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CHRISTINE ANGOT : "SUIS-JE UNE EXTRATERRESTRE ?" ENTRETIEN ENTRE ALIENS. cover
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Conversations chez Lapérouse

CHRISTINE ANGOT : "SUIS-JE UNE EXTRATERRESTRE ?" ENTRETIEN ENTRE ALIENS.

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57min |09/05/2025
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57min |09/05/2025
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Description

Christine Angot et moi, c'est une longue histoire. Nous avons publié nos premiers romans en même temps. Je crois qu'elle m'a eu à l'usure. Comme nous avons galéré durant les années 1990 ! Je ne comprenais pas son écriture hachée et redondante, je l'ai écrit, elle m'a répondu... La vie littéraire n'est pas un long fleuve tranquille. On se retrouve à soixante ans pour faire la paix. Le général de Gaulle s'est trompé : la vieillesse n'est pas un naufrage, c'est la terre promise.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir et bonsoir aussi à toi qui me regardes. Ce soir est un grand soir puisque c'est le soir de la réconciliation entre moi-même et Christine Angot. Je suis très heureux de vous recevoir.

  • Speaker #1

    Tu n'as jamais été fâché ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Pas ouvertement ?

  • Speaker #0

    Non. J'ai peut-être pu écrire des choses qui n'étaient pas très sympathiques, pas très favorables dans ma jeunesse.

  • Speaker #1

    Est-ce que je les ai lus.

  • Speaker #0

    J'espère que non. Donc je vous reçois pour un de vos meilleurs livres, La nuit sur commande, qui est publié dans la collection Manu au musée aux éditions Stock. Et je trouve ce livre vraiment exceptionnel, drôle, triste, sincère, émouvant. Et bon alors je vous présente d'abord, c'est donc votre 22e livre. et vous êtes romancière mais aussi cinéaste puisque récemment vous avez tourné un documentaire et votre premier roman a été publié en 1990 et c'était l'année où j'ai publié mon premier roman aussi il s'appelait Vue du ciel et dans ce livre il y avait cette phrase je destine ce livre aux anges et à Dieu et ne souhaite à aucun mortel de l'ouvrir accidentellement est-ce que la jeune femme de 30 ans 30 ans, qui écrivait cette phrase il y a plus de 30 ans, est-elle si différente de l'auteur consacré que j'ai en face de moi ?

  • Speaker #1

    Dans le dernier livre, là, j'ai pensé récemment, il y a une figure d'ange, puisqu'il y a quand même, je ne sais pas, au moins deux, trois pages. sur la sculpture de sainte thérèse par le bernin donc oui je dois avoir un truc avec les anges sûrement c'est quelque chose que je ne pensais pas premier livre mais en tout cas oui cette figure elle est là quoi c'est une espèce de Qu'est-ce que c'est un ange ?

  • Speaker #0

    En plus, c'est étrange que vous citiez Sainte Thérèse d'Avila, puisque moi je compare La nuit sur commande avec Prières exaucées de Truman Capote. Et c'était un livre où il tournait en dérision la société mondaine new-yorkaise à laquelle il appartenait. Et d'ailleurs ça lui a valu d'être complètement ensuite fâché, ostracisé et tout. et le titre « Prières exaucées » vient d'une phrase de Sainte Thérèse d'Avila. Ah oui ? Oui, la phrase exacte c'est « Il y a plus de malheur sur terre pour les personnes dont les prières sont exaucées que pour celles qui ne le sont pas. » C'était une phrase assez belle. Et donc, vous avez un point commun. C'est Sainte-Thérèse d'Avila, le point commun avec Truman Capote. Et le livre, ce livre ici, qui est très libre. Vous parlez de vos amis artistes, vous parlez de votre rapport à l'art.

  • Speaker #1

    Mes amis, ils ont des gens qui se sont présentés comme amis. Et j'ai cru que... On croit quand on rencontre des gens. qui vous invitent chez eux que ce sont des amis. Parce que c'est... Inviter des gens chez soi, c'est une preuve d'amitié. C'est un signe d'amitié. Après, c'est un tout petit peu plus compliqué que ça. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Le livre est d'ailleurs vraiment drôle sur ce sujet-là. Mais ce n'est pas la première fois que vous... adopter un ton un peu satirique. Il y avait déjà La Petite Foule, Rendez-vous, vous aviez déjà écrit des livres, justement, pas uniquement à la première personne, mais regardant beaucoup la société. C'est quelque chose que vous aimez faire de temps en temps ?

  • Speaker #1

    Je fais toujours. Parce que même dans les livres comme par exemple Le Voyage dans l'Est, qui n'est pas vraiment un livre drôle, même pas du tout, à partir du moment où on voit les gens en train d'être qui ils sont, en réalité, à leur insu, Eh bien, oui, c'est comique. Il y a quelque chose de très violent. La comédie, c'est violent. Donc, oui, je pense qu'il y a ça.

  • Speaker #0

    Ce livre, c'est une commande, d'où le titre, La nuit sur commande. C'est une éditrice qui s'appelle Alina Gurdiel, qui a créé cette collection magnifique. nuit au musée où elle demande à un écrivain de passer une nuit dans un musée et d'écrire ensuite ou d'écrire pendant cette nuit. Vous avez choisi de passer la nuit à la Bourse de Commerce qui est un musée d'art contemporain à Paris et tout de suite après vous avez aussi choisi de désobéir à la commande.

  • Speaker #1

    Est-ce que j'ai choisi ? Je n'ai pas choisi, je n'ai pas du tout choisis de désobéir ? Parce qu'alors là, pour le coup, ça aurait été une posture, ça aurait été un gag, ça aurait été « tiens, j'ai une bonne idée, je ne vais pas passer la nuit » . Non, je n'ai pas du tout choisi de désobéir à ce principe. Non, pas du tout. Simplement, j'ai fait avec mes possibilités. Mes possibilités, d'abord, c'est d'avoir choisi un lieu qui était près de chez... enfin, qui était à Paris, donc où je pouvais aller quand je voulais. Pas seulement le jour où, ni la nuit où. Et ensuite, j'ai fait avec mes propres possibilités. C'est-à-dire, déjà, on a un corps. Donc, moi, mon corps, il n'arrive pas trop à se coucher tard. Donc, il se réveille très tôt. Donc là, déjà, je suis décalée avec l'idée d'une nuit. dans un musée, je suis d'emblée dans une zone où je ne suis pas à l'aise.

  • Speaker #0

    Vous auriez pu vous coucher tôt à la bourse de commerce et vous réveiller tôt.

  • Speaker #1

    Vous croyez qu'on va... Il y a des gens qui dorment sur un lit de camp... Pas moi.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Non, moi, je ne dors pas sur un lit de camp.

  • Speaker #0

    Richard Malka, il a dormi sur un lit de camp au Panthéon pour la même collection.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez me citer des points communs entre Richard Manpois et moi ? Non ? Non, mais... Non, je pense que les gens sont comme ils sont. Ils font comme ils peuvent. Oui, bonsoir. Et j'ai fait comme j'ai pu. Et puis, en plus, j'étais dans... Je savais que j'avais à écrire. Bon, j'avais déjà écrit un peu des choses avant de venir, tout ça, bien sûr. Sinon, j'aurais jamais... J'ai eu besoin de me rassurer en écrivant beaucoup, quand même, avant de venir. Et après, j'ai fait avec ce que je suis. C'est-à-dire, être là, en train de faire comme si j'étais en train d'admirer admirer. d'une manière complètement posée, alors que pas du tout, j'étais dans une situation d'attention, de travail, pas d'attention forcément aux œuvres, à part quelques moments, notamment quand on regarde le film avec Léonard.

  • Speaker #0

    D'Arthur Jaffa ?

  • Speaker #1

    Ah non, ça c'était pas dans cette expo-là. Arthur Jaffa, c'est une exposition après. Non, de Pierre Huygues. Donc il y a des moments comme ça Mais sinon je suis plutôt dans le truc De me dire ok Il y a à écrire quoi Il y a à écrire après

  • Speaker #0

    Ce qui est très fascinant Je ne peux pas m'abandonner En refusant la contrainte du truc Vous produisez un de vos meilleurs livres C'est ça qui est intéressant C'est que finalement c'était bien d'avoir accepté le pari Puisque ça vous a poussé à écrire Vos mémoires C'est un livre de souvenirs qui part de Châteauroux à votre naissance et qui arrive jusqu'à maintenant. Et donc, c'est quand même, on voit défiler toute votre histoire, l'histoire d'une jeune femme qui va devenir un... un écrivain reconnu, toutes les galères que ça comporte, y compris la tragédie qui vous est arrivée à 13 ans. Et tout ça, tout ça dans un livre beaucoup plus léger que certains qui ont précédé. C'est quelque chose d'assez fou. Et ça me fait penser à ce qu'a écrit Antoine Compagnon. Il vient de publier un livre qui s'appelle Déshonorer le contrat. Vous avez lu celui-ci ?

  • Speaker #1

    Je ne l'ai pas lu, mais je suis au courant, oui.

  • Speaker #0

    Et donc, en fait, dans ce livre, Antoine Compagnon, qui est un grand spécialiste de littérature, qui est d'ailleurs venu dans cette émission, il parle de Roland Barthes. Roland Barthes, toute sa vie, n'a écrit que des commandes. Il n'a écrit que des livres de commandes. Il n'a jamais écrit spontanément, librement, parce qu'il fallait lui demander un truc. Et puis, il écrivait des chefs-d'œuvre. Fragment d'un discours amoureux, c'est une commande. Son livre sur le Japon, sur la photographie, etc.

  • Speaker #1

    Parce que l'identification du sujet, de ce qu'on va faire, ça fait partie de ce qu'il y a de plus difficile, en fait. Donc là, d'une certaine manière, j'étais débarrassée de ça aussi. Et après que j'ai eu à faire, en tout cas ce que j'ai fait, c'est qu'une fois que j'ai été débarrassée, j'étais débarrassée de ça puisque ce n'est pas moi qui suis à l'origine de cette idée. Donc je suis débarrassée de ça. Donc la situation de vide disparaît. d'une certaine manière, qui préexiste toujours avant d'écrire un livre. Avant d'écrire un livre, c'est le vide. Donc là, ça disparaît, mais le vide se réinstalle.

  • Speaker #0

    C'est comme un peu un footballeur qui n'aurait pas de pression. Ça enlève la pression. On dit souvent ça, il y a trop de pression.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'on croit. En réalité, c'est-à-dire que comme il y a un truc déterminé à l'avance, on dit c'est super, ça va être super cool, je vais faire ça vite fait, bien fait, et je vais aller au musée, je vais lui dire ah tiens, ça, ta, ta, ta, bon. Et puis, après ça, je vais écrire ce que j'ai vu. Sauf que moi, je ne sais pas faire ça. Je ne peux pas faire ça. Donc, je me suis quand même retrouvée dans une angoisse, à un moment où rien n'allait, jusqu'au moment... où c'est le mot musée, finalement, qui m'a évoqué. Comment j'ai appris, moi, ce mot musée ? Ce musée, je l'ai appris parce que le musée Bertrand de Châteauroux, la ville dans laquelle je suis née, était situé entre la maison dans laquelle j'habitais et l'école où j'allais à pied. Parce que même à 5 ans, 6 ans, à l'époque, dans les rues du centre de Châteauroux, c'était possible. d'aller à pied pour une enfant.

  • Speaker #0

    Oui, aujourd'hui, je ne pense pas qu'on laisserait une petite fille se balader. Donc, c'est un récit de votre vie, c'est aussi un tableau d'un milieu social. Vous parlez de votre rencontre avec Sophie Kahl, avec... Oui,

  • Speaker #1

    même la rencontre avec mon père est une rencontre sociale, d'une certaine manière. Oui, c'est vrai. En fait. Puisque tout d'un coup, je rencontre quelqu'un d'un milieu social que je ne connais pas. Et qui est nouveau. Et après, oui, en effet.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que vous êtes d'accord si je dis que vous avez deux styles de livres ? Qu'il y a des livres plus internes et des livres plus externes ? C'est-à-dire, par exemple, il y en a qui sont plus personnels et d'autres qui sont des portraits, des observations presque sociologiques.

  • Speaker #1

    Observations, il n'y en a pas beaucoup, à part la petite foule.

  • Speaker #0

    Oui, la petite foule, rendez-vous aussi, un peu, on s'en fout.

  • Speaker #1

    Rendez-vous, rendez-vous, c'est quand même... Là, je suis allée chercher, ce n'est pas le plus confortable pour moi.

  • Speaker #0

    Et celui-ci, j'ai l'impression qu'il a été écrit de manière fluide, qu'il n'a pas été douloureux à écrire. Il y a tout le temps une forme de sourire.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'à partir du moment où je trouve cette situation-là d'aller à l'école, de passer devant le musée et puis ensuite tout ça s'enchaîne, là en effet je suis l'espèce de plaisir de la narration. Il faut quand même le dire qu'il y a un plaisir à ça. et Et donc, j'avance. J'avance tranquillement à partir de là. Mais quand j'arrive là, j'ai galéré quand même pendant deux ans avant à... à ne pas savoir où attraper la chose.

  • Speaker #0

    Vous dites d'ailleurs, pas dans le livre là, mais vous l'avez dit plusieurs fois, écrire n'est pas un travail, c'est un désir, ce n'est pas une activité. Ça, j'aimerais bien que vous développiez cette idée. Est-ce que du coup, quand Alina vous dit, tiens, passe une nuit au musée et écris-moi ça, non, ce n'est pas possible pour vous.

  • Speaker #1

    Oui, mais encore une fois... Je passe mon temps à oublier ce que je sais. Donc, quand il y a cette proposition, je me dis que je vais le faire et que ça va aller. Bien sûr que je vais y arriver. Bon, petite angoisse peut-être, mais voilà. Au contraire, que ça va apporter des solutions. Et puis en fait, je suis tout le temps confrontée à autre chose. Maintenant que le chemin qui a été pris là et qu'on me conseille de prendre et qui est pris par les autres, que j'aimerais bien prendre, eh bien non, je n'arrive pas à le prendre. Oui. Je m'ennuie. Je le prends, mais je m'ennuie. Donc, qui a écrit un livre en s'ennuyant ? Ce n'est pas possible.

  • Speaker #0

    Il y en a beaucoup.

  • Speaker #1

    En s'ennuyant soi-même ?

  • Speaker #0

    Je pense que malheureusement, il y en a qui se forcent. Il y a beaucoup de gens qui se forcent à écrire, mais pas vous. Ça, c'est une qualité, je pense. C'est d'essayer de reconnaître à quel endroit il y a de la vie. Voilà.

  • Speaker #1

    Tout est là. Oui. Ah oui, tout est là.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'au fond, ce que ne dit pas ce livre, peut-être si, peut-être le message du livre, c'est que c'est compliqué d'être à la fois un écrivain et d'avoir une vie sociale ?

  • Speaker #1

    Disons que tout est dans à la fois. À la fois, ce n'est pas compliqué, c'est impossible. Ça n'existe pas. Mais on peut être deux personnes. Je pense que c'est ça. Il n'y a pas 50 solutions. On peut être deux personnes. Je pense que quand on écrit, Enfin moi je sais très bien que celle qui est devant l'ordinateur quelques heures dans une journée n'est pas la même que celle qui est ici. Celle qui est ici, quand même c'est une amie de l'autre. Oui, c'est vraiment une amie. Mais sinon, le reste du temps, il y a une sorte d'oubli. Et puis, c'est bien d'ailleurs d'oublier cette autre chose et une personne autre qui prend le relais quand même, qui est soi aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous vous sentez un peu comme un extraterrestre ? Je veux dire, quand vous arrivez dans ces dîners mondains que vous décrivez, ces réceptions...

  • Speaker #1

    On pourrait parler au passé parce que ça c'est chaud. Plus du tout.

  • Speaker #0

    Et vous racontez tout ça avec beaucoup de drôlerie.

  • Speaker #1

    Extraterrestre, oui, oui. Et la question que je me pose, c'est est-ce que dans un contexte comme ça, je suis la seule extraterrestre ou est-ce que c'est un dîner d'extraterrestres ? Ce n'est pas impossible.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas impossible.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas impossible. Non. Mais en même temps, je pense que pour certains, on peut ne pas être extraterrestre. dans une situation comme celle-là si on a un objectif bien particulier et qu'on est là pour une raison bien précise et surtout qu'on domine la situation. Je pense que celui, celle, ceux qui dominent la situation, parce que comme ce sont des situations hautement sociales, il y a forcément des gens qui les dominent et d'autres qui suivent, d'autres qui ont bien de la chance de pouvoir être assis là, etc., qui considèrent ça comme un privilège. Mais pour tous ces gens-là, c'est un peu difficile. Mais pour ceux qui sont en majesté et dont c'est la fête, alors je pense que là, oui, il peut y avoir un confort et un grand plaisir narcissique, sûrement.

  • Speaker #0

    Il y a Proust qui disait exactement la même chose. Il disait qu'un écrivain, il a son moi social qui est différent du moi qui écrit. Mais Proust était un bourgeois. Proust était plutôt quelqu'un dans le milieu dominant. Il était riche.

  • Speaker #1

    Oui, mais ça n'a rien à voir en fait. Et écrire, ce n'est pas du tout, mais pas du tout, une activité sociale. Et c'est drôle d'ailleurs, parce que justement, c'est aussi un attribut social qui plaît beaucoup. à une certaine classe sociale. Oui,

  • Speaker #0

    c'est ce que vous dites très bien. Les gens vous invitent, ils vous reçoivent, ils sont contents d'avoir Christine Angot à leur table ou en vacances. Ils sont...

  • Speaker #1

    Je pense que vous pouvez être leur amie.

  • Speaker #0

    Mais vous pouvez être leur amie.

  • Speaker #1

    Je peux essayer.

  • Speaker #0

    Sauf qu'après, il y a des livres qui sortent où vous racontez tout et là, c'est un peu plus dur.

  • Speaker #1

    Et après, je suis ennuyée de les faire, ces livres, mais je me dis, on verra après, je ne suis pas obligée de publier. Et puis, je publie. Quand même.

  • Speaker #0

    Voilà. Parce que... Alors, par exemple, il y a des gens qui sont fâchés à la sortie de ce livre ? Je ne sais pas. Vous ne savez pas, d'accord. C'est aussi un livre sur, vous savez, un grand sujet classique des romans français du XIXe siècle, qui est la montée à Paris.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Ça, c'est très balsacien. Bien sûr. Vous êtes née à Châteauroux. vous avez été... Je sais que vous détestez le terme victime. Enfin, vous avez été...

  • Speaker #1

    Non, non, non. Je ne déteste pas du tout le terme. Bien sûr que j'ai été victime d'un inceste. C'est plutôt le dire je suis une victime. C'est ça que je dis.

  • Speaker #0

    Vous avez vécu cette catastrophe.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    C'était dans les années 70.

  • Speaker #1

    Oui, enfin, oui. C'est par là, oui.

  • Speaker #0

    Moi j'ai calculé parce que si c'est de 13 à 16 ans, ça fait 72-76 ans.

  • Speaker #1

    Oui c'est ça, exactement.

  • Speaker #0

    Et donc... Il y a ce malheur qui vous brise, qui vous casse, qui fait que vous n'avez plus de repères. C'est comme que vous êtes devenu un puzzle. Et puis vous montez à Paris, là vous commencez à rencontrer ces gens dans l'art, les éditeurs. Et là vous racontez...

  • Speaker #1

    Il y a des années d'études, de mariage, de pensée qu'un équilibre est une forme de normalité. à condition que ça existe, que je puisse continuer ma vie, que le fait de grandir, de devenir adulte, fait que ce truc-là est passé et je vais faire comme tout le monde. Bon. Et puis, il y a un effondrement.

  • Speaker #0

    Ce qui compte dans les livres, c'est la forme. Vos premiers livres ont un rythme, une énergie, mais on voit la cassure. Les phrases sont hachées, les phrases sont brisées, comme vous. Et puis, d'ailleurs, c'était le test ultime, c'était vos lectures publiques. Quand on vous voyait lire vos textes, on comprenait beaucoup mieux votre forme. Vous savez que Kafka, quand il lisait ses textes, se marrait, il riait, alors que ce n'étaient que des textes horribles. Et vous, quand vous lisiez, c'est fiévreux, c'est saccadé, presque comme du rap. Mais votre forme, elle évolue. Elle est en train de changer, elle est en train de s'apaiser, de ne pas s'adoucir du tout, mais vous n'écrivez plus comme vous écriviez à vos débuts.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'avant, c'était comme si... Pendant longtemps, c'est comme si, même sur le livre qui s'appelle L'inceste, surtout celui-là d'ailleurs, c'était comme si la narratrice, c'était le personnage. Le personnage qui est dans un certain état. Et qui, tout d'un coup... Par exemple, dans L'inceste, c'est la colère. Oui. Voilà. Il y a la colère qui s'exprime. Et puis, plus tard... qui est, je ne sais pas avec quel livre ça a commencé, peut-être avec Rendez-vous, justement. Et c'est... Ah non, parce que la colère, c'est intéressant, mais c'est intéressant. Ça permet de montrer l'état humain, un état humain. Donc ça, c'est quand même intéressant. Et dans quel état se retrouvent les gens ? Mais si on veut... Hum... Faire une sorte de panorama, une sorte de film des choses, si on veut juste montrer une sorte de plan large. Alors à ce moment-là, il vaut mieux être très calme dans des phrases bien ponctuées, avec un rythme posé, et où les situations pourront...

  • Speaker #0

    aussi existé mais voilà oui mais ça se sent beaucoup vous abordez aussi un autre sujet tabou qui est l'argent des écrivains les écrivains dans leur est grande majorité majorité sont tous pauvres, à quelques exceptions près, qui d'ailleurs sont peut-être pas des écrivains. Cette liberté qui est la vôtre, elle est difficile. Il faut résister à la corruption, au compromis, et j'aimerais bien que vous nous lisiez un passage du livre. Alors attention, je précise que ce n'est pas une commande, c'est une suggestion. Sinon ça va se passer. À partir du trait,

  • Speaker #1

    je... Jusqu'où ?

  • Speaker #0

    Eh bien,

  • Speaker #1

    j'ai... Ah oui d'accord.

  • Speaker #0

    Alors...

  • Speaker #1

    Ah oui d'accord.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    L'argent tenait une place beaucoup plus importante dans leur milieu que dans celui des écrivains. On vous présentait quelqu'un en mentionnant la maison sublime qu'il possédait quelque part, comme si c'était une qualité personnelle et que le critère économique n'existait pas. Le visage du propriétaire irradiait avec un mélange de fierté, de gratitude et de timidité d'être complimenté sur son goût et son œil par un artiste reconnu. Il faut que tu vois ça, il faut que tu viennes. ou à propos de quelqu'un qui a été qui venait d'acquérir un immeuble dans le 8e, il aime l'immobilier. Les montants que touchaient les artistes qui gravitaient autour de Sophie n'avaient rien à voir avec mes revenus ni avec ceux des écrivains que je connaissais. Certains vivaient de leurs livres, pas dans les mêmes proportions. Je côtoyais Camille Laurence, Mathieu Lindon, Emmanuel Carrère et les auteurs que je croisais chez Stock, qui était à l'époque ma maison d'édition. Certains d'entre eux avaient eu un prix, un succès de librairie ou percevaient un salaire de l'éducation nationale. Aucun ne vivait dans l'opulence. À moins d'avoir une autre source de revenus comme de l'argent de famille. J'avais vécu sur le salaire de Claude pendant 18 ans, dont 7 sans être publié. Quand je l'avais été, je n'avais rien gagné pendant 10 ans. Un an après la publication de mon premier roman, j'avais reçu une lettre de Gallimard et monté l'escalier le cœur battant pour la décacheter dans l'appartement. La somme était tellement faible que j'en avais pleuré. Donc, pour moi... Écrire, c'est quelque chose qu'on fait sans raison, quelles que soient les circonstances. sans autre engagement que le sien, écrire vraiment.

  • Speaker #0

    C'est important de dire ça, parce que c'est quelque chose que les gens ne savent pas forcément. La manière dont... Les écrivains n'ont aucune sécurité de l'emploi, ils n'ont aucune... Enfin, très peu de subventions. Et quand vous arrivez à Paris et que vous côtoyez ces artistes contemporains qui gagnent très bien leur vie, vous êtes hallucinés.

  • Speaker #1

    Ben, j'étais un peu préparée à ça, mais comment dire... C'est-à-dire que oui, qu'il y a des... Disons que... Il y a les artistes, écrivains, enfin bon tout ça, tout ça est ami, tout ça est ensemble, etc. Les artistes peuvent avoir besoin. des écrivains parce qu'ils écrivent un texte, donc ils sont un peu aussi à leur service peut-être, mais en même temps, ils ont énormément de respect pour ces gens-là qu'on appelle les écrivains. Il y a les gens qui font du cinéma, il y a tout un tas de choses. Et concernant les artistes, il ne faudrait évidemment pas laisser penser que tous les artistes gagnent beaucoup d'argent, parce que c'est archi faux.

  • Speaker #0

    Archi faux.

  • Speaker #1

    mais Mais disons que quand un artiste gagne de l'argent, il peut vraiment gagner beaucoup d'argent, beaucoup. Et tout d'un coup, vous, vous êtes là avec exactement le même, entre guillemets, prestige de celui qui est dans ce qu'on appelle l'art ou la littérature, enfin, toutes ces choses très élevées. la question de l'argent n'a pas disparu pour autant. C'est ça qu'on voit. C'est-à-dire, ce n'est pas parce qu'on est au niveau, dans le domaine de l'art et de la littérature, que tout d'un coup, toutes les questions matérielles ont disparu. Non seulement elles n'ont pas disparu, mais elles introduisent des niveaux. Oui. Voilà. Des niveaux, il y a ceux qui ont certaines possibilités et d'autres qui n'ont pas ces possibilités. Mais, et c'est très bien. Je cherche juste à ce que ce soit écrit.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je ne cherche pas à ce que ça change.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que je vous compare à Truman Capote dans Prières exaucées, parce que quand il fréquentait, il était invité chez des riches femmes new-yorkaises de la haute société. Un jour, il a eu besoin d'écrire sa différence, en fait. Et à ce moment-là, il a été banni, ostracisé et tout ça. Bon, il s'en foutait, peut-être. Ce n'était pas très grave.

  • Speaker #1

    Après, il y a un truc quand même qui est marrant. C'est qu'on voit dans une scène du livre, là, en particulier, c'est-à-dire, c'est les gens qui pensent qu'ils peuvent vous acheter. Parce qu'en fait, on peut acheter beaucoup de gens. Beaucoup. Il y a beaucoup de gens qui sont... Ce qu'ils écrivent peut être à vendre, enfin, voilà. Et donc, le service, la question du service, de rendre service, est très courante dans ces sociétés élevées. Elles ne se présentent pas forcément en tant que telles, et pourtant...

  • Speaker #0

    Oui, c'est très hypocrite, en fait. Vous êtes reçu en vacances chez des gens, et peut-être... de temps après, on vous demande d'écrire un texte pour un magazine sur la dame, la femme du propriétaire ou je ne sais plus quoi.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'elle écrit. Parce qu'ils écrivent tous. Parce que écrire, c'est quand même quelque chose que n'importe qui peut faire. Oui. Il faut quand même le redire.

  • Speaker #0

    Gombrowicz dit écrire est très difficile parce que c'est très facile. Mais... Ce n'est pas forcément des livres qu'ils écrivent. Je pense que c'est ça la différence. Ils écrivent, oui, mais ce ne sont pas des livres. Il faudrait trouver un autre mot.

  • Speaker #1

    Oui, ou alors des livres, mais peut-être pas de la littérature.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. 20 ans avant MeToo, il fallait un sacré courage pour oser raconter l'inceste. C'était en 1999. Je voulais savoir comment vous avez reçu les publications des récits. de Neige Cinaud, de Camille Kouchner, qui sont un peu vos héritières. Vous avez, si je puis dire, pavé la route pour beaucoup de confessions intimes qui ont été des déflagrations, comme l'a été l'inceste à sa publication. Est-ce que vous êtes fier d'avoir permis l'éclosion de cette parole ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce n'est pas du tout moi qui ai permis l'éclosion de cette parole. Je pense que l'éclosion de cette parole, c'est MeToo, à partir de 2017, qui l'a permise. Je pense que moi, si on avait dû compter sur moi pour qu'il y ait une modification de l'âge du consentement, de ce genre de choses, ou de la loi, on aurait pu attendre longtemps. jamais Macron et son ministre de la justice de l'année, où Camille Kouchner sort son livre, jamais ils auraient dit « Oui, on a lu Christine Angot, etc. Il faut absolument qu'on change. Il faut absolument qu'on fasse un truc sur le viol sur mineurs. » Au passage, ils ont mélangé le viol sur mineurs et l'inceste. Passons. Bon, passons.

