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Deep Seed - Regenerative Agriculture

🇫🇷 Microbiologie et agriculture régénérative : des sols vivants pour nourrir la planète [Marc-André Selosse]

🇫🇷 Microbiologie et agriculture régénérative : des sols vivants pour nourrir la planète [Marc-André Selosse]

1h24 |14/01/2025
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🇫🇷 Microbiologie et agriculture régénérative : des sols vivants pour nourrir la planète [Marc-André Selosse]

🇫🇷 Microbiologie et agriculture régénérative : des sols vivants pour nourrir la planète [Marc-André Selosse]

1h24 |14/01/2025
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Description

Saviez-vous que le sol sous vos pieds abrite une biodiversité invisible, essentielle à la vie sur Terre ? Dans cet épisode captivant, plongez dans le monde fascinant de la microbiologie des sols avec Marc-André Selosse, expert reconnu et auteur de “L’origine du monde : une histoire naturelle du sol”.


🎙️ Ce que vous apprendrez :

• Pourquoi la microbiologie est la clé de l’agriculture régénérative et de l’agroécologie.

• Comment des pratiques comme l’agriculture de conservation peuvent préserver et restaurer les sols.

• Le rôle crucial des mycorhizes, ces champignons invisibles, dans la santé des plantes et la fertilité des sols.

• L’impact des sols sur le changement climatique, le stockage de carbone, et le cycle de l’eau.


Marc-André Selosse nous invite à repenser notre relation avec les sols et à adopter des solutions concrètes pour construire une agriculture durable. Que vous soyez agriculteur, consommateur ou simplement curieux, cet épisode vous offrira un éclairage nouveau sur les liens entre sol, climat, et alimentation.

🎧 Écoutez cet épisode pour découvrir comment la microbiologie des sols peut transformer l’agriculture et offrir des réponses aux défis climatiques et écologiques.


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This podcast was produced in partnership with Soil Capital, a company that supports #regenerativeagriculture by financially rewarding farmers who improve soil health.


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Transcription

  • Speaker #0

    Cette semaine, dans le Deep Seed Podcast, j'accueille l'un des experts en microbiologie du sol, les plus renommés de France, Marc-André Sélos. On parle des avancées scientifiques des dernières décennies en écologie, en microbiologie et en agronomie et comment combiner tout ça nous ouvre les portes d'une transition agroécologique, c'est-à-dire d'une agriculture qui produit toujours autant, voire parfois plus, vous verrez pourquoi. mais de manière régénérative, pour les sols, les écosystèmes, la biodiversité, mais aussi la santé humaine. Je vous promets, c'est une véritable masterclass, ça vaut vraiment la peine, donc restez jusqu'au bout. Cet épisode a été réalisé en partenariat avec Sol Capital. Moi c'est Raphaël et je vous souhaite une bonne écoute. Bonjour Marc-André Sélos. Bonjour. Je suis très très content d'avoir l'opportunité de passer un moment avec toi et de discuter d'un sujet que je trouve absolument fascinant qui est la microbiologie du sol.

  • Speaker #1

    Oui, alors c'est à la fois un sujet fascinant et foisonnant parce qu'il y a beaucoup... de microbes dans le sol. On dit souvent qu'un gramme de sol de chez nous, c'est plusieurs milliers d'espèces de bactéries et des millions de cellules de bactéries, bien sûr, parce qu'elles sont toutes petites. Alors pour elles, c'est un truc immense. Un millier d'espèces de champignons, des centaines d'espèces d'amibes. Si on est en surface, des centaines d'espèces d'algues. Et donc, il y a beaucoup de protagonistes. C'est foisonnant le sol et la microbiologie du sol, mais aussi c'est un levier pour penser différemment à la production agricole.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est justement le cœur du podcast, du Deep Seed Podcast. On parle beaucoup d'agriculture régénérative ou d'agroécologie. Et j'essaye vraiment de m'intéresser à tous les aspects de ce sujet-là. J'ai parlé avec beaucoup d'agriculteurs, des experts de différents aspects. Et il y a quand même une pièce super importante de ce puzzle, c'est le sol et la microbiologie qui se passent dans le sol. Donc je suis très content qu'on puisse un peu aller plus en profondeur dans ce sujet-là. J'aimerais bien qu'on commence vraiment par les bases. Et une question peut-être toute simple, qu'est-ce qu'on entend par le sol ?

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs façons de l'approcher. Où se trouve-t-il ? C'est ce qui est entre l'atmosphère et le sous-sol, c'est-à-dire la roche, le substrat géologique. C'est cette Ausha, qui est très mince. Sur des falaises, par exemple, c'est réduit à quelques dixèmes de millimètre. Quand il y a beaucoup d'érosion sur une falaise ou sur une façade, il y a une sorte de micro-sol. Chez nous, dans nos régions, quand on est en surface plane, on est entre 50 cm et 2, 3, 4, 5 cm. 5 mètres pour les plus profonds. Quand on va sous les tropiques, là, en fait, la zone, l'activité physico-chimique est très importante, même en profondeur, et donc on peut aller jusqu'à une centaine de mètres d'épaisseur. N'empêche qu'à l'échelle du globe, c'est rien. Je veux dire si on dessine le globe Théâtre sur une feuille, on ne peut pas voir le sol à cette échelle là. Néanmoins il est vraiment très important parce qu'il est bourré de vie et on peut prendre les choses différemment on peut aussi regarder de quoi est composée cette couche qui entre en atmosphère Et là, on découvre qu'il y a des morceaux de roche, pas inattendu. Il y a de l'air qui rentre dans les trous, voire de l'eau quand il pleut, pas inattendu non plus, vu que l'air est juste au-dessus. Il y a aussi beaucoup de matière organique. Cette matière organique, elle peut être morte. Des restes de feuilles, des restes d'animaux, des restes de racines, des restes de microbes aussi, beaucoup. Et elles restent là pendant parfois des siècles, voire même dans des charnosièmes, les sols si fertiles du sud de la Russie et de l'Ukraine. On peut aller jusqu'à plusieurs millénaires, des dizaines de millénaires. Et puis, une partie de cette matière organique est encore vivante. C'est des microbes, c'est des animaux qu'on se représente souvent, les vers de terre. C'est les racines. Le tiers de la plante est souterraine. Et ça, en pourcentage, ce n'est pas énorme. Ce n'est pas l'essentiel de la matière organique du sol, qui est surtout morte, et c'est peut-être au total 0,1% du volume du sol. Mais non moins, c'est extrêmement actif parce que c'est comme ça que le sol est fait, c'est comme ça que le sol vit, et c'est comme ça qu'il vit, ou plus exactement qu'il se comporte et qu'il a des caractéristiques qui font que les plantes peuvent y pousser et que le sol ne s'érode pas trop vite. Il s'érode toujours un petit peu, mais à peu près à la même vitesse où il se forme en profondeur. au dépend du sous-sol. Donc en fait, quelque part, cette vie, c'est elle qui crée le sol, qui retient les morceaux par des filaments de champignons, des racines. On va revenir sur ces processus, je pense, mais ce qu'il faut bien se représenter, c'est que même si c'est pas grand-chose, la vie, et d'ailleurs, dans les années 50-60, on est sur un sol éponge, où on met de l'eau et des engrais, puis voilà. C'est énorme en termes d'activité. Aujourd'hui, notre vision du sol change complètement. On se rend compte que ce qui fait que le sol est sol, qu'il persiste, qu'il nourrit les plantes. C'est cette vie qui le fait. Et répétons-le, cette vie, elle est très largement microbienne. Et longtemps, il fallait cultiver les microbes pour les identifier, mais on ne savait pas tous les cultiver. On ne savait pas bien quelle était la diversité microbienne. Quand on a commencé à extraire l'ADN du sol, pour décrire les organismes qui sont là, en fond, par leur ADN, on n'a plus besoin de les voir ou de les cultiver pour les identifier. Alors on a découvert de très nombreuses espèces inconnues, mais comme on a leur étiquette ADN, si jamais on les retrouve ailleurs, on dira, bah tiens, c'est ce qu'un tel avait trouvé dans la bourse, telle année, en faisant tel prélèvement. On a des grandes banques de données bourrées d'espèces inconnues, où on est concert péré si on les retrouve. Et en fait on s'est aperçu que, en gros, on connaissait que moins de 1% de la diversité microbienne du sol en espèces, en nombre d'espèces.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui c'est encore le cas ?

  • Speaker #1

    Alors non, maintenant on les connaît toutes par leur ADN. Après on n'a pas forcément pris le temps de les étudier en détail. On peut quand même les étudier parce que leur ADN trahit aussi... leur gène et donc comment elles vivent. Donc on peut anticiper un peu quelle est leur façon de vivre et en quoi elle contribue au processus qui s'opère dans les sols. Mais pour revenir là-dessus, maintenant changeons d'échelle, on compte que, selon les estimations, le quart et 60% des espèces vivantes vivent dans le sol. Donc c'est le haut lieu de la biodiversité. Pas la peine de se représenter un écosystème corallien, pas la peine de se représenter une forêt tropicale. La boue que vous avez sous vos chaussures, c'est beaucoup plus biodivers. Un exemple, il y a un atlas des bactéries du sol de France qui a été fait dans la première décennie de ce millénaire, avec des méthodes qui ont beaucoup évolué depuis, mais des méthodes qui ont quand même révélé... sur 2200 prélèvements distribués dans toute la France et qui ont permis une très jolie cartographie par les collègues de l'INRA de Dijon, ils ont révélé 115 000 espèces de bactéries. Et on sait que les techniques de l'époque, par rapport à ce qu'on peut faire maintenant, ça donnait un dixième des espèces. Donc on a les plus fréquentes et donc cet atlas, il est génial. parce qu'ils nous disent qu'il est vraiment présent et opérationnel. Mais il y en a beaucoup plus. Il y a sans doute un zéro de plus, allez. Un bon million de bactéries, je pense, dans les sols de France, au minimum. Et ça, c'est à comparer ce 115 000 espèces, au moins peut-être dix fois plus, à 600 espèces d'oiseaux. 200 espèces de mammifères, 6 000 espèces de plantes pour la France continentale, puisqu'il n'y a pas la Corse dans ce travail, 40 000 espèces d'insectes. En réalité, c'est énorme ! Ce chiffre nous dit que la diasté est surtout microbienne et qu'elle est surtout dans le sol. Bon, autre chiffre. Quand on prend un hectare de chez nous, le sol de cet hectare, en moyenne, contient 5 tonnes de microbes, 3 tonnes et demie de bactéries, 1 tonne et demie de champignons. 5 tonnes de racines, parce que la plante c'est aussi un habitant du sous-sol, et une tonne et demie d'animaux. On réalise au passage qu'on a une surreprésentation de l'importance de l'animal et du ver de terre dans la vie du sol. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas les vers de terre et qu'ils ne sont pas importants, c'est pas ce que je dis. Bon donc en fait, c'est foisonnant, c'est ce que je disais en introduction, il y a plein de choses. Et c'est super intéressant parce que toutes ces espèces vivent de façon extrêmement différente, et donc dans les sols elles font des choses extrêmement différentes. Mais tu vois, il faut partir de là. C'est la biodiversité, le sol.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est quelque chose qu'on a seulement commencé à comprendre très récemment. À quel point c'était divers, riche et complexe ?

  • Speaker #1

    Oui, quand on a eu l'ADN et qu'on a commencé... Quand les coûts se sont abaissés... les coûts des méthodes ADN se sont baissés et maintenant il y a plein de gens qui font de l'écologie du sol. Il y a eu un regain d'intérêt pour le sol énorme parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait des tas de choses intéressantes à aller comprendre, analyser. Il y a beaucoup plus d'équipes qu'il y a 20 ans qui travaillent sur la vie du sol.

  • Speaker #0

    Est-ce que le problème du sol, ce n'est pas justement qu'il est un peu invisible, qu'il est sous nos pieds, que nous on considère ça un peu comme sale, quelque chose qu'on doit nettoyer ?

  • Speaker #1

    Le problème c'est que le sol c'est un peu à la fois la chose la plus... commune, notre vue est interceptée par le sol la plupart du temps, c'est la surface du sol qu'on voit. On est en étage aujourd'hui, ça compte pas, mais on a souvent les pieds sur le sol, donc il n'y a rien de plus banal. Mais c'est imperscriptable, on ne peut pas voir à travers. Donc déjà, ça aide pas à voir ce qu'il y a dedans. Et de toute façon, beaucoup de choses sont trop petites. Je parlais de microbes. Mettons des échelles, les bactéries, leurs cellules font un millième de millimètre. Pas visible. Les champignons sont faits de filaments assez fins. 10 millième de millimètre. C'est marrant d'ailleurs parce qu'il y a différentes façons d'être un microbe, il y a des échelles différentes. Ça non plus, ça ne se voit pas. Il y a aussi les amibes. Alors les amibes, ça ne se voit pas du tout. C'est des espèces de grosses cellules qui se déforment, qui se déplacent en se déformant et puis qui... des fois avalent des bactéries ou de la nourriture, toujours en se déformant. On connaît les plus grosses d'ailleurs de façon amusante sous le nom de blob. Beaucoup de gens connaissent les blobs, mais c'est l'anecdote, les blobs sont visibles à la vue nue, mais c'est l'exception parmi les amibes, la plupart ne sont pas visibles à la vue. Il y a aussi les virus qui sont encore plus petits que les bactéries, au moins dix fois plus petits que les bactéries. Et alors eux, ils sont tellement petits qu'ils ne peuvent rien se passer dedans. Il y a juste l'information génétique et c'est tout. Donc ils parasitent les cellules des autres. On n'a aucune idée exacte de combien il y a de virus dans le sol, mais on peut penser que chaque espèce vivant dans le sol a... 5 à 10 virus.

  • Speaker #0

    Donc 5 à 10 fois plus de virus que de viques.

  • Speaker #1

    Donc il y a 5 à 10 fois plus d'espèces de virus que d'espèces de tout autre chose. Alors on ne les connaît pas bien parce que là on ne sait pas, même avec l'ADN, les méthodes ne sont pas encore vraiment routinières. Donc on peut regarder tous les virus qu'il y a dans un sol, mais c'est dur à faire. Et donc les virus, c'est un peu la boîte noire. On sait qu'il y en a énormément, ils font sans doute des choses très importantes, mais on ne sait pas lesquelles. Donc, Oui, donc dans cette vie-là, effectivement, il y a surtout du microbe. Ah oui, mais c'est ça, pourquoi on ne l'a pas vu le sol ? On ne l'a pas vu parce que même s'il était transparent, c'est trop petit. C'est trop petit pour être visible, les agents du sol. Même si on voit les racines et les vers de terre, et qui ne sont pas pour rien dans la façon dont fonctionne le sol. Et puis, il y a aussi un problème culturel. C'est sale qu'on dit qu'on va s'enterrer quelque part, qu'on traite quelqu'un de cutéreux. Ce n'est pas bien valorisant. Et peut-être que c'est parce que là, c'est dans le sol qu'on met nos déchets et nos morts. Peut-être que c'est ça. C'est dans le sol qu'on fait pipi et caca, historiquement. Donc, il est bien possible qu'il y ait des bonnes raisons à ça. Mais en tout cas, culturellement, il n'y a pas d'intérêt. Alors, il y a un regain d'intérêt, mais c'est un regain spécialisé. Dans la rue, les gens ne se rendent pas compte que bien avant... que d'acheter bio ou bon pour leur santé, ils devraient se préoccuper de savoir est-ce que la façon dont le sol est traité, et c'est relativement indépendant de la question de savoir si c'est bon pour la santé et si c'est bio, est-ce que le sol est bien traité et d'une façon durable ? Oui, parce que l'autre chose aussi qu'il faut dire dans notre intimité avec le sol, c'est que tout ton phosphate, tout ton potassium, tout ton calcium, tout ton magnésium, tout ton fer, tout ton bord, tout ton... souffre. À part le carbone qui vient de l'atmosphère, par le biais de la... la photosynthèse, tous les constituants viennent du sol. Et je dis souvent que le sol est le placental de l'humanité parce que non seulement, effectivement, la nourriture vient de là, les plantes ont poussé là, les animaux qui broutent dessus, voilà. S'il y a des poissons et des algues en mer, c'est parce que les fleuves amènent un peu de fertilité des sols. Les eaux ont circulé dans les sols avant d'arriver dans les rivières. Et elles emmènent un peu de fertilité. Mais on pêche que sur le littoral, au milieu de l'océan, il n'y a pas de fertilité, il n'y a rien qui pousse. C'est pour ça que les pêcheurs bretons se battent pour l'accès aux eaux britanniques.

  • Speaker #0

    Tout vient du sol. Tout ce qui nous constitue, tout ce qui passe par nous.

  • Speaker #1

    Tu manges du poisson et des algues, ça vient quand même du sol. Donc, c'est la première chose. Et deuxièmement, l'eau, où est-ce qu'elle tombe ? Elle tombe dans le sol. Et normalement, le sol, d'ailleurs, la nettoie. C'est-à-dire qu'il filtre les particules, il détruit toutes les molécules qu'il peut avoir dans la goutte d'eau, notamment toutes les molécules qui viennent de... les molécules volatiles qui émettent les plantes. Bref, le sol, c'est aussi de là que vient l'eau. Donc, ce n'est pas faux de dire que c'est le placenta de l'humanité. Et c'est vraiment le placenta de l'humanité parce que personne n'a vraiment vu son placenta. et tout le monde s'en fout et personne ne voit le sol et tout le monde s'en fout. Donc c'est aussi le placenta dans la dimension de représentation, c'est le grand absent.

  • Speaker #0

    C'est intéressant comme image ça.

  • Speaker #1

    Mais c'est pas qu'une image provocante, c'est le placenta. Tu n'y coupes pas. Alors après tu te dis, tiens, je peux peut-être pas mettre n'importe quoi dans le sol finalement.

  • Speaker #0

    Tu as écrit un livre qui parle des sols en profondeur. C'est écrit de manière assez abordable, accessible pour des gens comme moi qui... découvre ces sujets assez récents, mais c'est quand même assez complet, assez dense.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait 250 pages. Bon, il y a quelques dessins humoristiques quand même. Oui, il y a pas mal de dessins. Nous, Raphaël Lian a fait un joli travail d'illustration humoristique. Et puis, les gens sont pris par la main. Mais non, moi, il faut avoir envie de connaître le sol, oui.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est ça. Mais le livre s'appelle L'origine du monde.

  • Speaker #1

    Une histoire naturelle du sol à l'intention de ceux qui le piétinent.

  • Speaker #0

    C'est ça le titre ?

  • Speaker #1

    C'est le sous-titre. Le sous-titre est plus explicite. L'origine du monde, c'est une blague parce qu'il y a un tableau qui est connu. Mais enfin, le sol, c'est bien l'origine du monde parce qu'on en reparlera aussi. Il a des rôles aussi dans le climat. Je mentionnais le cycle de l'eau, la fertilité de l'océan. C'est compliqué, cette histoire-là. Il fait vraiment pas mal de choses, le sol. Mais donc, revenons à ça. On l'a décliné avec un dessinateur belge talentueux en une BD qui s'appelle Souterre, qui est paru chez Dargaud alors que... L'origine du monde est parue chez Actes Sud. Et Souterre, là, c'est historié, c'est pour les plus jeunes, c'est plus court. Il y a moins de choses, ça rentre moins dans le détail, mais il y en a pour tous les goûts. Et puis, j'ai fait plein de vidéos aussi, de conférences filmées, ce podcast où on est ensemble. L'idée, c'est de faire des formats à l'usage de tous les auditoires, car il n'y a aucun auditoire qui ne puisse s'exempter de savoir ce que c'est que le sol.

  • Speaker #0

    Absolument. La question que j'allais poser c'était, pourquoi l'origine du monde quand on parle du sol ?

  • Speaker #1

    Tu as vu là, on disait que finalement la fertilité de l'océan elle vient du sol. L'eau si elle est retenue sur terre, c'est qu'il y a ce sol poreux qui la retient, et qui va à la fois écrêter les pluies intenses, alors ça ne marche pas toujours, mais dans les inondations qu'on a eues ces derniers temps en Europe, On s'aperçoit quand même que c'est des régions agricoles où les sols sont un peu abîmés dans leur capacité à être poreux et à retenir l'eau. Et à se retenir quand il pleut beaucoup. D'ailleurs, les inondations à Valence, quand tu vois les gens avec leur raclette qui pousse, c'est de la boue qui pousse, pas de l'eau. C'est donc du sol qui ne s'est pas tenu. Donc, les sols permettent de retenir l'eau, d'éviter que les rivières rentrent trop facilement en cru quand il pleut. Par contre, ils se ré-essuient dans les rivières, nourrissent lentement la rivière en emmenant aussi plein de sels minéraux. au passage entre deux pluies, donc il y a des rivières permanentes. C'est ça qui fait des rivières. C'est ça qui fait des réserves en eau qui font que les plants poussent. Donc, tu vois, ça joue sur le cycle de l'eau. Et parce que dans le désert, quand il pleut, il n'y a pas de sol, l'eau, elle ruisselle. Et alors, paradoxalement, dans le désert, elle ruisselle tellement vite qu'il n'y a que 20% de l'eau. Il ne pleut pas souvent dans le désert, d'accord, mais quand il pleut, il n'y a que 20% de l'eau qui a le temps de s'évaporer. Tout part en ruissellement. Chez nous, c'est l'inverse. 60 à 80% de l'eau est évaporée lentement par les plantes qui montent leur sève à partir du sol, et il n'y en a que 20% qui partent par ruissellement. fait un cycle de l'eau équilibré, où il y a des plantes, où il y a des rivières quand même, enfin voilà. Donc ça fait le cycle de l'eau, on y reviendra, mais c'est un des agents de l'effet de serre, le sol, c'est ce qui rend la planète vivable. On rappelle que sans effet de serre, il ferait moins 50 degrés. Mais la façon dont on l'a géré aujourd'hui fait que le sol contribue à chauffer plus de temps.

  • Speaker #0

    Ça me faisait penser au fait que les...

  • Speaker #1

    Et surtout, demain, le sol, il pourrait permettre de stocker du carbone et donc de refaire un climat plus correct. Quand tu mets de la matière organique dans le sol, j'ai dit tout à l'heure, la matière organique, elle est là pour 10, 100, 1000, voire plus ans. D'accord ? Ça fait des stocks de carbone. Mettre du carbone dans le sol, c'est comme planter une forêt. Ça stocke du carbone et c'est bon pour le climat. Donc, tu vois, le sol, il est entre tes mains. Si tu le laboures, tu l'oxygènes, il y a des bactéries qui respirent comme des dingues, tu perds ta matière organique et il y met plus de CO2. Tant pire la question climatique. Si tu mets des nitrates sur un sol humide, voire un sol que tu irrigues, il y a certaines bactéries qui, faute d'oxygène dans le sol parce que c'est humide, elles vont respirer avec le nitrate et faire du protoxyde d'azote. C'est un gaz à effet de serre qui est 230 fois plus important en effet de serre, plus efficace que le CO2. Si ton sol est inondé, on pense à la résiculture par exemple. Ton sol, il y a des bactéries qui vont respirer au CO2. C'est une respiration bizarre, mais les respirations sans oxygène, nous on ne connaît pas bien. Toi et moi, on pense qu'il faut de l'oxygène pour respirer. Non, il faut un oxydant. Ça peut être du nitrate, ça fait du protoxyde d'azote. Ça peut être du CO2, ça fait du méthane. Les bactéries qui respirent au CO2 et qui font du méthane, tu les connais parce que c'est celles qu'il y a dans les méthaniseurs. C'est elles qui font le méthane. Bon, le méthane, c'est 50 fois plus efficace que le CO2. Donc toi, quand tu irrigues... Et où tu mets des engrais minéraux avec du nitrate et où, que tu labours, tu augmentes l'effet de serre. Alors qu'en fait, si tu mettais tes engrais sous forme organique, si tu amenais plein de déchets organiques, par exemple ceux des poubelles dans nos sociétés, toi et moi, on fait 100 kilos de déchets organiques par an. Si on met ça bien trié dans le sol, ça amène des matières organiques, c'est bon pour le climat.

  • Speaker #0

    Pour le climat, oui.

  • Speaker #1

    Oui, parce que tout le carbone qui est là, au lieu d'être brûlé tout de suite ou respiré tout de suite, quand tu mets ça dans un sol vivant, tu as des vers de terre qui l'enfouissent sous leur déjection et ça va rester 10, 100, 1000 ans. Voilà, comme si tu avais une forêt. Sauf que quand tu as planté une forêt, tes enfants ne peuvent pas. Faire autre chose que de la garder, puisqu'elle est devenue le stock de carbone. Avec l'arbre, c'est les vacances de Mamytruc au Bangladesh, je ne sais pas s'il y a les arbres au Bangladesh en Thaïlande, le petit arbuste, c'est les voyages de Marc-André pour aller dire qu'il faut s'occuper du climat. Ok, ces arbres, tu dois les garder. Et donc, tu n'as plus la maîtrise du paysage. Alors que si tu as remis de la matière organique dans les sols, c'est très bon pour les sols, la matière organique morte. Parce que ça les stabilise, ça les colle, donc ça lutte contre l'érosion, ça nourrit les microbes qu'il y a dedans. Et d'ailleurs, ils vont lentement la dégrader, mais lentement, on relâche l'azote et le phosphate. Donc c'est fertilisant. En plus, ça retient l'eau, donc ça fait des sols qui sont plus à même de retenir l'eau. Tu vois le truc, avec les étés secs qu'on a en ce moment. Et c'est bon pour le climat. Enfin, bon voilà. remettre de l'agriculture dans le sol, c'est génial. Et puis la dernière chose que tu peux faire, c'est au lieu d'avoir un paysage complètement brun, avec du sol nu en hiver, tu plantes des cultures intermédiaires qui vont pousser, poussoter pendant l'hiver lui-même, mais bien pousser en automne, et tu broies tout ça au sol, et ça te fait de la matière agronique produite sur place. Tu peux en tirer 0,1 à 10 tonnes de carbone par hectare, et là, tu vas demander des crédits carbone.

  • Speaker #0

    Ouais,

  • Speaker #1

    ouais. Et c'est cette idée d'une agriculture qui serait multifonctionnelle et payée pour ses autres fonctions. Parce que, voilà, donc le sol, tu vois, en bien, en mal, il fait le climat. C'est vraiment l'origine du monde. Tout ce qu'il y a à bouffer, ça vient de là même quand c'est dans l'océan, ça régule le cycle de l'eau, ça régule le climat. Qu'est-ce qu'il reste à faire après ? Juste en jouir, pour autant que les sols continuent à le faire, parce que s'ils se dégradent, ils ne le font plus, et là... On compte que déjà dans le monde, 60 millions de personnes ont des conditions de vie dégradées parce que leurs sols ne sont pas en bonne santé. Et on pense qu'à l'horizon 2060-70, ce sera... probablement 3 à 4 milliards de gens, ce sont des chiffres onusiens, dont la vie sera altérée, voire même qu'ils devront migrer, parce que leurs sols sont dégradés, par l'érosion, par la salinisation, par un excès de pesticides, ça c'est à la maison, parce que nous la salinisation ça va, l'érosion ça va pas très bien, mais enfin c'est pas l'horreur, 98% des sols de France par exemple sont pollués par les pesticides. Donc si tu veux, à un moment, tu te dis, oui bon, c'est l'origine du monde, et ce sera l'origine d'un monde pourri, éventuellement aussi. Il y aura toujours un monde, il y aura toujours des trucs qui vivront, il y aura toujours des microbes dans le sol, même s'ils sont hyper pollués. Mais ils ne feront pas forcément le taf pour qu'on produise des carottes.

  • Speaker #0

    L'image que j'avais eue, c'était celle du fait que les plantes, les espèces vivantes, la microbiologie du sol, tout ça a co-évolué ensemble. Et que du coup, tout ça est lié de manière carrément intrinsèque. Et qu'il y a des symbioses que je trouve extrêmement intéressantes entre justement les plantes et ce microbiote du sol.

  • Speaker #1

    Moi, je suis venu au sol et à la plante d'ailleurs, parce que je suis mycologue et notamment, je me suis intéressé aux champignons qui s'associent aux racines des plantes. Ce n'est pas des parasites, comme tu vois les rhizoctonia, les rouilles ou les mildiou. Ce ne sont pas des décomposeurs de matières organiques mortes. Il y en a un, les décomposeurs de matières organiques mortes. C'est ceux qu'on sait bien cultiver. Tu vois, champignons de Paris, shiitake, pleurotes. Ce ne sont pas des décomposeurs de matières mortes. Ce sont des champignons qui vont se nourrir en sucre sur les racines, mais ils ne les abîment pas. En échange, ils ramènent de l'eau et des sels minéraux qui vont capter dans un volume de sol plus étendu. Le contact avec le sol est augmenté d'un facteur 10 000 par le champignon par rapport au contact sol-racine. Et donc, il exploite beaucoup mieux le sol et notamment toutes ces substances comme le phosphore ou le fer qui ne circulent pas. au contact. En échange la plante donne du sucre, mais ça coûte beaucoup moins cher de faire des filaments de champignon qu'une racine, ça coûte 100 fois moins cher. Donc c'est une espèce de sous-traitance pour aller faire les courses, qui a une rentabilité en terme de contact avec le sol ramené au coup carbone d'un million de fois. 10 000 fois plus de surface de contact, en fois moins de carbone pour faire les filaments qu'une racine. C'est énorme.

  • Speaker #0

    La plante investie dans ces systèmes-là ?

  • Speaker #1

    L'eau, elle sort nouvelle, elle circule, les eaux littorales au moins sont assez riches. Le problème du sol, c'est que c'est très dilué. Les plantes, en fait, sont sorties des... Ce sont des algues qui sont devenues terrestres, elles n'avaient pas de racines. Et on sait très bien qu'il y a 400 millions d'années, les premières plantes n'ont pas de racines, mais elles ont déjà des champignons associés à des tiges rampantes. Et elles forment, c'est Christine Sreludérien qui travaille dans mon équipe, qui travaille beaucoup sur ces fossiles-là, et on voit très bien qu'en fait les racines apparaissent comme une façon d'héberger plus de champignons. C'est leur première fonction, racines, ça a été ça. Alors maintenant il y a quelques plantes qui vivent dans des milieux riches, ou des milieux pionniers où il n'y a pas de champignons, notamment les crucifères, famille du chou, qui elles n'ont pas... de mycorhizes parce que dans ces conditions écologiques, soit il n'y a pas de champignons, soit il n'y a pas besoin de champignons parce que le sol est riche. Mais en revanche, 90% des plantes, elles ont toujours ces associations qu'on appelle les mycorhizes, myco-champignons-ryza, la racine. Et ce que toi tu appelles une racine quand tu déterres une plante, en fait, il y a du champignon dedans, c'est tout à fait normal, et le champignon aide la plante à se nourrir. protège la racine. Ce qui n'est pas un grand altruisme, il protège son garde-manger. C'est tout. Et donc, dans l'évolution, plus un champignon protège les racines, plus un champignon qui fait des mycorhizes protège des racines, plus il a de descendants parce qu'il protège sa source de nourriture. Donc, c'est méca... cette histoire là. Donc c'est un peu la protection et l'alimentation et ça, ça a commencé dès le début puisque les ancêtres des plantes étaient des algues qui n'avaient pas de racines.

  • Speaker #0

    Donc on a cette relation qui date de centaines de millions d'années entre une plante qui a besoin de trouver des nutriments dans le sol, de l'eau,

  • Speaker #1

    des choses comme ça.

  • Speaker #0

    Et de l'autre côté, on a des champignons qui eux ont besoin du... du sucre, du carbone produit par la plante, et en fait les deux se complètent. Voilà,

  • Speaker #1

    alors ils se complètent, après tous les couples ne marchent pas, et c'est très important non pas de se prespider à inoculer une souche du commerce dans n'importe quel champ, mais toujours d'inoculer plusieurs souches, ou mieux de ne pas inoculer, mais d'avoir des processus qui protègent ces champignons, on va y revenir, des processus qui protègent ces champignons de façon à ce que la plante puisse choisir ses partenaires parmi tous les champignons capables de faire des mycorhizes qui traînent autour d'elle. On sait très bien que les plantes discriminent, elles établissent des mycorhizes avec tout, et puis... si elles obtiennent les choses dont elles ont besoin, elles continuent à donner du sucre, sinon elles interrompent l'interaction. C'est juste des mécanismes physiologiques. Donc il faut laisser le choix aux plantes, il ne faut pas vouloir inoculer, il faut laisser le choix aux plantes, et de toute façon, même si tu inocules, tu ne t'exonères pas de deux choses qui vont permettre d'entretenir ces champignons. Un, tu ne laboures pas, parce que si tu laboures, tu fous en l'air le réseau de filaments, donc tu n'as plus que l'espoir pour refaire des mycorhizes. Et puis deux, Tu couvres toujours ton sol. Voilà une deuxième raison d'avoir des intercultures, même si elles ne sont que techniques. Tu couvres toujours ton sol de végétation qui pousse et qui va nourrir ses champignons. Parce que si ton sol est brun en hiver, il meurt tous et il ne reste que des spores. Et donc au moment où tu vas replanter, la plantule va avec ses racines provoquer la germination des spores qui vont se connecter à la racine et puis commencer à... au dépens de ta jeune plantule qui n'a pas encore beaucoup de moyens photosynthétiques, commencer à refaire des filaments pour explorer le sol. Tu n'hérites pas du réseau. Tu n'hérites du réseau que si tu ne perturbes pas le sol, ni la bourre ni le travail du sol, et dès la surface, ceci, et si tu as une couverture végétale permanente. Alors évidemment, on ne peut pas... Si tu fais des carottes, tu vas perturber le sol. Si tu fais des patates, tu vas perturber le sol, c'est sûr. Le simple fait de récolter fait qu'il y a un moment transitoire où il n'y a pas beaucoup de végétation. Mais il faut minimiser ces deux choses. Et alors il y a plein d'autres raisons d'ailleurs dans la vie du sol de minimiser le labour. Je disais tout à l'heure que ça aide à la respiration de certaines bactéries qui survivent au labour et que ça déstocke du carbone, donc ça on ne veut pas. Première chose. Et puis deuxièmement, couvrir de végétation, on l'a dit aussi tout à l'heure, ça servait au cycle du carbone. Donc tu vois que là en fait il y a des bonnes solutions qui cochent plusieurs cases.

