- Speaker #0
Salut François !
- Speaker #1
Salut Martin !
- Speaker #0
Comment vas-tu ?
- Speaker #1
Eh bien bien, on est très bien installé et je suis très heureux d'être avec toi pour cette première de Confidence.
- Speaker #0
Eh bien écoute, Confidence, comme son nom l'indique, pour un petit peu briser la glace, est-ce que tu peux nous dire une anecdote voilà que tu as envie de partager, tu as un peu carte blanche, quelque chose qui t'a marqué, quelque chose de l'humour, enfin bref, tout ce que tu veux.
- Speaker #1
D'accord ! Alors, les anecdotes dans notre métier en a plein, bien évidemment. Les anecdotes concernant la kinésithérapie et les patients, c'est assez extraordinaire parce que moi, je me souviens parfaitement d'une des premières fois où j'ai été vraiment kiné titulaire. J'étais plus stagiaire et je croise un médecin dans un couloir qui me dit dès que vous allez voir votre kiné titulaire, vous me ferez le bilan pour ça et puis il jugera si c'est bon ou pas. Et moi, j'arrive et je lui dis non, mais ça y est, je suis engagé là. je peux faire le bilan, ça y est je suis responsable et là elle me dit ok donc vous voyez monsieur machin, vous faites un bilan, vous me l'emmenez et c'est très important donc d'un autre côté on est très fier de faire ça d'un seul coup on est titulaire mais d'un seul coup on a toute cette pression, cette angoisse qui vient et on se dit waouh, mon métier ça va être ça être le plus pertinent, le plus humain possible et d'un seul coup on se rend compte que c'est du sérieux écoute merci beaucoup,
- Speaker #0
moi pour commencer la première question que j'ai envie de te poser c'est tu vas nous parler un petit peu de toi, ton parcours, parce que t'es l'invité. Tu vas évidemment nous donner un regard extérieur sur toutes les anecdotes que t'as eues, et puis t'as eu une carrière dans un centre de rééducation, on va en parler. Pendant de longues années, t'as côtoyé des gens très connus, on va en parler aussi. Et d'ailleurs, restez jusqu'à la fin de la vidéo, parce qu'on va vous donner un projet qu'on a en commun avec François. Donc évidemment, pour vous regarder jusqu'à la fin, c'est un petit peu le deal. C'est que vous restez jusqu'à la fin pour qu'on vous le révèle, tout simplement. Donc moi François, la première question que j'ai envie de te poser c'est est-ce que tu as toujours eu cette vocation à être kiné ou c'est venu sur le tard ?
- Speaker #1
Je crois que la première vocation c'est prendre soin des gens. Donc c'est vraiment dans le domaine médical large. Serait-ce une kiné, ça aurait pu certainement être un autre corps de métier. Mais kiné ça me plaisait beaucoup parce qu'il y avait aussi comme énormément de jeunes qui s'intéressent à ce métier-là, plus le côté sportif dedans. Donc j'ai fait plein de stages partout jusqu'à ce que dans un de mes stages je me retrouve dans un centre de rééducation qui était celui de Coubert. Et qui lui était pratiquement destiné à être le meilleur centre en Europe sur le soin des personnes atteintes de moelle épinière.
- Speaker #0
Et tu n'avais aucune connaissance de ces sujets-là ?
- Speaker #1
Pas du tout, je savais que c'était le meilleur centre. J'ai su l'aller comme stagiaire d'abord et je me suis dit mais c'est passionnant. C'est passionnant parce que c'était très exigeant au niveau des connaissances et au niveau humain c'était quelque chose d'exceptionnel.
- Speaker #0
Parce que c'est vrai que souvent au kiné, de ce que j'ai entendu, on va plus vers la traumato parce qu'on a le sentiment de... d'accomplissement, d'aider vraiment quelqu'un à se remettre. Alors qu'en neuro, c'est un petit peu plus délicat parce qu'on ne sait pas qu'elle sera éventuellement la récupération en fonction de la pathologie de la personne.
- Speaker #1
Exactement. C'est-à-dire que quand on est kiné, on pense qu'on va avoir tout le pouvoir. Un peu comme beaucoup de médecins également, on se dit je vais restituer l'état d'après qui sera le même que l'état d'avant et je vais y parvenir et c'est très flatteur et on se sent bien. Or en neurologie, on va se rendre compte que notre fonction n'est pas là-dedans. On n'aura pas ce pouvoir de pouvoir redonner cet état d'avant. Donc notre rôle à nous, ça sera éventuellement d'être un guide pour permettre de faire naître chez cette personne un nouveau projet de vie qui est en accord avec ses possibilités et qu'on va l'aider à découvrir.
- Speaker #0
Est-ce que tu n'as pas une forme de frustration dans le kiné de te dire que tu ne sais pas quel est le... justement tu es limité, tu es dans le pouvoir. Est-ce que tu n'as pas une frustration de te dire je ne vais peut-être pas pouvoir aider cette personne à aller à un état de... de rééducation, de réadaptation ? Je ne sais pas si je suis très clair dans ma question.
- Speaker #1
On sait qu'on n'aura pas ce pouvoir de restauration. On sait. Ça peut être plus grand au départ. C'est peut-être pour ça qu'en parallèle, je travaillais également dans des clubs de kinés et de sports professionnels parce que c'était un autre corde à l'arc du kinésithérapeute. Mais malgré tout, ce qu'il y a de très beau, c'est la façon de travailler d'équipe. Et dans un centre de rééducation, on va travailler avec un tas de professions. Tu le sais, tu en as connu des infirmiers, des ergots. des psys, des médecins, des orthoprothésistes. Donc on sait qu'on a une petite part dans un collectif qui va permettre d'aider la personne. Et je crois que quand on donne un sens à ça, une utilité, finalement on est à sa place.
- Speaker #0
C'est marrant parce que la notion de sens, c'est quelque chose dont je parle beaucoup. Et justement, c'est un petit peu aussi le projet Confidence. C'est que moi j'ai redonné beaucoup de sens à ma vie dans le sentiment que je pouvais être utile pour les autres. Et je trouve que là on est vraiment dans le format et je me rends compte, tu vois, même là dans notre première interview, dans la confiance que j'ai... Depuis quelques jours ou il y a encore deux semaines j'étais dans le doute j'ai l'impression que je suis vraiment sur les rails et d'ailleurs on fera tout à l'heure un petit para... par rapport à ça parce qu'on a discuté en off mais j'ai l'impression que j'ai vraiment trouvé le chemin de ce vers quoi j'ai envie d'aller pour aussi profiter de ma visibilité pour mettre en avant des personnes qui ont besoin d'être entendues et c'est nécessaire qu'on s'éveille les uns des autres par rapport à différentes thématiques et je suis trop content en tout cas de partager ce moment avec toi moi pour réagir à ce que tu dis du coup t'as toujours su que tu voulais être kiné quel a été ton parcours
- Speaker #1
scolaire tu étais plutôt quelqu'un de brillant est ce que tu étais quelqu'un c'était quelqu'un qui travaillait suffisamment pour pas que mes parents s'inquiètent j'aimais beaucoup comme tous les ados le sport les copains et puis un petit sens de la différence par exemple quand j'étais jeune qui buvait un peu qui fut mais moi je préfère écrire des poèmes je trouvais que c'était pas romantique mais oui parce que le romantique faut aussi savoir chaque différence est une richesse donc quand on peut se démarquer un peu les autres travailler et creuser son sillon avec ses particularités, on avance. Donc le soin, oui, cette différence. Et puis dans le kiné, il y a quelque chose qu'on n'oubliera jamais, on est obligé de mentionner parce que tous les gens qui nous écoutent le sauront, c'est un travail avec les mains. Et ce travail avec les mains, il est un plaisir quotidien. Dans l'analyse, mais la relation cerveau-main, elle est extraordinaire dans notre métier.
- Speaker #0
C'est intéressant parce que je pense à ma mère, je crois, qui était cadre de santé à l'hôpital. cadre infirmière et je crois qu'elle avait fait, maman tu m'excuseras si je me trompe, mais je crois qu'elle avait fait quelque chose sur le rapport au corps et le toucher, où tu vas créer forcément de l'intimité aussi avec le patient et quel est ce rapport que tu peux avoir par rapport à ça ?
- Speaker #1
Alors il est très particulier, là j'ai deux petites anecdotes qui me viennent forcément, une très drôle et une très touchante, on va commencer par la très touchante. Je me souviens d'un patient qui était jeune, qui présentait une tétraplégie. dont on sortait de la visite avec le médecin et qui lui avait plus ou moins fait comprendre que ça restera avec des séquelles très importantes. Et ce patient était allongé sur ma table, j'avais sa tête dans mes mains, voilà, pour le détendre un peu au niveau des trapèzes, et d'un seul coup, il s'est effondré en larmes, parce qu'il y avait une prise de conscience, parce qu'il faut passer par ces périodes extrêmement dures dans un processus de vie. Et moi j'avais cette tête dans mes mains, et j'ai essayé de le réconforter avec des techniques, avec du massage, et puis simplement à un moment donné, on a posé les mains et on s'est parlé. Et ça, c'est des moments très forts. Donc voilà, le pouvoir des mains et le pouvoir des mots et le pouvoir de l'empête. Et la deuxième, qui est très drôle, mais ça, tous les kinés du sport qui sont jeunes le sauront, lorsque j'ai été diplômé de kiné du sport, je me suis retrouvé affecté à un groupe de handballeuses, championne de France, en banlieue parisienne. Et j'arrive un jeudi soir, je crois que c'était contre une sélection africaine, et je rentre dans le WC avec ma petite mallette, je remplace un kiné qui était à la retraite, et d'un seul coup, dès que j'ouvre la porte... le handball ça je vois 7 mais il y a 14 joueuses sur les 14 jeux je crois qu'il y en a de mémoire 9 ou 10 qui sont complètement nus, à poil, qui gesticulent dans tous les sens qui attendent le kiné, pourquoi ? Parce que le kiné il a un strap à faire, un massage à faire qui a plein de trucs à faire, que le coach lui remet une pression et qu'il faut vite, aller vite et moi je me retrouve avec, alors que j'ai 23-24 ans un tas de personnes comme ça et je vois une joueuse qui arrive avec une paire de 5 qui me dit voilà là j'ai mal quand je tire etc et je me rends compte que c'est pas une paire de 5 que je vois c'est le grand pectoral hum Et une autre qui arrive près de moi avec une fesse et ce n'est pas une fesse que je vois. C'est un moyen fessier. Et tu te racontes que finalement, tout ton métier est extrêmement facile parce que le corps que tu vas soigner est un corps anatomique de réflexion. Et ça, c'est très important. On reviendra, je pense, tout à l'heure sur ce qu'est le corps plaisir. Et notamment auprès des personnes en fauteuil. Il faut savoir que chaque personne que l'on soigne, c'est un corps de soin. C'est un corps, entre guillemets, de malade qu'on va tenter d'améliorer, de performer. de rétablir pour certains. En tant que soignant, on est fait pour ça. On voit les corps comme des enveloppes qu'on va tenter d'améliorer au plus possible pour que le patient fasse corps avec ce qu'il est devenu.
- Speaker #0
Et c'est marrant parce que tu vois, quand tu parles du patient qui s'effondre en larmes, moi, ça me rappelle un moment qui a été très particulier pour moi. Effectivement, il y a un moment où j'ai posé la question à mon cliné. Je lui ai posé tel qu'avec son expérience, ma tétraplégie incomplète, est-ce que... de ton expérience, de ce que tu vois de ma récupération, etc. parce que j'avais des possibilités du fait de ma tétraplégie incomplète est-ce que tu crois que je vais récupérer ? et j'avais jamais vraiment posé la question de manière vraiment sérieuse à un moment clé et je me souviendrai pertinemment de ce moment-là où j'étais allongé, je pourrais te dire précisément où j'étais tu vois, même d'en parler c'est... Donc, on a eu une petite erreur de capteur. L'appareil a surchauffé. C'est les allées du direct. On était dans un moment d'émotion, donc c'est bien, ça m'a permis de reprendre un peu mes... Reprendre pieds, sans mauvais jeu de mots. Mais effectivement, moi je me souviens pertinemment du moment où j'ai posé la question à mon kiné. Et là, comme tu le disais, je me suis effondré. Parce que j'ai pris conscience à ce moment-là que les espérances que j'avais, ça n'allait pas être ce qu'elle espérait. Et qu'il allait falloir composer autrement. et ça a été très très très compliqué et moi j'ai une question à te poser parce que je sais que tu veux me piéger parce qu'il m'a dit ça juste avant Non Mais est-ce que tu te souviens, déjà alors j'ai deux questions Est-ce que tu as eu des appréhensions la première fois que tu es rentré dans ces centres-là en tant que kiné en euro, sans expérience Est-ce que tu te souviens le premier invité à qui tu as annoncé qu'il ne remarcherait pas
- Speaker #1
Oui Alors l'appréhension on l'a mais en même temps on a une grande curiosité et on est porté par une blouse blanche Ça paraît bête, mais on a une fonction. Et moi, j'ai toujours bien accepté cette fonction. Quand j'ai vu quelqu'un, par exemple, en fauteuil roulant, c'est exactement comme quand on est rentré dans le vestiaire. C'est-à-dire que je ne me suis pas dit, oh la pauvre, elle ne marche plus, ou oh la pauvre, la main fonctionne. Non, non, je me suis dit, comment je peux l'aider ? Donc déjà, l'appréhension, elle est tout de suite mise de côté parce qu'il y a un mode d'action qui arrive. Après, la première fois qu'on annonce, ça veut dire que qui fait l'annonce ? Ça veut dire que... Et là, je vais te poser une question avant de répondre, un peu comme certains hommes politiques. Est-ce que, par exemple, tu avais cherché, toi, à avoir d'autres réponses, ou plutôt avec d'autres recettes de santé ? Par exemple, est-ce que tu as parlé avec une infirmière, avec d'autres patients qui étaient là, pour essayer de sonder, par exemple ? Est-ce que tu avais quelqu'un que tu lui as dit, ben, toi, tu récupères, est-ce que tu penses que moi, je vais récupérer ? Tu en as vu des comme moi ? Parce que très souvent, quand on arrive au kiné, on a déjà parcouru beaucoup de choses. Des fois, c'est ses parents. Des fois, c'est des aides-soignants qui travaillent là depuis longtemps. Des infirmiers, d'autres patients. Le médecin en recule souvent parce que le médecin, son verdict, il sera définitif. Le kiné, il est entre les deux, c'est un peu le biopnant du général médecin.
