- Speaker #0
Bienvenue dans Décodeur, le podcast qui parle de celles et ceux qui font la déco aujourd'hui. Je m'appelle Hortense Leluc, je suis journaliste déco, et à chaque nouvel épisode, j'invite à mon micro des pros de la déco. Ensemble, on peut parler savoir-faire, inspiration, tendance, actu, idée déco, envers du décor, Bref, on papote et on enregistre, car ici, la déco, ça s'écoute. Si vous venez juste de découvrir cette émission, j'espère qu'elle vous plaira. Sachez qu'il y a déjà plus de 80 épisodes enregistrés, avec de nombreuses personnalités passionnantes, et plein d'autres formats aussi, sur des thématiques bien précises. Pour suivre tout ça en photo, vous avez Instagram, bien sûr, arrobase décodeur. N'hésitez pas à vous abonner, à m'écrire. à partager, bref, à faire vivre ce podcast qui n'existerait pas sans votre fidélité. Allez, c'est parti ! Bonjour à tous ! Aujourd'hui, on va parler du renouveau du design français et de collectible design, ce terme que vous devez entendre de plus en plus, qui est le design de collection, c'est-à-dire des pièces de design contemporains qu'on a envie de collectionner, qui sont produites en petites quantités et ultra désirables. Ça se passe notamment à la galerie Pradier-Jeuneau, qui édite du mobilier en collaboration avec des designers, qui va bientôt proposer ses propres collections, tout en gardant sa casquette initiale d'antiquaire. Et des casquettes, justement, mon invité emporte souvent, et aujourd'hui, je suis avec Jérémy Pradier-Jeuneau, le cofondateur, avec Aurélien Jeuneau, de tous ces projets qui ont comme socle commun de défendre et de représenter les designers français du XXe à nos jours. Bonjour Jérémy.
- Speaker #1
Bonjour Arthonse.
- Speaker #0
Alors avant de commencer, je fais un petit aparté, je voulais remercier l'hôtel Grand Powers, dans lequel nous sommes installés, un hôtel 5 étoiles à quelques rues des Champs-Élysées. C'est un hôtel qui a plus de 100 ans. L'idée est donc ici de jouer avec les codes entre héritage et modernité. Il y a 50 chambres et suites, alors nous on est hyper bien installés, la suite elle est immense. C'est un style très parisien entre luxe et confort. L'hôtel a même son propre restaurant, le Café 52, qui propose plein de bons plats, Elsie notamment. Il y a un spa aussi. Bref, on va être pas mal, Jérémy, pour discuter.
- Speaker #1
Très bien.
- Speaker #0
J'ai essayé de résumer ton profil, ton activité, parce que vous êtes vraiment sur plusieurs fronts avec Aurélien. Mais comment a commencé justement ? On va commencer par les débuts pour bien tout comprendre. Comment a commencé l'aventure ? Vous êtes à la base antiquaire opus, c'est ça ?
- Speaker #1
Exactement. Avec Aurélien, on s'est rencontrés il y a très longtemps, on avait 20 ans en fac d'histoire de l'art à l'Institut National d'Histoire de l'Art, avenue Galerie Vivienne. Et on s'est jamais quittés, on était en art contemporain. Ensuite, Aurélien, il est fils d'Antiquaire. Moi, j'étais beaucoup plus sur le cinéma, j'aimais la création contemporaine. Et en fait, il va m'initier au fait d'aller chiner. Et ça va être vraiment le début. La première pièce qu'on a acheté, c'est avant que ça soit redécouvert à ce point-là, c'était un tabouret de Gascoyne. Et il y a dix ans, en 2014, je vais aller un peu vite sur ces années d'études, les années de stage, etc. Aurélien va avoir envie d'ouvrir une petite boutique au plus de 100 points, ce qu'on va faire. Moi, je travaillais dans le cinéma à ce moment-là, donc en fait, j'ai utilisé l'argent que j'avais sur un tournage, un bonus de fin de tournage pour ouvrir ça. Donc on a commencé à Paulbert et on a fait vraiment ce métier-là. pendant 10 ans.
- Speaker #0
Alors, qu'est-ce que vous vendiez au PUS ? Je crois que vous avez toute une expertise autour du mobilier d'exception. Qu'est-ce que c'est ?
- Speaker #1
Alors, ce qu'on vendait et ce qu'on vend toujours au PUS, c'est qu'on est spécialisé sur le design français. Ce qu'on aime, c'est le XXe siècle. C'est comme ça qu'on a commencé, et notamment l'après-guerre et la reconstruction. On va le faire plutôt dans le sens chronologique. La reconstruction et l'après-guerre. C'est-à-dire la reconstruction, on est de 1941 à 1950. 1950, ça va être vraiment la fin. 1941, c'est les tout débuts. C'est une période extraordinaire pour la créativité, mais aussi dramatique, c'est-à-dire que la France est détruite, il va falloir reconstruire, on va parler de sinistrer. Et en fait, il va y avoir ce programme, en 1944, de comment on reconstruit les meubles, comment on loge ces personnes-là. Et ensuite, après 1950, il va y avoir la nouvelle génération, qui a été formée par les maîtres de la reconstruction, comme René Gabriel et Marcel Gascroin, qui vont s'appeler Pierre Paulin, Pierre Garich, etc. Et nous, on va être spécialisés sur ces deux périodes, sur cette... en gros de 1941 jusqu'à la fin des années 60. Et en 10 ans, par nos goûts, par aussi les hasards, parce que c'est ça qui est beau dans le métier d'antiquaire, c'est les heureux hasards. On est tombé sur des choses, on a commencé à les conquérir des signatures comme Perriand, comme Prouvé, on est monté jusque dans les années 80-90 aussi, on s'est amusé avec Stark, avec Christian Duc, et aussi on s'est fait plaisir, on s'est autorisé à aller chercher ce que je vais appeler la brocante chic. C'est-à-dire, en France, on a la chance d'avoir un très beau mobilier. rustiques par exemple on a eu la chance d'avoir des très belles céramiques et qui sont des trésors et on a eu l'envie de faire dialoguer des pièces d'exception avec des signatures incroyables comme Perriand, Garrige, Gabriel et aussi juste des beaux meubles bien faits
- Speaker #0
Vous avez un peu réveillé les puces, comment vous arrivez comme ça quand on est jeune et qu'on ne s'y connaît pas ? Comment vous vous êtes installé, vous avez fait votre place là-bas ?
- Speaker #1
Je pense que la chance des puces, je pense que ça a beaucoup changé, mais on a connu une période où les loyers étaient moins chers, maintenant en fait pour le Berthier-Pet, les loyers sont devenus très chers, ce qui fait que c'est plus dur pour un jeune de s'installer. Ce qui était très bien à l'époque, c'est qu'en fait on prenait... un petit stand qui ne coûtait pas cher. On ouvrait le rideau de fer, on vendait notre marchandise acquise et chinée la semaine. Et en fait, il y avait des clients, les allées étaient pleines. Il y avait des Américains, des Français, il n'y avait pas encore l'inflation, donc les gens étaient à l'achat. Et on pouvait à la fois vendre à des clients qui avaient les moyens juste d'acheter une petite commode à 50, 100 euros, ou à la fois des clients qui pouvaient acheter une paire de fauteuils entre 2 000, 3 000, voire des pièces d'exception. Et c'est comme ça, en fait, on est vraiment commerçant. On a appris notre métier où en fait, on se réveillait très tôt, on ouvrait le rideau de fer et on y allait. C'est comme ça qu'on a fait notre place et c'est les clients qui valident. Parce que c'est eux en fait qui nous ont acheté et qui nous ont suivi. Et ce qui est le plus beau, c'est que des années, dix ans plus tard, après tout ce qu'on a construit, la façon dont Pradéjeunos s'est développée, on a suivi nos envies, on y reviendra peut-être. On a les mêmes clients, les clients du début nous ont suivis. Ils viennent à nos événements, ils sont encore là. Je pense qu'il y a une vraie fierté d'avoir participé à cette histoire. Et ce que j'aime avec Pré-Déjeuner, c'est à la fois Aurélien et moi, c'est tous nos collaborateurs, mais c'est aussi tous nos clients qui ont participé à cette histoire. Chaque achat, chaque vente qu'on a faite, nous a permis de passer le niveau d'après.
- Speaker #0
Et là-bas, vous avez une galerie qui est assez grande, je crois. Vous avez une terrasse. Vous avez un emplacement que vous avez gardé pendant 10 ans ?