  • Speaker #0

    Oui, je voudrais justement qu'on s'attarde un peu là-dessus, sur toutes ces solutions. Et en fait, peut-être que pour commencer, on pourrait parler de ce qu'on appelle l'agriculture conventionnelle. Expliquer un peu, qu'est-ce que c'est en fait l'agriculture conventionnelle ?

  • Speaker #1

    Sans faire d'agribashing.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important.

  • Speaker #1

    L'agriculture conventionnelle, c'est quelque chose qui a permis de régulariser l'approvisionnement nutritionnel de toute la population. Au 19ème, il y avait une famine tous les 5 à 10 ans, enfin une disette au moins, sinon une famine. Et tu vois, quand tu es au milieu de la pomme de terre, par exemple, en Irlande, ils ne mangeaient que ça parce qu'ils en faisaient plusieurs récoltes par an. Et puis, c'est assez riche en protéines. C'était plutôt équilibré. C'était plus de 90% de leur ration alimentaire. Du jour au lendemain, il y a eu un million de morts et deux millions d'émigrés. Donc, il y a eu des catastrophes qu'on n'a plus maintenant grâce aux engrais et aux pesticides. Donc, l'agriculture conventionnelle, c'est celle qui a permis de nourrir l'humanité quantitativement. Sauf qu'on voit aujourd'hui les limites de ça. Tu vois, en fait on voit les limites parce qu'on commence... Ces limites reviennent à voir plus loin que ton objectif immédiat, mais à voir un monde en réseau et en interaction, et vraiment avoir un œil d'écologie au sens scientifique. Parce que ta plante est malade, tu lui fiches des pesticides, elle est guérie. C'est peut-être qu'elle y a des charges. Mais après, tu t'aperçois que ça finit par s'accumuler dans le sol tellement que le sol n'arrive plus à purifier ça. Bien qu'on pense que le sol est capable de dégrader un peu plus de 80% des pesticides qui arrivent au sol. Mais il y en a tellement qui vont rester dans le sol sous forme de résidus qui seront plutôt stables et qu'il y en a qui vont partir dans l'eau. Respectivement, 7% qui restent dans le sol et 10% qui partent dans l'eau. Ça ne fait pas 100% le total parce qu'il y a des marges d'incertitude dans cette histoire-là. Donc, si tu veux, tu commences à polluer l'eau, polluer les aliments, parce que celui qui le mange, il va avoir des azides pesticides, polluer la vie des agriculteurs, parce qu'on sait très bien qu'il y a des cancers agricoles qui sont très particuliers, qu'on ne retrouve pas dans la population, sauf chez les voisins des champs. et qui correspondent aux pesticides, et puis que ça abîme la vie des sols aussi finalement. Donc si tu dézoomes, c'est d'abord ça que ta solution n'est pas si bonne. C'est pareil pour les engrais. Ça amène à manger la plante, elle pousse mieux. C'est bien, mais si tu dézoomes, ça ne marche pas très bien. tu vas avoir des engrais qui vont passer dans l'eau ils suivent le chemin que je te disais qu'une partie de la fertilité des sols passe dans les rivières et arrive à la mer, c'est ce qui fait des proliférations d'algues vertes sur le littoral breton c'est ce qui fait que les engrais du Brésil finissent dans la mer des Sargasses et la font pousser plus que jamais Elle est plus grosse qu'elle n'a jamais été. Il y a des lambeaux qui vont s'échouer dans les Caraïbes. Et ça, ça fait les marées d'algues brunes qu'on a dans les Caraïbes. Ailleurs, dans la baie de Fundaï, c'est des marées d'algues rouges. Alors tu vois, tu as le choix de la couleur, mais pas de la nuisance. Ça émet du H2S qui est très toxique pour la santé des riverains. Donc, tu vois, les engrais, tu vas les retrouver partout. En plus, quand la plante a des engrais, elle licencie le champignon. Elle a plein d'azote, plein de phosphate, elle n'a plus besoin du champignon. Or, je te rappelle qu'elle ne maintient l'interaction que s'il lui arrive quelque chose dont elle a besoin par le champignon. Donc, plus de champignon, ah oui, mais alors du coup, plus de protection des racines, donc état phytosanitaire moins bon. Donc, il va falloir remettre des pesticides. Donc si tu veux, à la fois ces engrais, on va les retrouver partout et c'est pas bon. En plus, le problème des engrais, c'est qu'il y a aussi un coût de production et de transport. Ça demande beaucoup d'énergie et souvent, ça fait des gaz à effet de serre. Et puis, il y a du cadmium qui contient le phosphate.

  • Speaker #0

    qu'on retrouve dans les sols, dans les plantes et dans les animaux qui viennent sur ces sols. Donc dans l'homme, en France par exemple, la moitié des gens sont en surcontamination de cadmium, ça fait des cancers du pancréas, ça fait des dysfonctionnements hépatiques et rénaux. Le cancer du pancréas c'est plus 3% par an en France. C'est une montée catastrophique. Et puis la mortalité s'est pas tellement réduite ces dernières années, on sait pas le traiter ce cancer là, pas bien. Et puis ça provoque de l'esthéoporose parce que ça empêche l'ossification et on pense que... 30% des symptômes de stéoporose en Europe sont liés au cadmium. Donc tu vois, quand tu dézoomes, il y a des effets qu'on ne veut plus. Donc cette agriculture a sauvé le monde et ceux qui l'ont inventé étaient des héros. Il faut le dire, il ne faut pas faire d'agribashing. Mais maintenant, il faut qu'on bouge et il faut qu'on gère la qualité dont on découvre qu'en fait, elle n'est pas au rendez-vous. Qualité pour l'environnement mais avant tout, disons-le, pour la santé humaine. Tu vois, le cadmium, le H2S, les résidus de pesticides, agriculteurs ou pas, on parle de la santé des gens. C'est important ça. Parce que moi je sais très bien que si tu dis aux gens il faut protéger la nature, il faut protéger les petits oiseaux, ils en s'en foutent. Le problème c'est qu'en fait c'est l'homme qu'on protège ainsi. Je te prends un exemple. Parce que, tu vois... On dit souvent, c'est bon pour la planète, c'est bon pour la nature. On s'en branle. Et d'ailleurs, j'insiste très lourdement, je ne vais pas utiliser ce mot pour rien. La planète, tu bazardes des tas de pesticides, des tas de métaux lourds. Tu auras toujours une vie résistante aux pesticides et aux métaux lourds. Nous, ça va être chaud. Mais la planète, ça va, merci, on en a vu d'autres. On a vu d'autres. Elle s'est pris des météorites dans la gueule, elle s'est pris l'invention de la photosynthèse qui a tout ratiboisé pour presque un milliard d'années. C'était il y a deux milliards d'années, bon, depuis on s'en est remis. La preuve c'est que le problème de la photosynthèse c'était l'invention de l'oxygène, tu vois, qui était très toxique parce que ça n'existait pas à l'époque. Il y a 2 milliards d'années, cet oxygène va intoxiquer puissamment le milieu, rendre le fer indisponible, empêcher la fixation d'azote. Et ça va être... Pendant un milliard d'années, on a très peu de fossiles et pas d'évolution visible. Puis à la fin, on s'en sort quand même et c'est nos ancêtres notamment qui non seulement tolèrent l'oxygène, mais en plus ils s'en sauvent pour respirer. Bon, donc moi je suis inquiet pour la planète, je suis inquiet pour mes enfants. Et quand je dis que je suis inquiet pour mes enfants, je vais maintenant me replaquer sur un exemple. américain, paru le 6 septembre dernier dans la revue Science. Ça fait froid dans le dos, ce truc-là. Il y a une maladie des chauves-souris qui s'introduit là-bas. Tu vas me dire, ok, chauves-souris, c'est dommage parce que c'est sympa, mais on s'en fout. Non, en fait, les chauves-souris mangent des insectes. Alors, il y a des comtés aux Etats-Unis où il y a encore des chauves-souris, puis des comtés où il n'y a plus de chauves-souris parce qu'elles sont mortes, cette maladie, c'est un champignon introduit d'Europe. Le géomycèse. Peu importe. Dans les comtés où il n'y a plus de chauves-souris, l'utilisation des pesticides a fait un saut de 31%. 31% de pesticides en plus. Et c'est surtout des insecticides. Pourquoi ? Parce qu'il y a beaucoup plus de maladies qui passent. Les chauves-souris ne font plus leur boulot de becqueter les ravageurs des cultures. Enfin, elles ne becquent pas. Elles mâchent, elles, elles n'ont pas de bec. Mais le pire est à venir. Dans les comtés en question, la mortalité infantile a monté de 8%. Elle a augmenté de 8%. Pourquoi ? Quand tu regardes, c'est des maladies métaboliques, des cancers, des leucémies, des choses comme ça. Parce que c'est toxique les produits qu'on utilise en remplacement des chauves-souris. Donc tu te dis que défendre les chauves-souris, c'est pas défendre les chauves-souris, c'est défendre les enfants contre des cancers. Voilà, il faut poser les choses sur la table. Et donc moi je fais pas d'agribashing parce que les agriculteurs ils font que... ce qu'on leur dit de faire. Et ils font aussi ce qu'on achète. Donc dès lors que les gens achètent n'importe quoi, sans se demander est-ce que ça a été produit d'une façon qui n'utilise pas trop de chimie de synthèse, genre une nourriture bio, est-ce que ça a été fait d'une façon qui respecte le sol, par exemple les agriculteurs... non labourées. Les gens, ils s'en foutent de ça. Et quelque part, le bilan, c'est pas que ça abîme la nature, c'est que ça abîme leurs enfants, tu vois, et la capacité de transmettre un monde qui marche. Donc on est juste là-dedans. Et donc, je fais pas la ribaching parce que les agriculteurs, au fond, ils ont raison de continuer à produire comme ça, puisqu'il y a une demande. Et que les gens se servent pas de leur carte bleue et de leur carte d'électeur pour respectivement choisir des choses vertueuses et encourager le financement de la transition vers des choses vertueuses. Les agriculteurs, ils ont... Ils n'ont pas à faire bien contre vent et marée. Si tu veux que l'agriculture fasse aussi le cycle de l'eau correctement, le climat correctement, la santé des gens correctement, et le paysage, il y a un prix. Ce n'est pas payé, les agriculteurs ont bien raison de ne pas se faire chier à faire ça. Et d'ailleurs, ce qui est assez intéressant, c'est que le bio est tiré par une demande. C'est un peu plus cher. C'est moins cher qu'on croit, parce qu'il y a quand même des intermédiaires qui se sucrent. Le surcoût du bio est de quelques pourcents à la production et il est de plus de 10-15% chez le marchand. Bon, mais le bio il est tiré par la demande, mais l'agriculture non labourée elle est pas tirée par la demande, elle est tirée par le fait que les agriculteurs se rendent compte qu'en labourant plus maintenant, les sols sont tellement endommagés par le labour que tu remontes ta réserve en eau, tu remontes ta porosité, tu remontes le drainage, donc tu peux rentrer plus souvent dans ta parcelle, comme il y a plus de matière organique, t'as plus de vie et donc cette vie elle fait des trous, donc c'est tabou. plus de porosité, et la matière unique est plus stable, donc tu stockes du carbone. Là, dans ces cas-là, c'est vraiment la pratique qui guide l'augmentation de la surface en agriculture non labourée. qui est que de 4-5% en Europe, c'est pas énorme, mais ça augmente de soi-même. Mais en fait, ça pourrait augmenter beaucoup plus vite s'il y avait une aide. Et pour le bio, là, ça réduit un peu les rendements, donc un peu ou beaucoup, ça dépend de ce que tu produis. Et des choses, ça ne le réduit pas. Les céréales, on est plutôt vers... 40% de réduction de rendement, il faut une incitation, il faut que ce soit tiré par le marché. Le marché tire un peu mais pas beaucoup, donc on est 10%, on a une surface en bio à 10%. L'agriculteur, de toute façon, le marché ne tire pas mais la solution technique est intéressante, on est à 4%. Et puis, il y en a 80% de gens qui ne bougent pas et je vais te dire, ils ont raison de ne pas bouger. Ils ne sont pas sûrs que leurs produits seront achetés s'ils sont plus chers, ils n'ont pas d'aide à la conversion. Parce que quand tu ne la bourres pas, il faut changer de semoir. Ce n'est pas le même semoir pour semi-direct. C'est un coût, en plus comme il y a peu de gens qui utilisent ces semoires-là, les coûts de production sont très peu amortis, il n'y a pas d'économie d'échelle, donc ils sont chers les semoires. Donc je répète, je ne fais pas d'agribashing, je dis qu'il faut absolument changer de toute urgence, mais c'est dans la tête des citoyens qu'il faut que la conscience de ça prenne forme. Tu vois, parce que les agriculteurs ne vont pas faire ça tout seuls. Si on veut avoir la santé, le paysage, le cycle de l'eau, le climat pour le prix de la bouffe, ça ne marchera pas, il faut payer un peu plus.

  • Speaker #1

    Je fais vite une mini pause pour vous parler du partenaire officiel du podcast, Soil Capital. Soil Capital, c'est une entreprise qui encourage la transition vers l'agriculture régénérative et ils font ça en récompensant financièrement les agriculteurs qui améliorent la santé des sols. C'est une entreprise que je trouve géniale. Perso, moi je suis un grand fan, j'adore ce qu'ils font et je suis très fier d'être en partenariat avec eux pour ce podcast. Donc là, on parle beaucoup de la responsabilité des consommateurs.

  • Speaker #0

    Bah oui. On essaie d'expliquer, toi dans ton podcast, moi dans mes livres, pourquoi ils sont aussi impliqués.

  • Speaker #1

    Il y a aussi les industriels, qui peut-être commencent à se rendre compte aussi que leur chaîne d'affaires approvisionnement est menacé, que peut-être qu'ils peuvent produire.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu vois, ils encouragent plus le statu quo. Aujourd'hui, avec des étés de plus en plus secs, on compte pour la façade atlantique que il pleuvra autant en 2080, mais il y aura 40% de pluie estivale en moins. avec une méditerranéisation du climat et de fortes pluies printanières, mais surtout automnales. On le voit déjà, les épisodes Selvenol en France, maintenant, ils remontent bien au-delà de Clermont-Ferrand. Alors que ces intenses pluies d'automne étaient d'habitude Sévenol, d'où le nom de pluie Sévenol. Et donc, dans cette perspective, il faut s'adapter un peu au changement climatique, il faudrait surtout arrêter le changement climatique, n'est-ce pas ? Mais il faut au moins s'adapter. Et en fait, on ne se dit pas... pu faire de maïs et on va essayer de faire du sorgho. On va faire des bassines pour faire du maïs. On peut examiner l'idée de faire des bassines pour retenir l'eau. Il y a des endroits où ça marche, d'autres où ce n'est pas une bonne idée parce que ça appauvrit l'aval. On ne va pas rentrer dans le détail, mais il y a bassines et bassines. Mais surtout, le truc, les bassines, c'est pour continuer à faire la même chose. Alors que c'est pas ça qu'il faut faire, il faut changer. Mais c'est vrai qu'en aval, il y a une agroalimentaire qui a besoin de faire rentrer du maïs à tel endroit, des patates à tel autre endroit et qui diminue encore la flexibilité du système. Ça, c'est sûr. Ça c'est sûr. Et quelque part, les agro-industries aident les agriculteurs à demander à ce qu'il n'y ait pas de changement, à ce qu'il n'y ait pas de restriction sur les pesticides, en tout cas en France c'est comme ça, parce qu'en fait, pour elles, c'est la façon d'être sûre qu'ils rentreraient encore, quantitativement, la qualité n'est pas au rendez-vous bien sûr, mais qu'ils rentreraient quantitativement ce dont elles ont besoin pour les usines où elles sont implantées.

  • Speaker #1

    Mais ils sont sûrs que ça va continuer à fonctionner ?

  • Speaker #0

    Mais non, mais c'est évident que ça va pas continuer à fonctionner, c'est évident, le climat change, 40% d'eau en moins dans les étés en 2080, ça... Non ! Et donc, c'est-à-dire qu'on fait des installations coûteuses qui sont condamnées à crever au lieu de prendre le truc à la base et de changer le système agricole. Et donc, je reviens dessus. Tu vois, si tu remets de la matière organique dans les sols, si tu laboures plus, tu as un sol plus poreux, tu as de meilleures réserves en eau, 1% de matière organique en plus dans le sol, ça retient 10 mm d'eau de pluie. Donc, tu vois, tu as des outils comme ça sur le non-laboure, la matière organique dans le sol. On le redit, parce que ça a tout le temps à venir. On travaille le moins possible le sol. On le couvre en permanence et on amène de la matière organique, que ce soit celle de... cultures intermédiaires diverses ou celles de tes déchets de cuisine ou celles de l'élevage. Amener la matière organique, couvrir tout le temps, pas labourer, c'est les piliers ça. Et à faire autant que possible, autant que possible parce que c'est pas possible pour toutes les cultures et dans tous les bassins de production mais dans la plupart c'est faisable et il faut le faire et là quand tu as fait ça ben tu auras plus de réserves en eau. Puisque notre chance, c'est qu'il pleut autant sur l'année.

  • Speaker #1

    Sur l'année ?

  • Speaker #0

    Dans le changement climatique attendu, il n'y a pas vraiment de diminution des précipitations. Simplement, elles chutent en été. Donc, il y a des outils à mettre en place qui voient plus loin que la préservation de l'usine à frites de pétas ou trucs.

  • Speaker #1

    En effet.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que du point de vue de l'investisseur industriel, je comprends qu'il a envie de rentabiliser le plus longtemps possible. Peut-être que lui aussi mérite d'être aidé. S'il paye des impôts, et s'il est à la hauteur des subventions qu'il reçoit en termes d'emploi, il mérite d'être aidé. Je l'ai juste mis ainsi parce que je ne suis pas d'accord que ce soit le cas. Mais tu vois, l'industrie fait partie du cœur palpitant du pays. Il ne s'agit pas de la montrer du doigt. Mais la question c'est quelle industrie ? C'est comme pour les sols, si les sols il y en a toujours, la nature il y en a toujours, mais la question c'est quel sol, quelle nature vis-à-vis de nous. Et il faut vraiment effectivement penser qu'on ne fera pas sans les interlocuteurs industriels, et que pour l'instant ils ont l'abri sur le coup, et ils sont plutôt alliés main dans la main avec les agriculteurs, conduisant les agriculteurs d'ailleurs vers le mur. L'agriculture actuelle, par rapport au changement climatique, elle va dans le mur. Elle va dans le mur aussi en termes de santé publique. Il y a un truc absolument dément, il y a un village. Il y a une étude sur le coût de dépollution de l'eau rapportée au coût d'épandage des pesticides. C'est toujours 2 à 10 fois supérieur. La dépuration de l'eau coûte 2 à 10 fois le coût d'épandage des pesticides. On est déjà dans un truc où la société porte un poids terrible. Ça nous coûte très cher, mais pas au moment d'acheter les carottes, mais au moment où tu payes ton eau potable. Cette dépollution de l'eau, il y a même une commune dans le nord de la France, où la dépollution coûte 87 fois le prix de l'application des produits phytosanitaires sur la surface de la commune. Tu vois, c'est des trucs démons. C'est qu'en fait, aujourd'hui, en plus, cette agriculture nous coûte putain de cher en cancer, en maladies professionnelles des agriculteurs, en épurant en rationnement de l'eau. Un chiffre pour la France, l'ordre de grandeur d'enlever les nitrates de l'eau potable, c'est 10 à 14 milliers d'euros. Et d'ailleurs tu te dis que c'est une solution parce que quand tu fais une division de ces 10 à 14 milliards d'euros, quand tu divises par la surface des zones de captage, la surface qui est au-dessus des zones de captage, et qui est en fait la surface où il ne faudrait pas qu'il y ait d'azote qui fuit, ce que tu peux faire en amenant de l'azote sous forme organique, Parce que là, il n'y en a pas beaucoup et ça n'a pas le temps de fuir ses mangés. Il est lentement produit. Ce que tu peux faire en ayant des arbres et des haies, parce qu'il y a des racines profondes qui vont aller récupérer tout ce qui n'a pas été récupéré en surface, avant que ça arrive dans la nappe. Tu vois, ça c'est un des raides haies par rapport à ça. Et tout ça, c'est des mesures que connaissent très bien les agences de l'eau dans les périmètres de captage. Mais tu te dis déjà que ces 10 à 14 milliards, si tu les remets en subvention, tu les paieras, mais si tu les remets en subvention sur la table, alors c'est pas facile, ça se fait pas en un jour. C'est 2 à 3 000 euros par hectare de zone de captage. Tu vois ce fric, ce pognon de dingue, comme disait je ne sais plus qui. C'est une expression macronienne. Ce pognon de dingue là. Donc le problème c'est que transitoirement, tu vois, tu vas être obligé de mettre cet argent sur la table pour que les gens aient des agricultures qui ne relâchent pas d'azote. dans la nappe, et tu vas continuer encore pendant quelques années à devoir nettoyer. Donc, tu as double peine pendant la transition. Donc, cette transition n'est pas aisée. Mais quand même, à terme, il y a un énorme pognon qui sert à nettoyer l'eau pour l'azote. Là, je parle de l'azote, c'est mon chiffre, qu'on pourrait utiliser autrement. qu'on pourrait utiliser pour une moitié à faire des économies et pour une autre moitié à aider les agriculteurs à avoir une agriculture qui a une autre fonction, de ne pas mettre trop d'azote ailleurs que dans la cible. Parce qu'en ce moment, c'est pas dans la cible, mais en gros, ils tirent avec des tomates. Donc, en fait, il y en a partout autour de la cible. Et tu vois, tant que tu es centré, tu n'as pas une vision écosystémique. Quand tu es centré sur la plante, ce qui compte, c'est que tu arrives sur la cible. Qu'importe si t'en fous à côté ! Sauf que maintenant, on s'aperçoit que tout ce qui passe à côté, c'est l'horreur totale. Et ça n'améliore pas les comptes de l'exploitation, car c'est perdu, mais c'est payé, ces engrais-là.

  • Speaker #1

    Si on revient à l'agroécologie, l'agriculture régénérative, pour avoir discuté avec beaucoup d'agriculteurs qui la pratiquent, il y a des experts sur le sujet, il y a une série de principes clés qui reviennent toujours. Tu en as déjà mentionné plusieurs. Ce que j'aimerais bien qu'on fasse, c'est peut-être...

  • Speaker #0

    Ce que j'ai oublié aussi, c'est de mentionner des rotations longues.

  • Speaker #1

    Des rotations longues, oui.

  • Speaker #0

    Voir des mélanges. Alors, dans les cultures intermédiaires, c'est évident. Tu vas mélanger des légumineuses fixatrices d'azote qui abritent des petites bactéries qui transforment l'azote atmosphérique en azote de la plante. Et de la bactérie d'ailleurs, c'est les légumineuses. Trèfle, sainfoin pour le pâturage. haricots, fèves, soja, pour nous. Et donc tu vas planter ça, tu vas planter des trucs qui sont bien mycorhisés pour entretenir les gens mycorhiziens, tu vas planter des gouinfs rasotes et à phosphate de façon à ce qu'ils prennent tout ce qui traîne et que ça ne parte pas en ruissellement, les phacéli par exemple. Tu vas planter aussi quelques radis. Bon, les radices, c'est les crucifères, donc ils ne vont pas entretenir les mycorhiziens. Mais ils ont un fort accroissement racinaire, donc ils contribuent à fracturer le sol. Et ça, les écartements du sol par la croissance d'une racine ou le passage d'un verre, la vie du sol est adaptée à ça. Ça fait des millénaires que ça se produit. Ce n'est pas adapté au mouvement cisaillant du labour, d'un herçage ou d'un travail du sol superficiel. Parce que là, il y a des mouvements de cisaillement. Mais les mouvements d'écartement pur, ça va très bien et on en veut, parce que c'est ce qui fait des trous. Donc, tu vas avoir plein de fonctions et ça, tu ne peux les avoir qu'en ayant des couverts mélangés. Tu vas aussi mélanger dans le temps, on disait, c'est-à-dire jamais revenir trop vite sur la même culture, au moins des rotations de 5 voire 8 ans. L'agriculture de conservation qui ne laboure plus, elle couvre tout le temps et elle a des rotations longues. Parce que ça, ça permet de buter les parasites. Le parasite du maïs, il attend 5 ans, 10 ans dans le sol pour que le maïs revienne, il n'y en a plus beaucoup. D'ailleurs, tu auras pu aussi dans tes mélanges de plantes intermédiaires, planter les répulsifs, les parasites de la culture que tu veux faire l'année suivante. Dans la vigne, on connaît certaines légumineuses, par exemple, qui sont des répulsives, des nématodes qui transmettent le virus du cournoué. Donc, tu vois, tu vas varier dans certains couverts par définition, tu vas varier dans le temps, tu vas varier même dans la parcelle. Les mélanges céréales-légumineuses, c'est trop bien. Parce qu'en fait, bien sûr, il y a de la compétition entre les céréales et les légumineuses, mais les légumineuses fixent l'azote. Tu te souviens, on l'a dit. Et il y en a qui sort, il y a des fuites, ça profite à la plante. à la céréale. La céréale, elle est très bonne pour mobiliser le fer, mais ça sert aussi à la légumineuse. En plus, leurs besoins se recouvrent en partie, mais pas complètement. Du coup, le sol est mieux exploité. Et en fait, sur un hectare de céréales légumineuses que tu as bien choisi, alors du coup, il faut un semoir particulier. Pour récolter, c'est pareil, tu ne récoltes pas avec les mêmes outils. Ce n'est pas du jour au lendemain. Mais si tu regardes combien d'hectares il te faut pour produire autant de céréales, 0,6. Combien d'hectares il te faut pour produire autant de légumineuses, mais en culture pure, 0,4. Somme. Pardon, je me suis trompé, j'ai dit 0,8 hectare de céréales pures et 0,6 hectare de légumineuses pures pour produire autant. Tu fais le total, tu viens de produire sur un hectare, en mélange, ce qu'il te faudrait un hectare 4 s'ils étaient séparés pour produire. Trop bien ! Ben oui, il faut jouer les complémentarités, c'est le principe du jardin créole, n'est-ce pas ?

  • Speaker #1

    On entend souvent dire que ces types de pratiques et d'agriculture sont moins productifs, mais en fait, il faut prouver que c'est un exemple qui demande que c'est le cas.

  • Speaker #0

    C'est réel bio, oui. jusqu'à 50% moins mais non là il y a des fois on peut mieux faire l'aie c'est pareil, c'est l'hétérogénéité spatiale l'aie c'est un bris de des chauves-souris dont on a dit tout à l'heure ce qu'elles faisaient n'est-ce pas et des oiseaux qui sont en fait des anti-agresseurs des cultures et puis même c'est très difficile à passer pour des sports de champignons et tout mais l'aie c'est un rôle pesticide ça réduit de 84% le flux de bio-agresseurs de maladie des cultures. Il en reste encore, bien sûr, mais c'est une solution partielle, notamment grâce aux oiseaux, aux chauves-souris, mais pas que. Si tu as des fleurites, tu as des syrphidées, qui sont des petits dipterpolisateurs qui viennent là pour butiner, et quand ils pondent leurs larves, c'est des larves qui mangent les pucerons. Elles ont un rôle parce qu'elles vont récupérer avec leurs racines profondes tout ce que n'a pas récupéré les cultures et ça évite que ça parte vers les nappes. Elles sont anti-érosion, anti-vent, elles aident à réduire les parasites des cultures, elles sont aussi une façon de stocker du carbone. 1 km de haies, c'est 100 tonnes de carbone stocké. Et puis, il faut les tailler. Alors, tu vas dire, c'est chiant. Oui, mais le bois raméal fragmenté, ça peut faire un apport au sol. Et même si tu l'apportes dans le sémence, ça peut faire herbicide. Alors, évidemment, avec tes haies, tu ne vas pas pouvoir couvrir tout ton champ. Mais tu peux, sur certains champs ou sur certaines parcelles de maraîchage en particulier, tu peux très bien arriver à te débarrasser des mauvaises herbes en meulchant. En amenant tes bois à mieux fragmenter. Donc c'est multifonctionnel. On retrouve ce motif que j'avais déjà identifié tout à l'heure, que souvent c'est une solution pour plusieurs choses. Et on ne l'avait pas vu au passage, le côté herbicide, pardon, je veux dire le côté pesticide, le côté insecticide ou fongicide qui fait que ça limite à arriver les pathogènes, parce qu'en fait on a arraché les haies dans un contexte où on avait les molécules chimiques pour faire le boulot des haies à leur place. Sauf qu'aujourd'hui on voit très bien que ça... des à côté qui n'avaient pas les haies. Alors, je n'ai pas dit que toutes ces solutions, elles sont aussi efficaces que du chimique, mais elles sont moins toxiques. Et on peut les panacher. Tu peux avoir des haies avec des cultures mélangées, parce que dans les cultures mélangées, les maladies se propagent moins vite. Le plan voisin, il n'est pas de la même espèce. Tu peux même faire des semis avec des variétés mélangées qui ont des résistances différentes. Du coup, tu as beau avoir un pur champ de blé, quand une maladie réussit sur un pied dans un champ conventionnel où tous les individus sont génétiquement identiques, si elle réussit vraiment sur un pied, c'est le strike garanti. Tous les autres retours sont pareils. Si c'est des cultures mélangées, le voisin n'est pas pareil, alors elle va avoir du mal à se transmettre, il va falloir qu'elle aille un tout petit peu plus loin. Donc, mélange de variétés, mélange d'espèces dans la parcelle, des haies interposées, là encore, c'est de la diversité.

  • Speaker #1

    On complexifie ces systèmes quand même beaucoup.

  • Speaker #0

    Oui, et le pilotage est peut-être un tout petit peu moins évident. Ce qu'il faut aussi regarder, c'est ce qu'il reste dans la caisse après. Les insecticides, les engrais, ça coûte. Donc, si on peut réduire un peu au prou ces choses-là, et en plus, comme il y a d'autres fonctions qui sont remplies pour le climat, pour la santé, une fois de plus, ça mérite salaire. L'agriculture, moi j'y crois à fond. Je pense que les agriculteurs sont des héros du monde moderne, d'abord parce qu'ils travaillent dans des conditions peu rentables, difficiles de vie et peu rentables, donc tout le monde n'accepterait pas ça. Et d'ailleurs on voit très bien les difficultés pour la reprise des exploitations, ça ne se bouscule pas au portillon. Mais la deuxième chose, c'est que c'est un métier qui peut tout ! La qualité de l'eau, la qualité de l'air, la qualité de la bouffe, l'avenir de nos enfants, la gestion du climat, la fertilité du... Mais pas trop, pas de marée verte s'il te plaît. Des eaux marines, enfin... C'est un métier absolument extraordinaire, les gens ne le comprennent pas, et les gens ne sont pas prêts à le payer à la hauteur de ce qu'ils peuvent faire d'extraordinaire. Donc ils se contentent de faire de la bouffe à tout prix. Au péril des sols et de la santé, et de ceux qui produisent, et de ceux qui mangent.

  • Speaker #1

    Voilà, donc tous ces principes clés de l'agriculture de conservation, on en a beaucoup parlé dans le podcast avec des agriculteurs, et j'aimerais qu'on essaie de s'attarder un peu sur chacun d'entre eux, mais essayer d'expliquer ce qui se passe au niveau de la microbiologie du sol. Pourquoi changer ces pratiques impacte le microbiote du sol ? Donc à commencer par la question du labour, tu en as déjà pas mal parlé, mais peut-être qu'on peut repasser dessus un petit peu.

  • Speaker #0

    L'idée oui, c'est que tout le temps, on sait que le labour est toxique pour certaines formes de vie du sol. Parce qu'ils désherbent. Et si ça tue un organisme qui est un tiers sous terre, c'est en gros la proportion de la biomasse souterraine de la plante, tu peux comprendre qu'un organisme qui est complètement sous terre risque d'être abîmé. Donc pour les animaux, il y a à la fois les prédateurs, comme les oiseaux qu'il y a derrière le trait de la bourre, qui viennent les manger. il y a le risque d'être desséchés dans un sol qui est brutalement et plus aéré. Pour les filaments de champignons, ils sont déchirés, alors là, ils meurent complètement. Pour les bactéries, c'est plus compliqué, parce qu'elles sont souvent dans les grumeaux, elles sont toutes petites, on le disait tout à l'heure, et donc elles, elles vont souvent bien survivre, et c'est justement comme il y a plus d'oxygène, elles vont respirer plus, elles vont commencer à détruire la matière organique. Donc tu vois que tu es en train d'altérer le profil de biodiversité, et tu perds des fonctions. Il y a des fonctions qui ne sont remplies que par les champignons, les mycorhizes. dont on parlait, la dégradation de la lignine, qui est quand même un bon 30% de la matière organique qui arrive au sol, c'est eux ça. Et que eux. Donc tu as des fonctions qui sont plus remplies parce que le profil de vie change, et par contre tu as des fonctions qui sont surremplies, c'est ces bactéries qui prolifèrent parce qu'elles sont débarrassées d'un certain nombre de champignons compétiteurs, et parce qu'il y a plus d'oxygène, qui va te bousiller ta matière organique. On compte que les sols... agricoles d'Europe ont perdu 50% de leur matière organique depuis les années 50. C'est énorme. Alors donc tout ça c'est très toxique. Pourquoi ? Parce que cette matière organique d'abord par elle-même elle retient l'eau, deuxièmement elle est collante donc elle empêche l'érosion et quand il n'y a plus de racines et quand il n'y a plus de filaments de champignons il n'y a plus que ça pour retenir le sol. Ok donc elle colle et ça ça empêche l'érosion, elle colle et ça stabilise les trous donc les trous sont plus stabilisés et les trous du labour s'effondrent très vite. Et de nouveau, on retombe sur un problème de stockage de l'eau, non pas faute de matière organique, mais faute de trous cette fois-ci, puisque les trous sont plus stables. Ensuite, bien sûr, cette baisse de matière organique, elle s'accompagne d'une émission de CO2, donc elle est mauvaise pour le climat. Bref, à un moment, ton sol, il arrive à une ténèbre en matière organique où il ne se tient plus et il part en masse. Ça fait des coulées de boue, comme on a dans les Hauts-de-France, par exemple, où là, on a atteint des seuils critiques de matière organique où le sol ne se tient plus. Donc, s'il y a de la pente, il coule. Et comme il n'y a pas de haie, en plus, rien n'empêche. rien ne le réceptionne à mi-pente.