- Speaker #0
Il a d'ailleurs un peu un rôle de psy.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
On voit tous les gens. Moi, je suis majeur. C'est quelque chose que je n'ai pas fait. Je n'ai pas été voir de psychologue. Et c'est vrai que mon kiné a vraiment eu ce rôle essentiel à ce moment-là.
- Speaker #1
On vient faire ce qu'on voit les gens tous les jours. Et on les voit évoluer tous les jours. Maintenant, s'il y a des bilans avec des profils... Un psy particulier, un psychologue évidemment, ça devient indispensable. Mais la plupart du temps, c'est ce travail au quotidien qui est fait. Avec le kiné, on a la chance d'avoir notre patient pendant tout le séjour. Très bien, les séjours, ça peut durer 4 mois, mais ça peut durer 2 ans aussi. Donc cette proximité, elle est énorme.
- Speaker #0
Bon les amis, on a eu un petit souci. On n'est pas des professionnels, mais on a essayé de faire tout comme. J'avais acheté des écrans monitorés pour pouvoir... Bah que ce soit plus facile pour Kevin qui est derrière, d'ailleurs on en parlera tout à l'heure. Donc les écrans qui permettent de... Il m'a pas montré. Les écrans qui permettent que ce soit un peu plus facile visuellement, sauf que ça pompe trop sur les caméras et du coup l'appareil surchauffe. C'est trop compliqué pour lui donc on a coupé la conversation. C'est la confidence, c'est l'authenticité et du coup on va reprendre le film de là où on en était.
- Speaker #1
On a repris en essayant d'être à la même place.
- Speaker #0
Ouais. Surtout toi. Surtout moi. Moi je bouge pas donc ça va.
- Speaker #1
On a eu un peu de soucis pour le raccord coiffure, mais on y est.
- Speaker #0
Donc du coup, on en était ouf. On parlait du fait que c'est vrai que le psychologue, enfin le psychologue, le kiné a un rôle de psychologue. Et moi, je me souviens que, enfin voilà, moi, Samuel, mon kiné que j'ai eu à la tour de Gassi, au centre de l'éducation, c'est quelqu'un que j'estime beaucoup parce que déjà, quand il m'a annoncé, j'avais vraiment une pleine confiance en lui. Et puis c'était quelqu'un de brillant, qui m'a beaucoup aidé, et qui m'a beaucoup aiguillé. Et je pense qu'on peut justement être sur cette... Tout à l'heure, on parlait des rails, se remettre sur le rail, où nous on a une perception de là où on veut aller, et finalement, il faut peut-être qu'on aille à un autre endroit. Donc, je te laisse t'expliquer sur ce sujet.
- Speaker #1
Puis ça rejoint exactement l'annonce du handicap, c'est-à-dire qu'un patient qui rentre dans un centre d'éducation avec un trauma aussi lourd tel que celui que tu as eu, au début forcément, et c'est normal d'être comme ça, et il faut être comme ça. L'objectif, c'est de récupérer l'état d'avant. Quand on est sur un rail qui était avant l'accident, et on veut revenir sur le même rail, notre vie d'après doit être notre vie d'avant. Or, nous, on sait de par les examens, au fur et à mesure, assez vite, des fois deux mois, trois mois, que l'évolution ne pourra pas redonner l'état d'avant. Donc, on a une idée de rail un peu parallèle. Et nous, notre fonction, c'est d'emmener les gens vers ce rail parallèle et de leur montrer que ce nouveau projet de vie vaut la peine d'être vécu. C'est pour ça que dans une annonce comme on le fait souvent, on ne dit pas de but en blanc. Non, oubliez votre rail. Il n'y aura que l'autre. Parce que si on est franc comme ça, si on est brutal, les gens vont dire, écoutez, non, moi je suis jeune, j'ai 20 ans, je fais plein de trucs, c'est pas pour moi votre rail d'à côté, moi j'ai retrouvé mon rail d'avant.
- Speaker #0
Et c'est un équilibre aussi à trouver en fonction aussi de qui t'as en face de toi, parce qu'il y a des gens qui sont à même de le prendre frontalement.
- Speaker #1
L'inverse Martin n'est pas bon non plus. Parce que si je dis, oui, vous verrez bien, bon peut-être que vous resterez sur ce rail d'avant, on n'est pas les gens. Il faut leur montrer que ça sera le rail d'à côté. Mais il y a plein de manières d'y venir. Il y a plein de manières. D'abord, il faut que tu l'écoutes. Il faut connaître la personne, savoir comment on peut l'aider à construire un nouveau projet de vie. Et tout ceci, ça va nous emmener vers finalement, ah bah oui, la vie en vaudou roulant, elle est possible. On peut faire plein de choses. Tu le sais mieux que personne, étant l'exemple vivant. Il y a des choses qui sont plus difficiles à faire aujourd'hui. On en parlait, l'habillage, la toilette, même se déplacer dans la ville de Bordeaux. Mais par contre, il y a un tas de choses qui sont possibles et sur lesquelles on va pouvoir investir, donner de l'énergie. Et toutes ces choses-là, c'est ton nouveau projet de vie. Ton plan B d'aujourd'hui sera un nouveau que tu as pris. Il t'emmène vers des choses extraordinaires.
- Speaker #0
Et quelle est la prise en charge que tu as quand tu reçois un nouveau patient ? Enfin, quand tu as reçu un nouveau patient avec ton expérience, à un moment donné, tu as un nouveau blessé médulaire qui arrive. Quel est le parcours de soins que toi, tu vas lui proposer en tant qu'idée ? Et peut-être que tu peux aussi dire avec qui tu travailles.
- Speaker #1
L'objectif, c'est toujours et tout le temps développer au maximum l'autonomie. Donnez-le. plus possible d'indépendance. Pour cela, il va falloir qu'on bilante. Tout le monde va bilanter. Le médecin va faire une analyse de la sensibilité. On sait ce que c'est.
- Speaker #0
Le score Asia.
- Speaker #1
Le bilan aussi de la force motrice. On est toujours dans ce score Asia. Et à partir de là, on a un certain prototype d'indépendance. Et puis on va travailler, conserver les amplitudes articulaires, développer tous les muscles qui sont présents, les mettre en situation d'indépendance. Comment je peux par exemple me déplacer Du fauteuil vers une table, une canapé à peu près la même hauteur au départ, un lit. Comment on va pouvoir essayer d'attraper par exemple un gobelet, un objet lourd, un objet fin, comment le manier. Et puis aussi apprendre à se déplacer dans un fauteuil roulant. Au début le fauteuil roulant quand on l'emmène, c'est une aubaine, c'est extraordinaire parce qu'on sort enfin du lit, on sort de la chambre. Mais enfin c'est quand même un outil que personne ne connaît. Il faut le maîtriser. Donc il y a des cours aussi pour apprendre ça. Il y a des pentes, il y a des exercices, il y a du sport aussi. Il nous permet de dire que dans un grand centre de rééducation, vous avez des moniteurs de sport spécialisés, des ergothérapeutes pour toutes les activités de la vie quotidienne. Tous les jours, la complicité que tu as dû nouer avec des infirmières, des aides-soignants. Et puis les professions, je ne sais pas si toi tu as eu besoin d'orthoprothésistes, mais des fois on a la nécessité d'une petite orthèse peut-être pour tenir sa viande.
- Speaker #0
Oui, et puis on parle beaucoup de blessés médulaires, mais au centre de Neuro, il n'y a pas que des blessés médulaires. Est-ce que toi d'ailleurs tu as eu d'autres ? types de patients ?
- Speaker #1
Beaucoup, notamment des myplégies, et puis des pathologies qui nous forcent à réfléchir aussi. Pardon, l'esclérose en plaques, les maladies de Parkinson, toutes ces pathologies qui font que l'indépendance aussi n'est plus la même. Les possibilités de vie ne sont pas tout à fait les mêmes.
- Speaker #0
J'ai une question toute bête. C'est marrant qu'on fasse cette interview, je ne me la suis jamais posée, mais est-ce que t'as des maladies de charcot dans les centres de rééducation ?
- Speaker #1
On peut en trouver.
- Speaker #0
Du coup, on n'a pas répondu à la question, François, mais est-ce que tu te souviens de ton premier patient à qui tu as annoncé qu'il n'allait jamais remarcher ? Oui. Et comment tu l'as perçu, comment tu l'as vécu émotionnellement ?
- Speaker #1
C'est difficile. C'est difficile et en même temps, on veut être fier de soi. Donc on ne veut pas mentir. Et en même temps, on doit faire attention à la manière avec laquelle on va le dire. On ne peut pas esquiver. Et c'est toujours difficile d'être face à un obstacle. Ça crée une petite angoisse. Mais en même temps, on veut franchir cet obstacle. On veut être fier de porter une blouse blanche, de faire partie du corps médical dans un grand centre. Et puis on veut respecter notre patient. Donc quand la question arrive, des fois on répond par une question. Qu'est-ce qu'on vous a dit ? Ça me permet de gagner du temps. Et en même temps, on va se servir un peu de ce qu'on nous dit. Et puis, il faut en même temps dire les choses simplement. Et je me souviens comment elles étaient dites. C'était Aujourd'hui, avec des muscles qui sont… présent chez vous.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux dire quel niveau il était ?
- Speaker #1
C'était une jeune fille tétraplégique d'à peine 18 ans, assez haut, c'est à dire avec des biceps et des deltoïdes, on appellerait ça d'atteindre C5, C6 pour les spécialistes. Et avec les muscles qui sont à présent à votre disposition, même en les développant, j'ai tutoyé d'ailleurs, déjà j'aime beaucoup le tutoiement, on pourra en parler si tu veux. Les possibilités vont nous permettre d'être en photo électrique aujourd'hui. un petit peu manuel sur des surfaces planes à la maison,
- Speaker #0
c'est peut-être des motion,
- Speaker #1
voilà. Mais on ne peut pas aujourd'hui envisager... L'us d'autonomie si les muscles ne reviennent pas plus fort.
- Speaker #0
C'est tétraplégique complet ou incomplet ?
- Speaker #1
Complet. Or, ça fait 30 mois déjà qu'on a eu l'accident, il y a peu de chances que ces muscles-là puissent revenir et t'assure d'autres modes de déambulation que le fauteuil électrique principalement et un peu le manuel. Donc on les dit les choses, peu de chances que... On ne dit jamais aucune chance parce que d'abord on n'en sait rien.
- Speaker #0
Oui, mais c'est peut-être trop frontal pour la personne.
- Speaker #1
C'est trop frontal et puis de toute façon, qui peut savoir ? Ce que va donner la médecine, les progrès, la science, et peut-être qu'on s'est tous trompés, on ne sait jamais. Même si statistiquement, on peut le dire, au bout d'un certain nombre de mois, lors d'une atteinte complète, s'il n'y a pas de restauration sous la lésion, il y a extrêmement peu de chances que ces muscles reviennent et que donc l'indépendance puisse changer. Attention, on n'a pas parlé des hommes augmentés, des squelettes, etc. Qu'on peut fixer par-dessus, les exosquelettes.
- Speaker #0
Est-ce que tu te souviens du coup de l'émotion que tu as ressentie et qu'est-ce que tu lui as dit exactement ?
- Speaker #1
Je crois que je lui ai dit qu'effectivement, il y avait peu de chance pour qu'on puisse récupérer l'état d'avant. Et qu'on allait se battre, et que moi aussi j'allais me battre pour essayer de lui permettre d'avoir encore envie de vivre. Essayer d'être le plus possible proche de ce qu'elle aime faire. Et peut-être qu'on a dit, qu'est-ce que tu aimes ? Tu aimes les films ? On pourra regarder, tu aimes manger tel ou tel plat ? On pourra toujours en manger. Il y a bien sûr que courir en forêt, voilà, graver cette montagne-là. En courant, ça, ça ne sera plus possible. C'est vrai. Il faut faire le constat de ça. Mais il y a plein d'autres choses qui sont encore magnifiques, qu'est-ce que tu aimes. Et on a essayé de construire à travers de cela.
- Speaker #0
Et tu as un décalage à ce moment-là ?
- Speaker #1
89, j'avais 23 ans. J'ai 58 ans actuellement. Oui, oui. Donc ça, ça remonte un peu quand même.
- Speaker #0
C'est fou de dire à 23 ans, tu as un os à quelqu'un qui ne va plus jamais marcher. Et à 50 décalages, je me demande où est-ce que tu es.
- Speaker #1
J'ai toujours su que ça m'allait bien. Je me suis toujours senti costaud là-dedans. Un peu comme dans la fonction de papa.
- Speaker #0
Et émotionnellement ? Tu penses que ça t'a impacté ? Comment tu as vécu les choses ?