- Speaker #1
Non, on a commencé, en fait, on a beaucoup changé. Après, on s'est installé sur une des allées où on a eu jusqu'à 3 stands. qui a fait notre succès. Et nous avions ce rêve, pour nous le plus beau stand des puces, c'est cette maison qui ressemblait à une pagode, qui est sur trois niveaux. Et on en rêvait, et un jour les copains, ça appartenait à Maison Jaune Studio, qu'on admire beaucoup, et ils décident de le mettre en vente. Et on est arrivé en disant, écoutez, nous on aimerait l'acquérir, c'est quoi le prix ? On est tombé d'accord et on l'a acheté. Et c'est vraiment, c'était un rêve. Moi je me souviens quand je passais devant ce stand, je le trouvais magnifique.
- Speaker #0
Juste, est-ce que tu parlais du marché Paul Bertzerpet, au cas où il y a des auditeurs qui ne connaissent pas forcément, on dit l'épuce ou on dit le marché Paul Bertzerpet ? Il y a un sujet là-dessus ?
- Speaker #1
Non, alors en fait, je pense que ce qu'on dit c'est qu'il y a l'épuce de Saint-Ouen, c'est un territoire magnifique qui a plus d'une dizaine de marchés privés et chaque marché va avoir son identité, va avoir des couleurs différentes et je pense que ce qui est beau au plus... C'est qu'il y a cette densité, cette diversité. Et moi, je suis fier, ce n'est pas de faire partie de Paul Berserpet, je suis fier de faire partie des puces. C'est-à-dire qu'on puisse à la fois aller vraiment chiner des petits objets, la vaisselle, de la brocante, ou arriver chez nous et avoir quelque chose qui soit plus collectible design, disons. Ce que j'aime, c'est qu'il y a tous ces savoir-faire, toutes ces expertises qui se brassent, et les clients peuvent acheter de tout. Et ça, c'est ce qui est beau. Donc les puces, c'est une dizaine de marchés, je ne sais plus. Je pense qu'on est 10 000 marchands au total, c'est énorme.
- Speaker #0
Tu viens de parler de la brocante, quelle différence tu fais ? Comment tu définirais avec tes mots entre brocante et antiquaire ? Antiquaire, c'est le level du dessus ?
- Speaker #1
Alors, je ne dirais pas que c'est le level du dessus. Je pense que... Je ne sais pas, là tu me poses la question de comment moi je le vois. Je pense que... Je dirais que pour moi c'est la même chose. En réalité, je suis brocanteur et je suis antiquaire. Je pense que d'autres personnes font la distinction où antiquaire serait peut-être plus chic dans son approche que celui de brocanteur. Je ne sais pas te répondre. Pour moi, j'ai cette humilité, cet amour d'aller chiner en tant que brocanteur. J'aime ça.
- Speaker #0
À l'époque, vous avez eu une petite obsession pour Pierre Garriche. Est-ce que tu peux nous dire un mot sur lui ?
- Speaker #1
Alors Pierre Garriche, l'obsession c'est vraiment celle d'Aurélien Jauneau, mon associé qui est historien du design et qui a co-signé la monographie sur Pierre Garriche. Pierre Garriche, ce qui est intéressant c'est que c'est vraiment un des grands amours d'Aurélien et de ses passions. Elle nous a habité à la maison, il y a eu toutes ses archives, Aurélien a fait un travail magnifique là-dessus. Pierre Garriche c'est cette génération qu'on appelle celle des jeunes loups, la génération des années 50, 60, 70 qui vont révolutionner le design. et qui vont le démocratiser. Pierre Garrige va toujours avoir à cœur de faire que son design soit accessible. C'était vraiment un contemporain et un copain de Paulin. Ils ont eu ensemble, ça Aurélien est vraiment très spécialiste de cette période-là, ils ont eu ensemble un groupe, pas avec Paulin, mais Pierre Garrige a fait partie d'un groupe qui s'appelait l'ARP. Donc on est sur cette génération qui va incarner la modernité.
- Speaker #0
Oui d'accord. Alors après 10 ans au puce, En avril dernier, vous avez ouvert une galerie qui est Rive Gauche, qui est plus une galerie de design contemporain. Comment tu l'as défini ? On dit quoi ?
- Speaker #1
Alors, est-ce que tu me permets de revenir un petit peu sur les trois casquettes ? Pour que je puisse bien comprendre si ça te va. Donc, Pradier-Jeuneau, c'est effectivement trois casquettes. On a parlé de celles d'Antiquaire, qu'on fait, qu'on continue de faire, on continue de chiner et on trouvera toujours de l'ancien. On se fait toujours plaisir, on trouve des choses toujours pointues. Par exemple, en ce moment à la Galerie, il y a un bahut de 1955 de la Cité Universitaire ou des tabourets de Gascoyne de 1950. La deuxième casquette est celle de Galeries d'art, qu'on a aussi amenée au PUS. Ça a été d'ailleurs ce qui a fait notre succès, ce n'était pas du tout si évident. C'est-à-dire qu'on a eu cette idée parce que nous-mêmes on le faisait par goût personnel, parce qu'on a eu la chance d'avoir dans notre entourage des artistes incroyables, nos générations qui font des belles carrières aussi. Et donc on a pensé faire dialoguer par exemple du Charlotte Perriand avec une œuvre de l'artiste Annalise Vindel. Et nous on y croyait, et on a eu la chance que les clients nous suivent. La troisième casquette, c'est celle maintenant d'éditeur de mobilier, c'est-à-dire que Près des Jeunots est devenue aussi une marque. On a une collection, c'est la collection Près des Jeunots, pour laquelle on a invité des designers et des artistes à venir imaginer pour nous une collection de mobilier. Et les trois coexistent, dialoguent à la Galerie Rue de Verneuil.
- Speaker #0
Vous avez toujours ce stand opus ?
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
On dit stand ?
- Speaker #1
Oui, on dit un stand.
- Speaker #0
On dit un stand. Vous avez toujours ce stand opus ?
- Speaker #1
Bien sûr, on y est très attachés.
- Speaker #0
Quand tu sélectionnes un objet, est-ce que tu cherches à raconter une histoire ou c'est une histoire d'esthétique ? Quels sont tes critères ?
- Speaker #1
Tout. La réalité c'est que quand j'ouvre les puces, quand j'ouvre la galerie, je ne suis pas décorateur, je ne fais pas du conseil en décoration. Ça ne veut pas dire que je ne le fais pas à côté, ça veut simplement dire que je parle et je me positionne en tant que commerçant. Donc quand j'achète un produit, je dois le vendre. Donc je réfléchis forcément à mon client, je réfléchis au lieu, je réfléchis à comment je vais le commercialiser. Donc c'est forcément un critère hyper important. Bien sûr, j'achète avec mon goût, avec Aurélien, on a un goût, on a un œil, donc forcément les objets doivent nous plaire. Mais on essaye aussi de plaire et de correspondre à une demande, et la demande elle change. Il y a quelques années, il y avait de la bouclette partout. Les clients nous disaient « Pourquoi il y a de la bouclette partout ? » Parce qu'en fait, nos clients n'achètent que de la bouclette. Donc, on restaurait, on en mettait. Et en fait, on est attentifs au goût, au mode et à ça. C'est juste que je pense que le succès, c'est qu'on l'interprète à notre manière, avec notre œil. Est-ce que ça fait sens ?
- Speaker #0
Bien sûr. Est-ce que tu parlais aussi du fait que l'art et le design communiquent maintenant beaucoup plus facilement ?
- Speaker #1
Bien sûr. Je pense que... On est des profils, on est de cette génération avec Aurelien, les frontières sont poreuses dans notre activité, dans nos goûts. Je pense que ça existe aussi dans notre galerie. C'est-à-dire que l'art, le design et même, pourquoi pas, demain, la mode, les choses, en fait, même pour les clients, ils naviguent entre ces mondes-là et il est tout à fait, je pense, normal de leur proposer un espace où ils puissent trouver ces choses-là. Je pense que pour nous, si on se met du côté consommateur, Cette expérience client, on la vit tous les jours. On aime, en fait, on se pose moins de questions. Il y a moins de compartiments entre les choses.
- Speaker #0
Et pour toi, quelles sont les différences majeures entre l'antiquité classique et le marché du collectible design ? Quelle est ta définition du collectible design ?
