- Speaker #0
Mes toiles, elles s'imposent comme des évidences pour moi. Tout d'un coup, j'ai une idée et je vois la pose ou les couleurs ou le sujet. Et en fait, je me rends compte que ça parle tout le temps de la même chose. C'est un peu malgré moi. Mais c'est parce que c'est des sujets qui m'obsèdent, en fait. En tout cas, pour moi, c'est très joyeux. Il y a quelque chose de vraiment... Oui, c'est ça, en fait, qui m'intéresse. Donc, je creuse là-dedans. Pour le moment, je n'ai pas changé.
- Speaker #1
D'abord, être inondées de couleurs. Elles sont vives, fortes, saturées, elles assument pleinement le contraste. Le bleu à condition qu'il soit outre-mer. Le violet qui lui évoque le voyage, la plongée métaphysique. Le jaune de cadmium, pour le soleil et la gaieté. Le vert émeraude et ses mystères. Et puis des touches de rouge et de rose fuchsia. Les toiles de Chloé Mugler qui m'accueillent et m'enveloppent me saisissent d'abord par leur couleur vibrante, que l'artiste choisit de très peu nuancée. Elles sont là, pleines et entières.
- Speaker #0
Moi j'aime ces couleurs, je trouve que ça me fait me sentir vivante, ça me ravit les yeux. J'adore, je trouve que les couleurs c'est joyeux. Et du coup moi la peinture à l'huile, j'ai plongé dedans direct, donc je ne compare pas trop avec les autres. Je suis assez fascinée par cette peinture, j'adore. Il y a un côté très physique, très sensuel en fait, que je ne trouve pas dans les autres peintures. C'est marrant parce que pour moi dans la peinture à l'huile il y a du modelage. Déjà tu penses en couches, donc tu as une première couche avec le tracé. et puis les ombres, les lumières, tout ça. Puis après, tu montes par couche, en fait, jusqu'à la couleur finale et tout ça. Donc déjà, tu penses un peu en trois dimensions. Et puis après, il y a ce côté vraiment la matière. La peinture à l'huile, c'est crémeux. Il y a vraiment... Il y a quelque chose d'hyper doux, gras. J'adore.
- Speaker #1
Pourquoi alors peindre ? Et qu'est-ce que cette peinture ? En peignant, Chloé Mugler nourrit sa flamme intérieure, transcrit ses visions fugitives et ses obsessions. Grâce au pinceau et à la peinture à l'huile, parfois au pastel, elle fait jaillir d'elle ses sujets. Dans ses mots, j'entends comme l'acte de peindre est physique, comme son corps est engagé. Elle me confie que lorsqu'elle peint, le temps s'arrête. La course folle de la vie laisse place au crémeux de l'huile et à l'intensité du moment. Les couleurs la consolent, la caressent. Elle est heureuse, vivante, honnête, sans faux-semblants et sans artifices, au plus près de son âme.
- Speaker #0
En fait, si je ne fais pas ça, j'ai l'impression que ma vie est une succession de choses qui s'enchaînent. Oui, de choses pas forcément répétitives, mais du quotidien. J'ai envie de créer quelque chose d'extérieur à tout ça, d'un peu plus grand.
- Speaker #1
Ce que je trouve beau, émouvant dans le travail de Chloé, c'est que si peindre la réconforte, c'est aussi du réconfort qu'elle veut offrir aux autres avec ses toiles, ses talismans.
- Speaker #0
J'aime bien l'idée que mes toiles, elles soient quelque part chez nous, et quand on les regarde, en fait, c'est un temps de pause. C'est vraiment, c'est là pour nous rappeler quelque chose d'important. Je regarde ma toile et je me rappelle que, ah oui, j'ai ça, j'ai quelque chose d'important qui brille au fond de moi, et il faut que j'en prenne soin, il faut que je me reconnecte à ça. C'est une façon de s'extraire un peu du monde, de s'extraire de ce chaos quotidien, cette course effrénée, et puis de se dire, voilà, qu'est-ce qui est important. J'aime bien que ça rappelle l'importance de l'instant présent, de vivre à fond le moment, que tout peut changer du jour au lendemain et que tout ça c'est précieux. Moi c'est pas que en regardant les tableaux que je me rappelle de toujours soigner sa petite flamme intérieure, c'est aussi en les faisant. C'est de l'intime, enfin en tout cas c'est très intime, c'est très propre à mon expérience, mais en fait c'est complètement universel, je crois.
- Speaker #1
Sa série intitulée Les Chercheuses d'Or est un vibrant reflet de cette recherche.
