Speaker #0Musique Et si le cinéma était avant tout une immense blague, une farce bien ficelée, un grand poisson d'avril où les personnages jouent des rôles qu'ils ignorent, où les spectateurs rient, frémissent et parfois tombent dans le panneau ? Bonjour, bonsoir, salut à toi cher auditeur, chère auditrice, cher être humain qui aime se faire balader pendant 1h30 par une bande d'acteurs très bien payés. Bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast CINETOC où on explore le 7e art, là où il se dérobe le plus. Dans le rire, la tromperie, la mise en scène de l'illusion. Je m'appelle Georgia et aujourd'hui on va parler de ces films qui ne se contentent pas de raconter une histoire, non non non. Ils jouent avec toi. Ils te tendent un piège, un miroir, un rideau. Et pendant que tu regardes à gauche, hop, la vraie scène est à droite. Tu l'auras compris, on va parler de la blague dans le cinéma. Pas seulement la blague comique, celle qui fait rire autour d'une punchline. Non, ici on parle de la blague comme outil narratif, la blague comme manipulation, comme moteur du récit, celle qui désamorce une tension, ou au contraire, qui en crée une en nous faisant croire à une réalité qui n'existe pas. Pour explorer cette idée, je propose de plonger dans quatre films très différents en apparence, mais tous liés par une même dynamique. La folle journée de Ferris Bueller, Ocean's Eleven, The Game de David Fincher et The Blair Witch Project. Comédie, film de casse, thriller psychologique et faux documentaire d'horreur. Ces films utilisent tous la blague au sens large pour construire, déconstruire ou renverser le regard du spectateur. Alors que se passe-t-il quand un film devient lui-même une farce ? Quand le spectateur devient la cible d'un canular ? Quand la fiction se moque de ses propres règles ? On va voir comment Ferris Bueller brise le quatrième mur pour nous faire rire, comment Danny Ocean piège tout le monde avec panache, comment Nicholas Van Orton se fait manipuler dans une mise en scène terrifiante et comment trois étudiants disparaissent dans une forêt qui semble bien réelle. Ausha, car aujourd'hui, le cinéma fait sa propre blague. Musique. Première étape de notre exploration, la folle journée de Ferris Bueller. Comédie culte de 1986, signé John Hughes. Ce film, c'est un hymne à la désinvolture adolescente. Mais c'est aussi, fondamentalement, une gigantesque blague organisée par un seul personnage, Ferris lui-même. Ferris Bueller, c'est l'élève que tu rêvais d'être. Il sèche les cours, il trompe ses parents, il vole une Ferrari et, en plus, il regarde la caméra comme s'il faisait un tuto YouTube en 1986. Il n'a pas de plan B parce que le plan A marche toujours et nous, on l'admire, on l'applaudit. C'est le seul personnage de comédie à qui on pardonne tout parce qu'il nous fait un clin d'œil. Ferris, ce n'est pas un héros, c'est un escroc avec du charisme, mais c'est notre escroc. Ce qui est fascinant, c'est que Ferris ne fait pas ses blagues juste pour rire, il les fait pour résister. Résister à l'école, résister à la normalisation. résister à la routine adulte. Il incarne une forme de liberté absolue où l'humour devient un outil de subversion. Sa journée n'est pas juste un moment de détente, c'est une protestation joyeuse contre le sérieux du monde. Le film devient une blague contre l'autorité. Et il y a une chose qui rend cette blague encore plus puissante, c'est que nous, spectateurs, sommes complices. Ferris ne se contente pas de tromper les personnages du film. Il parle directement à la caméra. Il nous regarde, il nous implique. Il casse ce qu'on appelle le quatrième mur et transforme le film en jeu partagé. On n'est pas seulement témoin de la blague, on en fait partie. Ce regard complice crée une intimité unique entre le personnage et le public. Ferris devient presque notre ami. et on rit avec lui, pas contre lui. On ne doute jamais de sa sincérité, même quand il ment à tout le monde. Pourquoi ? Parce que dans cette comédie, le mensonge est une forme de vérité émotionnelle, celle du désir de vivre, de respirer, de sortir du cadre. Une vérité qui s'illustre encore plus à travers le personnage de Cameron et de son obsession avec la décapotable de son père. Mais ce n'est pas tout. La folle journée de Ferris Bueller, c'est aussi une blague sur le cinéma lui-même. Une farce qui détourne les codes narratifs traditionnels. Il n'y a pas de conflit réel, pas d'enjeu dramatique fort, pas de leçon de morale pesante. Il y a juste un garçon qui s'amuse, et nous avec. Le film se permet même une dernière pirouette à la toute fin quand Ferris réapparaît à l'écran dans une scène post-générique et en s'adressant directement au public dit simplement « Vous êtes encore là ? C'est fini, rentrez chez vous ! » Le film, comme son héros, ne veut pas être pris au sérieux et c'est précisément ce qui fait sa force. La blague devient un acte de liberté, une déclaration d'amour à la vie et un cln d'oeil