- Speaker #1
Travailler dans un centre de rééducation comme ça, au bout d'un an, je crois que la vie, elle change très vite. Les valeurs un peu matérielles, etc., elles passent au second plan. On touche l'essentiel de la vie, là. Pourquoi je suis sur cette terre ? Qu'est-ce que je peux faire ? Comment je peux être heureux ? On parle de développement personnel, tout le monde en parle. T'es traplégique, c'est 5, c'est 6, c'est 18 ans, comment on va se développer personnellement ? On est dans le vrai, là. Tu parlais tout à l'heure, à juste titre, de l'utilité. En quoi je peux encore être utile dans ma famille, éventuellement dans mon couple, dans la société, dans mon travail ? Tous les gens qui ont été bouleversés par un changement d'indépendance se remettent à poser toutes ces questions-là les unes après les autres. Dans ce domaine-là, comment je vais pouvoir être actif, impliqué et utile ?
- Speaker #0
Donc toi François, c'est vrai que tu parles beaucoup de kinésithérapie, tu as un côté un peu plus médiatisé de par les gens que tu as rencontrés aussi. Moi j'ai envie de parler de ton livre, qui est un livre qui m'a beaucoup marqué, qui était d'ailleurs un kiné qui s'est fait beaucoup connaître sur les réseaux maintenant, qui s'appelle Greg, et à l'époque, quand il était un petit peu moins connu, il m'avait conseillé ton livre, donc je ne te connaissais pas, et d'ailleurs ça pourrait être intéressant aussi de dire comment on s'est rencontrés. Du coup, moi j'ai envie de parler de ton livre Prendre Soin, et que tu nous expliques un petit peu, donc moi je l'ai lu il y a quelques années, je t'avoue que je ne l'ai pas relu avant l'interview, mais le livre Prendre Soin qui est juste ici, je ne sais pas si on le verra bien à la caméra. C'est vrai que c'est un livre qui m'avait marqué, tu donnais plein d'anecdotes. Pareil, on va pouvoir en parler, tu as une relation avec une patiente, tu parles des différentes personnes que tu as rencontrées, etc., des difficultés que tu rencontres, et quel a été ton rôle ? Et ce qui est hyper passionnant, c'est ton rôle aussi un petit peu l'envers du décor, parce qu'on parle souvent des accidentés, des personnes qui vivent la chose, mais pas forcément d'un point de vue extérieur. Donc, pourquoi tu as écrit ce bouquin, et qu'est-ce que tu peux nous dire un petit peu dessus ?
- Speaker #1
Alors ce livre-là, il prend un début assez particulier, c'est-à-dire qu'on est marqué par tout ce qu'on vit. 15 ans, 20 ans auprès des personnes dans un centre d'éducation, des personnes qui ont des paraplégies, on parle des hémiplégies, des promacraniens aussi, c'est assez particulier. Ça nous laisse plein de matière, plein d'envie de témoigner. Parce que quand on prend de l'âge comme moi, on a un peu envie de transmettre des choses, et puis voilà, on ne fait pas l'idiot, mais on a envie de donner un peu quelques petits conseils. Et comme j'ai eu la chance, moins pour lui mais plus pour moi, d'avoir Grand Corps Malade comme patient, quand il est sorti du centre, etc., qu'il a commencé un peu à être connu, il s'est dit, après le livre qu'il a écrit, qui s'appelait Patient, il va en faire un film. Et quand il a décidé d'en faire un film, on s'est retrouvés ensemble à travailler sur le film. Moi, ma fonction était de conseiller un petit peu les acteurs qui jouaient le rôle de personnes en fauteuil, parce que ce n'est pas évident. de checker un petit peu la justesse de tous les plans Et puis, à un moment donné, on mange avec Fabien, puis je lui dis, écoute, moi j'avais écrit plein de choses, il me dit, écoute, montre-moi un peu ce que tu as fait. Et je lui présente du coup l'écrit, le manuscrit, et il me dit, écoute, c'est super bien, c'est super bien par rapport à ce que j'ai écrit. Fabien, si tu m'entends, tu sauras que je ne mens pas. Il faut absolument que tu le fasses toi. Donc j'ai présenté cet ouvrage-là et j'ai eu cette chance effectivement d'être édité. L'objectif, c'était de témoigner, de raconter que c'est jamais sinistre ce qui se passe. Il n'y a aucune matière à pleurer en dehors des moments qu'on a évoqués qui sont très durs. Il y a plein de moments où la vie prend toujours le dessus. La vie, le rire, la surprise,
- Speaker #0
c'est très important. Et de montrer aussi que peut-être à travers tous les témoignages que toi tu as rencontrés, une source d'espoir aussi pour des personnes qui ont besoin d'exemples à un moment de leur vie.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Il y a le collectif, il y a du mélange, il y a la création. Chaque rencontre que l'on a nous enrichit. On en parlera peut-être tout à l'heure sur ce que c'est que la richesse finalement. Moi je me souviens d'un patient qui était un homme d'affaires avec beaucoup d'argent, qui devait avoir 4-5 BMW, 2 Mercedes, etc. et qui conduisait un fauteuil électrique haut de gamme parce qu'il avait les moyens et qui me disait tu vois François j'ai vécu à 200 à l'heure, j'ai fait 50 milliards de choses et maintenant je me retrouve là à 40 ans coincé dans mon fauteuil, j'ai jamais pu profiter une seule seconde de la vie, j'en ai jamais pris conscience. Et ce qui est important dans le livre, pour ceux qui le liront, mais comme pour tous ceux qui ne le liront pas, écoutez-nous, prenez conscience chaque seconde de ce que vous vivez. Soyez complètement dans ce que vous faites dans l'instant, viez avec des projets parce que c'est ce qui nous donne l'énergie, un peu comme toi, toujours cette énergie dans les projets, de bouger les choses, bouger les codes. Mais ayez conscience de cette chance dans les rencontres, dans tout ce que vous pouvez vivre, dans tout ce que la vie vous offre comme possibilité. Saisissez-la et prenez-en conscience.
- Speaker #0
Et d'ailleurs, Grand Corps Malade, donc Fabien, de son prénom, il a écrit ta préface. Oui. Moi, j'ai une question à te poser, parce que, bon, Fabien, c'est vrai que, tu vois, on parle souvent d'exemplarité, enfin, d'avoir une nécessité d'avoir des exemples. Moi, c'est le livre que j'ai lu patient, donc c'est un livre qui n'est pas très long, qui est passionnant, et puis voilà, il parle. Et en fait, ce qui était marrant, je l'ai lu très vite, parce que je cherchais tout de suite la réponse de, est-ce que je vais pouvoir récupérer comme lui ? Donc en fait, je l'ai lu hyper vite, donc c'est un livre que je trouve génial. Le film est génial aussi parce qu'il se rapproche énormément de la réalité. Je pense que là, tu as eu ton rôle. Je pense que lui aussi, toutes les personnes qui ont composé cette entité qui a permis de mettre ce film en avant, se sont saisies vraiment de la véracité des choses et de la réalité des choses pour rendre quelque chose de vrai finalement. Fabien, pour toi, quelles sont ses plus grandes qualités et quels sont ses pires défauts ?
- Speaker #1
Fabien, quand il arrive dans le centre, On le remarque parce qu'il est grand. Il est grand, c'est vrai. Ça se voit moins. Ça se voit moins. D'ailleurs, il a toujours trouvé que j'étais très petit. Et au moment où il s'est mis debout dans les barres parallèles, il m'a dit, bah oui, finalement, t'es quand même petit. Je précise que je suis 1m80, donc ça veut bien dire qu'il est bien plus grand que moi. Peu importe. Il avait, je crois, de part son parcours, deux qualités qui vont être très importantes. C'est un sportif. Et comme tout sportif, un obstacle, ça fait partie du jeu. Donc, ne pas se laisser abattre. Donc, travailler au maximum pour récupérer le plus qu'on peut. Attention, ça voudrait dire que les gens qui ne récupèrent pas, ils n'ont pas assez bossé. C'est complètement faux ce qu'on dit. Parce que souvent, on entendra, et tu l'as entendu aussi Martin, Ah oui, mais lui, il a récupéré parce qu'il en voulait beaucoup. Non, tout le monde en veut beaucoup. Maintenant, quand on a la possibilité d'avoir certains muscles qui récupèrent, ça, ce n'est pas la volonté, c'est l'atteinte qui fait ça, la chirurgie, un tas de choses. Comment les exploiter au maximum ? Il faut un mental de combattant, de guerrier. Ça, il l'a. Cette vaillance-là, il l'avait. Donc première qualité, le côté combatif du sportif. Deuxième qualité, qui va aussi avec le sportif, mais qui va aussi avec la patience. Pas que. Le travail collectif et l'intelligence. Je pense que ça, c'est aussi propre à lui. Une famille quand même qui est extraordinaire, des parents qui sont superbes, sa sœur, etc. Et cette capacité de prendre un certain recul, parce qu'il l'a digéré le coup dur. C'est encaissé parce que quand on récupère un peu, mais qu'on ne récupère pas tout, c'est un autre processus de prise de conscience qui est extrêmement frustrant. Pourquoi ça revient si ça ne va pas plus loin ? Parce qu'à la limite, si je suis tétraplégique complet, on m'a expliqué que ma moelle a été abîmée, peut-être coupée en deux, il y a une partie au-dessus qui est saine, une partie en dessous qui est touchée définitivement. Et quand on est incomplet, pourquoi ça récupère un petit peu un orteil, un peu le genou, un peu la main ? Pourquoi pas tout ça ? Parce que la teinte de la moelle a été un peu anarchique. et que le travail du kiné, c'est développer ce qui revient, mais en aucun cas, un kiné ne peut faire que ça va revenir ce qui ne revient pas. Donc, cette qualité de recul, cette qualité de se dire finalement comment je vais pouvoir m'organiser avec ce qui revient, ça, c'est une intelligence et c'est une résilience aussi qu'il a. Après, attention, les défauts, on pourrait y venir. Qu'est-ce qu'on peut avoir comme défaut ? Il est grand. Il est grand. Ça, ça peut être un défaut des fois pour un kiné parce qu'il se retrouve quand même très, très haut. Franchement, je n'y trouve pas beaucoup de défauts parce qu'on pourrait dire peut-être que...
- Speaker #0
Peut-être qu'il n'est pas suffisamment ambassadeur, on pourrait dire ça, de toute cette cause-là, parce que finalement c'est des gens qui l'investissent. Lui il ne va jamais dire défendez les personnes avec un statut de handicapé, tout ça, tu vois, ce n'est pas son genre. Mais je ne pense pas que ce soit un défaut.
- Speaker #1
C'est propre. Ouais, je pense qu'il y a de la pudeur, parce que ce que je voulais dire c'est que c'est très propre à sa personnalité. Exactement. Et que je pense qu'il veut se saisir de ce sujet-là pour en parler, parce qu'il a conscience, comme moi, d'une visibilité qui est grandissante, d'une notoriété qui est la sienne. Après, il faut aussi respecter peut-être le fait qu'il n'ait pas envie de rentrer dans des détails de sa vie.
- Speaker #0
Cette pudore-là, c'est une qualité finalement, là où les gens vont dire d'implication. Attention Fabien, dès qu'il y a des gens qui arrivent et qui présentent un handicap, il est tout le temps là. Jamais une seule fois il a tourné le dos, jamais une seule fois il a regardé à côté.
- Speaker #1
Et puis tu ne peux pas aider tout le monde.
- Speaker #0
Mais c'est la faculté d'être aussi debout. Dans un service par exemple de 20 lits, où 18 personnes vont être en fauteuil roulant. Le fait de se promener debout, de sentir peut-être inconsciemment de quoi il pourrait se plaindre lui, parce que de toute façon il marche. Parce qu'on ne sait pas toutes les autres difficultés qui vont avec. Ça ne crée pas toujours une légitimité universelle et je crois qu'un donneur de leçons, c'est jamais n'un plus tellement bon. Et Fabien, il a cette intelligence d'être comme un artiste maintenant. Et un artiste, il donne sa position avec sa propre... sa propre volonté, sa propre réserve aussi, et cet engagement, parce qu'il n'a jamais fait un engagement, n'a jamais fait de lui quelqu'un qui se voulait être une référente.
- Speaker #1
Et justement, vu que tu es kiné, tu vas pouvoir en parler avec plus de mots techniques peut-être que moi, tu vas peut-être pouvoir vulgariser aussi davantage. On en parle parce qu'il y a peut-être des gens qui ne connaissent pas les blessés médulaires, donc une interne sur la moelle épinière. Donc effectivement, tu parlais du fait que Fabien... Un grand corps malade, il est capable de se mettre debout, etc., qu'il avait les regards sur lui, mais ça ne lui enlève pas tous ses troubles associés. Et que les troubles associés, en fait, finalement, que tu sois debout ou pas, ils peuvent être là. Est-ce que tu peux éveiller, enfin dire quelques points, moi je les connais, mais je vais te laisser le faire, dire quels sont les troubles associés, par exemple, à une atteinte sur la moelle épinière, pour que les gens qui ne connaissent pas puissent un petit peu s'approprier qu'est-ce que c'est que d'avoir une atteinte neurologique.