- Speaker #1
C'est intéressant, en fait, on nous en parle beaucoup. Pradis Jeuneau est un des acteurs du collectible design aujourd'hui. Mais ma définition ne sera pas forcément celle de créaux, de la fanour, des gens pour qui j'ai une admiration sans borne, mais qui vont peut-être, eux, le voir différemment. Donc là, je vais parler sur mon constat, comment je vois les choses et comment je le vis, ce collectible design. Disons, comment je l'habille. Je dirais que d'abord, le collectible design, mon constat, c'est que c'est une catégorie, commercial et marketing, de produits de design. C'est-à-dire qu'il peut-être se différencie. avec des produits plus industrialisés, de grande consommation. Le collectible design, je dirais que c'est peut-être un mobilier qui a une âme. On est sur un mobilier d'artiste, ou en tout cas qui a une réflexion, qui a une volonté de réfléchir sur ce qu'il est lui en tant que design, mais de réfléchir aussi sur le monde. Pour moi, la première chose que je fais avec les designers avec lesquels je collabore, par exemple sur la collection Près-Déjeuner en contemporain, c'est réfléchir à ce qu'ils ont dans le ventre. Qu'est-ce qu'ils ont envie de raconter ? Avec Aurélien, on aime dire qu'on défend ceux qui dessinent l'époque. Ça veut dire quoi, dessiner l'époque ? Qu'est-ce que Axel Scheiss, Abel Stanislas, Anthony Guéret, Mathieu Delacroix, ils ont à raconter de ce monde-là ? Et je les pousse à ça. Moi, je ne suis pas là pour remplir un catalogue. Il y a des gens qui le font très bien. qui ont un savoir-faire pour ça, ce n'est pas ce que je sais faire. Moi, ce que je sais faire, c'est me poser avec un designer en disant qu'est-ce qui te traverse aujourd'hui ? Où en sont tes pensées ? Qu'est-ce que tu as envie de raconter à travers cette chaise ? Et pour moi, le collectible design, c'est ça. Un jour, j'ai eu un confrère que j'apprécie qui m'a dit que le design empêche la transcendance. Et je me suis dit que je ne suis pas d'accord, profondément pas d'accord. Je pense que la fonction permet aussi une vraie forme de réflexion sur ce monde-là. Je pense qu'Isabelle Stanislas, quand elle dessine... La collection com, elle donne une partie d'elle-même. Quand Axel Shea dessine pour nous la collection calade, on l'a poussée dans un endroit où il raconte quelque chose. Et je pense que le collectible design, c'est ça, c'est son propos. Son propos, c'est avoir des pièces qui vont avoir une vibration, qui sortent de l'ordinaire. Et je pense que ça, c'est le début. Et je pense que ce collectible design, ensuite, il ne s'achète pas partout. Je pense que pour l'instant, le collectible design peut-être qu'il s'achète dans des endroits comme les foires, comme le PAD, comme dans les galeries d'art. Peut-être qu'aussi, ce collectible design ne peut exister et s'épanouir vraiment que dans ces espaces-là, en tout cas aujourd'hui. est-ce que ça te permet toi de voir un petit peu comment moi je le vois ce collectible design oui bien sûr non mais c'est intéressant parce qu'en fait il questionne, il est en train de se figer petit à petit et je pense que le collectible design est à la et peut-être la haute couture de la mode.
- Speaker #0
Et pourquoi on en parle de plus en plus ?
- Speaker #1
Peut-être parce que c'est aussi une tendance, parce que les gens en ont envie.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui pousse un client à investir aujourd'hui plus dans un objet de collection design ?
- Speaker #1
Alors tu vois, ça c'est intéressant, c'est que je pense qu'il faut faire tomber le fantasme de l'investissement. Je ne sais pas si mes pièces, les pièces qu'on achète chez Pradier Jauneau, ce qu'elles vont devenir dans 20 ou 30 ans. En termes de qualité, on se bat. pour une belle qualité. Mais je parle en termes de perception. Aujourd'hui, pour moi, un client, quand il vient acheter une pièce dite de collectible design, la première chose, c'est le plaisir, c'est se meubler, c'est acquérir une belle pièce. Et ce que je trouve magnifique avec les collectionneurs de design ou les amateurs ou les initiés, c'est qu'ils vivent avec ces pièces de design. Et ça, c'est un truc, je pense, c'est quelque chose d'incroyable. Il y a une forme de décontraction. On vit avec une belle paire de fauteuils. En fait, on les utilise. La fonction ... elle est là et je trouve que ça c'est ce qu'il y a de plus beau et pour moi mes clients déjà en plus parfois les collectionneurs je ne les vois pas c'est les architectes d'intérieur heureusement qu'ils sont là c'est les décorateurs c'est les accompagnateurs c'est les art advisors qui viennent discuter avec moi et la première chose c'est ok j'ai un client qui est en train de meubler telle maison en Californie et qui a besoin d'un canapé qu'est-ce que tu as à me proposer il aime tel goût il a ça il a telle oeuvre d'art je pense que ça ça pourrait fonctionner et je pense que la première chose c'est qu'ils ont envie de vivre vivre avec. Et la valeur d'investissement, peut-être que d'autres personnes qui travaillent dans les salles de vente, eux, pourraient mieux te parler parce qu'ils sont peut-être à une autre place de ce prisme-là.
- Speaker #0
Quel est le goût du moment ? Tu vois, les matériaux, les matières, etc. Qu'est-ce qui te plaît ? Qu'est-ce qui se vend ? Vers quoi tu vas ?
- Speaker #1
Je pense que le côté crafty qui a été très porté par par exemple, c'est assez drôle, par l'OEV ou le fait-main, l'artisanal. Je pense à Hermès avec le Kelly. c'est intéressant ce qui s'y passe et je pense que ce goût là dans la décoration ce côté artisanal où je vois que les pièces uniques une belle paire d'appliques faites main par un artiste artisan c'est les pièces pour moi qui partent le plus le plus vite ensuite les gens ils les gens c'est marrant ce mot là les clients les architectes je pense que ce qui part bien aussi c'est le confort c'est à dire avoir une belle assise une belle chose une belle pièce fonctionne mais qu'à une âme, qu'à quelque chose où on serait surpris de voir les risques que peuvent prendre des clients qui pourraient être très classiques. Je suis par exemple très admiratif, il y a eu le Ucronia avec Julien Seban, ils ont fait la couverture du L-Décor US, il me semble, et il y a tout ce décor qu'il a fait, ce grand appartement, et je suis admiratif, les clients lui ont fait confiance. ... Il a poussé le curseur. Et je pense que les gens ont envie de quelque chose qui ait la gueule, qui ait une âme. Et je crois que ce qui est en train aussi d'arriver, on le voit avec l'émotion qu'a suscité la campagne Bottega Veneta de Mathieu Blasi, avec ses gros poufs en forme d'animaux. Je pense que les gens ont aussi envie de quelque chose de playful, d'amusant. Je pense qu'on a envie d'avoir des pièces aussi qui nous amusent. On a envie de... Comment dire ? Je pense qu'ils ont envie aussi, je le vois avec la collection d'Axel Ché. C'est beau, c'est bien fait, ça fait des réflexions. ça fait référence à ce design français, comme nous on aime chez Pradéjeuneau, mais il y a ce twist qu'a Axel qui est toujours playful, qui est amusant, qui est fun.
- Speaker #0
Comment tu définirais l'univers Pradier-Jeuneau ? Est-ce que vous voulez vous définir par un style ou est-ce que vous êtes très ouvert ?
- Speaker #1
On a un style. Je pense que notre style, le style Pradier-Jeuneau, c'est un style français dans toute sa diversité. C'est-à-dire qu'on aime aussi bien, et parce qu'on vient de là, parce qu'on l'a collectionné, on aime aussi bien le design du XXe siècle que des choses plus anciennes. On aime la céramique française du XXe siècle. Et donc, je pense que le style Pradéjeuneau, c'est déjà ce style français. Et c'est aussi un style de mélange. Après, je pense qu'on est gentiment snob. On est très puriste. Je suis très attentif à la beauté d'une belle console. On aime des architectures d'intérieur ou des meubles très dessinés. Après, je crois que Pradéjeuneau aussi, c'est que... On est très quiet luxury, mais on a toujours ce twist très arty, qui est vraiment notre identité. C'est-à-dire qu'il va venir par exemple par une paire d'appliques très artistiques, avec limite parfois cette petite touche de mauvais goût, quelque chose qui va toujours créer la surprise, par la céramique, par l'objet. Et évidemment, il y a le goût de la patine qui vient par le vintage et qui du coup, contamine toujours aussi la création contemporaine.
- Speaker #0
Quel est le profil type de tes clients ?
