Speaker #1Du moment où je suis devenue mère aux 14 mois de mon enfant, j'étais un zombie. J'étais dans un brouillard, un nuage opaque. Parce que le manque de sommeil, ça rend fou, parce que de se sentir complètement isolée, ça rend fou. Et je me raccroche à la mini-Liane de ça ne va pas durer toute la vie. Chaque journée me coûte parce que chaque journée, je mets en place des choses pour que ça vive, parce qu'il faut survivre. Cette énergie incroyable de lumière pour mon enfant. Mais le peu qui me reste, c'est me nourrir, aller me laver de temps en temps. Et puis forcément, tout ce qui passe par le couple, tout ça, je prends. Parce que je me dis qu'il y a au moins ça. Mais ça s'étiole et ça... Je crois que ça faisait trois semaines que j'avais accouché, un truc comme ça. Le mercredi soir, c'était le soir de la semaine où il finissait pas à 21h, où il finissait plutôt à 19h. Donc moi, j'ai qu'une hâte, en fait, c'est qu'il rentre et qu'on se retrouve, en fait. Mais comme tous les jours, quand je venais de passer la journée seule avec mon bébé, j'avais qu'une hâte, c'était qu'on se voit et qu'on se prenne dans les bras. Le soulagement, la joie de se voir, quoi. Et en fait, il rentre ce mercredi soir. Déjà, de base, c'est à peine bonjour, c'est tout de suite je vais prendre ma douche et je peux même pas avoir une conversation avant d'avoir pris ma douche. Et après, c'est je vais aller boire des coups avec mon pote. Et là, je me suis effondrée. J'ai dit mais j'ai besoin que tu restes en fait. J'ai besoin que tu sois là. J'ai besoin de toi. J'ai besoin de ta présence. J'ai besoin qu'on soit ensemble en fait. Et sa réponse était mais de toute manière, vous allez dormir. Qu'est-ce que je vais faire moi pendant que vous dormez ? T'as les hormones, tu viens d'accoucher, t'es dans un état de fatigue intense, et la personne qui est censée être un peu ton socle, enfin quelque chose de solide quoi, te dit ça. Moi j'allaitais, comme je pense beaucoup de femmes sur cette planète, mais c'était un peu aussi l'excuse quoi. Ah mais t'allaites, donc forcément tu te lèves la nuit, donc forcément tu fais ça. Oui mais enfin il y a plein d'autres choses dans la vie que juste nourrir son enfant, enfin... Je pensais avoir fini par le convaincre, tu vois, en disant j'ai besoin de ta présence, j'ai besoin... Ben, il a attendu que le bébé s'endorme, sachant qu'elle se réveillait toutes les heures ou toutes les deux heures. Enfin, forcément, tout petit bébé, allaitement, pas allaitement, peu importe, couche, enfin, il se passe plein de trucs, il y a 12 réveils par nuit, normal. Ben voilà, il est quand même allé boire des coups, et moi j'étais là, assise sur le bord du lit, genre, mais qu'est-ce qui se passe, quoi ? et Baby clash, ok. Les premiers temps après la naissance, comme je disais, on peut le considérer comme un truc, ok, on va le traverser le baby clash. Ça va s'arrêter en fait. Mais non, c'est pas du tout ce qui s'est passé. Thérapie, pas thérapie, il y avait toujours cette espèce de truc latent de finalement c'est moi qui ai la charge de notre enfant et lui de temps en temps il aide. Le gros, gros truc qui m'a bien scié, ma fille avait trois mois, on rentrait des fêtes de Noël, et lui ça faisait sept ans qu'il passait le nouvel an avec ses amis, sa famille, à faire la bringue quoi, dans la montagne. C'était à qui qu'il continuerait de faire ça ? J'avais la grippe, j'étais au bout de ma vie. Et il a dit ok, je pars pas aujourd'hui, je pars demain. Donc moi je suis là, mais non mais en fait tu vas pas partir du tout, tu vas rester avec nous. Et au final c'est retombé sur moi parce que j'aurais dû m'organiser et m'entourer, appeler des copines ou appeler