  • Speaker #0

    Ils l'ont fait parce que c'était le livre de Camille Kouchner et qu'il était ce qu'il était et qu'il a pu entraîner ça.

  • Speaker #1

    Oui, mais ce délai, 1999, Me Too c'est 2017, il s'est passé 18 années où vous, vous aviez déjà tout dit, vous aviez déjà exprimé cette parole-là.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce que j'avais dit quoi que ce soit ? J'avais écrit, ce n'est pas tout à fait la même chose. Le truc avec l'écriture, c'est que c'est écrit mais c'est pas dit. Indortuellement, c'est pas dit, on peut faire comme si ça n'existait pas. Ça rentre pas dans le social de la même façon.

  • Speaker #1

    Non, mais est-ce que vous avez, quand c'est arrivé, quand la société a enfin pris en compte cette souffrance, est-ce que ça vous a soulagé ou est-ce que vous vous êtes dit,

  • Speaker #0

    c'est trop tard ? Trop tard ?

  • Speaker #1

    Non, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Non, trop tard de quoi ?

  • Speaker #1

    Non, mais ils auraient pu réagir plus tôt.

  • Speaker #0

    Ah, mais non ! Mais non ! Non, non, je ne me suis pas dit ça. Je me suis dit, bon, OK, c'est bien, mais maintenant, il va falloir préciser. Je me suis dit, il faut préciser. Moi, j'étais en train de faire le voyage dans l'Est au moment où c'est sorti, au moment où le livre de Camille Kouchner est sorti. J'étais en train de faire le voyage dans l'Est. Et peut-être que, en fait, ce qui s'est passé, c'est que peut-être je me suis... exprimé à la radio par exemple de manière en tant que moi pas seulement en tant que l'écrivaine qui a écrit ci et ça je me suis exprimé j'ai pris le risque oui je le considère comme un risque et parfois ça m'a été pénible d'ailleurs de oui de parler comme un témoin de quelque chose ça vous Vous avez toujours détesté les témoignages.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    je déteste, je n'aime pas ça. J'évite de le faire, mais il y a des moments où j'ai essayé, j'ai accepté de rejoindre ça, toujours avec un inconfort, parce que fondamentalement... J'ai des doutes sur tout ça, même quand on voit la loi qu'ils ont essayé de remettre, de corriger. Il y a un truc qui ne va pas, mais peu importe, je ne vais pas parler de ça ici.

  • Speaker #1

    Vous dites dans l'inceste.

  • Speaker #0

    Je n'ai pas confiance en réalité. Je n'ai confiance que dans la littérature. Donc quand on en sort et que ça permet des choses, tant mieux. C'est bien, c'est bien.

  • Speaker #1

    Non mais je veux lire cette phrase. de vous dans l'inceste, ce livre va être pris comme une merde de témoignage. C'est exactement ce qui s'est passé quand le livre est sorti. On vous en a parlé plus comme un témoignage, peut-être sans comprendre que c'était aussi une musique de la révolte, de la colère, comme vous l'avez dit.

  • Speaker #0

    Oui, mais voilà, très important. Qu'est-ce que ça veut dire, être pris comme une merde de témoignage ? Ça veut dire deux choses. Ça veut dire comme une merde. Ça veut dire témoignage. Ça veut dire c'est pas... écrit ça veut dire c'est pas on n'est pas dans la littérature et donc c'est aussi un témoin c'est c'est rien quoi c'est c'est celui qui a vu un truc et c'est celui qui a vu un truc voilà il va dire parce que lui il avait un truc m'attendait mais moi c'est pas du tout ça que je fais je sais pas j'ai pas dit j'ai vu un truc j'ai pas dit mais arrivé ça non c'est pas ça moi ce que je j'ambitionnais et que j'ambitionne toujours, c'est c'est pas de dire j'ai vécu ci, j'ai vécu ça. C'est encore une fois de montrer le tableau dans l'ensemble. Je l'ai fait pour faire entrer ces histoires-là dans la littérature. Ces histoires de viol, ça. Les faire entrer dans la littérature. Voilà pourquoi je l'ai fait. J'ai pas fait pour autre chose. Et donc, si c'est une merde de témoignage, il n'y a pas le tableau.

  • Speaker #1

    Mais c'est même... Enfin, moi, je dirais ça autrement. Je dirais, c'est pas parce qu'on est une victime qu'on a du talent. Ça, c'est peut-être ça que vous... Enfin, moi c'est ce que je dis, moi, je ne vais pas dire ça.

  • Speaker #0

    Mais pourquoi ? Parce qu'il y a des gens qui disent ça ?

  • Speaker #1

    Il y a énormément de livres de victimes, de gens qui racontent des histoires, des traumatismes et tout ça. C'est pas forcément de la littérature à chaque fois.

  • Speaker #0

    Alors, je crois qu'il faut dire les choses autrement. Vous dites, c'est pas parce qu'on est une victime qu'on a du talent. C'est la vérité ? Oui, mais attendez. C'est pas parce qu'on est une victime... qu'on voit le tableau complet et qu'on va décrire le tableau complet, qu'on aura envie de décrire le tableau complet. Et je pense que c'est ça aussi, c'est-à-dire que dire sa douleur, c'est une chose. Dire le monde dans lequel elle se produit, c'en est une autre. Est-ce que c'est pas... Est-ce que ça ne rejoint pas votre question ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Mais moi, ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a toute une littérature de victimisation qui est presque comme si la littérature était considérée comme un médicament ou comme une thérapie. Les gens qui se soignent en écrivant des livres et tout ça. Je respecte ça, mais peut-être que votre projet n'était pas des tout.

  • Speaker #0

    Tu fais dire un truc horrible.

  • Speaker #1

    Moi, je dis un truc horrible.

  • Speaker #0

    Oui, mais vous, on a l'habitude. Alors du coup, on m'avait fait perdre le fil.

  • Speaker #1

    Est-ce que la littérature, c'est un Xanax ? Oui ou non ? Je crois que non.

  • Speaker #0

    Il y a eu toute une époque qui n'existe plus vraiment, enfin qui a muté disons, où il y avait la littérature féminine. Ce qu'on appelait la littérature féminine, avec des... Je ne sais plus, Madeleine Chapsal, Geneviève Dormann, il y avait des femmes qui écrivaient des livres comme ça, c'était la littérature féminine, qui racontait des choses, je ne me souviens pas d'ailleurs, plutôt l'amour. Ça racontait plutôt l'amour. Intéressant, moins intéressant, c'était variable. Et puis... du race, une sorte de littérature féminine aussi, mais appelée littérature à la différence de ses autres femmes. Et cette littérature... d'amour, cette littérature féminine d'amour, j'ai l'impression qu'elle n'existe plus vraiment, ou alors vraiment dans les bas fonds, et qu'aujourd'hui, on ne raconte plus l'amour, on raconte les violences sexuelles. Et je pense que les femmes qui, d'une manière, voilà, c'est un petit peu... Est-ce que ça n'a pas... Est-ce que ça n'a pas muté comme ça ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Mais ça, ce n'est pas horrible de dire ça. Je m'attendais à pire.

  • Speaker #0

    Disons que si, parce que si on dit que du coup, c'est un truc féminin, si ça devient un sujet féminin, en fait, c'est ça le danger. C'est que ça devienne un sujet féminin.

  • Speaker #1

    C'est que la littérature féminine soit réduite à une complainte, une lamentation.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que de la même manière que pendant... qu'il y a 40 ans, les femmes osaient écrire à partir du moment où elles pouvaient parler de sujets féminins, et bien là, peut-être qu'elles osent écrire à partir du moment où elles peuvent parler de douleurs féminines sexuelles.

  • Speaker #1

    Vous préférez qu'on vous dise que vous êtes un écrivain ou une écrivaine ?

  • Speaker #0

    Alors, il y a 15 ans, je préférais qu'on me dise que j'étais un écrivain.

  • Speaker #1

    Ah oui ? Bon,

  • Speaker #0

    maintenant, je préfère qu'on me dise que je suis une écrivaine. Mais oui, parce que ce que je veux, c'est qu'on ne remarque pas le mot. Donc, si aujourd'hui on dit « ah non, moi je suis un écrivain » , ça veut dire que c'est une posture. De la même manière que... Il y a 15 ans, c'était une posture de dire « Attention, moi je suis écrivaine ! » Bon, donc je pense qu'aujourd'hui, le mot « invisible » , parce que je pense que les mots doivent être invisibles,

  • Speaker #1

    Oui, ça a évolué, oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc écrivaine.

  • Speaker #1

    Léonore est dans votre livre, c'est votre fille, et elle est aussi dans votre film d'ailleurs. À chaque fois que vous avez besoin d'incarner l'amour, vous invitez votre fille dans votre œuvre. C'est comme pour montrer, je ne sais pas, moi j'ai un enfant et j'arrive à l'aimer sans lui faire de mal.

  • Speaker #0

    Non, ça n'a rien à voir parce que je pense qu'elle hérite aussi de cette chose-là quand même, celle-là. Elle a aussi à s'en occuper, mais non. Là, par exemple, sur la nuit, au musée, c'est... Je n'ai pas envie d'être toute seule dans ce truc. Vraiment pas du tout. Et être avec elle, ça peut... Ça a plein d'avantages. Elle connaît l'art mieux que moi, c'est le moins qu'on puisse dire. Et puis, ça va nous faire passer un bon moment parce qu'on ne vit plus ensemble. Donc, voilà. Il faut aussi, quand on fait un truc de commande, ça, on ne le dit pas suffisamment, il faut aussi en retirer quelque chose. Pourquoi est-ce qu'on ferait un livre pour quelqu'un si on ne peut rien avoir soi ? Donc, il faut. Parce qu'en fait, quand on fait un livre, on n'a rien pour soi à part le livre.

  • Speaker #1

    Donc... Autant que ce soit agréable.

  • Speaker #0

    Ben oui, il faut quand même avoir des choses pour soi. Donc si on peut dîner au restaurant de la Bourse, par exemple, toutes les deux. on a quelque chose pour soi. C'est pas grand chose.

  • Speaker #1

    Déjà que c'est mal payé, que plus personne ne lit des bouquins, autant qu'il y a un peu de plaisir.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Dans cette émission, je fais un jeu qui s'appelle « Devine tes citations, Christine » . Je vous lis des phrases de vous, tirées de votre œuvre, et vous devez deviner dans quel livre vous avez écrit cette phrase. Exercice de mémoire, très difficile. Quand je plaisais à quelqu'un qui me plaisait et que je me l'avouais, J'étais heureuse, mais tellement impatiente que ça se fasse, je voulais en être sûre trop vite, je faisais tout rater.

  • Speaker #0

    Alors, rendez-vous ? Oui !

  • Speaker #1

    Bravo ! Il y a 22 livres et vous avez trouvé le bon. C'était le livre qui a obtenu le prix de Flore en 2006. Oui, c'est ça, en amour, il ne faut pas se précipiter, c'est ça que vous dites. Est-ce que vous êtes moins exigeante aujourd'hui ou plus ?

  • Speaker #0

    Non, mais là, ce n'est pas tant une question d'exigence, c'est surtout une question d'incapacité, de manque de confiance en soi. tellement important que bon, il vaut mieux que ça rate quoi.

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord. Et là, on voit, c'est intéressant dans cette phrase. Quand je plaisais à quelqu'un qui me plaisait et que je me l'avouais, j'étais heureuse mais tellement impatiente que ça se fasse. Style très classique, mais c'est presque du Labruyère ou je ne sais pas, du Benjamin Constant, vous voyez, l'analyse des sentiments et tout. Et puis la phrase continue, je voulais en être sûr trop vite, je faisais tout rater. Et là... On est chez Marguerite Duras un peu plus, c'est-à-dire qu'il y a trois phrases, une longue, deux courtes. C'était ça aussi votre nouveauté à vous, c'était de mélanger le classique et le contemporain peut-être. Aujourd'hui vous diriez que vous allez plus vers le classique et moins vers l'expérimental ? Ou ça dépend des livres ?

  • Speaker #0

    Alors peut-être ça peut dépendre. des livres peut-être ça peut dépendre des livres on peut pas savoir en fait je peux pas savoir peut pas savoir on verra oui autre phrase de vous alors vous devez deviner dans quel livre vous avez écrit cela vous aviez quel âge ça a

  • Speaker #1

    Ça a duré combien de temps ? De quand à quand ? Interview. Interview, 1995. Je lis jusqu'au bout, parce que c'est que des questions. De quand à quand exactement ? Y a-t-il eu des reprises ? Étiez-vous surprise ? A-t-on des traces ? De quel type ? Là, c'est une rafale de questions terribles. Vous tourniez en dérision les interrogatoires des journalistes qui étaient comme des flics.

  • Speaker #0

    Oui, une journaliste en particulier.

  • Speaker #1

    Mais est-ce que l'écriture autobiographique autorise des compétences comportement inadmissible de la part des journalistes. Et là, je suis désolé, parce que je vous pose plein de questions indiscrètes.

  • Speaker #0

    En tout cas, l'exemple là, qui est dans Rendez-vous, c'était quelque chose que j'ai vécu qui avait été affreux.

  • Speaker #1

    Non, c'est Interview.

  • Speaker #0

    Oui, dans Interview, ça avait été horrible, j'avais vécu ça très très très très mal. Ça avait été affreux, parce que les livres ne se vendaient pas du tout. Du tout, du tout. Je crois que le livre en question ça devait être je ne sais plus, ça devait être Léonore Toujours on en avait vendu 300 je crois, exemplaires et donc j'avais cette invitation à Marie-Claire c'était le seul le seul papier qu'on me proposait et elle avait dit, il faudrait qu'elle parle de ça, etc elle avait dit à l'éditeur qui était l'arpenteur à l'époque Merci. Et j'avais dit, ok, bon. Mais j'avais accepté de parler de la chose elle-même, de l'inceste, mais vraiment, c'était pas comme maintenant, quoi, je veux dire. J'étais, mais c'était une punition, quoi, punition. Elle avait dit, mais je parlerais quand même de littérature et tout ça. J'ai dit, bon, ok. Et donc, je suis allée, et ça a été affreux. Ça a été affreux, ça a été...

  • Speaker #1

    C'était vraiment ces questions-là ? De pan à pan, exactement.

  • Speaker #0

    Vraiment ces questions-là. C'était une journaliste de Marie-Claire qui habitait dans le 5e, qui m'a reçue dans son appartement avec des fauteuils recouverts de tissus damassés et qui s'est autorisée toutes ces sortes de... Enfin, de sortir, alors là, vraiment...

  • Speaker #1

    Des questions très...

  • Speaker #0

    De la littérature. complètement, ne même pas prendre soin d'enchasser sa question dans une phrase du livre. Et ensuite, elle a dit que comme mon père n'était pas mort, ce qui était le cas, Il y avait juste un petit problème, c'est qu'elle ne pouvait pas publier l'entretien avec mon nom.

  • Speaker #1

    Et donc là, vous deveniez vraiment une merde de témoignage. Voilà,

  • Speaker #0

    parce que je m'appelais Ango comme lui. Et donc, ce n'était pas possible. Mais elle me proposait de le publier avec la petite fille anonyme. Même pas Christine, rien. Et puis à côté... Comme j'ai rien fait sur votre livre dans les pages livres, je ferai un truc sur...

  • Speaker #1

    Une petite colonne, un entrefilet.

  • Speaker #0

    Sur Léonore Toujours.

  • Speaker #1

    Ouais. Oui, c'est ultra...

  • Speaker #0

    J'ai dit non. Tout ça pour dire que les gens se permettent des choses avec des gens qui n'ont pas de succès, qui ne vendent pas de livres, d'un côté, et qui en plus ont un truc de victime. qui est mais monstrueux.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que vous avez écrit L'inceste après. Puis c'est quatre ans avant Interview. L'inceste, c'est 99 et Interview, 95. C'est ça. Sans doute, vous avez dit, bon, maintenant j'y vais. C'est moi qui comprends.

  • Speaker #0

    Je ne sais même plus pourquoi. En fait, c'est parce que j'avais à ce moment une histoire avec une femme. Et je me suis... Comme d'habitude, je n'arrivais pas à écrire. Et oui, je me suis embarquée là-dedans.

  • Speaker #1

    Autre phrase. De vous. Quand on parle, c'est un acte. Et donc, ça fait des choses, ça produit des effets, ça agit.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une inceste.

  • Speaker #1

    Quitter la ville.

  • Speaker #0

    Ah, quitter la ville.

  • Speaker #1

    En l'an 2000. Vous voulez dire qu'écrire, ça a des dommages collatéraux ? Mais aujourd'hui, j'ai l'impression que contrairement à l'époque où vous écriviez ça, c'est-à-dire il y a 25 ans, aujourd'hui vous vous fichez de ce qu'on pense de vous. Vous êtes devenue plus forte. Est-ce que je me trompe ?

  • Speaker #0

    Euh... Non, c'est vrai. Est-ce que ça me préoccupe ? occupait à l'époque ? Parce que là, c'était quoi ?

  • Speaker #1

    Écrire, quand on parle, c'est un acte, et donc ça fait des choses, ça produit des effets, ça agit, c'est sûr.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai l'impression que ça ne m'amuse pas forcément, mais oui, je crois que j'ai compris que c'était comme ça, qu'on était seul, et puis que ça allait, quoi. C'est pas grave.

  • Speaker #1

    On passe maintenant à vos conseils de lecture d'une grande professionnelle. Vous avez votre antisèche. pense que nos auditeurs ont envie de savoir quels sont les livres qui sont importants pour vous un livre qui vous donne envie de pleurer alors j'ai mis Le métier de vivre de Parisais parce que voilà quand

  • Speaker #0

    même Le métier de vivre déjà c'est un très beau titre et puis en plus quand on tourne la dernière page on sait puisque c'est le projet qu'il fait à un moment du livre un désespoir amoureux plusieurs désespoirs amoureux qui sont enchaîne et un moment il décide de se suicider. Et à la dernière page du livre il dit, bon ben voilà, c'est décidé, je vais le faire, je le fais demain. Et donc nous qui lisons, on sait qu'on lit la dernière page de quelqu'un qui s'est suicidé le lendemain.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui vous a traversé l'esprit, l'âme parfois ? Jamais. Non,

  • Speaker #0

    beaucoup. dit comme ça en colère, mais ça, comme tout le monde.

  • Speaker #1

    Surtout quand on a un enfant. Je crois peut-être que ça retient au dernier moment.

  • Speaker #0

    Non, mais même. Oui, mais dans les moments de colère, je pense que je vais me foutre en l'air, machin. C'est rien. Tout le monde dit ça et tout le monde peut le dire. Tout le monde peut le dire.

  • Speaker #1

    C'est même sain de le dire, d'ailleurs.

  • Speaker #0

    En tout cas, ça fait un projet. Voilà. Mais sérieusement, non.

  • Speaker #1

    Un livre pour arrêter de pleurer après avoir lu Pavézé ?

  • Speaker #0

    Alors, je crois, je dirais, même si c'est un peu compliqué, mais peut-être celui qu'on... qu'on essaye d'écrire, je dirais.

  • Speaker #1

    Ah oui.

  • Speaker #0

    Peut-être celui qu'on essaye d'écrire.

  • Speaker #1

    Quand vous écrivez, c'est pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #0

    Ou pour commencer à pleurer. En tout cas, c'est beaucoup lié à la question de quelque chose qui n'est pas résolu, qui ne va pas. Mais comment on peut dire les choses comme ça ? Mais pas du tout, il faudrait les dire autrement. Oui. Voilà. Alors après, je ne sais pas si ça répond bien à la question. Oui, oui.

  • Speaker #1

    Vous écrivez pour clarifier. Ah oui. C'est bien.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    Eh bien, c'est gênant, mais j'ai mis Ulysse de Joyce.

  • Speaker #1

    C'est le choix de beaucoup de mes invités.

  • Speaker #0

    Oui. C'est-à-dire qu'on est dans un truc... Il y a d'autres livres où on peut s'ennuyer sans admirer. Bon. Là, il y a une sorte d'admiration. Parce qu'on s'aperçoit quand même de ce qu'on lit et on voit bien qu'il y a quelque chose qui existe fortement, qui est admirable et qui a une grande liberté. Mais voilà.

  • Speaker #1

    Ça vous tombe des mains.

  • Speaker #0

    Ça ne me tombe pas des mains parce que moi, en fait, quand je m'ennuie, à un moment, j'arrête. J'arrête, je recommence, j'arrête, je recommence. Mais quand même, sur des livres qui sont parfois un peu difficiles, vous arrêtez, vous recommencez. Puis à un moment, vous montez dans le train. Et là, je monte dans le train, mais je m'arrête au tiers du voyage. Mais je reprends aussi sur la toute fin le monologue.

  • Speaker #1

    Le monologue de Monnie Bloom, oui, bien sûr. Un livre pour crâner dans la rue. Est-ce que Christine Angot vous crânait dans la rue ?

  • Speaker #0

    Alors, pas suffisamment, je pense. Mais disons que je pense, en tout cas j'ai souvent remarqué que... Un livre qui est assez efficace, en tout cas quand on le voit soi-même, comme ça, c'est Proust en folio. Parce que sinon, ça fait genre une pause, donc c'est pas possible. Donc en folio, c'est-à-dire naturel. D'accord. Et si possible... Pas du côté de Chessoine, mais au moins côté de Garmente.

  • Speaker #1

    Un livre qui rend intelligent, c'est peut-être le même.

  • Speaker #0

    Je pense sûrement justement à un livre de Barthes, peut-être l'écriture du roman. Moi, je me souviens quand j'avais ouvert l'écriture du roman, tout d'un coup,

  • Speaker #1

    waouh ! Très, très, très brillant. Et il écrivait toujours sur commande. Lui, un livre pour séduire.

  • Speaker #0

    Bon, là, je ne sais pas pourquoi, mais c'est le livre qui m'est venu. C'est Gatsby le Magnifique.

  • Speaker #1

    Ah bon, ça alors ?

  • Speaker #0

    Gatsby, oui.

  • Speaker #1

    Draguer avec Gatsby le Magnifique.

  • Speaker #0

    Moi, je ne drague pas, évidemment. Mais non, mais parce que Gatsby, d'abord, c'est Fitzgerald. donc je ne sais pas tout Tout est... Je ne sais pas comment dire. C'est le livre que tout le monde a envie de... Qu'on peut partager, que tout le monde a envie de lire, que tout le monde est heureux d'avoir lu, que tout le monde a envie de relire.

  • Speaker #1

    C'est drôlement... Je n'imaginais pas du tout fan de Fitzgerald. Je suis bête, j'ai un cliché dans la tête, j'ai des préjugés.

  • Speaker #0

    Comment ne pas ?

  • Speaker #1

    Non, mais c'est un scoop que Christine Angot aime. Je m'en réjouis. Un livre que je regrette d'avoir lu.

  • Speaker #0

    Je ne l'ai pas, moi, celui-là.

  • Speaker #1

    Non ?

  • Speaker #0

    Non, mais parce que je sais pourquoi je ne l'ai pas. Parce que je l'ai vu, cette question, en effet. Je me suis dit, si je regrette de l'avoir lu, je ne le lis pas. Donc, non.

  • Speaker #1

    On peut, par exemple, je ne sais pas, Mein Kampf. On peut regretter d'avoir lu Mein Kampf. Oui,

  • Speaker #0

    mais on peut aussi ne pas le lire.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait, on peut. Heureusement. Un livre que je fais semblant d'avoir fini. Peut-être que ça, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Et pourquoi je ne l'ai pas noté non plus, le suivant ? Non, je ne l'ai pas noté non plus.

  • Speaker #1

    Non, mais de toute façon, vous n'aimez pas les commandes.

  • Speaker #0

    Non, mais je ne l'ai pas noté. le fait que j'ai pas dû trouver c'est pour ça le livre que j'aurais aimé écrire ça c'est la princesse de Clèbe ah tiens vous voyez il est classique pour moi il n'y a rien de plus beau c'est quand même le plus grand râteau de l'histoire de la littérature ah oui bien sûr oui il y a ça aussi bien sûr et ça vous trouvez que ce qui est beau c'est qu'une femme résiste à la tentation c'est pas ça c'est que justement il y a toute cette tragédie à la fois sociale et amoureuse qui se déroule. Mais l'attention, tout ça est certi dans une phrase qui est d'une beauté, mais d'une élégance, d'un équilibre, d'une précision. Tout ça se déploie là-dedans. Et je trouve ça incroyable. Incroyable de beauté.

  • Speaker #1

    Voilà, pour l'air. Alors, pour les gens qui croyaient que Christine Angot était un auteur d'avant-garde, expérimental, elle aime Gatsby le Magnifique, elle aime La princesse de Clèves. Vous êtes un auteur, en fait,

  • Speaker #0

    classique. Oui, bah écoutez.

  • Speaker #1

    Je vous embarque dans ma vieillesse. Quel est le pire livre que vous ayez jamais lu ? Vous allez encore me dire, mais non, pourquoi lire le pire ?

  • Speaker #0

    Non, alors là, justement, c'est un livre que j'ai lu. Et c'est La question de Henri Allag.

  • Speaker #1

    Ah oui, sur la torture en Algérie.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est vraiment, au sens propre, le pire livre que j'ai lu.

  • Speaker #1

    Oui, c'est insoutenable.

  • Speaker #0

    Insoutenable, au point de... Mais on doit le lire, parce que nous, ce qu'on nous demande, c'est de le lire. Ce n'est pas d'être dans la situation. Donc, on peut et on doit au moins le lire. Et donc, je l'ai lu en entier. Évidemment. Mais je pense que c'est le pire livre que j'ai jamais lu. C'est-à-dire, en tout cas, c'est la pire lecture que j'ai jamais éprouvée. En même temps, je ne pourrais même pas ça appeler de l'admiration, parce que le livre est d'une vérité, c'est très très beau, c'est magnifique de vérité. Mais c'est... Tellement difficile à... Enfin c'est... C'est...

  • Speaker #1

    Peut-être qu'on devrait... Peut-être qu'on devrait presque le faire lire dans les écoles, pas trop tôt, mais... Pour comprendre la tension qu'il y a entre la France et l'Algérie. Et c'est sûrement un livre important, de même qu'il faut voir Shoah les 8 heures jusqu'au bout. Voilà.

  • Speaker #0

    Sauf que Shoah, on a 9 heures pour être dans... Il y a Lanzmann, il est quand même un personnage aussi.

  • Speaker #1

    C'est moins dur.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas pareil. Il y a des gens, on voit les gens. La littérature c'est plus dur que le cinéma cinéma, beaucoup plus dur. Il n'y a pas de visage, il n'y a rien à regarder. On ne peut pas rigoler, quoi.

  • Speaker #1

    On peut rigoler en regardant Ausha.

  • Speaker #0

    Non, mais quand même.

  • Speaker #1

    Oui, je vois très bien ce que vous voulez dire.

  • Speaker #0

    Il y a des arbres, il y a du vent dans les arbres. Il y a plein de choses. Il y a la vie, quand même.

  • Speaker #1

    Et le livre que vous lisez en ce moment ? Christine Angot, je rappelle que vous êtes membre de l'Académie Goncourt, donc vous êtes censée lire tout ce qui sort.

  • Speaker #0

    J'ai... repris, là, ça fait un moment que je l'ai lu, il y a longtemps, et là, j'ai repris l'essai sur la fatigue de Peter Hank.

  • Speaker #1

    Oui ?

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    C'est très bien, Peter Hank. Je l'ai eu dans mon émission, j'étais très très heureux de le recevoir. On va conclure, mais depuis une heure. Je crois que j'essaie de vous faire dire une chose, que vous allez mieux, que vous allez mieux. J'essaie de vous faire dire ça. Alors je vous pose la question, est-ce que vous êtes heureuse ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je suis dans ma vie, je ne suis pas dans la vie de quelqu'un d'autre. Je pense que c'est une bonne chose.

  • Speaker #1

    Est-ce que ce n'est pas parce que vous avez rencontré la bonne personne aussi ? Quelqu'un qui vous comprend ? Est-ce que ce n'est pas...

  • Speaker #0

    C'est sûr que ça fait partie de... ça fait partie de l'équilibre c'est quand même cette question là est quand même importante en tout cas elle l'a été pour moi elle l'est quand même de savoir qu'il y a quelque chose

  • Speaker #1

    qui a quelqu'un qui est là quoi ouais c'est important merci infiniment christine angot d'être venu et puis c'était un plaisir alors je dois remercier l'équipe du figaro télé qui qui sont qui sont qui sont qui cette émission ne serait pas capté ne serait pas n'existerait pas Et puis, alors il y a plein d'horaires importants, ça passe sur le Figaro Télé notamment le samedi à 22h et j'aime bien l'horaire du mercredi 23h, je vous le recommande. Et tout le temps sur Youtube, la version longue, abonnez-vous à la chaîne Youtube aussi. Et puis je suis sponsorisé, alors je le dis, cette chemise là, c'est mon sponsor, c'est Figaré. Ben oui, les écrivains ils rament, comme vous le dites dans votre livre, ils galèrent, donc on a besoin... d'être soutenu pour pouvoir continuer cette émission. Merci infiniment. Et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous allez mourir idiot, et ce sera la fin des haricots.