- Speaker #1
C'est très large. Je pense que... Et en plus, il est... Il change de plus en plus, plus on grossit, plus on grandit, plus les clients sont divers. Comme avec Aurélien, on n'a pas de snobish, j'espère le transmettre aujourd'hui, on aime vraiment parler de ce qu'on aime, moi j'adore raconter l'histoire d'Isabelle Stanislas, l'histoire de cette collection, j'aime parler de Garish, et Aurélien c'est pareil, c'est un historien du design mais il a un côté prof, ce qui fait que les gens, même qui ne sont pas encore initiés, venaient à la galerie. Moi la seule chose que je demande, dites bonjour et ensuite on vous accompagne. Et c'est même pas une question d'achat... le plaisir de transmettre, le plaisir d'éduquer un regard, de montrer les choses. Et moi, je suis toujours surpris parce que parfois, les gens, ils vont voir les pièces comme je ne les ai jamais vues. Là, on a une expo avec des photographies incroyables d'Adèle Slimane-Fessy. Chaque spectateur qui rentre dans la galerie voit les photos différemment. Et comment moi, je les perçois, ce qu'a voulu dire l'artiste et aussi le nouveau spectateur, ce qu'il apporte. Et on a une clientèle qui est très variée. Et on a cette Ausha, même dans les styles. j'ai la chance d'avoir des architectes d'intérieur ou des décorateurs qui ont une vraie diversité.
- Speaker #0
Mais tu es d'accord qu'on n'est pas toujours accueilli comme ça et qu'il y a plein de monde qui n'est pas très à l'aise de pousser les portes des galeries ?
- Speaker #1
Bien sûr. Mais quelque part, tu sais, c'est un équilibre qui est très ténu. C'est que je pense qu'il faut garder la magie des galeries d'art. Je crois que ça fait partie aussi de ça. On est intimidé. Moi, je me dis, mon chéri travaille dans le luxe, donc très souvent, en fait, il va faire... Il va faire de la veille, on va rentrer dans les boutiques de luxe. Et ça fait partie aussi, quand on rentre chez Chanel, d'être un peu intimidé. C'est un peu solennel. Et moi, je trouve ça magique. Il y a des espaces comme les grands magasins, où tout d'un coup, ça va être plus décontracté. On va pouvoir rentrer chez Chanel au bon marché et on a un peu moins peur. Et je pense que c'est pareil sur les galeries d'art. Il y a le côté galerie dans le 7e, rue de Seine, où il y a cette magie. C'est un peu intimidant. Et en même temps, soudain, quand on va être au PAD, venez sur les stands. De toute façon, il y a du monde. ça devient moins intimidant. Mais après, là où la frontière est ténue, c'est qu'il faut toujours quand même rester chaleureux, rester humain. Je peux vous dire que connaissant, je n'ai pas la prétention de connaître tous mes confrères et mes consoeurs, mais je sais que ce sont des passionnés. Didier de chez Creo, si vous le croisez, c'est quelqu'un, c'est un humain formidable. Il ne vous connaît pas, il prendra le temps de vous expliquer son expo. S'il vous croise et qu'il a le temps, évidemment, s'il est occupé en clientèle, il ne le fera pas. Et la plupart, vous allez chez scène ouverte, qui sont des amis qui sont formidables. Vous croisez Laurence et Zoé, qui, en fait, elles vont vous accueillir. Et pourtant, ça reste une galerie, c'est intimidant. Laurence est sublime. Il y a cette magie-là de la galerie d'art. Mais pourtant, ce sont des gens qui font. Et en fait, derrière chaque galerie d'art, il y a des galères, il y a cette force de travail, il y a ces doutes, il y a cet amour de ce qu'on défend. Et donc, je pense que c'est cette frontière-là où il faut garder cette magie un peu exclusive. Et en même temps aussi, si on est respectueux et poli, Allez dans les galeries d'art, vous allez être accueillis. Et je pense même que vous allez être accueillis par le tenancier. Enfin, on est là.
- Speaker #0
L'inflation, c'est la crise. Toi, comment tu la ressens ?
- Speaker #1
C'est dur. C'est dur, c'est dur parce que la première chose, c'est qu'en fait, pour Pradié-Jeuneau, à notre petit niveau, on fait vivre des collaborateurs. Donc, c'est comme pour le Covid. La première chose que nous, on a faite, c'était payer nos collaborateurs, que ce soit les transporteurs, les tapissiers, etc. C'est un choix. On n'est pas le seul à l'avoir fait. Et là, dans une période comme celle-ci, on veut payer tout le monde, s'assurer, prendre de bonnes décisions. Et on a cette responsabilité-là. Après, il faut être créatif. C'est que la crise, ça ne veut pas dire que c'est la fin. Ça veut dire que les choses sont en mutation. On est dans les métamorphoses d'ovides, on se transforme. On est des corps changeants, donc il faut trouver des solutions. Et pour moi, la seule manière de fonctionner et de rebondir sur cette période-là, c'est de trouver de nouvelles idées et d'avoir une vision. Je te l'ai dit, je viens du cinéma. J'ai cet amour des histoires bien racontées. J'ai cet amour de ça, ça ne me quitte jamais. Je pense que ce qui est important, c'est comment on embarque tout le monde en disant OK, c'est une période un peu de vache maigre, mais il y a une belle histoire à raconter. Mais on aime ce projet et on va continuer à le défendre jusqu'au bout. Et ça, ça va le faire parce que les gens, ils sentent cette énergie là. Que ce soit les clients, les collaborateurs ou la presse.
- Speaker #0
On va passer à ta casquette, votre casquette d'éditeur. Vous avez lancé vos premières collections de mobiliers. Donc, c'est la princesse avec Isabelle Stanislas. Pourquoi elle et comment vous avez travaillé ensemble ?
- Speaker #1
Alors, pour juste répondre à un arrivé à Isabelle. Parce que la rencontre, pour moi, c'est un des moments les plus beaux de ma vie. Je le dis honnêtement. Mais en fait, on va parler d'une crise qui était le Covid. D'abord, on est en mars 2020. Aurélien se fait opérer du dos. On est encore à ce moment-là ensemble. On vit dans cette maison qu'on a décorée avec tous nos trésors. C'est la fin. On se dit que vraiment, là, les puces sont fermées. Il n'y a pas de solution. On ne sait pas comment on va rebondir. Et Aurélien, il ne peut plus bouger. Il est quasiment alité. Et je le regarde et je lui dis, écoute. Et si on réalisait ce rêve qu'on avait quand on avait 20 ans, dont on parle à chaque vacances, de dire qu'on lance cette marque et de se dire qu'en fait, d'ici 2-3 ans, cette galerie dont on rêvait dans le 7e arrondissement au cœur du carré Rive-Gauche où il y a 2000 ans d'histoire du design, on va réaliser ce rêve-là. Et il me dit, ok. Et là, on va réfléchir, on va faire une liste des designers avec lesquels on veut travailler. Ça m'émeut. Parce que c'est un moment... Et dans la liste, évidemment, on la met en commun, il y a Isabelle Stanislas, qu'on adore. Isabelle, on avait fait déjà une collaboration avec elle. quelques années plus tôt, elle est cliente, elle vient au puce. Et quand on va aller voir Isabelle, je suis ému, excuse-moi, elle sort de l'Elysée, elle est arrivée à un pic de sa carrière, j'ai une admiration, et on va arriver, donc en fait on n'est plus en 2020, parce que le temps de pouvoir mettre le projet, de sortir de cette galère, etc., je pense qu'on est un an et demi, deux ans plus tard, on va la voir, on lui dit Isabelle, on a un projet pour toi, on veut monter notre maison d'édition, on veut devenir une marque de mobilier, est-ce que tu nous suis ? Et Isa Cassette. Ce génie là, elle nous répond simplement ok les garçons qu'est ce que vous avez pour moi ? Et il me semble que c'est moi qui lui réponds écoute, on avait bien sûr parlé avec Aurélien avant et je lui dis j'aimerais que tu nous dessines un daybed ou un canapé comme tu dessines tes escaliers parce qu'il y a la grâce dans tes escaliers tu vas savoir pourquoi on a cette idée là Isabelle, la vraie histoire prend un vieux bout d'enveloppe c'est une artiste et elle dessine le daybed qui est rentré au mobilier national Et ça c'est la magie, le début de quelque chose. Et je me dis tiens, on m'a donné à ce moment-là ma chance. Isabelle a décidé que cette histoire allait fonctionner. Et Axel, on va le contacter quasiment dans les mêmes moments. Et Axel n'a pas encore fait Monoprix. Donc en fait, on est au tout début. Et c'est juste de se dire tiens, en fait, ce qu'il a raconté, j'adore ce type, j'adore Mélissa, c'est un duo de créatifs, c'est sa compagne. Et en fait, on va former une famille. Il y a quelque chose où, il y a Marseille, il y a tout ça. Et en fait, on va y croire. Au moment où ce n'était pas évident, quand on disait Axel Ché, j'ai dit Axel Ché, Isabelle Stanislas, Anthony Guéret, les noms qu'on a mis sur la table, les gens nous ont regardés en disant « mais il n'y a pas de cohérence » . J'ai même eu des gens qui sont des gens très connus maintenant dans le secteur qui ont refusé de faire partie de cette collection parce qu'ils ne comprenaient pas ce projet-là. Mais nous, on le voyait. On savait qu'Isabelle, Axel Ché, Anthony Guéret, Mathieu Delacroix, ces noms-là, ils allaient fonctionner, qu'il y avait quelque chose qu'on voyait en eux et qu'ils allaient créer cette collection magnifique qui s'appelle maintenant Pradéjeuneau.