- Speaker #0
C'est vrai. Une atteinte neurologique de moelle épinière, c'est forcément un trauma que subit la moelle. Alors il peut être effectivement suite à un accident de moto, de voiture, tomber d'un échafaudage. Donc il y a une notion traumatique, mais quelquefois c'est aussi une notion compressive. On peut avoir un principe tumoral, ça peut être aussi une origine vasculaire, un problème de vascularisation de la zone de la moelle. Quoi qu'il arrive, on aura une zone au-dessus de cette lésion. Cette zone-là, elle est saine, tous les muscles sont normaux, la sensibilité est normale, et toute cette zone-là, on va la développer au maximum. La zone qui est en dessous, il n'y a que deux possibilités. Soit elle est complète, la teinte est complète, et tout ce qu'il y a en dessous souffre d'un manque de motricité, c'est-à-dire que les muscles sont à zéro, on ne peut pas les commander. Et la sensibilité, si on touche le genou, si on touche le bassin, si on touche un orteil, le cerveau ne le perçoit pas. Ce qui veut dire que s'il me brûle, s'il se passe quoi que ce soit sur ma jambe, on ne le sent pas. Donc ça, c'est une atteinte complète. Si l'atteinte est incomplète, c'est parce que la moelle, au lieu d'avoir été abîmée dans sa totalité, est abîmée en partie. Et là, tous les tableaux sont possibles. C'est le cas de Grand-Camp-Malade, par exemple. Il faut savoir qu'une moelle épinière, plus elle va être touchée bas, plus elle va laisser de possibilités au-dessus, en puissance et donc en autonomie. Si par exemple je suis touché à un niveau de la deuxième dorsale, je vais avoir tous mes abdominaux malheureusement en dessous qui sont touchés. Si je suis touché à la douzième dorsale, beaucoup plus bas, mes abdominaux sont préservés. Donc voilà ce qu'est la moelle épinière. Mais si on regarde par exemple quelqu'un en photo roulant dans la rue qui passe, si les gens nous écoutent, ils vont dire... D'abord, vous nous direz, le pauvre, il est en fauteuil roulant, il ne marche pas. Ça, c'est le premier.
- Speaker #1
Alors que c'est le cadet de nos soucis.
- Speaker #0
Alors que ce n'est pas du tout le premier critère qui vient. On a un petit peu interrogé les gens qui avaient une vingtaine d'années au minimum, quand même, de paraplégie, on savait de quoi ils parlaient, de tétraplégie. On leur a demandé de classer finalement les items par ordre de préférence, ou de gêne, c'est comme on veut, ce qui les dépercutait le plus. La marche, elle est arrivée en quatrième position. Et du coup,
- Speaker #1
tu peux nous donner le classement ?
- Speaker #0
À 3, on a eu tout ce qui représente les troubles urinaires. Faire pipi sainement, un tas de choses. On a maintenant un sphincter qu'on contrôle quand il s'ouvre, quand il se ferme. Là, dans une atteinte de moelle épiliaire, on ne contrôle plus les sphincters de la même manière. Soit il ne s'ouvre plus du tout, et dans ce cas-là, il va falloir aller chercher l'ouverture. par l'introduction d'une sonde, enfin on est très technique, soit il s'ouvre en permanence. Et dans ce cas-là, on va avoir une fuite des incontinences. Et donc une incontinence. Mais on arrive à gérer. On arrive à gérer par une technologie, par une technique aussi qu'on apprend. Et les patients arrivent à être autonomes sur ce sujet-là. Mais ça reste quand même plus important que la marque. Niveau numéro 2 est un niveau très simple puisqu'on n'en parle pas. C'est les troubles génitaux sexuels. Parce que là aussi, on est en dessous de la lésion la plupart du temps. On est au même niveau que les troubles sanctériens. Donc les problèmes d'érection, les problèmes de sensibilité, on va voir ce que c'est aussi les problèmes de plaisir. Comment on peut percevoir des choses dans une zone ? Alors oui, le plaisir, il est mental, bien sûr qu'il est mental. Mais il est aussi lié à des afférences sensitives sur des zones très précises. Donc ça, ce sont des troubles dont on ne parle certainement pas assez, mais qui existent et qui ont une importance majeure chez les personnes qui présentent des troubles de moelle épinière. Et enfin, en premier, ce sont les fuites de sel. Parce qu'on a parlé de pipi, il faut bien parler de caca. Et là, c'est beaucoup plus difficile pour maintenir une bonne continence. Sans rester longtemps sur ce sujet-là... Des fois, on peut se retrouver dans une situation qu'on ne peut pas maîtriser et qui va nous pourrir une journée, un rendez-vous, une interview. On n'arrive pas à le maîtriser autant qu'un problème urinaire pourrait être maîtrisé, ou autant que compenser un problème génitosexuel pour nous pouvoir être amené à le faire.
- Speaker #1
Oui, j'ai pas eu de soucis aujourd'hui, mais c'est vrai que toi, tu soulignes quelque chose, alors je vais parler un peu personnellement parce que là, on paraît fait de rebond, mais c'est vrai que c'est des choses que les gens ne s'imaginent pas, et c'est vrai que quand ça t'arrive... Ça t'impacte dans ta dignité et ce qui est marrant c'est que, en fait, de ces moments-là j'en ai fait ma force parce que je me dis mais finalement Martin, tu t'es retrouvé dans des situations qui ont été tellement psychologiquement éreintantes que qu'est-ce que c'est par exemple de parler devant 500 personnes ? Et en fait, je me rends compte que sur le rapport à l'échelle, tu vois, je me dis mais bon bah il y a des moments où je vais parler de manière très vulgaire et très grossière mais très vraie aussi, c'est que je me chie dessus. Bah ça fait chier, c'est le cas de le dire. Mais finalement, quand je mets en parallèle le fait que je vais devoir parler dans des gens où je suis dans une position où ça va, je vais moins me mettre la pression finalement parce que j'ai vécu des situations de vie qui m'ont quand même rappelé un petit peu à l'ordre. Et finalement, de ces difficultés-là, j'en ai fait ma force. Et effectivement, moi, j'ai la chance de pouvoir sentir à ce niveau-là. Donc, j'ai souvent le temps de pouvoir me gérer tout seul, de pouvoir, si en cas de souci où je le sens, j'ai le temps quand même d'aller aux toilettes. Et c'est vrai que ça peut être vraiment... une grosse complexité, parce que par exemple, demain tu passes à la télé, demain tu fais des choses, demain t'as un rendez-vous, demain t'as un entretien d'embauche, bah les gens ils savent pas. Et comment déjà, toi tu vas exprimer le fait que là t'as peut-être un souci, et forcément tu te mets dans une posture aussi psychologique, ou si t'as un entretien d'embauche et que ça t'arrive, bah forcément ça te met dans un moment indélicat.
- Speaker #0
Et les gens ne savent pas que par exemple, pour un problème médical, on va avoir des autosondages à faire toutes les 4 heures. Et que ça, c'est une contrainte que les gens ne connaissent pas. Mais j'ai envie de dire, un diabétique les connaît. Donc, il y a plein de moments où finalement, un tas de handicaps un peu méconnus et non visibles peuvent impacter une personne.
- Speaker #1
Et c'est marrant parce que tu vois, moi, dans mon rapport à ça, j'ai un copain, je pense à lui, Yann, il me dit, t'es vachement à l'aise avec ça et tu as raison. Parce que lui, il a vachement de pudeur par rapport au fait de se sonder devant les gens, etc. Moi, je ne vais pas me mettre dans une situation, par exemple, où je sais que la limite, elle est atteinte. Il va falloir que j'aille pisser. Bah si par exemple pendant l'interview je vous dis les gars faut que j'aille pisser, j'ai pas envie de me retransférer, d'aller aux toilettes etc. Je vais le faire là et puis je leur explique et je suis cash de façon à ce que les gens, bah peut-être ça va les percuter, ça va les heurter, c'est frontal. Mais en fait je suis dans le vrai, c'est la réalité, c'est de la pédagogie et en fait j'en ai marre de faire fi un peu d'un côté très... Faut que ça soit politiquement correct. Et en fait ça m'a débloqué énormément de portes finalement de m'affirmer par rapport à ces situations là et de montrer... Et de pas avoir de soucis par rapport à ça. Petite anecdote, j'en profite aussi, c'est l'instant confidence avec moi-même. Mais tu vois, j'ai fait un covoiturage, le mec que je l'ai pris en covoit, je lui ai dit tu tournes la tête, au pire tu sais à quoi ça ressemble, je lui ai dit là je vais devoir me sonder, parce que j'ai pas envie de m'arrêter, parce que sinon on va perdre du temps, machin, machin, et puis j'avais besoin de pisser. Et je me suis sondé en roulant, bon, c'est pas forcément la chose à faire quand t'es tétraplégique.
- Speaker #0
On dira rien. Ça nous révèle une chose qu'on abordait tout à l'heure. C'est-à-dire que toi tu es capable de garder ta pudeur. pour ton corps plaisir, mais d'être cash pour ton corps soigné. C'est-à-dire que quand on fait un sondage, on est sur un corps soigné. Et d'ailleurs une infirmière qui peut t'aider à prendre un sondage, effectivement on a une verge, on a une sonde, etc. Bien sûr qu'on va prendre, mais là c'est un corps soigné. Et on revenait tout à l'heure sur cette première question. La personne qui est dans une situation de handicap, tous les acteurs qui viennent la voir sont tous des acteurs de soins. Or il faut garder l'intimité pour le corps plaisir. Moi je me souviens une fois d'un premier week-end où un monsieur entrait chez lui, il était tétraplégique, il ne pouvait pas faire son sondage et on n'arrivait pas à trouver une infirmière pour le week-end. Sa femme s'était gentiment proposée en disant, moi j'avais appris par une amie, je vais essayer de faire le sondage tel que vous voulez. Et le médecin disait, non mais c'est pas à vous de le faire. Là c'est un acte de soignant, non pas déontologiquement parlant ou quoi que ce soit, c'est pas un domaine de compétence. Mais non, il faut que le corps de votre mari reste un corps plaisir, un corps intime, un corps de coup. En aucun cas devenez son infirmière. L'infirmière elle a un rapport de soigné, à faux corps moi dans le vestiaire quand j'avais un rapport de soin avec une sportive.
- Speaker #1
Alors moi, je vais quand même me mettre quelque chose, c'est que, est-ce que des fois, t'as pas le choix quand tu connais la difficulté d'organisation ? Et si c'est leur mode de mécanisme, alors je peux comprendre que ça peut créer des difficultés, mais des fois, tu es dans des situations où t'as pas le choix.
- Speaker #0
Moi, par exemple, en tant que soignant... J'ai horreur de masser ma compagne ou de soigner ma mère ou mes filles. Parce que c'est pas le même corps, c'est pas l'objet du tout le même que mon corps soignant. Je peux soigner la voisine, je peux soigner n'importe qui, parce que là je vais arriver en tant que soignant. Quand je me rapproche d'un corps qui n'a pas la même valeur symbolique, je ne veux pas être soignant. Alors, contraint et forcé, oui, s'il y a quoi que ce soit qui se passe, le soignant applique un soin médicalisé. Mais il y a des moments donnés, il faut que le corps reste dans la partie 1. intime. Et d'ailleurs, on pourrait rebondir sur l'intimité de certains patients qui ne peuvent pas par eux-mêmes avoir accès, si tu veux en venir, à une sexualité, par exemple. Toi, tu as accès librement, on ne va pas parler aujourd'hui de tout cela, mais tu peux avoir complètement accès à ta sexualité comme tu as envie, dans le domaine intime, bien évidemment. Mais tu as cette liberté de pouvoir être un acteur de ta propre sexualité. On connaît des gens en institution qui ne peuvent pas. On ne leur donne pas ce droit à l'accès à la sexualité. On connaît des gens qui, de par leur handicap très important, ne peuvent pas être en situation de rencontrer des gens. Là, on a Kevin qui est en face de nous. Si Kevin ne s'en sort pas ce soir, c'est son problème. Mais il a les moyens de pouvoir parvenir ce soir à passer une bonne soirée. Toi aussi, moi aussi. Pour les gens qui ne peuvent pas avoir ce droit à l'accès à la sexualité, certains pays en Europe, plutôt l'Europe du Nord, se sont mis à considérer que la notion d'assistante médicale sexualisée pouvait légitimement trouver sa place. dans notre société. Et ça, ce sont des choses qui, pour nous, sont un peu taboues en France.
- Speaker #1
Et c'est parfait que tu me parles de ça. On dirait que tu l'as fait exprès, ce qui est peut-être un petit peu le cas. Mais c'est qu'on peut introduire aussi un deuxième livre que tu as écrit, qui est un peu plus récent, qu'on peut vous présenter là, qui s'appelle Camille. Tac. Donc le fil, le... Déjà, Camille avec un S. Déjà, tu pourrais...
- Speaker #0
Il y en a deux. Il y a deux Camilles, en fait. Donc c'est un petit clin d'œil. Il y a Camille qui est en fauteuil roulant, qui est en situation, c'est un garde-son. qui est en situation de ne pas pouvoir avoir accès à une possibilité sexuelle, une éventualité. Et de l'autre côté, Camille, une fille qui, elle, est une ancienne prostituée, qui décide de donner un sens à sa vie en essayant de devenir assistante médicale sexualisée. Le livre Camille va nous permettre de découvrir leurs deux parcours, on ne va pas tout dire, jusqu'à ce qu'ils se rencontrent. Donc on voit bien que la rencontre vers une sexualité partagée, C'est pas toujours des choses rocambolesques, on est très loin de Rocco Siffredi, bien évidemment. Moi je me souviens d'un témoignage que j'avais vu à la télé et qui m'avait interpellé sur un monsieur qui passait, comme ça, rendre visite à certaines dames qui étaient dans la situation de handicap extrême. Il disait par exemple, quand j'ai rencontré Monique ou Janine, et Monique et les Janines vous nous excuserez, ben finalement, ce qui s'est passé dans la timidité, on va pas vous le dévoiler, mais quelquefois vous savez c'est quoi ? C'est une tête posée sur une épaule, c'est une caresse sur un main, sur une main. Mais qu'est-ce qu'on voit là-dedans ? On voit que le corps est un corps plaisir. C'est fini le corps médicalisé. Cette personne chez elle, elle n'a des visites que pour des choses médicalisées. L'infirmière, le kiné, pourquoi pas l'orthophoniste, etc. Il y en a plein. Mais le corps plaisir n'existait plus. Et ce monsieur qui est venu, parce qu'il y a des assistants aussi médicalisés, a apporté une existence à ce corps plaisir. Parce qu'on a le droit aussi d'avoir un corps de plaisir.
