- Daniel Baal
Il y a 39 ans, Coluche lançait un appel sur Europe 1. J'en ai marre de voir les pauvres crever de faim.
- Patrice Douret
Nous sommes le marqueur de la précarité. Près de 100 000 bénévoles, 1,3 million de personnes accueillies. On ne peut pas aujourd'hui accepter que les bébés que nous voyons dans nos centres, ce seront les parents que l'on verra dans 20 ans. Notre seule réponse est l'action.
- Daniel Baal
Bonjour à toutes et à tous. Bienvenue dans Conversation, où l'on plonge dans le quotidien de celles et ceux qui s'engagent pour un monde plus juste. Dans Conversation, j'ai le plaisir d'accueillir des personnalités engagées du monde associatif soutenu par le dividende sociétal de Crédit Mutuel Alliance Fédérale. Nous parlons d'engagement, de mission, de défi, un moment pour remonter le fil de leur vie et comprendre ce qui a façonné leurs idées et motivé leur combat. Dans ce deuxième épisode de Conversation, nous plongeons dans l'histoire des Restos du Coeur à l'aube de ses 40 ans. Bonjour Patrice, nous sommes vraiment ravis de vous accueillir aujourd'hui. Alors pour commencer, c'est... Nous demandons à nos invités de présenter un objet qui symbolise particulièrement leur activité. Et je sais que vous avez amené quelque chose, c'est le moment de nous le présenter.
- Patrice Douret
Merci, puis bonjour à toutes et à tous et merci pour votre invitation. J'avais le choix, j'ai eu du mal à choisir, très sincèrement. Mais finalement, ce qui revient le plus, c'est ce chasuble, qui est mon chasuble de maraudeur sur Marseille. Et c'est probablement la mission à laquelle je tiens le plus. Il est déjà bien usé, mais j'allais dire de manière très fièrement, parce qu'on l'utilise beaucoup.
- Daniel Baal
C'est depuis 2014 que vous êtes bénévole au Resto du Coeur. Qu'est-ce qui vous a amené à vous engager ? au Resto du Coeur, est-ce qu'il y a eu un déclic particulier ?
- Patrice Douret
Alors déjà c'est une association que j'admirais depuis très très longtemps, chaque année lorsqu'il y avait des sujets courts représentant les activités, bien évidemment aussi les enfoirés, c'était le rendez-vous, les rendez-vous de ma télévision. L'engagement au Resto du Coeur, dans du bénévolat, c'est souvent le fruit d'une rencontre. Ça a été le cas. Donc une rencontre avec deux personnes qui m'ont dit, Mais tiens, si vous aviez un petit peu de temps à nous donner, peut-être qu'on aurait quelque chose à vous proposer. Et puis comme souvent... on commence à mettre un petit bout et puis finalement on se retrouve très très engagé. C'est véritablement aujourd'hui un engagement qui concerne, je parle de moi, mais qui concerne tous les bénévoles et c'est souvent cette rencontre-là qui fait qu'on passe le cap.
- Daniel Baal
Et cette rencontre ça a été ?
- Patrice Douret
Et cette rencontre ça a été... la possibilité de très rapidement comprendre que cette association, elle est faite des bénévoles qui la construisent. Et j'ai été extrêmement surpris, mais ému, de constater que les personnes que je rencontrais dans les premiers temps étaient toutes très engagées sur de nombreuses missions, pas qu'une, pas qu'une. Et pas qu'au resto du cœur. Et puis j'ai eu un peu plus tard, en 2019, le décès de quelqu'un de très proche. Et malheureusement, on s'est aperçu qu'après son décès, il était extrêmement endetté et qu'à aucun... moment on avait pu s'en douter une vie professionnelle une retraite une vie personnelle familiale et puis effectivement la découverte de ce qui était aujourd'hui la honte la honte de n'avoir pas pu faire appel à ses proches pour l'aider. Et puis, le constat très simple, c'est que finalement, cette précarité, cette pauvreté, elle arrive à n'importe qui, à n'importe quelle personne qui aujourd'hui connaît un accident de la vie, une maladie, le chômage, etc.