- Speaker #0
C'est ça justement, je disais dans mon intro, c'est un terme un peu facile, mais de dire que vous incarnez le renouveau du design français. Est-ce que c'est voulu justement, vous vouliez donner un petit coup de pied dans la fourmilière, ou c'est malgré vous ? En fait, est-ce que vous avez observé que ça ronronnait, qu'il fallait un petit peu venir chahuter les styles, etc. Ou non, c'est vraiment ce qui vous ressemble ?
- Speaker #1
Ou les deux ? Je pense qu'avec Aurélien, on a un peu ce côté mauvais garnement. On fait des choses et après on se rend compte qu'on les a faites. Dans le sens où ça n'a pas été tant, on était déterminés, mais je ne pensais pas que ça allait à ce point-là bouger les lignes et susciter des émotions ou en tout cas des questionnements sur notre travail. Évidemment qu'on se rêve révolutionnaire, évidemment qu'on a envie de se dire que dans 20 ans ce qu'on a créé c'est encore là, qu'on a créé les nouveaux classiques, qu'en fait en 2024-2025 Pradié-Jeuneau c'est devenu quelque chose dans le goût français, qu'on a fait partie de cette histoire magnifique qu'on adore. Et ça évidemment qu'on en rêve, évidemment, mais on l'a fait aussi parce qu'à un moment on se fait confiance à l'instinct et qu'on y va et que je crois qu'on ne sait pas faire autrement. Moi je suis quelqu'un qui déborde toujours quand je colorie, donc de toute façon on ne pouvait pas faire autrement. C'est on se fait confiance et on s'amuse beaucoup.
- Speaker #0
Et est-ce que tu penses que l'engouement un petit peu pour cet univers des années de collection est influencé par les réseaux sociaux qui rendent, il y a une approche un peu différente, les plateformes comme Instagram qui vont mettre en avant comme ça ce côté rare, exclusif, qui donne accès à cet univers ?
- Speaker #1
Je pense qu'on vit quelque chose qui est, je vais reprendre un peu l'exemple du luxe, mais en fait on fait partie de cette grande famille. C'est qu'effectivement en fait on est dans une ère où les portes se sont ouvertes. Il y a des années j'avais participé à un concours. Je ne sais pas pourquoi, que j'avais gagné où je me suis retrouvé à être invité dans les bureaux de Jeanne Lanvin. Donc j'étais parti avec ma meilleure amie là-bas, on arrive dans les bureaux de Jeanne Lanvin et il y avait ce truc complètement magique d'expérience où je me dis tiens on m'ouvre quelque chose, ces portes-là et je parle de ça parce que pour moi c'est un peu exactement ce qu'on vit aujourd'hui. Le plaisir que j'ai eu à être dans ce bureau-là exclusif, je pense qu'Instagram le permet. Je pense qu'on peut continuer à vivre ce côté très intime, exclusif et en même temps... tout en le partageant au plus grand nombre. Et je crois qu'effectivement, les réseaux sociaux permettent ça. L'expérience que j'avais vécue seule avec mon ami dans le bureau de Jeanne Lavin, je pense que maintenant, tout le monde peut le vivre en restant chez soi. Et je trouve ça génial. Et je pense que oui, ça participe d'une notoriété sur le collectible design, ou le luxe, ou l'artisanat d'art, etc.
- Speaker #0
Toi, quel est ton rapport ? Vous êtes sur les réseaux sociaux ?
- Speaker #1
Bien sûr, j'adore ça. Je repère des artistes, je chine, j'adore les apps. Je suis un vrai garçon de mon temps. J'adore aussi... L'IA, je trouve qu'il y a bien utilisé, tu peux faire des choses incroyables. Moi, je me suis beaucoup formé grâce aux réseaux sociaux. Je suis des comptes qui me permettent de réfléchir, d'apprendre des choses. Je pense que la seule crainte que j'ai, c'est qu'avec Instagram, on oublie de croiser les sources. Et je pense que c'est important d'être exigeant là-dessus, que ce soit sur des sujets un peu plus divertissants comme le design, etc. Que ce soit des sujets plus profonds. Mais après, moi, je...
- Speaker #0
Ça veut dire quoi, croiser les sources ?
- Speaker #1
Ça veut dire que parfois, en fait, les réseaux sociaux vont nous... On peut se laisser absorber parce qu'en fait, il y a une... Comment dire ? Il y a une densité d'informations sur Instagram et on oublie un tout petit peu de sortir de ces applis-là et de prendre simplement le temps d'ouvrir un journal, de prendre du recul par rapport à toute cette information-là, que ce soit sur des tendances ou en fait sur des sujets plus brûlants. Juste, en fait, moi, je me souviens, il y a une quinzaine d'années... Quand il fallait avoir accès à l'information, que ce soit des journaux de l'art comme le cinéma ou la politique, j'allais lire Le Monde, j'y ai libé. On parlait avec les copains, on achetait le courrier international. Maintenant, parfois, on oublie, on est tellement absorbé par tout ça, qu'on oublie de prendre un petit peu le temps d'aller voir d'autres sources, de racheter un magazine, de lire le journal. Et aussi, changer de support peut nous faire du bien, tout en savourant. tes apps et ton téléphone, prend aussi juste le temps de réfléchir autrement, de ne pas complètement se noyer là-dedans.
- Speaker #0
Comment la jeune génération perçoit tout ça, le monde du design, des galeries ? Est-ce que tu as des jeunes clients ? Est-ce que c'est un domaine qui les intéresse ? Est-ce qu'il y a des jeunes antiquaires ?
- Speaker #1
Il y en a.
- Speaker #0
Ou les plus jeunes ont 40 ans ?
- Speaker #1
Non.
- Speaker #0
C'est la même partie des plus jeunes.
- Speaker #1
On fait partie des plus jeunes, ça m'a fait plaisir quand on a dit que Mathieu Blasi, qui arrive chez Chanel, qu'il était un jeune directeur artistique à 42 ans. Ça m'a vraiment fait plaisir. Je me suis dit mais oui, on est encore jeune à 40 ans. Je ne peux pas parler à la place de la jeune génération parce que je pense que c'est comme ça qu'on devient un peu un vieux con. Mais je pense qu'on a fait à Milan, on va présenter un... un prix qui s'appelle le prix Jeunes Talents Pradier-Jeuneau et on l'a fait en partenariat avec l'école Penningen. On a été très bien accueillis, l'école est formidable avec son directeur Gilles Popelin et l'idée c'était de proposer au Master 1 et 2 d'avoir pendant un workshop et dessiner une pièce de design et le gagnant va être produit par Pradier-Jeuneau et le prototype on va l'exposer à Milan au sein de plein d'autres choses. Et j'ai adoré rencontrer ces jeunes gens. Entre 20 et 25 ans et surtout être à l'écoute. Je pense que j'ai essayé de jouer mon rôle, c'est-à-dire de transmettre du haut de mes 40 ans ce que j'ai appris, les rassurer beaucoup, de dire en fait tout va bien se passer. Et le premier renseignement que moi j'ai 20 ans plus tard, c'est rien n'est figé, tout est changeant, que ce soit les succès ou les revers. Les succès passent, les revers aussi, on peut se réinventer. Et si vous n'avez pas trouvé votre voie tout de suite, vous la trouverez 20 ans plus tard, c'est mon cas. Je vis un succès autour de mes 40 ans. Je ne pensais pas du tout que ça allait m'arriver. Ça les rassurait. Et ensuite, écouter eux, leur poser des questions. Comment ils voient le monde ? Et c'est à travers leur projet. Pourquoi ce projet-là ? Qu'est-ce qu'ils ont voulu raconter ? Et ça, c'est intéressant. Et il y a un truc dont je me suis rendu compte quand même, c'est qu'avoir 20 ans aujourd'hui, avoir 20 ans hier, en vrai, Ils sont tout aussi intelligents qu'on l'était ou que nos aînés l'étaient, et ils sont tout aussi paumés. Et je pense que, en fait, c'est juste des jeunes de 20 ans qui essayent de faire exactement ce que nous on a fait, c'est-à-dire comprendre ce monde qui est très difficile à comprendre et comment on trouve sa place. Et je pense que c'est universel et que les Grecs en parlaient déjà, en fait, il y a plus de 2000 ans, et c'est encore valable en 2025. Trouver sa place, qui on est, s'accepter en tant que nature changeante. Et je pense que c'est ça qui est formidable. Et ensuite, qu'est-ce qu'ils ont à nous apprendre ? J'adore, moi j'écoute sur... Je suis... Mon combat dans ma génération en tant qu'LGBT, c'était l'égalité des droits. J'ai fait les manifs, j'ai fait même les manifs sous Sarkozy, où on était trois pelés devant l'Assemblée nationale. Et la nouvelle génération, les 20-25 ans, sont arrivés avec des questionnements sur le genre. Il y a deux attitudes, il y a de dire « je comprends pas » , « je comprends pas ce que c'est qu'il y a elle » , « je comprends pas ce que c'est que ces identités changeantes » , alors les questionnements où il y a les écouter et de se dire « tiens, qu'est-ce que ça révèle de moi-même ? » En fait, comment je me situe par exemple sur le genre masculin ? Et je me suis rendu compte de toute cette part non-binaire que j'avais en moi. Et je me suis dit, c'est génial, parce que si je n'avais pas écouté ce que disaient ces jeunes de 15-25, je n'aurais pas appris tout ça sur moi en tant qu'adulte de 40 ans. Et c'est pareil pour le design, et c'est les jeunes générations, ils vont forcément changer, bouger les lignes. Sauf qu'aujourd'hui, ils sont encore en train de prototyper ce qu'ils vont faire là, ils sont dans les avant-gardes.