des gens pour pas me retrouver seule pendant ces 5 jours, ça allait durer 5 jours, où lui allait partir faire la teuf avec ses potes pour le nouvel an. Et moi, dans mon état de désespérance, Je me disais, mais oui, en fait, c'est peut-être moi, c'est peut-être moi, en fait, qui me suis juste hyper mal organisée. Et il est quand même parti. Et le culot, c'était de dire, mais finalement, je regrette d'être partie parce que j'ai pas du tout profité. Parce qu'en fait, je pensais à toi, je pensais à notre bébé. En fait, j'aurais pas dû partir. Et moi, à ce moment-là, je me suis dit, en fait, je vais prendre mes clics et mes claques. Déjà, à ce moment-là, notre bébé avait trois mois. Si moi, j'ai la grippe et que je peux pas m'occuper ni de moi, ni de ma fille, et que lui s'en va... Là, c'est deux événements, on va dire, proches de la naissance. Mais ça ne s'est pas du tout arrêté là. Et là, ma fille, elle a... Deux ans et huit mois, on va dire que jusqu'à ces 21 mois, c'était la farandole de ce genre d'épisode. Et moi j'étais au chômage, pas un rond, rien. J'ai fait le choix de mettre ma vie entre parenthèses pour cette nouvelle vie qui s'offre à nous et où en fait là je me retrouve complètement bec dans l'eau. Symboliquement, même si on était un couple, même si on avait envie de fonder une famille et que moi je m'étais... Enfin voilà, on était dans une lancée. Voilà, c'est l'homme de ma vie, on est ensemble, on va bâtir un truc, on va être ensemble tout le temps. Ça restait sa maison, symboliquement. C'était son achat. Et moi je suis vite passée de l'autre côté, genre en fait c'est le temps de la famille, le temps du collectif, le temps... Et moi, en fait... Là où c'est insidieux, c'est que c'est dans des petites choses du quotidien, et on finit par ne plus exister, mais même ne plus s'entendre exister, ne plus se sentir. On se dit bon, c'est passager, c'est pas toute la vie, c'est le début, c'est la transition, c'est la petite enfance, c'est machin. On va toujours se raconter un truc pour se rassurer. Mais il faut vraiment faire gaffe à ça en fait, c'est des petits signaux de est-ce que c'est vraiment une phase ? Ou est-ce que je suis pas en train de... Je suis pas dans un espèce de sable mouvant quoi. Pas se faire engloutir. Pas se laisser disparaître quoi. Les attentes, je pense que ça vient aussi d'avoir espéré que ça vienne de lui et qu'il vive le truc avec maturité, à se dire putain mais en fait, waouh, ce qui m'arrive là, non je ne peux plus fonctionner comme avant. Parce que ça m'engage et ça engage la personne avec qui je suis, ça engage notre enfant. C'est pour nous. J'ai ressenti énormément de honte. De honte parce que j'ai eu la sensation de me plaindre en permanence. Voilà, j'étais dans un brouillard, je dormais pas, enfin... Donc, à un moment donné, tu peux pas faire semblant, tu peux pas masquer. On était les seuls à avoir eu un bébé dans notre entourage. Compliqué, je pense, de se... de s'imaginer ce que c'est. C'est quoi, en fait, de devenir parent tant qu'on l'a pas vécu ? Puis c'est... enfin, on peut pas, on peut pas savoir. Donc peut-être que pour l'extérieur, c'était... ouais, bon, bah, c'est compliqué. Voilà, ils le vivent comme ça, eux, mais nous ce sera peut-être différent, mais en tout cas ils le vivent comme ça et on va pas s'interposer, on va pas donner notre avis, on va pas, je sais pas. Quand en fait, des membres de la famille toxique, qui jusque-là étaient tolérés, acceptés, ont commencé à montrer leur vrai visage, et là, moi de me dire, mais est-ce que c'est ça la vie que je veux, est-ce que je veux être entourée de ces personnes-là ? Et je pense que ce qui m'a vraiment permis de prendre conscience du