permanent au spectateur. Musique. Deuxième film de notre parcours, Ocean's Eleven, réalisé par Steven Soderbergh en 2001. Un remake... ultra stylisé du film de braquage des années 60, mais surtout un bijou de mise en scène et de manipulation. Ocean's Eleven, c'est une blague de haut vol, une blague sophistiquée où tout le monde, les personnages comme le spectateur, est entraîné dans une cascade de faux-semblants. Le film repose sur un principe simple. Le vrai braquage, c'est celui qu'on ne voit pas venir. Surtout, le coup monté suit lui-même la structure de la blague. Je m'explique. Dans une blague classique, il y a toujours trois temps, l'attente, la surprise et la chute. Le film suit exactement cette logique. Il nous présente un plan de braquage apparemment impossible, nous laisse croire que tout va échouer, puis retourne la situation au dernier moment avec une pirouette brillante. On croit assister au déroulement du plan, mais en réalité, le vrai plan est ailleurs, monté en parallèle. et à notre insu. Résultat, quand on découvre la supercherie, on rit. Pas un rire éclatant, mais un sourire complice. On a été dupé avec élégance. Chaque membre de l'équipe d'Ocean a son rôle, comme dans une pièce de théâtre ou un tour de magie. L'acrobate, le hacker, le faussaire, ce sont en fait des illusionnistes. Leurs outils ne sont pas des armes, mais des déguisements, des écrans, des répliques. Ils jouent avec les apparences, et surtout, Il maîtrise parfaitement le timing, comme dans une bonne blague. Et au cœur de tout ça, Danny Ocean, joué par George Clooney, incarne la cool attitude absolue. Il a toujours un coup d'avance, même son sourire est une sorte de punchline silencieuse. Mais là où Ocean's Eleven est plus retort que Ferris Bueller, c'est qu'il ne nous dit pas qu'il nous manipule. Il nous cache volontairement les clés du plan. On croit comprendre, mais on ne comprend rien. Et à la fin, quand tout se révèle, on est bluffé. Autrement dit, le film lui-même est une blague. Il nous mène en bateau et on adore ça. Et ce n'est pas anodin si tout se termine devant les jets d'eau de Las Vegas, un endroit de spectacle, d'illusion et de mise en scène exposée au regard de tous. Ocean's Eleven, c'est le cinéma qui nous fait un clin d'œil, qui nous dit « Regarde bien, mais tu ne verras rien » . Musique. Changement de ton. Après l'humour léger de... de Ferris Bueller et l'élégance cool d'Ocean's Eleven en entrent maintenant dans une autre dimension de la blague. Une dimension plus sombre, plus ambiguë. Dans The Game, réalisé par David Fincher, la blague devient un cauchemar organisé. Le pitch est simple en apparence. Nicolas Van Horten, interprété par Michael Douglas, est un riche homme d'affaires solitaire qui reçoit en cadeau d'anniversaire un jeu. Un jeu dont il ignore les règles et qui... peu à peu va prendre le contrôle de sa vie. Très vite, il ne sait plus ce qui est réel et ce qui fait partie de la mise en scène. Mais ce jeu, ce game, c'est bien plus qu'un simple divertissement. C'est une blague géante, totale, qui engloutit tout. Sa maison, son travail, ses relations, son corps, sa psyché. Bref, The Game, c'est David Fincher qui te dit « Tiens, tu veux une surprise ? » et il te fout dans une boîte noire avec une chèvre et une corde. C'est une farce qui fait basculer le réel. Ce qui rend le film si troublant, c'est que le spectateur est aussi perdu que Nicolas. Nous découvrons les événements à travers ses yeux, sans jamais savoir si ce qu'il vit est vrai ou non. Tout devient suspect. Les accidents, les rencontres, les décors, le monde entier se transforme en théâtre piégé. The Game, c'est l'anti-Ferris Bueller. Ici, le héros ne contrôle rien. Il est victime d'un immense canular. Et cette fois, le spectateur en est aussi la victime. Et pourtant, comme dans toute bonne blague, la chute est spectaculaire, au sens figuré comme au sens littéraire, puisque au point culminant du film où Nicolas, croyant avoir tué son frère et sombré dans la folie, se jette du haut d'un immeuble, il finit par atterrir sur un coussin gonflable au milieu d'un hall d'hôtel rempli de gens qui l'applaudissent. Mais pourquoi cette blague ? Pourquoi ce cirque cruel ? Parce qu'en fait, The Game n'est pas une farce gratuite. C'est une expérience existentielle. Elle vise à transformer Nicolas, à lui faire perdre pied pour mieux retrouver sa vie. Le canular devient alors un rite de passage, une manière de faire exploser le carcan de l'identité, du contrôle, du pouvoir. Ce n'est pas une blague pour rire, c'est une blague pour vivre. Fincher, comme dans Fight Club, adore manipuler ses spectateurs. Il brouille les repères, utilise les codes du thriller pour piéger notre perception. Et quand la vérité éclate, on ressent à la fois du soulagement et du vertige. La mécanique de la blague devient ici terrifiante parce qu'elle révèle une vérité angoissante. Et si tout ce qu'on croit réel n'était qu'un décor ? Et si notre vie n'était qu'un jeu