- Daniel Baal
Depuis 10 ans, quelles ont été vos impressions les plus fortes dans votre activité bénévole au sein des Restos du Coeur ?
- Patrice Douret
Je crois qu'il y en a deux. La première, c'est la force de cet engagement. C'est de constater que des bénévoles de tous âges, on peut commencer à être bénévole au Restos du Coeur. Restos du Coeur à partir de 16 ans, avec l'accord parental, jusqu'à des bénévoles qui ont plus de 70, 80 ans et qui sont extrêmement actifs. Et ça, c'est pour moi une admiration, c'est une magie que je cherche à comprendre tous les jours, parce que ça fonctionne. Et puis deuxièmement, ce qui m'a beaucoup marqué depuis 10 ans, c'est cette précarité sans fin. C'est qu'à quel moment va-t-on se dire que finalement on va voir les chiffres diminuer ? Et ça, c'est véritablement quelque chose qui continue à m'indigner et à me choquer aujourd'hui.
- Daniel Baal
On se souvient de... septembre 2023, de l'appel que vous avez lancé, auquel nous avons répondu, heureusement que nous n'avons pas été les seuls, ça a été, j'ai considéré comme tel, un moment très marquant, très fort, où vous avez dit stop. Si maintenant on n'agit pas, on va se trouver dans une impasse et vous êtes devenu finalement incontournable. Incontournable dans la lutte contre la pauvreté.
- Patrice Douret
Oui.
- Daniel Baal
Associations, vous, bénévoles.
- Patrice Douret
Les associations aujourd'hui ont un rôle essentiel, nous sommes le marqueur de la précarité. Aujourd'hui, les constats que nous faisons sur le terrain permettent effectivement d'avoir cette légitimité de pouvoir dire, au pouvoir public notamment, mais écoutez-nous, comprenez que ce que l'on vous dit... C'est ce que nos équipes, nos bénévoles constatent sur le terrain. Et oui, effectivement, cet appel de septembre 2023 était très orienté sur la structure associative en tant que telle, avec ce cri d'alarme qui disait mais attention, aujourd'hui le niveau de précarité est tellement en hausse que même nous, associations, ne pourrions pas tenir longtemps si nous n'étions pas aidés. Mais le problème n'est pas là. Le problème, il est avant tout de faire en sorte que cette précarité, on puisse lutter contre elle à la racine. Et ça, c'est la responsabilité des pouvoirs publics.
- Daniel Baal
Et c'est là que votre dialogue, aujourd'hui, n'est pas toujours fructueux.
- Patrice Douret
Oui, c'est là que notre écoute, simplement le fait de pouvoir être entendu, écouter ce que vous disent les associations, parce qu'une historienne... il n'y a pas très très longtemps, me disait, vous savez les restos du cœur, quand on voit vos 40 ans d'existence, presque 40 ans d'existence, vous êtes le sismographe de la précarité. C'est tout, c'est juste le reflet de ce que nos équipes voient sur le terrain.
- Daniel Baal
Président depuis 2021, donc long engagement, devenir président, bénévole évidemment d'une structure nationale aussi large, c'est prendre une sacrée responsabilité. Comment vous êtes arrivé à accepter cette responsabilité ? Vous imaginez... qu'on n'est pas seulement candidat. À un moment, on voit surtout qu'on va avoir un rôle important, une vraie responsabilité.