sable au mouvant, c'est l'intervention de quelqu'un qui était donc de ma famille à moi, mais qui venait une à deux fois par an, qui n'était pas dans la dynamique quotidienne. Et donc quand elle venait, ça lui sautait aux yeux en fait. Je me suis dit, ok, c'est pas juste moi, c'est pas... il y a vraiment quelque chose qui va pas. Et ça a été un élément déclencheur énorme. Qu'est-ce que je suis prête à accepter ? Si je suis prête à l'accepter pour moi, est-ce que je l'accepte pour ma fille ? Non. Et je pense qu'on est plusieurs là-dessus. Quand on devient mère, se dire en fait il y a peut-être des choses que j'aurais toujours tolérées, mais à partir du moment où ça arrive à mon enfant, il y a autre chose qui se joue et on ne laisse plus du tout, du tout passer quoi. Le choix de géographiquement se distancier, se séparer, c'était pas brutal. Je quitte la maison, je quitte la personne avec qui je suis, ça se fait par petits paliers, mais je sentais que j'avais besoin de ne plus être dans le même espace pour pouvoir y voir plus clair, déjà, moi, parce qu'il y avait une genre d'énergie, d'ambiance, d'atmosphère qui ne me permettait pas, moi, d'être lucide, en fait. de quels sont vraiment mes besoins, où sont vraiment mes limites. Et à partir du moment où je suis partie de la maison, en fait j'ai besoin qu'on se sépare, j'ai besoin de partir et que ça cesse, ben oui ça enclenche toute une autre série d'actions derrière. Donc j'ai quand même vécu quasiment cinq mois. J'ai ma meilleure amie, elle nous a hébergés, ma fille et moi. Puis ma mère, ma fille et moi. C'était assez drôle. Assez cocasse, je pense que j'ai une gratitude infinie pour ma meilleure amie et toute sa famille. C'était une période très compliquée où ma fille et moi, on est partis. J'avais zéro meuble, j'avais toutes mes affaires dans des cabas. Donc on avait notre chambre qui devait faire 12 mètres carrés, une belle chambre. Tous les murs étaient couverts d'affaires et on avait vécu comme ça 5 mois jusqu'à ce que je trouve cet appart où on est là maintenant. Et d'arriver ici et de m'installer et de préparer la chambre de ma fille, de préparer ma chambre, de me dire c'est ma chambre. Il y a un truc qui se pose, qui fait un peu peur, parce qu'on se dit en fait là je ne fais des choix, j'ai pas de compte à rendre à qui que ce soit. Le moment de la séparation est arrivé au milieu aussi de beaucoup, beaucoup, beaucoup d'épreuves et de changements. pour elle. Elle a eu des soucis de santé, elle a été opérée. J'ai été avec elle deux mois H24, 7 jours sur 7. Avec elle, elle n'a pas allé au travail parce qu'elle avait un plâtre, elle ne pouvait pas aller à la crèche. J'étais dans un lien avec elle très fort, toujours, à essayer De me mettre à sa hauteur et de lui expliquer les choses avec mes mots pour que ce soit le plus clair et le plus simple pour elle. Elle se représente bien malgré son jeune âge, que les temps maintenant où elle est avec maman, il n'y a pas papa, les temps où elle est avec papa, il n'y a pas maman. D'arriver à en parler, c'est quand même précieux et je vais essayer de l'accompagner dans ça. Ce qui me rassure dans tout ça, c'est que cette prise de décision, elle représente aussi des valeurs. Et elle est en elle-même un peu la représentation de ce que j'ai envie de transmettre à ma fille. C'est-à-dire se choisir et s'honorer, se respecter et ne pas dire oui à un système qu'on est censé accepter parce que c'est le système et qu'on ne va pas le remettre en question. On est ensemble, mais il y a aussi des choses qu'on ne peut pas accepter. Et si ça veut dire ne peut être ensemble, voilà. J'ai envie d'être joyeuse, j'ai envie d'être cette mère pleine de vie et d'envie