'ai pris des cours de chant avec ma première... prof de chant et qu'elle me parlait du diaphragme et que j'étais à l'époque en école de kiné, je voyais bien que ce qu'elle disait ne correspondait pas à la réalité physiologique et ça me posait souci. Et je voyais aussi que potentiellement ce qu'on pouvait enseigner dans les cours de chant, ça pouvait être dangereux. Donc, c'était un petit peu ma quête. Je me suis dit Ok, comment on peut enseigner le chant en respectant la physiologie tout en faisant en sorte que ça reste joyeux, ludique et bien entendu qu'on ne secoue pas des émotions de l'interprète. parce que c'est quand même la clé. Donc ça a été une quête, ça a duré un moment, puis ça dure encore d'aller, je continue à me formuler là-dessus. pour essayer de développer une approche qui se veut physiologique et puis aussi ludique. Donc voilà, globalement, l'idée, il y a plusieurs axes, mais le premier axe, c'est de respecter la physiologie. Et pour ça, je me suis beaucoup appuyée sur mon métier de kiné. Et j'ai notamment réadapté des explorations, des exos de thérapie manuelle que j'utilisais en tant que kiné. Je me suis dit, tiens, à quoi ça peut nous servir dans le cadre d'un cours de chant ? pour libérer la voix, pour libérer le geste vocal, pour faire en sorte qu'on utilise notre corps le plus efficacement possible pour produire les sons qu'on a envie de produire. C'était un petit peu ça l'idée. Donc ça, c'est vraiment le premier axe, une approche la plus physiologiste, la plus physiologique possible. Le deuxième axe, c'est de faire en sorte que ça reste un art, donc de le lier au côté ludique. On parle de jouer d'un instrument, donc l'idée, c'est quand même de jouer de sa voix. Et puis d'aller aussi explorer l'expressivité, les intentions, l'interprétation. Donc ça, c'est le deuxième axe. Et le troisième axe, c'est de m'intéresser à la pédagogie et aux stratégies d'apprentissage. Comment on fait concrètement pour apprendre un geste moteur le plus facilement et le plus rapidement possible ? Et là, je me suis intéressée à la didactique, et notamment à la didactique du sport, mais aussi aux sciences cognitives et aux neurosciences pour essayer de... de comprendre comment ça fonctionnait d'un point de vue scientifique. Est-ce qu'il y avait des astuces ? Est-ce qu'il y avait des trucs qui faisaient que vraiment on pouvait apprendre plus facilement et plus efficacement ? Donc voilà, c'est un petit peu ça la démarche. Alors ce n'est pas une méthode, loin de là, c'est vraiment une approche dans le sens où on est en constante exploration, on a des valeurs, on se basait sur la physiologie, rester ludique, transmettre des émotions, et puis rester, si possible, connecté aux dernières recherches scientifiques.
- Speaker #0
D'accord, oui, c'est très intéressant, effectivement. Du point de vue scientifique, on a déjà parlé dans ce podcast de Estil, notamment, qui est une approche aussi. Est-ce que toi, c'est des choses sur lesquelles tu te bases ? Ou est-ce que tu complètes encore avec d'autres choses, j'imagine, puisque tu as une formation de kinésithérapeute ?
- Speaker #1
Je connais la méthode Estil, j'ai fait les formations Estil il y a un petit moment maintenant. Et c'est vrai qu'Estile, on le voit beaucoup, tu es Estile qui a été une des premières à faire justement une approche plus physiologique du geste vocal. Après, Estile, je ne peux pas dire que je connaisse si bien que ça, donc est-ce que ça a inspiré certaines choses ? Certainement, en tout cas, ce type d'approche, oui c'est sûr, on essaie de se baser au maximum sur la physiologie. Maintenant, je ne connais pas suffisamment ce qu'ils font actuellement, et je ne me sens pas particulièrement affiliée à une méthode ou une autre.
- Speaker #0
D'accord, très bien. Et tu as fait ton mémoire de musicologie, donc, sur une technique dont on a déjà parlé dans ce podcast, mais qui n'est pas toujours très connue par certaines personnes, c'est le belting. Oui. Voilà. Alors, est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi avoir parlé en particulier de belting ? Alors, c'est une technique qu'on connaît bien en comédie musicale, mais qui est, on va dire... peu connue dans d'autres styles.
