Speaker #1Salut, c'est Olivier. A l'occasion de la sortie du film Saint-Ex, j'ai décidé de te parler d'un héros de l'aviation, pionnier de l'aéropostale. Dans le film, son rôle est joué par Vincent Cassel. Il s'agit d'Henri Guillaumet. Quand on relate l'histoire de l'aéropostale, un trio de légendes est souvent évoqué, MermoZ, Saint-Exupéry et Guillaumet. Guillaumet, le moins connu des trois, était un homme discret, un terrien. C'est à lui que Saint-Ex va dédier son livre "Terre des Hommes".
Je suis dans le 16e arrondissement de Paris, devant le 33 rue Raynouard. Ici, pas de plaque. Rien pour rappeler qu'un grand homme de l'aviation avait son appartement à cette adresse. Cet homme était l'ami d'Antoine de Saint-Exupéry et de Jean Mermoz. Ensemble, ils formaient ce que beaucoup appellent le trio de l'Aéropostale. Et cet homme, c'est Henri Guillaumet, le moins connu des trois, et pourtant... Alors qui était Henri Guillaumet ? Henri Guillaumet est resté dans les mémoires comme un héros de l'aviation et particulièrement donc de l'Aéropostale. Né dans le village de Bouy en Champagne en 1902, Henri Guillaumet s'est passionné pour les avions en observant les aéronefs sur le terrain d'aviation situé tout près de chez lui. Il n'a que 6 ans quand il assiste au premier vol de ville à ville de l'histoire de l'aviation. Pour rejoindre la ville de Reims, c'est de Bouy, le village de Guillaumet, que Farman avait décollé. C'est là que se trouvaient les terrains du Camp de Chalons, et Farman a parcouru une distance de 27 km en 20 minutes. Un jour, bien que ce fût interdit, un officier embarqua Guillaumet avec lui pour son premier baptême de l'air. Il avait alors 14 ans. Grâce à une bourse, il apprendra le pilotage tout d'abord à Orly avec le grand Nungesser, puis à Istres et à Thionville. En 1926, il rejoindra Mermoz, rencontré à Thionville, sur les lignes Latécoère à Toulouse. Et c'est ainsi qu'Henri Guillaumet intégra la compagnie qui allait devenir l'Aéropostale. Il transportait le courrier sur ces lignes mythiques qui l'emmenaient à Casablanca, Cap-Juby ou bien Dakar. Et c'est là, sur la base de Toulouse, qu'il se liera d'amitié avec Antoine de Saint-Exupéry. Dans "Terre des Hommes", Saint-Ex écrit
Speaker #1La veille de son premier vol en direction de l'Afrique, Saint-Exupéry discutera longuement avec Guillaumet. Il me fallait être initié par Guillaumet écrit-il aussi dans "Terre des Hommes". Avant d'ajouter à propos de son ami, il répandait la confiance comme une lampe répand la lumière. À partir de 1929, Henri Guillaumet s'attaqua aux lignes d'Amérique du Sud en inaugurant le tronçon Argentine-Chili qui imposait un survol de la réputée infranchissable Cordillère des Andes. En juin 1930, le vendredi 13 juin pour être précis, alors que la veille il avait décollé et avait fait demi-tour à cause de la météo, il décide de repartir. La météo était toujours aussi mauvaise. Mais rien n'était plus important que de livrer le courrier. Alors qu'il tente, pendant deux heures, en vain, de se frayer un chemin dans les pics montagneux en pleine tempête de neige, le réservoir quasiment vide, il décide de se poser au niveau de la Laguna Diamante à 3250 mètres d'altitude. Se poser en un tel lieu et en de telles circonstances relève de l'exploit. Il parvient au sol, mais son avion fait un pylône et se retourne. Guillaumet passe deux nuits dans le froid, protégé par son parachute sous l'aile de son avion. Il a bien aperçu un avion qui était à sa recherche, mais le pilote n'a pas vu Henri. Il