- Patrice Douret
Alors c'est déjà plusieurs mois de préparation. On ne devient pas président des Restos du Coeur ou présidente des Restos du Coeur par hasard. C'est-à-dire qu'il faut véritablement connaître cette machine. Vous le disiez, c'est près de 100 000 bénévoles, c'est 1 300 000 personnes accueillies. Et puis c'est la responsabilité d'une association qui est là depuis 40 ans. Moi, la principale responsabilité, la principale charge que j'ai eue, c'était cet héritage. L'héritage d'une association qui est là depuis près de 40 ans, avec des personnes qui ont été... présente sur des moments forts de cette histoire là et puis c'est la responsabilité aujourd'hui de se dire que on est là pour pas changer le monde restons humbles mais peut-être d'apporter cette petite pierre qui fait que à un moment donné et bien peut-être qu'il ya quelques personnes qui vont s'en sortir et connaître des vies un petit peu meilleure grâce à nous et grâce à nos équipes vous
- Daniel Baal
faites ça alors que vous avez une activité professionnelle par ailleurs donc ça signifie ben faire des choix concilier un engagement bénévole et une vie une vie professionnelle est ce qui qu'il n'y a pas un risque parfois qu'une mission prenne le pas sur l'autre ?
- Patrice Douret
Les deux missions sont importantes. D'abord, ce bénévolat, j'y tiens. C'est une position statutaire. Aucun administrateur, ni national ni départemental, n'est rémunéré. Et je pense que je n'aurais pas accepté cette fonction si elle était rémunérée. On est tous là pour faire en sorte que nos frais de fonctionnement soient les plus bas possibles, et ils le sont, à 3,8%. Cet engagement-là, il est essentiel qu'il soit bénévole, comme le sont. parce que je suis finalement qu'un bénévole comme les autres, avec peut-être un peu plus de responsabilité et de charge de temps en temps.
- Daniel Baal
Et avec une alchimie à trouver régulièrement entre les bénévoles, mais aussi les permanents que vous avez, qui permettent aussi de contribuer au fonctionnement, je dirais, dans la durée.
- Patrice Douret
Et qui sont essentiels. Aujourd'hui, nous avons sur tout le territoire national un peu moins de 500 salariés, qui jouent un rôle très important au siège de l'association. Ce sont des compétences dont on a besoin. Et puis dans nos départements. pour appuyer également nos gouvernances bénévoles.
- Daniel Baal
Et c'est bien ça, le terme appuyer. Les salariés sont en appui des bénévoles.
- Patrice Douret
Complètement. En appui des bénévoles, et puis c'est un apport de compétences dans des métiers qui demandent aujourd'hui des exigences réglementaires, une mise à jour, une actualisation des compétences, et ils viennent absolument compléter les compétences que l'on n'a pas. Voilà. Ou que l'on n'a pas forcément toujours à jour quand on est à la retraite, on a besoin, on n'a pas forcément les compétences qu'on avait quand on avait l'actualisation des compétences qu'on avait quand on était en activité.
- Daniel Baal
C'est bien ce qui se fait dans la vie associative aujourd'hui, d'avoir ce complément. entre la compétence, le professionnalisme et l'engagement, l'engagement qui est personnalisé bien entendu par les bénévoles. C'est aussi un petit peu ce qu'on connaît dans notre mouvement coopératif au Crédit Mutuel, puisque dans chacune de nos... nos caisses de crédit mutuel. Bien sûr nous avons une équipe de salariés dirigés par le directeur qui est en contact des sociétaires et clients, mais encadrés d'administrateurs qui sont des administrateurs complètement bénévoles, qui sont les représentants des sociétaires et qui veillent à ce que la caisse de crédit mutuel, à ce que le crédit mutuel continue à bien remplir l'ensemble de ses missions et en tant que président évidemment c'est un point majeur que vous avez. C'est un vrai point important. qui est quand même de communiquer parce que, au resto du cœur, les éléments de communication sont importants, d'autant plus que vous voulez le faire avec des budgets le plus réduits possible, de telle sorte à mettre les sommes dont vous disposez au profit de la solidarité.