Description

Christine Angot et moi, c'est une longue histoire. Nous avons publié nos premiers romans en même temps. Je crois qu'elle m'a eu à l'usure. Comme nous avons galéré durant les années 1990 ! Je ne comprenais pas son écriture hachée et redondante, je l'ai écrit, elle m'a répondu... La vie littéraire n'est pas un long fleuve tranquille. On se retrouve à soixante ans pour faire la paix. Le général de Gaulle s'est trompé : la vieillesse n'est pas un naufrage, c'est la terre promise.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir et bonsoir aussi à toi qui me regardes. Ce soir est un grand soir puisque c'est le soir de la réconciliation entre moi-même et Christine Angot. Je suis très heureux de vous recevoir.

  • Speaker #1

    Tu n'as jamais été fâché ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Pas ouvertement ?

  • Speaker #0

    Non. J'ai peut-être pu écrire des choses qui n'étaient pas très sympathiques, pas très favorables dans ma jeunesse.

  • Speaker #1

    Est-ce que je les ai lus.

  • Speaker #0

    J'espère que non. Donc je vous reçois pour un de vos meilleurs livres, La nuit sur commande, qui est publié dans la collection Manu au musée aux éditions Stock. Et je trouve ce livre vraiment exceptionnel, drôle, triste, sincère, émouvant. Et bon alors je vous présente d'abord, c'est donc votre 22e livre. et vous êtes romancière mais aussi cinéaste puisque récemment vous avez tourné un documentaire et votre premier roman a été publié en 1990 et c'était l'année où j'ai publié mon premier roman aussi il s'appelait Vue du ciel et dans ce livre il y avait cette phrase je destine ce livre aux anges et à Dieu et ne souhaite à aucun mortel de l'ouvrir accidentellement est-ce que la jeune femme de 30 ans 30 ans, qui écrivait cette phrase il y a plus de 30 ans, est-elle si différente de l'auteur consacré que j'ai en face de moi ?

  • Speaker #1

    Dans le dernier livre, là, j'ai pensé récemment, il y a une figure d'ange, puisqu'il y a quand même, je ne sais pas, au moins deux, trois pages. sur la sculpture de sainte thérèse par le bernin donc oui je dois avoir un truc avec les anges sûrement c'est quelque chose que je ne pensais pas premier livre mais en tout cas oui cette figure elle est là quoi c'est une espèce de Qu'est-ce que c'est un ange ?

  • Speaker #0

    En plus, c'est étrange que vous citiez Sainte Thérèse d'Avila, puisque moi je compare La nuit sur commande avec Prières exaucées de Truman Capote. Et c'était un livre où il tournait en dérision la société mondaine new-yorkaise à laquelle il appartenait. Et d'ailleurs ça lui a valu d'être complètement ensuite fâché, ostracisé et tout. et le titre « Prières exaucées » vient d'une phrase de Sainte Thérèse d'Avila. Ah oui ? Oui, la phrase exacte c'est « Il y a plus de malheur sur terre pour les personnes dont les prières sont exaucées que pour celles qui ne le sont pas. » C'était une phrase assez belle. Et donc, vous avez un point commun. C'est Sainte-Thérèse d'Avila, le point commun avec Truman Capote. Et le livre, ce livre ici, qui est très libre. Vous parlez de vos amis artistes, vous parlez de votre rapport à l'art.

  • Speaker #1

    Mes amis, ils ont des gens qui se sont présentés comme amis. Et j'ai cru que... On croit quand on rencontre des gens. qui vous invitent chez eux que ce sont des amis. Parce que c'est... Inviter des gens chez soi, c'est une preuve d'amitié. C'est un signe d'amitié. Après, c'est un tout petit peu plus compliqué que ça. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Le livre est d'ailleurs vraiment drôle sur ce sujet-là. Mais ce n'est pas la première fois que vous... adopter un ton un peu satirique. Il y avait déjà La Petite Foule, Rendez-vous, vous aviez déjà écrit des livres, justement, pas uniquement à la première personne, mais regardant beaucoup la société. C'est quelque chose que vous aimez faire de temps en temps ?

  • Speaker #1

    Je fais toujours. Parce que même dans les livres comme par exemple Le Voyage dans l'Est, qui n'est pas vraiment un livre drôle, même pas du tout, à partir du moment où on voit les gens en train d'être qui ils sont, en réalité, à leur insu, Eh bien, oui, c'est comique. Il y a quelque chose de très violent. La comédie, c'est violent. Donc, oui, je pense qu'il y a ça.

  • Speaker #0

    Ce livre, c'est une commande, d'où le titre, La nuit sur commande. C'est une éditrice qui s'appelle Alina Gurdiel, qui a créé cette collection magnifique. nuit au musée où elle demande à un écrivain de passer une nuit dans un musée et d'écrire ensuite ou d'écrire pendant cette nuit. Vous avez choisi de passer la nuit à la Bourse de Commerce qui est un musée d'art contemporain à Paris et tout de suite après vous avez aussi choisi de désobéir à la commande.

  • Speaker #1

    Est-ce que j'ai choisi ? Je n'ai pas choisi, je n'ai pas du tout choisis de désobéir ? Parce qu'alors là, pour le coup, ça aurait été une posture, ça aurait été un gag, ça aurait été « tiens, j'ai une bonne idée, je ne vais pas passer la nuit » . Non, je n'ai pas du tout choisi de désobéir à ce principe. Non, pas du tout. Simplement, j'ai fait avec mes possibilités. Mes possibilités, d'abord, c'est d'avoir choisi un lieu qui était près de chez... enfin, qui était à Paris, donc où je pouvais aller quand je voulais. Pas seulement le jour où, ni la nuit où. Et ensuite, j'ai fait avec mes propres possibilités. C'est-à-dire, déjà, on a un corps. Donc, moi, mon corps, il n'arrive pas trop à se coucher tard. Donc, il se réveille très tôt. Donc là, déjà, je suis décalée avec l'idée d'une nuit. dans un musée, je suis d'emblée dans une zone où je ne suis pas à l'aise.

  • Speaker #0

    Vous auriez pu vous coucher tôt à la bourse de commerce et vous réveiller tôt.

  • Speaker #1

    Vous croyez qu'on va... Il y a des gens qui dorment sur un lit de camp... Pas moi.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Non, moi, je ne dors pas sur un lit de camp.

  • Speaker #0

    Richard Malka, il a dormi sur un lit de camp au Panthéon pour la même collection.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez me citer des points communs entre Richard Manpois et moi ? Non ? Non, mais... Non, je pense que les gens sont comme ils sont. Ils font comme ils peuvent. Oui, bonsoir. Et j'ai fait comme j'ai pu. Et puis, en plus, j'étais dans... Je savais que j'avais à écrire. Bon, j'avais déjà écrit un peu des choses avant de venir, tout ça, bien sûr. Sinon, j'aurais jamais... J'ai eu besoin de me rassurer en écrivant beaucoup, quand même, avant de venir. Et après, j'ai fait avec ce que je suis. C'est-à-dire, être là, en train de faire comme si j'étais en train d'admirer admirer. d'une manière complètement posée, alors que pas du tout, j'étais dans une situation d'attention, de travail, pas d'attention forcément aux œuvres, à part quelques moments, notamment quand on regarde le film avec Léonard.

  • Speaker #0

    D'Arthur Jaffa ?

  • Speaker #1

    Ah non, ça c'était pas dans cette expo-là. Arthur Jaffa, c'est une exposition après. Non, de Pierre Huygues. Donc il y a des moments comme ça Mais sinon je suis plutôt dans le truc De me dire ok Il y a à écrire quoi Il y a à écrire après

  • Speaker #0

    Ce qui est très fascinant Je ne peux pas m'abandonner En refusant la contrainte du truc Vous produisez un de vos meilleurs livres C'est ça qui est intéressant C'est que finalement c'était bien d'avoir accepté le pari Puisque ça vous a poussé à écrire Vos mémoires C'est un livre de souvenirs qui part de Châteauroux à votre naissance et qui arrive jusqu'à maintenant. Et donc, c'est quand même, on voit défiler toute votre histoire, l'histoire d'une jeune femme qui va devenir un... un écrivain reconnu, toutes les galères que ça comporte, y compris la tragédie qui vous est arrivée à 13 ans. Et tout ça, tout ça dans un livre beaucoup plus léger que certains qui ont précédé. C'est quelque chose d'assez fou. Et ça me fait penser à ce qu'a écrit Antoine Compagnon. Il vient de publier un livre qui s'appelle Déshonorer le contrat. Vous avez lu celui-ci ?

  • Speaker #1

    Je ne l'ai pas lu, mais je suis au courant, oui.

  • Speaker #0

    Et donc, en fait, dans ce livre, Antoine Compagnon, qui est un grand spécialiste de littérature, qui est d'ailleurs venu dans cette émission, il parle de Roland Barthes. Roland Barthes, toute sa vie, n'a écrit que des commandes. Il n'a écrit que des livres de commandes. Il n'a jamais écrit spontanément, librement, parce qu'il fallait lui demander un truc. Et puis, il écrivait des chefs-d'œuvre. Fragment d'un discours amoureux, c'est une commande. Son livre sur le Japon, sur la photographie, etc.

  • Speaker #1

    Parce que l'identification du sujet, de ce qu'on va faire, ça fait partie de ce qu'il y a de plus difficile, en fait. Donc là, d'une certaine manière, j'étais débarrassée de ça aussi. Et après que j'ai eu à faire, en tout cas ce que j'ai fait, c'est qu'une fois que j'ai été débarrassée, j'étais débarrassée de ça puisque ce n'est pas moi qui suis à l'origine de cette idée. Donc je suis débarrassée de ça. Donc la situation de vide disparaît. d'une certaine manière, qui préexiste toujours avant d'écrire un livre. Avant d'écrire un livre, c'est le vide. Donc là, ça disparaît, mais le vide se réinstalle.

  • Speaker #0

    C'est comme un peu un footballeur qui n'aurait pas de pression. Ça enlève la pression. On dit souvent ça, il y a trop de pression.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'on croit. En réalité, c'est-à-dire que comme il y a un truc déterminé à l'avance, on dit c'est super, ça va être super cool, je vais faire ça vite fait, bien fait, et je vais aller au musée, je vais lui dire ah tiens, ça, ta, ta, ta, bon. Et puis, après ça, je vais écrire ce que j'ai vu. Sauf que moi, je ne sais pas faire ça. Je ne peux pas faire ça. Donc, je me suis quand même retrouvée dans une angoisse, à un moment où rien n'allait, jusqu'au moment... où c'est le mot musée, finalement, qui m'a évoqué. Comment j'ai appris, moi, ce mot musée ? Ce musée, je l'ai appris parce que le musée Bertrand de Châteauroux, la ville dans laquelle je suis née, était situé entre la maison dans laquelle j'habitais et l'école où j'allais à pied. Parce que même à 5 ans, 6 ans, à l'époque, dans les rues du centre de Châteauroux, c'était possible. d'aller à pied pour une enfant.

  • Speaker #0

    Oui, aujourd'hui, je ne pense pas qu'on laisserait une petite fille se balader. Donc, c'est un récit de votre vie, c'est aussi un tableau d'un milieu social. Vous parlez de votre rencontre avec Sophie Kahl, avec... Oui,

  • Speaker #1

    même la rencontre avec mon père est une rencontre sociale, d'une certaine manière. Oui, c'est vrai. En fait. Puisque tout d'un coup, je rencontre quelqu'un d'un milieu social que je ne connais pas. Et qui est nouveau. Et après, oui, en effet.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que vous êtes d'accord si je dis que vous avez deux styles de livres ? Qu'il y a des livres plus internes et des livres plus externes ? C'est-à-dire, par exemple, il y en a qui sont plus personnels et d'autres qui sont des portraits, des observations presque sociologiques.

  • Speaker #1

    Observations, il n'y en a pas beaucoup, à part la petite foule.

  • Speaker #0

    Oui, la petite foule, rendez-vous aussi, un peu, on s'en fout.

  • Speaker #1

    Rendez-vous, rendez-vous, c'est quand même... Là, je suis allée chercher, ce n'est pas le plus confortable pour moi.

  • Speaker #0

    Et celui-ci, j'ai l'impression qu'il a été écrit de manière fluide, qu'il n'a pas été douloureux à écrire. Il y a tout le temps une forme de sourire.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'à partir du moment où je trouve cette situation-là d'aller à l'école, de passer devant le musée et puis ensuite tout ça s'enchaîne, là en effet je suis l'espèce de plaisir de la narration. Il faut quand même le dire qu'il y a un plaisir à ça. et Et donc, j'avance. J'avance tranquillement à partir de là. Mais quand j'arrive là, j'ai galéré quand même pendant deux ans avant à... à ne pas savoir où attraper la chose.

  • Speaker #0

    Vous dites d'ailleurs, pas dans le livre là, mais vous l'avez dit plusieurs fois, écrire n'est pas un travail, c'est un désir, ce n'est pas une activité. Ça, j'aimerais bien que vous développiez cette idée. Est-ce que du coup, quand Alina vous dit, tiens, passe une nuit au musée et écris-moi ça, non, ce n'est pas possible pour vous.

  • Speaker #1

    Oui, mais encore une fois... Je passe mon temps à oublier ce que je sais. Donc, quand il y a cette proposition, je me dis que je vais le faire et que ça va aller. Bien sûr que je vais y arriver. Bon, petite angoisse peut-être, mais voilà. Au contraire, que ça va apporter des solutions. Et puis en fait, je suis tout le temps confrontée à autre chose. Maintenant que le chemin qui a été pris là et qu'on me conseille de prendre et qui est pris par les autres, que j'aimerais bien prendre, eh bien non, je n'arrive pas à le prendre. Oui. Je m'ennuie. Je le prends, mais je m'ennuie. Donc, qui a écrit un livre en s'ennuyant ? Ce n'est pas possible.

  • Speaker #0

    Il y en a beaucoup.

  • Speaker #1

    En s'ennuyant soi-même ?

  • Speaker #0

    Je pense que malheureusement, il y en a qui se forcent. Il y a beaucoup de gens qui se forcent à écrire, mais pas vous. Ça, c'est une qualité, je pense. C'est d'essayer de reconnaître à quel endroit il y a de la vie. Voilà.

  • Speaker #1

    Tout est là. Oui. Ah oui, tout est là.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'au fond, ce que ne dit pas ce livre, peut-être si, peut-être le message du livre, c'est que c'est compliqué d'être à la fois un écrivain et d'avoir une vie sociale ?

  • Speaker #1

    Disons que tout est dans à la fois. À la fois, ce n'est pas compliqué, c'est impossible. Ça n'existe pas. Mais on peut être deux personnes. Je pense que c'est ça. Il n'y a pas 50 solutions. On peut être deux personnes. Je pense que quand on écrit, Enfin moi je sais très bien que celle qui est devant l'ordinateur quelques heures dans une journée n'est pas la même que celle qui est ici. Celle qui est ici, quand même c'est une amie de l'autre. Oui, c'est vraiment une amie. Mais sinon, le reste du temps, il y a une sorte d'oubli. Et puis, c'est bien d'ailleurs d'oublier cette autre chose et une personne autre qui prend le relais quand même, qui est soi aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous vous sentez un peu comme un extraterrestre ? Je veux dire, quand vous arrivez dans ces dîners mondains que vous décrivez, ces réceptions...

  • Speaker #1

    On pourrait parler au passé parce que ça c'est chaud. Plus du tout.

  • Speaker #0

    Et vous racontez tout ça avec beaucoup de drôlerie.

  • Speaker #1

    Extraterrestre, oui, oui. Et la question que je me pose, c'est est-ce que dans un contexte comme ça, je suis la seule extraterrestre ou est-ce que c'est un dîner d'extraterrestres ? Ce n'est pas impossible.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas impossible.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas impossible. Non. Mais en même temps, je pense que pour certains, on peut ne pas être extraterrestre. dans une situation comme celle-là si on a un objectif bien particulier et qu'on est là pour une raison bien précise et surtout qu'on domine la situation. Je pense que celui, celle, ceux qui dominent la situation, parce que comme ce sont des situations hautement sociales, il y a forcément des gens qui les dominent et d'autres qui suivent, d'autres qui ont bien de la chance de pouvoir être assis là, etc., qui considèrent ça comme un privilège. Mais pour tous ces gens-là, c'est un peu difficile. Mais pour ceux qui sont en majesté et dont c'est la fête, alors je pense que là, oui, il peut y avoir un confort et un grand plaisir narcissique, sûrement.

  • Speaker #0

    Il y a Proust qui disait exactement la même chose. Il disait qu'un écrivain, il a son moi social qui est différent du moi qui écrit. Mais Proust était un bourgeois. Proust était plutôt quelqu'un dans le milieu dominant. Il était riche.

  • Speaker #1

    Oui, mais ça n'a rien à voir en fait. Et écrire, ce n'est pas du tout, mais pas du tout, une activité sociale. Et c'est drôle d'ailleurs, parce que justement, c'est aussi un attribut social qui plaît beaucoup. à une certaine classe sociale. Oui,

  • Speaker #0

    c'est ce que vous dites très bien. Les gens vous invitent, ils vous reçoivent, ils sont contents d'avoir Christine Angot à leur table ou en vacances. Ils sont...

  • Speaker #1

    Je pense que vous pouvez être leur amie.

  • Speaker #0

    Mais vous pouvez être leur amie.

  • Speaker #1

    Je peux essayer.

  • Speaker #0

    Sauf qu'après, il y a des livres qui sortent où vous racontez tout et là, c'est un peu plus dur.

  • Speaker #1

    Et après, je suis ennuyée de les faire, ces livres, mais je me dis, on verra après, je ne suis pas obligée de publier. Et puis, je publie. Quand même.

  • Speaker #0

    Voilà. Parce que... Alors, par exemple, il y a des gens qui sont fâchés à la sortie de ce livre ? Je ne sais pas. Vous ne savez pas, d'accord. C'est aussi un livre sur, vous savez, un grand sujet classique des romans français du XIXe siècle, qui est la montée à Paris.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Ça, c'est très balsacien. Bien sûr. Vous êtes née à Châteauroux. vous avez été... Je sais que vous détestez le terme victime. Enfin, vous avez été...

  • Speaker #1

    Non, non, non. Je ne déteste pas du tout le terme. Bien sûr que j'ai été victime d'un inceste. C'est plutôt le dire je suis une victime. C'est ça que je dis.

  • Speaker #0

    Vous avez vécu cette catastrophe.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    C'était dans les années 70.

  • Speaker #1

    Oui, enfin, oui. C'est par là, oui.

  • Speaker #0

    Moi j'ai calculé parce que si c'est de 13 à 16 ans, ça fait 72-76 ans.

  • Speaker #1

    Oui c'est ça, exactement.

  • Speaker #0

    Et donc... Il y a ce malheur qui vous brise, qui vous casse, qui fait que vous n'avez plus de repères. C'est comme que vous êtes devenu un puzzle. Et puis vous montez à Paris, là vous commencez à rencontrer ces gens dans l'art, les éditeurs. Et là vous racontez...

  • Speaker #1

    Il y a des années d'études, de mariage, de pensée qu'un équilibre est une forme de normalité. à condition que ça existe, que je puisse continuer ma vie, que le fait de grandir, de devenir adulte, fait que ce truc-là est passé et je vais faire comme tout le monde. Bon. Et puis, il y a un effondrement.

  • Speaker #0

    Ce qui compte dans les livres, c'est la forme. Vos premiers livres ont un rythme, une énergie, mais on voit la cassure. Les phrases sont hachées, les phrases sont brisées, comme vous. Et puis, d'ailleurs, c'était le test ultime, c'était vos lectures publiques. Quand on vous voyait lire vos textes, on comprenait beaucoup mieux votre forme. Vous savez que Kafka, quand il lisait ses textes, se marrait, il riait, alors que ce n'étaient que des textes horribles. Et vous, quand vous lisiez, c'est fiévreux, c'est saccadé, presque comme du rap. Mais votre forme, elle évolue. Elle est en train de changer, elle est en train de s'apaiser, de ne pas s'adoucir du tout, mais vous n'écrivez plus comme vous écriviez à vos débuts.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'avant, c'était comme si... Pendant longtemps, c'est comme si, même sur le livre qui s'appelle L'inceste, surtout celui-là d'ailleurs, c'était comme si la narratrice, c'était le personnage. Le personnage qui est dans un certain état. Et qui, tout d'un coup... Par exemple, dans L'inceste, c'est la colère. Oui. Voilà. Il y a la colère qui s'exprime. Et puis, plus tard... qui est, je ne sais pas avec quel livre ça a commencé, peut-être avec Rendez-vous, justement. Et c'est... Ah non, parce que la colère, c'est intéressant, mais c'est intéressant. Ça permet de montrer l'état humain, un état humain. Donc ça, c'est quand même intéressant. Et dans quel état se retrouvent les gens ? Mais si on veut... Hum... Faire une sorte de panorama, une sorte de film des choses, si on veut juste montrer une sorte de plan large. Alors à ce moment-là, il vaut mieux être très calme dans des phrases bien ponctuées, avec un rythme posé, et où les situations pourront...

  • Speaker #0

    aussi existé mais voilà oui mais ça se sent beaucoup vous abordez aussi un autre sujet tabou qui est l'argent des écrivains les écrivains dans leur est grande majorité majorité sont tous pauvres, à quelques exceptions près, qui d'ailleurs sont peut-être pas des écrivains. Cette liberté qui est la vôtre, elle est difficile. Il faut résister à la corruption, au compromis, et j'aimerais bien que vous nous lisiez un passage du livre. Alors attention, je précise que ce n'est pas une commande, c'est une suggestion. Sinon ça va se passer. À partir du trait,

  • Speaker #1

    je... Jusqu'où ?

  • Speaker #0

    Eh bien,

  • Speaker #1

    j'ai... Ah oui d'accord.

  • Speaker #0

    Alors...

  • Speaker #1

    Ah oui d'accord.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    L'argent tenait une place beaucoup plus importante dans leur milieu que dans celui des écrivains. On vous présentait quelqu'un en mentionnant la maison sublime qu'il possédait quelque part, comme si c'était une qualité personnelle et que le critère économique n'existait pas. Le visage du propriétaire irradiait avec un mélange de fierté, de gratitude et de timidité d'être complimenté sur son goût et son œil par un artiste reconnu. Il faut que tu vois ça, il faut que tu viennes. ou à propos de quelqu'un qui a été qui venait d'acquérir un immeuble dans le 8e, il aime l'immobilier. Les montants que touchaient les artistes qui gravitaient autour de Sophie n'avaient rien à voir avec mes revenus ni avec ceux des écrivains que je connaissais. Certains vivaient de leurs livres, pas dans les mêmes proportions. Je côtoyais Camille Laurence, Mathieu Lindon, Emmanuel Carrère et les auteurs que je croisais chez Stock, qui était à l'époque ma maison d'édition. Certains d'entre eux avaient eu un prix, un succès de librairie ou percevaient un salaire de l'éducation nationale. Aucun ne vivait dans l'opulence. À moins d'avoir une autre source de revenus comme de l'argent de famille. J'avais vécu sur le salaire de Claude pendant 18 ans, dont 7 sans être publié. Quand je l'avais été, je n'avais rien gagné pendant 10 ans. Un an après la publication de mon premier roman, j'avais reçu une lettre de Gallimard et monté l'escalier le cœur battant pour la décacheter dans l'appartement. La somme était tellement faible que j'en avais pleuré. Donc, pour moi... Écrire, c'est quelque chose qu'on fait sans raison, quelles que soient les circonstances. sans autre engagement que le sien, écrire vraiment.

  • Speaker #0

    C'est important de dire ça, parce que c'est quelque chose que les gens ne savent pas forcément. La manière dont... Les écrivains n'ont aucune sécurité de l'emploi, ils n'ont aucune... Enfin, très peu de subventions. Et quand vous arrivez à Paris et que vous côtoyez ces artistes contemporains qui gagnent très bien leur vie, vous êtes hallucinés.

  • Speaker #1

    Ben, j'étais un peu préparée à ça, mais comment dire... C'est-à-dire que oui, qu'il y a des... Disons que... Il y a les artistes, écrivains, enfin bon tout ça, tout ça est ami, tout ça est ensemble, etc. Les artistes peuvent avoir besoin. des écrivains parce qu'ils écrivent un texte, donc ils sont un peu aussi à leur service peut-être, mais en même temps, ils ont énormément de respect pour ces gens-là qu'on appelle les écrivains. Il y a les gens qui font du cinéma, il y a tout un tas de choses. Et concernant les artistes, il ne faudrait évidemment pas laisser penser que tous les artistes gagnent beaucoup d'argent, parce que c'est archi faux.

  • Speaker #0

    Archi faux.

  • Speaker #1

    mais Mais disons que quand un artiste gagne de l'argent, il peut vraiment gagner beaucoup d'argent, beaucoup. Et tout d'un coup, vous, vous êtes là avec exactement le même, entre guillemets, prestige de celui qui est dans ce qu'on appelle l'art ou la littérature, enfin, toutes ces choses très élevées. la question de l'argent n'a pas disparu pour autant. C'est ça qu'on voit. C'est-à-dire, ce n'est pas parce qu'on est au niveau, dans le domaine de l'art et de la littérature, que tout d'un coup, toutes les questions matérielles ont disparu. Non seulement elles n'ont pas disparu, mais elles introduisent des niveaux. Oui. Voilà. Des niveaux, il y a ceux qui ont certaines possibilités et d'autres qui n'ont pas ces possibilités. Mais, et c'est très bien. Je cherche juste à ce que ce soit écrit.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je ne cherche pas à ce que ça change.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que je vous compare à Truman Capote dans Prières exaucées, parce que quand il fréquentait, il était invité chez des riches femmes new-yorkaises de la haute société. Un jour, il a eu besoin d'écrire sa différence, en fait. Et à ce moment-là, il a été banni, ostracisé et tout ça. Bon, il s'en foutait, peut-être. Ce n'était pas très grave.

  • Speaker #1

    Après, il y a un truc quand même qui est marrant. C'est qu'on voit dans une scène du livre, là, en particulier, c'est-à-dire, c'est les gens qui pensent qu'ils peuvent vous acheter. Parce qu'en fait, on peut acheter beaucoup de gens. Beaucoup. Il y a beaucoup de gens qui sont... Ce qu'ils écrivent peut être à vendre, enfin, voilà. Et donc, le service, la question du service, de rendre service, est très courante dans ces sociétés élevées. Elles ne se présentent pas forcément en tant que telles, et pourtant...

  • Speaker #0

    Oui, c'est très hypocrite, en fait. Vous êtes reçu en vacances chez des gens, et peut-être... de temps après, on vous demande d'écrire un texte pour un magazine sur la dame, la femme du propriétaire ou je ne sais plus quoi.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'elle écrit. Parce qu'ils écrivent tous. Parce que écrire, c'est quand même quelque chose que n'importe qui peut faire. Oui. Il faut quand même le redire.

  • Speaker #0

    Gombrowicz dit écrire est très difficile parce que c'est très facile. Mais... Ce n'est pas forcément des livres qu'ils écrivent. Je pense que c'est ça la différence. Ils écrivent, oui, mais ce ne sont pas des livres. Il faudrait trouver un autre mot.

  • Speaker #1

    Oui, ou alors des livres, mais peut-être pas de la littérature.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. 20 ans avant MeToo, il fallait un sacré courage pour oser raconter l'inceste. C'était en 1999. Je voulais savoir comment vous avez reçu les publications des récits. de Neige Cinaud, de Camille Kouchner, qui sont un peu vos héritières. Vous avez, si je puis dire, pavé la route pour beaucoup de confessions intimes qui ont été des déflagrations, comme l'a été l'inceste à sa publication. Est-ce que vous êtes fier d'avoir permis l'éclosion de cette parole ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce n'est pas du tout moi qui ai permis l'éclosion de cette parole. Je pense que l'éclosion de cette parole, c'est MeToo, à partir de 2017, qui l'a permise. Je pense que moi, si on avait dû compter sur moi pour qu'il y ait une modification de l'âge du consentement, de ce genre de choses, ou de la loi, on aurait pu attendre longtemps. jamais Macron et son ministre de la justice de l'année, où Camille Kouchner sort son livre, jamais ils auraient dit « Oui, on a lu Christine Angot, etc. Il faut absolument qu'on change. Il faut absolument qu'on fasse un truc sur le viol sur mineurs. » Au passage, ils ont mélangé le viol sur mineurs et l'inceste. Passons. Bon, passons.

  • Speaker #0

    Ils l'ont fait parce que c'était le livre de Camille Kouchner et qu'il était ce qu'il était et qu'il a pu entraîner ça.