  • Speaker #1

    Quand tu parles des bactéries qui respirent, qui bouffent la matière organique, c'est pas ça aussi qui libère de la fertilité ?

  • Speaker #0

    C'est trop vite et puis comme c'est après le labour, c'est pas le bon moment. Je te rappelle qu'après le labour, il n'y a plus ni champignons micrométiens ni plantes. Donc c'est vraiment pas le moment. Oui, tu peux le voir comme ça, mais le problème c'est que ça se passe à un moment où après le labour, ça ne sert à rien. Donc il va falloir, et quand on parle de labour, en fait, c'est tous les travaux du sol. Souvent les gens disent oui mais si on va pas profond. Alors il faut se souvenir que plus on descend moins il y a de vie. Et qu'en fait l'essentiel de la vie est en surface. On compte que les 20 premiers centimètres c'est 80% de la vie du sol. Donc on commence par le plus vif quand on perturbe le sol. Donc il faut minimiser la perturbation du sol parce que, une fois de plus, à long terme ça fait... de l'érosion, bon une fois de plus les sols méditerranéens qui ont 5000 ans de labour et de surpâturage, faut le dire, ça joue aussi. Aujourd'hui ils sont squelettiques, même autour des grandes villes antiques quand on visite ces villes antiques, ces restes monumentaux là. Autour, les sols ne sont pas bien épais mais si ces villes ont été construites là, c'est qu'il y avait de l'agriculture comme autour de Paris, comme autour de Bordeaux, comme autour de Bruxelles. C'est important ça. Donc on voit très bien par l'exemple que ces sols disparaissent, on voit que leur capacité à retenir l'eau s'effondre, que leur capacité finalement à alimenter la vie du sol diminue. Et une fois de plus, cette vie du sol est importante parce qu'elle fait les trous, mais il y a aussi tous les processus dont on n'a pas trop parlé, notamment c'est des microbes qui attaquent les roches et qui libèrent des sels minéraux. Ils le libèrent pour eux, mais il y a des fuites dans tous les sens. Et c'est ça qui fait que dans le sol... on a fini par retrouver du calcium ou du potassium disponible pour les plantes. Ce n'est pas que ça se dissout dans l'eau, les roches. Si, mais très lentement. Tout ça est accéléré par des microbes qui attaquent à coups d'acide localement ces roches pour en libérer des ressources pour eux. Et puis il y a des fuites. Et quand tu as moins de microbes dans le sol, et quand tu as moins de champignons, tu n'as pas les mêmes processus de libération de la fertilité minérale, qui est aussi une des grandes fonctions du sol. Et en plus, quand tu aères ton sol, tu n'as plus les bactéries qui fixent l'azote. Celles dont on disait tout à l'heure qu'elles habitent notamment chez les légumineuses. Il y en a quelques-unes qui font ça toutes seules dans le sol. Mais elles le font dans le sol ou dans les légumineuses parce qu'il leur faut des microniches pas trop riches en oxygène. Un petit peu pour respirer, mais pas trop. Si tu aères ton sol par le labour, tu n'as plus ces bactéries fixatrices d'azote. Donc là, tu dépends complètement d'apport d'azote exogène. Donc, je le répète.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    il faut éviter le travail du sol on fera pas de patates sans travailler le sol évidemment,

  • Speaker #1

    mais partout ailleurs il faut l'éviter Pourquoi c'est difficile pour les agriculteurs de réduire le travail du sol ?

  • Speaker #0

    Ça a toujours été la base je voudrais d'abord montrer une agriculture qui a jamais labouré, c'est l'agriculture précolombienne qui a nourri d'énormes cités antiques alors peut-être pas avec une régularité du tonnerre mais qui montre que certains ont fait de l'agriculture sans labourer puisque les précolombiens n'avaient pas de fer, donc pas de charrues et pas d'animaux de trait Ce qui est intéressant, c'est qu'ils pratiquaient la milpa, qui est à la fois un régime alimentaire et un mode de culture mélangé. Dans la milpa, tu as du maïs qui pousse, tu as du haricot qui grimpe dessus. Maïs plus haricots, c'est très bien, ça couvre notamment tous les besoins en acides aminés essentiels, même si le haricot manque de méthionine, et je crois que dans le maïs, il n'y a pas de lysine et d'arginine, mais peu importe, au total, c'est très équilibré. D'ailleurs, ils complétaient ça de quelques éléments de chasse, mais ils n'avaient pas vraiment besoin de manger beaucoup de viande. Et la milpa, c'est 3. plantes, on appelle ça aussi les trois sœurs, des courges en couvre-sol. Et ce n'est pas tellement que les courges sont intéressantes nutritivement, même si ça fait une source d'eau qui n'est pas contaminée, c'est très liquide, mais surtout ça permet peut-être de faire un couvre-sol. Nous on n'a pas cette culture des couvre-sols, on pense tout de suite à griffer la bourrée parce qu'on a tout de suite eu cette idée. Je vais te donner un autre exemple. On sait qu'il existe des blés remontants, des blés pérennes. qui eux ne souffrent pas de vivre longtemps en un endroit parce que c'est des plantes pérennes. Les plantes pérennes supportent de vivre dans le même sol pendant quelques années, alors que les plantes annuelles ce n'est pas le cas. Si tu fais blé sur blé, tu vas rapidement accumuler des maladies parce qu'elles ne savent pas bien lutter contre l'accumulation de maladies et pour cause, elles sont annuelles. Donc les générations suivantes, elles sont ailleurs. Donc nos plantes annuelles, on ne peut pas les faire en monoculture permanente. Par contre, on peut avoir des blés remontants. Il y a des tentatives en sang, je ne dis pas que ça se fera demain, mais on n'a jamais pensé à ça, on n'a jamais pensé au blé pérenne, façon vigne ou agriculture. On n'a pas jamais pensé au foie en pain parce qu'on est abonné aux annuels puisqu'on la boit. Donc quelque part, ça nous a bloqué vers certains possibles.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et ces possibles existent, puisqu'une fois de plus, il y a eu des agriculteurs non labourés.

  • Speaker #1

    Ça a tellement bien marché à court terme que ça ne nous a pas vraiment laissé la possibilité d'explorer d'autres...

  • Speaker #0

    T'as raison, c'est que quand tu commences à labourer, si t'as pas labouré, les premières années c'est trop bien. Mais ça c'est fini. Aujourd'hui, ce qui est trop bien, c'est quand t'arrêtes de labourer. On voit très bien, la résilience est encore assez rapide des sols, on va revenir là-dessus et dire pourquoi, mais en 2 à 5 ans, voire 10 ans, tu as un sol qui fonctionne mieux, qui stocke mieux l'eau, tu vois augmenter. Même si tu utilises du glyphosate pour désherber, parce que souvent... Comme herbicide, avant les semailles, tu es coincé. Si tu te contentes de couper, il y a des remontants qui souvent passent du glyphosate. Malgré la toxicité du glyphosate, ces agricultures non labourées remontent la vie du sol de 25% en biomasse. Alors en fait, si ça réagit vite... C'est que notre agriculture dans nos régions, autant sous les tropiques, labourer c'est l'horreur. Et c'est pour ça qu'au Brésil par exemple, on a pratiquement plus de 60% de la surface qui n'est pas labourée parce qu'en fait très vite les agriculteurs ont vu que le labour n'était pas une option. Là-bas il y a peu d'argile. Et donc quand on détruit la matière organique par le labour, il y a... plus rien qui tient le sol. Chez nous on a de l'argile. Donc ça va, on a un peu abîmé nos sols mais pas trop. En fait on a un écroulement des quantités de microbes dans nos sols agricoles mais pas vraiment d'extinction d'espèces. Enfin si, quelques champignons qui se portent pas le laboure. Mais ils vivent pas... très loin encore, dans des pâtures par exemple ou dans les bordures des forêts, donc ils peuvent revenir rapidement. Donc nous on a une résilience rapide parce qu'il y a encore des microbes qui traînent et ce n'est pas vrai que les sols sont morts. La preuve c'est qu'ils revivent mieux rapidement. Alors cette agriculture non labourée, elle permet de remonter très vite de 25% la vie du sol et donc ça, ça fait plus de trous, ça va permettre de dégrader les engrais organiques qui arrivent à un bon rythme. Ça va continuer. de contenir plein de champignons mycorhiziens qui vont aider les plantes à se nourrir. Bref, c'est trop bien. Ça remonte vite parce qu'on n'a pas d'extinction. Et si tu regardes l'augmentation du nombre d'espèces quand tu passes du labour au non-labour, tu as un petit plus 2% d'espèces. Enfin, c'est rien quoi, parce qu'il n'y en a pas beaucoup qui ont disparu. Et là, quand on dit que nos sols ne sont pas complètement morts, mais qu'ils sont moribonds, ça veut dire que l'agriculture n'a pas fait forcément un si mauvais travail que ça. Elle a fait un travail qui était lentement pernicieux, mais pas violemment pernicieux. Mais je reviens à ça, il faut maintenant puer la bourrée. Et c'est vrai que le glyphosate, ce n'est pas terrible. On voit émerger dans les pratiques des gens qui arrivent à faire sans glyphosate. Alors sur des petites surfaces, ça va parce qu'on peut molcher, mettre des paillassons, surtout pas de plastique sur le sol. mettre des bois fragmentés, des bois ramé aux fragmentés ou même d'ailleurs des herbets à la main. En maraîchage ça passe. Sur les plus grandes surfaces c'est encore un peu des artistes qui arrivent à faire de l'agriculture non labourée en se privant d'herbicides. Il faut savoir que l'agriculture non labourée est née avec les herbicides notamment avec le paracate dans les années 50 en Grande-Bretagne où on s'est dit bah tiens on n'a plus besoin de labourer puisqu'on peut mettre des herbicides. et que la fonction d'imbucide n'est plus nécessaire. Sachant que nous, on est abonnés à tuer les herbes, parce qu'une fois de plus, nos cultures ne sont pas pérennes, elles n'occupent pas le terrain. Et on n'a pas du tout de culture, de savoir-faire. matière de couverture entre les rangs ou de couverture permanente. On commence à essayer des trèfles nains qui en plus sont fixateurs d'azote et qui peuvent faire des couverts végétaux à travers lesquels on sait et qu'on peut garder plusieurs années mais on ne sait pas bien gérer en fait les couvre-sol. Donc j'en reviens à ça. Cette agriculture là, elle est très vertueuse, surtout qu'en plus dans le cahier des charges de l'agriculture de conservation, il y a cette idée de rotation longue d'une part et d'autre part de toujours couvrir le sol. Par exemple, on sème juste après le coup de glyphosate. Alors, souvent, le glyphosate fait tiquer les gens. Et moi aussi, il me fait tiquer. C'est toxique pour les vers de terre, c'est toxique pour les champignons mycorhiziens, donc il va falloir en sortir. C'est moins toxique que le laboure, donc on ne va déjà pas taper sur les gens qui en sont sortis en utilisant du glyphosate, sachant que taper sur ces quelques agriculteurs qui font de l'agriculture de conservation avec du glyphosate, ça n'empêche pas que tout le monde utilise du glyphosate, par ailleurs, en conventionnel. Donc, il ne faut pas se tromper de cible, là. Et, petite parenthèse, sur le bio, Le bio est génial parce qu'effectivement il n'utilise plus de chimie de synthèse, donc pour la santé c'est génial, je l'ai déjà mentionné et je voudrais insister, moi je mange bio, mais au moment de tuer les herbes sur de très grandes surfaces, on ne sait pas faire autrement que de la bruerie. Et du coup ça, ça fait que l'on a beau amener les engrais sous forme de matière organique, les taux de matière organique du sol ne se redressent pas beaucoup dans le bio. voire pas du tout dans certains sols, ça dépend des sols, c'est pas du tout, pas beaucoup, sauf en dessous du trait de la bourre, mais pour X raisons, ça ne nous aide pas, parce que sous le trait de la bourre, il y a la semelle de la bourre qui se forme, qui est cette zone qui se compacte sous l'effet des labours successifs. Donc le peu de matière unique qui arrive à rentrer... souvent sous forme micro-particulaire ou moléculaire, va être très stable, mais ne va pas servir, parce que cette Ausha, la semaine de labour est tellement tassée que l'eau n'y rentre plus, et les racines non plus. Donc en fait, c'est le sol en bio labouré, il restocke un peu de carbone, mais pas dans la zone utile. Bon, alors ça ne veut pas dire que le sol ne se porte pas mieux en bio. Mais ça n'a rien à voir avec l'agriculture de conservation. Donc, je ne parle pas contre le bio en disant qu'il aboure. Je dis qu'il faudra qu'un jour, il n'aboure plus. Je ne parle pas contre l'agriculture de conservation quand je dis qu'elle utilise du glyphosate, parce qu'un jour, il faudra qu'elle n'en utilise plus. Mais en attendant, cherchons la porte de sortie, ne tapons pas sur ceux qui ont raisonné une partie du problème. Parce que je reprends mes 4% non labourés, mes 10% en bio, qui sont les chiffres pour la France. On est à 86% conventionnel, c'est-à-dire labouré et glyphosate. D'accord ? Donc on se calme, on n'oppose pas les pas en avant et on essaie de les concilier. L'agriculture biologique de conservation, outre le fait que ça fait ABC, donc c'est une jolie abréviation, elle est... Elle existe déjà en maraîchage, elle existe déjà chez certains céréliculteurs, mais qui sont plutôt assez doués. Et il faut qu'on voit comment est-ce qu'on peut récupérer ce qui est récupérable, l'étendre à d'autres bassins de production et à d'autres cultures. La messe n'est pas dite, la recherche est encore là. Et puis il faut aussi, ne le négligeons pas, qu'on fasse plus de sélection variétale qui va avec ces nouvelles pratiques. Parce qu'en fait, on hérite des variétés du conventionnel.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est peut-être un truc intéressant à creuser un petit peu, les variétés et l'évolution des variétés.

  • Speaker #0

    On a bien dit qu'il y a des agriculteurs de progrès, on a bien dit que la culture de conservation, elle jouait, elle refaisait la matière organique parce que c'est toujours couvert, et la vie du sol parce que c'est toujours couvert, même si on utilise un herbicide, c'est toujours couvert et c'est pas labouré. Et elle a donc vraiment des vertus. Elle a tellement de vertus techniques d'ailleurs que... elle se propage d'agriculteur en agriculteur alors qu'il n'y a pas de demande des consommateurs. Ah oui, le point important que j'ai oublié de dire, c'est que le fait que ça se redresse vite, les sols, leur vie et leur fertilité, quand on ne laboure plus, et qui fait qu'il y a beaucoup d'agriculteurs qui se convertissent à ça, parce que ça marche mieux, ça montre qu'on est arrivé loin dans le labour. Autant au début, quand tu commençais à labourer, c'était plutôt mieux, autant maintenant, c'est quand tu cesses de labourer que c'est plutôt mieux. C'est important, ça. Parce que nos anciens, s'ils se sont fait chier à labourer, ça demandait du temps et de l'énergie. c'était pas pour la déco. Mais nous on est arrivé à un stade où nos sols commencent à souffrir du labour et c'est en ne labourant pas qu'on fait mieux.

  • Speaker #1

    Merci d'être toujours là, si loin dans la conversation. J'espère sincèrement que vous appréciez cette conversation et que vous apprenez des choses intéressantes. Si vous appréciez et que vous souhaitez soutenir mon travail et ce podcast, vous pouvez faire ça en seulement cinq secondes en cliquant sur la page du Deep Seed et sur le bouton follow, suivre ou s'abonner. Ça dépend de la plateforme sur laquelle vous êtes. Sachez que ça fait une énorme différence pour moi et que j'en serais extrêmement reconnaissant. Donc, merci d'avance et bonne fin d'écoute. Tu mentionnais les espèces, les variétés qu'on a sélectionnées pour aller avec une agriculture un peu plus intensive et que peut-être qu'on n'a pas les bonnes espèces aujourd'hui pour aller avec l'agriculture de conservation.

  • Speaker #0

    Alors on a des espèces qui sont largement améliorables par exemple, et avant d'arriver vraiment sur ces agricultures alternatives, on a aujourd'hui des céréales à paille courte et on s'est aperçu que le gène qui réduisait là... qui est un gène qui contrôle plusieurs choses dans la plante, qui aidait à réduire la taille des pailles, c'est un gène qui dit la forme de ce gène sous lequel il réduit la taille des pailles, ce qui était à la fois une économie d'énergie qu'on va retrouver dans le grain, une économie de ressources qu'on va retrouver dans le grain, mais aussi un dispositif antiverse. contre l'averse, qui est le basculement du pied et qui ne permet pas plus de le récolter si jamais il s'est renversé. Cette bonne solution avait été assez mauvaise parce que ce gène, sous sa forme qui réduit la taille des pailles, il contrôle aussi l'efficacité d'utilisation de l'azote et il est plutôt moins efficace. Donc il fallait mettre plus d'azote et on ne s'en est pas aperçu parce que c'est le moment où on commençait à mettre des engrais. Donc aujourd'hui on peut sélectionner pour avoir quelque chose, le beurre est l'argent du beurre, c'est-à-dire quelque chose qui a des pailles courtes et qui restaure la vieille efficacité d'utilisation de l'azote. Il y a aussi des gènes qu'on a perdus, il y a notamment un gène qui permet sur les racines de maïs, là c'est en cours de réintroduction, dans le maïs cultivé, chez le maïs sauvage qu'on appelle la théocynte, il y a un gène qui permet quand il y a des agressions d'insectes racinaires d'émettre du caryophyllène, et ce caryophyllène attire les prédateurs des insectes qui sont en train de manger les racines. attire des petits nématodes qui mangent les insectes qui sont en train de manger les racines. Trop bien. Ça, on l'avait perdu dans la domestication.

  • Speaker #1

    Parce qu'on ne regardait plus, on regardait ailleurs.

  • Speaker #0

    On l'a sans doute perdu un peu par hasard, parce que ça s'est aussi fait à des époques où les gens ne faisaient pas de génétique fine et ne regardaient pas ce qui se passait dans le sol. C'est perdu, on peut le récupérer. Maintenant, l'idée c'est aussi que quand tu changes de pratique agricole, ce qui est adapté n'est pas la même chose. Je te donne un exemple. La plupart des céréales aujourd'hui ont des feuilles qui montent vers le haut. Pourquoi ? Parce que quand on met des herbicides, il faut qu'ils tombent par terre. Et quand on travaille, il faut pouvoir passer entre les rangs. Si tu mets des variétés qui ont des feuilles qu'on dit décombantes, c'est-à-dire qui retombent, qui est le port historique d'ailleurs des graminées, les ancêtres sauvages étaient comme ça, la raison pour laquelle c'est comme ça, c'est que ça fait de l'ombre. Donc ça désherbe. C'est tout bête. Autre exemple, toujours sur les céréales. Elles produisent des acides masoxazinoïdes. C'est des tanins racinaires qui sont produits. Ça coûte assez cher à la plante de produire ça, c'est pas gratuit, mais ça désherbe. Ah oui, mais les variétés qu'on a aujourd'hui, comme elles sont faites pour un contexte où on désherbe nous chimiquement ou mécaniquement, eh bien, elles ne font plus ça, et c'est autant de ressources qui leur permettent de faire plus de grains. On se dit que si elles faisaient un petit peu moins de grains, qu'elles avaient les... feuilles décombantes et qu'elles refaisaient un petit peu d'acide masoxazinoïde, on aurait peut-être moins de problèmes de désherbage, tu vois. C'est tout bon, mais l'idée c'est que avec les nouvelles agricultures, il nous faut des nouvelles semences. Sinon, reprendre les semences de l'agriculture conventionnelle, c'est s'exposer à des pertes de rendement qu'on observe parfois dans le bio, un peu moins dans l'agriculture de conservation, il faut peut-être être franc, mais avec des pertes de rendement parce que le matériel n'est pas adapté et c'est comme essayer de danser le lac des signes en bocte. Ça ne marche pas, ce n'est pas très élégant. Ça bouge, mais ça ne bouge pas au mieux. Et c'est important d'envisager ça. Il faut aussi beaucoup de sélections pour les couvre-sol, il faut des sélections pour les cultures intermédiaires, voire même des sélections pour utiliser l'hiver. Parce qu'autre chose, il y a des gens aujourd'hui qui disent qu'on peut utiliser l'hiver pour produire d'autres choses, et finalement sur un hectare... Tu vas produire en deux fois ce que tu produirais sur 1,8 hectare si tu ne produisais que pendant la belle saison. Ce n'est pas possible partout. Mais dans des climats qui s'adoucissent en hiver, ça commence à être possible de faire de récolte, oui. Là, ton hectare te produit autant qu'1,8 hectare si tu ne l'utilises qu'une fois par an. Et ça, là je suis en train d'aller au devant de toutes ces questions qui... Ah ouais, mais est-ce qu'on va nourrir la planète ? Ouais, oui. Si on fait bien, oui, on a des preuves de ça. Et on a des preuves aussi en agroforesterie. En agroforesterie, on a des chiffres qui viennent d'une raille de Montpellier... ou quand tu as un hectare d'agroforesterie, de céréliculture en agroforesterie, tu te retrouves rapidement à produire sur un hectare ce que tu produirais sur 0,8 hectare de céréliculture et 0,6 hectare de forêt pure. Donc 1,4 hectare, ça revient, voilà. Il y a même des dispositifs de culture maraîchère sous des arbres fruitiers où tu peux produire sur un hectare ce que tu produirais sur 2,5 hectares. On retrouve, si tu séparais les cultures, on retrouve des excélérations de rendement qui ont justifié le jardin créole. N'est-ce pas que j'évoquais tout à l'heure que cette façon dont était gérée 20 à 40% de la surface de la forêt amazonienne par des civilisations... qui se sont éteintes à cause des maladies que les européens ont balancées en arrivant en Amérique, un peu avant l'enterrement. Les gens sont arrivés porteurs simples de la grippe, de la tuberculose, des oreillons, et ça, ça a décimé les populations, probablement 80%. 80 millions de personnes dans le bassin amazonien. Donc ces civilisations sont éteintes. Mais on voit très bien aujourd'hui les restes de leur agroforesterie parce que ça a modifié la composition de la forêt, la composition des sols. Et puis on retrouve au LIDAR, avec des méthodes radar, on retrouve les canaux, les routes, les cités, les émissions. esplanades sacrificielles, les zones d'habitation de ces populations qui faisaient des jardins créoles. Ils éclaircissaient la forêt pour avoir quelques cultures au sol, quelques cultures grimpantes et au bilan, ils faisaient du mélange et c'était très rentable. Donc nourrir la planète, on saura, mais on saura d'autant mieux qu'on aura des variétés adaptées à ces nouveaux gestes, ce qu'on n'a pas en ce moment.

  • Speaker #1

    Quand tu me parles de nourrir la planète, justement, ça me fait penser à un truc par rapport à la nutrition des aliments qu'on produit aussi. J'ai eu une conversation dans le podcast il n'y a pas si longtemps avec un Américain, Dan Kittredge, qui étudie la qualité nutritive des aliments et qui lui a trouvé qu'en fait, justement, la vie microbienne du sol était liée directement à la qualité nutritive des aliments qu'il poussait. Donc, est-ce que, tant qu'on parle de nourrir la planète, est-ce qu'il n'y a pas aussi pas qu'une question de combien, mais une question aussi de...

  • Speaker #0

    Il est question de savoir si la valeur nutritive, vitaminique, oligo-éléments, azote phosphate, ça va. On en met donc c'est bon. Mais oligo-éléments et vitamines, il y a des gens qui disent que Montgomery par exemple, qui a écrit un très beau livre sur l'érosion des sols, qui s'appelle Dust je crois. Dirt ? Oui,

  • Speaker #1

    plus ou moins.

  • Speaker #0

    Il a écrit un autre livre, You are what your food ate, où il soutient, enfin il rapporte ses travaux et je dirais ses impressions, parce que je vais y revenir, je ne suis pas convaincu moi, que effectivement ce qui vient du conventionnel est moins nourrissant. Alors ce qui est certain c'est que quand on produit beaucoup, et ça c'est pas une histoire conventionnelle, c'est une histoire de produire beaucoup, on risque de faire rentrer moins d'oligo-éléments que si on produit pas beaucoup. Pour les vitamines, je ne suis pas convaincu. Je suis plus convaincu du fait que quand tu as des aliments que tu dois peler parce qu'il y a des pesticides, tu perds les antioxydants et les vitamines qui sont dans la peau et c'est là qu'il y en a quand même le max. Donc, je suis indiqué correctement convaincu, mais en termes de produits bruts, je ne sais pas. Et puis en plus, on a des populations en Europe, en Amérique du Nord, qui sont plutôt bien nourries, en quantité, qui finissent par avoir assez d'oligo-éléments et de vitamines. Il n'y a pas de carence majeure. Ah si, on a des carences en vitamine D, mais c'est plutôt climatique. Et puis en plus, pour la vitamine D, c'est un peu l'industrie qui a déterminé quels étaient les apports recommandés. Il n'y a pas vraiment de connaissances scientifiques derrière. Donc en plus, on n'est jamais sûr quand on parle de carences en vitamine D. Non, moi je pense que peut-être qu'effectivement cette valeur nutritive s'est un peu écroulée, mais je peine à trouver la littérature qui défend ça. La littérature scientifique sérieuse qui montre ça. Par contre, je suis certain que si tu pelles tes pommes, c'est pas bon pour ta santé. Ça, c'est moins bon pour ta santé. Et de toute façon, les pesticides, il y en a aussi dans la pomme. Nous apprennent les travaux d'une équipe chinoise récente. Ça passe la peau. Il y en a moins, bien sûr, que dans la peau, mais il y en a quand même. Donc déjà, ça, c'est pas bon. C'est sûr, au niveau vitaminique et au niveau antioxydant. Bon. Et après sur le pouvoir nutritif, si tu manges diversifié et correctement, je pense que ce n'est pas un vrai problème. Moi je pense que le vrai problème c'est la durabilité des sols et les résidus de pesticides dans l'eau et dans la nourriture, c'est ça nos vrais problèmes de santé. Mais j'ai reçu de Dan justement une pochette biblio à la suite d'une table ronde où on intervenait ensemble. Ou plutôt d'un colloque, le World Living Soil Forum qui a eu lieu à Arles. C'était le deuxième, organisé par LVMH sur ces questions de qualité des sols et de durabilité des sols. Je l'ai entendu parler. je lui dis, file-moi les papiers. Et donc, il y a une pochette biblio dans mon livre. Si quelqu'un a cinq jours de calme à m'offrir, j'ai prévu de le lire, mais je n'ai pas encore lu. Je ne demande qu'à voir. Dans le livre de Montgomery, je n'ai pas été follement séduit par les références que j'ai trouvées. Mais de toute façon, ce qui est certain, c'est qu'on gagne à changer l'agriculture pour la santé par d'autres biais, je l'ai dit.

  • Speaker #1

    Oui, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une certaine logique au fait qu'une plante qui est dans un sol en bonne santé, qui a des associations avec des systèmes icorisiens ultra complexes, qu'elle mange mieux ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense surtout que le problème, c'est la quantité qu'on produit qui fait que finalement, à un moment... la plante va se retrouver à diluer un peu sa matière. Elle ne va pas avoir suffisamment de brôme pour en mettre autant qu'elle pouvait en mettre si elle n'avait eu que dix fois moins de fruits. C'est plutôt la quantité produite. Or, j'ai dit tout à l'heure, il faut nourrir la planète, et j'ai justifié. ces nouvelles agricultures en disant qu'elles produisent autant. Cela dit, on peut très bien aussi rappeler que nous jetons 30% de la nourriture à cause de dates limites de consommation, à cause de surachats, et on... On peut rappeler que c'est universel parce que dans les pays du Sud, ce n'est pas des dates limites, ce n'est pas chez le consommateur ou chez le vendeur que ça se corrompt, ça se corrompt plutôt lors du transport, parce que les infrastructures de transport ne sont pas assez efficaces et développées. Mais bon, 30% de la bouffe foutue à la poubelle, ça nous fait une marge d'ajustement, non ? Oui, c'est vrai. Et donc, on peut imaginer demain de produire moins pour être sûr de concentrer plus un certain nombre de ressources. Moi, je voudrais voir les problèmes de santé publique réels. Aujourd'hui, ils sont plus autour du type d'alimentation et notamment de l'alimentation. à transformer qu'au niveau de la richesse en oligo-éléments et en vitamines des aliments. Je parle à la louche, je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas d'exception et je m'éloigne de ce qui est mon cœur de compétence car moi je ne suis ni nutritionniste ni diététicien. En revanche, j'aimerais voir plus de données sérieuses aller dans le sens de ça. De toute façon, on n'a pas besoin de ce commentaire-là, de ce problème-là, pour changer d'agriculture, n'est-ce pas ? On l'a vu pour la santé des agriculteurs, la santé des consommateurs, et la santé des générations suivantes avec la durabilité des sols et de la biodiversité. Donc là, on y va.

  • Speaker #1

    On y va, c'est parti.

  • Speaker #0

    Ça ne change pas la nécessité.

  • Speaker #1

    Tant qu'on est un peu sur la question de la santé, je vais peut-être clôturer cette interview avec une question plutôt sur le microbiote intestinal. Peut-être que tu peux nous faire un parallèle entre celui du sol.

  • Speaker #0

    Peut-être de reboucler sur le fait que les microbes du sol, est-ce que c'est ou non des choses qui construisent notre microbiote à nous ? Alors, il faut bien comprendre qu'il y a un continuum qui va du sol à la plante et à l'animal, dont nous. que ce soit par le biais d'autres animaux ou par les plantes qu'on mange, et que dans ce biais, nous, quand on n'a pas de microbes dans le tube digestif, c'est une des sources. de construction de notre microbiote qui est hyper diversifié. Dans ton tube digestif, tu as plusieurs milliers d'espèces de bactéries et de champignons unicellulaires parce que finalement, dans quelque chose qui est semi-liquide ou mou, ça ne tient pas. Donc, c'est des levures et puis des virus. Mais alors là, c'est pareil, les virus, on ne les connaît pas bien. Donc, l'idée, c'est qu'effectivement, il y a aussi des microbes dans les plantes. Il y en a vraiment... au cœur des plantes. Parce que, tu sais, chez les plantes, les cellules sont légèrement séparées. Elles peuvent l'être parce qu'elles ont une paroi qui les entoure, une paroi faite de cellulose. Et donc, les parois sont légèrement séparées pour laisser passer de l'air. C'est comme ça que le CO2 pour la photosynthèse ou l'oxygène pour la respiration arrive dans les tissus. Tu as une circulation par diffusion, tu as de l'air qui diffuse dans la plante. Alors évidemment, il y a des prises d'air, les stomates sur les feuilles, les lenticels sur les tiges, c'est le nom de ces structures par où rentre l'air, et là, il y a des microbes qui rentrent. Bon, c'est un petit peu filtré, un peu géré pour que les maladies ne rentrent pas, mais en fait, ces microbes s'installent dans les lacunes entre les cellules. Toi, tu as des microbes à la surface de ton organisme et dans les creux, comme le tube digestif, mais sur les plantes, ça va jusque dans les tissus. Donc il y a plein de microbes, et quand tu croques une pomme, tu avales plein de microbes. Est-ce que pour autant, c'est les mêmes qu'il y a dans les sols, dans les plantes et dans les gens ? Alors, juste avant de répondre à cette question, une chose, la diversité microbienne dans notre organisme fait notre santé, parce que ces microbes, ils envoient des molécules régulatrices, ils empêchent les pathogènes de s'installer, ils nous aident à digérer, ils envoient des régulateurs du système nerveux et du système immunitaire, c'est une partie de notre santé, notre microbiote, et il faut qu'il soit diversifié. Une des voies d'entrée dans les maladies modernes, obésité, diabète, Alzheimer, elles sont multiples, il y a ton environnement, il y a ta génétique qui joue. Mais une des voies d'entrée, c'est une réduction de la diversité des microbiotes. Donc il nous en faut, il faut qu'ils soient divers. Mais est-ce pour autant le même que celui des plantes et celui des sols ? Alors, il y a des flux. La plante est colonisée notamment à partir du sol. Mais on voit très bien quand on s'approche de la plante que plus on est proche de la racine, plus il y a des bactéries en quantité de cellules, parce qu'il y a plein à manger, toutes les sécrétions de la racine, mais le nombre d'espèces chute. Parce que les sécrétions de la racine ont des rôles antibiotiques pour empêcher les mauvais de s'installer et pour reconcentrer les bons. Quand tu rentres dans la racine, là, tu as une nouvelle chute de la diversité en termes de nombre d'espèces, parce que n'importe qui ne rentre pas. Il y a un tri à l'entrée quand même. Et après, c'est la même chose à l'entrée du tube digestif. Bien sûr, il y a quelques-unes des bactéries qui viennent de notre alimentation, qui s'installent en nous. Mais beaucoup des bactéries, on les récolte en fréquentant nos voisins. On se les inocule entre humains ou des parents à l'enfant. Et il y a récemment un chiffre qui est sorti. Quand on regarde le nombre de bactéries qui, dans le microbiote humain, sont susceptibles de devenir des plantes, c'est 2%. Donc tu vois, notre alimentation contribue à faire une partie de notre diversité de microbiotes, mais elle est assez petite et on a d'autres sources. Les interactions intraspécifiques, les interactions avec les autres animaux de la même espèce, ou les interactions avec l'environnement, ou d'ailleurs, on va éventuellement déposer des bactéries... viennent du tube digestif. Tu vois comment. Et donc, si tu veux, au total, on se retrouve avec cette idée que les microbes, ils sont super puissants partout. On l'a vu dans le sol, on l'a évoqué, mais dans la plante, ils font aussi sa santé. Ils produisent même des vitesses. vitamines et des hormones. On sait très bien que si on désinfecte totalement avec des bactéricides des graines, elles gèrent moins bien parce qu'il y a dans les graines des bactéries qui ont peuplé la graine à partir des tissus de la plante et qui produisent des cytokinines qui sont des hormones importantes pour la germination. Et tu peux très bien, tu chauffes ta graine, tu tues les bactéries, tu divises ta germination par deux, ton taux de germination par deux ou trois, mais si tu remets les bactéries ou si tu remets des cytokinines, tu reviens à un taux de germination normal. Donc, tu vois, elles sont partout dans la plante et partout dans son fonctionnement aussi, mais ce n'est pas pour autant les mêmes que dans le sol, et elles sont partout en nous, notre peau, notre tube digestif, le conduit des oreilles, du nez, le vagin, toutes nos cavités sont pleines de becs. même les poumons, qui nous aident à fonctionner aussi. Mais ce n'est pas forcément les mêmes. D'accord ? Il ne faut pas avoir une vision où on baigne tous dans le même bain. Non, non, non. C'est des discothèques avec des videurs extrêmement efficaces.