- Patrice Douret
Absolument. C'est important. Et cette complémentarité, elle est essentielle aujourd'hui parce que c'est véritablement un travail d'équipe. Et aujourd'hui, moi, je ne pourrais pas assumer cette fonction bénévole sans avoir autour de nous, autour de moi, autour de la gouvernance de l'association, des équipes qui sont très resserrées et qui permettent d'agir, qui permettent d'agir en connaissant, en connaissant parfaitement les exigences, les besoins du terrain.
- Daniel Baal
Alors le terrain, parlons-en, puisque vous continuez régulièrement à... à participer à des maraudes à Marseille, c'est fondamental pour vous ?
- Patrice Douret
C'est indispensable. J'emploierais même un mot qui est plus fort, c'est vital. Je le faisais avant d'être président et je continuerai à le faire après la présidentielle. des restos, ce sont des rencontres que l'on ne connaît nulle part ailleurs. Au-delà de l'utilité de créer ce lien social avec des personnes dont c'est parfois, le bénévole est parfois la seule personne qui leur parle. parle dans la journée, ce sont pour moi des rencontres extrêmement enrichissantes et mes meilleurs souvenirs au Resto du Coeur. Pourtant, dans ma fonction actuelle, j'en ai beaucoup. Bien sûr. Mais ces visages, ces sourires, ces rencontres font que de temps en temps, c'est même l'inverse qui se passe, c'est que quand ça ne va pas trop, parce qu'on a tous nos soucis dans la vie, et bien le simple fait d'aller passer du temps avec des personnes qui sont vraiment très en difficulté, et bien presque, ça nous fait beaucoup plus de bien à nous qu'à elles parfois.
- Daniel Baal
C'est intéressant.
- Patrice Douret
ça aussi ce que vous dites c'est que même quand on a un engagement on a un retour on a toujours en retour les plus beaux retour le plus beau souvenir que j'ai il est à la fois gay et triste c'est la rencontre avec un monsieur qui s'appelle youssef qui a une soixantaine d'années qui est un ancien instituteur qui vient qui vit qui vit qui vivait à la rue à marseille et quelqu'un d'extrêmement cultivé avec qui on avait tous plaisir toutes les associations le connaissent à aller discuter un temps avec lui, mais même en dehors de nos temps de maraude, passant là, en promenant, en vélo, à pied, etc. Et ce monsieur nous a quittés il y a quelques jours, et il nous manquera, mais pas qu'à nous, pas qu'à moi, mais à toutes les associations. Et vous voyez, ce sont ces rencontres-là qui restent marquées dans nos têtes quand on est bénévole, et c'est peut-être aussi quand on est un petit peu fatigué de notre engagement, ce qui fait que c'est notre énergie, c'est notre carburant, et on y retourne, on y retourne.
- Daniel Baal
Le retour au terrain, c'est effectivement très important. important, c'est vrai aussi dans nos activités, à nous, et j'ai toujours énormément de plaisir à retourner rencontrer des sociétaires, des élus mutualistes, des salariés sur le terrain. La pauvreté n'est plus la même aujourd'hui que celle que... qui existait au début des Restos du Coeur. On a déjà eu l'occasion d'en parler, finalement aujourd'hui, et c'est certains des responsables des Restos du Coeur qui le disent, j'ai lu l'autre interview sur ce sujet, en disant aujourd'hui on peut être salarié. Et pourtant, on peut être vraiment dans la pauvreté. Vous qui connaissez bien comment les choses ont évolué, quelles sont les perspectives éventuelles pour améliorer cette situation ?