- Speaker #1
Oui, qui est moins connue, en tout cas, c'est certain, dans d'autres styles. Alors, pourquoi le belting ? Tu sais quoi ? C'est parti d'une expérience perso. Les premiers cours de chant que j'ai pris, j'étais ado, j'étais gamine, et la prof de chant m'a dit que j'avais une petite voix. Et quand tu dis à une ado dont toute la vie, c'est de chanter, qu'elle a une petite voix et qu'il faudra qu'elle fasse avec, il y a quelque chose qui se brise, entre guillemets, à l'intérieur, tu vois. Et plutôt que de me dire bon bah écoute, c'est comme ça, j'ai une petite voix, je peux rien y faire ça a cheminé dans ma tête tout du long et je me suis dit est-ce que vraiment, vraiment, j'ai une petite voix et physiologiquement on peut rien faire, auquel cas je vais finir par accepter, ou est-ce qu'il y a quelque chose à faire ? Du coup, j'ai été fouiller, explorer et j'ai découvert comme ça la technique vocale du belting. Où le belting, quand même, c'est un son puissant dans les aigus, qui sonne plutôt votre poitrine et notamment utilisé en musique. Donc ça m'a interpellée, je me suis dit ok Il y a des chanteurs qui arrivent à faire ça. Est-ce que, d'abord pour moi, j'avoue, est-ce que j'en suis capable ? Ensuite, en tant que pédagogue, parce que j'étais déjà prof à l'époque, on me le demandait souvent. Et ça m'intriguait, je voulais savoir ce qu'il y avait derrière. Et puis, il y avait plein de croyances sur le belting que j'entendais. Et je ne savais pas si c'était des mythes ou des réalités. Le belting, c'est dangereux. Le belting, ça va bousiller la voix. Le belting, il ne faut pas le faire. Et notamment, le fauniatre, que j'estime beaucoup, m'avait dit Non, non, il ne faut surtout pas que tu testes ça, tu vas te bousiller la voix. Parce qu'à l'époque, j'avais évidemment voulu essayer, puis j'avais eu une petite fatigue logique. Donc voilà, c'est tout ça qui a fait que je pense que j'ai eu envie d'aller dans cette direction. Et notamment pour savoir comment physiologiquement ça pouvait être produit. Donc j'ai fait un état des lieux des connaissances, en fait. J'ai épluché les différentes études scientifiques pour comprendre comment ça s'était produit. Et puis l'idée, c'est d'une fois qu'on connaît... un petit peu mieux comment c'est produit, même s'il y a encore plein de choses qu'on ne connaît pas. Mais comment on peut l'enseigner ? Et comment on peut l'enseigner le plus sainement possible pour qu'on puisse se servir de cette technique pour l'expressivité ou dans certaines esthétiques vocales ?
- Speaker #0
Très bien. Et alors, ce que j'ai lu un peu sur Internet, qu'on confondait parfois le belting et le mixing. Alors, comment est-ce qu'on fait la différence ?
- Speaker #1
Alors déjà, il faudrait qu'on s'entende sur ce qu'est le belting et ce qu'est le mixing. Et... bon, peut-être qu'on confond. Alors, on trouve tout et n'importe quoi. Donc, je ne sais pas. Il y a des trucs très bien, d'ailleurs. Ce n'est pas forcément péjoratif.
- Speaker #0
Bien sûr.
- Speaker #1
Mais écoute, je veux dire qu'on confond. Moi, ça ne me gêne pas tant que ça. Parce que j'ai tendance à voir le belting. Ça se discute. Attention, ça se discute. Je ne dis pas que c'est une manière de le voir. J'ai tendance à voir le belting comme une extension de la voie mixte. Donc, ça ne me choque pas qu'on puisse confondre les deux. Ce serait... potentiellement, une extension de la voix mixte où on ferait entendre un autre type de timbre, un timbre qui sonne plus voix poitrine dans les aigus. Donc, ça ne me choque pas. Je préfère qu'on confonde belting et mixing plutôt que d'essayer de monter ce qu'on appelle le mécanisme rare, le premier mécanisme à l'arranger le plus haut possible pour essayer d'avoir le son. Je pense que passer par la voix mixte, ce n'est finalement pas la pire des stratégies.
- Speaker #0
Mais alors, du coup, est-ce que toi, tu as eu, on va dire, une expérience dans la comédie musicale ou est-ce que...
- Speaker #1
Non, non, je n'ai pas du tout, moi en tant que chanteuse, je n'ai pas du tout eu d'expérience dans la communauté musicale. Je viens plutôt du rock au départ, voire du rock avec des belles saturations bien sales.
- Speaker #0
Oui, oui.
- Speaker #1
C'est plutôt ça au départ, mon esthétique vocale. Après, j'ai eu de compo où c'était plutôt, je dirais pop rock, mais avec un côté un peu expérimental, un peu jazz. grosses guitares sales quand même. Et puis après, c'est plutôt de l'improvisation vocale libre. Le truc, pas du scat, mais vraiment Allez, qu'est-ce qu'on peut faire avec la voix ? Comment on explore la voix ? Et plein de sons plus bizarres, j'ai envie de dire, les uns que les autres et totalement jubilatoires à produire. Et j'étais un peu frustrée de ne pas pouvoir faire des sons puissants pendant très longtemps, que ce soit en gros rock, après en jazz ou en impro. Parce que je trouve que c'est hyper libératoire, en fait. Tu peux faire du belting, un bon gros son, il y a quelque chose, émotionnellement, même pour le chanteur, qui se passe. C'est bon. Donc voilà. Je connais un peu le monde de la comédie musicale, et puis j'ai coaché pas mal d'artistes de comédie musicale, puisque je me suis spécialisée sur cette technique à un moment, où j'ai vu quand même dans les cours, beaucoup, beaucoup de chanteurs de comédie musicale. Mais ce n'est pas l'esthétique vocale que j'ai pratiquée moi le plus.