  • Speaker #1

    Oui, mais ce délai, 1999, Me Too c'est 2017, il s'est passé 18 années où vous, vous aviez déjà tout dit, vous aviez déjà exprimé cette parole-là.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce que j'avais dit quoi que ce soit ? J'avais écrit, ce n'est pas tout à fait la même chose. Le truc avec l'écriture, c'est que c'est écrit mais c'est pas dit. Indortuellement, c'est pas dit, on peut faire comme si ça n'existait pas. Ça rentre pas dans le social de la même façon.

  • Speaker #1

    Non, mais est-ce que vous avez, quand c'est arrivé, quand la société a enfin pris en compte cette souffrance, est-ce que ça vous a soulagé ou est-ce que vous vous êtes dit,

  • Speaker #0

    c'est trop tard ? Trop tard ?

  • Speaker #1

    Non, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Non, trop tard de quoi ?

  • Speaker #1

    Non, mais ils auraient pu réagir plus tôt.

  • Speaker #0

    Ah, mais non ! Mais non ! Non, non, je ne me suis pas dit ça. Je me suis dit, bon, OK, c'est bien, mais maintenant, il va falloir préciser. Je me suis dit, il faut préciser. Moi, j'étais en train de faire le voyage dans l'Est au moment où c'est sorti, au moment où le livre de Camille Kouchner est sorti. J'étais en train de faire le voyage dans l'Est. Et peut-être que, en fait, ce qui s'est passé, c'est que peut-être je me suis... exprimé à la radio par exemple de manière en tant que moi pas seulement en tant que l'écrivaine qui a écrit ci et ça je me suis exprimé j'ai pris le risque oui je le considère comme un risque et parfois ça m'a été pénible d'ailleurs de oui de parler comme un témoin de quelque chose ça vous Vous avez toujours détesté les témoignages.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    je déteste, je n'aime pas ça. J'évite de le faire, mais il y a des moments où j'ai essayé, j'ai accepté de rejoindre ça, toujours avec un inconfort, parce que fondamentalement... J'ai des doutes sur tout ça, même quand on voit la loi qu'ils ont essayé de remettre, de corriger. Il y a un truc qui ne va pas, mais peu importe, je ne vais pas parler de ça ici.

  • Speaker #1

    Vous dites dans l'inceste.

  • Speaker #0

    Je n'ai pas confiance en réalité. Je n'ai confiance que dans la littérature. Donc quand on en sort et que ça permet des choses, tant mieux. C'est bien, c'est bien.

  • Speaker #1

    Non mais je veux lire cette phrase. de vous dans l'inceste, ce livre va être pris comme une merde de témoignage. C'est exactement ce qui s'est passé quand le livre est sorti. On vous en a parlé plus comme un témoignage, peut-être sans comprendre que c'était aussi une musique de la révolte, de la colère, comme vous l'avez dit.

  • Speaker #0

    Oui, mais voilà, très important. Qu'est-ce que ça veut dire, être pris comme une merde de témoignage ? Ça veut dire deux choses. Ça veut dire comme une merde. Ça veut dire témoignage. Ça veut dire c'est pas... écrit ça veut dire c'est pas on n'est pas dans la littérature et donc c'est aussi un témoin c'est c'est rien quoi c'est c'est celui qui a vu un truc et c'est celui qui a vu un truc voilà il va dire parce que lui il avait un truc m'attendait mais moi c'est pas du tout ça que je fais je sais pas j'ai pas dit j'ai vu un truc j'ai pas dit mais arrivé ça non c'est pas ça moi ce que je j'ambitionnais et que j'ambitionne toujours, c'est c'est pas de dire j'ai vécu ci, j'ai vécu ça. C'est encore une fois de montrer le tableau dans l'ensemble. Je l'ai fait pour faire entrer ces histoires-là dans la littérature. Ces histoires de viol, ça. Les faire entrer dans la littérature. Voilà pourquoi je l'ai fait. J'ai pas fait pour autre chose. Et donc, si c'est une merde de témoignage, il n'y a pas le tableau.

  • Speaker #1

    Mais c'est même... Enfin, moi, je dirais ça autrement. Je dirais, c'est pas parce qu'on est une victime qu'on a du talent. Ça, c'est peut-être ça que vous... Enfin, moi c'est ce que je dis, moi, je ne vais pas dire ça.

  • Speaker #0

    Mais pourquoi ? Parce qu'il y a des gens qui disent ça ?

  • Speaker #1

    Il y a énormément de livres de victimes, de gens qui racontent des histoires, des traumatismes et tout ça. C'est pas forcément de la littérature à chaque fois.

  • Speaker #0

    Alors, je crois qu'il faut dire les choses autrement. Vous dites, c'est pas parce qu'on est une victime qu'on a du talent. C'est la vérité ? Oui, mais attendez. C'est pas parce qu'on est une victime... qu'on voit le tableau complet et qu'on va décrire le tableau complet, qu'on aura envie de décrire le tableau complet. Et je pense que c'est ça aussi, c'est-à-dire que dire sa douleur, c'est une chose. Dire le monde dans lequel elle se produit, c'en est une autre. Est-ce que c'est pas... Est-ce que ça ne rejoint pas votre question ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Mais moi, ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a toute une littérature de victimisation qui est presque comme si la littérature était considérée comme un médicament ou comme une thérapie. Les gens qui se soignent en écrivant des livres et tout ça. Je respecte ça, mais peut-être que votre projet n'était pas des tout.

  • Speaker #0

    Tu fais dire un truc horrible.

  • Speaker #1

    Moi, je dis un truc horrible.

  • Speaker #0

    Oui, mais vous, on a l'habitude. Alors du coup, on m'avait fait perdre le fil.

  • Speaker #1

    Est-ce que la littérature, c'est un Xanax ? Oui ou non ? Je crois que non.

  • Speaker #0

    Il y a eu toute une époque qui n'existe plus vraiment, enfin qui a muté disons, où il y avait la littérature féminine. Ce qu'on appelait la littérature féminine, avec des... Je ne sais plus, Madeleine Chapsal, Geneviève Dormann, il y avait des femmes qui écrivaient des livres comme ça, c'était la littérature féminine, qui racontait des choses, je ne me souviens pas d'ailleurs, plutôt l'amour. Ça racontait plutôt l'amour. Intéressant, moins intéressant, c'était variable. Et puis... du race, une sorte de littérature féminine aussi, mais appelée littérature à la différence de ses autres femmes. Et cette littérature... d'amour, cette littérature féminine d'amour, j'ai l'impression qu'elle n'existe plus vraiment, ou alors vraiment dans les bas fonds, et qu'aujourd'hui, on ne raconte plus l'amour, on raconte les violences sexuelles. Et je pense que les femmes qui, d'une manière, voilà, c'est un petit peu... Est-ce que ça n'a pas... Est-ce que ça n'a pas muté comme ça ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Mais ça, ce n'est pas horrible de dire ça. Je m'attendais à pire.

  • Speaker #0

    Disons que si, parce que si on dit que du coup, c'est un truc féminin, si ça devient un sujet féminin, en fait, c'est ça le danger. C'est que ça devienne un sujet féminin.

  • Speaker #1

    C'est que la littérature féminine soit réduite à une complainte, une lamentation.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que de la même manière que pendant... qu'il y a 40 ans, les femmes osaient écrire à partir du moment où elles pouvaient parler de sujets féminins, et bien là, peut-être qu'elles osent écrire à partir du moment où elles peuvent parler de douleurs féminines sexuelles.

  • Speaker #1

    Vous préférez qu'on vous dise que vous êtes un écrivain ou une écrivaine ?

  • Speaker #0

    Alors, il y a 15 ans, je préférais qu'on me dise que j'étais un écrivain.

  • Speaker #1

    Ah oui ? Bon,

  • Speaker #0

    maintenant, je préfère qu'on me dise que je suis une écrivaine. Mais oui, parce que ce que je veux, c'est qu'on ne remarque pas le mot. Donc, si aujourd'hui on dit « ah non, moi je suis un écrivain » , ça veut dire que c'est une posture. De la même manière que... Il y a 15 ans, c'était une posture de dire « Attention, moi je suis écrivaine ! » Bon, donc je pense qu'aujourd'hui, le mot « invisible » , parce que je pense que les mots doivent être invisibles,

  • Speaker #1

    Oui, ça a évolué, oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc écrivaine.

  • Speaker #1

    Léonore est dans votre livre, c'est votre fille, et elle est aussi dans votre film d'ailleurs. À chaque fois que vous avez besoin d'incarner l'amour, vous invitez votre fille dans votre œuvre. C'est comme pour montrer, je ne sais pas, moi j'ai un enfant et j'arrive à l'aimer sans lui faire de mal.

  • Speaker #0

    Non, ça n'a rien à voir parce que je pense qu'elle hérite aussi de cette chose-là quand même, celle-là. Elle a aussi à s'en occuper, mais non. Là, par exemple, sur la nuit, au musée, c'est... Je n'ai pas envie d'être toute seule dans ce truc. Vraiment pas du tout. Et être avec elle, ça peut... Ça a plein d'avantages. Elle connaît l'art mieux que moi, c'est le moins qu'on puisse dire. Et puis, ça va nous faire passer un bon moment parce qu'on ne vit plus ensemble. Donc, voilà. Il faut aussi, quand on fait un truc de commande, ça, on ne le dit pas suffisamment, il faut aussi en retirer quelque chose. Pourquoi est-ce qu'on ferait un livre pour quelqu'un si on ne peut rien avoir soi ? Donc, il faut. Parce qu'en fait, quand on fait un livre, on n'a rien pour soi à part le livre.

  • Speaker #1

    Donc... Autant que ce soit agréable.

  • Speaker #0

    Ben oui, il faut quand même avoir des choses pour soi. Donc si on peut dîner au restaurant de la Bourse, par exemple, toutes les deux. on a quelque chose pour soi. C'est pas grand chose.

  • Speaker #1

    Déjà que c'est mal payé, que plus personne ne lit des bouquins, autant qu'il y a un peu de plaisir.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Dans cette émission, je fais un jeu qui s'appelle « Devine tes citations, Christine » . Je vous lis des phrases de vous, tirées de votre œuvre, et vous devez deviner dans quel livre vous avez écrit cette phrase. Exercice de mémoire, très difficile. Quand je plaisais à quelqu'un qui me plaisait et que je me l'avouais, J'étais heureuse, mais tellement impatiente que ça se fasse, je voulais en être sûre trop vite, je faisais tout rater.

  • Speaker #0

    Alors, rendez-vous ? Oui !

  • Speaker #1

    Bravo ! Il y a 22 livres et vous avez trouvé le bon. C'était le livre qui a obtenu le prix de Flore en 2006. Oui, c'est ça, en amour, il ne faut pas se précipiter, c'est ça que vous dites. Est-ce que vous êtes moins exigeante aujourd'hui ou plus ?

  • Speaker #0

    Non, mais là, ce n'est pas tant une question d'exigence, c'est surtout une question d'incapacité, de manque de confiance en soi. tellement important que bon, il vaut mieux que ça rate quoi.

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord. Et là, on voit, c'est intéressant dans cette phrase. Quand je plaisais à quelqu'un qui me plaisait et que je me l'avouais, j'étais heureuse mais tellement impatiente que ça se fasse. Style très classique, mais c'est presque du Labruyère ou je ne sais pas, du Benjamin Constant, vous voyez, l'analyse des sentiments et tout. Et puis la phrase continue, je voulais en être sûr trop vite, je faisais tout rater. Et là... On est chez Marguerite Duras un peu plus, c'est-à-dire qu'il y a trois phrases, une longue, deux courtes. C'était ça aussi votre nouveauté à vous, c'était de mélanger le classique et le contemporain peut-être. Aujourd'hui vous diriez que vous allez plus vers le classique et moins vers l'expérimental ? Ou ça dépend des livres ?

  • Speaker #0

    Alors peut-être ça peut dépendre. des livres peut-être ça peut dépendre des livres on peut pas savoir en fait je peux pas savoir peut pas savoir on verra oui autre phrase de vous alors vous devez deviner dans quel livre vous avez écrit cela vous aviez quel âge ça a

  • Speaker #1

    Ça a duré combien de temps ? De quand à quand ? Interview. Interview, 1995. Je lis jusqu'au bout, parce que c'est que des questions. De quand à quand exactement ? Y a-t-il eu des reprises ? Étiez-vous surprise ? A-t-on des traces ? De quel type ? Là, c'est une rafale de questions terribles. Vous tourniez en dérision les interrogatoires des journalistes qui étaient comme des flics.

  • Speaker #0

    Oui, une journaliste en particulier.

  • Speaker #1

    Mais est-ce que l'écriture autobiographique autorise des compétences comportement inadmissible de la part des journalistes. Et là, je suis désolé, parce que je vous pose plein de questions indiscrètes.

  • Speaker #0

    En tout cas, l'exemple là, qui est dans Rendez-vous, c'était quelque chose que j'ai vécu qui avait été affreux.

  • Speaker #1

    Non, c'est Interview.

  • Speaker #0

    Oui, dans Interview, ça avait été horrible, j'avais vécu ça très très très très mal. Ça avait été affreux, parce que les livres ne se vendaient pas du tout. Du tout, du tout. Je crois que le livre en question ça devait être je ne sais plus, ça devait être Léonore Toujours on en avait vendu 300 je crois, exemplaires et donc j'avais cette invitation à Marie-Claire c'était le seul le seul papier qu'on me proposait et elle avait dit, il faudrait qu'elle parle de ça, etc elle avait dit à l'éditeur qui était l'arpenteur à l'époque Merci. Et j'avais dit, ok, bon. Mais j'avais accepté de parler de la chose elle-même, de l'inceste, mais vraiment, c'était pas comme maintenant, quoi, je veux dire. J'étais, mais c'était une punition, quoi, punition. Elle avait dit, mais je parlerais quand même de littérature et tout ça. J'ai dit, bon, ok. Et donc, je suis allée, et ça a été affreux. Ça a été affreux, ça a été...

  • Speaker #1

    C'était vraiment ces questions-là ? De pan à pan, exactement.

  • Speaker #0

    Vraiment ces questions-là. C'était une journaliste de Marie-Claire qui habitait dans le 5e, qui m'a reçue dans son appartement avec des fauteuils recouverts de tissus damassés et qui s'est autorisée toutes ces sortes de... Enfin, de sortir, alors là, vraiment...

  • Speaker #1

    Des questions très...

  • Speaker #0

    De la littérature. complètement, ne même pas prendre soin d'enchasser sa question dans une phrase du livre. Et ensuite, elle a dit que comme mon père n'était pas mort, ce qui était le cas, Il y avait juste un petit problème, c'est qu'elle ne pouvait pas publier l'entretien avec mon nom.

  • Speaker #1

    Et donc là, vous deveniez vraiment une merde de témoignage. Voilà,

  • Speaker #0

    parce que je m'appelais Ango comme lui. Et donc, ce n'était pas possible. Mais elle me proposait de le publier avec la petite fille anonyme. Même pas Christine, rien. Et puis à côté... Comme j'ai rien fait sur votre livre dans les pages livres, je ferai un truc sur...

  • Speaker #1

    Une petite colonne, un entrefilet.

  • Speaker #0

    Sur Léonore Toujours.

  • Speaker #1

    Ouais. Oui, c'est ultra...

  • Speaker #0

    J'ai dit non. Tout ça pour dire que les gens se permettent des choses avec des gens qui n'ont pas de succès, qui ne vendent pas de livres, d'un côté, et qui en plus ont un truc de victime. qui est mais monstrueux.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que vous avez écrit L'inceste après. Puis c'est quatre ans avant Interview. L'inceste, c'est 99 et Interview, 95. C'est ça. Sans doute, vous avez dit, bon, maintenant j'y vais. C'est moi qui comprends.

  • Speaker #0

    Je ne sais même plus pourquoi. En fait, c'est parce que j'avais à ce moment une histoire avec une femme. Et je me suis... Comme d'habitude, je n'arrivais pas à écrire. Et oui, je me suis embarquée là-dedans.

  • Speaker #1

    Autre phrase. De vous. Quand on parle, c'est un acte. Et donc, ça fait des choses, ça produit des effets, ça agit.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une inceste.

  • Speaker #1

    Quitter la ville.

  • Speaker #0

    Ah, quitter la ville.

  • Speaker #1

    En l'an 2000. Vous voulez dire qu'écrire, ça a des dommages collatéraux ? Mais aujourd'hui, j'ai l'impression que contrairement à l'époque où vous écriviez ça, c'est-à-dire il y a 25 ans, aujourd'hui vous vous fichez de ce qu'on pense de vous. Vous êtes devenue plus forte. Est-ce que je me trompe ?

  • Speaker #0

    Euh... Non, c'est vrai. Est-ce que ça me préoccupe ? occupait à l'époque ? Parce que là, c'était quoi ?

  • Speaker #1

    Écrire, quand on parle, c'est un acte, et donc ça fait des choses, ça produit des effets, ça agit, c'est sûr.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai l'impression que ça ne m'amuse pas forcément, mais oui, je crois que j'ai compris que c'était comme ça, qu'on était seul, et puis que ça allait, quoi. C'est pas grave.

  • Speaker #1

    On passe maintenant à vos conseils de lecture d'une grande professionnelle. Vous avez votre antisèche. pense que nos auditeurs ont envie de savoir quels sont les livres qui sont importants pour vous un livre qui vous donne envie de pleurer alors j'ai mis Le métier de vivre de Parisais parce que voilà quand

  • Speaker #0

    même Le métier de vivre déjà c'est un très beau titre et puis en plus quand on tourne la dernière page on sait puisque c'est le projet qu'il fait à un moment du livre un désespoir amoureux plusieurs désespoirs amoureux qui sont enchaîne et un moment il décide de se suicider. Et à la dernière page du livre il dit, bon ben voilà, c'est décidé, je vais le faire, je le fais demain. Et donc nous qui lisons, on sait qu'on lit la dernière page de quelqu'un qui s'est suicidé le lendemain.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui vous a traversé l'esprit, l'âme parfois ? Jamais. Non,

  • Speaker #0

    beaucoup. dit comme ça en colère, mais ça, comme tout le monde.

  • Speaker #1

    Surtout quand on a un enfant. Je crois peut-être que ça retient au dernier moment.

  • Speaker #0

    Non, mais même. Oui, mais dans les moments de colère, je pense que je vais me foutre en l'air, machin. C'est rien. Tout le monde dit ça et tout le monde peut le dire. Tout le monde peut le dire.

  • Speaker #1

    C'est même sain de le dire, d'ailleurs.

  • Speaker #0

    En tout cas, ça fait un projet. Voilà. Mais sérieusement, non.

  • Speaker #1

    Un livre pour arrêter de pleurer après avoir lu Pavézé ?

  • Speaker #0

    Alors, je crois, je dirais, même si c'est un peu compliqué, mais peut-être celui qu'on... qu'on essaye d'écrire, je dirais.

  • Speaker #1

    Ah oui.

  • Speaker #0

    Peut-être celui qu'on essaye d'écrire.

  • Speaker #1

    Quand vous écrivez, c'est pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #0

    Ou pour commencer à pleurer. En tout cas, c'est beaucoup lié à la question de quelque chose qui n'est pas résolu, qui ne va pas. Mais comment on peut dire les choses comme ça ? Mais pas du tout, il faudrait les dire autrement. Oui. Voilà. Alors après, je ne sais pas si ça répond bien à la question. Oui, oui.

  • Speaker #1

    Vous écrivez pour clarifier. Ah oui. C'est bien.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    Eh bien, c'est gênant, mais j'ai mis Ulysse de Joyce.

  • Speaker #1

    C'est le choix de beaucoup de mes invités.

  • Speaker #0

    Oui. C'est-à-dire qu'on est dans un truc... Il y a d'autres livres où on peut s'ennuyer sans admirer. Bon. Là, il y a une sorte d'admiration. Parce qu'on s'aperçoit quand même de ce qu'on lit et on voit bien qu'il y a quelque chose qui existe fortement, qui est admirable et qui a une grande liberté. Mais voilà.

  • Speaker #1

    Ça vous tombe des mains.

  • Speaker #0

    Ça ne me tombe pas des mains parce que moi, en fait, quand je m'ennuie, à un moment, j'arrête. J'arrête, je recommence, j'arrête, je recommence. Mais quand même, sur des livres qui sont parfois un peu difficiles, vous arrêtez, vous recommencez. Puis à un moment, vous montez dans le train. Et là, je monte dans le train, mais je m'arrête au tiers du voyage. Mais je reprends aussi sur la toute fin le monologue.

  • Speaker #1

    Le monologue de Monnie Bloom, oui, bien sûr. Un livre pour crâner dans la rue. Est-ce que Christine Angot vous crânait dans la rue ?

  • Speaker #0

    Alors, pas suffisamment, je pense. Mais disons que je pense, en tout cas j'ai souvent remarqué que... Un livre qui est assez efficace, en tout cas quand on le voit soi-même, comme ça, c'est Proust en folio. Parce que sinon, ça fait genre une pause, donc c'est pas possible. Donc en folio, c'est-à-dire naturel. D'accord. Et si possible... Pas du côté de Chessoine, mais au moins côté de Garmente.

  • Speaker #1

    Un livre qui rend intelligent, c'est peut-être le même.

  • Speaker #0

    Je pense sûrement justement à un livre de Barthes, peut-être l'écriture du roman. Moi, je me souviens quand j'avais ouvert l'écriture du roman, tout d'un coup,

  • Speaker #1

    waouh ! Très, très, très brillant. Et il écrivait toujours sur commande. Lui, un livre pour séduire.

  • Speaker #0

    Bon, là, je ne sais pas pourquoi, mais c'est le livre qui m'est venu. C'est Gatsby le Magnifique.

  • Speaker #1

    Ah bon, ça alors ?

  • Speaker #0

    Gatsby, oui.

  • Speaker #1

    Draguer avec Gatsby le Magnifique.

  • Speaker #0

    Moi, je ne drague pas, évidemment. Mais non, mais parce que Gatsby, d'abord, c'est Fitzgerald. donc je ne sais pas tout Tout est... Je ne sais pas comment dire. C'est le livre que tout le monde a envie de... Qu'on peut partager, que tout le monde a envie de lire, que tout le monde est heureux d'avoir lu, que tout le monde a envie de relire.

  • Speaker #1

    C'est drôlement... Je n'imaginais pas du tout fan de Fitzgerald. Je suis bête, j'ai un cliché dans la tête, j'ai des préjugés.

  • Speaker #0

    Comment ne pas ?

  • Speaker #1

    Non, mais c'est un scoop que Christine Angot aime. Je m'en réjouis. Un livre que je regrette d'avoir lu.

  • Speaker #0

    Je ne l'ai pas, moi, celui-là.

  • Speaker #1

    Non ?

  • Speaker #0

    Non, mais parce que je sais pourquoi je ne l'ai pas. Parce que je l'ai vu, cette question, en effet. Je me suis dit, si je regrette de l'avoir lu, je ne le lis pas. Donc, non.

  • Speaker #1

    On peut, par exemple, je ne sais pas, Mein Kampf. On peut regretter d'avoir lu Mein Kampf. Oui,

  • Speaker #0

    mais on peut aussi ne pas le lire.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait, on peut. Heureusement. Un livre que je fais semblant d'avoir fini. Peut-être que ça, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Et pourquoi je ne l'ai pas noté non plus, le suivant ? Non, je ne l'ai pas noté non plus.

  • Speaker #1

    Non, mais de toute façon, vous n'aimez pas les commandes.

  • Speaker #0

    Non, mais je ne l'ai pas noté. le fait que j'ai pas dû trouver c'est pour ça le livre que j'aurais aimé écrire ça c'est la princesse de Clèbe ah tiens vous voyez il est classique pour moi il n'y a rien de plus beau c'est quand même le plus grand râteau de l'histoire de la littérature ah oui bien sûr oui il y a ça aussi bien sûr et ça vous trouvez que ce qui est beau c'est qu'une femme résiste à la tentation c'est pas ça c'est que justement il y a toute cette tragédie à la fois sociale et amoureuse qui se déroule. Mais l'attention, tout ça est certi dans une phrase qui est d'une beauté, mais d'une élégance, d'un équilibre, d'une précision. Tout ça se déploie là-dedans. Et je trouve ça incroyable. Incroyable de beauté.

  • Speaker #1

    Voilà, pour l'air. Alors, pour les gens qui croyaient que Christine Angot était un auteur d'avant-garde, expérimental, elle aime Gatsby le Magnifique, elle aime La princesse de Clèves. Vous êtes un auteur, en fait,

  • Speaker #0

    classique. Oui, bah écoutez.

  • Speaker #1

    Je vous embarque dans ma vieillesse. Quel est le pire livre que vous ayez jamais lu ? Vous allez encore me dire, mais non, pourquoi lire le pire ?

  • Speaker #0

    Non, alors là, justement, c'est un livre que j'ai lu. Et c'est La question de Henri Allag.

  • Speaker #1

    Ah oui, sur la torture en Algérie.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est vraiment, au sens propre, le pire livre que j'ai lu.

  • Speaker #1

    Oui, c'est insoutenable.

  • Speaker #0

    Insoutenable, au point de... Mais on doit le lire, parce que nous, ce qu'on nous demande, c'est de le lire. Ce n'est pas d'être dans la situation. Donc, on peut et on doit au moins le lire. Et donc, je l'ai lu en entier. Évidemment. Mais je pense que c'est le pire livre que j'ai jamais lu. C'est-à-dire, en tout cas, c'est la pire lecture que j'ai jamais éprouvée. En même temps, je ne pourrais même pas ça appeler de l'admiration, parce que le livre est d'une vérité, c'est très très beau, c'est magnifique de vérité. Mais c'est... Tellement difficile à... Enfin c'est... C'est...

  • Speaker #1

    Peut-être qu'on devrait... Peut-être qu'on devrait presque le faire lire dans les écoles, pas trop tôt, mais... Pour comprendre la tension qu'il y a entre la France et l'Algérie. Et c'est sûrement un livre important, de même qu'il faut voir Shoah les 8 heures jusqu'au bout. Voilà.

  • Speaker #0

    Sauf que Shoah, on a 9 heures pour être dans... Il y a Lanzmann, il est quand même un personnage aussi.

  • Speaker #1

    C'est moins dur.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas pareil. Il y a des gens, on voit les gens. La littérature c'est plus dur que le cinéma cinéma, beaucoup plus dur. Il n'y a pas de visage, il n'y a rien à regarder. On ne peut pas rigoler, quoi.

  • Speaker #1

    On peut rigoler en regardant Ausha.

  • Speaker #0

    Non, mais quand même.

  • Speaker #1

    Oui, je vois très bien ce que vous voulez dire.

  • Speaker #0

    Il y a des arbres, il y a du vent dans les arbres. Il y a plein de choses. Il y a la vie, quand même.

  • Speaker #1

    Et le livre que vous lisez en ce moment ? Christine Angot, je rappelle que vous êtes membre de l'Académie Goncourt, donc vous êtes censée lire tout ce qui sort.

  • Speaker #0

    J'ai... repris, là, ça fait un moment que je l'ai lu, il y a longtemps, et là, j'ai repris l'essai sur la fatigue de Peter Hank.

  • Speaker #1

    Oui ?

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    C'est très bien, Peter Hank. Je l'ai eu dans mon émission, j'étais très très heureux de le recevoir. On va conclure, mais depuis une heure. Je crois que j'essaie de vous faire dire une chose, que vous allez mieux, que vous allez mieux. J'essaie de vous faire dire ça. Alors je vous pose la question, est-ce que vous êtes heureuse ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je suis dans ma vie, je ne suis pas dans la vie de quelqu'un d'autre. Je pense que c'est une bonne chose.

  • Speaker #1

    Est-ce que ce n'est pas parce que vous avez rencontré la bonne personne aussi ? Quelqu'un qui vous comprend ? Est-ce que ce n'est pas...

  • Speaker #0

    C'est sûr que ça fait partie de... ça fait partie de l'équilibre c'est quand même cette question là est quand même importante en tout cas elle l'a été pour moi elle l'est quand même de savoir qu'il y a quelque chose

  • Speaker #1

    qui a quelqu'un qui est là quoi ouais c'est important merci infiniment christine angot d'être venu et puis c'était un plaisir alors je dois remercier l'équipe du figaro télé qui qui sont qui sont qui sont qui cette émission ne serait pas capté ne serait pas n'existerait pas Et puis, alors il y a plein d'horaires importants, ça passe sur le Figaro Télé notamment le samedi à 22h et j'aime bien l'horaire du mercredi 23h, je vous le recommande. Et tout le temps sur Youtube, la version longue, abonnez-vous à la chaîne Youtube aussi. Et puis je suis sponsorisé, alors je le dis, cette chemise là, c'est mon sponsor, c'est Figaré. Ben oui, les écrivains ils rament, comme vous le dites dans votre livre, ils galèrent, donc on a besoin... d'être soutenu pour pouvoir continuer cette émission. Merci infiniment. Et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous allez mourir idiot, et ce sera la fin des haricots.