décide enfin de partir, car se pensant perdu, il souhaite que son corps soit retrouvé. C'est à cette seule condition que sa femme, Noëlle, pourrait toucher l'assurance-vie. Il écrivit sur la carlingue de son avion, "N'ayant pas été repéré, Je pars vers l'Est. Adieu à tous. Ma dernière pensée sera pour ma femme". Et il marcha sans cesse. S'il s'arrêtait, il dormait. Et s'il dormait, il mourait. Quatre jours et trois nuits, il marcha jusqu'à s'écrouler près d'une rivière. Et là, un jeune berger le trouva. Il était encore en vie. C'est Saint-Exupéry qui viendra chercher son ami. Guillaumet lui dira ces mots restés célèbres :" Ce que j'ai fait, je te le jure, aucune bête ne l'aurait fait". Guillaumet refera ensuite plus de 300 traversées de la Cordillère. Le 25 septembre 1934, alors que l'Aéropostale est devenue Air France, Henri Guillaumet effectue avec son ami Mermoz sa première traversée de l'Atlantique Sud. Il effectuera 84 traversées de l'Océan Atlantique. En 1936, alors qu'il est en poste à Dakar pour diriger l'hydrobase, il verra son compagnon, Jean Mermoz, s'envoler pour la dernière fois, à bord du Croix du Sud. Après deux jours passés à survoler la mer pour retrouver son ami, en vain, c'est lui qui annoncera la mauvaise nouvelle à la mère de Jean Mermoz. Henri Guillaumet mourra en 1940, pris dans les tirs croisés des Anglais et des Italiens, au-dessus de la Méditerranée, alors qu'il transportait un diplomate. Il disparut en mer, comme c'est arrivé à son ami Jean et comme cela arrivera à son ami Antoine.
Merci d'avoir suivi cet épisode, merci de le partager sur les réseaux, de t'abonner à Curieuses Découvertes et de mettre des commentaires sur Spotify et Apple Podcast. Avant de terminer, j'aimerais te lire ce passage de la préface de la biographie " Henri Guillaumet, pionnier de l'aéropostale ", c'est un livre de Marcel Mijeo. Cette préface est signée par le cinéaste Jean-Jacques Annaud, qui a réalisé en 1995 le film " Les Ailes du Courage ", qui relate l'exploit de Guillaumet dans la Cordillère des Andes.
À l'époque où j'étais élève à l'IDHEC, l'école de cinéma, je passais souvent mes après-midi à fouiner dans une petite librairie de l'avenue de Friedland, près de l'Étoile, à Paris. J'aimais l'atmosphère chaude et sereine de la boutique. Cette dernière appartenait à une dame, souriante, qui lisait dans un coin, enveloppée dans un châle. Elle avait beaucoup lu et donnait de précieux conseils de lecture. Peu de temps avant le tournage, j'ai eu la surprise d'apprendre par le fils de Marcel Mijeo, l'auteur de la biographie, que la dame souriante était celle pour laquelle Henri Guillaumet avait réussi l'exploit inouï qu'il l'a rendu célèbre. C'était elle, Noëlle Guillaumet. Elle était l'épouse stoïque qui n'avait jamais perdu confiance pendant ces folles journées de juin 1930. Elle qui avait, dix ans plus tôt, quitté le paquebot en escale à Dakar, et le premier mari qui l'accompagnait, pour suivre Henri, le pilote entrevu au volant d'une Amilcar décapotable et pétaradante. Elle qui, dix ans plus tard, allait comprendre que cette fois-ci, il n'y aurait pas de coup de téléphone providentiel. C'était fini. Henri ne reviendrait plus. Dans une interview, elle confie : " Ce que j'aime surtout, je vais vous le dire c'est d'avoir à donner mon nom à quelqu'un. Souvent bien sûr on me demande "Guillaumet ça s'écrit comment ?", mais parfois un homme, une femme, même tout jeune, me disent " Vous êtes parente avec l'aviateur ? ", et ce jour-là, le soleil brille pour moi.