- Speaker #0
Ok. Aujourd'hui ? Moi, quand je fais mon podcast et que je discute avec des chanteurs, chanteuses, j'entends parler de différentes approches du chant et de la voix, et j'ai l'impression qu'il y a plusieurs méthodes, plusieurs techniques, etc. D'un moment, je me dis, mais est-ce qu'il y a vraiment tant de techniques, tant de variétés que ça pour un outil qui est tant toujours le même, je veux dire, d'un humain à un autre, ça change... Pas tant que ça. Donc, ma question, c'est comment, d'un point de vue scientifique et du point de vue de l'apprentissage, au final, est-ce qu'il existe une approche, j'ai envie de dire ultime, mais ce n'est pas tellement le terme, je pense que tu comprends, mais au niveau de l'apprentissage et de la pratique vocale ?
- Speaker #1
En vrai, je ne crois pas. En vrai, alors, il existe beaucoup de méthodes. C'est pour ça que moi, je... J'aimerais ne pas être associée à une méthode, parce que les méthodes, tu vois, tu t'enfermes dans un truc où tu te dis que ça se passe comme ça, et puis il faut faire comme ça et pas autrement. Et ça, je trouve que potentiellement, ça peut être dangereux, parce que si la méthode ne correspond pas à toi, à ta manière d'apprendre, ou même à la manière dont tu as de produire la voix, parce que même si on a le même instrument, on a différentes manières d'utiliser l'instrument. Exactement comme quand tu regardes les gens marcher dans la rue, tout le monde ne marche pas pareil. Tout le monde arrive à marcher, mais tu les regardes, tout le monde ne marche pas pareil. Tout le monde n'investit pas exactement. la même coordination motrice. C'est un peu pareil. Et du coup, dans une méthode, cette méthode peut marcher pour certains et ne pas marcher pour d'autres. Donc, je ne pense pas qu'il y ait de méthode ultime, clairement pas, même dans l'approche ultime, je ne crois pas. Je crois que ce qu'il faut qu'on essaye, en tout cas en tant que pédagogue, de faire, c'est de comprendre comment la personne fonctionne en face, quelles sont ses forces vocales, ce qu'elle a déjà compris instinctivement grâce à des cours ou en imitant, etc. Et puis, quels sont ses besoins, qu'est-ce qu'on peut aller... améliorer. Est-ce que c'est dans la liberté du geste ? Est-ce que c'est dans l'expressivité ? Et puis essayer de tant faire se peur, de personnaliser l'approche de la personne qu'on a en face, en circulant sur la physiologie. Si on connaît bien la physiologie, si on sait quels muscles sont impliqués, si on sait quelle forme des résonateurs peut donner... quel est le type de son, il est quand même plus facile de proposer des explorations à nos élèves en face. Et tu vois, je ne parle pas d'exercice, je parle bien d'exploration. On va tester quelque chose et on va voir si ça marche pour la personne en face. On est dans l'exploration. Et en faisant comme ça, en comprenant bien la physiologie et en proposant des explorations, on peut ajuster la pédagogie, pour ne pas appartenir à une méthode plus qu'à une autre, mais pour ajuster la physiologie et la pédagogie aux besoins de notre élève en face. Et dans ces conditions, on arrive, en général, à obtenir des résultats assez satisfaisants et surtout extrêmement personnalisés aux besoins de la personne en face. Donc, suivre une méthodologie, par exemple, je ne sais pas, une série de vocalises qu'il faudrait faire et tout, pour certains, ça va peut-être super bien marcher. Et puis, pour d'autres, mais pas du tout, ça doit être la catastrophe intersidérale. Donc, voilà, c'est plutôt comment on va pouvoir personnaliser notre approche. Donc, de connaître... plein de stratégies différentes pour ensuite personnaliser ces stratégies à la personne qui m'en passe.
- Speaker #0
Ok. Parce qu'on n'est pas comme pour une méthode, comme pour de la guitare ou de la basse, par exemple, sur quelque chose qui est très extérieur et où si tu places tes doigts d'une manière et que tu fais tel geste, tu obtiendras sensiblement le même son pour tout le monde. Tu vois ce que je veux dire ? Oui,
- Speaker #1
complètement. Oui, la forme... La voix, c'est un instrument qu'on ne voit pas déjà. Et puis, c'est un instrument, c'est une coordination motrice où pour faire la même chose, il peut y avoir plusieurs chemins moteurs différents. Donc, tu ne peux pas dire que... Je ne sais pas, je te donne un exemple tout con, mais pour certaines personnes, pour accéder à l'aigu, d'ouvrir la mâchoire, ça va être super facilitateur. Pour d'autres personnes, pour l'abcès à l'aigu, ouvrir la mâchoire, ça va élever le larynx parce que c'est les mêmes muscles extrinsèques du larynx. dessus de l'oscilloïde qui vont participer. Pour certaines personnes, ouvrir la mâchoire, ça va remonter trop le rince et ça va bloquer la possibilité motrice. Ouvrir trop la mâchoire, pour certains, ça va être pas du tout efficace. Alors que pour d'autres, ouvrir la mâchoire, ça va leur apporter quelque chose. Et à part tester, voir ce qui va bien pour la personne ou pas, tu peux pas le savoir a priori, en fait. Donc tu peux pas dire, ok, systématiquement, pour accéder à l'aiguille, il faut que je vous ouvre la mâchoire.
- Speaker #0
Ok.