- Patrice Douret
En 1985, lorsque Coluche a créé les Réunions, restos du coeur à l'époque on parlait de nouveaux pauvres c'est le chômage de masse et puis on voyait apparaître effectivement des longues files d'attentes de personnes qui avaient faim dans un pays le pays la bouffe ou comme il le disait on a des stocks de nourriture et les on les détruit pour réguler un marché européen aujourd'hui pas une grosse différence sauf que ces nouveaux pauvres aujourd'hui sont encore plus pauvres et sont surtout plus nombreux rendons nous compte des chiffres et vous évoquez tout à l'heure 8 millions et demi de repas la première année sans 171 millions de repas l'année dernière. Donc ce sont des chiffres qui ne cessent d'augmenter. Et oui, on constate de plus en plus de personnes qui travaillent, qui viennent au Resto du Coeur entre deux heures de pause, en ayant un boulot, une famille, souvent, et puis qui nous disent très simplement, moi, quand j'ai payé mon loyer et mes charges de logement, je n'ai plus un seul euro en caisse, plus un. Et il me reste peut-être... Deux, trois semaines dans mon mois à finir ? Voilà, ça c'est la réalité. Au milieu de cette réalité, il y a des gens qui s'en sortent et qui nous disent moi, grâce à vous, j'ai pu retrouver confiance en moi, j'ai pu retrouver de l'estime, j'ai pu accéder à un droit auquel je n'avais pas forcément imaginé avoir la possibilité d'accéder. Et ce sont ces réussites-là qui font que le combat continue. Et j'allais dire, je n'ai pas de solution miracle à proposer, je ne suis pas un homme politique et je ne compte pas le devenir, mais notre seule réponse est l'action. C'est d'alerter ce qu'on a fait l'an dernier fortement, ce qu'on continue à faire tout au long de l'année, et puis c'est agir. Et cette action, elle reste humble et modeste. Oui,
- Daniel Baal
vous continuez à agir. Il y a un public qui nous a beaucoup frappés. D'ailleurs, dans notre dispositif de soutien, nous avons souhaité à l'orienter vers cela. C'est notamment ce public des enfants. Et vous le disiez, il faut éviter que les enfants d'aujourd'hui deviennent les bénéficiaires de demain. Vous avez organisé l'opération Radio Resto il y a quelques semaines.
- Patrice Douret
Avec notre soutien.
- Daniel Baal
Avec notre soutien, qui était également très orienté là-dessus. Je crois que là, vraiment, vous avez un thème... Incroyable, parce qu'imaginer que des enfants soient aujourd'hui dans la souffrance, que des enfants puissent ne pas manger à leur faim, en France, c'est juste insupportable.
- Patrice Douret
C'est inadmissible, inacceptable. On ne peut pas aujourd'hui accepter que les bébés que nous voyons dans nos centres, ce seront les parents que l'on verra dans 20 ans. Ce n'est pas possible. On voit évoluer ces chiffres. C'était 110 000 bébés il y a deux ans, aujourd'hui c'est 100 000. C'était 128 000, c'était 126 000 l'an dernier. À quel moment, tous ces enfants de moins de 3 ans, on va se dire qu'on doit leur donner une chance, une seule chance de s'en sortir en leur tendant la main. C'est tout. On ne fera peut-être pas de miracle. Mais se dire que leur apporter 100% de l'aide alimentaire, essayer de les aider sur les produits d'hygiène qui coûtent très très cher, et essayer d'aider les parents, ce sont souvent des mamans seules, à mieux gérer leur avenir, les aider à trouver des solutions. trouver du temps pour chercher de la formation, chercher de l'emploi quand elles n'ont même pas. Les aider dans la primo-parentalité, c'est notre responsabilité. On ne peut pas rester inactif là-dessus. Donc nous, on prendra notre part avec le soutien de nos donateurs et nos partenaires et de nos équipes pour essayer de faire en sorte de changer un petit peu ça.
- Daniel Baal
Oui, vraiment mission fondamentale. Parce que c'est là que vous pouvez un petit peu agir au-delà du quotidien, mais également pour l'avenir et pour que l'avenir de ces enfants soit un peu plus radieux et qu'il y ait juste une voix pour eux.
- Patrice Douret
C'est ça. Il faut juste... se dire que dans quelle société voulons-nous vivre aujourd'hui ? Il y a effectivement des urgences. Il y a des publics qui sont plus vulnérables. Toutes les associations le disent, les familles monoparentales, et également les mille premiers jours d'un enfant. Ce sont des moments où on doit être là. On doit leur tendre la main et leur donner la chance que cette reproduction de la précarité ne soit pas une fatalité.