- Speaker #0
Alors la jeune génération, elle va notamment, attention ma transition chez Monop, et vous avez fait une collaboration avec Monoprix qui va sortir le 4 juin, je crois. On ne vous attendait pas forcément là. Trop bien que vous ayez fait cette rencontre. Comment ça s'est passé ?
- Speaker #1
Aussi simple que Cécile Coquelet, qui pilote ça, passe un jour, elle va visiter le musée Gainsbourg qui est juste à côté de la galerie, et elle s'arrête visiter la galerie. parce qu'elle connaissait évidemment à travers Axel Ché, parce qu'on a sorti nos collections en même temps. Il avait sorti sa collection Monoprix et celle Pradier-Jeuneau trois mois plus tard. Et on ne s'était pas rencontrés, elle passe et on va vraiment beaucoup rire. On va s'entendre, Cécile Coquelet, c'est quelqu'un de formidable. Et les équipes derrière sont juste géniales, on va beaucoup rire. Elle dit, ah mais venez déjeuner, aussi simple que ça. Et soudain, pendant le déjeuner, il va y avoir cette idée qui va un peu naître. Et je pense que Cécile a l'alphlaire de se dire, et s'il y avait une collection Pradier-Jeuneau pour Monoprix ? comme celle d'Axel et ma première réaction à Axel Dorian c'est de dire on peut en parler à nos designers et concocter quelque chose et Cécile me répond avec gentillesse elle me dit mais si je veux faire quelque chose avec des designers je les contacte directement elle dit je pense que vous avez une collection en vous on est sorti, on a réfléchi et on en avait envie on gribouillait beaucoup de choses avec Aurélien depuis des années mais quand on travaille avec des gens qu'on admire c'est pas facile de vraiment mettre sa casquette designer et créatif Et on l'a appelé, on a dit ok, on va vous proposer un projet et en fait on veut que ça soit ok sur ce projet-là. Donc avec Aurélien, on a un peu mis les différentes recherches qu'on avait, chacun de notre côté. On a aussi créé des choses ensemble, on leur a proposé en fait ces premières 3D, elles ont dit oui et c'était parti.
- Speaker #0
Ok, alors il y a quoi dans la collection ?
- Speaker #1
Alors on les a challengés un peu sur, on est arrivé avec cette idée de collectible design et de ce qu'on sait faire, c'est-à-dire du mobilier. Donc il va y avoir du petit mobilier, il y a une chaise. Une table basse, un petit banc.
- Speaker #0
Il y a quoi ? Il y a 5, 6 pièces ?
- Speaker #1
Voilà, il y a une dizaine de pièces quand même. Et ensuite, on s'est amusé. On a voulu raconter une histoire qu'on a appelée en titre de travail Genius Loki. C'est-à-dire, on voulait créer une atmosphère, un lieu, un jeu de textures et de couleurs. Et ensuite, on a voulu, une fois qu'on leur avait proposé ça, elles ont suivi, elles ont été très enthousiastes. L'idée, c'était de s'amuser aussi avec le savoir-faire et ce qui est monoprix. C'est-à-dire, ne pas arriver avec les gros sabots et... et faire ce que Pradier Jeunot sait faire, c'est aussi de se dire, ok, c'est quoi la force de Monoprix ? C'est aussi de la vaisselle, c'est aussi du linge de maison. Et comment on peut, Pradier Jeunot, s'amuser avec ça ? Et c'est ce qu'on a fait. Et donc en fait, on va trouver à la fois du petit mobilier, on va trouver des lampes, on va trouver un très beau plateau très sculptural ou un miroir, mais aussi on va trouver de la vaisselle, du linge de maison, des serviettes, et tout ça qui crée cet univers Génus-Loki, cette idée en fait d'atmosphère, d'une âme dans un lieu.
- Speaker #0
Et vous qui travaillez d'habitude plutôt avec des artisans, du mobilier d'exception, avec des designers, etc. Comment vous avez travaillé, comment tu as accepté le fait que c'est une marque très grand public et la méthode n'est pas la même ?
- Speaker #1
Après, ce qui est la même chose, c'est que je ne parle pas à un robot, tu parles à des humains. Par exemple, la coordonnatrice de fabrication, c'est Valentine chez Monoprix. Valentine, c'est un être humain qui se réveille tous les matins, avec qui on dialogue, qui connaît ses fournisseurs, connaît ses fabricants, qui pose des limites, qui a elle aussi traversé de beaucoup de questions sur l'environnement. Elles ne sont pas du tout, ce ne sont pas des gens cyniques, ce sont des gens qui aiment leur métier et qui essayent de le faire au mieux et qui essayent de faire bouger les choses au sein de cette machine qui est Monoprix. Donc la première chose qu'on a faite avec Aurélien, c'est leur dire OK. C'est quoi vos points forts ? Je suis éditeur, donc je n'ai pas envie de vous mettre en difficulté. Sur quoi on va s'appuyer ? Quels sont les fabricants avec lesquels on peut travailler ? Et on a identifié différents fabricants. Et ensuite, on a adapté la collection pour que ça puisse fonctionner. Il y a eu des points limites. Par exemple, à un moment, Valentine nous dit, écoutez, si vous voulez que cette pièce, elle passe maintenant dans les délais, ça veut dire qu'il y aura un avion. Ça va devoir venir en avion avec un temps de kérosène, etc. Donc, elle dit, moi, j'ai un doute. Je ne suis pas à l'aise avec l'impact environnemental. Elle a raison. Donc, est-ce que j'avais vraiment envie que cette pièce soit dans la collection ? Non, il y a déjà une belle collection. Donc, on va l'arbitrer autrement. Parce qu'en fait, on a décidé que les choses soient... optimisé. Et elles le font, ce travail. Tout le temps, elles essayent, elles poussent les limites, elles essayent de faire ce travail-là.
- Speaker #0
Et est-ce que c'est cette collection qui vous a donné envie, qui t'a donné envie ? Je le disais un peu en teasing, tu vas dessiner ta première collection ?
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Je pense que l'envie, non. Mais Cécile Coquet et ses équipes nous ont autorisé avec Aurélien à accepter cette casquette. Parce qu'une fois qu'on avait dit oui, j'ai discuté avec nos designers en étant sûr que tout le monde soit à l'aise que ce soit Axel, Isabelle, Anthony est-ce que mes designers ma première mission c'est celle de Pradier Jeuneau et je veux continuer à défendre leur travail et Axel tout le monde a dit mais allez-y on est dans un monde où faites, amusez-vous et en fait ça n'enlèvera rien à la qualité de leur travail et je pense qu'une fois qu'on a compris ça, ma grand-mère qui était une personne formidable disait toujours ... Le succès des autres n'enlève rien au tien. Une fois qu'on a compris ça dans la vie, les choses peuvent coexister intelligemment. Et en fait, Monoprix m'a autorisé à me dire, j'ai envie d'être designer, je suis aussi directeur artistique, ça a toujours été là, maintenant il est temps pour moi, si je ne le fais pas à 40 ans, je ne le ferai pas. En fait, si, je le ferai, mais je me suis dit, c'est le bon moment pour moi. Ce que j'ai envie de raconter, manifestement, ça rencontre le moment. Essayons, et si c'est raté, c'est raté, ce n'est pas grave. En fait, ce n'est pas si grave.