- Speaker #1
50% des gens croient que ça ne marchera pas. Sur un football, tu vois, sur un malentendu, ça peut marcher, mais peut-être que ça ne marchera pas. Donc l'idée, c'est de tester, en fait. Qu'est-ce qui est le mieux ? Essayons d'aller explorer les aigus. On ouvre la mâchoire de différentes manières. On la laisse plus ou moins tomber. On la positionne dans différentes positions. Puis on observe. Qu'est-ce qui est le plus confortable ? Qu'est-ce qui est le plus libre ? Qu'est-ce qui emmène le meilleur, entre guillemets, le meilleur ? En tout cas, le résultat sonore est compté, esthétiquement. Voilà. On explore. comme ça et ça nous permet de trouver le geste qui correspond vraiment à la personne et de ne pas lui imposer une manière de faire qui peut-être peut-être lui correspondrait pas du tout d'accord et ce on va dire même pour des pour
- Speaker #0
des techniques comme la saturation ce genre de choses ?
- Speaker #1
Bien sûr mais même dans les saturations déjà juste à l'oreille c'est pas toujours évident de savoir ce qui sature, est-ce que c'est au niveau des bandes ventriculaires, est-ce que c'est d'autres zones qui saturent, c'est pas si évident que ça à l'oreille, on a des idées à force de s'entraîner, mais des fois à part mettre une caméra, un épilaryngoscope ou autre, il n'est pas toujours évident de savoir ce qui sature. Et de temps en temps, même pour les saturations vocales, on peut obtenir des sons très proches, mais avec différentes structures. Donc on explore, on voit, puis pareil dans les saturations, qu'est-ce qui va être facilitateur pour toi ? Donc on a plein de petits jeux vocaux, plein d'explorations différentes à faire tester pour que nos élèves en face, ils trouvent ce qui leur... qui collent le mieux, en fait, à leurs besoins.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
On peut avancer en s'appuyant sur les forces des personnes et pas en essayant d'imposer quelque chose qui peut-être ne va pas leur convenir.
- Speaker #0
D'accord. Donc, en fait, on est plus dans une approche... Alors, c'est hyper intéressant. Prendre des outils très variés, différentes, comme tu dis, explorations, et qui vont solliciter... Oui, oui. le geste vocal de la personne qu'on fait travailler et qui vont lui permettre d'acquérir le son que la personne a envie d'avoir.
- Speaker #1
Oui, et surtout en confort aussi. Parce que l'idée, c'est de ne pas forcément privilégier que le son, mais être toujours attentif à ce qui se passe d'un point de vue sensoriel et confort vocal. Parce que tu pourras avoir un son que tu adores, mais tu ne peux pas chanter une heure comme ça, sinon tu sens que tu ne vas pas tenir. Donc l'idée, c'est d'associer le confort à l'esthétique recherchée. Et puis les explorations, on ne les prend pas au piflomètre, effectivement, les explorations elles sont basées sur ce qu'on sait de la physiologie, comment ça fonctionne. Quand on sait par exemple, je vous reprends l'exemple de la mâchoire, que quand on ouvre grand la mâchoire, ça sollicite les mêmes muscles qui font... lever le larynx, on peut comprendre assez rapidement que chez certaines personnes, ça ne marche pas si le larynx monte trop. S'il est déjà placé haut dans le cou, ouvrir grand l'âme-bâchoire, probablement ça ne va pas être la meilleure des stratégies. Donc en plus, on essaye de baser les explorations sur ce qu'on sait de la physiologie.
- Speaker #0
D'accord. Et est-ce qu'il y a, par exemple, des sons que certaines personnes ne pourront jamais faire ?
- Speaker #1
J'aimerais bien te dire que non, et qu'on peut tous tout faire, et j'ai envie d'y croire. Après, on n'a pas tous la même physiologie. Certaines personnes ont des pathologies vocales. Donc, je ne veux pas m'avancer en disant que systématiquement, chez tout le monde, tout est faisable. Si moi, je veux accéder à certains extrêmes graves, je vais galérer avec mes petites cordes vocales. À un moment, probablement, physiologiquement, je serai limitée. Mais on peut quand même, on a quand même la capacité de faire énormément de choses. Énormément de choses. Donc, le jeu, pareil, c'est d'aller explorer nos capacités, de se les approprier et de découvrir... qu'on est capable de faire beaucoup plus de choses que ce à quoi on s'attendait. Pas forcément ce qu'on aurait toujours voulu au départ. Des fois, il faut un petit temps avant que ce soit faisable. Mais en tout cas, plein, plein, plein de choses. Et se servir de ces possibilités au service de l'expressivité.
- Speaker #0
Alors, pour revenir à ton CV, en 2014, tu participes à un stage sur le bilan vocal et la rédécation à la paille. Alors, de quoi s'agit-il ?
- Speaker #1
Je pense que c'est avec Benoît, j'imagine. Je ne me rappelle pas de mon CV par cœur. Parce que les formations, je suis une éternelle étudiante. Je me suis aperçue en dessinant le lien du site que je n'avais pas du tout remis le site à jouer depuis ultra longtemps. Mais bon, j'adore apprendre, me questionner, et puis même me dire, ah, bah tiens, ça, on avait tort. Il faudrait peut-être plutôt aborder ça différemment. Je pense que le stage en question, c'est le stage avec Benoît, Benoît Ami de la Bretagne. qui est un phénomène très connu, très célèbre en France, et qui est le premier à avoir en France, en tout cas, parlé des techniques à la paille, qu'on appelle aussi les techniques de semi-occlusion, semi-occlusif. Je pense que c'est Benoît, j'ai dû faire le stage en 2014, mais on se connaissait déjà d'avant, Benoît est aussi à Montpellier, on se connaît un petit peu, et c'est quelqu'un pour qui j'ai énormément de respect et d'estime, et effectivement c'est un phognâtre, Il a développé une technique de rééducation vocale basée sur la paille, les semi-occlusifs. Le jeu, c'est d'équilibrer le geste vocal pour faire en sorte que la voix soit la plus saine possible et la plus facile à produire. C'est des explorations, tous les semi-occlusifs, qui permettent vraiment assez rapidement d'avoir d'excellents résultats qu'on va utiliser en échauffement vocal, en récupération vocale. mais aussi pour alléger le geste et pour essayer de trouver la meilleure coordination possible.