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Description

Christine Angot et moi, c'est une longue histoire. Nous avons publié nos premiers romans en même temps. Je crois qu'elle m'a eu à l'usure. Comme nous avons galéré durant les années 1990 ! Je ne comprenais pas son écriture hachée et redondante, je l'ai écrit, elle m'a répondu... La vie littéraire n'est pas un long fleuve tranquille. On se retrouve à soixante ans pour faire la paix. Le général de Gaulle s'est trompé : la vieillesse n'est pas un naufrage, c'est la terre promise.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir et bonsoir aussi à toi qui me regardes. Ce soir est un grand soir puisque c'est le soir de la réconciliation entre moi-même et Christine Angot. Je suis très heureux de vous recevoir.

  • Speaker #1

    Tu n'as jamais été fâché ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Pas ouvertement ?

  • Speaker #0

    Non. J'ai peut-être pu écrire des choses qui n'étaient pas très sympathiques, pas très favorables dans ma jeunesse.

  • Speaker #1

    Est-ce que je les ai lus.

  • Speaker #0

    J'espère que non. Donc je vous reçois pour un de vos meilleurs livres, La nuit sur commande, qui est publié dans la collection Manu au musée aux éditions Stock. Et je trouve ce livre vraiment exceptionnel, drôle, triste, sincère, émouvant. Et bon alors je vous présente d'abord, c'est donc votre 22e livre. et vous êtes romancière mais aussi cinéaste puisque récemment vous avez tourné un documentaire et votre premier roman a été publié en 1990 et c'était l'année où j'ai publié mon premier roman aussi il s'appelait Vue du ciel et dans ce livre il y avait cette phrase je destine ce livre aux anges et à Dieu et ne souhaite à aucun mortel de l'ouvrir accidentellement est-ce que la jeune femme de 30 ans 30 ans, qui écrivait cette phrase il y a plus de 30 ans, est-elle si différente de l'auteur consacré que j'ai en face de moi ?

  • Speaker #1

    Dans le dernier livre, là, j'ai pensé récemment, il y a une figure d'ange, puisqu'il y a quand même, je ne sais pas, au moins deux, trois pages. sur la sculpture de sainte thérèse par le bernin donc oui je dois avoir un truc avec les anges sûrement c'est quelque chose que je ne pensais pas premier livre mais en tout cas oui cette figure elle est là quoi c'est une espèce de Qu'est-ce que c'est un ange ?

  • Speaker #0

    En plus, c'est étrange que vous citiez Sainte Thérèse d'Avila, puisque moi je compare La nuit sur commande avec Prières exaucées de Truman Capote. Et c'était un livre où il tournait en dérision la société mondaine new-yorkaise à laquelle il appartenait. Et d'ailleurs ça lui a valu d'être complètement ensuite fâché, ostracisé et tout. et le titre « Prières exaucées » vient d'une phrase de Sainte Thérèse d'Avila. Ah oui ? Oui, la phrase exacte c'est « Il y a plus de malheur sur terre pour les personnes dont les prières sont exaucées que pour celles qui ne le sont pas. » C'était une phrase assez belle. Et donc, vous avez un point commun. C'est Sainte-Thérèse d'Avila, le point commun avec Truman Capote. Et le livre, ce livre ici, qui est très libre. Vous parlez de vos amis artistes, vous parlez de votre rapport à l'art.

  • Speaker #1

    Mes amis, ils ont des gens qui se sont présentés comme amis. Et j'ai cru que... On croit quand on rencontre des gens. qui vous invitent chez eux que ce sont des amis. Parce que c'est... Inviter des gens chez soi, c'est une preuve d'amitié. C'est un signe d'amitié. Après, c'est un tout petit peu plus compliqué que ça. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Le livre est d'ailleurs vraiment drôle sur ce sujet-là. Mais ce n'est pas la première fois que vous... adopter un ton un peu satirique. Il y avait déjà La Petite Foule, Rendez-vous, vous aviez déjà écrit des livres, justement, pas uniquement à la première personne, mais regardant beaucoup la société. C'est quelque chose que vous aimez faire de temps en temps ?

  • Speaker #1

    Je fais toujours. Parce que même dans les livres comme par exemple Le Voyage dans l'Est, qui n'est pas vraiment un livre drôle, même pas du tout, à partir du moment où on voit les gens en train d'être qui ils sont, en réalité, à leur insu, Eh bien, oui, c'est comique. Il y a quelque chose de très violent. La comédie, c'est violent. Donc, oui, je pense qu'il y a ça.

  • Speaker #0

    Ce livre, c'est une commande, d'où le titre, La nuit sur commande. C'est une éditrice qui s'appelle Alina Gurdiel, qui a créé cette collection magnifique. nuit au musée où elle demande à un écrivain de passer une nuit dans un musée et d'écrire ensuite ou d'écrire pendant cette nuit. Vous avez choisi de passer la nuit à la Bourse de Commerce qui est un musée d'art contemporain à Paris et tout de suite après vous avez aussi choisi de désobéir à la commande.

  • Speaker #1

    Est-ce que j'ai choisi ? Je n'ai pas choisi, je n'ai pas du tout choisis de désobéir ? Parce qu'alors là, pour le coup, ça aurait été une posture, ça aurait été un gag, ça aurait été « tiens, j'ai une bonne idée, je ne vais pas passer la nuit » . Non, je n'ai pas du tout choisi de désobéir à ce principe. Non, pas du tout. Simplement, j'ai fait avec mes possibilités. Mes possibilités, d'abord, c'est d'avoir choisi un lieu qui était près de chez... enfin, qui était à Paris, donc où je pouvais aller quand je voulais. Pas seulement le jour où, ni la nuit où. Et ensuite, j'ai fait avec mes propres possibilités. C'est-à-dire, déjà, on a un corps. Donc, moi, mon corps, il n'arrive pas trop à se coucher tard. Donc, il se réveille très tôt. Donc là, déjà, je suis décalée avec l'idée d'une nuit. dans un musée, je suis d'emblée dans une zone où je ne suis pas à l'aise.

  • Speaker #0

    Vous auriez pu vous coucher tôt à la bourse de commerce et vous réveiller tôt.

  • Speaker #1

    Vous croyez qu'on va... Il y a des gens qui dorment sur un lit de camp... Pas moi.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Non, moi, je ne dors pas sur un lit de camp.

  • Speaker #0

    Richard Malka, il a dormi sur un lit de camp au Panthéon pour la même collection.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez me citer des points communs entre Richard Manpois et moi ? Non ? Non, mais... Non, je pense que les gens sont comme ils sont. Ils font comme ils peuvent. Oui, bonsoir. Et j'ai fait comme j'ai pu. Et puis, en plus, j'étais dans... Je savais que j'avais à écrire. Bon, j'avais déjà écrit un peu des choses avant de venir, tout ça, bien sûr. Sinon, j'aurais jamais... J'ai eu besoin de me rassurer en écrivant beaucoup, quand même, avant de venir. Et après, j'ai fait avec ce que je suis. C'est-à-dire, être là, en train de faire comme si j'étais en train d'admirer admirer. d'une manière complètement posée, alors que pas du tout, j'étais dans une situation d'attention, de travail, pas d'attention forcément aux œuvres, à part quelques moments, notamment quand on regarde le film avec Léonard.

  • Speaker #0

    D'Arthur Jaffa ?

  • Speaker #1

    Ah non, ça c'était pas dans cette expo-là. Arthur Jaffa, c'est une exposition après. Non, de Pierre Huygues. Donc il y a des moments comme ça Mais sinon je suis plutôt dans le truc De me dire ok Il y a à écrire quoi Il y a à écrire après

  • Speaker #0

    Ce qui est très fascinant Je ne peux pas m'abandonner En refusant la contrainte du truc Vous produisez un de vos meilleurs livres C'est ça qui est intéressant C'est que finalement c'était bien d'avoir accepté le pari Puisque ça vous a poussé à écrire Vos mémoires C'est un livre de souvenirs qui part de Châteauroux à votre naissance et qui arrive jusqu'à maintenant. Et donc, c'est quand même, on voit défiler toute votre histoire, l'histoire d'une jeune femme qui va devenir un... un écrivain reconnu, toutes les galères que ça comporte, y compris la tragédie qui vous est arrivée à 13 ans. Et tout ça, tout ça dans un livre beaucoup plus léger que certains qui ont précédé. C'est quelque chose d'assez fou. Et ça me fait penser à ce qu'a écrit Antoine Compagnon. Il vient de publier un livre qui s'appelle Déshonorer le contrat. Vous avez lu celui-ci ?

  • Speaker #1

    Je ne l'ai pas lu, mais je suis au courant, oui.

  • Speaker #0

    Et donc, en fait, dans ce livre, Antoine Compagnon, qui est un grand spécialiste de littérature, qui est d'ailleurs venu dans cette émission, il parle de Roland Barthes. Roland Barthes, toute sa vie, n'a écrit que des commandes. Il n'a écrit que des livres de commandes. Il n'a jamais écrit spontanément, librement, parce qu'il fallait lui demander un truc. Et puis, il écrivait des chefs-d'œuvre. Fragment d'un discours amoureux, c'est une commande. Son livre sur le Japon, sur la photographie, etc.

  • Speaker #1

    Parce que l'identification du sujet, de ce qu'on va faire, ça fait partie de ce qu'il y a de plus difficile, en fait. Donc là, d'une certaine manière, j'étais débarrassée de ça aussi. Et après que j'ai eu à faire, en tout cas ce que j'ai fait, c'est qu'une fois que j'ai été débarrassée, j'étais débarrassée de ça puisque ce n'est pas moi qui suis à l'origine de cette idée. Donc je suis débarrassée de ça. Donc la situation de vide disparaît. d'une certaine manière, qui préexiste toujours avant d'écrire un livre. Avant d'écrire un livre, c'est le vide. Donc là, ça disparaît, mais le vide se réinstalle.

  • Speaker #0

    C'est comme un peu un footballeur qui n'aurait pas de pression. Ça enlève la pression. On dit souvent ça, il y a trop de pression.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'on croit. En réalité, c'est-à-dire que comme il y a un truc déterminé à l'avance, on dit c'est super, ça va être super cool, je vais faire ça vite fait, bien fait, et je vais aller au musée, je vais lui dire ah tiens, ça, ta, ta, ta, bon. Et puis, après ça, je vais écrire ce que j'ai vu. Sauf que moi, je ne sais pas faire ça. Je ne peux pas faire ça. Donc, je me suis quand même retrouvée dans une angoisse, à un moment où rien n'allait, jusqu'au moment... où c'est le mot musée, finalement, qui m'a évoqué. Comment j'ai appris, moi, ce mot musée ? Ce musée, je l'ai appris parce que le musée Bertrand de Châteauroux, la ville dans laquelle je suis née, était situé entre la maison dans laquelle j'habitais et l'école où j'allais à pied. Parce que même à 5 ans, 6 ans, à l'époque, dans les rues du centre de Châteauroux, c'était possible. d'aller à pied pour une enfant.

  • Speaker #0

    Oui, aujourd'hui, je ne pense pas qu'on laisserait une petite fille se balader. Donc, c'est un récit de votre vie, c'est aussi un tableau d'un milieu social. Vous parlez de votre rencontre avec Sophie Kahl, avec... Oui,

  • Speaker #1

    même la rencontre avec mon père est une rencontre sociale, d'une certaine manière. Oui, c'est vrai. En fait. Puisque tout d'un coup, je rencontre quelqu'un d'un milieu social que je ne connais pas. Et qui est nouveau. Et après, oui, en effet.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que vous êtes d'accord si je dis que vous avez deux styles de livres ? Qu'il y a des livres plus internes et des livres plus externes ? C'est-à-dire, par exemple, il y en a qui sont plus personnels et d'autres qui sont des portraits, des observations presque sociologiques.

  • Speaker #1

    Observations, il n'y en a pas beaucoup, à part la petite foule.

  • Speaker #0

    Oui, la petite foule, rendez-vous aussi, un peu, on s'en fout.

  • Speaker #1

    Rendez-vous, rendez-vous, c'est quand même... Là, je suis allée chercher, ce n'est pas le plus confortable pour moi.

  • Speaker #0

    Et celui-ci, j'ai l'impression qu'il a été écrit de manière fluide, qu'il n'a pas été douloureux à écrire. Il y a tout le temps une forme de sourire.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'à partir du moment où je trouve cette situation-là d'aller à l'école, de passer devant le musée et puis ensuite tout ça s'enchaîne, là en effet je suis l'espèce de plaisir de la narration. Il faut quand même le dire qu'il y a un plaisir à ça. et Et donc, j'avance. J'avance tranquillement à partir de là. Mais quand j'arrive là, j'ai galéré quand même pendant deux ans avant à... à ne pas savoir où attraper la chose.

  • Speaker #0

    Vous dites d'ailleurs, pas dans le livre là, mais vous l'avez dit plusieurs fois, écrire n'est pas un travail, c'est un désir, ce n'est pas une activité. Ça, j'aimerais bien que vous développiez cette idée. Est-ce que du coup, quand Alina vous dit, tiens, passe une nuit au musée et écris-moi ça, non, ce n'est pas possible pour vous.

  • Speaker #1

    Oui, mais encore une fois... Je passe mon temps à oublier ce que je sais. Donc, quand il y a cette proposition, je me dis que je vais le faire et que ça va aller. Bien sûr que je vais y arriver. Bon, petite angoisse peut-être, mais voilà. Au contraire, que ça va apporter des solutions. Et puis en fait, je suis tout le temps confrontée à autre chose. Maintenant que le chemin qui a été pris là et qu'on me conseille de prendre et qui est pris par les autres, que j'aimerais bien prendre, eh bien non, je n'arrive pas à le prendre. Oui. Je m'ennuie. Je le prends, mais je m'ennuie. Donc, qui a écrit un livre en s'ennuyant ? Ce n'est pas possible.

  • Speaker #0

    Il y en a beaucoup.

  • Speaker #1

    En s'ennuyant soi-même ?

  • Speaker #0

    Je pense que malheureusement, il y en a qui se forcent. Il y a beaucoup de gens qui se forcent à écrire, mais pas vous. Ça, c'est une qualité, je pense. C'est d'essayer de reconnaître à quel endroit il y a de la vie. Voilà.

  • Speaker #1

    Tout est là. Oui. Ah oui, tout est là.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'au fond, ce que ne dit pas ce livre, peut-être si, peut-être le message du livre, c'est que c'est compliqué d'être à la fois un écrivain et d'avoir une vie sociale ?

  • Speaker #1

    Disons que tout est dans à la fois. À la fois, ce n'est pas compliqué, c'est impossible. Ça n'existe pas. Mais on peut être deux personnes. Je pense que c'est ça. Il n'y a pas 50 solutions. On peut être deux personnes. Je pense que quand on écrit, Enfin moi je sais très bien que celle qui est devant l'ordinateur quelques heures dans une journée n'est pas la même que celle qui est ici. Celle qui est ici, quand même c'est une amie de l'autre. Oui, c'est vraiment une amie. Mais sinon, le reste du temps, il y a une sorte d'oubli. Et puis, c'est bien d'ailleurs d'oublier cette autre chose et une personne autre qui prend le relais quand même, qui est soi aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous vous sentez un peu comme un extraterrestre ? Je veux dire, quand vous arrivez dans ces dîners mondains que vous décrivez, ces réceptions...

  • Speaker #1

    On pourrait parler au passé parce que ça c'est chaud. Plus du tout.

  • Speaker #0

    Et vous racontez tout ça avec beaucoup de drôlerie.

  • Speaker #1

    Extraterrestre, oui, oui. Et la question que je me pose, c'est est-ce que dans un contexte comme ça, je suis la seule extraterrestre ou est-ce que c'est un dîner d'extraterrestres ? Ce n'est pas impossible.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas impossible.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas impossible. Non. Mais en même temps, je pense que pour certains, on peut ne pas être extraterrestre. dans une situation comme celle-là si on a un objectif bien particulier et qu'on est là pour une raison bien précise et surtout qu'on domine la situation. Je pense que celui, celle, ceux qui dominent la situation, parce que comme ce sont des situations hautement sociales, il y a forcément des gens qui les dominent et d'autres qui suivent, d'autres qui ont bien de la chance de pouvoir être assis là, etc., qui considèrent ça comme un privilège. Mais pour tous ces gens-là, c'est un peu difficile. Mais pour ceux qui sont en majesté et dont c'est la fête, alors je pense que là, oui, il peut y avoir un confort et un grand plaisir narcissique, sûrement.

  • Speaker #0

    Il y a Proust qui disait exactement la même chose. Il disait qu'un écrivain, il a son moi social qui est différent du moi qui écrit. Mais Proust était un bourgeois. Proust était plutôt quelqu'un dans le milieu dominant. Il était riche.

  • Speaker #1

    Oui, mais ça n'a rien à voir en fait. Et écrire, ce n'est pas du tout, mais pas du tout, une activité sociale. Et c'est drôle d'ailleurs, parce que justement, c'est aussi un attribut social qui plaît beaucoup. à une certaine classe sociale. Oui,

  • Speaker #0

    c'est ce que vous dites très bien. Les gens vous invitent, ils vous reçoivent, ils sont contents d'avoir Christine Angot à leur table ou en vacances. Ils sont...

  • Speaker #1

    Je pense que vous pouvez être leur amie.

  • Speaker #0

    Mais vous pouvez être leur amie.

  • Speaker #1

    Je peux essayer.

  • Speaker #0

    Sauf qu'après, il y a des livres qui sortent où vous racontez tout et là, c'est un peu plus dur.

  • Speaker #1

    Et après, je suis ennuyée de les faire, ces livres, mais je me dis, on verra après, je ne suis pas obligée de publier. Et puis, je publie. Quand même.

  • Speaker #0

    Voilà. Parce que... Alors, par exemple, il y a des gens qui sont fâchés à la sortie de ce livre ? Je ne sais pas. Vous ne savez pas, d'accord. C'est aussi un livre sur, vous savez, un grand sujet classique des romans français du XIXe siècle, qui est la montée à Paris.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Ça, c'est très balsacien. Bien sûr. Vous êtes née à Châteauroux. vous avez été... Je sais que vous détestez le terme victime. Enfin, vous avez été...

  • Speaker #1

    Non, non, non. Je ne déteste pas du tout le terme. Bien sûr que j'ai été victime d'un inceste. C'est plutôt le dire je suis une victime. C'est ça que je dis.

  • Speaker #0

    Vous avez vécu cette catastrophe.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    C'était dans les années 70.

  • Speaker #1

    Oui, enfin, oui. C'est par là, oui.

  • Speaker #0

    Moi j'ai calculé parce que si c'est de 13 à 16 ans, ça fait 72-76 ans.

  • Speaker #1

    Oui c'est ça, exactement.

  • Speaker #0

    Et donc... Il y a ce malheur qui vous brise, qui vous casse, qui fait que vous n'avez plus de repères. C'est comme que vous êtes devenu un puzzle. Et puis vous montez à Paris, là vous commencez à rencontrer ces gens dans l'art, les éditeurs. Et là vous racontez...

  • Speaker #1

    Il y a des années d'études, de mariage, de pensée qu'un équilibre est une forme de normalité. à condition que ça existe, que je puisse continuer ma vie, que le fait de grandir, de devenir adulte, fait que ce truc-là est passé et je vais faire comme tout le monde. Bon. Et puis, il y a un effondrement.

  • Speaker #0

    Ce qui compte dans les livres, c'est la forme. Vos premiers livres ont un rythme, une énergie, mais on voit la cassure. Les phrases sont hachées, les phrases sont brisées, comme vous. Et puis, d'ailleurs, c'était le test ultime, c'était vos lectures publiques. Quand on vous voyait lire vos textes, on comprenait beaucoup mieux votre forme. Vous savez que Kafka, quand il lisait ses textes, se marrait, il riait, alors que ce n'étaient que des textes horribles. Et vous, quand vous lisiez, c'est fiévreux, c'est saccadé, presque comme du rap. Mais votre forme, elle évolue. Elle est en train de changer, elle est en train de s'apaiser, de ne pas s'adoucir du tout, mais vous n'écrivez plus comme vous écriviez à vos débuts.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'avant, c'était comme si... Pendant longtemps, c'est comme si, même sur le livre qui s'appelle L'inceste, surtout celui-là d'ailleurs, c'était comme si la narratrice, c'était le personnage. Le personnage qui est dans un certain état. Et qui, tout d'un coup... Par exemple, dans L'inceste, c'est la colère. Oui. Voilà. Il y a la colère qui s'exprime. Et puis, plus tard... qui est, je ne sais pas avec quel livre ça a commencé, peut-être avec Rendez-vous, justement. Et c'est... Ah non, parce que la colère, c'est intéressant, mais c'est intéressant. Ça permet de montrer l'état humain, un état humain. Donc ça, c'est quand même intéressant. Et dans quel état se retrouvent les gens ? Mais si on veut... Hum... Faire une sorte de panorama, une sorte de film des choses, si on veut juste montrer une sorte de plan large. Alors à ce moment-là, il vaut mieux être très calme dans des phrases bien ponctuées, avec un rythme posé, et où les situations pourront...

  • Speaker #0

    aussi existé mais voilà oui mais ça se sent beaucoup vous abordez aussi un autre sujet tabou qui est l'argent des écrivains les écrivains dans leur est grande majorité majorité sont tous pauvres, à quelques exceptions près, qui d'ailleurs sont peut-être pas des écrivains. Cette liberté qui est la vôtre, elle est difficile. Il faut résister à la corruption, au compromis, et j'aimerais bien que vous nous lisiez un passage du livre. Alors attention, je précise que ce n'est pas une commande, c'est une suggestion. Sinon ça va se passer. À partir du trait,

  • Speaker #1

    je... Jusqu'où ?

  • Speaker #0

    Eh bien,

  • Speaker #1

    j'ai... Ah oui d'accord.

  • Speaker #0

    Alors...

  • Speaker #1

    Ah oui d'accord.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    L'argent tenait une place beaucoup plus importante dans leur milieu que dans celui des écrivains. On vous présentait quelqu'un en mentionnant la maison sublime qu'il possédait quelque part, comme si c'était une qualité personnelle et que le critère économique n'existait pas. Le visage du propriétaire irradiait avec un mélange de fierté, de gratitude et de timidité d'être complimenté sur son goût et son œil par un artiste reconnu. Il faut que tu vois ça, il faut que tu viennes. ou à propos de quelqu'un qui a été qui venait d'acquérir un immeuble dans le 8e, il aime l'immobilier. Les montants que touchaient les artistes qui gravitaient autour de Sophie n'avaient rien à voir avec mes revenus ni avec ceux des écrivains que je connaissais. Certains vivaient de leurs livres, pas dans les mêmes proportions. Je côtoyais Camille Laurence, Mathieu Lindon, Emmanuel Carrère et les auteurs que je croisais chez Stock, qui était à l'époque ma maison d'édition. Certains d'entre eux avaient eu un prix, un succès de librairie ou percevaient un salaire de l'éducation nationale. Aucun ne vivait dans l'opulence. À moins d'avoir une autre source de revenus comme de l'argent de famille. J'avais vécu sur le salaire de Claude pendant 18 ans, dont 7 sans être publié. Quand je l'avais été, je n'avais rien gagné pendant 10 ans. Un an après la publication de mon premier roman, j'avais reçu une lettre de Gallimard et monté l'escalier le cœur battant pour la décacheter dans l'appartement. La somme était tellement faible que j'en avais pleuré. Donc, pour moi... Écrire, c'est quelque chose qu'on fait sans raison, quelles que soient les circonstances. sans autre engagement que le sien, écrire vraiment.

  • Speaker #0

    C'est important de dire ça, parce que c'est quelque chose que les gens ne savent pas forcément. La manière dont... Les écrivains n'ont aucune sécurité de l'emploi, ils n'ont aucune... Enfin, très peu de subventions. Et quand vous arrivez à Paris et que vous côtoyez ces artistes contemporains qui gagnent très bien leur vie, vous êtes hallucinés.

  • Speaker #1

    Ben, j'étais un peu préparée à ça, mais comment dire... C'est-à-dire que oui, qu'il y a des... Disons que... Il y a les artistes, écrivains, enfin bon tout ça, tout ça est ami, tout ça est ensemble, etc. Les artistes peuvent avoir besoin. des écrivains parce qu'ils écrivent un texte, donc ils sont un peu aussi à leur service peut-être, mais en même temps, ils ont énormément de respect pour ces gens-là qu'on appelle les écrivains. Il y a les gens qui font du cinéma, il y a tout un tas de choses. Et concernant les artistes, il ne faudrait évidemment pas laisser penser que tous les artistes gagnent beaucoup d'argent, parce que c'est archi faux.

  • Speaker #0

    Archi faux.

  • Speaker #1

    mais Mais disons que quand un artiste gagne de l'argent, il peut vraiment gagner beaucoup d'argent, beaucoup. Et tout d'un coup, vous, vous êtes là avec exactement le même, entre guillemets, prestige de celui qui est dans ce qu'on appelle l'art ou la littérature, enfin, toutes ces choses très élevées. la question de l'argent n'a pas disparu pour autant. C'est ça qu'on voit. C'est-à-dire, ce n'est pas parce qu'on est au niveau, dans le domaine de l'art et de la littérature, que tout d'un coup, toutes les questions matérielles ont disparu. Non seulement elles n'ont pas disparu, mais elles introduisent des niveaux. Oui. Voilà. Des niveaux, il y a ceux qui ont certaines possibilités et d'autres qui n'ont pas ces possibilités. Mais, et c'est très bien. Je cherche juste à ce que ce soit écrit.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je ne cherche pas à ce que ça change.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que je vous compare à Truman Capote dans Prières exaucées, parce que quand il fréquentait, il était invité chez des riches femmes new-yorkaises de la haute société. Un jour, il a eu besoin d'écrire sa différence, en fait. Et à ce moment-là, il a été banni, ostracisé et tout ça. Bon, il s'en foutait, peut-être. Ce n'était pas très grave.

  • Speaker #1

    Après, il y a un truc quand même qui est marrant. C'est qu'on voit dans une scène du livre, là, en particulier, c'est-à-dire, c'est les gens qui pensent qu'ils peuvent vous acheter. Parce qu'en fait, on peut acheter beaucoup de gens. Beaucoup. Il y a beaucoup de gens qui sont... Ce qu'ils écrivent peut être à vendre, enfin, voilà. Et donc, le service, la question du service, de rendre service, est très courante dans ces sociétés élevées. Elles ne se présentent pas forcément en tant que telles, et pourtant...

  • Speaker #0

    Oui, c'est très hypocrite, en fait. Vous êtes reçu en vacances chez des gens, et peut-être... de temps après, on vous demande d'écrire un texte pour un magazine sur la dame, la femme du propriétaire ou je ne sais plus quoi.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'elle écrit. Parce qu'ils écrivent tous. Parce que écrire, c'est quand même quelque chose que n'importe qui peut faire. Oui. Il faut quand même le redire.

  • Speaker #0

    Gombrowicz dit écrire est très difficile parce que c'est très facile. Mais... Ce n'est pas forcément des livres qu'ils écrivent. Je pense que c'est ça la différence. Ils écrivent, oui, mais ce ne sont pas des livres. Il faudrait trouver un autre mot.

  • Speaker #1

    Oui, ou alors des livres, mais peut-être pas de la littérature.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. 20 ans avant MeToo, il fallait un sacré courage pour oser raconter l'inceste. C'était en 1999. Je voulais savoir comment vous avez reçu les publications des récits. de Neige Cinaud, de Camille Kouchner, qui sont un peu vos héritières. Vous avez, si je puis dire, pavé la route pour beaucoup de confessions intimes qui ont été des déflagrations, comme l'a été l'inceste à sa publication. Est-ce que vous êtes fier d'avoir permis l'éclosion de cette parole ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce n'est pas du tout moi qui ai permis l'éclosion de cette parole. Je pense que l'éclosion de cette parole, c'est MeToo, à partir de 2017, qui l'a permise. Je pense que moi, si on avait dû compter sur moi pour qu'il y ait une modification de l'âge du consentement, de ce genre de choses, ou de la loi, on aurait pu attendre longtemps. jamais Macron et son ministre de la justice de l'année, où Camille Kouchner sort son livre, jamais ils auraient dit « Oui, on a lu Christine Angot, etc. Il faut absolument qu'on change. Il faut absolument qu'on fasse un truc sur le viol sur mineurs. » Au passage, ils ont mélangé le viol sur mineurs et l'inceste. Passons. Bon, passons.

  • Speaker #0

    Ils l'ont fait parce que c'était le livre de Camille Kouchner et qu'il était ce qu'il était et qu'il a pu entraîner ça.