- Daniel Baal
Alors, 2023, des appels, des entreprises qui ont répondu, beaucoup d'entreprises. Les pouvoirs publics, un peu moins, mais la situation est compliquée aussi pour les pouvoirs publics. Nous sommes là au début de l'hiver 2024, alors comment ça se présente ?
- Patrice Douret
Alors oui, nous avons été aidés, entendus, et je tiens à remercier tous ceux qui nous soutiennent. Les donateurs particuliers, les entreprises, les pouvoirs publics, les collectivités locales. Et pour autant, on conserve quelques inquiétudes. Des inquiétudes notables. notamment sur le niveau de précarité. Personne n'aurait pu voir venir la crise du Covid. Personne n'aurait pu voir venir la guerre en Ukraine et l'inflation qui en a découlé. On a des indicateurs aujourd'hui qui nous disent rester prudent, rester raisonnable et vigilant. Ce que nous avons fait, même si nous avons déployé pour la 40e campagne, une nouvelle aide des restos qui va permettre d'accueillir plus et de prioriser ces publics-là que nous évoquions. Pour autant, on a des inquiétudes. Donc ça veut dire que... On devra continuer à être soutenus pour que ce niveau de soutien y soit présent, mais on restera extrêmement attentifs à l'évolution de la précarité, et bien évidemment, on jouera notre rôle d'alerte dès lors qu'on aura à le faire, et que l'on constatera que sur le terrain, on a des évolutions qui sont un petit peu dangereuses.
- Daniel Baal
Parfois, on n'a pas envie de tout lâcher ?
- Patrice Douret
Non, jamais. Jamais, même si, il ne faut pas se le cacher, c'est une énorme machine, les Restos du Coeur, près de 100 000 bénévoles, 1,3 million de personnes accueillies, mais pour autant, c'est pour elles que nous sommes là. Et la moindre réussite, ce petit sourire, ce petit merci au coin d'une rue, auprès d'un café, dans un de nos centres, eh bien ça suffit à nous dire que, allez non, on n'est pas là pour nous, on est là pour ces personnes-là, et puis on a une immense responsabilité, c'est la transmission de cette association à ceux qui, derrière, continueront à la faire vivre.
- Daniel Baal
Bien sûr. Et dans votre double fonction de président bénévole au plan national et de terrain, c'est sûr que... ça doit vous motiver dans les deux sens.
- Patrice Douret
Oui, on voit très rapidement, ça me permet de voir très rapidement quels sont les effets de ce que l'on décide, mais également de prendre connaissance des besoins qui sont sur le terrain de nos équipes. dont le travail est fabuleux, mais qui n'est pas simple non plus, face à face avec une précarité qui est très forte, surtout sur des activités de rue, et bien ça permet aussi de, entre guillemets, remonter au siège, là-haut à Paris, comme on dit chez moi, pour adapter et trouver des solutions. trouver des bonnes solutions et prendre des bonnes décisions.
- Daniel Baal
Et le terrain est très attentif à ce qui est décidé à Paris, justement ?
- Patrice Douret
Oui, alors pas forcément toujours de manière très positive, mais dans nos relations avec nos associations départementales et avec nos équipes de terrain, bien sûr. Bien sûr qu'il y a une volonté de beaucoup plus les entendre, de décentraliser un certain nombre de décisions, de déléguer. Le mot déléguer est important, notamment à nos délégations régionales. Mais cette proximité, ce lien que l'on doit resserrer entre les décisions qui viennent entre guillemets d'en haut et puis celles qui sont appliquées, mais elles sont appliquées avec le terrain. Si je prends un exemple, cette nouvelle aide des restos qui a été décidée pendant cette année de transition et d'études, elle a été faite avec les acteurs de terrain et mieux, avec les personnes que nous accueillons. également qui ont donné leur avis sur les décisions qui ont été prises. Et on continuera à les écouter fortement.