- Speaker #0
Et est-ce que c'est le fameux exercice où on souffle dans une paille et on essaye de chanter en même temps ?
- Speaker #1
Le jeu, c'est ça, effectivement. Tu prends une paille, tu souffles dans une paille, alors tu apprends à gérer le flux d'air qui sort. Moi, je le fais beaucoup dans l'eau, avec les bulles, mais Benoît, lui, il le fait sans les bulles, donc sans faire de bulles, il le fait juste en mettant la main devant la paille pour prendre conscience du flux d'air. Et sur le souffle, tu viens poser la voix, donc déclencher la vibration des cordes vocales. L'idée, c'est que le souffle ne soit pas interrompu. Si tu es dans les bulles, l'idée, c'est que les bulles ne soient pas interrompues, et ne soient pas augmentées non plus quand tu commences à faire un saut, quand tu commences l'affonation. Donc ça permet de faire une coordination motrice entre la pression sous les cordes vocales et puis l'accolement des cordes vocales. Et puis même après, tu peux jouer avec la résonance. On parle d'APPR dans le jargon, accord pneumo-phono-résonantiel. Et ces exos-là, à la paille, permettent de faire cet accordage assez naturellement sans avoir trop besoin de te poser la question. Ça aussi, c'est super important dans les explorations en chant. C'est que moins tu es volontariste, plus tu trouves des exos qui font que le corps fonctionne un petit peu en pilote automatique, qui s'équilibre tout seul, mieux c'est. Donc là, la paille, c'est la paille en elle-même qui va gérer les différentes pressions. Et ça va aider les cordes vocales à vibrer beaucoup plus facilement, beaucoup plus librement. Ça, c'est des exercices super, parce que tu as juste à faire de la paille, à faire attention quand même à ce que tu fais, à prendre conscience des sensations, à trouver comment, pour toi, cette coordination motrice, elle est agréable et fluide. Mais après, tu as juste à le faire, et le corps le fait un peu tout seul. La paille te permet de trouver ça tout seul, sans que tu aies besoin de te dire, il faut que je prenne comme ça de l'air, il faut que je rentre les abdos, il faut que je fasse ci, il faut que je fasse ça. Non, ça passe. Faire un peu tout seul, c'est ça qui est génial avec ces exemples.
- Speaker #0
On va revenir un petit peu sur les saturations. Et tout à l'heure, tu parlais de... Alors, on avait déjà parlé... dans le podcast auparavant, notamment des saturations des bandes ventriculaires. Tu as parlé également d'autres types de saturation. J'aimerais bien qu'on revienne un petit peu là-dessus, parce que c'est intéressant. Moi, j'avais surtout entendu parler des bandes ventriculaires. Comment on sollicite ces autres types de saturation ? Comment est-ce qu'on en vient à explorer aussi ? Et surtout, est-ce que ça sonne différent ? Est-ce que ça a une autre... Couleurs vocales ?
- Speaker #1
Alors, ça peut avoir des couleurs vocales. Souvent, il faut savoir que dans les saturations, souvent, pas tout le temps, mais tu as plusieurs seconds vibrateurs. Le jeu pour avoir des sons saturés, c'est en fait, tu as deux grandes stratégies. Première stratégie, ça se passe au niveau des cordes vocales. Tu peux avoir, par exemple, une désynchronisation des deux cordes vocales et tu as des petites saturations douces qui ressemblent parfois un petit peu à un fry ou à une désynchronisation. des petits sons un peu comme ça, c'est marrant. Donc ça, ça peut se faire au niveau des cordes vocales, souvent c'est assez doux et c'est beaucoup basé sur la désynchronisation, le fait que les cordes vocales aient un peu une vibration aléatoire, on va dire ça comme ça. Et puis, la deuxième grande catégorie, la catégorie principale, c'est de rajouter un second vibrateur, c'est-à-dire que qu'il y ait ou non vibration des cordes vocales d'ailleurs, mais il y a un autre truc qui se met à vibrer. Et notamment, le vibrateur le plus important, c'est les bandes ventriculaires. Mais tu n'as pas que les bandes ventriculaires, tu as plein de choses qui peuvent potentiellement vibrer au-dessus des cordes vocales. Alors souvent, c'est les bandes ventriculaires, mais on peut voir aussi un peu la danse des arythénoïdes, on peut voir l'épiglobe qui vient participer, on peut voir les bandes ariépiglotiques qui viennent aussi parfois participer. Et puis pourquoi pas se dire, ça, ça se discute, mais la base de la langue, le pharaon, ou même encore... le voile du palais, tout ce qui peut vibrer au-dessus quelque part des cordes vocales va venir perturber, on va dire ça comme ça, le son, et engendrer de la saturation vocale. Donc il y a plein de stratégies différentes, alors souvent quand même on a des membres ventriculaires qui reviennent, qui sont très importants dans les saturations vocales, mais pas que.