  • Speaker #1

    Oui, mais ce délai, 1999, Me Too c'est 2017, il s'est passé 18 années où vous, vous aviez déjà tout dit, vous aviez déjà exprimé cette parole-là.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce que j'avais dit quoi que ce soit ? J'avais écrit, ce n'est pas tout à fait la même chose. Le truc avec l'écriture, c'est que c'est écrit mais c'est pas dit. Indortuellement, c'est pas dit, on peut faire comme si ça n'existait pas. Ça rentre pas dans le social de la même façon.

  • Speaker #1

    Non, mais est-ce que vous avez, quand c'est arrivé, quand la société a enfin pris en compte cette souffrance, est-ce que ça vous a soulagé ou est-ce que vous vous êtes dit,

  • Speaker #0

    c'est trop tard ? Trop tard ?

  • Speaker #1

    Non, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Non, trop tard de quoi ?

  • Speaker #1

    Non, mais ils auraient pu réagir plus tôt.

  • Speaker #0

    Ah, mais non ! Mais non ! Non, non, je ne me suis pas dit ça. Je me suis dit, bon, OK, c'est bien, mais maintenant, il va falloir préciser. Je me suis dit, il faut préciser. Moi, j'étais en train de faire le voyage dans l'Est au moment où c'est sorti, au moment où le livre de Camille Kouchner est sorti. J'étais en train de faire le voyage dans l'Est. Et peut-être que, en fait, ce qui s'est passé, c'est que peut-être je me suis... exprimé à la radio par exemple de manière en tant que moi pas seulement en tant que l'écrivaine qui a écrit ci et ça je me suis exprimé j'ai pris le risque oui je le considère comme un risque et parfois ça m'a été pénible d'ailleurs de oui de parler comme un témoin de quelque chose ça vous Vous avez toujours détesté les témoignages.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    je déteste, je n'aime pas ça. J'évite de le faire, mais il y a des moments où j'ai essayé, j'ai accepté de rejoindre ça, toujours avec un inconfort, parce que fondamentalement... J'ai des doutes sur tout ça, même quand on voit la loi qu'ils ont essayé de remettre, de corriger. Il y a un truc qui ne va pas, mais peu importe, je ne vais pas parler de ça ici.

  • Speaker #1

    Vous dites dans l'inceste.

  • Speaker #0

    Je n'ai pas confiance en réalité. Je n'ai confiance que dans la littérature. Donc quand on en sort et que ça permet des choses, tant mieux. C'est bien, c'est bien.

  • Speaker #1

    Non mais je veux lire cette phrase. de vous dans l'inceste, ce livre va être pris comme une merde de témoignage. C'est exactement ce qui s'est passé quand le livre est sorti. On vous en a parlé plus comme un témoignage, peut-être sans comprendre que c'était aussi une musique de la révolte, de la colère, comme vous l'avez dit.

  • Speaker #0

    Oui, mais voilà, très important. Qu'est-ce que ça veut dire, être pris comme une merde de témoignage ? Ça veut dire deux choses. Ça veut dire comme une merde. Ça veut dire témoignage. Ça veut dire c'est pas... écrit ça veut dire c'est pas on n'est pas dans la littérature et donc c'est aussi un témoin c'est c'est rien quoi c'est c'est celui qui a vu un truc et c'est celui qui a vu un truc voilà il va dire parce que lui il avait un truc m'attendait mais moi c'est pas du tout ça que je fais je sais pas j'ai pas dit j'ai vu un truc j'ai pas dit mais arrivé ça non c'est pas ça moi ce que je j'ambitionnais et que j'ambitionne toujours, c'est c'est pas de dire j'ai vécu ci, j'ai vécu ça. C'est encore une fois de montrer le tableau dans l'ensemble. Je l'ai fait pour faire entrer ces histoires-là dans la littérature. Ces histoires de viol, ça. Les faire entrer dans la littérature. Voilà pourquoi je l'ai fait. J'ai pas fait pour autre chose. Et donc, si c'est une merde de témoignage, il n'y a pas le tableau.

  • Speaker #1

    Mais c'est même... Enfin, moi, je dirais ça autrement. Je dirais, c'est pas parce qu'on est une victime qu'on a du talent. Ça, c'est peut-être ça que vous... Enfin, moi c'est ce que je dis, moi, je ne vais pas dire ça.

  • Speaker #0

    Mais pourquoi ? Parce qu'il y a des gens qui disent ça ?

  • Speaker #1

    Il y a énormément de livres de victimes, de gens qui racontent des histoires, des traumatismes et tout ça. C'est pas forcément de la littérature à chaque fois.

  • Speaker #0

    Alors, je crois qu'il faut dire les choses autrement. Vous dites, c'est pas parce qu'on est une victime qu'on a du talent. C'est la vérité ? Oui, mais attendez. C'est pas parce qu'on est une victime... qu'on voit le tableau complet et qu'on va décrire le tableau complet, qu'on aura envie de décrire le tableau complet. Et je pense que c'est ça aussi, c'est-à-dire que dire sa douleur, c'est une chose. Dire le monde dans lequel elle se produit, c'en est une autre. Est-ce que c'est pas... Est-ce que ça ne rejoint pas votre question ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Mais moi, ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a toute une littérature de victimisation qui est presque comme si la littérature était considérée comme un médicament ou comme une thérapie. Les gens qui se soignent en écrivant des livres et tout ça. Je respecte ça, mais peut-être que votre projet n'était pas des tout.

  • Speaker #0

    Tu fais dire un truc horrible.

  • Speaker #1

    Moi, je dis un truc horrible.

  • Speaker #0

    Oui, mais vous, on a l'habitude. Alors du coup, on m'avait fait perdre le fil.

  • Speaker #1

    Est-ce que la littérature, c'est un Xanax ? Oui ou non ? Je crois que non.

  • Speaker #0

    Il y a eu toute une époque qui n'existe plus vraiment, enfin qui a muté disons, où il y avait la littérature féminine. Ce qu'on appelait la littérature féminine, avec des... Je ne sais plus, Madeleine Chapsal, Geneviève Dormann, il y avait des femmes qui écrivaient des livres comme ça, c'était la littérature féminine, qui racontait des choses, je ne me souviens pas d'ailleurs, plutôt l'amour. Ça racontait plutôt l'amour. Intéressant, moins intéressant, c'était variable. Et puis... du race, une sorte de littérature féminine aussi, mais appelée littérature à la différence de ses autres femmes. Et cette littérature... d'amour, cette littérature féminine d'amour, j'ai l'impression qu'elle n'existe plus vraiment, ou alors vraiment dans les bas fonds, et qu'aujourd'hui, on ne raconte plus l'amour, on raconte les violences sexuelles. Et je pense que les femmes qui, d'une manière, voilà, c'est un petit peu... Est-ce que ça n'a pas... Est-ce que ça n'a pas muté comme ça ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Mais ça, ce n'est pas horrible de dire ça. Je m'attendais à pire.

  • Speaker #0

    Disons que si, parce que si on dit que du coup, c'est un truc féminin, si ça devient un sujet féminin, en fait, c'est ça le danger. C'est que ça devienne un sujet féminin.

  • Speaker #1

    C'est que la littérature féminine soit réduite à une complainte, une lamentation.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que de la même manière que pendant... qu'il y a 40 ans, les femmes osaient écrire à partir du moment où elles pouvaient parler de sujets féminins, et bien là, peut-être qu'elles osent écrire à partir du moment où elles peuvent parler de douleurs féminines sexuelles.

  • Speaker #1

    Vous préférez qu'on vous dise que vous êtes un écrivain ou une écrivaine ?

  • Speaker #0

    Alors, il y a 15 ans, je préférais qu'on me dise que j'étais un écrivain.

  • Speaker #1

    Ah oui ? Bon,

  • Speaker #0

    maintenant, je préfère qu'on me dise que je suis une écrivaine. Mais oui, parce que ce que je veux, c'est qu'on ne remarque pas le mot. Donc, si aujourd'hui on dit « ah non, moi je suis un écrivain » , ça veut dire que c'est une posture. De la même manière que... Il y a 15 ans, c'était une posture de dire « Attention, moi je suis écrivaine ! » Bon, donc je pense qu'aujourd'hui, le mot « invisible » , parce que je pense que les mots doivent être invisibles,

  • Speaker #1

    Oui, ça a évolué, oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc écrivaine.

  • Speaker #1

    Léonore est dans votre livre, c'est votre fille, et elle est aussi dans votre film d'ailleurs. À chaque fois que vous avez besoin d'incarner l'amour, vous invitez votre fille dans votre œuvre. C'est comme pour montrer, je ne sais pas, moi j'ai un enfant et j'arrive à l'aimer sans lui faire de mal.

  • Speaker #0

    Non, ça n'a rien à voir parce que je pense qu'elle hérite aussi de cette chose-là quand même, celle-là. Elle a aussi à s'en occuper, mais non. Là, par exemple, sur la nuit, au musée, c'est... Je n'ai pas envie d'être toute seule dans ce truc. Vraiment pas du tout. Et être avec elle, ça peut... Ça a plein d'avantages. Elle connaît l'art mieux que moi, c'est le moins qu'on puisse dire. Et puis, ça va nous faire passer un bon moment parce qu'on ne vit plus ensemble. Donc, voilà. Il faut aussi, quand on fait un truc de commande, ça, on ne le dit pas suffisamment, il faut aussi en retirer quelque chose. Pourquoi est-ce qu'on ferait un livre pour quelqu'un si on ne peut rien avoir soi ? Donc, il faut. Parce qu'en fait, quand on fait un livre, on n'a rien pour soi à part le livre.

  • Speaker #1

    Donc... Autant que ce soit agréable.

  • Speaker #0

    Ben oui, il faut quand même avoir des choses pour soi. Donc si on peut dîner au restaurant de la Bourse, par exemple, toutes les deux. on a quelque chose pour soi. C'est pas grand chose.

  • Speaker #1

    Déjà que c'est mal payé, que plus personne ne lit des bouquins, autant qu'il y a un peu de plaisir.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Dans cette émission, je fais un jeu qui s'appelle « Devine tes citations, Christine » . Je vous lis des phrases de vous, tirées de votre œuvre, et vous devez deviner dans quel livre vous avez écrit cette phrase. Exercice de mémoire, très difficile. Quand je plaisais à quelqu'un qui me plaisait et que je me l'avouais, J'étais heureuse, mais tellement impatiente que ça se fasse, je voulais en être sûre trop vite, je faisais tout rater.

  • Speaker #0

    Alors, rendez-vous ? Oui !

  • Speaker #1

    Bravo ! Il y a 22 livres et vous avez trouvé le bon. C'était le livre qui a obtenu le prix de Flore en 2006. Oui, c'est ça, en amour, il ne faut pas se précipiter, c'est ça que vous dites. Est-ce que vous êtes moins exigeante aujourd'hui ou plus ?

  • Speaker #0

    Non, mais là, ce n'est pas tant une question d'exigence, c'est surtout une question d'incapacité, de manque de confiance en soi. tellement important que bon, il vaut mieux que ça rate quoi.

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord. Et là, on voit, c'est intéressant dans cette phrase. Quand je plaisais à quelqu'un qui me plaisait et que je me l'avouais, j'étais heureuse mais tellement impatiente que ça se fasse. Style très classique, mais c'est presque du Labruyère ou je ne sais pas, du Benjamin Constant, vous voyez, l'analyse des sentiments et tout. Et puis la phrase continue, je voulais en être sûr trop vite, je faisais tout rater. Et là... On est chez Marguerite Duras un peu plus, c'est-à-dire qu'il y a trois phrases, une longue, deux courtes. C'était ça aussi votre nouveauté à vous, c'était de mélanger le classique et le contemporain peut-être. Aujourd'hui vous diriez que vous allez plus vers le classique et moins vers l'expérimental ? Ou ça dépend des livres ?

  • Speaker #0

    Alors peut-être ça peut dépendre. des livres peut-être ça peut dépendre des livres on peut pas savoir en fait je peux pas savoir peut pas savoir on verra oui autre phrase de vous alors vous devez deviner dans quel livre vous avez écrit cela vous aviez quel âge ça a

  • Speaker #1

    Ça a duré combien de temps ? De quand à quand ? Interview. Interview, 1995. Je lis jusqu'au bout, parce que c'est que des questions. De quand à quand exactement ? Y a-t-il eu des reprises ? Étiez-vous surprise ? A-t-on des traces ? De quel type ? Là, c'est une rafale de questions terribles. Vous tourniez en dérision les interrogatoires des journalistes qui étaient comme des flics.

  • Speaker #0

    Oui, une journaliste en particulier.

  • Speaker #1

    Mais est-ce que l'écriture autobiographique autorise des compétences comportement inadmissible de la part des journalistes. Et là, je suis désolé, parce que je vous pose plein de questions indiscrètes.

  • Speaker #0

    En tout cas, l'exemple là, qui est dans Rendez-vous, c'était quelque chose que j'ai vécu qui avait été affreux.

  • Speaker #1

    Non, c'est Interview.

  • Speaker #0

    Oui, dans Interview, ça avait été horrible, j'avais vécu ça très très très très mal. Ça avait été affreux, parce que les livres ne se vendaient pas du tout. Du tout, du tout. Je crois que le livre en question ça devait être je ne sais plus, ça devait être Léonore Toujours on en avait vendu 300 je crois, exemplaires et donc j'avais cette invitation à Marie-Claire c'était le seul le seul papier qu'on me proposait et elle avait dit, il faudrait qu'elle parle de ça, etc elle avait dit à l'éditeur qui était l'arpenteur à l'époque Merci. Et j'avais dit, ok, bon. Mais j'avais accepté de parler de la chose elle-même, de l'inceste, mais vraiment, c'était pas comme maintenant, quoi, je veux dire. J'étais, mais c'était une punition, quoi, punition. Elle avait dit, mais je parlerais quand même de littérature et tout ça. J'ai dit, bon, ok. Et donc, je suis allée, et ça a été affreux. Ça a été affreux, ça a été...

  • Speaker #1

    C'était vraiment ces questions-là ? De pan à pan, exactement.

  • Speaker #0

    Vraiment ces questions-là. C'était une journaliste de Marie-Claire qui habitait dans le 5e, qui m'a reçue dans son appartement avec des fauteuils recouverts de tissus damassés et qui s'est autorisée toutes ces sortes de... Enfin, de sortir, alors là, vraiment...

  • Speaker #1

    Des questions très...

  • Speaker #0

    De la littérature. complètement, ne même pas prendre soin d'enchasser sa question dans une phrase du livre. Et ensuite, elle a dit que comme mon père n'était pas mort, ce qui était le cas, Il y avait juste un petit problème, c'est qu'elle ne pouvait pas publier l'entretien avec mon nom.

  • Speaker #1

    Et donc là, vous deveniez vraiment une merde de témoignage. Voilà,

  • Speaker #0

    parce que je m'appelais Ango comme lui. Et donc, ce n'était pas possible. Mais elle me proposait de le publier avec la petite fille anonyme. Même pas Christine, rien. Et puis à côté... Comme j'ai rien fait sur votre livre dans les pages livres, je ferai un truc sur...

  • Speaker #1

    Une petite colonne, un entrefilet.

  • Speaker #0

    Sur Léonore Toujours.

  • Speaker #1

    Ouais. Oui, c'est ultra...

  • Speaker #0

    J'ai dit non. Tout ça pour dire que les gens se permettent des choses avec des gens qui n'ont pas de succès, qui ne vendent pas de livres, d'un côté, et qui en plus ont un truc de victime. qui est mais monstrueux.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que vous avez écrit L'inceste après. Puis c'est quatre ans avant Interview. L'inceste, c'est 99 et Interview, 95. C'est ça. Sans doute, vous avez dit, bon, maintenant j'y vais. C'est moi qui comprends.

  • Speaker #0

    Je ne sais même plus pourquoi. En fait, c'est parce que j'avais à ce moment une histoire avec une femme. Et je me suis... Comme d'habitude, je n'arrivais pas à écrire. Et oui, je me suis embarquée là-dedans.

  • Speaker #1

    Autre phrase. De vous. Quand on parle, c'est un acte. Et donc, ça fait des choses, ça produit des effets, ça agit.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une inceste.

  • Speaker #1

    Quitter la ville.

  • Speaker #0

    Ah, quitter la ville.

  • Speaker #1

    En l'an 2000. Vous voulez dire qu'écrire, ça a des dommages collatéraux ? Mais aujourd'hui, j'ai l'impression que contrairement à l'époque où vous écriviez ça, c'est-à-dire il y a 25 ans, aujourd'hui vous vous fichez de ce qu'on pense de vous. Vous êtes devenue plus forte. Est-ce que je me trompe ?

  • Speaker #0

    Euh... Non, c'est vrai. Est-ce que ça me préoccupe ? occupait à l'époque ? Parce que là, c'était quoi ?

  • Speaker #1

    Écrire, quand on parle, c'est un acte, et donc ça fait des choses, ça produit des effets, ça agit, c'est sûr.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai l'impression que ça ne m'amuse pas forcément, mais oui, je crois que j'ai compris que c'était comme ça, qu'on était seul, et puis que ça allait, quoi. C'est pas grave.

  • Speaker #1

    On passe maintenant à vos conseils de lecture d'une grande professionnelle. Vous avez votre antisèche. pense que nos auditeurs ont envie de savoir quels sont les livres qui sont importants pour vous un livre qui vous donne envie de pleurer alors j'ai mis Le métier de vivre de Parisais parce que voilà quand

  • Speaker #0

    même Le métier de vivre déjà c'est un très beau titre et puis en plus quand on tourne la dernière page on sait puisque c'est le projet qu'il fait à un moment du livre un désespoir amoureux plusieurs désespoirs amoureux qui sont enchaîne et un moment il décide de se suicider. Et à la dernière page du livre il dit, bon ben voilà, c'est décidé, je vais le faire, je le fais demain. Et donc nous qui lisons, on sait qu'on lit la dernière page de quelqu'un qui s'est suicidé le lendemain.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui vous a traversé l'esprit, l'âme parfois ? Jamais. Non,

  • Speaker #0

    beaucoup. dit comme ça en colère, mais ça, comme tout le monde.

  • Speaker #1

    Surtout quand on a un enfant. Je crois peut-être que ça retient au dernier moment.

  • Speaker #0

    Non, mais même. Oui, mais dans les moments de colère, je pense que je vais me foutre en l'air, machin. C'est rien. Tout le monde dit ça et tout le monde peut le dire. Tout le monde peut le dire.

  • Speaker #1

    C'est même sain de le dire, d'ailleurs.

  • Speaker #0

    En tout cas, ça fait un projet. Voilà. Mais sérieusement, non.

  • Speaker #1

    Un livre pour arrêter de pleurer après avoir lu Pavézé ?

  • Speaker #0

    Alors, je crois, je dirais, même si c'est un peu compliqué, mais peut-être celui qu'on... qu'on essaye d'écrire, je dirais.

  • Speaker #1

    Ah oui.

  • Speaker #0

    Peut-être celui qu'on essaye d'écrire.

  • Speaker #1

    Quand vous écrivez, c'est pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #0

    Ou pour commencer à pleurer. En tout cas, c'est beaucoup lié à la question de quelque chose qui n'est pas résolu, qui ne va pas. Mais comment on peut dire les choses comme ça ? Mais pas du tout, il faudrait les dire autrement. Oui. Voilà. Alors après, je ne sais pas si ça répond bien à la question. Oui, oui.

  • Speaker #1

    Vous écrivez pour clarifier. Ah oui. C'est bien.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    Eh bien, c'est gênant, mais j'ai mis Ulysse de Joyce.

  • Speaker #1

    C'est le choix de beaucoup de mes invités.

  • Speaker #0

    Oui. C'est-à-dire qu'on est dans un truc... Il y a d'autres livres où on peut s'ennuyer sans admirer. Bon. Là, il y a une sorte d'admiration. Parce qu'on s'aperçoit quand même de ce qu'on lit et on voit bien qu'il y a quelque chose qui existe fortement, qui est admirable et qui a une grande liberté. Mais voilà.

  • Speaker #1

    Ça vous tombe des mains.

  • Speaker #0

    Ça ne me tombe pas des mains parce que moi, en fait, quand je m'ennuie, à un moment, j'arrête. J'arrête, je recommence, j'arrête, je recommence. Mais quand même, sur des livres qui sont parfois un peu difficiles, vous arrêtez, vous recommencez. Puis à un moment, vous montez dans le train. Et là, je monte dans le train, mais je m'arrête au tiers du voyage. Mais je reprends aussi sur la toute fin le monologue.

  • Speaker #1

    Le monologue de Monnie Bloom, oui, bien sûr. Un livre pour crâner dans la rue. Est-ce que Christine Angot vous crânait dans la rue ?

  • Speaker #0

    Alors, pas suffisamment, je pense. Mais disons que je pense, en tout cas j'ai souvent remarqué que... Un livre qui est assez efficace, en tout cas quand on le voit soi-même, comme ça, c'est Proust en folio. Parce que sinon, ça fait genre une pause, donc c'est pas possible. Donc en folio, c'est-à-dire naturel. D'accord. Et si possible... Pas du côté de Chessoine, mais au moins côté de Garmente.

  • Speaker #1

    Un livre qui rend intelligent, c'est peut-être le même.

  • Speaker #0

    Je pense sûrement justement à un livre de Barthes, peut-être l'écriture du roman. Moi, je me souviens quand j'avais ouvert l'écriture du roman, tout d'un coup,

  • Speaker #1

    waouh ! Très, très, très brillant. Et il écrivait toujours sur commande. Lui, un livre pour séduire.

  • Speaker #0

    Bon, là, je ne sais pas pourquoi, mais c'est le livre qui m'est venu. C'est Gatsby le Magnifique.

  • Speaker #1

    Ah bon, ça alors ?

  • Speaker #0

    Gatsby, oui.

  • Speaker #1

    Draguer avec Gatsby le Magnifique.

  • Speaker #0

    Moi, je ne drague pas, évidemment. Mais non, mais parce que Gatsby, d'abord, c'est Fitzgerald. donc je ne sais pas tout Tout est... Je ne sais pas comment dire. C'est le livre que tout le monde a envie de... Qu'on peut partager, que tout le monde a envie de lire, que tout le monde est heureux d'avoir lu, que tout le monde a envie de relire.

  • Speaker #1

    C'est drôlement... Je n'imaginais pas du tout fan de Fitzgerald. Je suis bête, j'ai un cliché dans la tête, j'ai des préjugés.

  • Speaker #0

    Comment ne pas ?

  • Speaker #1

    Non, mais c'est un scoop que Christine Angot aime. Je m'en réjouis. Un livre que je regrette d'avoir lu.

  • Speaker #0

    Je ne l'ai pas, moi, celui-là.

  • Speaker #1

    Non ?

  • Speaker #0

    Non, mais parce que je sais pourquoi je ne l'ai pas. Parce que je l'ai vu, cette question, en effet. Je me suis dit, si je regrette de l'avoir lu, je ne le lis pas. Donc, non.

  • Speaker #1

    On peut, par exemple, je ne sais pas, Mein Kampf. On peut regretter d'avoir lu Mein Kampf. Oui,

  • Speaker #0

    mais on peut aussi ne pas le lire.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait, on peut. Heureusement. Un livre que je fais semblant d'avoir fini. Peut-être que ça, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Et pourquoi je ne l'ai pas noté non plus, le suivant ? Non, je ne l'ai pas noté non plus.

  • Speaker #1

    Non, mais de toute façon, vous n'aimez pas les commandes.

  • Speaker #0

    Non, mais je ne l'ai pas noté. le fait que j'ai pas dû trouver c'est pour ça le livre que j'aurais aimé écrire ça c'est la princesse de Clèbe ah tiens vous voyez il est classique pour moi il n'y a rien de plus beau c'est quand même le plus grand râteau de l'histoire de la littérature ah oui bien sûr oui il y a ça aussi bien sûr et ça vous trouvez que ce qui est beau c'est qu'une femme résiste à la tentation c'est pas ça c'est que justement il y a toute cette tragédie à la fois sociale et amoureuse qui se déroule. Mais l'attention, tout ça est certi dans une phrase qui est d'une beauté, mais d'une élégance, d'un équilibre, d'une précision. Tout ça se déploie là-dedans. Et je trouve ça incroyable. Incroyable de beauté.

  • Speaker #1

    Voilà, pour l'air. Alors, pour les gens qui croyaient que Christine Angot était un auteur d'avant-garde, expérimental, elle aime Gatsby le Magnifique, elle aime La princesse de Clèves. Vous êtes un auteur, en fait,

  • Speaker #0

    classique. Oui, bah écoutez.

  • Speaker #1

    Je vous embarque dans ma vieillesse. Quel est le pire livre que vous ayez jamais lu ? Vous allez encore me dire, mais non, pourquoi lire le pire ?

  • Speaker #0

    Non, alors là, justement, c'est un livre que j'ai lu. Et c'est La question de Henri Allag.

  • Speaker #1

    Ah oui, sur la torture en Algérie.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est vraiment, au sens propre, le pire livre que j'ai lu.

  • Speaker #1

    Oui, c'est insoutenable.

  • Speaker #0

    Insoutenable, au point de... Mais on doit le lire, parce que nous, ce qu'on nous demande, c'est de le lire. Ce n'est pas d'être dans la situation. Donc, on peut et on doit au moins le lire. Et donc, je l'ai lu en entier. Évidemment. Mais je pense que c'est le pire livre que j'ai jamais lu. C'est-à-dire, en tout cas, c'est la pire lecture que j'ai jamais éprouvée. En même temps, je ne pourrais même pas ça appeler de l'admiration, parce que le livre est d'une vérité, c'est très très beau, c'est magnifique de vérité. Mais c'est... Tellement difficile à... Enfin c'est... C'est...

  • Speaker #1

    Peut-être qu'on devrait... Peut-être qu'on devrait presque le faire lire dans les écoles, pas trop tôt, mais... Pour comprendre la tension qu'il y a entre la France et l'Algérie. Et c'est sûrement un livre important, de même qu'il faut voir Shoah les 8 heures jusqu'au bout. Voilà.

  • Speaker #0

    Sauf que Shoah, on a 9 heures pour être dans... Il y a Lanzmann, il est quand même un personnage aussi.

  • Speaker #1

    C'est moins dur.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas pareil. Il y a des gens, on voit les gens. La littérature c'est plus dur que le cinéma cinéma, beaucoup plus dur. Il n'y a pas de visage, il n'y a rien à regarder. On ne peut pas rigoler, quoi.

  • Speaker #1

    On peut rigoler en regardant Ausha.

  • Speaker #0

    Non, mais quand même.

  • Speaker #1

    Oui, je vois très bien ce que vous voulez dire.

  • Speaker #0

    Il y a des arbres, il y a du vent dans les arbres. Il y a plein de choses. Il y a la vie, quand même.

  • Speaker #1

    Et le livre que vous lisez en ce moment ? Christine Angot, je rappelle que vous êtes membre de l'Académie Goncourt, donc vous êtes censée lire tout ce qui sort.

  • Speaker #0

    J'ai... repris, là, ça fait un moment que je l'ai lu, il y a longtemps, et là, j'ai repris l'essai sur la fatigue de Peter Hank.

  • Speaker #1

    Oui ?

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    C'est très bien, Peter Hank. Je l'ai eu dans mon émission, j'étais très très heureux de le recevoir. On va conclure, mais depuis une heure. Je crois que j'essaie de vous faire dire une chose, que vous allez mieux, que vous allez mieux. J'essaie de vous faire dire ça. Alors je vous pose la question, est-ce que vous êtes heureuse ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je suis dans ma vie, je ne suis pas dans la vie de quelqu'un d'autre. Je pense que c'est une bonne chose.

  • Speaker #1

    Est-ce que ce n'est pas parce que vous avez rencontré la bonne personne aussi ? Quelqu'un qui vous comprend ? Est-ce que ce n'est pas...

  • Speaker #0

    C'est sûr que ça fait partie de... ça fait partie de l'équilibre c'est quand même cette question là est quand même importante en tout cas elle l'a été pour moi elle l'est quand même de savoir qu'il y a quelque chose

  • Speaker #1

    qui a quelqu'un qui est là quoi ouais c'est important merci infiniment christine angot d'être venu et puis c'était un plaisir alors je dois remercier l'équipe du figaro télé qui qui sont qui sont qui sont qui cette émission ne serait pas capté ne serait pas n'existerait pas Et puis, alors il y a plein d'horaires importants, ça passe sur le Figaro Télé notamment le samedi à 22h et j'aime bien l'horaire du mercredi 23h, je vous le recommande. Et tout le temps sur Youtube, la version longue, abonnez-vous à la chaîne Youtube aussi. Et puis je suis sponsorisé, alors je le dis, cette chemise là, c'est mon sponsor, c'est Figaré. Ben oui, les écrivains ils rament, comme vous le dites dans votre livre, ils galèrent, donc on a besoin... d'être soutenu pour pouvoir continuer cette émission. Merci infiniment. Et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous allez mourir idiot, et ce sera la fin des haricots.