monté pour nous faire réagir ? The Game, c'est peut-être la forme la plus extrême de la blague au cinéma. Une blague qui va jusqu'à la destruction du soi. Mais c'est aussi une parabole sur le pouvoir de la fiction, sur ce que le cinéma lui aussi fait chaque jour, nous faire croire, Et maintenant, le dernier acte. Celui où la blague ne fait plus rire, ni sourire, mais trembler. On termine avec The Blair Witch Project, un film qui a profondément marqué le cinéma d'horreur en 1999 en jouant une des plus grandes blagues de l'histoire du genre. Ici, pas de stars, pas de musique entraînante, pas de dialogue spirituel, juste trois étudiants qui partent filmer un documentaire sur une sorcière et qui ne reviennent jamais. Le film se présente comme un montage de leur cassette retrouvée. C'est du found footage, un genre nouveau à l'époque et surtout un énorme bluff. À sa sortie, une rumeur folle circule. Blair Witch serait un documentaire authentique. Les trois jeunes auraient réellement disparu. Le site web officiel, très rudimentaire, on est à la fin des années 90, entretient le doute. Des faux rapports de police sont mis en ligne, les acteurs sont introuvables, tout est fait pour que le public pense que ceci est vrai et ça fonctionne. Panique. Certains vomissent dans les salles, d'autres quittent le cinéma avant la fin. La blague est parfaite parce qu'elle ne se présente jamais comme une blague. Il s'agit d'une mise en scène de l'invisible. En effet, The Blair Witch Project joue un autre tour brillant. On ne voit jamais ce qui fait peur. Pas de sorcières, pas de monstres, juste des bruits, des réactions paniquées, des voix dans la nuit. Le film laisse l'imaginaire faire tout le travail et dans ce vide, le spectateur projette ses propres peurs. On est dans l'école de Lovecraft. C'est une blague horrifique qui repose sur un contraint implicite. On ne va rien vous montrer, mais vous allez croire que tout est réel. Ce qui rend Blair Witch si marquant, ce n'est pas seulement son contenu, mais son dispositif narratif. C'est un film qui se joue de nous, un piège tendu par les réalisateurs où la peur naît du sentiment d'authenticité. Ce n'est pas un film d'horreur traditionnel, c'est une expérience collective de paranoïa filmique. Et puis, il y a cette fin brutale, sans explication, pas de révélation. Pas de justification, juste une dernière image, un homme debout dans un coin et le vide. Ce qu'on retient, ce n'est pas seulement la peur, c'est l'intelligence du coup monté, la précision du mensonge. The Blair Witch Project a fait croire à des millions de spectateurs qu'ils assistaient à une tragédie vraie, alors qu'ils étaient simplement les cibles d'un tour de passe-passe cinématographique. Une fois encore, la blague dépasse le cadre du film. Elle infiltre les médias, les forums, les discussions entre amis. Blair Witch, c'est une blague qui ne fait pas rire, une blague qui inquiète et qui, paradoxalement, redonne au cinéma d'horreur sa puissance la plus primitive, nous faire douter de ce que nous voyons. Alors, que reste-t-il de cette traversée cinématographique par la blague ? Ferris Bueller, Ocean's Eleven, The Game, The Blair Witch Project, Quatre films, quatre styles, quatre usages très différents de la supercherie. Et pourtant, un point commun, la manipulation comme cœur du dispositif narratif. Parmi les mille visages de la blague, nous en avons vu quatre. Chez Ferris Bueller, la blague est légère, complice, presque philosophique, elle libère. Chez Danny Ocean, elle est élégante, raffinée, presque chorégraphiée, elle séduit. Chez Nicolas Van Horten, elle devient psychologique, brutale. Elle transforme. Et dans Blair Witch, elle est invisible, terrifiante. Elle piège. À chaque fois, la blague crée un déséquilibre dans le récit. Elle fait basculer la réalité. Elle trouble notre regard. Mais elle le fait avec une intention très claire. Nous impliquer activement. Nous faire douter ou rire. ou sursauter ou réfléchir. Et si au fond, le cinéma était lui-même une farce, l'art suprême de la blague, un espace de faux-semblants, d'illusions, de mise en scène où l'on accepte de bon cœur d'être trompé. Parce que c'est justement dans cette tromperie que réside le plaisir, l'émotion et le choc. La blague dans ces films n'est pas un simple gag, c'est un outil dramatique Un miroir tendu au spectateur, un jeu de pistes émotionnel, et peut-être même une forme de vérité. Alors, cher auditeur, chère auditrice, as-tu déjà vu ces quatre films ? Quels films proposes-tu pour inclure dans cette thématique ? Quels films ou scènes t'ont fait douter de ce que tu voyais et t'ont laissé une étrange impression d'avoir été manipulés ? Merci d'avoir suivi cet épisode du podcast CINETOC, je m'appelle Georgia, si tu aimes ce contenu, retrouve CINETOC sur les réseaux sociaux, abonne-toi, partage et surtout reste curieux, reste curieuse, parce que dans le monde du cinéma on ne sait jamais quand la prochaine blague va commencer. Musique