- Speaker #0
Les chercheuses d'or, c'est une série que je n'ai pas forcément imaginée à l'origine. C'est parti d'une toile où vraiment j'avais envie d'une femme qui découvre un trésor. Et donc elle sort ce bijou de son petit écrin et elle est un peu étonnée en fait. Et c'est après que je me suis rendue compte qu'il y avait ce côté chercher quelque chose qui est enfoui, qui est caché, qu'on a un peu oublié. Et ça faisait écho à mon parcours en fait de me reconnecter à la création artistique. Et c'est quelque chose qui a toujours été là chez moi et que je ne voyais pas. Ça m'a touchée en fait, je me suis dit, j'aimerais bien que chacun ouvre les yeux sur ce qui vraiment le caractérise lui, ce qui le fait vibrer, ce qui est le plus important pour lui. C'est comme ça qu'est née la série. Et après, j'ai imaginé tout un tas de... Il y en a une autre qui est derrière, tout un tas de poses avec... J'imaginais un peu des étoiles qui sortent de nulle part. Et puis la dernière qui jongle avec ses étoiles. J'ai des envies de toiles qui me viennent, un peu n'importe quand. Comme plein de gens, je pense que j'en oublie. Du coup, j'essaie de les noter dans mon téléphone désormais. Alors j'aimerais bien, ce serait plus romantique d'avoir un petit carnet et puis de faire un petit croquis à chaque fois, mais en fait, j'y arrive pas. J'ai jamais le carnet, quoi que ce soit. Du coup, je note simplement l'idée. Là, par exemple, je sais que j'ai trois idées en attente. dont je ne me souviens plus, donc heureusement que je les ai notés. Et en fait, souvent l'idée, c'est le sujet et un peu la forme que ça va prendre. Ça vient en même temps. On dirait un peu une inspiration divine, quand je dis ça, c'est pas une inspiration divine, je pense que c'est un mélange de tout ce qui m'a nourrie, de tout d'un coup une émotion que j'ai ressentie, et je me suis dit, tiens, ça rend peinture, j'aimerais bien l'exprimer.
- Speaker #1
Vous avez remarqué ? Oui, forcément. Les personnages sur les tableaux de Chloé Mugler sont des femmes, partout des femmes, sauvages, libres, puissantes. Elles crèvent la toile.
- Speaker #0
En fait, souvent, ce que je veux peindre, c'est une idée ou une émotion, un concept. Ce n'est pas vraiment la femme en soi. Et cette femme, c'est un support de cette idée. Après, je pense que je suis très imprégnée d'histoire de l'art. On a toujours eu la mythologie, les allégories. Donc, il y a quelque chose de cet ordre-là. Après, j'aime bien l'idée aussi que c'est des femmes, justement, contrairement à tout ce dont on parle. J'ai été imprégnée dans l'histoire de l'art, c'est des femmes qui sont très actrices de ce qu'elles font, qui sont fortes, elles sont puissantes. C'est un peu comme des déesses mais ce seraient toutes des Athéna ou des Diennes. Elles prennent vraiment de la place dans le cadre, c'est le sujet. Et puis, peut-être qu'il y a un côté un peu femme sauvage, tu vois, un peu libre, quelque chose de puissant dans la force. En fait, je trouve ça fascinant d'arriver à faire sortir une figure d'une toile blanche. Il y a quelque chose de magique, en fait. Et ça, j'ai essayé de faire un petit peu d'abstrait, mais ça ne me parle pas. L'abstrait, je n'arrive pas à faire ça. Je n'arrive pas à connecter avec mes émotions et à les exprimer de façon purement abstraite. Il y en a qui le font très bien, mais moi j'ai besoin du support d'une personne, d'un visage humain, des mains, de quelque chose qui... Pour moi, c'est ça qui exprime en fait. Et donc c'est pour ça que je parle de réalisme, parce qu'il y a cette figure, il y a ce personnage. Et en même temps, on est à la limite du réalisme parce que ce n'est pas juste une représentation d'une personne. Ce n'est pas juste une représentation d'une femme qui lit un livre, par exemple, ou d'une femme qui sort un bijou de sa boîte à bijoux. Comme c'est souvent un peu allégorique, il y a ce côté, cette femme, elle représente autre chose que juste cette scène-là. Et en plus, dans le décor et dans le choix des accessoires, ce n'est pas très réaliste. C'est un peu fantastique. C'est un peu mystique. J'aime bien quand il y a des symboles. J'aime bien, par exemple, celle-ci. Elle a une cruche avec de l'eau qui le coule entre les mains. Il y a un oiseau qui s'envole. Ça, ce n'est pas réaliste.
- Speaker #1
En écoutant et en observant Chloé Mugler, j'effleure ce fil sur lequel elle avance. Sa peinture est magique, presque mystique, empreinte d'une joie profonde et d'une certaine gravité. Vous les percevez ? Je me laisse cueillir par ses couleurs magnifiques et me questionne sur les histoires de ces femmes insaisissables. Histoire que l'on devine en pointillé. Les murmureront-elles si l'on se tait ? Elles ne livrent pas facilement leurs secrets. Tant mieux, on y reviendra, n'est-ce pas ? Avant de refermer la porte de son chaleureux atelier, encore un instant, je savoure. Le calme des lieux bienfaisants, les parfums délicats et discrets de la peinture à l'huile, et puis partout des couleurs. Les rideaux jaunes entourant les deux fenêtres, le parquet marron foncé, la grande bibliothèque aux bois miel et aux ouvrages panachés, un canapé au coussin accueillant qu'elle vient de quitter, la lumière pâle du dehors, et les appliques au mur de gauche qui teintent la pièce d'un éclat ensoleillé. Et puis tous ces livres d'art qu'elle a posés là pour évoquer ses inspirations. Sorolla, Sargent, Georgia O'Keeffe, Valoton, Maurice Denis, Javlensky, Giovanni Giacometti, Tamara de Lempicka. Dernier bain visuel. pour m'imprégner de toutes ces toiles alentours. Des rectangles et des carrés habités par des personnages féminins flamboyants et énigmatiques. Je repars sur la pointe des pieds, heureuse d'avoir rencontré Chloé Mugler, celle qui, par l'action de peindre et par les tableaux qu'elle crée, se connecte à son cœur qui bat. Vous venez d'écouter le portrait sonore de Chloé Mugler. Cette création est signée Marie-Gérardin Lépine pour la Fantasy Vagabonde.