  • Speaker #1

    Le lien entre notre alimentation et le videur.

  • Speaker #0

    Ça n'empêche pas des fois des maladies de s'introduire. Mais les videurs sont très vigilants, hautement vigilants.

  • Speaker #1

    Donc le lien entre notre alimentation et...

  • Speaker #0

    Je pense que c'est deux choses. C'est le système immunitaire de la plante ou de l'animal, mais c'est aussi ceux qui sont déjà là. qui ne laissent pas s'implanter n'importe qui, parce que, en fait, c'est une histoire de concurrence et de durabilité du milieu de vie. Tiens, la durabilité. Se pourrait-il que les microbes soient finalement, par le biais de la sélection naturelle, plus à même d'entretenir la durabilité de leur milieu de vie, nous, ou la plante haute, que nous ne le sommes, nous, humains, d'entretenir la durabilité des écosystèmes qui nous nourrissent ? Peut-être que nous, on est moindris qu'eux, finalement. Alors, en fait, je renverse les choses. On a... Une science aujourd'hui qui est l'écologie, d'accord ? Et l'écologie, elle a... C'est un corpus de connaissances qui permet demain d'utiliser des interactions biologiques avec des champignons, avec des bactéries, d'utiliser des haies, de la mosaïque végétale, d'utiliser nos connaissances en écologie, des données de l'écologie pour faire de l'agronomie. Ben ça, ça... l'agroécologie. C'est convoquer les connaissances écologiques qu'on a accumulées ces dernières années pour faire différemment la même chose qui est de nourrir les gens un peu mieux, de les nourrir sainement dans des écosystèmes durables. C'est ça l'agroécologie.

  • Speaker #1

    Parfait. C'est une magnifique parole pour clôturer cette conversation qui était géniale. Je pourrais rester ici des heures à t'écouter. Oui, mais là,

  • Speaker #0

    quand on va dormir, il est temps qu'on aille aussi.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Mais en tout cas, un tout grand merci pour ta disponibilité et d'avoir partagé tout ce savoir et cette connaissance avec les auditeurs du Deep Seed.

  • Speaker #0

    Et puis là, on y va. Consommateur, agriculteur, politique, on s'y met. Il est temps.

  • Speaker #1

    C'est parti.

Description

Saviez-vous que le sol sous vos pieds abrite une biodiversité invisible, essentielle à la vie sur Terre ? Dans cet épisode captivant, plongez dans le monde fascinant de la microbiologie des sols avec Marc-André Selosse, expert reconnu et auteur de “L’origine du monde : une histoire naturelle du sol”.


🎙️ Ce que vous apprendrez :

• Pourquoi la microbiologie est la clé de l’agriculture régénérative et de l’agroécologie.

• Comment des pratiques comme l’agriculture de conservation peuvent préserver et restaurer les sols.

• Le rôle crucial des mycorhizes, ces champignons invisibles, dans la santé des plantes et la fertilité des sols.

• L’impact des sols sur le changement climatique, le stockage de carbone, et le cycle de l’eau.


Marc-André Selosse nous invite à repenser notre relation avec les sols et à adopter des solutions concrètes pour construire une agriculture durable. Que vous soyez agriculteur, consommateur ou simplement curieux, cet épisode vous offrira un éclairage nouveau sur les liens entre sol, climat, et alimentation.

🎧 Écoutez cet épisode pour découvrir comment la microbiologie des sols peut transformer l’agriculture et offrir des réponses aux défis climatiques et écologiques.


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This podcast was produced in partnership with Soil Capital, a company that supports #regenerativeagriculture by financially rewarding farmers who improve soil health.


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Transcription

  • Speaker #0

    Cette semaine, dans le Deep Seed Podcast, j'accueille l'un des experts en microbiologie du sol, les plus renommés de France, Marc-André Sélos. On parle des avancées scientifiques des dernières décennies en écologie, en microbiologie et en agronomie et comment combiner tout ça nous ouvre les portes d'une transition agroécologique, c'est-à-dire d'une agriculture qui produit toujours autant, voire parfois plus, vous verrez pourquoi. mais de manière régénérative, pour les sols, les écosystèmes, la biodiversité, mais aussi la santé humaine. Je vous promets, c'est une véritable masterclass, ça vaut vraiment la peine, donc restez jusqu'au bout. Cet épisode a été réalisé en partenariat avec Sol Capital. Moi c'est Raphaël et je vous souhaite une bonne écoute. Bonjour Marc-André Sélos. Bonjour. Je suis très très content d'avoir l'opportunité de passer un moment avec toi et de discuter d'un sujet que je trouve absolument fascinant qui est la microbiologie du sol.

  • Speaker #1

    Oui, alors c'est à la fois un sujet fascinant et foisonnant parce qu'il y a beaucoup... de microbes dans le sol. On dit souvent qu'un gramme de sol de chez nous, c'est plusieurs milliers d'espèces de bactéries et des millions de cellules de bactéries, bien sûr, parce qu'elles sont toutes petites. Alors pour elles, c'est un truc immense. Un millier d'espèces de champignons, des centaines d'espèces d'amibes. Si on est en surface, des centaines d'espèces d'algues. Et donc, il y a beaucoup de protagonistes. C'est foisonnant le sol et la microbiologie du sol, mais aussi c'est un levier pour penser différemment à la production agricole.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est justement le cœur du podcast, du Deep Seed Podcast. On parle beaucoup d'agriculture régénérative ou d'agroécologie. Et j'essaye vraiment de m'intéresser à tous les aspects de ce sujet-là. J'ai parlé avec beaucoup d'agriculteurs, des experts de différents aspects. Et il y a quand même une pièce super importante de ce puzzle, c'est le sol et la microbiologie qui se passent dans le sol. Donc je suis très content qu'on puisse un peu aller plus en profondeur dans ce sujet-là. J'aimerais bien qu'on commence vraiment par les bases. Et une question peut-être toute simple, qu'est-ce qu'on entend par le sol ?

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs façons de l'approcher. Où se trouve-t-il ? C'est ce qui est entre l'atmosphère et le sous-sol, c'est-à-dire la roche, le substrat géologique. C'est cette Ausha, qui est très mince. Sur des falaises, par exemple, c'est réduit à quelques dixèmes de millimètre. Quand il y a beaucoup d'érosion sur une falaise ou sur une façade, il y a une sorte de micro-sol. Chez nous, dans nos régions, quand on est en surface plane, on est entre 50 cm et 2, 3, 4, 5 cm. 5 mètres pour les plus profonds. Quand on va sous les tropiques, là, en fait, la zone, l'activité physico-chimique est très importante, même en profondeur, et donc on peut aller jusqu'à une centaine de mètres d'épaisseur. N'empêche qu'à l'échelle du globe, c'est rien. Je veux dire si on dessine le globe Théâtre sur une feuille, on ne peut pas voir le sol à cette échelle là. Néanmoins il est vraiment très important parce qu'il est bourré de vie et on peut prendre les choses différemment on peut aussi regarder de quoi est composée cette couche qui entre en atmosphère Et là, on découvre qu'il y a des morceaux de roche, pas inattendu. Il y a de l'air qui rentre dans les trous, voire de l'eau quand il pleut, pas inattendu non plus, vu que l'air est juste au-dessus. Il y a aussi beaucoup de matière organique. Cette matière organique, elle peut être morte. Des restes de feuilles, des restes d'animaux, des restes de racines, des restes de microbes aussi, beaucoup. Et elles restent là pendant parfois des siècles, voire même dans des charnosièmes, les sols si fertiles du sud de la Russie et de l'Ukraine. On peut aller jusqu'à plusieurs millénaires, des dizaines de millénaires. Et puis, une partie de cette matière organique est encore vivante. C'est des microbes, c'est des animaux qu'on se représente souvent, les vers de terre. C'est les racines. Le tiers de la plante est souterraine. Et ça, en pourcentage, ce n'est pas énorme. Ce n'est pas l'essentiel de la matière organique du sol, qui est surtout morte, et c'est peut-être au total 0,1% du volume du sol. Mais non moins, c'est extrêmement actif parce que c'est comme ça que le sol est fait, c'est comme ça que le sol vit, et c'est comme ça qu'il vit, ou plus exactement qu'il se comporte et qu'il a des caractéristiques qui font que les plantes peuvent y pousser et que le sol ne s'érode pas trop vite. Il s'érode toujours un petit peu, mais à peu près à la même vitesse où il se forme en profondeur. au dépend du sous-sol. Donc en fait, quelque part, cette vie, c'est elle qui crée le sol, qui retient les morceaux par des filaments de champignons, des racines. On va revenir sur ces processus, je pense, mais ce qu'il faut bien se représenter, c'est que même si c'est pas grand-chose, la vie, et d'ailleurs, dans les années 50-60, on est sur un sol éponge, où on met de l'eau et des engrais, puis voilà. C'est énorme en termes d'activité. Aujourd'hui, notre vision du sol change complètement. On se rend compte que ce qui fait que le sol est sol, qu'il persiste, qu'il nourrit les plantes. C'est cette vie qui le fait. Et répétons-le, cette vie, elle est très largement microbienne. Et longtemps, il fallait cultiver les microbes pour les identifier, mais on ne savait pas tous les cultiver. On ne savait pas bien quelle était la diversité microbienne. Quand on a commencé à extraire l'ADN du sol, pour décrire les organismes qui sont là, en fond, par leur ADN, on n'a plus besoin de les voir ou de les cultiver pour les identifier. Alors on a découvert de très nombreuses espèces inconnues, mais comme on a leur étiquette ADN, si jamais on les retrouve ailleurs, on dira, bah tiens, c'est ce qu'un tel avait trouvé dans la bourse, telle année, en faisant tel prélèvement. On a des grandes banques de données bourrées d'espèces inconnues, où on est concert péré si on les retrouve. Et en fait on s'est aperçu que, en gros, on connaissait que moins de 1% de la diversité microbienne du sol en espèces, en nombre d'espèces.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui c'est encore le cas ?

  • Speaker #1

    Alors non, maintenant on les connaît toutes par leur ADN. Après on n'a pas forcément pris le temps de les étudier en détail. On peut quand même les étudier parce que leur ADN trahit aussi... leur gène et donc comment elles vivent. Donc on peut anticiper un peu quelle est leur façon de vivre et en quoi elle contribue au processus qui s'opère dans les sols. Mais pour revenir là-dessus, maintenant changeons d'échelle, on compte que, selon les estimations, le quart et 60% des espèces vivantes vivent dans le sol. Donc c'est le haut lieu de la biodiversité. Pas la peine de se représenter un écosystème corallien, pas la peine de se représenter une forêt tropicale. La boue que vous avez sous vos chaussures, c'est beaucoup plus biodivers. Un exemple, il y a un atlas des bactéries du sol de France qui a été fait dans la première décennie de ce millénaire, avec des méthodes qui ont beaucoup évolué depuis, mais des méthodes qui ont quand même révélé... sur 2200 prélèvements distribués dans toute la France et qui ont permis une très jolie cartographie par les collègues de l'INRA de Dijon, ils ont révélé 115 000 espèces de bactéries. Et on sait que les techniques de l'époque, par rapport à ce qu'on peut faire maintenant, ça donnait un dixième des espèces. Donc on a les plus fréquentes et donc cet atlas, il est génial. parce qu'ils nous disent qu'il est vraiment présent et opérationnel. Mais il y en a beaucoup plus. Il y a sans doute un zéro de plus, allez. Un bon million de bactéries, je pense, dans les sols de France, au minimum. Et ça, c'est à comparer ce 115 000 espèces, au moins peut-être dix fois plus, à 600 espèces d'oiseaux. 200 espèces de mammifères, 6 000 espèces de plantes pour la France continentale, puisqu'il n'y a pas la Corse dans ce travail, 40 000 espèces d'insectes. En réalité, c'est énorme ! Ce chiffre nous dit que la diasté est surtout microbienne et qu'elle est surtout dans le sol. Bon, autre chiffre. Quand on prend un hectare de chez nous, le sol de cet hectare, en moyenne, contient 5 tonnes de microbes, 3 tonnes et demie de bactéries, 1 tonne et demie de champignons. 5 tonnes de racines, parce que la plante c'est aussi un habitant du sous-sol, et une tonne et demie d'animaux. On réalise au passage qu'on a une surreprésentation de l'importance de l'animal et du ver de terre dans la vie du sol. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas les vers de terre et qu'ils ne sont pas importants, c'est pas ce que je dis. Bon donc en fait, c'est foisonnant, c'est ce que je disais en introduction, il y a plein de choses. Et c'est super intéressant parce que toutes ces espèces vivent de façon extrêmement différente, et donc dans les sols elles font des choses extrêmement différentes. Mais tu vois, il faut partir de là. C'est la biodiversité, le sol.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est quelque chose qu'on a seulement commencé à comprendre très récemment. À quel point c'était divers, riche et complexe ?

  • Speaker #1

    Oui, quand on a eu l'ADN et qu'on a commencé... Quand les coûts se sont abaissés... les coûts des méthodes ADN se sont baissés et maintenant il y a plein de gens qui font de l'écologie du sol. Il y a eu un regain d'intérêt pour le sol énorme parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait des tas de choses intéressantes à aller comprendre, analyser. Il y a beaucoup plus d'équipes qu'il y a 20 ans qui travaillent sur la vie du sol.

  • Speaker #0

    Est-ce que le problème du sol, ce n'est pas justement qu'il est un peu invisible, qu'il est sous nos pieds, que nous on considère ça un peu comme sale, quelque chose qu'on doit nettoyer ?

  • Speaker #1

    Le problème c'est que le sol c'est un peu à la fois la chose la plus... commune, notre vue est interceptée par le sol la plupart du temps, c'est la surface du sol qu'on voit. On est en étage aujourd'hui, ça compte pas, mais on a souvent les pieds sur le sol, donc il n'y a rien de plus banal. Mais c'est imperscriptable, on ne peut pas voir à travers. Donc déjà, ça aide pas à voir ce qu'il y a dedans. Et de toute façon, beaucoup de choses sont trop petites. Je parlais de microbes. Mettons des échelles, les bactéries, leurs cellules font un millième de millimètre. Pas visible. Les champignons sont faits de filaments assez fins. 10 millième de millimètre. C'est marrant d'ailleurs parce qu'il y a différentes façons d'être un microbe, il y a des échelles différentes. Ça non plus, ça ne se voit pas. Il y a aussi les amibes. Alors les amibes, ça ne se voit pas du tout. C'est des espèces de grosses cellules qui se déforment, qui se déplacent en se déformant et puis qui... des fois avalent des bactéries ou de la nourriture, toujours en se déformant. On connaît les plus grosses d'ailleurs de façon amusante sous le nom de blob. Beaucoup de gens connaissent les blobs, mais c'est l'anecdote, les blobs sont visibles à la vue nue, mais c'est l'exception parmi les amibes, la plupart ne sont pas visibles à la vue. Il y a aussi les virus qui sont encore plus petits que les bactéries, au moins dix fois plus petits que les bactéries. Et alors eux, ils sont tellement petits qu'ils ne peuvent rien se passer dedans. Il y a juste l'information génétique et c'est tout. Donc ils parasitent les cellules des autres. On n'a aucune idée exacte de combien il y a de virus dans le sol, mais on peut penser que chaque espèce vivant dans le sol a... 5 à 10 virus.

  • Speaker #0

    Donc 5 à 10 fois plus de virus que de viques.

  • Speaker #1

    Donc il y a 5 à 10 fois plus d'espèces de virus que d'espèces de tout autre chose. Alors on ne les connaît pas bien parce que là on ne sait pas, même avec l'ADN, les méthodes ne sont pas encore vraiment routinières. Donc on peut regarder tous les virus qu'il y a dans un sol, mais c'est dur à faire. Et donc les virus, c'est un peu la boîte noire. On sait qu'il y en a énormément, ils font sans doute des choses très importantes, mais on ne sait pas lesquelles. Donc, Oui, donc dans cette vie-là, effectivement, il y a surtout du microbe. Ah oui, mais c'est ça, pourquoi on ne l'a pas vu le sol ? On ne l'a pas vu parce que même s'il était transparent, c'est trop petit. C'est trop petit pour être visible, les agents du sol. Même si on voit les racines et les vers de terre, et qui ne sont pas pour rien dans la façon dont fonctionne le sol. Et puis, il y a aussi un problème culturel. C'est sale qu'on dit qu'on va s'enterrer quelque part, qu'on traite quelqu'un de cutéreux. Ce n'est pas bien valorisant. Et peut-être que c'est parce que là, c'est dans le sol qu'on met nos déchets et nos morts. Peut-être que c'est ça. C'est dans le sol qu'on fait pipi et caca, historiquement. Donc, il est bien possible qu'il y ait des bonnes raisons à ça. Mais en tout cas, culturellement, il n'y a pas d'intérêt. Alors, il y a un regain d'intérêt, mais c'est un regain spécialisé. Dans la rue, les gens ne se rendent pas compte que bien avant... que d'acheter bio ou bon pour leur santé, ils devraient se préoccuper de savoir est-ce que la façon dont le sol est traité, et c'est relativement indépendant de la question de savoir si c'est bon pour la santé et si c'est bio, est-ce que le sol est bien traité et d'une façon durable ? Oui, parce que l'autre chose aussi qu'il faut dire dans notre intimité avec le sol, c'est que tout ton phosphate, tout ton potassium, tout ton calcium, tout ton magnésium, tout ton fer, tout ton bord, tout ton... souffre. À part le carbone qui vient de l'atmosphère, par le biais de la... la photosynthèse, tous les constituants viennent du sol. Et je dis souvent que le sol est le placental de l'humanité parce que non seulement, effectivement, la nourriture vient de là, les plantes ont poussé là, les animaux qui broutent dessus, voilà. S'il y a des poissons et des algues en mer, c'est parce que les fleuves amènent un peu de fertilité des sols. Les eaux ont circulé dans les sols avant d'arriver dans les rivières. Et elles emmènent un peu de fertilité. Mais on pêche que sur le littoral, au milieu de l'océan, il n'y a pas de fertilité, il n'y a rien qui pousse. C'est pour ça que les pêcheurs bretons se battent pour l'accès aux eaux britanniques.

  • Speaker #0

    Tout vient du sol. Tout ce qui nous constitue, tout ce qui passe par nous.

  • Speaker #1

    Tu manges du poisson et des algues, ça vient quand même du sol. Donc, c'est la première chose. Et deuxièmement, l'eau, où est-ce qu'elle tombe ? Elle tombe dans le sol. Et normalement, le sol, d'ailleurs, la nettoie. C'est-à-dire qu'il filtre les particules, il détruit toutes les molécules qu'il peut avoir dans la goutte d'eau, notamment toutes les molécules qui viennent de... les molécules volatiles qui émettent les plantes. Bref, le sol, c'est aussi de là que vient l'eau. Donc, ce n'est pas faux de dire que c'est le placenta de l'humanité. Et c'est vraiment le placenta de l'humanité parce que personne n'a vraiment vu son placenta. et tout le monde s'en fout et personne ne voit le sol et tout le monde s'en fout. Donc c'est aussi le placenta dans la dimension de représentation, c'est le grand absent.

  • Speaker #0

    C'est intéressant comme image ça.

  • Speaker #1

    Mais c'est pas qu'une image provocante, c'est le placenta. Tu n'y coupes pas. Alors après tu te dis, tiens, je peux peut-être pas mettre n'importe quoi dans le sol finalement.

  • Speaker #0

    Tu as écrit un livre qui parle des sols en profondeur. C'est écrit de manière assez abordable, accessible pour des gens comme moi qui... découvre ces sujets assez récents, mais c'est quand même assez complet, assez dense.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait 250 pages. Bon, il y a quelques dessins humoristiques quand même. Oui, il y a pas mal de dessins. Nous, Raphaël Lian a fait un joli travail d'illustration humoristique. Et puis, les gens sont pris par la main. Mais non, moi, il faut avoir envie de connaître le sol, oui.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est ça. Mais le livre s'appelle L'origine du monde.

  • Speaker #1

    Une histoire naturelle du sol à l'intention de ceux qui le piétinent.

  • Speaker #0

    C'est ça le titre ?

  • Speaker #1

    C'est le sous-titre. Le sous-titre est plus explicite. L'origine du monde, c'est une blague parce qu'il y a un tableau qui est connu. Mais enfin, le sol, c'est bien l'origine du monde parce qu'on en reparlera aussi. Il a des rôles aussi dans le climat. Je mentionnais le cycle de l'eau, la fertilité de l'océan. C'est compliqué, cette histoire-là. Il fait vraiment pas mal de choses, le sol. Mais donc, revenons à ça. On l'a décliné avec un dessinateur belge talentueux en une BD qui s'appelle Souterre, qui est paru chez Dargaud alors que... L'origine du monde est parue chez Actes Sud. Et Souterre, là, c'est historié, c'est pour les plus jeunes, c'est plus court. Il y a moins de choses, ça rentre moins dans le détail, mais il y en a pour tous les goûts. Et puis, j'ai fait plein de vidéos aussi, de conférences filmées, ce podcast où on est ensemble. L'idée, c'est de faire des formats à l'usage de tous les auditoires, car il n'y a aucun auditoire qui ne puisse s'exempter de savoir ce que c'est que le sol.

  • Speaker #0

    Absolument. La question que j'allais poser c'était, pourquoi l'origine du monde quand on parle du sol ?

  • Speaker #1

    Tu as vu là, on disait que finalement la fertilité de l'océan elle vient du sol. L'eau si elle est retenue sur terre, c'est qu'il y a ce sol poreux qui la retient, et qui va à la fois écrêter les pluies intenses, alors ça ne marche pas toujours, mais dans les inondations qu'on a eues ces derniers temps en Europe, On s'aperçoit quand même que c'est des régions agricoles où les sols sont un peu abîmés dans leur capacité à être poreux et à retenir l'eau. Et à se retenir quand il pleut beaucoup. D'ailleurs, les inondations à Valence, quand tu vois les gens avec leur raclette qui pousse, c'est de la boue qui pousse, pas de l'eau. C'est donc du sol qui ne s'est pas tenu. Donc, les sols permettent de retenir l'eau, d'éviter que les rivières rentrent trop facilement en cru quand il pleut. Par contre, ils se ré-essuient dans les rivières, nourrissent lentement la rivière en emmenant aussi plein de sels minéraux. au passage entre deux pluies, donc il y a des rivières permanentes. C'est ça qui fait des rivières. C'est ça qui fait des réserves en eau qui font que les plants poussent. Donc, tu vois, ça joue sur le cycle de l'eau. Et parce que dans le désert, quand il pleut, il n'y a pas de sol, l'eau, elle ruisselle. Et alors, paradoxalement, dans le désert, elle ruisselle tellement vite qu'il n'y a que 20% de l'eau. Il ne pleut pas souvent dans le désert, d'accord, mais quand il pleut, il n'y a que 20% de l'eau qui a le temps de s'évaporer. Tout part en ruissellement. Chez nous, c'est l'inverse. 60 à 80% de l'eau est évaporée lentement par les plantes qui montent leur sève à partir du sol, et il n'y en a que 20% qui partent par ruissellement. fait un cycle de l'eau équilibré, où il y a des plantes, où il y a des rivières quand même, enfin voilà. Donc ça fait le cycle de l'eau, on y reviendra, mais c'est un des agents de l'effet de serre, le sol, c'est ce qui rend la planète vivable. On rappelle que sans effet de serre, il ferait moins 50 degrés. Mais la façon dont on l'a géré aujourd'hui fait que le sol contribue à chauffer plus de temps.

  • Speaker #0

    Ça me faisait penser au fait que les...

  • Speaker #1

    Et surtout, demain, le sol, il pourrait permettre de stocker du carbone et donc de refaire un climat plus correct. Quand tu mets de la matière organique dans le sol, j'ai dit tout à l'heure, la matière organique, elle est là pour 10, 100, 1000, voire plus ans. D'accord ? Ça fait des stocks de carbone. Mettre du carbone dans le sol, c'est comme planter une forêt. Ça stocke du carbone et c'est bon pour le climat. Donc, tu vois, le sol, il est entre tes mains. Si tu le laboures, tu l'oxygènes, il y a des bactéries qui respirent comme des dingues, tu perds ta matière organique et il y met plus de CO2. Tant pire la question climatique. Si tu mets des nitrates sur un sol humide, voire un sol que tu irrigues, il y a certaines bactéries qui, faute d'oxygène dans le sol parce que c'est humide, elles vont respirer avec le nitrate et faire du protoxyde d'azote. C'est un gaz à effet de serre qui est 230 fois plus important en effet de serre, plus efficace que le CO2. Si ton sol est inondé, on pense à la résiculture par exemple. Ton sol, il y a des bactéries qui vont respirer au CO2. C'est une respiration bizarre, mais les respirations sans oxygène, nous on ne connaît pas bien. Toi et moi, on pense qu'il faut de l'oxygène pour respirer. Non, il faut un oxydant. Ça peut être du nitrate, ça fait du protoxyde d'azote. Ça peut être du CO2, ça fait du méthane. Les bactéries qui respirent au CO2 et qui font du méthane, tu les connais parce que c'est celles qu'il y a dans les méthaniseurs. C'est elles qui font le méthane. Bon, le méthane, c'est 50 fois plus efficace que le CO2. Donc toi, quand tu irrigues... Et où tu mets des engrais minéraux avec du nitrate et où, que tu labours, tu augmentes l'effet de serre. Alors qu'en fait, si tu mettais tes engrais sous forme organique, si tu amenais plein de déchets organiques, par exemple ceux des poubelles dans nos sociétés, toi et moi, on fait 100 kilos de déchets organiques par an. Si on met ça bien trié dans le sol, ça amène des matières organiques, c'est bon pour le climat.

  • Speaker #0

    Pour le climat, oui.

  • Speaker #1

    Oui, parce que tout le carbone qui est là, au lieu d'être brûlé tout de suite ou respiré tout de suite, quand tu mets ça dans un sol vivant, tu as des vers de terre qui l'enfouissent sous leur déjection et ça va rester 10, 100, 1000 ans. Voilà, comme si tu avais une forêt. Sauf que quand tu as planté une forêt, tes enfants ne peuvent pas. Faire autre chose que de la garder, puisqu'elle est devenue le stock de carbone. Avec l'arbre, c'est les vacances de Mamytruc au Bangladesh, je ne sais pas s'il y a les arbres au Bangladesh en Thaïlande, le petit arbuste, c'est les voyages de Marc-André pour aller dire qu'il faut s'occuper du climat. Ok, ces arbres, tu dois les garder. Et donc, tu n'as plus la maîtrise du paysage. Alors que si tu as remis de la matière organique dans les sols, c'est très bon pour les sols, la matière organique morte. Parce que ça les stabilise, ça les colle, donc ça lutte contre l'érosion, ça nourrit les microbes qu'il y a dedans. Et d'ailleurs, ils vont lentement la dégrader, mais lentement, on relâche l'azote et le phosphate. Donc c'est fertilisant. En plus, ça retient l'eau, donc ça fait des sols qui sont plus à même de retenir l'eau. Tu vois le truc, avec les étés secs qu'on a en ce moment. Et c'est bon pour le climat. Enfin, bon voilà. remettre de l'agriculture dans le sol, c'est génial. Et puis la dernière chose que tu peux faire, c'est au lieu d'avoir un paysage complètement brun, avec du sol nu en hiver, tu plantes des cultures intermédiaires qui vont pousser, poussoter pendant l'hiver lui-même, mais bien pousser en automne, et tu broies tout ça au sol, et ça te fait de la matière agronique produite sur place. Tu peux en tirer 0,1 à 10 tonnes de carbone par hectare, et là, tu vas demander des crédits carbone.

  • Speaker #0

    Ouais,

  • Speaker #1

    ouais. Et c'est cette idée d'une agriculture qui serait multifonctionnelle et payée pour ses autres fonctions. Parce que, voilà, donc le sol, tu vois, en bien, en mal, il fait le climat. C'est vraiment l'origine du monde. Tout ce qu'il y a à bouffer, ça vient de là même quand c'est dans l'océan, ça régule le cycle de l'eau, ça régule le climat. Qu'est-ce qu'il reste à faire après ? Juste en jouir, pour autant que les sols continuent à le faire, parce que s'ils se dégradent, ils ne le font plus, et là... On compte que déjà dans le monde, 60 millions de personnes ont des conditions de vie dégradées parce que leurs sols ne sont pas en bonne santé. Et on pense qu'à l'horizon 2060-70, ce sera... probablement 3 à 4 milliards de gens, ce sont des chiffres onusiens, dont la vie sera altérée, voire même qu'ils devront migrer, parce que leurs sols sont dégradés, par l'érosion, par la salinisation, par un excès de pesticides, ça c'est à la maison, parce que nous la salinisation ça va, l'érosion ça va pas très bien, mais enfin c'est pas l'horreur, 98% des sols de France par exemple sont pollués par les pesticides. Donc si tu veux, à un moment, tu te dis, oui bon, c'est l'origine du monde, et ce sera l'origine d'un monde pourri, éventuellement aussi. Il y aura toujours un monde, il y aura toujours des trucs qui vivront, il y aura toujours des microbes dans le sol, même s'ils sont hyper pollués. Mais ils ne feront pas forcément le taf pour qu'on produise des carottes.

  • Speaker #0

    L'image que j'avais eue, c'était celle du fait que les plantes, les espèces vivantes, la microbiologie du sol, tout ça a co-évolué ensemble. Et que du coup, tout ça est lié de manière carrément intrinsèque. Et qu'il y a des symbioses que je trouve extrêmement intéressantes entre justement les plantes et ce microbiote du sol.

  • Speaker #1

    Moi, je suis venu au sol et à la plante d'ailleurs, parce que je suis mycologue et notamment, je me suis intéressé aux champignons qui s'associent aux racines des plantes. Ce n'est pas des parasites, comme tu vois les rhizoctonia, les rouilles ou les mildiou. Ce ne sont pas des décomposeurs de matières organiques mortes. Il y en a un, les décomposeurs de matières organiques mortes. C'est ceux qu'on sait bien cultiver. Tu vois, champignons de Paris, shiitake, pleurotes. Ce ne sont pas des décomposeurs de matières mortes. Ce sont des champignons qui vont se nourrir en sucre sur les racines, mais ils ne les abîment pas. En échange, ils ramènent de l'eau et des sels minéraux qui vont capter dans un volume de sol plus étendu. Le contact avec le sol est augmenté d'un facteur 10 000 par le champignon par rapport au contact sol-racine. Et donc, il exploite beaucoup mieux le sol et notamment toutes ces substances comme le phosphore ou le fer qui ne circulent pas. au contact. En échange la plante donne du sucre, mais ça coûte beaucoup moins cher de faire des filaments de champignon qu'une racine, ça coûte 100 fois moins cher. Donc c'est une espèce de sous-traitance pour aller faire les courses, qui a une rentabilité en terme de contact avec le sol ramené au coup carbone d'un million de fois. 10 000 fois plus de surface de contact, en fois moins de carbone pour faire les filaments qu'une racine. C'est énorme.

  • Speaker #0

    La plante investie dans ces systèmes-là ?

  • Speaker #1

    L'eau, elle sort nouvelle, elle circule, les eaux littorales au moins sont assez riches. Le problème du sol, c'est que c'est très dilué. Les plantes, en fait, sont sorties des... Ce sont des algues qui sont devenues terrestres, elles n'avaient pas de racines. Et on sait très bien qu'il y a 400 millions d'années, les premières plantes n'ont pas de racines, mais elles ont déjà des champignons associés à des tiges rampantes. Et elles forment, c'est Christine Sreludérien qui travaille dans mon équipe, qui travaille beaucoup sur ces fossiles-là, et on voit très bien qu'en fait les racines apparaissent comme une façon d'héberger plus de champignons. C'est leur première fonction, racines, ça a été ça. Alors maintenant il y a quelques plantes qui vivent dans des milieux riches, ou des milieux pionniers où il n'y a pas de champignons, notamment les crucifères, famille du chou, qui elles n'ont pas... de mycorhizes parce que dans ces conditions écologiques, soit il n'y a pas de champignons, soit il n'y a pas besoin de champignons parce que le sol est riche. Mais en revanche, 90% des plantes, elles ont toujours ces associations qu'on appelle les mycorhizes, myco-champignons-ryza, la racine. Et ce que toi tu appelles une racine quand tu déterres une plante, en fait, il y a du champignon dedans, c'est tout à fait normal, et le champignon aide la plante à se nourrir. protège la racine. Ce qui n'est pas un grand altruisme, il protège son garde-manger. C'est tout. Et donc, dans l'évolution, plus un champignon protège les racines, plus un champignon qui fait des mycorhizes protège des racines, plus il a de descendants parce qu'il protège sa source de nourriture. Donc, c'est méca... cette histoire là. Donc c'est un peu la protection et l'alimentation et ça, ça a commencé dès le début puisque les ancêtres des plantes étaient des algues qui n'avaient pas de racines.

  • Speaker #0

    Donc on a cette relation qui date de centaines de millions d'années entre une plante qui a besoin de trouver des nutriments dans le sol, de l'eau,

  • Speaker #1

    des choses comme ça.