- Daniel Baal
Vous avez eu l'occasion de vous adresser régulièrement à l'ensemble de vos bénévoles ?
- Patrice Douret
Oui, très régulièrement. Tous les outils numériques nous permettent de le faire assez facilement. Et puis nous avons surtout beaucoup d'acteurs qui animent nos associations départementales et nos délégations régionales. Et il y a une animation qui est permanente et qui est, j'allais dire, pas quotidienne. Mais on a des rendez-vous très régulièrement dans l'année. On a une assemblée générale qui regroupe les 400. en représentant de nos associations départementales et du siège, ce qui permet d'avoir une fluidité dans nos échanges qui est importante.
- Daniel Baal
Et peut-être que cette série conversation pourra également s'adresser à l'économie du Pays-Bas, mais également à vos potentiels donateurs. Qu'est-ce que vous auriez envie de dire au début de cette campagne d'hiver 2024-2025 ?
- Patrice Douret
Déjà de remercier tous ceux qui nous soutiennent. Je crois que c'est important parce que les Restos du Coeur ne font rien sans ceux qui nous aident et nous font confiance. Dire aux personnes qui nous soutiennent, qui sont en difficulté, celles qui souffrent, qu'il faut tenir. Il faut briser ce mur de la honte et oser accepter la main qu'on nous tend. Parce qu'encore une fois, il n'y a aucune honte à être en difficulté. Ça peut arriver à tout le monde. Et puis dire à nos équipes, tenir, tenir et continuer à agir, surtout.
- Daniel Baal
On va arriver au terme de cet échange. Et j'aurais encore quelques petites questions un peu plus personnelles pour mieux connaître Patrice Doué. D'abord, si on vous dit... Et quelle est la personne qui vous inspire tout particulièrement ?
- Patrice Douret
Alors, il y en a beaucoup. Il y en a beaucoup dans des domaines très différents, que ce soit la médecine, que ce soit évidemment la solidarité. Mais j'avoue être beaucoup plus inspiré par la réussite collective. le fait de se dire on se rassemble, on a un objectif et on va l'atteindre. Dans tous les domaines, ça peut être la musique, très concernée notamment par les enfoirés, ça peut être la solidarité, mais dans tous les domaines. Je crois qu'aujourd'hui, il y a une vraie nécessité... de se dire qu'on va mettre de côté la division, on va s'occuper de ce qui nous rassemble. Et ce collectif-là, je le vois au Resto du Coeur, c'est la première chose que j'ai constatée en arrivant il y a dix ans, et c'est ce que je constate aujourd'hui, c'est quand on est capable de s'unir et de se mettre autour du... d'une cause, on laisse de côté tous nos a priori, tous nos avis politiques, syndicaux, religieux, toutes ces choses-là et on se dit, continue, on est là pour ça. Et ça, ça m'inspire.
- Daniel Baal
Un vrai dirigeant associatif qui place le collectif avant toute chose.
- Patrice Douret
Et la cause, pourquoi on est là ? Qui et pourquoi on est là ?
- Daniel Baal
Et là aussi, on est très proche. Parce que chez Crédit Mutuel et l'Alliance Fédérale, nous avons une raison d'être qui est ensemble écouter et agir. Et nous avons actuellement un plan stratégique dont la délimination est enceinte. ensemble, performant, solidaire. C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes très heureux de pouvoir contribuer au soutien que nous apportons au Restos du Coeur. Quelle est, depuis dix ans d'action au sein des Restos du Coeur, la plus grande leçon de vie que vous ayez pu retirer ?