- Speaker #1
Donc moi, je vais te poser la question. Toi, tu es pour l'assistance sexuelle pour les personnes handicapées.
- Speaker #0
Qui ne font pas en situation de pouvoir donner une libre... Voilà,
- Speaker #1
c'est exactement ce que j'allais dire. En fait, c'est qu'effectivement, moi, la différence, c'est que j'ai une mobilité qui me permet d'arriver, entre guillemets, à une finalité qui est plutôt intéressante, pour dire ça comme ça. Et c'est vrai que je pense que tu as des gens... Et je ne me suis jamais, moi... même moi, dans ce qui est cool dans l'échange, c'est que dans mon rapport à tout ça, je ne me suis pas posé la question de si je n'avais pas pu, comment j'aurais fait.
- Speaker #0
Et puis, il y a des choses aussi que j'ai découvertes il n'y a pas si longtemps. J'ai une amie dont la fille présente un handicap important qui est en institution et qui est adolescente. Qui doit avoir 16 ans ou 17 ans. Et qui est tombée amoureuse d'un garçon qui a 15 ans, 16 ans dans l'institution. Les deux, s'ils savent, à un moment donné, ils auront envie de développer ce corps plaisir. Comment on fait dans une institution ? Le directeur, il n'y a pas une salle qui est spécialisée pour que les jeunes qui s'aiment aillent dedans. Comment ça va se passer ? Comment on peut le vivre ? Comment on ne doit pas taire ce besoin-là ? Ça, c'est très important dans notre société, comment on fait. Alors des fois, quand on est à la maison, bien sûr, on va chez les parents pendant qu'ils sont par là, etc. Quand on est dans un photo roulant, etc., c'est très compliqué, ça. Ça a le mérite de poser la question, comment la société répond à ce manque d'accès à la sexualité pour certains.
- Speaker #1
Et d'ailleurs, en France, on en est où à ce niveau-là ? Et qu'est-ce que tu en penses et qu'est-ce que tu aimerais faire passer comme message ?
- Speaker #0
Pour l'instant, on est encore sous le coup de la prostitution. C'est-à-dire que si moi, je me destine à être assistant médical sexualisé et que je viens chez une patiente, elle va me laisser peut-être un petit billet de 20, de 30 ou de 40 sur un frigo que je vais prendre discrètement, que je n'ai surtout pas déclaré. Et en échange, il y aura un câlin, parce qu'on peut appeler ça comme ça. Le câlin, il peut avoir toutes les natures possibles. Donc on est dans quelque chose d'un peu illégal. On pourrait être condamné pour ça. Donc il faut vraiment être capable de légiférer avec un statut. On légifère sur beaucoup de choses, ça demande un débat public, ça demande aussi de s'appuyer sur les gens qui s'y connaissent vraiment, qui travaillent auprès de ces gens-là. Et puis d'arriver à avoir peut-être un projet de loi pour donner cette possibilité, cette ouverture d'accès à la sexualité pour tous. On parlait d'accès, on voit bien dans notre société, on parle des jeux, on parle des villes, on parle des transports, l'accessibilité, c'est essentiel. Parce que si on rend accessible pour tous, alors tout le monde pourra en profiter.
- Speaker #1
D'ailleurs, il y a des pays où c'est légal, je crois, c'est la Belgique.
- Speaker #0
Ouais, les Pays-Bas, je crois, et des pays du Nord aussi.
- Speaker #1
Peut-être la Suisse, je sais pas.
- Speaker #0
Dites-nous d'ailleurs si vous avez des infos.
- Speaker #1
Mettez-les en commentaire, c'est YouTube, c'est ça qu'on est.
- Speaker #0
Témoignez-nous un peu des expériences dans d'autres pays, ça serait intéressant.
- Speaker #1
Bon François, je vais faire un petit peu la transition, parce que là on parle d'assistants sexuels, tout à l'heure tu parlais de déontologie, et on va parler un petit peu, peut-être pas dans les détails de la tienne, mais c'est vrai que toi t'as fait un petit peu un... On va dire une impasse sur la théontologie que tu te dois d'avoir dans ton métier. C'est que tu as eu une relation avec une patiente. Tu es à quel âge ? Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus ?
- Speaker #0
C'est vrai. Alors j'ai été obligé de modérer un peu tout ceci, mais je vais malgré tout être dans l'instant en confidence. J'étais un kinésithérapeute du cours de neurologie, dans un service de neurologie avec des paraplégies, qu'on en a parlé. Et il y a une patiente, et je tiens à me préciser, qui n'était pas ma patiente, qui était la patiente d'une collègue. Et je pense que ça change beaucoup de choses. Parce qu'on l'a dit, quand on est avec son propre patient, on voit le corps comme un objet de soin, une fonction, un organe, etc. Ça ne pose pas de soucis. Je n'ai jamais eu de désir pour les patients que je soignais. Là, c'est une patiente que je ne soignais pas. Et ça change beaucoup de choses. Pourquoi ? Parce que nous reviendrons peut-être un peu après dans nos confidences dessus. Il y a une vie jusqu'à 9h à 17h qui est toute la rééducation, qui est du boulot, c'est du sport, c'est énormément d'efforts. Tu l'as connu ça. Et puis à la vie après 17h. Donc des fois, quand on restait un peu après 17h, cette jeune fille-là, je lui parlais. Et il est vrai que je suis tombé amoureux, c'est clair. Et qu'il aurait pu se passer quelque chose. Et je pense que pour elle, c'était certainement très constructif. Parce que ça veut dire que moi, je ne l'avais connue qu'après. Et que dans sa vie d'après, elle était capable de susciter de l'amour. Du désir, et ça c'est très valorisant je pense pour quelqu'un qui...
- Speaker #1
Surtout d'un kiné. Oui,
- Speaker #0
oui alors du kiné, ou non, c'est-à-dire que on est toujours dans sa vie d'avant et là d'un seul coup vous vous dites dans ma vie d'après en fauteuil roulant je suis capable d'être un objet de désir, un objet d'amour, c'est pas mal. La question c'était que elle, elle n'était pas du tout prête pour ça, elle était dans un processus de reconstruction, elle n'était pas du tout capable à ce moment-là de s'ouvrir vers une quelconque aventure, d'autant plus qu'elle était déjà avec quelqu'un qui l'aimait très fort et je suis très heureux qu'ils soient encore extrêmement heureux tous les deux.
- Speaker #1
Oui, oui.
- Speaker #0
Mais moi j'ai senti cet amour-là.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qui a fait que... Parce que t'en as rencontré plein des passions, c'était à quel âge ? Et qu'est-ce qui a fait qu'elle a eu ce pouvoir ?
- Speaker #0
Qu'est-ce qui tombe amoureux comme ça ? Je pense qu'en Indonésie, on dépasse notre rôle, notre fonction d'empathie.
- Speaker #1
Et justement, qu'est-ce qui a fait pencher la balance, tu penses, de ton côté ?
- Speaker #0
Je crois qu'on disait tout à l'heure, quand on rentre comme kiné comme ça, on est très heureux parce que ça donne un sens à notre vie. Si j'avais vécu avec elle, ça aurait donné un sens à ma vie peut-être. Plus plus plus Ça donne quelque chose de plus important, c'est-à-dire que chaque jour on sait qu'on va pouvoir rendre la personne heureuse. Là c'est plus simplement le patient, ça va être tous les jours, c'est-à-dire si t'as besoin de moi pour ça, pour ci, je suis là. Et ça ce sont des choses qui, enfin moi qui me rendais heureux, dans mon parcours après personnel, c'est toujours des choses que j'ai recherchées, et c'est de rendre la personne heureuse. Donc ça, ça s'est extrapolé à ce moment-là de par son statut de fille je pense qui était en fauteuil roulant à ce moment-là.
- Speaker #1
Oui mais t'as bien, c'est d'une manière, parce que tu dis ça mais t'aurais pu...
- Speaker #0
avoir ce truc-là avec n'importe qui alors que là est-ce que tu connais le mystère de pourquoi cette personne-là on l'aime plus qu'une autre pourquoi t'as pas deux trois trucs ou je sais pas ça peut être son physique sa qualité bien sûr qu'elle a été extrêmement beaucoup d'humour très jolie pour moi elle ressemblait beaucoup à Rita Ewers voilà une intelligence une acuité une perception un humour une élégance une classe je sais pas si si elle regardera cette vidéo là mais vraiment des choses qui te capte qui te capte au point que chaque seconde que tu vas passer quand tu rentres chez toi tu penses à elle alors c'est gênant parce que c'est pas ta patiente tu sais que tu vas la retrouver le lendemain et c'est ça peut-être qui a fait que c'est qu'insidieusement il y avait quelque chose qui se passe mais oui parce qu'il ya un petit jeu qui se passe même dans la journée ne disait pas ta patiente quand tu la croise et un petit jeu tu sais que la séduction elle est réciproque tu sais qu'il se passe des choses tu restes très respectueux parce que tu sais qu'elle traverse un parcours fait compliqué jamais tu permets des choses ou quoi que ce soit c'est son domaine n'y a pas d'un il n'y a pas de choses invasives mais mais la séduction c'est quelque chose qui nous dépasse bien sûr est-ce que ça c'est sûr et tes collègues est ce que la direction la suée est ce qu'il ya eu des soucis par rapport à ça non je pense que ce que tu en as parlé après non je pense que les gens n'ont pas su hormis hormis claudine qui était sa kiné et qui elle était très intelligente et qui avait perçu ce genre de choses mais je veux pas dire c'était comme deux ados Mais tu sais ce que c'est dans la séduction. Il y a un tas de petits jeux, un tas de choses complices comme ça. Après, il y a beaucoup de respect. Parce qu'elle avait son parcours de soins à développer, son projet de vie qui allait naître. Moi, je pense que j'étais vraiment croque.
- Speaker #1
Et en plus de ça, c'est souvent quelque chose qui revient dans les centres d'éducation. Moi, j'ai souvent entendu dire, laissez de la distance avec les patients, etc. Ce que je peux comprendre. Mais d'un côté, quand tu restes un an, deux ans pour certains dans un centre d'éducation, Pour moi, il y a de l'affinité qui est obligée de se créer. Qu'est-ce que tu penses de ça et qu'est-ce que tu penses des institutions qui essaient de mettre des cases ou en tout cas de mettre des règles de façon à ce qu'il y ait une distance qui se crée, alors qu'en fait, cette distance, elle sera forcément mangée à un moment donné ? Oui,
- Speaker #0
c'est un peu le problème du tutoiement et du vouvoiement, pour aussi revenir là-dessus. On va effectivement voir les personnes dont on a la charge pendant, tu l'as dit, 6 mois, 8 mois, 12 mois, 24 mois. Il faut faire très attention. Parce qu'ils ne sont pas là pour avoir votre vie. Mais vous, vous allez avoir une partie de la leur. Donc il y a des moments où ça va se mélanger un peu. Par exemple, dans le cadre d'une autonomie, on va se retrouver à faire une soirée pizza tous ensemble. Donc on va parler, on va casser les codes. Il n'y a plus la blouse, il n'y a plus fait telle chose, telle chose. On parle de notre vie. Et je crois que c'est aussi une manière de respecter la personne que de l'installer à un moment donné dans une autre position. Elle n'est plus la personne soignée. Elle est celle qui va dire, moi, je n'aime pas la carte fromage de ce soir parce que le gorgonzola, il n'est pas bon. Voilà, d'un seul coup ça a changé, c'est plus le même statut de toi, tu l'aimes le gorgonzola ? Franchement si tu viens à la maison, mes pizzas elles sont meilleures. Donc on a cassé la barrière, donc ça d'abord c'est très important. Et tu viens bien entendre ce que je viens de dire, si tu viens à la maison, et moi dans ce cas là je vais dire à mon patient, ok, s'il vient chez toi, et là on est passé sur du tutoiement. Le tutoiement c'est aussi le respect, c'est aussi l'égalité des choses. Alors dans un centre de rééducation, il y aura du vouvoiement, la plupart du temps c'est tout le temps du vouvoiement. Alors peut-être un peu moins lorsqu'on a mon âge 58 et qu'on a une patiente de 20 parce qu'on a un côté paternaliste qui peut en venir au tutoiement. Mais attention, des fois il n'est pas du tout judicieux. Mais au bout d'un certain temps, on s'aperçoit nous-mêmes qu'on est quand même des coachs et que le tutoiement c'est le donnant-donnant. C'est-à-dire que moi je fais tout pour toi et je te tutoie. En contrepartie, tu vas te sentir investi d'une certaine obligation à me rendre tout ce que je t'ai donné. Et donc le tutoiement et le tutoiement, c'est ça. Allez, aujourd'hui tu vas refaire, Martin, trois transferts de suite. Allez, vas-y, vas-y, je suis avec toi. Le tutoiement, alors que si j'avais dit Monsieur Petit, vous allez faire trois transferts de plus tu m'aurais dit Écoutez, Monsieur Chevet, je suis un peu fatigué, nous reverrons demain, je monte dans ma chance. Non, non, le donnant-donnant, le gagnant-gagnant. Les sportifs, ils connaissent ça. Un sportif, il demande rarement qu'on tue le vouvoie. On est habitué à ça. Parce qu'il y a ce travail de proximité. Après, on parlait de la sortie de Pizza. Allez, une petite anecdote parce qu'elle est sympathique. Notre ami Michael Jérémias. Ça vous parle, Michael Jeremias ?