  • Speaker #0

    Et de l'autre côté, on a des champignons qui eux ont besoin du... du sucre, du carbone produit par la plante, et en fait les deux se complètent. Voilà,

  • Speaker #1

    alors ils se complètent, après tous les couples ne marchent pas, et c'est très important non pas de se prespider à inoculer une souche du commerce dans n'importe quel champ, mais toujours d'inoculer plusieurs souches, ou mieux de ne pas inoculer, mais d'avoir des processus qui protègent ces champignons, on va y revenir, des processus qui protègent ces champignons de façon à ce que la plante puisse choisir ses partenaires parmi tous les champignons capables de faire des mycorhizes qui traînent autour d'elle. On sait très bien que les plantes discriminent, elles établissent des mycorhizes avec tout, et puis... si elles obtiennent les choses dont elles ont besoin, elles continuent à donner du sucre, sinon elles interrompent l'interaction. C'est juste des mécanismes physiologiques. Donc il faut laisser le choix aux plantes, il ne faut pas vouloir inoculer, il faut laisser le choix aux plantes, et de toute façon, même si tu inocules, tu ne t'exonères pas de deux choses qui vont permettre d'entretenir ces champignons. Un, tu ne laboures pas, parce que si tu laboures, tu fous en l'air le réseau de filaments, donc tu n'as plus que l'espoir pour refaire des mycorhizes. Et puis deux, Tu couvres toujours ton sol. Voilà une deuxième raison d'avoir des intercultures, même si elles ne sont que techniques. Tu couvres toujours ton sol de végétation qui pousse et qui va nourrir ses champignons. Parce que si ton sol est brun en hiver, il meurt tous et il ne reste que des spores. Et donc au moment où tu vas replanter, la plantule va avec ses racines provoquer la germination des spores qui vont se connecter à la racine et puis commencer à... au dépens de ta jeune plantule qui n'a pas encore beaucoup de moyens photosynthétiques, commencer à refaire des filaments pour explorer le sol. Tu n'hérites pas du réseau. Tu n'hérites du réseau que si tu ne perturbes pas le sol, ni la bourre ni le travail du sol, et dès la surface, ceci, et si tu as une couverture végétale permanente. Alors évidemment, on ne peut pas... Si tu fais des carottes, tu vas perturber le sol. Si tu fais des patates, tu vas perturber le sol, c'est sûr. Le simple fait de récolter fait qu'il y a un moment transitoire où il n'y a pas beaucoup de végétation. Mais il faut minimiser ces deux choses. Et alors il y a plein d'autres raisons d'ailleurs dans la vie du sol de minimiser le labour. Je disais tout à l'heure que ça aide à la respiration de certaines bactéries qui survivent au labour et que ça déstocke du carbone, donc ça on ne veut pas. Première chose. Et puis deuxièmement, couvrir de végétation, on l'a dit aussi tout à l'heure, ça servait au cycle du carbone. Donc tu vois que là en fait il y a des bonnes solutions qui cochent plusieurs cases.

  • Speaker #0

    Oui, je voudrais justement qu'on s'attarde un peu là-dessus, sur toutes ces solutions. Et en fait, peut-être que pour commencer, on pourrait parler de ce qu'on appelle l'agriculture conventionnelle. Expliquer un peu, qu'est-ce que c'est en fait l'agriculture conventionnelle ?

  • Speaker #1

    Sans faire d'agribashing.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important.

  • Speaker #1

    L'agriculture conventionnelle, c'est quelque chose qui a permis de régulariser l'approvisionnement nutritionnel de toute la population. Au 19ème, il y avait une famine tous les 5 à 10 ans, enfin une disette au moins, sinon une famine. Et tu vois, quand tu es au milieu de la pomme de terre, par exemple, en Irlande, ils ne mangeaient que ça parce qu'ils en faisaient plusieurs récoltes par an. Et puis, c'est assez riche en protéines. C'était plutôt équilibré. C'était plus de 90% de leur ration alimentaire. Du jour au lendemain, il y a eu un million de morts et deux millions d'émigrés. Donc, il y a eu des catastrophes qu'on n'a plus maintenant grâce aux engrais et aux pesticides. Donc, l'agriculture conventionnelle, c'est celle qui a permis de nourrir l'humanité quantitativement. Sauf qu'on voit aujourd'hui les limites de ça. Tu vois, en fait on voit les limites parce qu'on commence... Ces limites reviennent à voir plus loin que ton objectif immédiat, mais à voir un monde en réseau et en interaction, et vraiment avoir un œil d'écologie au sens scientifique. Parce que ta plante est malade, tu lui fiches des pesticides, elle est guérie. C'est peut-être qu'elle y a des charges. Mais après, tu t'aperçois que ça finit par s'accumuler dans le sol tellement que le sol n'arrive plus à purifier ça. Bien qu'on pense que le sol est capable de dégrader un peu plus de 80% des pesticides qui arrivent au sol. Mais il y en a tellement qui vont rester dans le sol sous forme de résidus qui seront plutôt stables et qu'il y en a qui vont partir dans l'eau. Respectivement, 7% qui restent dans le sol et 10% qui partent dans l'eau. Ça ne fait pas 100% le total parce qu'il y a des marges d'incertitude dans cette histoire-là. Donc, si tu veux, tu commences à polluer l'eau, polluer les aliments, parce que celui qui le mange, il va avoir des azides pesticides, polluer la vie des agriculteurs, parce qu'on sait très bien qu'il y a des cancers agricoles qui sont très particuliers, qu'on ne retrouve pas dans la population, sauf chez les voisins des champs. et qui correspondent aux pesticides, et puis que ça abîme la vie des sols aussi finalement. Donc si tu dézoomes, c'est d'abord ça que ta solution n'est pas si bonne. C'est pareil pour les engrais. Ça amène à manger la plante, elle pousse mieux. C'est bien, mais si tu dézoomes, ça ne marche pas très bien. tu vas avoir des engrais qui vont passer dans l'eau ils suivent le chemin que je te disais qu'une partie de la fertilité des sols passe dans les rivières et arrive à la mer, c'est ce qui fait des proliférations d'algues vertes sur le littoral breton c'est ce qui fait que les engrais du Brésil finissent dans la mer des Sargasses et la font pousser plus que jamais Elle est plus grosse qu'elle n'a jamais été. Il y a des lambeaux qui vont s'échouer dans les Caraïbes. Et ça, ça fait les marées d'algues brunes qu'on a dans les Caraïbes. Ailleurs, dans la baie de Fundaï, c'est des marées d'algues rouges. Alors tu vois, tu as le choix de la couleur, mais pas de la nuisance. Ça émet du H2S qui est très toxique pour la santé des riverains. Donc, tu vois, les engrais, tu vas les retrouver partout. En plus, quand la plante a des engrais, elle licencie le champignon. Elle a plein d'azote, plein de phosphate, elle n'a plus besoin du champignon. Or, je te rappelle qu'elle ne maintient l'interaction que s'il lui arrive quelque chose dont elle a besoin par le champignon. Donc, plus de champignon, ah oui, mais alors du coup, plus de protection des racines, donc état phytosanitaire moins bon. Donc, il va falloir remettre des pesticides. Donc si tu veux, à la fois ces engrais, on va les retrouver partout et c'est pas bon. En plus, le problème des engrais, c'est qu'il y a aussi un coût de production et de transport. Ça demande beaucoup d'énergie et souvent, ça fait des gaz à effet de serre. Et puis, il y a du cadmium qui contient le phosphate.

  • Speaker #0

    qu'on retrouve dans les sols, dans les plantes et dans les animaux qui viennent sur ces sols. Donc dans l'homme, en France par exemple, la moitié des gens sont en surcontamination de cadmium, ça fait des cancers du pancréas, ça fait des dysfonctionnements hépatiques et rénaux. Le cancer du pancréas c'est plus 3% par an en France. C'est une montée catastrophique. Et puis la mortalité s'est pas tellement réduite ces dernières années, on sait pas le traiter ce cancer là, pas bien. Et puis ça provoque de l'esthéoporose parce que ça empêche l'ossification et on pense que... 30% des symptômes de stéoporose en Europe sont liés au cadmium. Donc tu vois, quand tu dézoomes, il y a des effets qu'on ne veut plus. Donc cette agriculture a sauvé le monde et ceux qui l'ont inventé étaient des héros. Il faut le dire, il ne faut pas faire d'agribashing. Mais maintenant, il faut qu'on bouge et il faut qu'on gère la qualité dont on découvre qu'en fait, elle n'est pas au rendez-vous. Qualité pour l'environnement mais avant tout, disons-le, pour la santé humaine. Tu vois, le cadmium, le H2S, les résidus de pesticides, agriculteurs ou pas, on parle de la santé des gens. C'est important ça. Parce que moi je sais très bien que si tu dis aux gens il faut protéger la nature, il faut protéger les petits oiseaux, ils en s'en foutent. Le problème c'est qu'en fait c'est l'homme qu'on protège ainsi. Je te prends un exemple. Parce que, tu vois... On dit souvent, c'est bon pour la planète, c'est bon pour la nature. On s'en branle. Et d'ailleurs, j'insiste très lourdement, je ne vais pas utiliser ce mot pour rien. La planète, tu bazardes des tas de pesticides, des tas de métaux lourds. Tu auras toujours une vie résistante aux pesticides et aux métaux lourds. Nous, ça va être chaud. Mais la planète, ça va, merci, on en a vu d'autres. On a vu d'autres. Elle s'est pris des météorites dans la gueule, elle s'est pris l'invention de la photosynthèse qui a tout ratiboisé pour presque un milliard d'années. C'était il y a deux milliards d'années, bon, depuis on s'en est remis. La preuve c'est que le problème de la photosynthèse c'était l'invention de l'oxygène, tu vois, qui était très toxique parce que ça n'existait pas à l'époque. Il y a 2 milliards d'années, cet oxygène va intoxiquer puissamment le milieu, rendre le fer indisponible, empêcher la fixation d'azote. Et ça va être... Pendant un milliard d'années, on a très peu de fossiles et pas d'évolution visible. Puis à la fin, on s'en sort quand même et c'est nos ancêtres notamment qui non seulement tolèrent l'oxygène, mais en plus ils s'en sauvent pour respirer. Bon, donc moi je suis inquiet pour la planète, je suis inquiet pour mes enfants. Et quand je dis que je suis inquiet pour mes enfants, je vais maintenant me replaquer sur un exemple. américain, paru le 6 septembre dernier dans la revue Science. Ça fait froid dans le dos, ce truc-là. Il y a une maladie des chauves-souris qui s'introduit là-bas. Tu vas me dire, ok, chauves-souris, c'est dommage parce que c'est sympa, mais on s'en fout. Non, en fait, les chauves-souris mangent des insectes. Alors, il y a des comtés aux Etats-Unis où il y a encore des chauves-souris, puis des comtés où il n'y a plus de chauves-souris parce qu'elles sont mortes, cette maladie, c'est un champignon introduit d'Europe. Le géomycèse. Peu importe. Dans les comtés où il n'y a plus de chauves-souris, l'utilisation des pesticides a fait un saut de 31%. 31% de pesticides en plus. Et c'est surtout des insecticides. Pourquoi ? Parce qu'il y a beaucoup plus de maladies qui passent. Les chauves-souris ne font plus leur boulot de becqueter les ravageurs des cultures. Enfin, elles ne becquent pas. Elles mâchent, elles, elles n'ont pas de bec. Mais le pire est à venir. Dans les comtés en question, la mortalité infantile a monté de 8%. Elle a augmenté de 8%. Pourquoi ? Quand tu regardes, c'est des maladies métaboliques, des cancers, des leucémies, des choses comme ça. Parce que c'est toxique les produits qu'on utilise en remplacement des chauves-souris. Donc tu te dis que défendre les chauves-souris, c'est pas défendre les chauves-souris, c'est défendre les enfants contre des cancers. Voilà, il faut poser les choses sur la table. Et donc moi je fais pas d'agribashing parce que les agriculteurs ils font que... ce qu'on leur dit de faire. Et ils font aussi ce qu'on achète. Donc dès lors que les gens achètent n'importe quoi, sans se demander est-ce que ça a été produit d'une façon qui n'utilise pas trop de chimie de synthèse, genre une nourriture bio, est-ce que ça a été fait d'une façon qui respecte le sol, par exemple les agriculteurs... non labourées. Les gens, ils s'en foutent de ça. Et quelque part, le bilan, c'est pas que ça abîme la nature, c'est que ça abîme leurs enfants, tu vois, et la capacité de transmettre un monde qui marche. Donc on est juste là-dedans. Et donc, je fais pas la ribaching parce que les agriculteurs, au fond, ils ont raison de continuer à produire comme ça, puisqu'il y a une demande. Et que les gens se servent pas de leur carte bleue et de leur carte d'électeur pour respectivement choisir des choses vertueuses et encourager le financement de la transition vers des choses vertueuses. Les agriculteurs, ils ont... Ils n'ont pas à faire bien contre vent et marée. Si tu veux que l'agriculture fasse aussi le cycle de l'eau correctement, le climat correctement, la santé des gens correctement, et le paysage, il y a un prix. Ce n'est pas payé, les agriculteurs ont bien raison de ne pas se faire chier à faire ça. Et d'ailleurs, ce qui est assez intéressant, c'est que le bio est tiré par une demande. C'est un peu plus cher. C'est moins cher qu'on croit, parce qu'il y a quand même des intermédiaires qui se sucrent. Le surcoût du bio est de quelques pourcents à la production et il est de plus de 10-15% chez le marchand. Bon, mais le bio il est tiré par la demande, mais l'agriculture non labourée elle est pas tirée par la demande, elle est tirée par le fait que les agriculteurs se rendent compte qu'en labourant plus maintenant, les sols sont tellement endommagés par le labour que tu remontes ta réserve en eau, tu remontes ta porosité, tu remontes le drainage, donc tu peux rentrer plus souvent dans ta parcelle, comme il y a plus de matière organique, t'as plus de vie et donc cette vie elle fait des trous, donc c'est tabou. plus de porosité, et la matière unique est plus stable, donc tu stockes du carbone. Là, dans ces cas-là, c'est vraiment la pratique qui guide l'augmentation de la surface en agriculture non labourée. qui est que de 4-5% en Europe, c'est pas énorme, mais ça augmente de soi-même. Mais en fait, ça pourrait augmenter beaucoup plus vite s'il y avait une aide. Et pour le bio, là, ça réduit un peu les rendements, donc un peu ou beaucoup, ça dépend de ce que tu produis. Et des choses, ça ne le réduit pas. Les céréales, on est plutôt vers... 40% de réduction de rendement, il faut une incitation, il faut que ce soit tiré par le marché. Le marché tire un peu mais pas beaucoup, donc on est 10%, on a une surface en bio à 10%. L'agriculteur, de toute façon, le marché ne tire pas mais la solution technique est intéressante, on est à 4%. Et puis, il y en a 80% de gens qui ne bougent pas et je vais te dire, ils ont raison de ne pas bouger. Ils ne sont pas sûrs que leurs produits seront achetés s'ils sont plus chers, ils n'ont pas d'aide à la conversion. Parce que quand tu ne la bourres pas, il faut changer de semoir. Ce n'est pas le même semoir pour semi-direct. C'est un coût, en plus comme il y a peu de gens qui utilisent ces semoires-là, les coûts de production sont très peu amortis, il n'y a pas d'économie d'échelle, donc ils sont chers les semoires. Donc je répète, je ne fais pas d'agribashing, je dis qu'il faut absolument changer de toute urgence, mais c'est dans la tête des citoyens qu'il faut que la conscience de ça prenne forme. Tu vois, parce que les agriculteurs ne vont pas faire ça tout seuls. Si on veut avoir la santé, le paysage, le cycle de l'eau, le climat pour le prix de la bouffe, ça ne marchera pas, il faut payer un peu plus.

  • Speaker #1

    Je fais vite une mini pause pour vous parler du partenaire officiel du podcast, Soil Capital. Soil Capital, c'est une entreprise qui encourage la transition vers l'agriculture régénérative et ils font ça en récompensant financièrement les agriculteurs qui améliorent la santé des sols. C'est une entreprise que je trouve géniale. Perso, moi je suis un grand fan, j'adore ce qu'ils font et je suis très fier d'être en partenariat avec eux pour ce podcast. Donc là, on parle beaucoup de la responsabilité des consommateurs.

  • Speaker #0

    Bah oui. On essaie d'expliquer, toi dans ton podcast, moi dans mes livres, pourquoi ils sont aussi impliqués.

  • Speaker #1

    Il y a aussi les industriels, qui peut-être commencent à se rendre compte aussi que leur chaîne d'affaires approvisionnement est menacé, que peut-être qu'ils peuvent produire.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu vois, ils encouragent plus le statu quo. Aujourd'hui, avec des étés de plus en plus secs, on compte pour la façade atlantique que il pleuvra autant en 2080, mais il y aura 40% de pluie estivale en moins. avec une méditerranéisation du climat et de fortes pluies printanières, mais surtout automnales. On le voit déjà, les épisodes Selvenol en France, maintenant, ils remontent bien au-delà de Clermont-Ferrand. Alors que ces intenses pluies d'automne étaient d'habitude Sévenol, d'où le nom de pluie Sévenol. Et donc, dans cette perspective, il faut s'adapter un peu au changement climatique, il faudrait surtout arrêter le changement climatique, n'est-ce pas ? Mais il faut au moins s'adapter. Et en fait, on ne se dit pas... pu faire de maïs et on va essayer de faire du sorgho. On va faire des bassines pour faire du maïs. On peut examiner l'idée de faire des bassines pour retenir l'eau. Il y a des endroits où ça marche, d'autres où ce n'est pas une bonne idée parce que ça appauvrit l'aval. On ne va pas rentrer dans le détail, mais il y a bassines et bassines. Mais surtout, le truc, les bassines, c'est pour continuer à faire la même chose. Alors que c'est pas ça qu'il faut faire, il faut changer. Mais c'est vrai qu'en aval, il y a une agroalimentaire qui a besoin de faire rentrer du maïs à tel endroit, des patates à tel autre endroit et qui diminue encore la flexibilité du système. Ça, c'est sûr. Ça c'est sûr. Et quelque part, les agro-industries aident les agriculteurs à demander à ce qu'il n'y ait pas de changement, à ce qu'il n'y ait pas de restriction sur les pesticides, en tout cas en France c'est comme ça, parce qu'en fait, pour elles, c'est la façon d'être sûre qu'ils rentreraient encore, quantitativement, la qualité n'est pas au rendez-vous bien sûr, mais qu'ils rentreraient quantitativement ce dont elles ont besoin pour les usines où elles sont implantées.

  • Speaker #1

    Mais ils sont sûrs que ça va continuer à fonctionner ?

  • Speaker #0

    Mais non, mais c'est évident que ça va pas continuer à fonctionner, c'est évident, le climat change, 40% d'eau en moins dans les étés en 2080, ça... Non ! Et donc, c'est-à-dire qu'on fait des installations coûteuses qui sont condamnées à crever au lieu de prendre le truc à la base et de changer le système agricole. Et donc, je reviens dessus. Tu vois, si tu remets de la matière organique dans les sols, si tu laboures plus, tu as un sol plus poreux, tu as de meilleures réserves en eau, 1% de matière organique en plus dans le sol, ça retient 10 mm d'eau de pluie. Donc, tu vois, tu as des outils comme ça sur le non-laboure, la matière organique dans le sol. On le redit, parce que ça a tout le temps à venir. On travaille le moins possible le sol. On le couvre en permanence et on amène de la matière organique, que ce soit celle de... cultures intermédiaires diverses ou celles de tes déchets de cuisine ou celles de l'élevage. Amener la matière organique, couvrir tout le temps, pas labourer, c'est les piliers ça. Et à faire autant que possible, autant que possible parce que c'est pas possible pour toutes les cultures et dans tous les bassins de production mais dans la plupart c'est faisable et il faut le faire et là quand tu as fait ça ben tu auras plus de réserves en eau. Puisque notre chance, c'est qu'il pleut autant sur l'année.

  • Speaker #1

    Sur l'année ?

  • Speaker #0

    Dans le changement climatique attendu, il n'y a pas vraiment de diminution des précipitations. Simplement, elles chutent en été. Donc, il y a des outils à mettre en place qui voient plus loin que la préservation de l'usine à frites de pétas ou trucs.

  • Speaker #1

    En effet.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que du point de vue de l'investisseur industriel, je comprends qu'il a envie de rentabiliser le plus longtemps possible. Peut-être que lui aussi mérite d'être aidé. S'il paye des impôts, et s'il est à la hauteur des subventions qu'il reçoit en termes d'emploi, il mérite d'être aidé. Je l'ai juste mis ainsi parce que je ne suis pas d'accord que ce soit le cas. Mais tu vois, l'industrie fait partie du cœur palpitant du pays. Il ne s'agit pas de la montrer du doigt. Mais la question c'est quelle industrie ? C'est comme pour les sols, si les sols il y en a toujours, la nature il y en a toujours, mais la question c'est quel sol, quelle nature vis-à-vis de nous. Et il faut vraiment effectivement penser qu'on ne fera pas sans les interlocuteurs industriels, et que pour l'instant ils ont l'abri sur le coup, et ils sont plutôt alliés main dans la main avec les agriculteurs, conduisant les agriculteurs d'ailleurs vers le mur. L'agriculture actuelle, par rapport au changement climatique, elle va dans le mur. Elle va dans le mur aussi en termes de santé publique. Il y a un truc absolument dément, il y a un village. Il y a une étude sur le coût de dépollution de l'eau rapportée au coût d'épandage des pesticides. C'est toujours 2 à 10 fois supérieur. La dépuration de l'eau coûte 2 à 10 fois le coût d'épandage des pesticides. On est déjà dans un truc où la société porte un poids terrible. Ça nous coûte très cher, mais pas au moment d'acheter les carottes, mais au moment où tu payes ton eau potable. Cette dépollution de l'eau, il y a même une commune dans le nord de la France, où la dépollution coûte 87 fois le prix de l'application des produits phytosanitaires sur la surface de la commune. Tu vois, c'est des trucs démons. C'est qu'en fait, aujourd'hui, en plus, cette agriculture nous coûte putain de cher en cancer, en maladies professionnelles des agriculteurs, en épurant en rationnement de l'eau. Un chiffre pour la France, l'ordre de grandeur d'enlever les nitrates de l'eau potable, c'est 10 à 14 milliers d'euros. Et d'ailleurs tu te dis que c'est une solution parce que quand tu fais une division de ces 10 à 14 milliards d'euros, quand tu divises par la surface des zones de captage, la surface qui est au-dessus des zones de captage, et qui est en fait la surface où il ne faudrait pas qu'il y ait d'azote qui fuit, ce que tu peux faire en amenant de l'azote sous forme organique, Parce que là, il n'y en a pas beaucoup et ça n'a pas le temps de fuir ses mangés. Il est lentement produit. Ce que tu peux faire en ayant des arbres et des haies, parce qu'il y a des racines profondes qui vont aller récupérer tout ce qui n'a pas été récupéré en surface, avant que ça arrive dans la nappe. Tu vois, ça c'est un des raides haies par rapport à ça. Et tout ça, c'est des mesures que connaissent très bien les agences de l'eau dans les périmètres de captage. Mais tu te dis déjà que ces 10 à 14 milliards, si tu les remets en subvention, tu les paieras, mais si tu les remets en subvention sur la table, alors c'est pas facile, ça se fait pas en un jour. C'est 2 à 3 000 euros par hectare de zone de captage. Tu vois ce fric, ce pognon de dingue, comme disait je ne sais plus qui. C'est une expression macronienne. Ce pognon de dingue là. Donc le problème c'est que transitoirement, tu vois, tu vas être obligé de mettre cet argent sur la table pour que les gens aient des agricultures qui ne relâchent pas d'azote. dans la nappe, et tu vas continuer encore pendant quelques années à devoir nettoyer. Donc, tu as double peine pendant la transition. Donc, cette transition n'est pas aisée. Mais quand même, à terme, il y a un énorme pognon qui sert à nettoyer l'eau pour l'azote. Là, je parle de l'azote, c'est mon chiffre, qu'on pourrait utiliser autrement. qu'on pourrait utiliser pour une moitié à faire des économies et pour une autre moitié à aider les agriculteurs à avoir une agriculture qui a une autre fonction, de ne pas mettre trop d'azote ailleurs que dans la cible. Parce qu'en ce moment, c'est pas dans la cible, mais en gros, ils tirent avec des tomates. Donc, en fait, il y en a partout autour de la cible. Et tu vois, tant que tu es centré, tu n'as pas une vision écosystémique. Quand tu es centré sur la plante, ce qui compte, c'est que tu arrives sur la cible. Qu'importe si t'en fous à côté ! Sauf que maintenant, on s'aperçoit que tout ce qui passe à côté, c'est l'horreur totale. Et ça n'améliore pas les comptes de l'exploitation, car c'est perdu, mais c'est payé, ces engrais-là.

  • Speaker #1

    Si on revient à l'agroécologie, l'agriculture régénérative, pour avoir discuté avec beaucoup d'agriculteurs qui la pratiquent, il y a des experts sur le sujet, il y a une série de principes clés qui reviennent toujours. Tu en as déjà mentionné plusieurs. Ce que j'aimerais bien qu'on fasse, c'est peut-être...

  • Speaker #0

    Ce que j'ai oublié aussi, c'est de mentionner des rotations longues.

  • Speaker #1

    Des rotations longues, oui.

  • Speaker #0

    Voir des mélanges. Alors, dans les cultures intermédiaires, c'est évident. Tu vas mélanger des légumineuses fixatrices d'azote qui abritent des petites bactéries qui transforment l'azote atmosphérique en azote de la plante. Et de la bactérie d'ailleurs, c'est les légumineuses. Trèfle, sainfoin pour le pâturage. haricots, fèves, soja, pour nous. Et donc tu vas planter ça, tu vas planter des trucs qui sont bien mycorhisés pour entretenir les gens mycorhiziens, tu vas planter des gouinfs rasotes et à phosphate de façon à ce qu'ils prennent tout ce qui traîne et que ça ne parte pas en ruissellement, les phacéli par exemple. Tu vas planter aussi quelques radis. Bon, les radices, c'est les crucifères, donc ils ne vont pas entretenir les mycorhiziens. Mais ils ont un fort accroissement racinaire, donc ils contribuent à fracturer le sol. Et ça, les écartements du sol par la croissance d'une racine ou le passage d'un verre, la vie du sol est adaptée à ça. Ça fait des millénaires que ça se produit. Ce n'est pas adapté au mouvement cisaillant du labour, d'un herçage ou d'un travail du sol superficiel. Parce que là, il y a des mouvements de cisaillement. Mais les mouvements d'écartement pur, ça va très bien et on en veut, parce que c'est ce qui fait des trous. Donc, tu vas avoir plein de fonctions et ça, tu ne peux les avoir qu'en ayant des couverts mélangés. Tu vas aussi mélanger dans le temps, on disait, c'est-à-dire jamais revenir trop vite sur la même culture, au moins des rotations de 5 voire 8 ans. L'agriculture de conservation qui ne laboure plus, elle couvre tout le temps et elle a des rotations longues. Parce que ça, ça permet de buter les parasites. Le parasite du maïs, il attend 5 ans, 10 ans dans le sol pour que le maïs revienne, il n'y en a plus beaucoup. D'ailleurs, tu auras pu aussi dans tes mélanges de plantes intermédiaires, planter les répulsifs, les parasites de la culture que tu veux faire l'année suivante. Dans la vigne, on connaît certaines légumineuses, par exemple, qui sont des répulsives, des nématodes qui transmettent le virus du cournoué. Donc, tu vois, tu vas varier dans certains couverts par définition, tu vas varier dans le temps, tu vas varier même dans la parcelle. Les mélanges céréales-légumineuses, c'est trop bien. Parce qu'en fait, bien sûr, il y a de la compétition entre les céréales et les légumineuses, mais les légumineuses fixent l'azote. Tu te souviens, on l'a dit. Et il y en a qui sort, il y a des fuites, ça profite à la plante. à la céréale. La céréale, elle est très bonne pour mobiliser le fer, mais ça sert aussi à la légumineuse. En plus, leurs besoins se recouvrent en partie, mais pas complètement. Du coup, le sol est mieux exploité. Et en fait, sur un hectare de céréales légumineuses que tu as bien choisi, alors du coup, il faut un semoir particulier. Pour récolter, c'est pareil, tu ne récoltes pas avec les mêmes outils. Ce n'est pas du jour au lendemain. Mais si tu regardes combien d'hectares il te faut pour produire autant de céréales, 0,6. Combien d'hectares il te faut pour produire autant de légumineuses, mais en culture pure, 0,4. Somme. Pardon, je me suis trompé, j'ai dit 0,8 hectare de céréales pures et 0,6 hectare de légumineuses pures pour produire autant. Tu fais le total, tu viens de produire sur un hectare, en mélange, ce qu'il te faudrait un hectare 4 s'ils étaient séparés pour produire. Trop bien ! Ben oui, il faut jouer les complémentarités, c'est le principe du jardin créole, n'est-ce pas ?

  • Speaker #1

    On entend souvent dire que ces types de pratiques et d'agriculture sont moins productifs, mais en fait, il faut prouver que c'est un exemple qui demande que c'est le cas.

  • Speaker #0

    C'est réel bio, oui. jusqu'à 50% moins mais non là il y a des fois on peut mieux faire l'aie c'est pareil, c'est l'hétérogénéité spatiale l'aie c'est un bris de des chauves-souris dont on a dit tout à l'heure ce qu'elles faisaient n'est-ce pas et des oiseaux qui sont en fait des anti-agresseurs des cultures et puis même c'est très difficile à passer pour des sports de champignons et tout mais l'aie c'est un rôle pesticide ça réduit de 84% le flux de bio-agresseurs de maladie des cultures. Il en reste encore, bien sûr, mais c'est une solution partielle, notamment grâce aux oiseaux, aux chauves-souris, mais pas que. Si tu as des fleurites, tu as des syrphidées, qui sont des petits dipterpolisateurs qui viennent là pour butiner, et quand ils pondent leurs larves, c'est des larves qui mangent les pucerons. Elles ont un rôle parce qu'elles vont récupérer avec leurs racines profondes tout ce que n'a pas récupéré les cultures et ça évite que ça parte vers les nappes. Elles sont anti-érosion, anti-vent, elles aident à réduire les parasites des cultures, elles sont aussi une façon de stocker du carbone. 1 km de haies, c'est 100 tonnes de carbone stocké. Et puis, il faut les tailler. Alors, tu vas dire, c'est chiant. Oui, mais le bois raméal fragmenté, ça peut faire un apport au sol. Et même si tu l'apportes dans le sémence, ça peut faire herbicide. Alors, évidemment, avec tes haies, tu ne vas pas pouvoir couvrir tout ton champ. Mais tu peux, sur certains champs ou sur certaines parcelles de maraîchage en particulier, tu peux très bien arriver à te débarrasser des mauvaises herbes en meulchant. En amenant tes bois à mieux fragmenter. Donc c'est multifonctionnel. On retrouve ce motif que j'avais déjà identifié tout à l'heure, que souvent c'est une solution pour plusieurs choses. Et on ne l'avait pas vu au passage, le côté herbicide, pardon, je veux dire le côté pesticide, le côté insecticide ou fongicide qui fait que ça limite à arriver les pathogènes, parce qu'en fait on a arraché les haies dans un contexte où on avait les molécules chimiques pour faire le boulot des haies à leur place. Sauf qu'aujourd'hui on voit très bien que ça... des à côté qui n'avaient pas les haies. Alors, je n'ai pas dit que toutes ces solutions, elles sont aussi efficaces que du chimique, mais elles sont moins toxiques. Et on peut les panacher. Tu peux avoir des haies avec des cultures mélangées, parce que dans les cultures mélangées, les maladies se propagent moins vite. Le plan voisin, il n'est pas de la même espèce. Tu peux même faire des semis avec des variétés mélangées qui ont des résistances différentes. Du coup, tu as beau avoir un pur champ de blé, quand une maladie réussit sur un pied dans un champ conventionnel où tous les individus sont génétiquement identiques, si elle réussit vraiment sur un pied, c'est le strike garanti. Tous les autres retours sont pareils. Si c'est des cultures mélangées, le voisin n'est pas pareil, alors elle va avoir du mal à se transmettre, il va falloir qu'elle aille un tout petit peu plus loin. Donc, mélange de variétés, mélange d'espèces dans la parcelle, des haies interposées, là encore, c'est de la diversité.

  • Speaker #1

    On complexifie ces systèmes quand même beaucoup.

  • Speaker #0

    Oui, et le pilotage est peut-être un tout petit peu moins évident. Ce qu'il faut aussi regarder, c'est ce qu'il reste dans la caisse après. Les insecticides, les engrais, ça coûte. Donc, si on peut réduire un peu au prou ces choses-là, et en plus, comme il y a d'autres fonctions qui sont remplies pour le climat, pour la santé, une fois de plus, ça mérite salaire. L'agriculture, moi j'y crois à fond. Je pense que les agriculteurs sont des héros du monde moderne, d'abord parce qu'ils travaillent dans des conditions peu rentables, difficiles de vie et peu rentables, donc tout le monde n'accepterait pas ça. Et d'ailleurs on voit très bien les difficultés pour la reprise des exploitations, ça ne se bouscule pas au portillon. Mais la deuxième chose, c'est que c'est un métier qui peut tout ! La qualité de l'eau, la qualité de l'air, la qualité de la bouffe, l'avenir de nos enfants, la gestion du climat, la fertilité du... Mais pas trop, pas de marée verte s'il te plaît. Des eaux marines, enfin... C'est un métier absolument extraordinaire, les gens ne le comprennent pas, et les gens ne sont pas prêts à le payer à la hauteur de ce qu'ils peuvent faire d'extraordinaire. Donc ils se contentent de faire de la bouffe à tout prix. Au péril des sols et de la santé, et de ceux qui produisent, et de ceux qui mangent.

  • Speaker #1

    Voilà, donc tous ces principes clés de l'agriculture de conservation, on en a beaucoup parlé dans le podcast avec des agriculteurs, et j'aimerais qu'on essaie de s'attarder un peu sur chacun d'entre eux, mais essayer d'expliquer ce qui se passe au niveau de la microbiologie du sol. Pourquoi changer ces pratiques impacte le microbiote du sol ? Donc à commencer par la question du labour, tu en as déjà pas mal parlé, mais peut-être qu'on peut repasser dessus un petit peu.