- Speaker #0
Et donc, il y a quelque chose qui va sortir bientôt ? Oui,
- Speaker #1
bien sûr. Là, j'ai dessiné mon premier Daybed que je vais montrer au pad. On retrouve un petit peu une de ces pièces qui ressemble à une pièce Monoprix, mais pour Monoprix, elle existe vraiment à quatre mains. Là, moi, j'ai repris cette pièce que j'avais en croquis et j'en ai fait exactement ce que je voulais. C'est-à-dire, j'avais toute une partie de la collection qui est inspirée de Paris, que je voulais des grandes pièces du mobilier en céramique avec des pattes en bois et faire des jeux de textures et de matières. J'aime emmener le mobilier là où on ne s'y attend pas, c'est-à-dire mélanger un daybed tout en céramique avec de l'alpaga, par exemple. Donc là, je suis en train de dessiner pas mal de choses. Ensuite, à Milan, j'ai des très beaux partenaires qui m'ont suivi. On parlera peut-être du projet Milan. Et au sein de ces très beaux partenaires, il y a Philippe Hurel. Et Philippe Hurel m'a invité à dessiner une collection pour eux, dans leur savoir-faire, qu'on va présenter à Milan.
- Speaker #0
Vas-y, parle-moi de Milan, tu voulais me dire autre chose ?
- Speaker #1
Donc Milan, c'est notre premier Milan. En fait, nous, on va y participer au cœur de Brera.
- Speaker #0
Donc le salon de Milan, c'est au mois d'avril.
- Speaker #1
Exactement. C'est la plus grosse Design Week du monde. Exactement. Il y a deux pôles. Il va y avoir le Salone del Mobile, qui est comme maison et objet, qui est cette grande foire où les acheteurs internationaux viennent acheter. Et il y a le côté off, un peu comme une fashion week dans toute la ville, qui va vibrer. Et il y a des grands acteurs depuis des années. Il va y avoir Hermès, Louis V. Et Pradéjeunot a décidé cette année d'avoir sa première prise de parole. Pour moi, c'est important parce que c'est mon premier projet en tant que directeur artistique. Ça reste l'identité Pradéjeunot, mais c'est vraiment la direction artistique de Jérémy Pradéjeunot. Donc, j'ai le track. Et l'idée, c'était pour Milan, à la différence de la galerie ou du PAD, c'est de raconter une histoire. Donc là, j'ai vraiment réactivé mon amour du cinéma, mon amour de l'art et comment je pouvais raconter une atmosphère. Ça va être au cœur de Brera, c'est via Madonnina. On loue un anticaire vraiment milanais. L'idée, c'était de rester toujours proche de nos racines, celle de l'anticaire, mais le lieu est incroyable. Il est vraiment très beau. On va garder quelques pièces de l'anticaire. Et le titre de travail, pour l'instant, s'appelle Suspiria. Suspiria, c'est deux films. Pour ceux qui aiment le cinéma, un premier film de 1977 de Dario Argento et qui a eu un remake, il me semble, en 2023 de Luca Guadagnino. Ce sont deux films que j'aime pour l'esthétique, qui sont assez incroyables. L'idée, c'est de rentrer dans cette galerie, dans ce Suspiria, qui soit la version 2025 de ce film-là, qui soit en fait, c'est un personnage, une femme, qui est antiquaire, qui est galeriste d'art à Milan, mais qui traverse et qui voyage à travers le monde. Et on va y trouver... On va y trouver évidemment des pièces de la collection Pradier-Jeuneau qu'on connaît sous différentes versions. Il va y avoir des pièces inédites avec des nouveaux designers. Il va y avoir aussi nos partenaires. Dans nos partenaires, on va avoir Philippe Hurel, on a parlé. On va avoir Misia, évidemment, partenaire de toujours de la maison Pradier-Jeuneau, avec des très beaux tissus inédits. Il va y avoir de très beaux rideaux, des rideaux extérieurs, ça va être magnifique. On a aussi les éditions 1-6-9 avec un très beau tapis dessiné par Sandra Benhamou. On a aussi Lison de Caune, vraiment magnifique, avec notamment un très beau lampadaire en marqueterie de paille. Et on a aussi Karine Radfeld qui sort sa nouvelle bougie parfumée. Et l'expérience va être immersive, on a Jérémy Chatelain qui est en train de composer toute la musique. Il va y avoir un jeu de lumière, donc quand on va rentrer, on va rentrer dans cet univers de Suspiria. Donc ça va être incroyable, je suis très très excité, ça va être... Trop hâte ! Ouais, trop hâte, ça va être vraiment, j'ai le trac, mais je pense que ça va être beau, le soir du vernissage c'est le 7, et tout le monde est bienvenu pour venir découvrir.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que ça apporte d'être à Milan ?
- Speaker #1
Alors nous, l'enjeu en fait commercial, c'est d'aller se positionner, déjà il faut essayer, c'est-à-dire les galeries d'art comme nous, c'est pas tellement leur territoire commercial, donc l'idée c'est de sortir un peu de notre zone de confort. Sur 2025, nous on a envie de rajouter des foires tous les ans, et là on s'était dit, ou soit on va faire par exemple, on a toujours envie de participer à... pourquoi pas à Miami etc. et l'idée c'est de se dire pourquoi pas Milan, moi j'aime son énergie, j'aime sa créativité, j'ai mes clients qui viennent et c'est aussi leur montrer cette collection et leur montrer Près des Jeunots sous un nouveau jour. L'enjeu aussi c'est d'aller rencontrer de nouveaux acheteurs qui comme tu l'as dit en début très intelligemment c'est que parfois peuvent être intimidés, pensent que peut-être les galeries d'art sont toujours très chères ou qu'on a des pièces qu'on peuplera. Aujourd'hui quand même avec la collection Près des Jeunots je peux meubler un hôtel. même si les pièces sont numérotées, on peut quand même travailler. Donc ça allait aussi démarcher et montrer à ces nouveaux prospects que Pradié-Jeuneau peut aussi leur convenir avec tous ses savoir-faire, ses métiers d'art et ses magnifiques designers et artistes. Parce que je vais ramener de l'art évidemment, avec des tableaux d'Anne-Alice Vindel, des photographies d'Adèle Fessy. Donc l'idée c'est de montrer cette force-là et toute cette famille Pradié-Jeuneau qu'on a.
- Speaker #0
Mais c'est déjà ce que tu vas faire au PAD ?
- Speaker #1
Bien sûr !
- Speaker #0
On n'en a pas parlé du pad, c'est pareil. Qu'est-ce que ça apporte quand on... Pourquoi sortir des murs, ça apporte quoi, ce genre d'événement ?
- Speaker #1
Parce que déjà, en fait, la temporalité d'une galerie d'art, c'est que c'est une temporalité qui est très suspendue. C'est pas du tout une boutique, il n'y a pas un flux. On n'est pas justement chez Monoprix. Il y a un ou deux visiteurs par jour. Donc en fait, on prend du temps. Si vous venez à la galerie, c'est un espace intime. On prend du temps de discussion avec les clients ou les journalistes. C'est ça qui est magnifique. C'est ce luxe que j'ai, c'est le temps. Mais les foires sont un enjeu vital pour mes confrères et moi. C'est-à-dire qu'en fait, les acheteurs sont là et on vend. On prospecte de nouveaux acheteurs. Donc c'est important parce que c'est un vrai poids dans le chiffre d'affaires annuel. Les foires.
- Speaker #0
Les foires, oui. Quand on travaille à deux, quelle est la répartition ? Chacun son expertise, son métier. Comment vous travaillez ensemble ?
- Speaker #1
Je pense que pour Pradié-Jeuneau, pour Aurélien et pour moi, les choses sont en mutation, en transformation. Mais c'est normal, dans tout binôme, on évolue déjà par rapport à nos envies. On évolue aussi par rapport au contexte. Je pense que 2025, pour Aurélien et pour moi, on a fondé ce beau bébé Pradié-Jeuneau. Il y a des projets toujours avec ces synergies comme Monoprix, comme Le Pad, qui sont vraiment des projets portés à deux. Et il y a aussi de l'autonomie qu'on va trouver. Et je pense que maintenant, Pradié-Jeuneau... est capable d'accueillir nos collaborateurs et aussi nos envies. C'est-à-dire qu'Aurélien est en train d'écrire des prochains ouvrages, donc il a besoin de temps, il est en train d'écrire des articles, peut-être qu'il a envie, je ne sais pas où il en est, en fait on en a un peu parlé, de dessiner aussi des choses. Moi de mon côté, j'ai envie de, j'accentue le côté en direction artistique, ce côté d'Ea, de Jérémy Prédé-Jeunot, ainsi que ma casquette designer. Là, je fais des consultations, je cherche des collabs. Elles sont venues aussi à moi. Donc en fait, je pense que les autonomies peuvent continuer. Donc comment on se répartit de cette manière-là, de façon très naturelle ? On achète toujours ensemble. Après, on connaît bien nos goûts. Il n'y a jamais un moment où j'achète quelque chose et Aurélien me dit « Pourquoi tu as acheté ça ? Je déteste. » Non, en fait, aujourd'hui, j'achète une table basse parce que je l'ai chinée. Il me fait confiance. On ne se pose pas. Et maintenant, sur les artistes. Les artistes dialoguent. Là, on prépare une très belle expo de céramique avec des artistes incroyables. Les artistes dialoguent aussi bien avec Aurélien que moi.