- Speaker #1
Tu peux dire qui c'est ?
- Speaker #0
Michael Jeremias, il a été plusieurs fois médaillé en tennis en Paralympique, il a été porte-drapeau des Jeux Olympiques. Mario. C'est un des grands messieurs des Jeux Paralympiques qui ont eu lieu à Paris en septembre.
- Speaker #1
Il s'investit beaucoup sur ces sujets-là.
- Speaker #0
C'est un... En fait, c'est un... Autant on disait, Fabien, c'était un... est un artiste de l'engagement subtil, fin, indépendant. Mickaël, c'est un homme de l'attentat. On le voit. C'est un terroriste de l'égalité pour tous. C'est-à-dire qu'on y va, il faut bouger les codes. Son assoce, elle s'appelle Comme les autres. Comme les autres, tout est dans le titre. Comme les autres, on se bouge. Il fait plein de choses. Et je me souviens, une fois, c'était une des premières personnes qui avaient été interpellées, parce qu'il y avait un documentaire à une époque, sur la sexualité dans les centres de rééducation.
- Speaker #1
Ah, il était inquiété, tu veux dire ? Non,
- Speaker #0
non, non, il était interpellé par le documentaire. On l'avait choisi lui, peut-être parce qu'il avait la gueule. On lui avait dit, racontez-nous un peu comment ça se passe, votre changement de vie.
- Speaker #1
Ah oui, d'accord.
- Speaker #0
Voilà, moi j'avais simplement servi d'interface. C'était un documentaire là-dessus. Et je me souviendrai après de Mickaël, quand il est sorti du centre de rééducation, qui me disait, moi, quand je vais dans une boîte de nuit, et qu'il y a 90 mecs, il y en a 89 qui se ressemblent. Moi, je suis en fauteuil roulant. La première femme, jeune fille qui s'installe sur mes genoux, sur le fauteuil, c'est gagné. Elle ne repartira pas toute seule. Donc, faire de sa différence une opportunité, une chance, c'est déjà la construction d'un projet de vie. Toi, par exemple, tu as dû remarquer que quelques fois, on te regarde pour certaines choses. Oui,
- Speaker #1
mais ça peut être un outil, mais c'est marrant. Alors, si tu t'en sers à bon escient, effectivement, ça peut jouer en ta faveur, etc. Mais des fois, tu ne sais pas si on te regarde. Si t'as la gueule de travers, si c'est le fauteuil, si c'est parce qu'on te trouve séduisant. Moi, c'est un peu différent, vu que je suis aussi sur les réseaux, etc. Des fois, je ne sais pas trop si on me regarde. Mais par contre, je rebondis sur un truc. Une des premières choses qui a été compliquée pour moi, c'était le regard qu'on pouvait poser sur moi au tout début. Je me souviens d'être dans le tram et j'avais l'impression que tout le monde me regardait. Et maintenant, c'est vrai que je fais vraiment abstraction du regard des autres. Et en fait, à partir du moment où dans ma tête, je me suis persuadé que les gens me regardaient, ça allait être le cas. Et maintenant que j'en ai plus rien à perdre parce que ça fait 7 ans, enfin ça va faire 7 ans, je me rends compte que le regard des gens ne me pèse plus non plus.
- Speaker #0
Parce que tu choisis le regard qu'on te pose sur toi.
- Speaker #1
Et c'est hyper important. Et c'est ça aussi, tu vois, genre je pense des exemples comme Fabien et Mickaël, et je le dis pas parce qu'ils sont connus, etc. Mais je le dis parce que, voilà, c'est des gens comme d'autres dans le centre de rééducation qui ont été des patients comme moi à un moment, à l'instant T. Et je pense d'ailleurs à David qui est un tétra un peu... retouché comme dans Intouchables, qui a été un mec qui m'a un petit peu relevé à un moment donné, alors que le mec il avait moins de possibilités que moi. Et tu vois ce qui est marrant c'est que je l'ai recroisé il y a deux jours pour la demi-finale du top 14 de Bordeaux contre le Stade Français, on a gagné.
- Speaker #0
Donc je ne suis pas très très heureux, les Parisiens on a peur.
- Speaker #1
Mais tu vois genre David il me dit je suis tellement content pour toi, donc déjà il se réjouit de toi, ça prouve déjà l'intelligence du mec. Et c'est un mec qui m'a clairement porté à un moment de ma vie où j'en avais besoin. Et en fait toutes ces personnes là... sont des exemples et je pense qu'on en a besoin et d'ailleurs tu as peut-être quelque chose à dire par rapport à ça. Qu'est-ce que tu penses que des gens comme moi qui incarnent une expérience, qu'est-ce que tu penses de l'exemplarité qu'on se doit d'avoir ou en tout cas qu'on doit donner ? Je ne sais pas si j'ai des règles là.
- Speaker #0
Si, si, si. Je pense un peu à ce que j'ai dit tout à l'heure, parce qu'on en parlait sur Fabien. L'exemplarité, elle sera... Toujours un piège quelque part, parce qu'il y a une frontière très fine quelquefois entre celui qui témoigne honnêtement de ce qu'il vit, avec l'objectif que ça puisse inspirer les gens, les aider, leur faire du bien, et celui qui va être un vrai condamneur de leçons. Voilà. La frontière, elle est fine. On le perçoit sur la qualité humaine. C'est la qualité humaine qui fait la différence. Autrement dit, c'est l'ego qui fait la différence. Toi, par exemple, Martin, tu es un homme de collectif. Ça se voit. Tout est dans un collectif. On l'a vu dans cette journée, même quand on l'a préparé. Tout est collectif. Tout est anti-ego-centré. Et pourtant, tu te dis, parce que tu as cette réflexion, j'ai cette fonction-là, comment je peux aider ? Voilà. Mais on voit bien que c'est, je me situe au sein d'un collectif, un collectif d'amis, un collectif sociétal. Donc l'exemplarité, oui, quand elle est portée comme tu le sais, ou comme Fabien le sait, ou comme Micka le fait, comme un guerrier.
- Speaker #1
Et qu'est-ce que tu penses de l'ego dans la reconstruction ?
- Speaker #0
Il faut quand même se mettre au début au cœur de son projet. Ça c'est évident, il faut savoir ce que l'on veut. Je me souviens qu'à une époque, quand les gens déprimaient sur les tables et qu'ils pleuraient, je prenais une feuille de papier, ceux qui écrivaient, ils écrivaient, ceux qui ne pouvaient pas écrivent à leur place, et je leur disais, dites-moi cinq choses que vous avez envie de faire. Là, comme ça. Et puis des fois, c'était manger ceci, écouter une chanson de Louride, etc. Et je disais, voilà, ça on va le garder. Il faut savoir ça, vous aimez ça. J'ai envie d'être avec mon mari, etc. On sortait tout ce qui faisait qu'il fallait reconstruire le socle de base. Donc l'égocentrisme, oui, pour se reconstruire. Le développement personnel à haute dose, voilà. Je ne vais pas faire un peu de pub pour le bouquin de Luc Ferry, mais ça a énormément de limites. Le premier bouquin que j'avais écrit s'appelait Prendre soin. C'est un nom de cote, on ne savait pas si on allait le garder. Je me suis rendu compte que prendre soin des autres, finalement, c'est prendre soin de soi. Prendre soin de soi tout le temps, ça va vous scléroser très très vite, ça ne vous donnera aucun sens dans la vie. Donc oui, quand on s'est perdu au milieu des autres, se recentrer sur soi, c'est essentiel. Mais on trouvera à mon avis une certaine forme de bonheur au... ou d'accomplissement que dans le collègue.
- Speaker #1
Écoute, moi, ce que je te propose, je te remercie, c'est qu'on passe à l'instant citations. Je sais que tu m'en as choisi deux et on va développer un petit peu dessus. On va les lire et tu vas développer dessus.
- Speaker #0
Il y a une citation de Benjamin Franklin qui me plaît bien, qui s'appelle Le manque de soins fait plus de mal que le manque de sciences Moi, je l'ai pris d'une certaine manière. Là, en ce moment, je vais travailler dans un cabinet de kinésithérapie. J'ai des stagiaires. Et d'une manière très exceptionnelle, en ce moment, vous le savez, on est à la fin juin, on n'a pas envie que nos secondes traînent un peu partout. J'ai deux élèves de seconde. Ils ne font pas les études de kiné, ils sont en seconde. Ils ne sont plus en troisième, c'est plus le stage, un peu de développement comme ça, des écouteurs. Non, ils sont en seconde. Et j'essaie de leur expliquer ce que c'est que le métier de kiné. Et je leur dis, voilà, vous allez apprendre des choses anatomiques, physiologiques, biomécaniques. Mais d'une certaine manière, tout ça, tout le monde sait le faire. Tout le monde saura le faire. Ce qu'il va faire un bon kiné, ce n'est pas vraiment ce qu'il va apprendre. Tout le monde finira par savoir. C'est la qualité humaine. Et quand on perd toute cette empathie, quand on se déshumanise, il faudrait changer de métier. Ça, c'est pour ça que je garde cette citation-là. Le manque de soin, comme ça, par rapport au manque de science. La science, on l'aura, elle ne va pas arrêter de se développer. On voit énormément de sciences, énormément de protocoles, énormément de domaines de compétences. Ça, c'est bien calibré. On est dans des normes qui n'en finissent plus. Encore une anecdote. Je suis dans le centre de rééducation de Coubert. Un patient arrive. Son fauteuil a crevé le roux. Il est bloqué. Ou le boîtier électrique ne marche plus. Il est bloqué. Il y a 200 personnes dans un centre de rééducation. Il y a 200 soignants. Si je passe devant que je suis infirmière, con. C'est plus mon horaire, monsieur. Je suis désolé, là je suis en transmission, l'équipe d'après-midi va venir. Ok, c'est raté. Je suis un orthoprothésiste. Là, vous savez, là, c'est pour réparer votre fauteuil. C'est vrai, mais c'est pas mon domaine de compétences. C'est l'autre copain qui est là-bas. Je vais l'appeler, il va venir vous voir. Moi, je suis kiné. Très bien. Vous n'êtes pas mon patient. Puis là, j'en ai un autre qui m'attend pour un habillage en chambre. Je passe devant, je fais rien. Je pourrais t'en sortir plein. Voilà. Chaque petit domaine de compétences va trouver sa petite raison pour ne pas aider quelqu'un. La première personne sensée va dire, c'est quoi le problème monsieur, il y a un souci ? Bah écoutez, dites-moi comment on repasse là et puis je vous emmène là où on répare le fauteuil. Ça c'est simplement l'humain. Et je t'assure que des fois dans un centre de rééducation, comme partout, on peut se déshumaniser en disant, c'est pas à moi de le faire. Il faut toujours rester sensible à l'humain en souffrance.
- Speaker #1
En fait ça me fait penser à quelque chose pour toi, pour les kinés par exemple qui vont nous regarder, les soignants de manière générale et humainement aussi. Quelles sont pour toi les meilleures qualités à avoir pour être kiné, soignant dans le corps médical, on va dire, et humainement ?
- Speaker #0
Bon,
- Speaker #1
ça fait beaucoup.
- Speaker #0
Ça fait beaucoup, oui. L'écoute. L'écoute. La perception. La réelle écoute. Pas... bien sûr. Non, non. L'écoute. Peut-être une capacité empathique à se dire, voilà, moi à sa place. Alors évidemment, on n'est pas pareil, on n'a pas le même logiciel, on n'a pas la même façon de fonctionner. Mais quand même, si je suis touché par l'autre, c'est parce qu'à un moment donné, j'ai fait ce rapprochement.
- Speaker #1
Et comment, pour toi, on développe l'empathie ? Comment on touche les gens ?
- Speaker #0
Par l'exemplarité quand on est enfant, par ses parents. Je pense que j'ai eu des parents extraordinaires. Donc peut-être des professeurs aussi extraordinaires. Là, je suis en rencontre, le sport, l'associatif, le collectif, te développe ça. Aussi, ça,
- Speaker #1
c'est très important. Ouais, et d'ailleurs, tu vois, on parlait de Michael Jérémiage. Je pense que ça peut être aussi l'occasion de parler de ce qu'il fait avec... l'association comme les autres. C'est vrai qu'il met en avant énormément le sport, il l'a été lui aussi. Par contre, j'ai une autre question qui me vient pendant que je suis en train de te poser une question finalement. C'est que souvent, on associe la réussite d'une personne handicapée à sa réussite sportive. Et des fois, je trouve que ce n'est pas représentatif aussi d'une réalité qui est la nôtre. Ou moi, évidemment, c'est des exemples pour moi parce que je sais me détacher de certaines choses, de frustration et de ce que je fais, etc. Et des fois, on voit la réussite, alors qu'en fait, des fois, la réussite, elle est dans le quotidien aussi.