Description

Christine Angot et moi, c'est une longue histoire. Nous avons publié nos premiers romans en même temps. Je crois qu'elle m'a eu à l'usure. Comme nous avons galéré durant les années 1990 ! Je ne comprenais pas son écriture hachée et redondante, je l'ai écrit, elle m'a répondu... La vie littéraire n'est pas un long fleuve tranquille. On se retrouve à soixante ans pour faire la paix. Le général de Gaulle s'est trompé : la vieillesse n'est pas un naufrage, c'est la terre promise.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir et bonsoir aussi à toi qui me regardes. Ce soir est un grand soir puisque c'est le soir de la réconciliation entre moi-même et Christine Angot. Je suis très heureux de vous recevoir.

  • Speaker #1

    Tu n'as jamais été fâché ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Pas ouvertement ?

  • Speaker #0

    Non. J'ai peut-être pu écrire des choses qui n'étaient pas très sympathiques, pas très favorables dans ma jeunesse.

  • Speaker #1

    Est-ce que je les ai lus.

  • Speaker #0

    J'espère que non. Donc je vous reçois pour un de vos meilleurs livres, La nuit sur commande, qui est publié dans la collection Manu au musée aux éditions Stock. Et je trouve ce livre vraiment exceptionnel, drôle, triste, sincère, émouvant. Et bon alors je vous présente d'abord, c'est donc votre 22e livre. et vous êtes romancière mais aussi cinéaste puisque récemment vous avez tourné un documentaire et votre premier roman a été publié en 1990 et c'était l'année où j'ai publié mon premier roman aussi il s'appelait Vue du ciel et dans ce livre il y avait cette phrase je destine ce livre aux anges et à Dieu et ne souhaite à aucun mortel de l'ouvrir accidentellement est-ce que la jeune femme de 30 ans 30 ans, qui écrivait cette phrase il y a plus de 30 ans, est-elle si différente de l'auteur consacré que j'ai en face de moi ?

  • Speaker #1

    Dans le dernier livre, là, j'ai pensé récemment, il y a une figure d'ange, puisqu'il y a quand même, je ne sais pas, au moins deux, trois pages. sur la sculpture de sainte thérèse par le bernin donc oui je dois avoir un truc avec les anges sûrement c'est quelque chose que je ne pensais pas premier livre mais en tout cas oui cette figure elle est là quoi c'est une espèce de Qu'est-ce que c'est un ange ?

  • Speaker #0

    En plus, c'est étrange que vous citiez Sainte Thérèse d'Avila, puisque moi je compare La nuit sur commande avec Prières exaucées de Truman Capote. Et c'était un livre où il tournait en dérision la société mondaine new-yorkaise à laquelle il appartenait. Et d'ailleurs ça lui a valu d'être complètement ensuite fâché, ostracisé et tout. et le titre « Prières exaucées » vient d'une phrase de Sainte Thérèse d'Avila. Ah oui ? Oui, la phrase exacte c'est « Il y a plus de malheur sur terre pour les personnes dont les prières sont exaucées que pour celles qui ne le sont pas. » C'était une phrase assez belle. Et donc, vous avez un point commun. C'est Sainte-Thérèse d'Avila, le point commun avec Truman Capote. Et le livre, ce livre ici, qui est très libre. Vous parlez de vos amis artistes, vous parlez de votre rapport à l'art.

  • Speaker #1

    Mes amis, ils ont des gens qui se sont présentés comme amis. Et j'ai cru que... On croit quand on rencontre des gens. qui vous invitent chez eux que ce sont des amis. Parce que c'est... Inviter des gens chez soi, c'est une preuve d'amitié. C'est un signe d'amitié. Après, c'est un tout petit peu plus compliqué que ça. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Le livre est d'ailleurs vraiment drôle sur ce sujet-là. Mais ce n'est pas la première fois que vous... adopter un ton un peu satirique. Il y avait déjà La Petite Foule, Rendez-vous, vous aviez déjà écrit des livres, justement, pas uniquement à la première personne, mais regardant beaucoup la société. C'est quelque chose que vous aimez faire de temps en temps ?

  • Speaker #1

    Je fais toujours. Parce que même dans les livres comme par exemple Le Voyage dans l'Est, qui n'est pas vraiment un livre drôle, même pas du tout, à partir du moment où on voit les gens en train d'être qui ils sont, en réalité, à leur insu, Eh bien, oui, c'est comique. Il y a quelque chose de très violent. La comédie, c'est violent. Donc, oui, je pense qu'il y a ça.

  • Speaker #0

    Ce livre, c'est une commande, d'où le titre, La nuit sur commande. C'est une éditrice qui s'appelle Alina Gurdiel, qui a créé cette collection magnifique. nuit au musée où elle demande à un écrivain de passer une nuit dans un musée et d'écrire ensuite ou d'écrire pendant cette nuit. Vous avez choisi de passer la nuit à la Bourse de Commerce qui est un musée d'art contemporain à Paris et tout de suite après vous avez aussi choisi de désobéir à la commande.

  • Speaker #1

    Est-ce que j'ai choisi ? Je n'ai pas choisi, je n'ai pas du tout choisis de désobéir ? Parce qu'alors là, pour le coup, ça aurait été une posture, ça aurait été un gag, ça aurait été « tiens, j'ai une bonne idée, je ne vais pas passer la nuit » . Non, je n'ai pas du tout choisi de désobéir à ce principe. Non, pas du tout. Simplement, j'ai fait avec mes possibilités. Mes possibilités, d'abord, c'est d'avoir choisi un lieu qui était près de chez... enfin, qui était à Paris, donc où je pouvais aller quand je voulais. Pas seulement le jour où, ni la nuit où. Et ensuite, j'ai fait avec mes propres possibilités. C'est-à-dire, déjà, on a un corps. Donc, moi, mon corps, il n'arrive pas trop à se coucher tard. Donc, il se réveille très tôt. Donc là, déjà, je suis décalée avec l'idée d'une nuit. dans un musée, je suis d'emblée dans une zone où je ne suis pas à l'aise.

  • Speaker #0

    Vous auriez pu vous coucher tôt à la bourse de commerce et vous réveiller tôt.

  • Speaker #1

    Vous croyez qu'on va... Il y a des gens qui dorment sur un lit de camp... Pas moi.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas.

  • Speaker #1

    Non, moi, je ne dors pas sur un lit de camp.

  • Speaker #0

    Richard Malka, il a dormi sur un lit de camp au Panthéon pour la même collection.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pouvez me citer des points communs entre Richard Manpois et moi ? Non ? Non, mais... Non, je pense que les gens sont comme ils sont. Ils font comme ils peuvent. Oui, bonsoir. Et j'ai fait comme j'ai pu. Et puis, en plus, j'étais dans... Je savais que j'avais à écrire. Bon, j'avais déjà écrit un peu des choses avant de venir, tout ça, bien sûr. Sinon, j'aurais jamais... J'ai eu besoin de me rassurer en écrivant beaucoup, quand même, avant de venir. Et après, j'ai fait avec ce que je suis. C'est-à-dire, être là, en train de faire comme si j'étais en train d'admirer admirer. d'une manière complètement posée, alors que pas du tout, j'étais dans une situation d'attention, de travail, pas d'attention forcément aux œuvres, à part quelques moments, notamment quand on regarde le film avec Léonard.

  • Speaker #0

    D'Arthur Jaffa ?

  • Speaker #1

    Ah non, ça c'était pas dans cette expo-là. Arthur Jaffa, c'est une exposition après. Non, de Pierre Huygues. Donc il y a des moments comme ça Mais sinon je suis plutôt dans le truc De me dire ok Il y a à écrire quoi Il y a à écrire après

  • Speaker #0

    Ce qui est très fascinant Je ne peux pas m'abandonner En refusant la contrainte du truc Vous produisez un de vos meilleurs livres C'est ça qui est intéressant C'est que finalement c'était bien d'avoir accepté le pari Puisque ça vous a poussé à écrire Vos mémoires C'est un livre de souvenirs qui part de Châteauroux à votre naissance et qui arrive jusqu'à maintenant. Et donc, c'est quand même, on voit défiler toute votre histoire, l'histoire d'une jeune femme qui va devenir un... un écrivain reconnu, toutes les galères que ça comporte, y compris la tragédie qui vous est arrivée à 13 ans. Et tout ça, tout ça dans un livre beaucoup plus léger que certains qui ont précédé. C'est quelque chose d'assez fou. Et ça me fait penser à ce qu'a écrit Antoine Compagnon. Il vient de publier un livre qui s'appelle Déshonorer le contrat. Vous avez lu celui-ci ?

  • Speaker #1

    Je ne l'ai pas lu, mais je suis au courant, oui.

  • Speaker #0

    Et donc, en fait, dans ce livre, Antoine Compagnon, qui est un grand spécialiste de littérature, qui est d'ailleurs venu dans cette émission, il parle de Roland Barthes. Roland Barthes, toute sa vie, n'a écrit que des commandes. Il n'a écrit que des livres de commandes. Il n'a jamais écrit spontanément, librement, parce qu'il fallait lui demander un truc. Et puis, il écrivait des chefs-d'œuvre. Fragment d'un discours amoureux, c'est une commande. Son livre sur le Japon, sur la photographie, etc.

  • Speaker #1

    Parce que l'identification du sujet, de ce qu'on va faire, ça fait partie de ce qu'il y a de plus difficile, en fait. Donc là, d'une certaine manière, j'étais débarrassée de ça aussi. Et après que j'ai eu à faire, en tout cas ce que j'ai fait, c'est qu'une fois que j'ai été débarrassée, j'étais débarrassée de ça puisque ce n'est pas moi qui suis à l'origine de cette idée. Donc je suis débarrassée de ça. Donc la situation de vide disparaît. d'une certaine manière, qui préexiste toujours avant d'écrire un livre. Avant d'écrire un livre, c'est le vide. Donc là, ça disparaît, mais le vide se réinstalle.

  • Speaker #0

    C'est comme un peu un footballeur qui n'aurait pas de pression. Ça enlève la pression. On dit souvent ça, il y a trop de pression.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'on croit. En réalité, c'est-à-dire que comme il y a un truc déterminé à l'avance, on dit c'est super, ça va être super cool, je vais faire ça vite fait, bien fait, et je vais aller au musée, je vais lui dire ah tiens, ça, ta, ta, ta, bon. Et puis, après ça, je vais écrire ce que j'ai vu. Sauf que moi, je ne sais pas faire ça. Je ne peux pas faire ça. Donc, je me suis quand même retrouvée dans une angoisse, à un moment où rien n'allait, jusqu'au moment... où c'est le mot musée, finalement, qui m'a évoqué. Comment j'ai appris, moi, ce mot musée ? Ce musée, je l'ai appris parce que le musée Bertrand de Châteauroux, la ville dans laquelle je suis née, était situé entre la maison dans laquelle j'habitais et l'école où j'allais à pied. Parce que même à 5 ans, 6 ans, à l'époque, dans les rues du centre de Châteauroux, c'était possible. d'aller à pied pour une enfant.

  • Speaker #0

    Oui, aujourd'hui, je ne pense pas qu'on laisserait une petite fille se balader. Donc, c'est un récit de votre vie, c'est aussi un tableau d'un milieu social. Vous parlez de votre rencontre avec Sophie Kahl, avec... Oui,

  • Speaker #1

    même la rencontre avec mon père est une rencontre sociale, d'une certaine manière. Oui, c'est vrai. En fait. Puisque tout d'un coup, je rencontre quelqu'un d'un milieu social que je ne connais pas. Et qui est nouveau. Et après, oui, en effet.

  • Speaker #0

    Mais est-ce que vous êtes d'accord si je dis que vous avez deux styles de livres ? Qu'il y a des livres plus internes et des livres plus externes ? C'est-à-dire, par exemple, il y en a qui sont plus personnels et d'autres qui sont des portraits, des observations presque sociologiques.

  • Speaker #1

    Observations, il n'y en a pas beaucoup, à part la petite foule.

  • Speaker #0

    Oui, la petite foule, rendez-vous aussi, un peu, on s'en fout.

  • Speaker #1

    Rendez-vous, rendez-vous, c'est quand même... Là, je suis allée chercher, ce n'est pas le plus confortable pour moi.

  • Speaker #0

    Et celui-ci, j'ai l'impression qu'il a été écrit de manière fluide, qu'il n'a pas été douloureux à écrire. Il y a tout le temps une forme de sourire.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'à partir du moment où je trouve cette situation-là d'aller à l'école, de passer devant le musée et puis ensuite tout ça s'enchaîne, là en effet je suis l'espèce de plaisir de la narration. Il faut quand même le dire qu'il y a un plaisir à ça. et Et donc, j'avance. J'avance tranquillement à partir de là. Mais quand j'arrive là, j'ai galéré quand même pendant deux ans avant à... à ne pas savoir où attraper la chose.

  • Speaker #0

    Vous dites d'ailleurs, pas dans le livre là, mais vous l'avez dit plusieurs fois, écrire n'est pas un travail, c'est un désir, ce n'est pas une activité. Ça, j'aimerais bien que vous développiez cette idée. Est-ce que du coup, quand Alina vous dit, tiens, passe une nuit au musée et écris-moi ça, non, ce n'est pas possible pour vous.

  • Speaker #1

    Oui, mais encore une fois... Je passe mon temps à oublier ce que je sais. Donc, quand il y a cette proposition, je me dis que je vais le faire et que ça va aller. Bien sûr que je vais y arriver. Bon, petite angoisse peut-être, mais voilà. Au contraire, que ça va apporter des solutions. Et puis en fait, je suis tout le temps confrontée à autre chose. Maintenant que le chemin qui a été pris là et qu'on me conseille de prendre et qui est pris par les autres, que j'aimerais bien prendre, eh bien non, je n'arrive pas à le prendre. Oui. Je m'ennuie. Je le prends, mais je m'ennuie. Donc, qui a écrit un livre en s'ennuyant ? Ce n'est pas possible.

  • Speaker #0

    Il y en a beaucoup.

  • Speaker #1

    En s'ennuyant soi-même ?

  • Speaker #0

    Je pense que malheureusement, il y en a qui se forcent. Il y a beaucoup de gens qui se forcent à écrire, mais pas vous. Ça, c'est une qualité, je pense. C'est d'essayer de reconnaître à quel endroit il y a de la vie. Voilà.

  • Speaker #1

    Tout est là. Oui. Ah oui, tout est là.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'au fond, ce que ne dit pas ce livre, peut-être si, peut-être le message du livre, c'est que c'est compliqué d'être à la fois un écrivain et d'avoir une vie sociale ?

  • Speaker #1

    Disons que tout est dans à la fois. À la fois, ce n'est pas compliqué, c'est impossible. Ça n'existe pas. Mais on peut être deux personnes. Je pense que c'est ça. Il n'y a pas 50 solutions. On peut être deux personnes. Je pense que quand on écrit, Enfin moi je sais très bien que celle qui est devant l'ordinateur quelques heures dans une journée n'est pas la même que celle qui est ici. Celle qui est ici, quand même c'est une amie de l'autre. Oui, c'est vraiment une amie. Mais sinon, le reste du temps, il y a une sorte d'oubli. Et puis, c'est bien d'ailleurs d'oublier cette autre chose et une personne autre qui prend le relais quand même, qui est soi aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous vous sentez un peu comme un extraterrestre ? Je veux dire, quand vous arrivez dans ces dîners mondains que vous décrivez, ces réceptions...

  • Speaker #1

    On pourrait parler au passé parce que ça c'est chaud. Plus du tout.

  • Speaker #0

    Et vous racontez tout ça avec beaucoup de drôlerie.

  • Speaker #1

    Extraterrestre, oui, oui. Et la question que je me pose, c'est est-ce que dans un contexte comme ça, je suis la seule extraterrestre ou est-ce que c'est un dîner d'extraterrestres ? Ce n'est pas impossible.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas impossible.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas impossible. Non. Mais en même temps, je pense que pour certains, on peut ne pas être extraterrestre. dans une situation comme celle-là si on a un objectif bien particulier et qu'on est là pour une raison bien précise et surtout qu'on domine la situation. Je pense que celui, celle, ceux qui dominent la situation, parce que comme ce sont des situations hautement sociales, il y a forcément des gens qui les dominent et d'autres qui suivent, d'autres qui ont bien de la chance de pouvoir être assis là, etc., qui considèrent ça comme un privilège. Mais pour tous ces gens-là, c'est un peu difficile. Mais pour ceux qui sont en majesté et dont c'est la fête, alors je pense que là, oui, il peut y avoir un confort et un grand plaisir narcissique, sûrement.

  • Speaker #0

    Il y a Proust qui disait exactement la même chose. Il disait qu'un écrivain, il a son moi social qui est différent du moi qui écrit. Mais Proust était un bourgeois. Proust était plutôt quelqu'un dans le milieu dominant. Il était riche.

  • Speaker #1

    Oui, mais ça n'a rien à voir en fait. Et écrire, ce n'est pas du tout, mais pas du tout, une activité sociale. Et c'est drôle d'ailleurs, parce que justement, c'est aussi un attribut social qui plaît beaucoup. à une certaine classe sociale. Oui,

  • Speaker #0

    c'est ce que vous dites très bien. Les gens vous invitent, ils vous reçoivent, ils sont contents d'avoir Christine Angot à leur table ou en vacances. Ils sont...

  • Speaker #1

    Je pense que vous pouvez être leur amie.

  • Speaker #0

    Mais vous pouvez être leur amie.

  • Speaker #1

    Je peux essayer.

  • Speaker #0

    Sauf qu'après, il y a des livres qui sortent où vous racontez tout et là, c'est un peu plus dur.

  • Speaker #1

    Et après, je suis ennuyée de les faire, ces livres, mais je me dis, on verra après, je ne suis pas obligée de publier. Et puis, je publie. Quand même.

  • Speaker #0

    Voilà. Parce que... Alors, par exemple, il y a des gens qui sont fâchés à la sortie de ce livre ? Je ne sais pas. Vous ne savez pas, d'accord. C'est aussi un livre sur, vous savez, un grand sujet classique des romans français du XIXe siècle, qui est la montée à Paris.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    Ça, c'est très balsacien. Bien sûr. Vous êtes née à Châteauroux. vous avez été... Je sais que vous détestez le terme victime. Enfin, vous avez été...

  • Speaker #1

    Non, non, non. Je ne déteste pas du tout le terme. Bien sûr que j'ai été victime d'un inceste. C'est plutôt le dire je suis une victime. C'est ça que je dis.

  • Speaker #0

    Vous avez vécu cette catastrophe.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #0

    C'était dans les années 70.

  • Speaker #1

    Oui, enfin, oui. C'est par là, oui.

  • Speaker #0

    Moi j'ai calculé parce que si c'est de 13 à 16 ans, ça fait 72-76 ans.

  • Speaker #1

    Oui c'est ça, exactement.

  • Speaker #0

    Et donc... Il y a ce malheur qui vous brise, qui vous casse, qui fait que vous n'avez plus de repères. C'est comme que vous êtes devenu un puzzle. Et puis vous montez à Paris, là vous commencez à rencontrer ces gens dans l'art, les éditeurs. Et là vous racontez...

  • Speaker #1

    Il y a des années d'études, de mariage, de pensée qu'un équilibre est une forme de normalité. à condition que ça existe, que je puisse continuer ma vie, que le fait de grandir, de devenir adulte, fait que ce truc-là est passé et je vais faire comme tout le monde. Bon. Et puis, il y a un effondrement.

  • Speaker #0

    Ce qui compte dans les livres, c'est la forme. Vos premiers livres ont un rythme, une énergie, mais on voit la cassure. Les phrases sont hachées, les phrases sont brisées, comme vous. Et puis, d'ailleurs, c'était le test ultime, c'était vos lectures publiques. Quand on vous voyait lire vos textes, on comprenait beaucoup mieux votre forme. Vous savez que Kafka, quand il lisait ses textes, se marrait, il riait, alors que ce n'étaient que des textes horribles. Et vous, quand vous lisiez, c'est fiévreux, c'est saccadé, presque comme du rap. Mais votre forme, elle évolue. Elle est en train de changer, elle est en train de s'apaiser, de ne pas s'adoucir du tout, mais vous n'écrivez plus comme vous écriviez à vos débuts.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'avant, c'était comme si... Pendant longtemps, c'est comme si, même sur le livre qui s'appelle L'inceste, surtout celui-là d'ailleurs, c'était comme si la narratrice, c'était le personnage. Le personnage qui est dans un certain état. Et qui, tout d'un coup... Par exemple, dans L'inceste, c'est la colère. Oui. Voilà. Il y a la colère qui s'exprime. Et puis, plus tard... qui est, je ne sais pas avec quel livre ça a commencé, peut-être avec Rendez-vous, justement. Et c'est... Ah non, parce que la colère, c'est intéressant, mais c'est intéressant. Ça permet de montrer l'état humain, un état humain. Donc ça, c'est quand même intéressant. Et dans quel état se retrouvent les gens ? Mais si on veut... Hum... Faire une sorte de panorama, une sorte de film des choses, si on veut juste montrer une sorte de plan large. Alors à ce moment-là, il vaut mieux être très calme dans des phrases bien ponctuées, avec un rythme posé, et où les situations pourront...

  • Speaker #0

    aussi existé mais voilà oui mais ça se sent beaucoup vous abordez aussi un autre sujet tabou qui est l'argent des écrivains les écrivains dans leur est grande majorité majorité sont tous pauvres, à quelques exceptions près, qui d'ailleurs sont peut-être pas des écrivains. Cette liberté qui est la vôtre, elle est difficile. Il faut résister à la corruption, au compromis, et j'aimerais bien que vous nous lisiez un passage du livre. Alors attention, je précise que ce n'est pas une commande, c'est une suggestion. Sinon ça va se passer. À partir du trait,

  • Speaker #1

    je... Jusqu'où ?

  • Speaker #0

    Eh bien,

  • Speaker #1

    j'ai... Ah oui d'accord.

  • Speaker #0

    Alors...

  • Speaker #1

    Ah oui d'accord.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    L'argent tenait une place beaucoup plus importante dans leur milieu que dans celui des écrivains. On vous présentait quelqu'un en mentionnant la maison sublime qu'il possédait quelque part, comme si c'était une qualité personnelle et que le critère économique n'existait pas. Le visage du propriétaire irradiait avec un mélange de fierté, de gratitude et de timidité d'être complimenté sur son goût et son œil par un artiste reconnu. Il faut que tu vois ça, il faut que tu viennes. ou à propos de quelqu'un qui a été qui venait d'acquérir un immeuble dans le 8e, il aime l'immobilier. Les montants que touchaient les artistes qui gravitaient autour de Sophie n'avaient rien à voir avec mes revenus ni avec ceux des écrivains que je connaissais. Certains vivaient de leurs livres, pas dans les mêmes proportions. Je côtoyais Camille Laurence, Mathieu Lindon, Emmanuel Carrère et les auteurs que je croisais chez Stock, qui était à l'époque ma maison d'édition. Certains d'entre eux avaient eu un prix, un succès de librairie ou percevaient un salaire de l'éducation nationale. Aucun ne vivait dans l'opulence. À moins d'avoir une autre source de revenus comme de l'argent de famille. J'avais vécu sur le salaire de Claude pendant 18 ans, dont 7 sans être publié. Quand je l'avais été, je n'avais rien gagné pendant 10 ans. Un an après la publication de mon premier roman, j'avais reçu une lettre de Gallimard et monté l'escalier le cœur battant pour la décacheter dans l'appartement. La somme était tellement faible que j'en avais pleuré. Donc, pour moi... Écrire, c'est quelque chose qu'on fait sans raison, quelles que soient les circonstances. sans autre engagement que le sien, écrire vraiment.

  • Speaker #0

    C'est important de dire ça, parce que c'est quelque chose que les gens ne savent pas forcément. La manière dont... Les écrivains n'ont aucune sécurité de l'emploi, ils n'ont aucune... Enfin, très peu de subventions. Et quand vous arrivez à Paris et que vous côtoyez ces artistes contemporains qui gagnent très bien leur vie, vous êtes hallucinés.

  • Speaker #1

    Ben, j'étais un peu préparée à ça, mais comment dire... C'est-à-dire que oui, qu'il y a des... Disons que... Il y a les artistes, écrivains, enfin bon tout ça, tout ça est ami, tout ça est ensemble, etc. Les artistes peuvent avoir besoin. des écrivains parce qu'ils écrivent un texte, donc ils sont un peu aussi à leur service peut-être, mais en même temps, ils ont énormément de respect pour ces gens-là qu'on appelle les écrivains. Il y a les gens qui font du cinéma, il y a tout un tas de choses. Et concernant les artistes, il ne faudrait évidemment pas laisser penser que tous les artistes gagnent beaucoup d'argent, parce que c'est archi faux.

  • Speaker #0

    Archi faux.

  • Speaker #1

    mais Mais disons que quand un artiste gagne de l'argent, il peut vraiment gagner beaucoup d'argent, beaucoup. Et tout d'un coup, vous, vous êtes là avec exactement le même, entre guillemets, prestige de celui qui est dans ce qu'on appelle l'art ou la littérature, enfin, toutes ces choses très élevées. la question de l'argent n'a pas disparu pour autant. C'est ça qu'on voit. C'est-à-dire, ce n'est pas parce qu'on est au niveau, dans le domaine de l'art et de la littérature, que tout d'un coup, toutes les questions matérielles ont disparu. Non seulement elles n'ont pas disparu, mais elles introduisent des niveaux. Oui. Voilà. Des niveaux, il y a ceux qui ont certaines possibilités et d'autres qui n'ont pas ces possibilités. Mais, et c'est très bien. Je cherche juste à ce que ce soit écrit.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Je ne cherche pas à ce que ça change.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que je vous compare à Truman Capote dans Prières exaucées, parce que quand il fréquentait, il était invité chez des riches femmes new-yorkaises de la haute société. Un jour, il a eu besoin d'écrire sa différence, en fait. Et à ce moment-là, il a été banni, ostracisé et tout ça. Bon, il s'en foutait, peut-être. Ce n'était pas très grave.

  • Speaker #1

    Après, il y a un truc quand même qui est marrant. C'est qu'on voit dans une scène du livre, là, en particulier, c'est-à-dire, c'est les gens qui pensent qu'ils peuvent vous acheter. Parce qu'en fait, on peut acheter beaucoup de gens. Beaucoup. Il y a beaucoup de gens qui sont... Ce qu'ils écrivent peut être à vendre, enfin, voilà. Et donc, le service, la question du service, de rendre service, est très courante dans ces sociétés élevées. Elles ne se présentent pas forcément en tant que telles, et pourtant...

  • Speaker #0

    Oui, c'est très hypocrite, en fait. Vous êtes reçu en vacances chez des gens, et peut-être... de temps après, on vous demande d'écrire un texte pour un magazine sur la dame, la femme du propriétaire ou je ne sais plus quoi.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'elle écrit. Parce qu'ils écrivent tous. Parce que écrire, c'est quand même quelque chose que n'importe qui peut faire. Oui. Il faut quand même le redire.

  • Speaker #0

    Gombrowicz dit écrire est très difficile parce que c'est très facile. Mais... Ce n'est pas forcément des livres qu'ils écrivent. Je pense que c'est ça la différence. Ils écrivent, oui, mais ce ne sont pas des livres. Il faudrait trouver un autre mot.

  • Speaker #1

    Oui, ou alors des livres, mais peut-être pas de la littérature.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. 20 ans avant MeToo, il fallait un sacré courage pour oser raconter l'inceste. C'était en 1999. Je voulais savoir comment vous avez reçu les publications des récits. de Neige Cinaud, de Camille Kouchner, qui sont un peu vos héritières. Vous avez, si je puis dire, pavé la route pour beaucoup de confessions intimes qui ont été des déflagrations, comme l'a été l'inceste à sa publication. Est-ce que vous êtes fier d'avoir permis l'éclosion de cette parole ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce n'est pas du tout moi qui ai permis l'éclosion de cette parole. Je pense que l'éclosion de cette parole, c'est MeToo, à partir de 2017, qui l'a permise. Je pense que moi, si on avait dû compter sur moi pour qu'il y ait une modification de l'âge du consentement, de ce genre de choses, ou de la loi, on aurait pu attendre longtemps. jamais Macron et son ministre de la justice de l'année, où Camille Kouchner sort son livre, jamais ils auraient dit « Oui, on a lu Christine Angot, etc. Il faut absolument qu'on change. Il faut absolument qu'on fasse un truc sur le viol sur mineurs. » Au passage, ils ont mélangé le viol sur mineurs et l'inceste. Passons. Bon, passons.

  • Speaker #0

    Ils l'ont fait parce que c'était le livre de Camille Kouchner et qu'il était ce qu'il était et qu'il a pu entraîner ça.

  • Speaker #1

    Oui, mais ce délai, 1999, Me Too c'est 2017, il s'est passé 18 années où vous, vous aviez déjà tout dit, vous aviez déjà exprimé cette parole-là.