- Speaker #0
Et l'envers du décor, on se le disait un peu en off avant de commencer cette interview, c'est que tu es aussi entrepreneur, tu es manager, tu es RH, tu es comptabilité, tu es réseau scopio. La réalité, c'est ça aussi.
- Speaker #1
La réalité, elle n'est pas glamour. Il y avait Iseult, la chanteuse. qui disait, elle a deux sociétés, elle disait si j'avais su que j'allais perdre ma... Non, elle n'a pas formulé comme ça. Elle disait, personne ne m'avait dit que j'allais y laisser ma santé mentale. L'entrepreneuriat, c'est extrêmement difficile, c'est challengeant, c'est très enrichissant. Je ne suis pas la même personne et je suis plus riche de tous mes collaborateurs, des échecs et des succès. Mais c'est un travail de longue haleine et le monde a changé. On est obligé de savoir tout faire. Aujourd'hui, j'ai des super assistants comme Thomas, comme Hubert, mais quand je leur demande de faire quelque chose de nouveau, j'apprends avec eux. Je suis obligé, j'apprends à sponsoriser, j'apprends à faire des vidéos, j'apprends à faire des enregistrements. Là, en fait, on est en train de faire un format où on enregistre nos voix pour faire un nouveau format vidéo. On apprend des choses et j'apprends avec eux systématiquement parce que sinon, en fait, on se laisse complètement dépasser. C'est important de savoir comment on fait les choses.
- Speaker #0
Tu te vois où dans 10 ans ?
- Speaker #1
C'est une bonne question. Je pense que dans dix ans, l'idée c'est que Rue de Verneuil restera un QG qui sera très intime, très pointu. Pradié Jauneau aura ouvert son premier showroom, un vrai showroom qui ne sera pas une galerie, vraiment dédié à la collection contemporaine. On aura sans doute ouvert une autre galerie avec un projet un peu secret sur lequel on bosse. très intéressant, à la frontière de la mode et du design. Et avec un peu de chance, on aura une galerie, des galeries à l'international.
- Speaker #0
En mode plus perso, ça ressemble à quoi chez toi ? Comment tu te meubles ?
- Speaker #1
Chez moi, ça ressemble exactement à la galerie. La galerie, j'ai un peu plus éteint les couleurs parce qu'il faut mettre en avant les objets. C'est comme au pad. On parle beaucoup de la scénographie. Le pad, cette année, notre chapitre 2 s'appelle Morceau de bravoure. Parce qu'en fait, on est là pour mettre en avant. les morceaux de bravoure des artistes, des designers, que ce soit d'hier ou d'aujourd'hui. Chez moi, ça ressemble du coup à ce goût-là, Pradier-Jeuneau, mais je pousse le curseur. J'aime pousser les couleurs, j'aime m'amuser, j'aime expérimenter. Moi, à la maison, je vais aussi avec un designer, un architecte, quelqu'un qui a un goût magnifique. Je lui laisse cette part de créativité. Je pense que ce qui est beau, c'est qu'en fait, ce goût-là, Jérémy Pradier-Jeuneau, rencontre ce goût qui est celui de Marco Bernardi. Lui, il est italien, argentin, donc il amène aussi des choses que je n'aurais jamais imaginées dans mon intérieur. Donc en fait, ça ressemble à ce mélange-là, aux choses qu'on achète ensemble, cet appartement-là et ce goût-là qui est en train de beaucoup évoluer.
- Speaker #0
Qu'est-ce que tu n'aimes pas du tout qu'il n'y aurait jamais chez toi ?
- Speaker #1
Alors ça, c'est mes choses préférées. J'adore les avis et j'adore me contredire trois fois plus tard. Je trouve que c'est ma plus belle preuve d'humanité. Il n'y aura jamais de laiton. Et tout aussi bien, dans trois ans, il y aura du laiton partout parce que le laiton sera revenu. Il n'y aura jamais, jamais de laiton. Je déteste. Et en même temps, ce que j'aime, c'est qu'on évolue sans cesse. On change, nos goûts changent, nos perceptions changent. Et tout aussi bien, ça changera.
- Speaker #0
Dernière question culte. Si tu faisais un dîner avec six personnes, six personnalités décédées ou vivantes, connues ou pas, qui serait-elle ?
- Speaker #1
Alors, six personnalités. Je pense qu'un, il y aurait Karl Lagerfeld. J'adorerais qu'il soit au dîner. Je pense qu'il y aurait Catherine Deneuve. Je l'adore. Mais je pense qu'il faut Catherine Deneuve. Qu'est-ce que je mettrais ? Ah, c'est une bonne question. Je pourrais mettre aussi... Je pense que j'aimerais qu'il y ait Marcel Proust.
- Speaker #0
Pourquoi ?
- Speaker #1
J'adore Marcel Proust, j'adore la recherche du temps perdu. C'est extraordinaire, c'est une personne d'une drôlerie, d'une intelligence. Tu vois qu'il y a quelque chose, je pense, d'une immense profondeur. Donc je pense que c'est quelqu'un à un dîner qui devait être drôlissime. Oui, parce que je choisis des gens qui me font rire. Tu vois, Catherine Honeuf, je pense qu'elle est hilarante. Je pense que Karl était hilarant. Tu vois, ces gens qui sont des grands esprits. Et en fait, je pense que l'humour est une forme d'immense intelligence. Qui est-ce que je pourrais avoir envie de rencontrer ? J'aimerais qu'il y ait Bette Davis, mon actrice préférée hollywoodienne. Mon premier tatouage, c'était ça. Je me suis tatoué son épitaphe chez Didi de The Hard Way. Et je pense qu'elle était drôle et qu'elle connaissait le Hollywood par cœur. Donc je pense que ça. Quatre, il m'en reste deux. Il faudrait quand même des gens vivants. Je ne choisis que des morts. Je pense que je pourrais... Ce serait bien que je choisisse quand même un designer et un architecte. Je pense qu'on peut ajouter André Poutman, qui était une grande dame et je pense qu'elle aurait apporté son snobisme chic à ce dîner. Et peut-être que j'aurais voulu avoir un Almodovar. Et j'adore Almodovar. C'est parce qu'hier soir, on a revu Femme au bord de la crise de nerfs et j'adore Almodovar. Tu vois, je vais finir ça avec Almodovar. C'est bien, il est inattendu.
- Speaker #0
Il est très inattendu. Bon, Jérémie, on va devoir s'arrêter parce qu'on s'était dit... au début de l'épisode, que tous les deux, on n'aimait pas les épisodes qui font plus d'une heure et on doit être à 55 minutes.
- Speaker #1
C'est intense, pardon, j'ai trop parlé.
- Speaker #0
Mais non, c'est très bien, mais on pourrait continuer, j'ai encore d'autres questions, mais allez, il faut qu'on s'arrête. Merci.
- Speaker #1
Merci Hortense, merci à vous.
- Speaker #0
C'était un plaisir d'échanger avec toi pour tout ce que tu nous parlais.
- Speaker #1
J'espère que tout était bien clair.
- Speaker #0
Très clair. Franchement, c'était vraiment passionnant. Merci beaucoup.
- Speaker #1
Merci Hortense, merci beaucoup.
- Speaker #0
Décodeur, c'est terminé pour aujourd'hui. Merci beaucoup d'avoir écouté en entier. Si vous avez aimé, n'oubliez surtout pas de vous abonner à cette émission pour ne pas rater les prochains épisodes. Bien sûr, vous pouvez aussi le partager sur Facebook, Twitter, LinkedIn ou en story Instagram par exemple. Ça permet de le faire connaître à vos proches. Je suis Hortense Leluc et vous pouvez me retrouver sous le pseudo Hortense Décodeur ou via le compte Décodeur Podcast sur Instagram. Et si jamais vous écoutez sur iPhone via l'application Apple Podcast, vous pouvez aussi me laisser un commentaire, rubrique classement et avis, parce que plus j'ai de commentaires, plus Décodeur se démarque dans la jungle des podcasts, ce qui est très important pour moi pour me faire connaître encore plus largement et faire découvrir le monde de la déco au plus grand nombre. Voilà, merci et à très bientôt alors, ici ou ailleurs.