- Speaker #0
Mais je crois que la force de Mickaël est exactement peut-être le même parcours que tu prends toi, maintenant que la notoriété est là. C'est de se servir de cette notoriété pour que tous les bénéfices aillent pour tout le monde. Et qu'une vie du personne d'une fauteuille roulante réussie aujourd'hui, eh bien, c'est déjà pas galérer pour sortir de chez soi, c'est voir si la boulangerie est accessible. C'est pas la peine de monter l'Everest. C'est pas la peine de faire des choses extraordinaires ou de gagner 5 médailles d'or pour avoir réussi sa vie, bien évidemment que non. Mais en revanche, pour ceux qui ont gravi l'Everest, pour ceux qui ont beaucoup de followers... Pour ceux qui ont des médailles olympiques, il y a une certaine possibilité de pouvoir changer le monde de par cette fonction-là et de le rendre accessible à tous et de parler des problèmes de tous. Dans tes premières vidéos, c'était comme on le disait, on ne nous en voudra pas mais tu n'es pas le fils de Bolloré. Donc tout ce que tu as fait, tu le construis avec tes efforts. A chaque fois, c'est comment je peux avec un peu d'humour vous montrer quand même comment c'est la vraie vie dessus. Si ça peut vous aider à comprendre comment ça se passe, c'est déjà bien, je suis content d'avoir réussi ma journée là-dessus. Je crois que Mika, il s'est servi de son statut, effectivement, il a bossé dur pour arriver à être un sportif de haut niveau, le numéro 1 mondial dans son sport. Mais derrière, qu'est-ce qu'il en a fait ? Le but, ce n'est pas d'acheter la maison, la piscine et tout ça, ce n'est pas ça du tout. C'est maintenant d'avoir la possibilité de permettre à certains de s'épanouir par le sport, par l'aventure, par une aventure humaine d'ailleurs, qui va mélanger plein de gens, des valides et des personnes en situation de handicap et s'éclater avec ça. Donc le bonheur et la possibilité. Donc effectivement, je crois que tu es sur ce chemin-là. Et quand on a une certaine notoriété, c'est ce qui fait la différence entre une bonne personne et un évocentrisme trop marqué.
- Speaker #1
Après François, ce qui est assez remarquable avec toi, c'est que tu fais plein de choses. Et des fois, on est aussi là pour parler de toi. Pour que les gens aussi se saisissent de ce que tu dis là, c'est que tu es quelqu'un qui a une effervescence de beaucoup de choses. Même on peut le dire, t'es arrivé, t'as dormi je crois deux heures, parce que t'as une association de théâtre, tu écris tes textes, tu fais toujours de la kinésithérapie, t'as cette volonté de transmettre. Et je me dis mais comment t'arrives à trouver tout ce temps là et quelles sont les raisons aussi pour lesquelles tu fais tout ça ? Est-ce que des fois t'as pas le sentiment de t'éparpiller un petit peu ?
- Speaker #0
Non parce que j'ai vraiment centré dans plusieurs domaines. Passif ? La kinésithérapie, oui, dans un cabinet où je suis très bien encadré, avec une super secrétaire des collègues, tout est bien, tout est facilité pour moi. Avec des patients qui proviennent effectivement de neurologie en particularité, parce que c'est un domaine que je connais bien. De temps en temps, je vais faire des petites apparitions dans le domaine du handisport, comme l'escrime. Salut mon ami le maître d'armes Serge Prudhomme, qui y oeuvrera pour que les Français en escrime aux Jeux Paralympiques puissent revenir avec des médailles. Je pense aux tombeaux de tennis de Michael Géreniaz qui avaient lieu dans le sud où là j'ai été les aider aussi pour faire le kiné. Ce qui est très intéressant c'est l'international, c'est de voir des parcours de vie tous différents entre quelqu'un qui provient de Turquie, des Pays-Bas, une Costa Rica. C'est très chouette d'avoir ces expériences.
- Speaker #1
Et puis les différentes approches peut-être de soi.
- Speaker #0
Si je reviens sur ta question alors je vais répondre simplement parce qu'on l'a déjà la réponse. Chaque aventure humaine est extraordinairement riche d'apprentissages, de contacts. Chaque jour que je vis, j'ai envie de le vivre parce que je vais faire des rencontres humaines magnifiques. Et ça va travailler collectivement. Alors oui, je vais le dire, effectivement, je fais 20-25 heures de théâtre en plus par semaine parce qu'on a fondé une association qui s'appelle Blouse en scène. Au début, nous étions des blouses blanches, ce sont les blouses qui se mettent en scène. Au début pour les patients et puis après pour tout le monde. Travailler sur du collectif. Quand on amène des pièces de Danesh Jhaoui et Jean-Pierre Bacry au fin fond de la scène et marne, pour des gens qui ne vont jamais au théâtre, On sent qu'on va œuvrer pour plus de richesse, plus de partage. Le monde, quelquefois, est hostile, peut être haineux, en certaines périodes, parce qu'on ne connaît pas les autres, parce que c'est la peur. Et chaque peur qui arrive va entraîner de la violence. Donc si on arrive à calmer la peur par le partage, par la connaissance, par l'écoute, dans ce cas-là, on va enlever de la violence dans ce monde. Donc moi, je crois beaucoup aux arts, et notamment au théâtre, puisque je le pratique. On a quand même plus de 70 élèves dans notre association de théâtre. Et donc ce travail collectif, j'essaie de l'avoir également auprès de mes patients. Je suis peut-être de moins en moins directif avec l'âge. De plus en plus, je suggère des choses. Et qu'est-ce que vous pensez de ça ? Dans la suggestion, des fois, on est directif sans le dire. On sait simplement quelles portes il faut ouvrir et à quel moment, plutôt que de foncer dans les deux portes et de dire, Suis-moi, je sais ce qui est bon pour vous. Ça, c'est quand on est un jeune kiné. Quand on est un vieux kiné, on invite. Et dans l'invitation... Très souvent, Martin en est suivi.
- Speaker #1
Ce qui est marrant, c'est que je vais rebondir aussi là-dessus, c'est qu'on parle de rencontres et on n'a pas parlé de la nôtre. Bah oui. Parce que c'est aussi ça l'instant confident, c'est aussi ça l'authenticité, c'est que moi, c'est vrai que je suis créateur de contenu, je partage des choses. Tout à l'heure, on a parlé de troubles associés. Et j'avais fait, je me souviens, une petite vidéo où j'avais partagé ça sur les réseaux, qui avait été repartagée par quelqu'un qui était toi. Je ne savais pas à ce moment-là. Et effectivement, sur cette vidéo, je montre... Bah... toutes à côté en fait, en les pointant du doigt. Et en fait, ça apparaît à l'écran avec les achéras, les troubles écosystémiques dont on a parlé. Voilà, il y en a beaucoup plus que ça. Les troubles sexuels, la charge administrative, la charge financière. Enfin bref, et tu l'as repartagé. Et moi, à ce moment-là, ce qui est assez drôle, c'est que je me dis... Tiens François Chevet, j'ai lu le livre d'un mec qui n'est que j'avais adoré à ce moment-là. Je repartage dans ma story et là tu m'envoies un message. Et c'est là que d'ailleurs on va peut-être aussi pouvoir révéler ce pourquoi la connexion s'est faite. Donc je te laisse reprendre la main parce que c'est aussi bien d'avoir ton écho. Mais on s'est rencontrés à partir de ce moment-là et tu m'as envoyé un message.
- Speaker #0
Ce qui était particulier c'est que qui m'avait parlé de toi déjà un an avant, je crois. Je donne des cours dans une école de kiné avec ma fille qui est kiné aussi, évidemment elle est énormément jeune, mais elle, elle est toute au fait de toutes ces évolutions de réseau, beaucoup plus que moi. Et elle me dit, ah papa, là tu sais on donne des cours aux élèves, on leur explique des choses, ce qu'il leur faudrait c'est qu'ils regardent un petit peu les cloutos sur Instagram d'un monsieur qui s'appelle El Martichino. Elle me dit regarde ça. Et donc je regarde le soir, parce que quand elle me dit des choses, ma fille je l'écoute, et je vois un de tes posts et je le trouve pertinent, drôle, joli. en même temps parce qu'il y a la forme et quand il y a la forme, on regarde, qu'on le veuille ou non. Et c'était pertinent, c'était pas que du joli, c'était pas du claquant, c'était des choses qui m'ont touché. Et là, je me suis dit, mais il faut que je lui dise. J'ai pas vu, moi, des gens qui parlaient avec une telle justesse de ça. Et c'est comme ça qu'on est rentrés en contact. Après, on s'est rencontrés, etc.
- Speaker #1
On s'est appelés.
- Speaker #0
On s'est appelés.
- Speaker #1
Ça a matché tout de suite.
- Speaker #0
Très vite. Et d'ailleurs, puisqu'on est là et puisque c'est la confidence, je pourrais avouer que tu es bordelette. Et que la dernière fois que tu es venu sur la place de la Bastille à Paris... Et bien en fait tu étais place de la République, je t'attendais place de la Bastille. Et que je te disais tu le vois bien le génie de la Bastille ? Et tu me disais mais non je ne le vois pas. Et d'un seul coup on s'est rendu compte, Martin et moi on devait se rencontrer, que j'étais à la Bastille et que tu étais à la République. Mais là où c'est extraordinaire dans notre rencontre, c'est que moi avec mes réflexes de bipède, je te dis mais attends Martin, attends, je vais prendre le métro, je vais te retrouver à la République. Et toi tu me dis non, moi j'ai mon fauteuil, j'ai ma roue électrique, dans 10 minutes je suis là. Et je ne sais pas comment tu as fait pour faire en 10 minutes République-Bastille. Tu t'es retrouvé au café là, en 10 minutes, et je me suis dit finalement, quand même, dans cette situation de handicap, le plus à l'aise, c'était quand même toi,
- Speaker #1
dans cette histoire-là. Et du coup, je pense qu'on peut un peu révéler ce pourquoi on s'est un petit peu rencontrés. D'ailleurs, c'est toi qui m'as fait la proposition. Et moi, je t'avoue, ça m'a beaucoup aussi touché parce que je me dis, t'as dû en rencontrer beaucoup. Alors, je ne vais pas poser la question parce que je n'ai pas envie que tu me valorises ou que tu me tarises des loges. Mais je sais pourquoi, en fait. tu t'es intéressé à moi pour me proposer ce que tu m'as proposé et ce sur quoi on est en train de travailler en ce moment ?
- Speaker #0
Si j'ai du recul, parce qu'il faut toujours avoir un cerveau intellectuel, je peux dire quelque chose. Si j'ai de l'émotionnel, je peux dire simplement qu'on est toujours en phase un petit peu d'accroche avec des gens. Moi, je crois que ta personnalité, ce que tu es, même si mon intellect ne l'explique pas, va tenter de le faire. Il y a une certaine forme de charme bipolaire qui se passe toutes les rencontres. C'est comme ça. On l'a aussi avec des œuvres d'art, on l'a aussi avec une musique. On ne sait pas pourquoi, mais c'est notre musique. Donc la façon avec laquelle tu parles et tu évoques ça, ça me touche. Mon cerveau émotionnel est touché. Après, si je regarde mon cerveau intellectuel, je peux analyser, je peux essayer de me dire pourquoi ce gars-là te touche ? Pourquoi tu le trouves attachant ? Pourquoi tu penses qu'il est dans le vrai ? Pourquoi tu as l'impression que tu lui ressembles ? Et c'est parce qu'on revient à ce qu'on disait tout à l'heure, pour les gens qui ont bien suivi, c'est ma place dans le monde, ma place dans la société. Comme en moi, Martin, comme en moi, François, peut-être à ma manière, on essaye, peut-être tous les deux, on se ressemble de ce côté-là. On essaye avec notre expérience, notre vécu, d'aider un petit peu les autres, de faire que le monde est peut-être plus juste, plus éclairé, moins effrayant. Et du coup, s'il est moins effrayant, il va être plus attirant, il va nous donner envie de vivre chaque jour. Alors oui, il y a eu ce projet de se dire, écoute, moi j'ai eu un premier jour où je suis devenu kinésithérapeute. C'était très spécial, le premier jour quand je rentre dans mon centre. Toi, tu as eu un premier jour de ta vie tétraplégique. Ce n'est pas le même métier. Mais bon sang, qu'est-ce que c'est différent. Donc, il y avait un jour d'avant. Comment j'étais au jour d'avant ? Et comment moi j'étais en tant que kiné avant que je sois diplômé ? C'était insouciant le jour d'avant. Mais qu'est-ce que c'est pour nous qu'un hôpital ? Et puis qu'est-ce que c'est pour nous un fauteuil roulant ? Pour toi comme pour moi, ce n'est pas la même chose. Qu'est-ce que c'est que l'importance des copains ? Pour toi, pour moi. Et donc on s'est dit, et si on déclinait sous forme d'un petit dictionnaire ? Ce ne sera peut-être pas ça la forme. Mais pour nous, c'était intéressant de pouvoir mettre bout à bout et de faire écho entre ce que toi, tu vis dans ta situation de soigné, ce que moi, je vis dans ma situation de soignant, et de voir comment ça se rejoint assez bizarrement. Ça, c'est notre projet.
- Speaker #1
Et du coup, notre projet, il sera matérialisé de quelle manière ?
- Speaker #0
Ce qui serait bien, ça serait un livre. Parce que le jeune homme que vous voyez là, au niveau des caméras, des images, tout ça, il est très très loin d'avoir terminé. Mais vous savez que tout ça, ça passe, vous regardez, ce que je vous conseille c'est de le présenter à d'autres, d'un peu d'autres le regardent, mais quand on pérennise une œuvre,
- Speaker #1
C'est inscrit dans le marbre.
- Speaker #0
C'est inscrit. Ça traversera le temps. On est dans un âge de transmission. Regardez comme moi j'ai déjà de l'âge. Regardez comme il prend...