  • Speaker #0

    L'idée oui, c'est que tout le temps, on sait que le labour est toxique pour certaines formes de vie du sol. Parce qu'ils désherbent. Et si ça tue un organisme qui est un tiers sous terre, c'est en gros la proportion de la biomasse souterraine de la plante, tu peux comprendre qu'un organisme qui est complètement sous terre risque d'être abîmé. Donc pour les animaux, il y a à la fois les prédateurs, comme les oiseaux qu'il y a derrière le trait de la bourre, qui viennent les manger. il y a le risque d'être desséchés dans un sol qui est brutalement et plus aéré. Pour les filaments de champignons, ils sont déchirés, alors là, ils meurent complètement. Pour les bactéries, c'est plus compliqué, parce qu'elles sont souvent dans les grumeaux, elles sont toutes petites, on le disait tout à l'heure, et donc elles, elles vont souvent bien survivre, et c'est justement comme il y a plus d'oxygène, elles vont respirer plus, elles vont commencer à détruire la matière organique. Donc tu vois que tu es en train d'altérer le profil de biodiversité, et tu perds des fonctions. Il y a des fonctions qui ne sont remplies que par les champignons, les mycorhizes. dont on parlait, la dégradation de la lignine, qui est quand même un bon 30% de la matière organique qui arrive au sol, c'est eux ça. Et que eux. Donc tu as des fonctions qui sont plus remplies parce que le profil de vie change, et par contre tu as des fonctions qui sont surremplies, c'est ces bactéries qui prolifèrent parce qu'elles sont débarrassées d'un certain nombre de champignons compétiteurs, et parce qu'il y a plus d'oxygène, qui va te bousiller ta matière organique. On compte que les sols... agricoles d'Europe ont perdu 50% de leur matière organique depuis les années 50. C'est énorme. Alors donc tout ça c'est très toxique. Pourquoi ? Parce que cette matière organique d'abord par elle-même elle retient l'eau, deuxièmement elle est collante donc elle empêche l'érosion et quand il n'y a plus de racines et quand il n'y a plus de filaments de champignons il n'y a plus que ça pour retenir le sol. Ok donc elle colle et ça ça empêche l'érosion, elle colle et ça stabilise les trous donc les trous sont plus stabilisés et les trous du labour s'effondrent très vite. Et de nouveau, on retombe sur un problème de stockage de l'eau, non pas faute de matière organique, mais faute de trous cette fois-ci, puisque les trous sont plus stables. Ensuite, bien sûr, cette baisse de matière organique, elle s'accompagne d'une émission de CO2, donc elle est mauvaise pour le climat. Bref, à un moment, ton sol, il arrive à une ténèbre en matière organique où il ne se tient plus et il part en masse. Ça fait des coulées de boue, comme on a dans les Hauts-de-France, par exemple, où là, on a atteint des seuils critiques de matière organique où le sol ne se tient plus. Donc, s'il y a de la pente, il coule. Et comme il n'y a pas de haie, en plus, rien n'empêche. rien ne le réceptionne à mi-pente.

  • Speaker #1

    Quand tu parles des bactéries qui respirent, qui bouffent la matière organique, c'est pas ça aussi qui libère de la fertilité ?

  • Speaker #0

    C'est trop vite et puis comme c'est après le labour, c'est pas le bon moment. Je te rappelle qu'après le labour, il n'y a plus ni champignons micrométiens ni plantes. Donc c'est vraiment pas le moment. Oui, tu peux le voir comme ça, mais le problème c'est que ça se passe à un moment où après le labour, ça ne sert à rien. Donc il va falloir, et quand on parle de labour, en fait, c'est tous les travaux du sol. Souvent les gens disent oui mais si on va pas profond. Alors il faut se souvenir que plus on descend moins il y a de vie. Et qu'en fait l'essentiel de la vie est en surface. On compte que les 20 premiers centimètres c'est 80% de la vie du sol. Donc on commence par le plus vif quand on perturbe le sol. Donc il faut minimiser la perturbation du sol parce que, une fois de plus, à long terme ça fait... de l'érosion, bon une fois de plus les sols méditerranéens qui ont 5000 ans de labour et de surpâturage, faut le dire, ça joue aussi. Aujourd'hui ils sont squelettiques, même autour des grandes villes antiques quand on visite ces villes antiques, ces restes monumentaux là. Autour, les sols ne sont pas bien épais mais si ces villes ont été construites là, c'est qu'il y avait de l'agriculture comme autour de Paris, comme autour de Bordeaux, comme autour de Bruxelles. C'est important ça. Donc on voit très bien par l'exemple que ces sols disparaissent, on voit que leur capacité à retenir l'eau s'effondre, que leur capacité finalement à alimenter la vie du sol diminue. Et une fois de plus, cette vie du sol est importante parce qu'elle fait les trous, mais il y a aussi tous les processus dont on n'a pas trop parlé, notamment c'est des microbes qui attaquent les roches et qui libèrent des sels minéraux. Ils le libèrent pour eux, mais il y a des fuites dans tous les sens. Et c'est ça qui fait que dans le sol... on a fini par retrouver du calcium ou du potassium disponible pour les plantes. Ce n'est pas que ça se dissout dans l'eau, les roches. Si, mais très lentement. Tout ça est accéléré par des microbes qui attaquent à coups d'acide localement ces roches pour en libérer des ressources pour eux. Et puis il y a des fuites. Et quand tu as moins de microbes dans le sol, et quand tu as moins de champignons, tu n'as pas les mêmes processus de libération de la fertilité minérale, qui est aussi une des grandes fonctions du sol. Et en plus, quand tu aères ton sol, tu n'as plus les bactéries qui fixent l'azote. Celles dont on disait tout à l'heure qu'elles habitent notamment chez les légumineuses. Il y en a quelques-unes qui font ça toutes seules dans le sol. Mais elles le font dans le sol ou dans les légumineuses parce qu'il leur faut des microniches pas trop riches en oxygène. Un petit peu pour respirer, mais pas trop. Si tu aères ton sol par le labour, tu n'as plus ces bactéries fixatrices d'azote. Donc là, tu dépends complètement d'apport d'azote exogène. Donc, je le répète.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    il faut éviter le travail du sol on fera pas de patates sans travailler le sol évidemment,

  • Speaker #1

    mais partout ailleurs il faut l'éviter Pourquoi c'est difficile pour les agriculteurs de réduire le travail du sol ?

  • Speaker #0

    Ça a toujours été la base je voudrais d'abord montrer une agriculture qui a jamais labouré, c'est l'agriculture précolombienne qui a nourri d'énormes cités antiques alors peut-être pas avec une régularité du tonnerre mais qui montre que certains ont fait de l'agriculture sans labourer puisque les précolombiens n'avaient pas de fer, donc pas de charrues et pas d'animaux de trait Ce qui est intéressant, c'est qu'ils pratiquaient la milpa, qui est à la fois un régime alimentaire et un mode de culture mélangé. Dans la milpa, tu as du maïs qui pousse, tu as du haricot qui grimpe dessus. Maïs plus haricots, c'est très bien, ça couvre notamment tous les besoins en acides aminés essentiels, même si le haricot manque de méthionine, et je crois que dans le maïs, il n'y a pas de lysine et d'arginine, mais peu importe, au total, c'est très équilibré. D'ailleurs, ils complétaient ça de quelques éléments de chasse, mais ils n'avaient pas vraiment besoin de manger beaucoup de viande. Et la milpa, c'est 3. plantes, on appelle ça aussi les trois sœurs, des courges en couvre-sol. Et ce n'est pas tellement que les courges sont intéressantes nutritivement, même si ça fait une source d'eau qui n'est pas contaminée, c'est très liquide, mais surtout ça permet peut-être de faire un couvre-sol. Nous on n'a pas cette culture des couvre-sols, on pense tout de suite à griffer la bourrée parce qu'on a tout de suite eu cette idée. Je vais te donner un autre exemple. On sait qu'il existe des blés remontants, des blés pérennes. qui eux ne souffrent pas de vivre longtemps en un endroit parce que c'est des plantes pérennes. Les plantes pérennes supportent de vivre dans le même sol pendant quelques années, alors que les plantes annuelles ce n'est pas le cas. Si tu fais blé sur blé, tu vas rapidement accumuler des maladies parce qu'elles ne savent pas bien lutter contre l'accumulation de maladies et pour cause, elles sont annuelles. Donc les générations suivantes, elles sont ailleurs. Donc nos plantes annuelles, on ne peut pas les faire en monoculture permanente. Par contre, on peut avoir des blés remontants. Il y a des tentatives en sang, je ne dis pas que ça se fera demain, mais on n'a jamais pensé à ça, on n'a jamais pensé au blé pérenne, façon vigne ou agriculture. On n'a pas jamais pensé au foie en pain parce qu'on est abonné aux annuels puisqu'on la boit. Donc quelque part, ça nous a bloqué vers certains possibles.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et ces possibles existent, puisqu'une fois de plus, il y a eu des agriculteurs non labourés.

  • Speaker #1

    Ça a tellement bien marché à court terme que ça ne nous a pas vraiment laissé la possibilité d'explorer d'autres...

  • Speaker #0

    T'as raison, c'est que quand tu commences à labourer, si t'as pas labouré, les premières années c'est trop bien. Mais ça c'est fini. Aujourd'hui, ce qui est trop bien, c'est quand t'arrêtes de labourer. On voit très bien, la résilience est encore assez rapide des sols, on va revenir là-dessus et dire pourquoi, mais en 2 à 5 ans, voire 10 ans, tu as un sol qui fonctionne mieux, qui stocke mieux l'eau, tu vois augmenter. Même si tu utilises du glyphosate pour désherber, parce que souvent... Comme herbicide, avant les semailles, tu es coincé. Si tu te contentes de couper, il y a des remontants qui souvent passent du glyphosate. Malgré la toxicité du glyphosate, ces agricultures non labourées remontent la vie du sol de 25% en biomasse. Alors en fait, si ça réagit vite... C'est que notre agriculture dans nos régions, autant sous les tropiques, labourer c'est l'horreur. Et c'est pour ça qu'au Brésil par exemple, on a pratiquement plus de 60% de la surface qui n'est pas labourée parce qu'en fait très vite les agriculteurs ont vu que le labour n'était pas une option. Là-bas il y a peu d'argile. Et donc quand on détruit la matière organique par le labour, il y a... plus rien qui tient le sol. Chez nous on a de l'argile. Donc ça va, on a un peu abîmé nos sols mais pas trop. En fait on a un écroulement des quantités de microbes dans nos sols agricoles mais pas vraiment d'extinction d'espèces. Enfin si, quelques champignons qui se portent pas le laboure. Mais ils vivent pas... très loin encore, dans des pâtures par exemple ou dans les bordures des forêts, donc ils peuvent revenir rapidement. Donc nous on a une résilience rapide parce qu'il y a encore des microbes qui traînent et ce n'est pas vrai que les sols sont morts. La preuve c'est qu'ils revivent mieux rapidement. Alors cette agriculture non labourée, elle permet de remonter très vite de 25% la vie du sol et donc ça, ça fait plus de trous, ça va permettre de dégrader les engrais organiques qui arrivent à un bon rythme. Ça va continuer. de contenir plein de champignons mycorhiziens qui vont aider les plantes à se nourrir. Bref, c'est trop bien. Ça remonte vite parce qu'on n'a pas d'extinction. Et si tu regardes l'augmentation du nombre d'espèces quand tu passes du labour au non-labour, tu as un petit plus 2% d'espèces. Enfin, c'est rien quoi, parce qu'il n'y en a pas beaucoup qui ont disparu. Et là, quand on dit que nos sols ne sont pas complètement morts, mais qu'ils sont moribonds, ça veut dire que l'agriculture n'a pas fait forcément un si mauvais travail que ça. Elle a fait un travail qui était lentement pernicieux, mais pas violemment pernicieux. Mais je reviens à ça, il faut maintenant puer la bourrée. Et c'est vrai que le glyphosate, ce n'est pas terrible. On voit émerger dans les pratiques des gens qui arrivent à faire sans glyphosate. Alors sur des petites surfaces, ça va parce qu'on peut molcher, mettre des paillassons, surtout pas de plastique sur le sol. mettre des bois fragmentés, des bois ramé aux fragmentés ou même d'ailleurs des herbets à la main. En maraîchage ça passe. Sur les plus grandes surfaces c'est encore un peu des artistes qui arrivent à faire de l'agriculture non labourée en se privant d'herbicides. Il faut savoir que l'agriculture non labourée est née avec les herbicides notamment avec le paracate dans les années 50 en Grande-Bretagne où on s'est dit bah tiens on n'a plus besoin de labourer puisqu'on peut mettre des herbicides. et que la fonction d'imbucide n'est plus nécessaire. Sachant que nous, on est abonnés à tuer les herbes, parce qu'une fois de plus, nos cultures ne sont pas pérennes, elles n'occupent pas le terrain. Et on n'a pas du tout de culture, de savoir-faire. matière de couverture entre les rangs ou de couverture permanente. On commence à essayer des trèfles nains qui en plus sont fixateurs d'azote et qui peuvent faire des couverts végétaux à travers lesquels on sait et qu'on peut garder plusieurs années mais on ne sait pas bien gérer en fait les couvre-sol. Donc j'en reviens à ça. Cette agriculture là, elle est très vertueuse, surtout qu'en plus dans le cahier des charges de l'agriculture de conservation, il y a cette idée de rotation longue d'une part et d'autre part de toujours couvrir le sol. Par exemple, on sème juste après le coup de glyphosate. Alors, souvent, le glyphosate fait tiquer les gens. Et moi aussi, il me fait tiquer. C'est toxique pour les vers de terre, c'est toxique pour les champignons mycorhiziens, donc il va falloir en sortir. C'est moins toxique que le laboure, donc on ne va déjà pas taper sur les gens qui en sont sortis en utilisant du glyphosate, sachant que taper sur ces quelques agriculteurs qui font de l'agriculture de conservation avec du glyphosate, ça n'empêche pas que tout le monde utilise du glyphosate, par ailleurs, en conventionnel. Donc, il ne faut pas se tromper de cible, là. Et, petite parenthèse, sur le bio, Le bio est génial parce qu'effectivement il n'utilise plus de chimie de synthèse, donc pour la santé c'est génial, je l'ai déjà mentionné et je voudrais insister, moi je mange bio, mais au moment de tuer les herbes sur de très grandes surfaces, on ne sait pas faire autrement que de la bruerie. Et du coup ça, ça fait que l'on a beau amener les engrais sous forme de matière organique, les taux de matière organique du sol ne se redressent pas beaucoup dans le bio. voire pas du tout dans certains sols, ça dépend des sols, c'est pas du tout, pas beaucoup, sauf en dessous du trait de la bourre, mais pour X raisons, ça ne nous aide pas, parce que sous le trait de la bourre, il y a la semelle de la bourre qui se forme, qui est cette zone qui se compacte sous l'effet des labours successifs. Donc le peu de matière unique qui arrive à rentrer... souvent sous forme micro-particulaire ou moléculaire, va être très stable, mais ne va pas servir, parce que cette Ausha, la semaine de labour est tellement tassée que l'eau n'y rentre plus, et les racines non plus. Donc en fait, c'est le sol en bio labouré, il restocke un peu de carbone, mais pas dans la zone utile. Bon, alors ça ne veut pas dire que le sol ne se porte pas mieux en bio. Mais ça n'a rien à voir avec l'agriculture de conservation. Donc, je ne parle pas contre le bio en disant qu'il aboure. Je dis qu'il faudra qu'un jour, il n'aboure plus. Je ne parle pas contre l'agriculture de conservation quand je dis qu'elle utilise du glyphosate, parce qu'un jour, il faudra qu'elle n'en utilise plus. Mais en attendant, cherchons la porte de sortie, ne tapons pas sur ceux qui ont raisonné une partie du problème. Parce que je reprends mes 4% non labourés, mes 10% en bio, qui sont les chiffres pour la France. On est à 86% conventionnel, c'est-à-dire labouré et glyphosate. D'accord ? Donc on se calme, on n'oppose pas les pas en avant et on essaie de les concilier. L'agriculture biologique de conservation, outre le fait que ça fait ABC, donc c'est une jolie abréviation, elle est... Elle existe déjà en maraîchage, elle existe déjà chez certains céréliculteurs, mais qui sont plutôt assez doués. Et il faut qu'on voit comment est-ce qu'on peut récupérer ce qui est récupérable, l'étendre à d'autres bassins de production et à d'autres cultures. La messe n'est pas dite, la recherche est encore là. Et puis il faut aussi, ne le négligeons pas, qu'on fasse plus de sélection variétale qui va avec ces nouvelles pratiques. Parce qu'en fait, on hérite des variétés du conventionnel.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est peut-être un truc intéressant à creuser un petit peu, les variétés et l'évolution des variétés.

  • Speaker #0

    On a bien dit qu'il y a des agriculteurs de progrès, on a bien dit que la culture de conservation, elle jouait, elle refaisait la matière organique parce que c'est toujours couvert, et la vie du sol parce que c'est toujours couvert, même si on utilise un herbicide, c'est toujours couvert et c'est pas labouré. Et elle a donc vraiment des vertus. Elle a tellement de vertus techniques d'ailleurs que... elle se propage d'agriculteur en agriculteur alors qu'il n'y a pas de demande des consommateurs. Ah oui, le point important que j'ai oublié de dire, c'est que le fait que ça se redresse vite, les sols, leur vie et leur fertilité, quand on ne laboure plus, et qui fait qu'il y a beaucoup d'agriculteurs qui se convertissent à ça, parce que ça marche mieux, ça montre qu'on est arrivé loin dans le labour. Autant au début, quand tu commençais à labourer, c'était plutôt mieux, autant maintenant, c'est quand tu cesses de labourer que c'est plutôt mieux. C'est important, ça. Parce que nos anciens, s'ils se sont fait chier à labourer, ça demandait du temps et de l'énergie. c'était pas pour la déco. Mais nous on est arrivé à un stade où nos sols commencent à souffrir du labour et c'est en ne labourant pas qu'on fait mieux.

  • Speaker #1

    Merci d'être toujours là, si loin dans la conversation. J'espère sincèrement que vous appréciez cette conversation et que vous apprenez des choses intéressantes. Si vous appréciez et que vous souhaitez soutenir mon travail et ce podcast, vous pouvez faire ça en seulement cinq secondes en cliquant sur la page du Deep Seed et sur le bouton follow, suivre ou s'abonner. Ça dépend de la plateforme sur laquelle vous êtes. Sachez que ça fait une énorme différence pour moi et que j'en serais extrêmement reconnaissant. Donc, merci d'avance et bonne fin d'écoute. Tu mentionnais les espèces, les variétés qu'on a sélectionnées pour aller avec une agriculture un peu plus intensive et que peut-être qu'on n'a pas les bonnes espèces aujourd'hui pour aller avec l'agriculture de conservation.

  • Speaker #0

    Alors on a des espèces qui sont largement améliorables par exemple, et avant d'arriver vraiment sur ces agricultures alternatives, on a aujourd'hui des céréales à paille courte et on s'est aperçu que le gène qui réduisait là... qui est un gène qui contrôle plusieurs choses dans la plante, qui aidait à réduire la taille des pailles, c'est un gène qui dit la forme de ce gène sous lequel il réduit la taille des pailles, ce qui était à la fois une économie d'énergie qu'on va retrouver dans le grain, une économie de ressources qu'on va retrouver dans le grain, mais aussi un dispositif antiverse. contre l'averse, qui est le basculement du pied et qui ne permet pas plus de le récolter si jamais il s'est renversé. Cette bonne solution avait été assez mauvaise parce que ce gène, sous sa forme qui réduit la taille des pailles, il contrôle aussi l'efficacité d'utilisation de l'azote et il est plutôt moins efficace. Donc il fallait mettre plus d'azote et on ne s'en est pas aperçu parce que c'est le moment où on commençait à mettre des engrais. Donc aujourd'hui on peut sélectionner pour avoir quelque chose, le beurre est l'argent du beurre, c'est-à-dire quelque chose qui a des pailles courtes et qui restaure la vieille efficacité d'utilisation de l'azote. Il y a aussi des gènes qu'on a perdus, il y a notamment un gène qui permet sur les racines de maïs, là c'est en cours de réintroduction, dans le maïs cultivé, chez le maïs sauvage qu'on appelle la théocynte, il y a un gène qui permet quand il y a des agressions d'insectes racinaires d'émettre du caryophyllène, et ce caryophyllène attire les prédateurs des insectes qui sont en train de manger les racines. attire des petits nématodes qui mangent les insectes qui sont en train de manger les racines. Trop bien. Ça, on l'avait perdu dans la domestication.

  • Speaker #1

    Parce qu'on ne regardait plus, on regardait ailleurs.

  • Speaker #0

    On l'a sans doute perdu un peu par hasard, parce que ça s'est aussi fait à des époques où les gens ne faisaient pas de génétique fine et ne regardaient pas ce qui se passait dans le sol. C'est perdu, on peut le récupérer. Maintenant, l'idée c'est aussi que quand tu changes de pratique agricole, ce qui est adapté n'est pas la même chose. Je te donne un exemple. La plupart des céréales aujourd'hui ont des feuilles qui montent vers le haut. Pourquoi ? Parce que quand on met des herbicides, il faut qu'ils tombent par terre. Et quand on travaille, il faut pouvoir passer entre les rangs. Si tu mets des variétés qui ont des feuilles qu'on dit décombantes, c'est-à-dire qui retombent, qui est le port historique d'ailleurs des graminées, les ancêtres sauvages étaient comme ça, la raison pour laquelle c'est comme ça, c'est que ça fait de l'ombre. Donc ça désherbe. C'est tout bête. Autre exemple, toujours sur les céréales. Elles produisent des acides masoxazinoïdes. C'est des tanins racinaires qui sont produits. Ça coûte assez cher à la plante de produire ça, c'est pas gratuit, mais ça désherbe. Ah oui, mais les variétés qu'on a aujourd'hui, comme elles sont faites pour un contexte où on désherbe nous chimiquement ou mécaniquement, eh bien, elles ne font plus ça, et c'est autant de ressources qui leur permettent de faire plus de grains. On se dit que si elles faisaient un petit peu moins de grains, qu'elles avaient les... feuilles décombantes et qu'elles refaisaient un petit peu d'acide masoxazinoïde, on aurait peut-être moins de problèmes de désherbage, tu vois. C'est tout bon, mais l'idée c'est que avec les nouvelles agricultures, il nous faut des nouvelles semences. Sinon, reprendre les semences de l'agriculture conventionnelle, c'est s'exposer à des pertes de rendement qu'on observe parfois dans le bio, un peu moins dans l'agriculture de conservation, il faut peut-être être franc, mais avec des pertes de rendement parce que le matériel n'est pas adapté et c'est comme essayer de danser le lac des signes en bocte. Ça ne marche pas, ce n'est pas très élégant. Ça bouge, mais ça ne bouge pas au mieux. Et c'est important d'envisager ça. Il faut aussi beaucoup de sélections pour les couvre-sol, il faut des sélections pour les cultures intermédiaires, voire même des sélections pour utiliser l'hiver. Parce qu'autre chose, il y a des gens aujourd'hui qui disent qu'on peut utiliser l'hiver pour produire d'autres choses, et finalement sur un hectare... Tu vas produire en deux fois ce que tu produirais sur 1,8 hectare si tu ne produisais que pendant la belle saison. Ce n'est pas possible partout. Mais dans des climats qui s'adoucissent en hiver, ça commence à être possible de faire de récolte, oui. Là, ton hectare te produit autant qu'1,8 hectare si tu ne l'utilises qu'une fois par an. Et ça, là je suis en train d'aller au devant de toutes ces questions qui... Ah ouais, mais est-ce qu'on va nourrir la planète ? Ouais, oui. Si on fait bien, oui, on a des preuves de ça. Et on a des preuves aussi en agroforesterie. En agroforesterie, on a des chiffres qui viennent d'une raille de Montpellier... ou quand tu as un hectare d'agroforesterie, de céréliculture en agroforesterie, tu te retrouves rapidement à produire sur un hectare ce que tu produirais sur 0,8 hectare de céréliculture et 0,6 hectare de forêt pure. Donc 1,4 hectare, ça revient, voilà. Il y a même des dispositifs de culture maraîchère sous des arbres fruitiers où tu peux produire sur un hectare ce que tu produirais sur 2,5 hectares. On retrouve, si tu séparais les cultures, on retrouve des excélérations de rendement qui ont justifié le jardin créole. N'est-ce pas que j'évoquais tout à l'heure que cette façon dont était gérée 20 à 40% de la surface de la forêt amazonienne par des civilisations... qui se sont éteintes à cause des maladies que les européens ont balancées en arrivant en Amérique, un peu avant l'enterrement. Les gens sont arrivés porteurs simples de la grippe, de la tuberculose, des oreillons, et ça, ça a décimé les populations, probablement 80%. 80 millions de personnes dans le bassin amazonien. Donc ces civilisations sont éteintes. Mais on voit très bien aujourd'hui les restes de leur agroforesterie parce que ça a modifié la composition de la forêt, la composition des sols. Et puis on retrouve au LIDAR, avec des méthodes radar, on retrouve les canaux, les routes, les cités, les émissions. esplanades sacrificielles, les zones d'habitation de ces populations qui faisaient des jardins créoles. Ils éclaircissaient la forêt pour avoir quelques cultures au sol, quelques cultures grimpantes et au bilan, ils faisaient du mélange et c'était très rentable. Donc nourrir la planète, on saura, mais on saura d'autant mieux qu'on aura des variétés adaptées à ces nouveaux gestes, ce qu'on n'a pas en ce moment.

  • Speaker #1

    Quand tu me parles de nourrir la planète, justement, ça me fait penser à un truc par rapport à la nutrition des aliments qu'on produit aussi. J'ai eu une conversation dans le podcast il n'y a pas si longtemps avec un Américain, Dan Kittredge, qui étudie la qualité nutritive des aliments et qui lui a trouvé qu'en fait, justement, la vie microbienne du sol était liée directement à la qualité nutritive des aliments qu'il poussait. Donc, est-ce que, tant qu'on parle de nourrir la planète, est-ce qu'il n'y a pas aussi pas qu'une question de combien, mais une question aussi de...

  • Speaker #0

    Il est question de savoir si la valeur nutritive, vitaminique, oligo-éléments, azote phosphate, ça va. On en met donc c'est bon. Mais oligo-éléments et vitamines, il y a des gens qui disent que Montgomery par exemple, qui a écrit un très beau livre sur l'érosion des sols, qui s'appelle Dust je crois. Dirt ? Oui,

  • Speaker #1

    plus ou moins.

  • Speaker #0

    Il a écrit un autre livre, You are what your food ate, où il soutient, enfin il rapporte ses travaux et je dirais ses impressions, parce que je vais y revenir, je ne suis pas convaincu moi, que effectivement ce qui vient du conventionnel est moins nourrissant. Alors ce qui est certain c'est que quand on produit beaucoup, et ça c'est pas une histoire conventionnelle, c'est une histoire de produire beaucoup, on risque de faire rentrer moins d'oligo-éléments que si on produit pas beaucoup. Pour les vitamines, je ne suis pas convaincu. Je suis plus convaincu du fait que quand tu as des aliments que tu dois peler parce qu'il y a des pesticides, tu perds les antioxydants et les vitamines qui sont dans la peau et c'est là qu'il y en a quand même le max. Donc, je suis indiqué correctement convaincu, mais en termes de produits bruts, je ne sais pas. Et puis en plus, on a des populations en Europe, en Amérique du Nord, qui sont plutôt bien nourries, en quantité, qui finissent par avoir assez d'oligo-éléments et de vitamines. Il n'y a pas de carence majeure. Ah si, on a des carences en vitamine D, mais c'est plutôt climatique. Et puis en plus, pour la vitamine D, c'est un peu l'industrie qui a déterminé quels étaient les apports recommandés. Il n'y a pas vraiment de connaissances scientifiques derrière. Donc en plus, on n'est jamais sûr quand on parle de carences en vitamine D. Non, moi je pense que peut-être qu'effectivement cette valeur nutritive s'est un peu écroulée, mais je peine à trouver la littérature qui défend ça. La littérature scientifique sérieuse qui montre ça. Par contre, je suis certain que si tu pelles tes pommes, c'est pas bon pour ta santé. Ça, c'est moins bon pour ta santé. Et de toute façon, les pesticides, il y en a aussi dans la pomme. Nous apprennent les travaux d'une équipe chinoise récente. Ça passe la peau. Il y en a moins, bien sûr, que dans la peau, mais il y en a quand même. Donc déjà, ça, c'est pas bon. C'est sûr, au niveau vitaminique et au niveau antioxydant. Bon. Et après sur le pouvoir nutritif, si tu manges diversifié et correctement, je pense que ce n'est pas un vrai problème. Moi je pense que le vrai problème c'est la durabilité des sols et les résidus de pesticides dans l'eau et dans la nourriture, c'est ça nos vrais problèmes de santé. Mais j'ai reçu de Dan justement une pochette biblio à la suite d'une table ronde où on intervenait ensemble. Ou plutôt d'un colloque, le World Living Soil Forum qui a eu lieu à Arles. C'était le deuxième, organisé par LVMH sur ces questions de qualité des sols et de durabilité des sols. Je l'ai entendu parler. je lui dis, file-moi les papiers. Et donc, il y a une pochette biblio dans mon livre. Si quelqu'un a cinq jours de calme à m'offrir, j'ai prévu de le lire, mais je n'ai pas encore lu. Je ne demande qu'à voir. Dans le livre de Montgomery, je n'ai pas été follement séduit par les références que j'ai trouvées. Mais de toute façon, ce qui est certain, c'est qu'on gagne à changer l'agriculture pour la santé par d'autres biais, je l'ai dit.

  • Speaker #1

    Oui, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une certaine logique au fait qu'une plante qui est dans un sol en bonne santé, qui a des associations avec des systèmes icorisiens ultra complexes, qu'elle mange mieux ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense surtout que le problème, c'est la quantité qu'on produit qui fait que finalement, à un moment... la plante va se retrouver à diluer un peu sa matière. Elle ne va pas avoir suffisamment de brôme pour en mettre autant qu'elle pouvait en mettre si elle n'avait eu que dix fois moins de fruits. C'est plutôt la quantité produite. Or, j'ai dit tout à l'heure, il faut nourrir la planète, et j'ai justifié. ces nouvelles agricultures en disant qu'elles produisent autant. Cela dit, on peut très bien aussi rappeler que nous jetons 30% de la nourriture à cause de dates limites de consommation, à cause de surachats, et on... On peut rappeler que c'est universel parce que dans les pays du Sud, ce n'est pas des dates limites, ce n'est pas chez le consommateur ou chez le vendeur que ça se corrompt, ça se corrompt plutôt lors du transport, parce que les infrastructures de transport ne sont pas assez efficaces et développées. Mais bon, 30% de la bouffe foutue à la poubelle, ça nous fait une marge d'ajustement, non ? Oui, c'est vrai. Et donc, on peut imaginer demain de produire moins pour être sûr de concentrer plus un certain nombre de ressources. Moi, je voudrais voir les problèmes de santé publique réels. Aujourd'hui, ils sont plus autour du type d'alimentation et notamment de l'alimentation. à transformer qu'au niveau de la richesse en oligo-éléments et en vitamines des aliments. Je parle à la louche, je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas d'exception et je m'éloigne de ce qui est mon cœur de compétence car moi je ne suis ni nutritionniste ni diététicien. En revanche, j'aimerais voir plus de données sérieuses aller dans le sens de ça. De toute façon, on n'a pas besoin de ce commentaire-là, de ce problème-là, pour changer d'agriculture, n'est-ce pas ? On l'a vu pour la santé des agriculteurs, la santé des consommateurs, et la santé des générations suivantes avec la durabilité des sols et de la biodiversité. Donc là, on y va.

  • Speaker #1

    On y va, c'est parti.

  • Speaker #0

    Ça ne change pas la nécessité.

  • Speaker #1

    Tant qu'on est un peu sur la question de la santé, je vais peut-être clôturer cette interview avec une question plutôt sur le microbiote intestinal. Peut-être que tu peux nous faire un parallèle entre celui du sol.