- Speaker #0
D'accord. Je voulais poser une question par rapport à un cas assez précis. Alors j'ai entendu parler, et alors moi qui suis un grand amateur de musique, comme beaucoup de monde, J'ai entendu parler récemment de l'amusie. Alors, pour les gens qui ne savent pas de l'amusie, c'est un trouble qui empêche de percevoir la musique en tant que telle. Et moi, je voulais savoir, par rapport à ça, est-ce que tu as déjà eu des élèves atteints d'amusie ?
- Speaker #1
Alors, il y a plusieurs degrés d'amusie. Ça, c'est intéressant. Les recherches là-dessus sont absolument passionnantes. Il y a vraiment plein de choses à aller voir, notamment en France, il y a un peu les travaux de Johanna Lévesque qui a fait ça. Il y a aussi Sabine Peretz qui fait plein de choses très intéressantes sur tout ça. Alors, j'ai déjà eu des élèves, oui, qui ont des amusées, mais pas des énormes amusées. Parce que, bon, j'imagine, mais ça, peut-être les chercheurs le confirmeront ou non, mais que quand tu as une très grande amusée, peut-être que ce n'est pas vers le champ que tu te diriges. Peut-être que ce n'est pas l'envie première que tu vas avoir. Peut-être qu'il y a quand même des grands amusés qui viennent. C'est quelques pourcents de la population. Déjà, ce n'est pas si énorme que ça. Et puis, en plus, il y a différents degrés et différents types d'amusés. Tu peux avoir des amusés de timbre. Il y a différents types d'amusés. Donc, ça m'aide.
- Speaker #0
Très rarement arriver en vrai d'avoir des vraies grands amusiques. Quasiment jamais. Je pense à une élève, ouais. Mais elle avait trop envie de chanter.
- Speaker #1
Et comment s'y prendre dans ce genre de cas ?
- Speaker #0
Déjà, si on a un vrai doute sur le fait que ce soit une amusie, évidemment, si la personne en face est ok avec ça, ça vaut le coup de savoir si c'est une amusie. Donc, de faire des tests. Il y a des tests qui permettent de savoir ou pas. Parce qu'il y a plusieurs choses. Soit c'est perceptif. vraiment, c'est la perception à proprement parler de la musique qui est perturbée. Soit ça peut être aussi au niveau de l'encodage, ou au niveau de la mémorisation. C'est-à-dire, si je joue une note, que je chante une note, comment le cerveau va, en quelque sorte, engrammer cette note, la mémoriser, la retenir à l'intérieur ? Est-ce qu'on est capable d'en avoir un genre d'image sonore à l'intérieur ? Et puis après, il y a, est-ce que... entre la perception et puis le geste moteur, la réalisation, est-ce qu'il y a un truc aussi peut-être qui bug ? Ou est-ce que c'est simplement le geste ? Est-ce que c'est simplement entre l'encodage et le geste où il se passe un petit truc qui ne se passe pas normalement ? Ou est-ce que c'est le geste vocal ? Et là, si c'est le geste vocal, pourquoi ? Est-ce que c'est que les cordes vocales ne veulent pas s'étirer ? Ou ne veulent pas prendre la forme adéquate pour vibrer à la bonne vitesse ? Est-ce que c'est, j'en sais rien, un élève à qui on aurait dit il faut que tu mettes énormément d'air, et puis il met plein d'air, et puis forcément en mettant énormément d'air, en envoyant beaucoup de pression, ça change la vibration de ses cordes vocales et il se retrouve un petit peu à côté ? Est-ce que c'est un accordage résonantiel qui n'est pas efficace ? Est-ce que c'est de l'ordre du geste ? Si c'est de l'ordre du geste, on va te dire que ce n'est pas de la vraie musique, c'est juste un manque de technique vocale et ça, ça se règle. Si c'est une vraie grande amusie, ça vaut le coup de poser un diagnostic parce que vraisemblablement, sur des grandes amusies, ce n'est pas facile à rééduquer.
- Speaker #1
Je me doute.
- Speaker #0
C'est faisable, ça dépend des causes, ça dépend de plein de choses, mais ce n'est pas facile. Et ça nécessite parfois qu'on travaille en pluridisciplinarité.
- Speaker #1
D'accord. Je voulais revenir également sur l'association VoxLab. dont tu es présidente. Est-ce que tu peux nous la présenter et nous expliquer un petit peu de quoi il s'agit ?
- Speaker #0
Je peux te la présenter, seulement elle n'existe plus.
- Speaker #1
Ah mince ! J'étais sur ton site. J'avais vu ça, je m'étais dit tiens ! J'ai balayé à jour.