- Patrice Douret
Il y en a beaucoup et j'avoue que j'en apprends tous les jours. Tous les jours. Mais je crois que la première leçon de vie, c'est l'humilité. On n'est que de passage. Et au réseau du cœur et dans la responsabilité qui est la mienne, les mandats... sont très limitées. On prend une machine de guerre, véritablement, parce que c'est véritablement quelque chose qui roule et qui fonctionne, et on a la responsabilité de la transmettre, mais sans oublier pourquoi on est là. Et je crois que la première leçon, c'est cette nécessité de rester humble. On n'a pas de prétention à sauver le monde, mais si quelque part on peut apporter une petite pierre à l'édifice, c'est bien.
- Daniel Baal
Notre précédente invitée dans cette série Conversations est Marie-Flaure Leclerc, la directrice générale d'Entourage, que vous connaissez certainement. Et je lui ai demandé si elle avait une question à vous poser. Sa question, c'est comment, avec votre structure, grosse structure, on a eu l'occasion de la rappeler, votre taille, votre histoire, 40 ans, Entourage. c'est 10 ans Réussissez-vous à intégrer des questions d'horizontalité et de participation des personnes premières qui sont concernées ?
- Patrice Douret
C'est une vraie priorité. Ce n'est pas très simple. Il y a une vraie difficulté d'abord à avoir des publics qui soient là longtemps et on a vocation à faire en sorte qu'elles soient là le moins longtemps possible. Mais ça reste une priorité. Je l'ai d'ailleurs indiqué dans le rapport moral que j'ai pu publier et lire en Assemblée Générale. Alors on a créé, le principal outil c'est l'Observatoire des Restos qui a été créé il y a seulement 5 ans. Cet observatoire, il a pour objectif, par le biais d'études, directement auprès des personnes que nous accueillons, et bien sûr de nos équipes, de recueillir leur avis. sur tout ce que nous faisons, tout ce que nous décidons. Et ça nous a permis notamment cette année, très fortement, de pouvoir adapter cette nouvelle aide que l'on va déployer sur la 40e campagne. C'est important de recueillir leur avis sur tout. Les décisions que l'on prend, le rythme de débat, distribution, la nature des produits alimentaires et notamment en les faisant participer à des ateliers cuisine avec des tests gustatifs sur les produits que nous leur mettons à disposition. Ça c'est la première des choses et c'est cet observatoire qui régule tout cela. Après on a encore beaucoup de progrès à faire en la matière et c'est notamment la représentativité des personnes que nous accueillons jusqu'aux personnes que l'on rencontre à la rue qui sont parfois des publics moins faciles à capter, qui ont parfois des problèmes également de connaissance de la langue. Eh bien, c'est un des enjeux des deux ou trois prochaines années, c'est d'arriver à faire participer toutes les personnes que l'on accueille dans nos 2348 lieux d'activité, que ce soit dans nos unités d'hébergement, hébergement d'urgence, dans les centres d'activité et dans les publics qu'on rencontre à la rue et dans nos chantiers d'insertion.
- Daniel Baal
Merci beaucoup Patrice d'être venu à nous. Avant de terminer, j'aurais juste fait une petite promotion, un petit ouvrage qui vous est cher. Oui. Très à table. j'ai eu l'occasion de lire une ou l'autre nouvelle c'est un livre de nouvelles c'est très rafraîchissant en définitive puis c'est un beau geste aussi puisque pour un livre acheté ce sont cinq repas que vous pouvez donner dans vos divers centres donc voilà je le propose à ceux qui nous regardent merci beaucoup et puis j'invite également chacun à continuer à suivre votre actualité des Restos du Coeur et puis également à contribuer à vos actions on le fait En étant bénévole, on le fait en étant donateur.
- Patrice Douret
En donnant du temps ou de l'argent, les moyens que l'on a, le temps que l'on a, mais dans tous les cas, comme disait l'autre, on compte toujours sur vous.
- Daniel Baal
Eh bien, on compte sur vous. Nous aussi, on compte sur vous pour continuer et vous pourrez compter sur nous. Merci beaucoup.
- Patrice Douret
Merci.