  • Speaker #0

    Peut-être de reboucler sur le fait que les microbes du sol, est-ce que c'est ou non des choses qui construisent notre microbiote à nous ? Alors, il faut bien comprendre qu'il y a un continuum qui va du sol à la plante et à l'animal, dont nous. que ce soit par le biais d'autres animaux ou par les plantes qu'on mange, et que dans ce biais, nous, quand on n'a pas de microbes dans le tube digestif, c'est une des sources. de construction de notre microbiote qui est hyper diversifié. Dans ton tube digestif, tu as plusieurs milliers d'espèces de bactéries et de champignons unicellulaires parce que finalement, dans quelque chose qui est semi-liquide ou mou, ça ne tient pas. Donc, c'est des levures et puis des virus. Mais alors là, c'est pareil, les virus, on ne les connaît pas bien. Donc, l'idée, c'est qu'effectivement, il y a aussi des microbes dans les plantes. Il y en a vraiment... au cœur des plantes. Parce que, tu sais, chez les plantes, les cellules sont légèrement séparées. Elles peuvent l'être parce qu'elles ont une paroi qui les entoure, une paroi faite de cellulose. Et donc, les parois sont légèrement séparées pour laisser passer de l'air. C'est comme ça que le CO2 pour la photosynthèse ou l'oxygène pour la respiration arrive dans les tissus. Tu as une circulation par diffusion, tu as de l'air qui diffuse dans la plante. Alors évidemment, il y a des prises d'air, les stomates sur les feuilles, les lenticels sur les tiges, c'est le nom de ces structures par où rentre l'air, et là, il y a des microbes qui rentrent. Bon, c'est un petit peu filtré, un peu géré pour que les maladies ne rentrent pas, mais en fait, ces microbes s'installent dans les lacunes entre les cellules. Toi, tu as des microbes à la surface de ton organisme et dans les creux, comme le tube digestif, mais sur les plantes, ça va jusque dans les tissus. Donc il y a plein de microbes, et quand tu croques une pomme, tu avales plein de microbes. Est-ce que pour autant, c'est les mêmes qu'il y a dans les sols, dans les plantes et dans les gens ? Alors, juste avant de répondre à cette question, une chose, la diversité microbienne dans notre organisme fait notre santé, parce que ces microbes, ils envoient des molécules régulatrices, ils empêchent les pathogènes de s'installer, ils nous aident à digérer, ils envoient des régulateurs du système nerveux et du système immunitaire, c'est une partie de notre santé, notre microbiote, et il faut qu'il soit diversifié. Une des voies d'entrée dans les maladies modernes, obésité, diabète, Alzheimer, elles sont multiples, il y a ton environnement, il y a ta génétique qui joue. Mais une des voies d'entrée, c'est une réduction de la diversité des microbiotes. Donc il nous en faut, il faut qu'ils soient divers. Mais est-ce pour autant le même que celui des plantes et celui des sols ? Alors, il y a des flux. La plante est colonisée notamment à partir du sol. Mais on voit très bien quand on s'approche de la plante que plus on est proche de la racine, plus il y a des bactéries en quantité de cellules, parce qu'il y a plein à manger, toutes les sécrétions de la racine, mais le nombre d'espèces chute. Parce que les sécrétions de la racine ont des rôles antibiotiques pour empêcher les mauvais de s'installer et pour reconcentrer les bons. Quand tu rentres dans la racine, là, tu as une nouvelle chute de la diversité en termes de nombre d'espèces, parce que n'importe qui ne rentre pas. Il y a un tri à l'entrée quand même. Et après, c'est la même chose à l'entrée du tube digestif. Bien sûr, il y a quelques-unes des bactéries qui viennent de notre alimentation, qui s'installent en nous. Mais beaucoup des bactéries, on les récolte en fréquentant nos voisins. On se les inocule entre humains ou des parents à l'enfant. Et il y a récemment un chiffre qui est sorti. Quand on regarde le nombre de bactéries qui, dans le microbiote humain, sont susceptibles de devenir des plantes, c'est 2%. Donc tu vois, notre alimentation contribue à faire une partie de notre diversité de microbiotes, mais elle est assez petite et on a d'autres sources. Les interactions intraspécifiques, les interactions avec les autres animaux de la même espèce, ou les interactions avec l'environnement, ou d'ailleurs, on va éventuellement déposer des bactéries... viennent du tube digestif. Tu vois comment. Et donc, si tu veux, au total, on se retrouve avec cette idée que les microbes, ils sont super puissants partout. On l'a vu dans le sol, on l'a évoqué, mais dans la plante, ils font aussi sa santé. Ils produisent même des vitesses. vitamines et des hormones. On sait très bien que si on désinfecte totalement avec des bactéricides des graines, elles gèrent moins bien parce qu'il y a dans les graines des bactéries qui ont peuplé la graine à partir des tissus de la plante et qui produisent des cytokinines qui sont des hormones importantes pour la germination. Et tu peux très bien, tu chauffes ta graine, tu tues les bactéries, tu divises ta germination par deux, ton taux de germination par deux ou trois, mais si tu remets les bactéries ou si tu remets des cytokinines, tu reviens à un taux de germination normal. Donc, tu vois, elles sont partout dans la plante et partout dans son fonctionnement aussi, mais ce n'est pas pour autant les mêmes que dans le sol, et elles sont partout en nous, notre peau, notre tube digestif, le conduit des oreilles, du nez, le vagin, toutes nos cavités sont pleines de becs. même les poumons, qui nous aident à fonctionner aussi. Mais ce n'est pas forcément les mêmes. D'accord ? Il ne faut pas avoir une vision où on baigne tous dans le même bain. Non, non, non. C'est des discothèques avec des videurs extrêmement efficaces.

  • Speaker #1

    Le lien entre notre alimentation et le videur.

  • Speaker #0

    Ça n'empêche pas des fois des maladies de s'introduire. Mais les videurs sont très vigilants, hautement vigilants.

  • Speaker #1

    Donc le lien entre notre alimentation et...

  • Speaker #0

    Je pense que c'est deux choses. C'est le système immunitaire de la plante ou de l'animal, mais c'est aussi ceux qui sont déjà là. qui ne laissent pas s'implanter n'importe qui, parce que, en fait, c'est une histoire de concurrence et de durabilité du milieu de vie. Tiens, la durabilité. Se pourrait-il que les microbes soient finalement, par le biais de la sélection naturelle, plus à même d'entretenir la durabilité de leur milieu de vie, nous, ou la plante haute, que nous ne le sommes, nous, humains, d'entretenir la durabilité des écosystèmes qui nous nourrissent ? Peut-être que nous, on est moindris qu'eux, finalement. Alors, en fait, je renverse les choses. On a... Une science aujourd'hui qui est l'écologie, d'accord ? Et l'écologie, elle a... C'est un corpus de connaissances qui permet demain d'utiliser des interactions biologiques avec des champignons, avec des bactéries, d'utiliser des haies, de la mosaïque végétale, d'utiliser nos connaissances en écologie, des données de l'écologie pour faire de l'agronomie. Ben ça, ça... l'agroécologie. C'est convoquer les connaissances écologiques qu'on a accumulées ces dernières années pour faire différemment la même chose qui est de nourrir les gens un peu mieux, de les nourrir sainement dans des écosystèmes durables. C'est ça l'agroécologie.

  • Speaker #1

    Parfait. C'est une magnifique parole pour clôturer cette conversation qui était géniale. Je pourrais rester ici des heures à t'écouter. Oui, mais là,

  • Speaker #0

    quand on va dormir, il est temps qu'on aille aussi.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Mais en tout cas, un tout grand merci pour ta disponibilité et d'avoir partagé tout ce savoir et cette connaissance avec les auditeurs du Deep Seed.

  • Speaker #0

    Et puis là, on y va. Consommateur, agriculteur, politique, on s'y met. Il est temps.

  • Speaker #1

    C'est parti.

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Description

Saviez-vous que le sol sous vos pieds abrite une biodiversité invisible, essentielle à la vie sur Terre ? Dans cet épisode captivant, plongez dans le monde fascinant de la microbiologie des sols avec Marc-André Selosse, expert reconnu et auteur de “L’origine du monde : une histoire naturelle du sol”.


🎙️ Ce que vous apprendrez :

• Pourquoi la microbiologie est la clé de l’agriculture régénérative et de l’agroécologie.

• Comment des pratiques comme l’agriculture de conservation peuvent préserver et restaurer les sols.

• Le rôle crucial des mycorhizes, ces champignons invisibles, dans la santé des plantes et la fertilité des sols.

• L’impact des sols sur le changement climatique, le stockage de carbone, et le cycle de l’eau.


Marc-André Selosse nous invite à repenser notre relation avec les sols et à adopter des solutions concrètes pour construire une agriculture durable. Que vous soyez agriculteur, consommateur ou simplement curieux, cet épisode vous offrira un éclairage nouveau sur les liens entre sol, climat, et alimentation.

🎧 Écoutez cet épisode pour découvrir comment la microbiologie des sols peut transformer l’agriculture et offrir des réponses aux défis climatiques et écologiques.


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This podcast was produced in partnership with Soil Capital, a company that supports #regenerativeagriculture by financially rewarding farmers who improve soil health.


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Transcription

  • Speaker #0

    Cette semaine, dans le Deep Seed Podcast, j'accueille l'un des experts en microbiologie du sol, les plus renommés de France, Marc-André Sélos. On parle des avancées scientifiques des dernières décennies en écologie, en microbiologie et en agronomie et comment combiner tout ça nous ouvre les portes d'une transition agroécologique, c'est-à-dire d'une agriculture qui produit toujours autant, voire parfois plus, vous verrez pourquoi. mais de manière régénérative, pour les sols, les écosystèmes, la biodiversité, mais aussi la santé humaine. Je vous promets, c'est une véritable masterclass, ça vaut vraiment la peine, donc restez jusqu'au bout. Cet épisode a été réalisé en partenariat avec Sol Capital. Moi c'est Raphaël et je vous souhaite une bonne écoute. Bonjour Marc-André Sélos. Bonjour. Je suis très très content d'avoir l'opportunité de passer un moment avec toi et de discuter d'un sujet que je trouve absolument fascinant qui est la microbiologie du sol.

  • Speaker #1

    Oui, alors c'est à la fois un sujet fascinant et foisonnant parce qu'il y a beaucoup... de microbes dans le sol. On dit souvent qu'un gramme de sol de chez nous, c'est plusieurs milliers d'espèces de bactéries et des millions de cellules de bactéries, bien sûr, parce qu'elles sont toutes petites. Alors pour elles, c'est un truc immense. Un millier d'espèces de champignons, des centaines d'espèces d'amibes. Si on est en surface, des centaines d'espèces d'algues. Et donc, il y a beaucoup de protagonistes. C'est foisonnant le sol et la microbiologie du sol, mais aussi c'est un levier pour penser différemment à la production agricole.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est justement le cœur du podcast, du Deep Seed Podcast. On parle beaucoup d'agriculture régénérative ou d'agroécologie. Et j'essaye vraiment de m'intéresser à tous les aspects de ce sujet-là. J'ai parlé avec beaucoup d'agriculteurs, des experts de différents aspects. Et il y a quand même une pièce super importante de ce puzzle, c'est le sol et la microbiologie qui se passent dans le sol. Donc je suis très content qu'on puisse un peu aller plus en profondeur dans ce sujet-là. J'aimerais bien qu'on commence vraiment par les bases. Et une question peut-être toute simple, qu'est-ce qu'on entend par le sol ?

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs façons de l'approcher. Où se trouve-t-il ? C'est ce qui est entre l'atmosphère et le sous-sol, c'est-à-dire la roche, le substrat géologique. C'est cette Ausha, qui est très mince. Sur des falaises, par exemple, c'est réduit à quelques dixèmes de millimètre. Quand il y a beaucoup d'érosion sur une falaise ou sur une façade, il y a une sorte de micro-sol. Chez nous, dans nos régions, quand on est en surface plane, on est entre 50 cm et 2, 3, 4, 5 cm. 5 mètres pour les plus profonds. Quand on va sous les tropiques, là, en fait, la zone, l'activité physico-chimique est très importante, même en profondeur, et donc on peut aller jusqu'à une centaine de mètres d'épaisseur. N'empêche qu'à l'échelle du globe, c'est rien. Je veux dire si on dessine le globe Théâtre sur une feuille, on ne peut pas voir le sol à cette échelle là. Néanmoins il est vraiment très important parce qu'il est bourré de vie et on peut prendre les choses différemment on peut aussi regarder de quoi est composée cette couche qui entre en atmosphère Et là, on découvre qu'il y a des morceaux de roche, pas inattendu. Il y a de l'air qui rentre dans les trous, voire de l'eau quand il pleut, pas inattendu non plus, vu que l'air est juste au-dessus. Il y a aussi beaucoup de matière organique. Cette matière organique, elle peut être morte. Des restes de feuilles, des restes d'animaux, des restes de racines, des restes de microbes aussi, beaucoup. Et elles restent là pendant parfois des siècles, voire même dans des charnosièmes, les sols si fertiles du sud de la Russie et de l'Ukraine. On peut aller jusqu'à plusieurs millénaires, des dizaines de millénaires. Et puis, une partie de cette matière organique est encore vivante. C'est des microbes, c'est des animaux qu'on se représente souvent, les vers de terre. C'est les racines. Le tiers de la plante est souterraine. Et ça, en pourcentage, ce n'est pas énorme. Ce n'est pas l'essentiel de la matière organique du sol, qui est surtout morte, et c'est peut-être au total 0,1% du volume du sol. Mais non moins, c'est extrêmement actif parce que c'est comme ça que le sol est fait, c'est comme ça que le sol vit, et c'est comme ça qu'il vit, ou plus exactement qu'il se comporte et qu'il a des caractéristiques qui font que les plantes peuvent y pousser et que le sol ne s'érode pas trop vite. Il s'érode toujours un petit peu, mais à peu près à la même vitesse où il se forme en profondeur. au dépend du sous-sol. Donc en fait, quelque part, cette vie, c'est elle qui crée le sol, qui retient les morceaux par des filaments de champignons, des racines. On va revenir sur ces processus, je pense, mais ce qu'il faut bien se représenter, c'est que même si c'est pas grand-chose, la vie, et d'ailleurs, dans les années 50-60, on est sur un sol éponge, où on met de l'eau et des engrais, puis voilà. C'est énorme en termes d'activité. Aujourd'hui, notre vision du sol change complètement. On se rend compte que ce qui fait que le sol est sol, qu'il persiste, qu'il nourrit les plantes. C'est cette vie qui le fait. Et répétons-le, cette vie, elle est très largement microbienne. Et longtemps, il fallait cultiver les microbes pour les identifier, mais on ne savait pas tous les cultiver. On ne savait pas bien quelle était la diversité microbienne. Quand on a commencé à extraire l'ADN du sol, pour décrire les organismes qui sont là, en fond, par leur ADN, on n'a plus besoin de les voir ou de les cultiver pour les identifier. Alors on a découvert de très nombreuses espèces inconnues, mais comme on a leur étiquette ADN, si jamais on les retrouve ailleurs, on dira, bah tiens, c'est ce qu'un tel avait trouvé dans la bourse, telle année, en faisant tel prélèvement. On a des grandes banques de données bourrées d'espèces inconnues, où on est concert péré si on les retrouve. Et en fait on s'est aperçu que, en gros, on connaissait que moins de 1% de la diversité microbienne du sol en espèces, en nombre d'espèces.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui c'est encore le cas ?

  • Speaker #1

    Alors non, maintenant on les connaît toutes par leur ADN. Après on n'a pas forcément pris le temps de les étudier en détail. On peut quand même les étudier parce que leur ADN trahit aussi... leur gène et donc comment elles vivent. Donc on peut anticiper un peu quelle est leur façon de vivre et en quoi elle contribue au processus qui s'opère dans les sols. Mais pour revenir là-dessus, maintenant changeons d'échelle, on compte que, selon les estimations, le quart et 60% des espèces vivantes vivent dans le sol. Donc c'est le haut lieu de la biodiversité. Pas la peine de se représenter un écosystème corallien, pas la peine de se représenter une forêt tropicale. La boue que vous avez sous vos chaussures, c'est beaucoup plus biodivers. Un exemple, il y a un atlas des bactéries du sol de France qui a été fait dans la première décennie de ce millénaire, avec des méthodes qui ont beaucoup évolué depuis, mais des méthodes qui ont quand même révélé... sur 2200 prélèvements distribués dans toute la France et qui ont permis une très jolie cartographie par les collègues de l'INRA de Dijon, ils ont révélé 115 000 espèces de bactéries. Et on sait que les techniques de l'époque, par rapport à ce qu'on peut faire maintenant, ça donnait un dixième des espèces. Donc on a les plus fréquentes et donc cet atlas, il est génial. parce qu'ils nous disent qu'il est vraiment présent et opérationnel. Mais il y en a beaucoup plus. Il y a sans doute un zéro de plus, allez. Un bon million de bactéries, je pense, dans les sols de France, au minimum. Et ça, c'est à comparer ce 115 000 espèces, au moins peut-être dix fois plus, à 600 espèces d'oiseaux. 200 espèces de mammifères, 6 000 espèces de plantes pour la France continentale, puisqu'il n'y a pas la Corse dans ce travail, 40 000 espèces d'insectes. En réalité, c'est énorme ! Ce chiffre nous dit que la diasté est surtout microbienne et qu'elle est surtout dans le sol. Bon, autre chiffre. Quand on prend un hectare de chez nous, le sol de cet hectare, en moyenne, contient 5 tonnes de microbes, 3 tonnes et demie de bactéries, 1 tonne et demie de champignons. 5 tonnes de racines, parce que la plante c'est aussi un habitant du sous-sol, et une tonne et demie d'animaux. On réalise au passage qu'on a une surreprésentation de l'importance de l'animal et du ver de terre dans la vie du sol. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas les vers de terre et qu'ils ne sont pas importants, c'est pas ce que je dis. Bon donc en fait, c'est foisonnant, c'est ce que je disais en introduction, il y a plein de choses. Et c'est super intéressant parce que toutes ces espèces vivent de façon extrêmement différente, et donc dans les sols elles font des choses extrêmement différentes. Mais tu vois, il faut partir de là. C'est la biodiversité, le sol.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est quelque chose qu'on a seulement commencé à comprendre très récemment. À quel point c'était divers, riche et complexe ?

  • Speaker #1

    Oui, quand on a eu l'ADN et qu'on a commencé... Quand les coûts se sont abaissés... les coûts des méthodes ADN se sont baissés et maintenant il y a plein de gens qui font de l'écologie du sol. Il y a eu un regain d'intérêt pour le sol énorme parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait des tas de choses intéressantes à aller comprendre, analyser. Il y a beaucoup plus d'équipes qu'il y a 20 ans qui travaillent sur la vie du sol.

  • Speaker #0

    Est-ce que le problème du sol, ce n'est pas justement qu'il est un peu invisible, qu'il est sous nos pieds, que nous on considère ça un peu comme sale, quelque chose qu'on doit nettoyer ?

  • Speaker #1

    Le problème c'est que le sol c'est un peu à la fois la chose la plus... commune, notre vue est interceptée par le sol la plupart du temps, c'est la surface du sol qu'on voit. On est en étage aujourd'hui, ça compte pas, mais on a souvent les pieds sur le sol, donc il n'y a rien de plus banal. Mais c'est imperscriptable, on ne peut pas voir à travers. Donc déjà, ça aide pas à voir ce qu'il y a dedans. Et de toute façon, beaucoup de choses sont trop petites. Je parlais de microbes. Mettons des échelles, les bactéries, leurs cellules font un millième de millimètre. Pas visible. Les champignons sont faits de filaments assez fins. 10 millième de millimètre. C'est marrant d'ailleurs parce qu'il y a différentes façons d'être un microbe, il y a des échelles différentes. Ça non plus, ça ne se voit pas. Il y a aussi les amibes. Alors les amibes, ça ne se voit pas du tout. C'est des espèces de grosses cellules qui se déforment, qui se déplacent en se déformant et puis qui... des fois avalent des bactéries ou de la nourriture, toujours en se déformant. On connaît les plus grosses d'ailleurs de façon amusante sous le nom de blob. Beaucoup de gens connaissent les blobs, mais c'est l'anecdote, les blobs sont visibles à la vue nue, mais c'est l'exception parmi les amibes, la plupart ne sont pas visibles à la vue. Il y a aussi les virus qui sont encore plus petits que les bactéries, au moins dix fois plus petits que les bactéries. Et alors eux, ils sont tellement petits qu'ils ne peuvent rien se passer dedans. Il y a juste l'information génétique et c'est tout. Donc ils parasitent les cellules des autres. On n'a aucune idée exacte de combien il y a de virus dans le sol, mais on peut penser que chaque espèce vivant dans le sol a... 5 à 10 virus.

  • Speaker #0

    Donc 5 à 10 fois plus de virus que de viques.

  • Speaker #1

    Donc il y a 5 à 10 fois plus d'espèces de virus que d'espèces de tout autre chose. Alors on ne les connaît pas bien parce que là on ne sait pas, même avec l'ADN, les méthodes ne sont pas encore vraiment routinières. Donc on peut regarder tous les virus qu'il y a dans un sol, mais c'est dur à faire. Et donc les virus, c'est un peu la boîte noire. On sait qu'il y en a énormément, ils font sans doute des choses très importantes, mais on ne sait pas lesquelles. Donc, Oui, donc dans cette vie-là, effectivement, il y a surtout du microbe. Ah oui, mais c'est ça, pourquoi on ne l'a pas vu le sol ? On ne l'a pas vu parce que même s'il était transparent, c'est trop petit. C'est trop petit pour être visible, les agents du sol. Même si on voit les racines et les vers de terre, et qui ne sont pas pour rien dans la façon dont fonctionne le sol. Et puis, il y a aussi un problème culturel. C'est sale qu'on dit qu'on va s'enterrer quelque part, qu'on traite quelqu'un de cutéreux. Ce n'est pas bien valorisant. Et peut-être que c'est parce que là, c'est dans le sol qu'on met nos déchets et nos morts. Peut-être que c'est ça. C'est dans le sol qu'on fait pipi et caca, historiquement. Donc, il est bien possible qu'il y ait des bonnes raisons à ça. Mais en tout cas, culturellement, il n'y a pas d'intérêt. Alors, il y a un regain d'intérêt, mais c'est un regain spécialisé. Dans la rue, les gens ne se rendent pas compte que bien avant... que d'acheter bio ou bon pour leur santé, ils devraient se préoccuper de savoir est-ce que la façon dont le sol est traité, et c'est relativement indépendant de la question de savoir si c'est bon pour la santé et si c'est bio, est-ce que le sol est bien traité et d'une façon durable ? Oui, parce que l'autre chose aussi qu'il faut dire dans notre intimité avec le sol, c'est que tout ton phosphate, tout ton potassium, tout ton calcium, tout ton magnésium, tout ton fer, tout ton bord, tout ton... souffre. À part le carbone qui vient de l'atmosphère, par le biais de la... la photosynthèse, tous les constituants viennent du sol. Et je dis souvent que le sol est le placental de l'humanité parce que non seulement, effectivement, la nourriture vient de là, les plantes ont poussé là, les animaux qui broutent dessus, voilà. S'il y a des poissons et des algues en mer, c'est parce que les fleuves amènent un peu de fertilité des sols. Les eaux ont circulé dans les sols avant d'arriver dans les rivières. Et elles emmènent un peu de fertilité. Mais on pêche que sur le littoral, au milieu de l'océan, il n'y a pas de fertilité, il n'y a rien qui pousse. C'est pour ça que les pêcheurs bretons se battent pour l'accès aux eaux britanniques.

  • Speaker #0

    Tout vient du sol. Tout ce qui nous constitue, tout ce qui passe par nous.

  • Speaker #1

    Tu manges du poisson et des algues, ça vient quand même du sol. Donc, c'est la première chose. Et deuxièmement, l'eau, où est-ce qu'elle tombe ? Elle tombe dans le sol. Et normalement, le sol, d'ailleurs, la nettoie. C'est-à-dire qu'il filtre les particules, il détruit toutes les molécules qu'il peut avoir dans la goutte d'eau, notamment toutes les molécules qui viennent de... les molécules volatiles qui émettent les plantes. Bref, le sol, c'est aussi de là que vient l'eau. Donc, ce n'est pas faux de dire que c'est le placenta de l'humanité. Et c'est vraiment le placenta de l'humanité parce que personne n'a vraiment vu son placenta. et tout le monde s'en fout et personne ne voit le sol et tout le monde s'en fout. Donc c'est aussi le placenta dans la dimension de représentation, c'est le grand absent.

  • Speaker #0

    C'est intéressant comme image ça.

  • Speaker #1

    Mais c'est pas qu'une image provocante, c'est le placenta. Tu n'y coupes pas. Alors après tu te dis, tiens, je peux peut-être pas mettre n'importe quoi dans le sol finalement.

  • Speaker #0

    Tu as écrit un livre qui parle des sols en profondeur. C'est écrit de manière assez abordable, accessible pour des gens comme moi qui... découvre ces sujets assez récents, mais c'est quand même assez complet, assez dense.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait 250 pages. Bon, il y a quelques dessins humoristiques quand même. Oui, il y a pas mal de dessins. Nous, Raphaël Lian a fait un joli travail d'illustration humoristique. Et puis, les gens sont pris par la main. Mais non, moi, il faut avoir envie de connaître le sol, oui.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est ça. Mais le livre s'appelle L'origine du monde.

  • Speaker #1

    Une histoire naturelle du sol à l'intention de ceux qui le piétinent.

  • Speaker #0

    C'est ça le titre ?

  • Speaker #1

    C'est le sous-titre. Le sous-titre est plus explicite. L'origine du monde, c'est une blague parce qu'il y a un tableau qui est connu. Mais enfin, le sol, c'est bien l'origine du monde parce qu'on en reparlera aussi. Il a des rôles aussi dans le climat. Je mentionnais le cycle de l'eau, la fertilité de l'océan. C'est compliqué, cette histoire-là. Il fait vraiment pas mal de choses, le sol. Mais donc, revenons à ça. On l'a décliné avec un dessinateur belge talentueux en une BD qui s'appelle Souterre, qui est paru chez Dargaud alors que... L'origine du monde est parue chez Actes Sud. Et Souterre, là, c'est historié, c'est pour les plus jeunes, c'est plus court. Il y a moins de choses, ça rentre moins dans le détail, mais il y en a pour tous les goûts. Et puis, j'ai fait plein de vidéos aussi, de conférences filmées, ce podcast où on est ensemble. L'idée, c'est de faire des formats à l'usage de tous les auditoires, car il n'y a aucun auditoire qui ne puisse s'exempter de savoir ce que c'est que le sol.

  • Speaker #0

    Absolument. La question que j'allais poser c'était, pourquoi l'origine du monde quand on parle du sol ?

  • Speaker #1

    Tu as vu là, on disait que finalement la fertilité de l'océan elle vient du sol. L'eau si elle est retenue sur terre, c'est qu'il y a ce sol poreux qui la retient, et qui va à la fois écrêter les pluies intenses, alors ça ne marche pas toujours, mais dans les inondations qu'on a eues ces derniers temps en Europe, On s'aperçoit quand même que c'est des régions agricoles où les sols sont un peu abîmés dans leur capacité à être poreux et à retenir l'eau. Et à se retenir quand il pleut beaucoup. D'ailleurs, les inondations à Valence, quand tu vois les gens avec leur raclette qui pousse, c'est de la boue qui pousse, pas de l'eau. C'est donc du sol qui ne s'est pas tenu. Donc, les sols permettent de retenir l'eau, d'éviter que les rivières rentrent trop facilement en cru quand il pleut. Par contre, ils se ré-essuient dans les rivières, nourrissent lentement la rivière en emmenant aussi plein de sels minéraux. au passage entre deux pluies, donc il y a des rivières permanentes. C'est ça qui fait des rivières. C'est ça qui fait des réserves en eau qui font que les plants poussent. Donc, tu vois, ça joue sur le cycle de l'eau. Et parce que dans le désert, quand il pleut, il n'y a pas de sol, l'eau, elle ruisselle. Et alors, paradoxalement, dans le désert, elle ruisselle tellement vite qu'il n'y a que 20% de l'eau. Il ne pleut pas souvent dans le désert, d'accord, mais quand il pleut, il n'y a que 20% de l'eau qui a le temps de s'évaporer. Tout part en ruissellement. Chez nous, c'est l'inverse. 60 à 80% de l'eau est évaporée lentement par les plantes qui montent leur sève à partir du sol, et il n'y en a que 20% qui partent par ruissellement. fait un cycle de l'eau équilibré, où il y a des plantes, où il y a des rivières quand même, enfin voilà. Donc ça fait le cycle de l'eau, on y reviendra, mais c'est un des agents de l'effet de serre, le sol, c'est ce qui rend la planète vivable. On rappelle que sans effet de serre, il ferait moins 50 degrés. Mais la façon dont on l'a géré aujourd'hui fait que le sol contribue à chauffer plus de temps.

  • Speaker #0

    Ça me faisait penser au fait que les...

  • Speaker #1

    Et surtout, demain, le sol, il pourrait permettre de stocker du carbone et donc de refaire un climat plus correct. Quand tu mets de la matière organique dans le sol, j'ai dit tout à l'heure, la matière organique, elle est là pour 10, 100, 1000, voire plus ans. D'accord ? Ça fait des stocks de carbone. Mettre du carbone dans le sol, c'est comme planter une forêt. Ça stocke du carbone et c'est bon pour le climat. Donc, tu vois, le sol, il est entre tes mains. Si tu le laboures, tu l'oxygènes, il y a des bactéries qui respirent comme des dingues, tu perds ta matière organique et il y met plus de CO2. Tant pire la question climatique. Si tu mets des nitrates sur un sol humide, voire un sol que tu irrigues, il y a certaines bactéries qui, faute d'oxygène dans le sol parce que c'est humide, elles vont respirer avec le nitrate et faire du protoxyde d'azote. C'est un gaz à effet de serre qui est 230 fois plus important en effet de serre, plus efficace que le CO2. Si ton sol est inondé, on pense à la résiculture par exemple. Ton sol, il y a des bactéries qui vont respirer au CO2. C'est une respiration bizarre, mais les respirations sans oxygène, nous on ne connaît pas bien. Toi et moi, on pense qu'il faut de l'oxygène pour respirer. Non, il faut un oxydant. Ça peut être du nitrate, ça fait du protoxyde d'azote. Ça peut être du CO2, ça fait du méthane. Les bactéries qui respirent au CO2 et qui font du méthane, tu les connais parce que c'est celles qu'il y a dans les méthaniseurs. C'est elles qui font le méthane. Bon, le méthane, c'est 50 fois plus efficace que le CO2. Donc toi, quand tu irrigues... Et où tu mets des engrais minéraux avec du nitrate et où, que tu labours, tu augmentes l'effet de serre. Alors qu'en fait, si tu mettais tes engrais sous forme organique, si tu amenais plein de déchets organiques, par exemple ceux des poubelles dans nos sociétés, toi et moi, on fait 100 kilos de déchets organiques par an. Si on met ça bien trié dans le sol, ça amène des matières organiques, c'est bon pour le climat.

  • Speaker #0

    Pour le climat, oui.

  • Speaker #1

    Oui, parce que tout le carbone qui est là, au lieu d'être brûlé tout de suite ou respiré tout de suite, quand tu mets ça dans un sol vivant, tu as des vers de terre qui l'enfouissent sous leur déjection et ça va rester 10, 100, 1000 ans. Voilà, comme si tu avais une forêt. Sauf que quand tu as planté une forêt, tes enfants ne peuvent pas. Faire autre chose que de la garder, puisqu'elle est devenue le stock de carbone. Avec l'arbre, c'est les vacances de Mamytruc au Bangladesh, je ne sais pas s'il y a les arbres au Bangladesh en Thaïlande, le petit arbuste, c'est les voyages de Marc-André pour aller dire qu'il faut s'occuper du climat. Ok, ces arbres, tu dois les garder. Et donc, tu n'as plus la maîtrise du paysage. Alors que si tu as remis de la matière organique dans les sols, c'est très bon pour les sols, la matière organique morte. Parce que ça les stabilise, ça les colle, donc ça lutte contre l'érosion, ça nourrit les microbes qu'il y a dedans. Et d'ailleurs, ils vont lentement la dégrader, mais lentement, on relâche l'azote et le phosphate. Donc c'est fertilisant. En plus, ça retient l'eau, donc ça fait des sols qui sont plus à même de retenir l'eau. Tu vois le truc, avec les étés secs qu'on a en ce moment. Et c'est bon pour le climat. Enfin, bon voilà. remettre de l'agriculture dans le sol, c'est génial. Et puis la dernière chose que tu peux faire, c'est au lieu d'avoir un paysage complètement brun, avec du sol nu en hiver, tu plantes des cultures intermédiaires qui vont pousser, poussoter pendant l'hiver lui-même, mais bien pousser en automne, et tu broies tout ça au sol, et ça te fait de la matière agronique produite sur place. Tu peux en tirer 0,1 à 10 tonnes de carbone par hectare, et là, tu vas demander des crédits carbone.

  • Speaker #0

    Ouais,

  • Speaker #1

    ouais. Et c'est cette idée d'une agriculture qui serait multifonctionnelle et payée pour ses autres fonctions. Parce que, voilà, donc le sol, tu vois, en bien, en mal, il fait le climat. C'est vraiment l'origine du monde. Tout ce qu'il y a à bouffer, ça vient de là même quand c'est dans l'océan, ça régule le cycle de l'eau, ça régule le climat. Qu'est-ce qu'il reste à faire après ? Juste en jouir, pour autant que les sols continuent à le faire, parce que s'ils se dégradent, ils ne le font plus, et là... On compte que déjà dans le monde, 60 millions de personnes ont des conditions de vie dégradées parce que leurs sols ne sont pas en bonne santé. Et on pense qu'à l'horizon 2060-70, ce sera... probablement 3 à 4 milliards de gens, ce sont des chiffres onusiens, dont la vie sera altérée, voire même qu'ils devront migrer, parce que leurs sols sont dégradés, par l'érosion, par la salinisation, par un excès de pesticides, ça c'est à la maison, parce que nous la salinisation ça va, l'érosion ça va pas très bien, mais enfin c'est pas l'horreur, 98% des sols de France par exemple sont pollués par les pesticides. Donc si tu veux, à un moment, tu te dis, oui bon, c'est l'origine du monde, et ce sera l'origine d'un monde pourri, éventuellement aussi. Il y aura toujours un monde, il y aura toujours des trucs qui vivront, il y aura toujours des microbes dans le sol, même s'ils sont hyper pollués. Mais ils ne feront pas forcément le taf pour qu'on produise des carottes.

  • Speaker #0

    L'image que j'avais eue, c'était celle du fait que les plantes, les espèces vivantes, la microbiologie du sol, tout ça a co-évolué ensemble. Et que du coup, tout ça est lié de manière carrément intrinsèque. Et qu'il y a des symbioses que je trouve extrêmement intéressantes entre justement les plantes et ce microbiote du sol.

  • Speaker #1

    Moi, je suis venu au sol et à la plante d'ailleurs, parce que je suis mycologue et notamment, je me suis intéressé aux champignons qui s'associent aux racines des plantes. Ce n'est pas des parasites, comme tu vois les rhizoctonia, les rouilles ou les mildiou. Ce ne sont pas des décomposeurs de matières organiques mortes. Il y en a un, les décomposeurs de matières organiques mortes. C'est ceux qu'on sait bien cultiver. Tu vois, champignons de Paris, shiitake, pleurotes. Ce ne sont pas des décomposeurs de matières mortes. Ce sont des champignons qui vont se nourrir en sucre sur les racines, mais ils ne les abîment pas. En échange, ils ramènent de l'eau et des sels minéraux qui vont capter dans un volume de sol plus étendu. Le contact avec le sol est augmenté d'un facteur 10 000 par le champignon par rapport au contact sol-racine. Et donc, il exploite beaucoup mieux le sol et notamment toutes ces substances comme le phosphore ou le fer qui ne circulent pas. au contact. En échange la plante donne du sucre, mais ça coûte beaucoup moins cher de faire des filaments de champignon qu'une racine, ça coûte 100 fois moins cher. Donc c'est une espèce de sous-traitance pour aller faire les courses, qui a une rentabilité en terme de contact avec le sol ramené au coup carbone d'un million de fois. 10 000 fois plus de surface de contact, en fois moins de carbone pour faire les filaments qu'une racine. C'est énorme.