  • Speaker #0

    Alors, est-ce que j'avais dit quoi que ce soit ? J'avais écrit, ce n'est pas tout à fait la même chose. Le truc avec l'écriture, c'est que c'est écrit mais c'est pas dit. Indortuellement, c'est pas dit, on peut faire comme si ça n'existait pas. Ça rentre pas dans le social de la même façon.

  • Speaker #1

    Non, mais est-ce que vous avez, quand c'est arrivé, quand la société a enfin pris en compte cette souffrance, est-ce que ça vous a soulagé ou est-ce que vous vous êtes dit,

  • Speaker #0

    c'est trop tard ? Trop tard ?

  • Speaker #1

    Non, je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Non, trop tard de quoi ?

  • Speaker #1

    Non, mais ils auraient pu réagir plus tôt.

  • Speaker #0

    Ah, mais non ! Mais non ! Non, non, je ne me suis pas dit ça. Je me suis dit, bon, OK, c'est bien, mais maintenant, il va falloir préciser. Je me suis dit, il faut préciser. Moi, j'étais en train de faire le voyage dans l'Est au moment où c'est sorti, au moment où le livre de Camille Kouchner est sorti. J'étais en train de faire le voyage dans l'Est. Et peut-être que, en fait, ce qui s'est passé, c'est que peut-être je me suis... exprimé à la radio par exemple de manière en tant que moi pas seulement en tant que l'écrivaine qui a écrit ci et ça je me suis exprimé j'ai pris le risque oui je le considère comme un risque et parfois ça m'a été pénible d'ailleurs de oui de parler comme un témoin de quelque chose ça vous Vous avez toujours détesté les témoignages.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    je déteste, je n'aime pas ça. J'évite de le faire, mais il y a des moments où j'ai essayé, j'ai accepté de rejoindre ça, toujours avec un inconfort, parce que fondamentalement... J'ai des doutes sur tout ça, même quand on voit la loi qu'ils ont essayé de remettre, de corriger. Il y a un truc qui ne va pas, mais peu importe, je ne vais pas parler de ça ici.

  • Speaker #1

    Vous dites dans l'inceste.

  • Speaker #0

    Je n'ai pas confiance en réalité. Je n'ai confiance que dans la littérature. Donc quand on en sort et que ça permet des choses, tant mieux. C'est bien, c'est bien.

  • Speaker #1

    Non mais je veux lire cette phrase. de vous dans l'inceste, ce livre va être pris comme une merde de témoignage. C'est exactement ce qui s'est passé quand le livre est sorti. On vous en a parlé plus comme un témoignage, peut-être sans comprendre que c'était aussi une musique de la révolte, de la colère, comme vous l'avez dit.

  • Speaker #0

    Oui, mais voilà, très important. Qu'est-ce que ça veut dire, être pris comme une merde de témoignage ? Ça veut dire deux choses. Ça veut dire comme une merde. Ça veut dire témoignage. Ça veut dire c'est pas... écrit ça veut dire c'est pas on n'est pas dans la littérature et donc c'est aussi un témoin c'est c'est rien quoi c'est c'est celui qui a vu un truc et c'est celui qui a vu un truc voilà il va dire parce que lui il avait un truc m'attendait mais moi c'est pas du tout ça que je fais je sais pas j'ai pas dit j'ai vu un truc j'ai pas dit mais arrivé ça non c'est pas ça moi ce que je j'ambitionnais et que j'ambitionne toujours, c'est c'est pas de dire j'ai vécu ci, j'ai vécu ça. C'est encore une fois de montrer le tableau dans l'ensemble. Je l'ai fait pour faire entrer ces histoires-là dans la littérature. Ces histoires de viol, ça. Les faire entrer dans la littérature. Voilà pourquoi je l'ai fait. J'ai pas fait pour autre chose. Et donc, si c'est une merde de témoignage, il n'y a pas le tableau.

  • Speaker #1

    Mais c'est même... Enfin, moi, je dirais ça autrement. Je dirais, c'est pas parce qu'on est une victime qu'on a du talent. Ça, c'est peut-être ça que vous... Enfin, moi c'est ce que je dis, moi, je ne vais pas dire ça.

  • Speaker #0

    Mais pourquoi ? Parce qu'il y a des gens qui disent ça ?

  • Speaker #1

    Il y a énormément de livres de victimes, de gens qui racontent des histoires, des traumatismes et tout ça. C'est pas forcément de la littérature à chaque fois.

  • Speaker #0

    Alors, je crois qu'il faut dire les choses autrement. Vous dites, c'est pas parce qu'on est une victime qu'on a du talent. C'est la vérité ? Oui, mais attendez. C'est pas parce qu'on est une victime... qu'on voit le tableau complet et qu'on va décrire le tableau complet, qu'on aura envie de décrire le tableau complet. Et je pense que c'est ça aussi, c'est-à-dire que dire sa douleur, c'est une chose. Dire le monde dans lequel elle se produit, c'en est une autre. Est-ce que c'est pas... Est-ce que ça ne rejoint pas votre question ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Mais moi, ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a toute une littérature de victimisation qui est presque comme si la littérature était considérée comme un médicament ou comme une thérapie. Les gens qui se soignent en écrivant des livres et tout ça. Je respecte ça, mais peut-être que votre projet n'était pas des tout.

  • Speaker #0

    Tu fais dire un truc horrible.

  • Speaker #1

    Moi, je dis un truc horrible.

  • Speaker #0

    Oui, mais vous, on a l'habitude. Alors du coup, on m'avait fait perdre le fil.

  • Speaker #1

    Est-ce que la littérature, c'est un Xanax ? Oui ou non ? Je crois que non.

  • Speaker #0

    Il y a eu toute une époque qui n'existe plus vraiment, enfin qui a muté disons, où il y avait la littérature féminine. Ce qu'on appelait la littérature féminine, avec des... Je ne sais plus, Madeleine Chapsal, Geneviève Dormann, il y avait des femmes qui écrivaient des livres comme ça, c'était la littérature féminine, qui racontait des choses, je ne me souviens pas d'ailleurs, plutôt l'amour. Ça racontait plutôt l'amour. Intéressant, moins intéressant, c'était variable. Et puis... du race, une sorte de littérature féminine aussi, mais appelée littérature à la différence de ses autres femmes. Et cette littérature... d'amour, cette littérature féminine d'amour, j'ai l'impression qu'elle n'existe plus vraiment, ou alors vraiment dans les bas fonds, et qu'aujourd'hui, on ne raconte plus l'amour, on raconte les violences sexuelles. Et je pense que les femmes qui, d'une manière, voilà, c'est un petit peu... Est-ce que ça n'a pas... Est-ce que ça n'a pas muté comme ça ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Mais ça, ce n'est pas horrible de dire ça. Je m'attendais à pire.

  • Speaker #0

    Disons que si, parce que si on dit que du coup, c'est un truc féminin, si ça devient un sujet féminin, en fait, c'est ça le danger. C'est que ça devienne un sujet féminin.

  • Speaker #1

    C'est que la littérature féminine soit réduite à une complainte, une lamentation.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que de la même manière que pendant... qu'il y a 40 ans, les femmes osaient écrire à partir du moment où elles pouvaient parler de sujets féminins, et bien là, peut-être qu'elles osent écrire à partir du moment où elles peuvent parler de douleurs féminines sexuelles.

  • Speaker #1

    Vous préférez qu'on vous dise que vous êtes un écrivain ou une écrivaine ?

  • Speaker #0

    Alors, il y a 15 ans, je préférais qu'on me dise que j'étais un écrivain.

  • Speaker #1

    Ah oui ? Bon,

  • Speaker #0

    maintenant, je préfère qu'on me dise que je suis une écrivaine. Mais oui, parce que ce que je veux, c'est qu'on ne remarque pas le mot. Donc, si aujourd'hui on dit « ah non, moi je suis un écrivain » , ça veut dire que c'est une posture. De la même manière que... Il y a 15 ans, c'était une posture de dire « Attention, moi je suis écrivaine ! » Bon, donc je pense qu'aujourd'hui, le mot « invisible » , parce que je pense que les mots doivent être invisibles,

  • Speaker #1

    Oui, ça a évolué, oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc écrivaine.

  • Speaker #1

    Léonore est dans votre livre, c'est votre fille, et elle est aussi dans votre film d'ailleurs. À chaque fois que vous avez besoin d'incarner l'amour, vous invitez votre fille dans votre œuvre. C'est comme pour montrer, je ne sais pas, moi j'ai un enfant et j'arrive à l'aimer sans lui faire de mal.

  • Speaker #0

    Non, ça n'a rien à voir parce que je pense qu'elle hérite aussi de cette chose-là quand même, celle-là. Elle a aussi à s'en occuper, mais non. Là, par exemple, sur la nuit, au musée, c'est... Je n'ai pas envie d'être toute seule dans ce truc. Vraiment pas du tout. Et être avec elle, ça peut... Ça a plein d'avantages. Elle connaît l'art mieux que moi, c'est le moins qu'on puisse dire. Et puis, ça va nous faire passer un bon moment parce qu'on ne vit plus ensemble. Donc, voilà. Il faut aussi, quand on fait un truc de commande, ça, on ne le dit pas suffisamment, il faut aussi en retirer quelque chose. Pourquoi est-ce qu'on ferait un livre pour quelqu'un si on ne peut rien avoir soi ? Donc, il faut. Parce qu'en fait, quand on fait un livre, on n'a rien pour soi à part le livre.

  • Speaker #1

    Donc... Autant que ce soit agréable.

  • Speaker #0

    Ben oui, il faut quand même avoir des choses pour soi. Donc si on peut dîner au restaurant de la Bourse, par exemple, toutes les deux. on a quelque chose pour soi. C'est pas grand chose.

  • Speaker #1

    Déjà que c'est mal payé, que plus personne ne lit des bouquins, autant qu'il y a un peu de plaisir.

  • Speaker #0

    Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Dans cette émission, je fais un jeu qui s'appelle « Devine tes citations, Christine » . Je vous lis des phrases de vous, tirées de votre œuvre, et vous devez deviner dans quel livre vous avez écrit cette phrase. Exercice de mémoire, très difficile. Quand je plaisais à quelqu'un qui me plaisait et que je me l'avouais, J'étais heureuse, mais tellement impatiente que ça se fasse, je voulais en être sûre trop vite, je faisais tout rater.

  • Speaker #0

    Alors, rendez-vous ? Oui !

  • Speaker #1

    Bravo ! Il y a 22 livres et vous avez trouvé le bon. C'était le livre qui a obtenu le prix de Flore en 2006. Oui, c'est ça, en amour, il ne faut pas se précipiter, c'est ça que vous dites. Est-ce que vous êtes moins exigeante aujourd'hui ou plus ?

  • Speaker #0

    Non, mais là, ce n'est pas tant une question d'exigence, c'est surtout une question d'incapacité, de manque de confiance en soi. tellement important que bon, il vaut mieux que ça rate quoi.

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord. Et là, on voit, c'est intéressant dans cette phrase. Quand je plaisais à quelqu'un qui me plaisait et que je me l'avouais, j'étais heureuse mais tellement impatiente que ça se fasse. Style très classique, mais c'est presque du Labruyère ou je ne sais pas, du Benjamin Constant, vous voyez, l'analyse des sentiments et tout. Et puis la phrase continue, je voulais en être sûr trop vite, je faisais tout rater. Et là... On est chez Marguerite Duras un peu plus, c'est-à-dire qu'il y a trois phrases, une longue, deux courtes. C'était ça aussi votre nouveauté à vous, c'était de mélanger le classique et le contemporain peut-être. Aujourd'hui vous diriez que vous allez plus vers le classique et moins vers l'expérimental ? Ou ça dépend des livres ?

  • Speaker #0

    Alors peut-être ça peut dépendre. des livres peut-être ça peut dépendre des livres on peut pas savoir en fait je peux pas savoir peut pas savoir on verra oui autre phrase de vous alors vous devez deviner dans quel livre vous avez écrit cela vous aviez quel âge ça a

  • Speaker #1

    Ça a duré combien de temps ? De quand à quand ? Interview. Interview, 1995. Je lis jusqu'au bout, parce que c'est que des questions. De quand à quand exactement ? Y a-t-il eu des reprises ? Étiez-vous surprise ? A-t-on des traces ? De quel type ? Là, c'est une rafale de questions terribles. Vous tourniez en dérision les interrogatoires des journalistes qui étaient comme des flics.

  • Speaker #0

    Oui, une journaliste en particulier.

  • Speaker #1

    Mais est-ce que l'écriture autobiographique autorise des compétences comportement inadmissible de la part des journalistes. Et là, je suis désolé, parce que je vous pose plein de questions indiscrètes.

  • Speaker #0

    En tout cas, l'exemple là, qui est dans Rendez-vous, c'était quelque chose que j'ai vécu qui avait été affreux.

  • Speaker #1

    Non, c'est Interview.

  • Speaker #0

    Oui, dans Interview, ça avait été horrible, j'avais vécu ça très très très très mal. Ça avait été affreux, parce que les livres ne se vendaient pas du tout. Du tout, du tout. Je crois que le livre en question ça devait être je ne sais plus, ça devait être Léonore Toujours on en avait vendu 300 je crois, exemplaires et donc j'avais cette invitation à Marie-Claire c'était le seul le seul papier qu'on me proposait et elle avait dit, il faudrait qu'elle parle de ça, etc elle avait dit à l'éditeur qui était l'arpenteur à l'époque Merci. Et j'avais dit, ok, bon. Mais j'avais accepté de parler de la chose elle-même, de l'inceste, mais vraiment, c'était pas comme maintenant, quoi, je veux dire. J'étais, mais c'était une punition, quoi, punition. Elle avait dit, mais je parlerais quand même de littérature et tout ça. J'ai dit, bon, ok. Et donc, je suis allée, et ça a été affreux. Ça a été affreux, ça a été...

  • Speaker #1

    C'était vraiment ces questions-là ? De pan à pan, exactement.

  • Speaker #0

    Vraiment ces questions-là. C'était une journaliste de Marie-Claire qui habitait dans le 5e, qui m'a reçue dans son appartement avec des fauteuils recouverts de tissus damassés et qui s'est autorisée toutes ces sortes de... Enfin, de sortir, alors là, vraiment...

  • Speaker #1

    Des questions très...

  • Speaker #0

    De la littérature. complètement, ne même pas prendre soin d'enchasser sa question dans une phrase du livre. Et ensuite, elle a dit que comme mon père n'était pas mort, ce qui était le cas, Il y avait juste un petit problème, c'est qu'elle ne pouvait pas publier l'entretien avec mon nom.

  • Speaker #1

    Et donc là, vous deveniez vraiment une merde de témoignage. Voilà,

  • Speaker #0

    parce que je m'appelais Ango comme lui. Et donc, ce n'était pas possible. Mais elle me proposait de le publier avec la petite fille anonyme. Même pas Christine, rien. Et puis à côté... Comme j'ai rien fait sur votre livre dans les pages livres, je ferai un truc sur...

  • Speaker #1

    Une petite colonne, un entrefilet.

  • Speaker #0

    Sur Léonore Toujours.

  • Speaker #1

    Ouais. Oui, c'est ultra...

  • Speaker #0

    J'ai dit non. Tout ça pour dire que les gens se permettent des choses avec des gens qui n'ont pas de succès, qui ne vendent pas de livres, d'un côté, et qui en plus ont un truc de victime. qui est mais monstrueux.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que vous avez écrit L'inceste après. Puis c'est quatre ans avant Interview. L'inceste, c'est 99 et Interview, 95. C'est ça. Sans doute, vous avez dit, bon, maintenant j'y vais. C'est moi qui comprends.

  • Speaker #0

    Je ne sais même plus pourquoi. En fait, c'est parce que j'avais à ce moment une histoire avec une femme. Et je me suis... Comme d'habitude, je n'arrivais pas à écrire. Et oui, je me suis embarquée là-dedans.

  • Speaker #1

    Autre phrase. De vous. Quand on parle, c'est un acte. Et donc, ça fait des choses, ça produit des effets, ça agit.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une inceste.

  • Speaker #1

    Quitter la ville.

  • Speaker #0

    Ah, quitter la ville.

  • Speaker #1

    En l'an 2000. Vous voulez dire qu'écrire, ça a des dommages collatéraux ? Mais aujourd'hui, j'ai l'impression que contrairement à l'époque où vous écriviez ça, c'est-à-dire il y a 25 ans, aujourd'hui vous vous fichez de ce qu'on pense de vous. Vous êtes devenue plus forte. Est-ce que je me trompe ?

  • Speaker #0

    Euh... Non, c'est vrai. Est-ce que ça me préoccupe ? occupait à l'époque ? Parce que là, c'était quoi ?

  • Speaker #1

    Écrire, quand on parle, c'est un acte, et donc ça fait des choses, ça produit des effets, ça agit, c'est sûr.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai l'impression que ça ne m'amuse pas forcément, mais oui, je crois que j'ai compris que c'était comme ça, qu'on était seul, et puis que ça allait, quoi. C'est pas grave.

  • Speaker #1

    On passe maintenant à vos conseils de lecture d'une grande professionnelle. Vous avez votre antisèche. pense que nos auditeurs ont envie de savoir quels sont les livres qui sont importants pour vous un livre qui vous donne envie de pleurer alors j'ai mis Le métier de vivre de Parisais parce que voilà quand

  • Speaker #0

    même Le métier de vivre déjà c'est un très beau titre et puis en plus quand on tourne la dernière page on sait puisque c'est le projet qu'il fait à un moment du livre un désespoir amoureux plusieurs désespoirs amoureux qui sont enchaîne et un moment il décide de se suicider. Et à la dernière page du livre il dit, bon ben voilà, c'est décidé, je vais le faire, je le fais demain. Et donc nous qui lisons, on sait qu'on lit la dernière page de quelqu'un qui s'est suicidé le lendemain.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose qui vous a traversé l'esprit, l'âme parfois ? Jamais. Non,

  • Speaker #0

    beaucoup. dit comme ça en colère, mais ça, comme tout le monde.

  • Speaker #1

    Surtout quand on a un enfant. Je crois peut-être que ça retient au dernier moment.

  • Speaker #0

    Non, mais même. Oui, mais dans les moments de colère, je pense que je vais me foutre en l'air, machin. C'est rien. Tout le monde dit ça et tout le monde peut le dire. Tout le monde peut le dire.

  • Speaker #1

    C'est même sain de le dire, d'ailleurs.

  • Speaker #0

    En tout cas, ça fait un projet. Voilà. Mais sérieusement, non.

  • Speaker #1

    Un livre pour arrêter de pleurer après avoir lu Pavézé ?

  • Speaker #0

    Alors, je crois, je dirais, même si c'est un peu compliqué, mais peut-être celui qu'on... qu'on essaye d'écrire, je dirais.

  • Speaker #1

    Ah oui.

  • Speaker #0

    Peut-être celui qu'on essaye d'écrire.

  • Speaker #1

    Quand vous écrivez, c'est pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #0

    Ou pour commencer à pleurer. En tout cas, c'est beaucoup lié à la question de quelque chose qui n'est pas résolu, qui ne va pas. Mais comment on peut dire les choses comme ça ? Mais pas du tout, il faudrait les dire autrement. Oui. Voilà. Alors après, je ne sais pas si ça répond bien à la question. Oui, oui.

  • Speaker #1

    Vous écrivez pour clarifier. Ah oui. C'est bien.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer ?

  • Speaker #0

    Eh bien, c'est gênant, mais j'ai mis Ulysse de Joyce.

  • Speaker #1

    C'est le choix de beaucoup de mes invités.

  • Speaker #0

    Oui. C'est-à-dire qu'on est dans un truc... Il y a d'autres livres où on peut s'ennuyer sans admirer. Bon. Là, il y a une sorte d'admiration. Parce qu'on s'aperçoit quand même de ce qu'on lit et on voit bien qu'il y a quelque chose qui existe fortement, qui est admirable et qui a une grande liberté. Mais voilà.

  • Speaker #1

    Ça vous tombe des mains.

  • Speaker #0

    Ça ne me tombe pas des mains parce que moi, en fait, quand je m'ennuie, à un moment, j'arrête. J'arrête, je recommence, j'arrête, je recommence. Mais quand même, sur des livres qui sont parfois un peu difficiles, vous arrêtez, vous recommencez. Puis à un moment, vous montez dans le train. Et là, je monte dans le train, mais je m'arrête au tiers du voyage. Mais je reprends aussi sur la toute fin le monologue.

  • Speaker #1

    Le monologue de Monnie Bloom, oui, bien sûr. Un livre pour crâner dans la rue. Est-ce que Christine Angot vous crânait dans la rue ?

  • Speaker #0

    Alors, pas suffisamment, je pense. Mais disons que je pense, en tout cas j'ai souvent remarqué que... Un livre qui est assez efficace, en tout cas quand on le voit soi-même, comme ça, c'est Proust en folio. Parce que sinon, ça fait genre une pause, donc c'est pas possible. Donc en folio, c'est-à-dire naturel. D'accord. Et si possible... Pas du côté de Chessoine, mais au moins côté de Garmente.

  • Speaker #1

    Un livre qui rend intelligent, c'est peut-être le même.

  • Speaker #0

    Je pense sûrement justement à un livre de Barthes, peut-être l'écriture du roman. Moi, je me souviens quand j'avais ouvert l'écriture du roman, tout d'un coup,

  • Speaker #1

    waouh ! Très, très, très brillant. Et il écrivait toujours sur commande. Lui, un livre pour séduire.

  • Speaker #0

    Bon, là, je ne sais pas pourquoi, mais c'est le livre qui m'est venu. C'est Gatsby le Magnifique.

  • Speaker #1

    Ah bon, ça alors ?

  • Speaker #0

    Gatsby, oui.

  • Speaker #1

    Draguer avec Gatsby le Magnifique.

  • Speaker #0

    Moi, je ne drague pas, évidemment. Mais non, mais parce que Gatsby, d'abord, c'est Fitzgerald. donc je ne sais pas tout Tout est... Je ne sais pas comment dire. C'est le livre que tout le monde a envie de... Qu'on peut partager, que tout le monde a envie de lire, que tout le monde est heureux d'avoir lu, que tout le monde a envie de relire.

  • Speaker #1

    C'est drôlement... Je n'imaginais pas du tout fan de Fitzgerald. Je suis bête, j'ai un cliché dans la tête, j'ai des préjugés.

  • Speaker #0

    Comment ne pas ?

  • Speaker #1

    Non, mais c'est un scoop que Christine Angot aime. Je m'en réjouis. Un livre que je regrette d'avoir lu.

  • Speaker #0

    Je ne l'ai pas, moi, celui-là.

  • Speaker #1

    Non ?

  • Speaker #0

    Non, mais parce que je sais pourquoi je ne l'ai pas. Parce que je l'ai vu, cette question, en effet. Je me suis dit, si je regrette de l'avoir lu, je ne le lis pas. Donc, non.

  • Speaker #1

    On peut, par exemple, je ne sais pas, Mein Kampf. On peut regretter d'avoir lu Mein Kampf. Oui,

  • Speaker #0

    mais on peut aussi ne pas le lire.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait, on peut. Heureusement. Un livre que je fais semblant d'avoir fini. Peut-être que ça, c'est plus compliqué.

  • Speaker #0

    Et pourquoi je ne l'ai pas noté non plus, le suivant ? Non, je ne l'ai pas noté non plus.

  • Speaker #1

    Non, mais de toute façon, vous n'aimez pas les commandes.

  • Speaker #0

    Non, mais je ne l'ai pas noté. le fait que j'ai pas dû trouver c'est pour ça le livre que j'aurais aimé écrire ça c'est la princesse de Clèbe ah tiens vous voyez il est classique pour moi il n'y a rien de plus beau c'est quand même le plus grand râteau de l'histoire de la littérature ah oui bien sûr oui il y a ça aussi bien sûr et ça vous trouvez que ce qui est beau c'est qu'une femme résiste à la tentation c'est pas ça c'est que justement il y a toute cette tragédie à la fois sociale et amoureuse qui se déroule. Mais l'attention, tout ça est certi dans une phrase qui est d'une beauté, mais d'une élégance, d'un équilibre, d'une précision. Tout ça se déploie là-dedans. Et je trouve ça incroyable. Incroyable de beauté.

  • Speaker #1

    Voilà, pour l'air. Alors, pour les gens qui croyaient que Christine Angot était un auteur d'avant-garde, expérimental, elle aime Gatsby le Magnifique, elle aime La princesse de Clèves. Vous êtes un auteur, en fait,

  • Speaker #0

    classique. Oui, bah écoutez.

  • Speaker #1

    Je vous embarque dans ma vieillesse. Quel est le pire livre que vous ayez jamais lu ? Vous allez encore me dire, mais non, pourquoi lire le pire ?

  • Speaker #0

    Non, alors là, justement, c'est un livre que j'ai lu. Et c'est La question de Henri Allag.

  • Speaker #1

    Ah oui, sur la torture en Algérie.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est vraiment, au sens propre, le pire livre que j'ai lu.

  • Speaker #1

    Oui, c'est insoutenable.

  • Speaker #0

    Insoutenable, au point de... Mais on doit le lire, parce que nous, ce qu'on nous demande, c'est de le lire. Ce n'est pas d'être dans la situation. Donc, on peut et on doit au moins le lire. Et donc, je l'ai lu en entier. Évidemment. Mais je pense que c'est le pire livre que j'ai jamais lu. C'est-à-dire, en tout cas, c'est la pire lecture que j'ai jamais éprouvée. En même temps, je ne pourrais même pas ça appeler de l'admiration, parce que le livre est d'une vérité, c'est très très beau, c'est magnifique de vérité. Mais c'est... Tellement difficile à... Enfin c'est... C'est...

  • Speaker #1

    Peut-être qu'on devrait... Peut-être qu'on devrait presque le faire lire dans les écoles, pas trop tôt, mais... Pour comprendre la tension qu'il y a entre la France et l'Algérie. Et c'est sûrement un livre important, de même qu'il faut voir Shoah les 8 heures jusqu'au bout. Voilà.

  • Speaker #0

    Sauf que Shoah, on a 9 heures pour être dans... Il y a Lanzmann, il est quand même un personnage aussi.

  • Speaker #1

    C'est moins dur.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas pareil. Il y a des gens, on voit les gens. La littérature c'est plus dur que le cinéma cinéma, beaucoup plus dur. Il n'y a pas de visage, il n'y a rien à regarder. On ne peut pas rigoler, quoi.

  • Speaker #1

    On peut rigoler en regardant Ausha.

  • Speaker #0

    Non, mais quand même.

  • Speaker #1

    Oui, je vois très bien ce que vous voulez dire.

  • Speaker #0

    Il y a des arbres, il y a du vent dans les arbres. Il y a plein de choses. Il y a la vie, quand même.

  • Speaker #1

    Et le livre que vous lisez en ce moment ? Christine Angot, je rappelle que vous êtes membre de l'Académie Goncourt, donc vous êtes censée lire tout ce qui sort.

  • Speaker #0

    J'ai... repris, là, ça fait un moment que je l'ai lu, il y a longtemps, et là, j'ai repris l'essai sur la fatigue de Peter Hank.

  • Speaker #1

    Oui ?

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    C'est très bien, Peter Hank. Je l'ai eu dans mon émission, j'étais très très heureux de le recevoir. On va conclure, mais depuis une heure. Je crois que j'essaie de vous faire dire une chose, que vous allez mieux, que vous allez mieux. J'essaie de vous faire dire ça. Alors je vous pose la question, est-ce que vous êtes heureuse ?

  • Speaker #0

    En tout cas, je suis dans ma vie, je ne suis pas dans la vie de quelqu'un d'autre. Je pense que c'est une bonne chose.

  • Speaker #1

    Est-ce que ce n'est pas parce que vous avez rencontré la bonne personne aussi ? Quelqu'un qui vous comprend ? Est-ce que ce n'est pas...

  • Speaker #0

    C'est sûr que ça fait partie de... ça fait partie de l'équilibre c'est quand même cette question là est quand même importante en tout cas elle l'a été pour moi elle l'est quand même de savoir qu'il y a quelque chose

  • Speaker #1

    qui a quelqu'un qui est là quoi ouais c'est important merci infiniment christine angot d'être venu et puis c'était un plaisir alors je dois remercier l'équipe du figaro télé qui qui sont qui sont qui sont qui cette émission ne serait pas capté ne serait pas n'existerait pas Et puis, alors il y a plein d'horaires importants, ça passe sur le Figaro Télé notamment le samedi à 22h et j'aime bien l'horaire du mercredi 23h, je vous le recommande. Et tout le temps sur Youtube, la version longue, abonnez-vous à la chaîne Youtube aussi. Et puis je suis sponsorisé, alors je le dis, cette chemise là, c'est mon sponsor, c'est Figaré. Ben oui, les écrivains ils rament, comme vous le dites dans votre livre, ils galèrent, donc on a besoin... d'être soutenu pour pouvoir continuer cette émission. Merci infiniment. Et n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous allez mourir idiot, et ce sera la fin des haricots.

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