et de joie. J'ai envie de transmettre ça, j'ai envie de respirer ça. C'est pas facile, mais de retrouver une ouverture, une disponibilité. Et une légèreté. Ça me rassure de me dire que là, oui, elle est toute petite. Et que c'est dur. Et c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps, d'énergie, d'investissement. Il faut que je fasse aussi avec mes états aussi à moi. Et je ne peux pas faire abstraction de ça. Je ne peux pas, encore une fois, me mettre en sourdine. Et dire, non, non, mais si ça va aller, hop, si, si, on va y aller au parc. Et puis, oui, on va faire ça. Mais non, en fait, si j'en peux plus, je... Il y a aussi des moments où je dis, en fait, tu sais quoi, là, c'est pas grave, il fait un soleil radieux, j'ai absolument pas envie qu'on aille en rando finalement. C'est des trucs, oui, il y a ce qu'on projette, il y a l'idéal, il y a le truc de j'ai envie de vivre des moments et des choses chouettes avec mon enfant. Mais il y a aussi des moments de la vie ensemble, c'est aussi faire avec ce qu'il y a aujourd'hui, faire avec l'énergie du moment. Et en écoutant ça, j'ose espérer que ça va permettre de construire la suite. En ce moment, mon quotidien de maman solo chez Billy, un jour sur deux. Donc avec le papa, on a la chance de vivre pas loin l'un de l'autre. Donc le lundi soir, le mercredi soir, elle est avec son papa. Le mardi soir et le jeudi soir, elle est avec moi. Et après, selon qui l'a pour le week-end, vendredi, samedi, dimanche, soit lui, soit moi. Donc ça, c'est un peu l'organisation. logistico-logistique, mais mon quotidien tourne quand même autour d'elle. Je pense que quand on vient de traverser une séparation, on ne se rend pas trop compte de comment on va se retrouver vraiment responsable et vraiment seul. Mais ce n'est pas une solitude tout le temps choisie et ce n'est pas une solitude qui a un goût plaisant. Comme la solitude quand on n'est pas mère, quoi. C'est pas une solitude de « Ah, trop bien, je vais chiller, je vais écouter des podcasts, et je vais lire, et je vais sortir, et voir des amis. » Où je ne fais attention qu'à moi-même. Moi, longtemps, je me disais « Ah tiens, là je suis enfin seule, je vais faire le ménage, je vais faire du sport, je vais voir des gens. » Donc en fait, je remplissais vachement mes temps seules avec des choses que je pouvais. pas forcément faire quand j'étais avec Billy, ou alors que je ne m'autorisais pas à faire en sa présence. Oui, même le ménage et même le sport. Et en fait, aujourd'hui, j'arrive un peu plus à faire ces choses-là dans mon quotidien avec elle, ce qui fait que j'envisage plus les temps où je ne suis pas avec elle comme des temps de « Ah tiens, je vais pouvoir faire toutes ces choses » , mais plus de « Ah ben, quelque part, si je ne fais pas ces choses-là, qu'est-ce que je fais ? » Est-ce que je peux aussi ne rien faire ? Est-ce que je peux me reposer ? Et ça, j'ai l'impression que c'est pas encore ça. Je suis pas là-dedans. Clairement, se détendre, je pense que c'est un acte révolutionnaire. C'est un peu dire fuck le système. Qu'est-ce qu'on se met nous comme injonction ? Qu'est-ce qu'on attend de nous réellement ? Et comment on peut... Se libérer, je crois, de ça. L'écriture, c'est tellement cathartique. Ça a toujours été mon plaisir, mon outil d'expression. Pendant tout le temps de la grossesse, j'ai un peu écrit le postpartum impossible. Impossible. Je me disais, mais comment font ces gens-là qu'on voit, qui nous racontent ? Ils ont tenu un journal, mais moi, impossible quoi, impossible. Et je m'y remets, on va dire, depuis l'année dernière, je pense. Depuis le shift, depuis le début de la grosse transformation, la séparation, tout ça.