- Speaker #0
Avec une copine et un copain, il y a quelques années, on a monté une assoce. Avec Catherine et Fred, on a monté une assoce qu'on a appelée VoxLab, le centre international de la voix. Le but du jeu, c'était de venir faire Vox. faire venir des pédagogues, des scientifiques, des chercheurs pour présenter un peu différentes approches pédagogiques, voir différentes méthodes, faire des conférences, etc. Et puis on a tenu à peu près jusqu'à un moment. Et puis c'était du bénévolat. Et comme tout projet bénévole, à un moment, à un moment, on ne va pas se mentir, c'est lourd à porter. Et bon, mon camarade a décidé que ça devenait compliqué pour lui et puis pour nous aussi. Ça demandait de se bloquer plein de week-ends pour être là. Donc bon, pour l'instant, c'est en stand-by. Je ne dis pas qu'on ne le refera pas quand j'aurai un peu plus de temps. Peut-être parce que ça me tient vraiment à cœur. Et j'avais envie qu'on arrive à créer un vrai centre ressources avec plein d'intervenants, avec un endroit où on pourrait… on pourrait apprendre plein de choses sur la voix avec plein d'approches. C'était un petit peu l'idée. On a organisé beaucoup de choses. On a organisé vraiment, vraiment beaucoup de choses. Ça a été assez génial. Mais pour l'instant, c'est en stand-by.
- Speaker #1
Est-ce qu'avec ton amour de la voix, ton amour de la physiologie, ton amour de tout ça, tu t'es jamais dit que toi-même, t'aimerais devenir phoniâtre, par exemple ?
- Speaker #0
Ah, je ne vois pas assez. Donc, la question ne s'est pas posée. D'abord, il aurait fallu que je fasse des études de médecine, mais tu sais quoi, j'aurais adoré faire des études de médecine si j'avais pu. J'ai fait kiné, mais je ne vois pas assez. Je ne vois vraiment rien. Je suis très, très fortement malvoyante, donc je vois vraiment très peu. Au quotidien, ça ne me gêne pas et je crois que ça ne se remarque pas tant que ça. Dans mon quotidien, j'ai réussi à compenser ce truc-là, je pense, plutôt pas mal. Mais il y a des métiers que je ne peux pas faire. Et il me faut bien aller à la fac de médecine. Sinon, oui, probablement, en vrai. Il y a deux métiers que je voulais faire quand j'étais gamine, c'était être prof. Donc bon, quelque part, je suis prof. Mais ça aussi, tu ne pouvais pas faire quand tu ne voyais pas assez. Et puis, je voulais faire médecine. Mais bon, tu ne peux pas aller à la fac de médecine quand tu ne vois que dalle. Donc, ça a limité mes choix et mes possibilités. Après, j'ai la chance, peut-être, tu vois, j'aurais adoré être phonéâtre. Et puis, j'en connais plein des phonéâtres. Et je suis même amie avec certains, certaines. J'ai beaucoup d'estime pour leur travail, c'est génial. Mais je suis contente aussi d'être du côté artistique, de la force. Ça, ça me fait plaisir de travailler sur les projets artistiques des gens. Enfin, voilà. Il y a l'aspect comme ça, philologique, scientifique, méthodologique quelque part, mais il y a aussi l'aspect expressivité, émotion, voilà. Et ça, je kiffe quand même. Donc au final, je ne regrette pas.
- Speaker #1
Et justement, du coup, tu parlais du fait que tu es née aveugle, que tu es malvoyante. C'est quelque chose qui a orienté un petit peu ton... En tout cas, ta vie vers le chant. Comment tu le vis au quotidien, ça ?
- Speaker #0
Très bien. En vrai bien, bon je dis pas que c'est tous les jours facile, des fois ça me saoule, mais j'oublie tout le temps que je vois pas. Ca paraît étrange, mais j'oublie, je me retrouve des fois dans des situations en me disant, punaise j'ai pas pris ma canne blanche, comment je vais me sortir de ça ? Parce que j'ai oublié, tu vois je me suis, moi j'ai été prendre l'avion, l'avion il arrive à minuit, il y a plus rien, il fait noir, je suis là, comment je vais faire ? J'oublie en vrai, en vrai j'oublie de temps en temps. Je ne te dis pas que c'est tous les jours facile et que c'est une galère. Mais j'oublie. Et puis, tu sais quoi ? Ça peut paraître surprenant, ce que je vais raconter. Mais souvent, je dis que ça a été une chance dans mon parcours. Ça m'a donné, peut-être, je ne sais pas si c'est une forme de résilience ou une envie de profiter de la vie de ouf. Mais j'ai l'impression que ça m'a beaucoup plus apporté que ça ne m'a enlevé. Je ne dis pas que ça ne m'a rien enlevé. C'est galère de ne pas voir. Mais ça m'a aussi apporté beaucoup de choses. Ça m'a reporté... Tu vois, quand j'étais gamine, il n'y avait pas de téléphone, pas d'appareil photo, je ne voyais pas le tableau et j'ai suivi une scolarité classique. Donc, il a fallu que j'apprenne à apprendre autrement. Il a fallu que je me démerde pour pouvoir suivre cette scolarité classique parce que je n'avais pas du tout envie d'aller à l'internat, à l'Institut National des Jeunes Aveugles. Je voulais rester avec mes parents, avec mes copains. Donc, il a fallu que je me démerde. Puis, j'ai une famille qui ne m'a jamais victimisée. Ils m'ont mis à des endroits, ils m'ont dit Démère-toi, on est là si tu as besoin, mais démerde-toi. Et ça, je leur dois aussi beaucoup. Donc, au final, quelque part, ça m'a beaucoup apporté. Une adaptabilité, une prise de conscience que, voilà, il y a des trucs graves dans la vie, puis il y en a qui sont moins graves. Et donc, au quotidien, franchement, je le vis bien. On ne peut pas le dire mieux, mais je le vis bien.