- Speaker #1
C'est un peu la calvitie mais ça se voit pas à la caméra.
- Speaker #0
Je vais choisir le bon. Cette volonté c'est de poser les choses avec des mots touchés parce que les mots touchent tout autant.
- Speaker #1
Donc effectivement on a choisi d'écrire un livre donc on a encore un petit peu pour parler avec des maisons d'édition etc. Et je pense qu'on peut... Moi je suis dans le vrai et il y a des choses qui m'impactent, qui me touchent. En tant que personne handicapée, on en a parlé un petit peu en off. Comme le film d'Artus qui a un succès en ce moment, on lui a fermé des portes parce que le handicap ça fait pas vendre. Moi j'ai envie de donner du tort à des maisons d'édition qui ont peut-être fermé des portes sur nos projets. Alors la façon dont je dis ça, il faut que je fasse attention parce qu'on a été très bien reçus par une maison d'édition. C'est juste que là pour le coup ça ne correspondait pas. un petit peu à... Oui, soit-il,
- Speaker #0
c'est plus un catalogue, plus public.
- Speaker #1
Voilà, nous on était sur un truc plus utile, c'est pas du tout pour eux que je dis ça, donc ne soyez pas offusqués, je fais un peu mes disclaimers quand même. C'est plus pour d'autres parce que je lui ai écouté une personne qui a un petit peu missionné par rapport à ça, et en fait on lui a concrètement dit que les gens ça fait pas vendre, peut-être parce qu'ils sont pas éduqués, et justement on va essayer d'aller éduquer, c'est aussi tous les enjeux des bouquins, de ces vidéos. C'est d'aller éduquer aussi ces gens-là et je pense qu'on peut faire de l'argent en faisant le bien, en faisant des choses honnêtes. Voilà, donc...
- Speaker #0
Et pour tous ceux qui pensaient que ça ne marche pas, comme disait Kevin, regardez le succès d'Intouchables, regardez le succès d'Un Petit Truc en plus, regardez le succès de Patient. Effectivement, l'ouvrage, un livre, c'est autre chose. Il faut comprendre, un ouvrage c'est aussi plus différent, mais vous touchez les gens en profondeur avec un livre aussi. Après, on va travailler pour que la forme nous pièce le mieux possible.
- Speaker #1
Ouais. Donc voilà, on a du boulot. J'ai du boulot.
- Speaker #0
Mais on a déjà des très bonnes bases et de bons écrits.
- Speaker #1
On a des bonnes bases, on a des gens aussi qui ont les mêmes valeurs. Et tu vois, on parlait de collectif, c'est hyper important. Et on parle de collectif. Et justement, je pense qu'on va passer à la dernière séquence de cette confidence, de ces confidences. On va passer à la FAQ de la Commu. Donc pour ceux qui ne connaissent pas, pour cette première vidéo, pour vous expliquer rapidement, l'idée c'était que les personnes qui me suivent sur Instagram, donc je vous invite à me suivre. sur mon réseau social El Marticino de façon à ce que vous puissiez poser des questions à mon prochain invité. Donc voilà, l'idée c'est que ça soit quelque chose où chacun s'y retrouve et que les personnes qui me suivent peuvent potentiellement poser des questions à un invité. Donc j'ai mis une petite story pour que des gens puissent poser des questions à François donc j'en ai pris quelques-unes et je vais te les poser tout de suite. Alors la première question c'est les bulettes colorées. Elle me demande si vous aviez un seul et unique conseil à donner à une personne handi, quel serait-il ?
- Speaker #0
Un seul conseil à donner à une personne handi ?
- Speaker #1
Ouais.
- Speaker #0
Essayez de faire du lendemain un héros magnifique. Un truc idiot ça. Autrement dit, centrez-vous. Qu'est-ce que vous aimez faire ? Voilà. Je bâle. Avoir du plaisir, rencontrer des gens, rester tranquille à la maison, peu importe. Essayez de vous dire de quoi j'ai envie. Alors peut-être, le seul conseil, vous écoutez, sachant qu'il y aura des limites. Vous savez, il y a des limites pour tout le monde. Il y a des limites sociales, il y a des limites d'âge, il y a des limites d'indépendance en faisant du handicap. Tout le monde aura des limites. Mais il y a toujours un domaine de potentialité, il y a toujours un domaine d'expression. Et on peut envahir cet espace-là. Donc le seul conseil, c'est ne vous dites pas que les choses sont mortes. Dites-vous. Qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui avec ce que je peux faire et ce que j'aime ?
- Speaker #1
Très bien, merci beaucoup François. Question de Batskami qui me demande, peut-il raconter l'histoire d'un patient qui l'a le plus marqué ?
- Speaker #0
Patient qui m'a le plus marqué ? Est-ce que je peux répondre que c'est la famille qui m'a le plus marqué de ce patient ? C'est un patient qui a eu...
- Speaker #1
Je trouve ça important parce que c'est une question que je voulais te poser, que je t'ai pas posée justement avec le rapport aussi de la famille, parce qu'ils font...
- Speaker #0
qui a eu un accident de voiture, qui a été coincé sur l'autoroute entre deux camions, qui a été broyé, qui a donc subi un traumatisme crânien très important, qui est devenu aveugle, en plus de son handicap moteur et cérébral, d'énormes lésions du cerveau. Et je me souviens du coup du papa qui vient. C'est quelqu'un qui est connu, donc on ne dira pas il non. qui passe à la télévision, quelqu'un que moi je voyais quand j'étais petit déjà, et qui s'est accroché de moi, et dont la principale façon de répondre à sa souffrance était de poser toutes les questions techniques. les plus importantes possibles. Et comment ça se passe dans le cerveau, et comment c'est connecté, et comment ça peut récupérer, et comment ça c'est cela. Sa fonction à lui, son métier, c'était d'être extrêmement technique et de tout comprendre. Et comment, de par son filtre, cette souffrance qui était énorme chez ce papa, essayait de trouver une réponse dans des réponses technologiques, des réponses médicales, alors que pleurer, il le faisait à chaque instant, et à chaque mot qu'il disait, il pleurait à l'intérieur. Et ça, c'est extrêmement touchant, de se rendre compte que finalement, chacun essaie de répondre comme il peut. Et lui, sa réponse, c'était par la technique. Et en même temps, il me disait, vous savez, quand c'est arrivé à mon fils, j'étais avec ma femme aux États-Unis. Et quand on a appris qu'il était arrivé ça à notre fils, on ne peut pas revenir tout de suite. On regarde le premier avion le lendemain pour rentrer, et puis il faut du temps pour avoir le premier avion. Et même s'il arrive vite, il faut du temps pour traverser l'Atlantique avant de revenir. Et cette souffrance-là, elle m'a touché. Énormément. Je me suis senti très proche parce que je suis un papa et que c'était un papa aussi. Et que j'ai trouvé beaucoup de pudeur, beaucoup de blessures chez cet homme-là, beaucoup d'élégance aussi, beaucoup d'intelligence. Et finalement, il m'a donné cette impression de faire tout ce qu'il pouvait. Parce qu'en fait, on fait ce qu'on peut quand on est dévasté par sa peur. Qu'on soit du côté du patient, mais dans la famille d'un patient, qu'est-ce que c'est difficile. Qu'est-ce qu'on donnerait n'importe quoi. On donnerait ses jambes, on donnerait un bras, on donnerait un rein, on le sait bien quand on aime quelqu'un. On ne veut pas que notre fils soit comme ça, que notre femme soit comme ça, que notre papa soit comme ça. Les familles comme ça sont extrêmement touchantes. On ne les voit pas toujours, nous, quand on finit le centre de rééducation. À 5 heures, elles ne sont pas toutes arrivées encore. Donc quand vous les croisez, il y a des choses... Vous voyez des fois les larmes au travers, vous voyez la maman qui s'esquive et qui ne vous parlera pas ce soir parce que c'est trop dur, parce qu'elle a senti des choses. Donc voilà, ce qui est touchant, bizarrement, pour répondre à la question... Les patients bien évidemment, mais n'oubliez jamais les femmes. C'était ta forte question, tu l'as oublié ?
- Speaker #1
Je ne sais même pas pourquoi je pleure.
- Speaker #0
Parce que ça réveille des choses, des fois c'est inconscient.
- Speaker #1
Non mais des fois c'est hyper inconscient. Il faut pouvoir le laisser.
- Speaker #0
C'est des choses qui passent.
- Speaker #1
Je dors au moins, mais je pense qu'il y a la fatigue là. Je suis rassé mec. Ça fait 4-5 jours que je dors.
- Speaker #0
Comment ça devient bien là ? Une fois encore deux score de brèche,
- Speaker #1
je suis mal. Tu vois, ça fait 4-5 jours que je dors 6 heures pour préparer ce putain de projet là. On pourra le laisser ça. Parce que c'est le vrai tu vois.
- Speaker #0
T'intéresses une question ?
- Speaker #1
J'en ai plein, mais je ne vais pas tout te raconter. Allez, on en fait une dernière. Il y en a plein qui sont bien. Après, je pense que celle-là elle est pas mal. D'une nana qui s'appelle Aurélie. qui me dit comment arrives-tu à garder le smile après avoir vu toutes ces souffrances ?
- Speaker #0
Parce que l'empathie c'est la base, bien sûr qu'on va souffrir. On va souffrir par tout ce qu'on va voir, parce qu'on trouve que c'est pas juste d'avoir eu deux jambes coupées dans un accident de voiture, parce que c'est pas juste d'avoir 18 ans et d'être en fauteuil roulant, parce que c'est pas juste d'avoir un cancer qui va foudroyer comme ça. La vie elle est forcément dégueulasse. Ok, la réponse c'est comment on fait. Il faut faire en structurant, en se battant, en trouvant des raisons, quel que soit l'état qu'on a, d'avancer et de trouver du bonheur chaque jour qui va venir. Donc le smile, il fait partie de mon ADN. Moi, chaque jour, je suis en vie, chaque jour, j'en profite. On me disait, je fais plein de choses. Mais oui, mais chaque jour, ça m'en rend heureux. Toutes les rencontres, tous les gens que je vois, il y a toujours des bonnes raisons d'être heureux. Alors attention, il y a tous les jours aussi des bonnes raisons de pleurer. Mais tant que le monde ne sera pas plus juste et plus en harmonie, je pense que je me battrai tous les jours. Donc pour se battre, il faut avant tout y aller avec le soleil dans la tête.
- Speaker #1
Et faire rayonner.
- Speaker #0
Et faire rayonner.
- Speaker #1
Confidence, on finit avec une question de signature. Que t'as peut-être pas réfléchi parce que je t'ai pas préparé à cette question. La question de signature c'est, si t'avais l'opportunité de donner la parole à quelqu'un, qui c'est que t'aimerais voir à ta place pour exprimer quelque chose ?
- Speaker #0
Cucu, j'ai une personne.
- Speaker #1
Qui pourrait peut-être venir prochainement dans l'émission. Ouais,
- Speaker #0
ou alors il faudra te déplacer peut-être, on verra. Gisque Griffoyen. Qui c'est Gisque Griffoyen ?
- Speaker #1
On l'écrit comment ?
- Speaker #0
G-I-S-K-E-G-R-I-2-F-I-O-E-N. C'est une joueuse de tennis qui a fait plusieurs fois les Jeux Olympiques, qui est des Pays-Bas, qui parle un petit peu français. Ça serait possible du coup avec toi, mais si tu maîtrises l'anglais, t'auras pas de soucis. Qui cette année a encore fait de très beaux tournois du branchelaine de tennis en fauteuil. Et qui a décidé de ne pas faire les Jeux Olympiques pour la première fois. Parce qu'elle bascule du côté des médias. Donc c'est une femme intelligente, très élégante. et qui en même temps commence à voir ce que c'est une reconversion entre le tennis en fauteuil et qu'est-ce que je vais faire après. Elle a choisi de s'investir dans la relation des médias pour les Jeux Paralympiques en premier, et je pense qu'avec son talent, on ira très loin. Donc je peux te mettre en relation avec Gisque Griffoyen, et après, reste à voir si tu peux construire une interview avec cette femme-là, c'est une femme exceptionnelle.
- Speaker #1
Voilà, donc l'idée de Confidence, c'est d'avoir toutes ces personnes. qui peuvent porter, je pense, des belles valeurs, des beaux messages. Donc peut-être qu'elle fera partie des prochains invités. Et Martin,
- Speaker #0
ça va être mon anglais.
- Speaker #1
Et il faut que je travaille mon anglais. En tout cas, on est à la fin de cette vidéo. Je vous remercie infiniment parce que c'est une première pour moi. Je pense que je n'ai pas choisi le plus mauvais des personnes éloquentes. C'était important aussi pour moi d'avoir quelqu'un qui a du répondant et qui puisse un peu aussi m'aider à me driver. Donc c'est aussi pour ça que je t'ai choisi, François, parce que je te sais qu'il y a une gymnastique intellectuelle qui est importante. Si vous avez aimé la vidéo, n'hésitez pas à mettre un like, un commentaire, à la partager. Évidemment, vous savez comme moi comment les réseaux fonctionnent. Plus on aura d'engouement et plus on pourra donner de la valeur à ce projet-là. Donc voilà, j'espère que le projet Confidence vous plaît, que ce premier épisode vous plaît. Et voilà, c'est parti en avant. Merci d'avoir regardé. N'hésitez pas à vous abonner à la chaîne YouTube, à vous abonner à mon compte Instagram El Martichino. Et on se dit à très vite la semaine prochaine pour une nouvelle vidéo. Ciao, ciao ! Merci à vous !