- Speaker #1
Alors, Emmanuel, on arrive sur la fin de ce podcast. Et je demande, comme à chaque invité, tes recommandations. culturelles ? Est-ce qu'il y a des choses que tu as vues, que tu as entendues, des choses qui t'ont quelque peu plu et que tu as envie de recommander ?
- Speaker #0
Ah, alors là, je n'avais pas du tout prévu. Recommandations culturelles, c'est une bonne question. En général ?
- Speaker #1
Oui, oui, en général, ça peut être des vidéos YouTube, ça peut être des choses qui, en ton cas, t'ont marqué, que tu as envie de partager, tu vois. Est-ce que tu as lu un bouquin où tu te dis Ah chouette, j'ai envie que tout le monde lise ce livre Est-ce qu'il y a des choses vraiment qui t'ont marqué ?
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a des choses qui m'ont marqué ? Il y a plein de choses qui m'ont marqué. Alors, je n'avais pas anticipé ta question, du coup, là, je ne sais pas trop quoi te répondre. J'ai un ado qui a 15 ans et c'est un autre monde. C'est un autre monde, on s'entend très bien, on s'entend très bien, mais c'est un autre monde. Et là, cet été, on a regardé alors… C'est culturel, mais... Ouais, c'est culturel. On a regardé, tu sais, les reportages... Ne montre jamais ça à Cotson, c'est ça ?
- Speaker #1
Ah oui, de Relson.
- Speaker #0
Filmé par son frère. Et j'ai regardé ça avec mon fils, cet été. On a regardé ça, on a regardé d'autres trucs. Et j'ai trouvé, d'abord, que c'était incroyable. Vraiment hyper bien foutu. Sincère, voilà. Et j'ai trouvé qu'il y avait quelque chose d'intergénérationnel. Et...... Il y a un côté leçon de vie complètement délirant. J'ai adoré voir ça avec mon ado. Donc, peut-être que c'est un des trucs qui m'a le plus marquée ces derniers mois. Or, c'est de la culture. Ce n'est pas de la culture pop, mais c'est de la culture. Et Aurel San, pour le coup, moi, j'ai découvert il y a longtemps, il y a très longtemps. Mais mon papa adore, mes sœurs adorent, mon fils adore. C'est intergénérationnel. Il se passe quelque chose avec cet artiste, très clairement. Et voilà, c'est un bonheur de voir ça avec lui et de partager ça avec lui, et d'en discuter, de voir ce qu'il en avait retenu, ce qu'il avait appris. Par exemple, que réussir quand on est bien entouré, c'est important. Que l'humour, l'autodélision, c'est important. Que quand on se plante, à un moment, Arsène, il se plante sur une scène de rap, eh bien, ce n'est pas grave, on recommence. Tu vois, il y avait quelque part des vraies leçons de vie. Donc, évidemment, avec les coulisses d'un enregistrement d'album, de plein de trucs, en plus, un univers qui lui parle forcément. Voilà, j'ai trouvé ça hyper intéressant.
- Speaker #1
Ok. Et alors,
- Speaker #0
à très bientôt.
- Speaker #1
Non, mais t'inquiète, c'est la première fois qu'on les vote dans le podcast. Pourquoi alors ? Pour ma part, récemment, Arte ont sorti une série de vidéos sur DJ Mehdi. Oui. Voilà. J'ai dévoré ça en quelques soirées, j'ai trouvé ça hyper intéressant. J'ai beaucoup appris sur le mec, beaucoup appris sur l'univers du sampling. Beaucoup appris aussi sur un univers et des morceaux que je connaissais assez mal, voire que j'avais plutôt... je dois bien le reconnaître, assez méprisé à l'époque. Et aujourd'hui, vraiment, je regrette. Parce qu'il y a beaucoup de musiques qui sont... Le mec est allé vraiment chercher. C'est un passionné de musique, passionné de sampling, passionné de tout ça, de recherche musicale, d'écoute et tout. Et j'ai trouvé ça absolument génial, tout ce que ce type a apporté. à la musique et au rap français et j'ai trouvé ça trop cool d'autant plus que Arte lui rend hommage avec cette série documentaire c'était hyper agréable de voir tous les témoignages du 113, de la mafia qu'infri mais aussi des autres mecs du monde de l'électro comme Boombass et de voir comment le type est malheureusement décédé d'un accident bête chez lui. Et on a perdu quand même un grand artiste. Et je tenais vraiment à saluer en soi les personnes qui ont fait ce documentaire, mais aussi, à titre posthume, l'artiste qui était DJ Mehdi. Ça donne envie.
- Speaker #0
Je sais ce que tu vas faire dans les prochaines soirées.
- Speaker #1
Eh bien, super. Merci beaucoup, Emmanuelle, d'avoir été mon invitée pour cet épisode de C'est la Voix.
- Speaker #0
Avec plaisir.
- Speaker #1
On se donne rendez-vous dans deux semaines. D'ici là, prenez soin de vous, écoutez de la musique, chantez. Et puis à bientôt.
- Speaker #0
À bientôt peut-être. Allez, au revoir.