  • Speaker #0

    La plante investie dans ces systèmes-là ?

  • Speaker #1

    L'eau, elle sort nouvelle, elle circule, les eaux littorales au moins sont assez riches. Le problème du sol, c'est que c'est très dilué. Les plantes, en fait, sont sorties des... Ce sont des algues qui sont devenues terrestres, elles n'avaient pas de racines. Et on sait très bien qu'il y a 400 millions d'années, les premières plantes n'ont pas de racines, mais elles ont déjà des champignons associés à des tiges rampantes. Et elles forment, c'est Christine Sreludérien qui travaille dans mon équipe, qui travaille beaucoup sur ces fossiles-là, et on voit très bien qu'en fait les racines apparaissent comme une façon d'héberger plus de champignons. C'est leur première fonction, racines, ça a été ça. Alors maintenant il y a quelques plantes qui vivent dans des milieux riches, ou des milieux pionniers où il n'y a pas de champignons, notamment les crucifères, famille du chou, qui elles n'ont pas... de mycorhizes parce que dans ces conditions écologiques, soit il n'y a pas de champignons, soit il n'y a pas besoin de champignons parce que le sol est riche. Mais en revanche, 90% des plantes, elles ont toujours ces associations qu'on appelle les mycorhizes, myco-champignons-ryza, la racine. Et ce que toi tu appelles une racine quand tu déterres une plante, en fait, il y a du champignon dedans, c'est tout à fait normal, et le champignon aide la plante à se nourrir. protège la racine. Ce qui n'est pas un grand altruisme, il protège son garde-manger. C'est tout. Et donc, dans l'évolution, plus un champignon protège les racines, plus un champignon qui fait des mycorhizes protège des racines, plus il a de descendants parce qu'il protège sa source de nourriture. Donc, c'est méca... cette histoire là. Donc c'est un peu la protection et l'alimentation et ça, ça a commencé dès le début puisque les ancêtres des plantes étaient des algues qui n'avaient pas de racines.

  • Speaker #0

    Donc on a cette relation qui date de centaines de millions d'années entre une plante qui a besoin de trouver des nutriments dans le sol, de l'eau,

  • Speaker #1

    des choses comme ça.

  • Speaker #0

    Et de l'autre côté, on a des champignons qui eux ont besoin du... du sucre, du carbone produit par la plante, et en fait les deux se complètent. Voilà,

  • Speaker #1

    alors ils se complètent, après tous les couples ne marchent pas, et c'est très important non pas de se prespider à inoculer une souche du commerce dans n'importe quel champ, mais toujours d'inoculer plusieurs souches, ou mieux de ne pas inoculer, mais d'avoir des processus qui protègent ces champignons, on va y revenir, des processus qui protègent ces champignons de façon à ce que la plante puisse choisir ses partenaires parmi tous les champignons capables de faire des mycorhizes qui traînent autour d'elle. On sait très bien que les plantes discriminent, elles établissent des mycorhizes avec tout, et puis... si elles obtiennent les choses dont elles ont besoin, elles continuent à donner du sucre, sinon elles interrompent l'interaction. C'est juste des mécanismes physiologiques. Donc il faut laisser le choix aux plantes, il ne faut pas vouloir inoculer, il faut laisser le choix aux plantes, et de toute façon, même si tu inocules, tu ne t'exonères pas de deux choses qui vont permettre d'entretenir ces champignons. Un, tu ne laboures pas, parce que si tu laboures, tu fous en l'air le réseau de filaments, donc tu n'as plus que l'espoir pour refaire des mycorhizes. Et puis deux, Tu couvres toujours ton sol. Voilà une deuxième raison d'avoir des intercultures, même si elles ne sont que techniques. Tu couvres toujours ton sol de végétation qui pousse et qui va nourrir ses champignons. Parce que si ton sol est brun en hiver, il meurt tous et il ne reste que des spores. Et donc au moment où tu vas replanter, la plantule va avec ses racines provoquer la germination des spores qui vont se connecter à la racine et puis commencer à... au dépens de ta jeune plantule qui n'a pas encore beaucoup de moyens photosynthétiques, commencer à refaire des filaments pour explorer le sol. Tu n'hérites pas du réseau. Tu n'hérites du réseau que si tu ne perturbes pas le sol, ni la bourre ni le travail du sol, et dès la surface, ceci, et si tu as une couverture végétale permanente. Alors évidemment, on ne peut pas... Si tu fais des carottes, tu vas perturber le sol. Si tu fais des patates, tu vas perturber le sol, c'est sûr. Le simple fait de récolter fait qu'il y a un moment transitoire où il n'y a pas beaucoup de végétation. Mais il faut minimiser ces deux choses. Et alors il y a plein d'autres raisons d'ailleurs dans la vie du sol de minimiser le labour. Je disais tout à l'heure que ça aide à la respiration de certaines bactéries qui survivent au labour et que ça déstocke du carbone, donc ça on ne veut pas. Première chose. Et puis deuxièmement, couvrir de végétation, on l'a dit aussi tout à l'heure, ça servait au cycle du carbone. Donc tu vois que là en fait il y a des bonnes solutions qui cochent plusieurs cases.

  • Speaker #0

    Oui, je voudrais justement qu'on s'attarde un peu là-dessus, sur toutes ces solutions. Et en fait, peut-être que pour commencer, on pourrait parler de ce qu'on appelle l'agriculture conventionnelle. Expliquer un peu, qu'est-ce que c'est en fait l'agriculture conventionnelle ?

  • Speaker #1

    Sans faire d'agribashing.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important.

  • Speaker #1

    L'agriculture conventionnelle, c'est quelque chose qui a permis de régulariser l'approvisionnement nutritionnel de toute la population. Au 19ème, il y avait une famine tous les 5 à 10 ans, enfin une disette au moins, sinon une famine. Et tu vois, quand tu es au milieu de la pomme de terre, par exemple, en Irlande, ils ne mangeaient que ça parce qu'ils en faisaient plusieurs récoltes par an. Et puis, c'est assez riche en protéines. C'était plutôt équilibré. C'était plus de 90% de leur ration alimentaire. Du jour au lendemain, il y a eu un million de morts et deux millions d'émigrés. Donc, il y a eu des catastrophes qu'on n'a plus maintenant grâce aux engrais et aux pesticides. Donc, l'agriculture conventionnelle, c'est celle qui a permis de nourrir l'humanité quantitativement. Sauf qu'on voit aujourd'hui les limites de ça. Tu vois, en fait on voit les limites parce qu'on commence... Ces limites reviennent à voir plus loin que ton objectif immédiat, mais à voir un monde en réseau et en interaction, et vraiment avoir un œil d'écologie au sens scientifique. Parce que ta plante est malade, tu lui fiches des pesticides, elle est guérie. C'est peut-être qu'elle y a des charges. Mais après, tu t'aperçois que ça finit par s'accumuler dans le sol tellement que le sol n'arrive plus à purifier ça. Bien qu'on pense que le sol est capable de dégrader un peu plus de 80% des pesticides qui arrivent au sol. Mais il y en a tellement qui vont rester dans le sol sous forme de résidus qui seront plutôt stables et qu'il y en a qui vont partir dans l'eau. Respectivement, 7% qui restent dans le sol et 10% qui partent dans l'eau. Ça ne fait pas 100% le total parce qu'il y a des marges d'incertitude dans cette histoire-là. Donc, si tu veux, tu commences à polluer l'eau, polluer les aliments, parce que celui qui le mange, il va avoir des azides pesticides, polluer la vie des agriculteurs, parce qu'on sait très bien qu'il y a des cancers agricoles qui sont très particuliers, qu'on ne retrouve pas dans la population, sauf chez les voisins des champs. et qui correspondent aux pesticides, et puis que ça abîme la vie des sols aussi finalement. Donc si tu dézoomes, c'est d'abord ça que ta solution n'est pas si bonne. C'est pareil pour les engrais. Ça amène à manger la plante, elle pousse mieux. C'est bien, mais si tu dézoomes, ça ne marche pas très bien. tu vas avoir des engrais qui vont passer dans l'eau ils suivent le chemin que je te disais qu'une partie de la fertilité des sols passe dans les rivières et arrive à la mer, c'est ce qui fait des proliférations d'algues vertes sur le littoral breton c'est ce qui fait que les engrais du Brésil finissent dans la mer des Sargasses et la font pousser plus que jamais Elle est plus grosse qu'elle n'a jamais été. Il y a des lambeaux qui vont s'échouer dans les Caraïbes. Et ça, ça fait les marées d'algues brunes qu'on a dans les Caraïbes. Ailleurs, dans la baie de Fundaï, c'est des marées d'algues rouges. Alors tu vois, tu as le choix de la couleur, mais pas de la nuisance. Ça émet du H2S qui est très toxique pour la santé des riverains. Donc, tu vois, les engrais, tu vas les retrouver partout. En plus, quand la plante a des engrais, elle licencie le champignon. Elle a plein d'azote, plein de phosphate, elle n'a plus besoin du champignon. Or, je te rappelle qu'elle ne maintient l'interaction que s'il lui arrive quelque chose dont elle a besoin par le champignon. Donc, plus de champignon, ah oui, mais alors du coup, plus de protection des racines, donc état phytosanitaire moins bon. Donc, il va falloir remettre des pesticides. Donc si tu veux, à la fois ces engrais, on va les retrouver partout et c'est pas bon. En plus, le problème des engrais, c'est qu'il y a aussi un coût de production et de transport. Ça demande beaucoup d'énergie et souvent, ça fait des gaz à effet de serre. Et puis, il y a du cadmium qui contient le phosphate.

  • Speaker #0

    qu'on retrouve dans les sols, dans les plantes et dans les animaux qui viennent sur ces sols. Donc dans l'homme, en France par exemple, la moitié des gens sont en surcontamination de cadmium, ça fait des cancers du pancréas, ça fait des dysfonctionnements hépatiques et rénaux. Le cancer du pancréas c'est plus 3% par an en France. C'est une montée catastrophique. Et puis la mortalité s'est pas tellement réduite ces dernières années, on sait pas le traiter ce cancer là, pas bien. Et puis ça provoque de l'esthéoporose parce que ça empêche l'ossification et on pense que... 30% des symptômes de stéoporose en Europe sont liés au cadmium. Donc tu vois, quand tu dézoomes, il y a des effets qu'on ne veut plus. Donc cette agriculture a sauvé le monde et ceux qui l'ont inventé étaient des héros. Il faut le dire, il ne faut pas faire d'agribashing. Mais maintenant, il faut qu'on bouge et il faut qu'on gère la qualité dont on découvre qu'en fait, elle n'est pas au rendez-vous. Qualité pour l'environnement mais avant tout, disons-le, pour la santé humaine. Tu vois, le cadmium, le H2S, les résidus de pesticides, agriculteurs ou pas, on parle de la santé des gens. C'est important ça. Parce que moi je sais très bien que si tu dis aux gens il faut protéger la nature, il faut protéger les petits oiseaux, ils en s'en foutent. Le problème c'est qu'en fait c'est l'homme qu'on protège ainsi. Je te prends un exemple. Parce que, tu vois... On dit souvent, c'est bon pour la planète, c'est bon pour la nature. On s'en branle. Et d'ailleurs, j'insiste très lourdement, je ne vais pas utiliser ce mot pour rien. La planète, tu bazardes des tas de pesticides, des tas de métaux lourds. Tu auras toujours une vie résistante aux pesticides et aux métaux lourds. Nous, ça va être chaud. Mais la planète, ça va, merci, on en a vu d'autres. On a vu d'autres. Elle s'est pris des météorites dans la gueule, elle s'est pris l'invention de la photosynthèse qui a tout ratiboisé pour presque un milliard d'années. C'était il y a deux milliards d'années, bon, depuis on s'en est remis. La preuve c'est que le problème de la photosynthèse c'était l'invention de l'oxygène, tu vois, qui était très toxique parce que ça n'existait pas à l'époque. Il y a 2 milliards d'années, cet oxygène va intoxiquer puissamment le milieu, rendre le fer indisponible, empêcher la fixation d'azote. Et ça va être... Pendant un milliard d'années, on a très peu de fossiles et pas d'évolution visible. Puis à la fin, on s'en sort quand même et c'est nos ancêtres notamment qui non seulement tolèrent l'oxygène, mais en plus ils s'en sauvent pour respirer. Bon, donc moi je suis inquiet pour la planète, je suis inquiet pour mes enfants. Et quand je dis que je suis inquiet pour mes enfants, je vais maintenant me replaquer sur un exemple. américain, paru le 6 septembre dernier dans la revue Science. Ça fait froid dans le dos, ce truc-là. Il y a une maladie des chauves-souris qui s'introduit là-bas. Tu vas me dire, ok, chauves-souris, c'est dommage parce que c'est sympa, mais on s'en fout. Non, en fait, les chauves-souris mangent des insectes. Alors, il y a des comtés aux Etats-Unis où il y a encore des chauves-souris, puis des comtés où il n'y a plus de chauves-souris parce qu'elles sont mortes, cette maladie, c'est un champignon introduit d'Europe. Le géomycèse. Peu importe. Dans les comtés où il n'y a plus de chauves-souris, l'utilisation des pesticides a fait un saut de 31%. 31% de pesticides en plus. Et c'est surtout des insecticides. Pourquoi ? Parce qu'il y a beaucoup plus de maladies qui passent. Les chauves-souris ne font plus leur boulot de becqueter les ravageurs des cultures. Enfin, elles ne becquent pas. Elles mâchent, elles, elles n'ont pas de bec. Mais le pire est à venir. Dans les comtés en question, la mortalité infantile a monté de 8%. Elle a augmenté de 8%. Pourquoi ? Quand tu regardes, c'est des maladies métaboliques, des cancers, des leucémies, des choses comme ça. Parce que c'est toxique les produits qu'on utilise en remplacement des chauves-souris. Donc tu te dis que défendre les chauves-souris, c'est pas défendre les chauves-souris, c'est défendre les enfants contre des cancers. Voilà, il faut poser les choses sur la table. Et donc moi je fais pas d'agribashing parce que les agriculteurs ils font que... ce qu'on leur dit de faire. Et ils font aussi ce qu'on achète. Donc dès lors que les gens achètent n'importe quoi, sans se demander est-ce que ça a été produit d'une façon qui n'utilise pas trop de chimie de synthèse, genre une nourriture bio, est-ce que ça a été fait d'une façon qui respecte le sol, par exemple les agriculteurs... non labourées. Les gens, ils s'en foutent de ça. Et quelque part, le bilan, c'est pas que ça abîme la nature, c'est que ça abîme leurs enfants, tu vois, et la capacité de transmettre un monde qui marche. Donc on est juste là-dedans. Et donc, je fais pas la ribaching parce que les agriculteurs, au fond, ils ont raison de continuer à produire comme ça, puisqu'il y a une demande. Et que les gens se servent pas de leur carte bleue et de leur carte d'électeur pour respectivement choisir des choses vertueuses et encourager le financement de la transition vers des choses vertueuses. Les agriculteurs, ils ont... Ils n'ont pas à faire bien contre vent et marée. Si tu veux que l'agriculture fasse aussi le cycle de l'eau correctement, le climat correctement, la santé des gens correctement, et le paysage, il y a un prix. Ce n'est pas payé, les agriculteurs ont bien raison de ne pas se faire chier à faire ça. Et d'ailleurs, ce qui est assez intéressant, c'est que le bio est tiré par une demande. C'est un peu plus cher. C'est moins cher qu'on croit, parce qu'il y a quand même des intermédiaires qui se sucrent. Le surcoût du bio est de quelques pourcents à la production et il est de plus de 10-15% chez le marchand. Bon, mais le bio il est tiré par la demande, mais l'agriculture non labourée elle est pas tirée par la demande, elle est tirée par le fait que les agriculteurs se rendent compte qu'en labourant plus maintenant, les sols sont tellement endommagés par le labour que tu remontes ta réserve en eau, tu remontes ta porosité, tu remontes le drainage, donc tu peux rentrer plus souvent dans ta parcelle, comme il y a plus de matière organique, t'as plus de vie et donc cette vie elle fait des trous, donc c'est tabou. plus de porosité, et la matière unique est plus stable, donc tu stockes du carbone. Là, dans ces cas-là, c'est vraiment la pratique qui guide l'augmentation de la surface en agriculture non labourée. qui est que de 4-5% en Europe, c'est pas énorme, mais ça augmente de soi-même. Mais en fait, ça pourrait augmenter beaucoup plus vite s'il y avait une aide. Et pour le bio, là, ça réduit un peu les rendements, donc un peu ou beaucoup, ça dépend de ce que tu produis. Et des choses, ça ne le réduit pas. Les céréales, on est plutôt vers... 40% de réduction de rendement, il faut une incitation, il faut que ce soit tiré par le marché. Le marché tire un peu mais pas beaucoup, donc on est 10%, on a une surface en bio à 10%. L'agriculteur, de toute façon, le marché ne tire pas mais la solution technique est intéressante, on est à 4%. Et puis, il y en a 80% de gens qui ne bougent pas et je vais te dire, ils ont raison de ne pas bouger. Ils ne sont pas sûrs que leurs produits seront achetés s'ils sont plus chers, ils n'ont pas d'aide à la conversion. Parce que quand tu ne la bourres pas, il faut changer de semoir. Ce n'est pas le même semoir pour semi-direct. C'est un coût, en plus comme il y a peu de gens qui utilisent ces semoires-là, les coûts de production sont très peu amortis, il n'y a pas d'économie d'échelle, donc ils sont chers les semoires. Donc je répète, je ne fais pas d'agribashing, je dis qu'il faut absolument changer de toute urgence, mais c'est dans la tête des citoyens qu'il faut que la conscience de ça prenne forme. Tu vois, parce que les agriculteurs ne vont pas faire ça tout seuls. Si on veut avoir la santé, le paysage, le cycle de l'eau, le climat pour le prix de la bouffe, ça ne marchera pas, il faut payer un peu plus.

  • Speaker #1

    Je fais vite une mini pause pour vous parler du partenaire officiel du podcast, Soil Capital. Soil Capital, c'est une entreprise qui encourage la transition vers l'agriculture régénérative et ils font ça en récompensant financièrement les agriculteurs qui améliorent la santé des sols. C'est une entreprise que je trouve géniale. Perso, moi je suis un grand fan, j'adore ce qu'ils font et je suis très fier d'être en partenariat avec eux pour ce podcast. Donc là, on parle beaucoup de la responsabilité des consommateurs.

  • Speaker #0

    Bah oui. On essaie d'expliquer, toi dans ton podcast, moi dans mes livres, pourquoi ils sont aussi impliqués.

  • Speaker #1

    Il y a aussi les industriels, qui peut-être commencent à se rendre compte aussi que leur chaîne d'affaires approvisionnement est menacé, que peut-être qu'ils peuvent produire.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu vois, ils encouragent plus le statu quo. Aujourd'hui, avec des étés de plus en plus secs, on compte pour la façade atlantique que il pleuvra autant en 2080, mais il y aura 40% de pluie estivale en moins. avec une méditerranéisation du climat et de fortes pluies printanières, mais surtout automnales. On le voit déjà, les épisodes Selvenol en France, maintenant, ils remontent bien au-delà de Clermont-Ferrand. Alors que ces intenses pluies d'automne étaient d'habitude Sévenol, d'où le nom de pluie Sévenol. Et donc, dans cette perspective, il faut s'adapter un peu au changement climatique, il faudrait surtout arrêter le changement climatique, n'est-ce pas ? Mais il faut au moins s'adapter. Et en fait, on ne se dit pas... pu faire de maïs et on va essayer de faire du sorgho. On va faire des bassines pour faire du maïs. On peut examiner l'idée de faire des bassines pour retenir l'eau. Il y a des endroits où ça marche, d'autres où ce n'est pas une bonne idée parce que ça appauvrit l'aval. On ne va pas rentrer dans le détail, mais il y a bassines et bassines. Mais surtout, le truc, les bassines, c'est pour continuer à faire la même chose. Alors que c'est pas ça qu'il faut faire, il faut changer. Mais c'est vrai qu'en aval, il y a une agroalimentaire qui a besoin de faire rentrer du maïs à tel endroit, des patates à tel autre endroit et qui diminue encore la flexibilité du système. Ça, c'est sûr. Ça c'est sûr. Et quelque part, les agro-industries aident les agriculteurs à demander à ce qu'il n'y ait pas de changement, à ce qu'il n'y ait pas de restriction sur les pesticides, en tout cas en France c'est comme ça, parce qu'en fait, pour elles, c'est la façon d'être sûre qu'ils rentreraient encore, quantitativement, la qualité n'est pas au rendez-vous bien sûr, mais qu'ils rentreraient quantitativement ce dont elles ont besoin pour les usines où elles sont implantées.

  • Speaker #1

    Mais ils sont sûrs que ça va continuer à fonctionner ?

  • Speaker #0

    Mais non, mais c'est évident que ça va pas continuer à fonctionner, c'est évident, le climat change, 40% d'eau en moins dans les étés en 2080, ça... Non ! Et donc, c'est-à-dire qu'on fait des installations coûteuses qui sont condamnées à crever au lieu de prendre le truc à la base et de changer le système agricole. Et donc, je reviens dessus. Tu vois, si tu remets de la matière organique dans les sols, si tu laboures plus, tu as un sol plus poreux, tu as de meilleures réserves en eau, 1% de matière organique en plus dans le sol, ça retient 10 mm d'eau de pluie. Donc, tu vois, tu as des outils comme ça sur le non-laboure, la matière organique dans le sol. On le redit, parce que ça a tout le temps à venir. On travaille le moins possible le sol. On le couvre en permanence et on amène de la matière organique, que ce soit celle de... cultures intermédiaires diverses ou celles de tes déchets de cuisine ou celles de l'élevage. Amener la matière organique, couvrir tout le temps, pas labourer, c'est les piliers ça. Et à faire autant que possible, autant que possible parce que c'est pas possible pour toutes les cultures et dans tous les bassins de production mais dans la plupart c'est faisable et il faut le faire et là quand tu as fait ça ben tu auras plus de réserves en eau. Puisque notre chance, c'est qu'il pleut autant sur l'année.

  • Speaker #1

    Sur l'année ?

  • Speaker #0

    Dans le changement climatique attendu, il n'y a pas vraiment de diminution des précipitations. Simplement, elles chutent en été. Donc, il y a des outils à mettre en place qui voient plus loin que la préservation de l'usine à frites de pétas ou trucs.

  • Speaker #1

    En effet.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que du point de vue de l'investisseur industriel, je comprends qu'il a envie de rentabiliser le plus longtemps possible. Peut-être que lui aussi mérite d'être aidé. S'il paye des impôts, et s'il est à la hauteur des subventions qu'il reçoit en termes d'emploi, il mérite d'être aidé. Je l'ai juste mis ainsi parce que je ne suis pas d'accord que ce soit le cas. Mais tu vois, l'industrie fait partie du cœur palpitant du pays. Il ne s'agit pas de la montrer du doigt. Mais la question c'est quelle industrie ? C'est comme pour les sols, si les sols il y en a toujours, la nature il y en a toujours, mais la question c'est quel sol, quelle nature vis-à-vis de nous. Et il faut vraiment effectivement penser qu'on ne fera pas sans les interlocuteurs industriels, et que pour l'instant ils ont l'abri sur le coup, et ils sont plutôt alliés main dans la main avec les agriculteurs, conduisant les agriculteurs d'ailleurs vers le mur. L'agriculture actuelle, par rapport au changement climatique, elle va dans le mur. Elle va dans le mur aussi en termes de santé publique. Il y a un truc absolument dément, il y a un village. Il y a une étude sur le coût de dépollution de l'eau rapportée au coût d'épandage des pesticides. C'est toujours 2 à 10 fois supérieur. La dépuration de l'eau coûte 2 à 10 fois le coût d'épandage des pesticides. On est déjà dans un truc où la société porte un poids terrible. Ça nous coûte très cher, mais pas au moment d'acheter les carottes, mais au moment où tu payes ton eau potable. Cette dépollution de l'eau, il y a même une commune dans le nord de la France, où la dépollution coûte 87 fois le prix de l'application des produits phytosanitaires sur la surface de la commune. Tu vois, c'est des trucs démons. C'est qu'en fait, aujourd'hui, en plus, cette agriculture nous coûte putain de cher en cancer, en maladies professionnelles des agriculteurs, en épurant en rationnement de l'eau. Un chiffre pour la France, l'ordre de grandeur d'enlever les nitrates de l'eau potable, c'est 10 à 14 milliers d'euros. Et d'ailleurs tu te dis que c'est une solution parce que quand tu fais une division de ces 10 à 14 milliards d'euros, quand tu divises par la surface des zones de captage, la surface qui est au-dessus des zones de captage, et qui est en fait la surface où il ne faudrait pas qu'il y ait d'azote qui fuit, ce que tu peux faire en amenant de l'azote sous forme organique, Parce que là, il n'y en a pas beaucoup et ça n'a pas le temps de fuir ses mangés. Il est lentement produit. Ce que tu peux faire en ayant des arbres et des haies, parce qu'il y a des racines profondes qui vont aller récupérer tout ce qui n'a pas été récupéré en surface, avant que ça arrive dans la nappe. Tu vois, ça c'est un des raides haies par rapport à ça. Et tout ça, c'est des mesures que connaissent très bien les agences de l'eau dans les périmètres de captage. Mais tu te dis déjà que ces 10 à 14 milliards, si tu les remets en subvention, tu les paieras, mais si tu les remets en subvention sur la table, alors c'est pas facile, ça se fait pas en un jour. C'est 2 à 3 000 euros par hectare de zone de captage. Tu vois ce fric, ce pognon de dingue, comme disait je ne sais plus qui. C'est une expression macronienne. Ce pognon de dingue là. Donc le problème c'est que transitoirement, tu vois, tu vas être obligé de mettre cet argent sur la table pour que les gens aient des agricultures qui ne relâchent pas d'azote. dans la nappe, et tu vas continuer encore pendant quelques années à devoir nettoyer. Donc, tu as double peine pendant la transition. Donc, cette transition n'est pas aisée. Mais quand même, à terme, il y a un énorme pognon qui sert à nettoyer l'eau pour l'azote. Là, je parle de l'azote, c'est mon chiffre, qu'on pourrait utiliser autrement. qu'on pourrait utiliser pour une moitié à faire des économies et pour une autre moitié à aider les agriculteurs à avoir une agriculture qui a une autre fonction, de ne pas mettre trop d'azote ailleurs que dans la cible. Parce qu'en ce moment, c'est pas dans la cible, mais en gros, ils tirent avec des tomates. Donc, en fait, il y en a partout autour de la cible. Et tu vois, tant que tu es centré, tu n'as pas une vision écosystémique. Quand tu es centré sur la plante, ce qui compte, c'est que tu arrives sur la cible. Qu'importe si t'en fous à côté ! Sauf que maintenant, on s'aperçoit que tout ce qui passe à côté, c'est l'horreur totale. Et ça n'améliore pas les comptes de l'exploitation, car c'est perdu, mais c'est payé, ces engrais-là.

  • Speaker #1

    Si on revient à l'agroécologie, l'agriculture régénérative, pour avoir discuté avec beaucoup d'agriculteurs qui la pratiquent, il y a des experts sur le sujet, il y a une série de principes clés qui reviennent toujours. Tu en as déjà mentionné plusieurs. Ce que j'aimerais bien qu'on fasse, c'est peut-être...

  • Speaker #0

    Ce que j'ai oublié aussi, c'est de mentionner des rotations longues.

  • Speaker #1

    Des rotations longues, oui.

  • Speaker #0

    Voir des mélanges. Alors, dans les cultures intermédiaires, c'est évident. Tu vas mélanger des légumineuses fixatrices d'azote qui abritent des petites bactéries qui transforment l'azote atmosphérique en azote de la plante. Et de la bactérie d'ailleurs, c'est les légumineuses. Trèfle, sainfoin pour le pâturage. haricots, fèves, soja, pour nous. Et donc tu vas planter ça, tu vas planter des trucs qui sont bien mycorhisés pour entretenir les gens mycorhiziens, tu vas planter des gouinfs rasotes et à phosphate de façon à ce qu'ils prennent tout ce qui traîne et que ça ne parte pas en ruissellement, les phacéli par exemple. Tu vas planter aussi quelques radis. Bon, les radices, c'est les crucifères, donc ils ne vont pas entretenir les mycorhiziens. Mais ils ont un fort accroissement racinaire, donc ils contribuent à fracturer le sol. Et ça, les écartements du sol par la croissance d'une racine ou le passage d'un verre, la vie du sol est adaptée à ça. Ça fait des millénaires que ça se produit. Ce n'est pas adapté au mouvement cisaillant du labour, d'un herçage ou d'un travail du sol superficiel. Parce que là, il y a des mouvements de cisaillement. Mais les mouvements d'écartement pur, ça va très bien et on en veut, parce que c'est ce qui fait des trous. Donc, tu vas avoir plein de fonctions et ça, tu ne peux les avoir qu'en ayant des couverts mélangés. Tu vas aussi mélanger dans le temps, on disait, c'est-à-dire jamais revenir trop vite sur la même culture, au moins des rotations de 5 voire 8 ans. L'agriculture de conservation qui ne laboure plus, elle couvre tout le temps et elle a des rotations longues. Parce que ça, ça permet de buter les parasites. Le parasite du maïs, il attend 5 ans, 10 ans dans le sol pour que le maïs revienne, il n'y en a plus beaucoup. D'ailleurs, tu auras pu aussi dans tes mélanges de plantes intermédiaires, planter les répulsifs, les parasites de la culture que tu veux faire l'année suivante. Dans la vigne, on connaît certaines légumineuses, par exemple, qui sont des répulsives, des nématodes qui transmettent le virus du cournoué. Donc, tu vois, tu vas varier dans certains couverts par définition, tu vas varier dans le temps, tu vas varier même dans la parcelle. Les mélanges céréales-légumineuses, c'est trop bien. Parce qu'en fait, bien sûr, il y a de la compétition entre les céréales et les légumineuses, mais les légumineuses fixent l'azote. Tu te souviens, on l'a dit. Et il y en a qui sort, il y a des fuites, ça profite à la plante. à la céréale. La céréale, elle est très bonne pour mobiliser le fer, mais ça sert aussi à la légumineuse. En plus, leurs besoins se recouvrent en partie, mais pas complètement. Du coup, le sol est mieux exploité. Et en fait, sur un hectare de céréales légumineuses que tu as bien choisi, alors du coup, il faut un semoir particulier. Pour récolter, c'est pareil, tu ne récoltes pas avec les mêmes outils. Ce n'est pas du jour au lendemain. Mais si tu regardes combien d'hectares il te faut pour produire autant de céréales, 0,6. Combien d'hectares il te faut pour produire autant de légumineuses, mais en culture pure, 0,4. Somme. Pardon, je me suis trompé, j'ai dit 0,8 hectare de céréales pures et 0,6 hectare de légumineuses pures pour produire autant. Tu fais le total, tu viens de produire sur un hectare, en mélange, ce qu'il te faudrait un hectare 4 s'ils étaient séparés pour produire. Trop bien ! Ben oui, il faut jouer les complémentarités, c'est le principe du jardin créole, n'est-ce pas ?

  • Speaker #1

    On entend souvent dire que ces types de pratiques et d'agriculture sont moins productifs, mais en fait, il faut prouver que c'est un exemple qui demande que c'est le cas.

  • Speaker #0

    C'est réel bio, oui. jusqu'à 50% moins mais non là il y a des fois on peut mieux faire l'aie c'est pareil, c'est l'hétérogénéité spatiale l'aie c'est un bris de des chauves-souris dont on a dit tout à l'heure ce qu'elles faisaient n'est-ce pas et des oiseaux qui sont en fait des anti-agresseurs des cultures et puis même c'est très difficile à passer pour des sports de champignons et tout mais l'aie c'est un rôle pesticide ça réduit de 84% le flux de bio-agresseurs de maladie des cultures. Il en reste encore, bien sûr, mais c'est une solution partielle, notamment grâce aux oiseaux, aux chauves-souris, mais pas que. Si tu as des fleurites, tu as des syrphidées, qui sont des petits dipterpolisateurs qui viennent là pour butiner, et quand ils pondent leurs larves, c'est des larves qui mangent les pucerons. Elles ont un rôle parce qu'elles vont récupérer avec leurs racines profondes tout ce que n'a pas récupéré les cultures et ça évite que ça parte vers les nappes. Elles sont anti-érosion, anti-vent, elles aident à réduire les parasites des cultures, elles sont aussi une façon de stocker du carbone. 1 km de haies, c'est 100 tonnes de carbone stocké. Et puis, il faut les tailler. Alors, tu vas dire, c'est chiant. Oui, mais le bois raméal fragmenté, ça peut faire un apport au sol. Et même si tu l'apportes dans le sémence, ça peut faire herbicide. Alors, évidemment, avec tes haies, tu ne vas pas pouvoir couvrir tout ton champ. Mais tu peux, sur certains champs ou sur certaines parcelles de maraîchage en particulier, tu peux très bien arriver à te débarrasser des mauvaises herbes en meulchant. En amenant tes bois à mieux fragmenter. Donc c'est multifonctionnel. On retrouve ce motif que j'avais déjà identifié tout à l'heure, que souvent c'est une solution pour plusieurs choses. Et on ne l'avait pas vu au passage, le côté herbicide, pardon, je veux dire le côté pesticide, le côté insecticide ou fongicide qui fait que ça limite à arriver les pathogènes, parce qu'en fait on a arraché les haies dans un contexte où on avait les molécules chimiques pour faire le boulot des haies à leur place. Sauf qu'aujourd'hui on voit très bien que ça... des à côté qui n'avaient pas les haies. Alors, je n'ai pas dit que toutes ces solutions, elles sont aussi efficaces que du chimique, mais elles sont moins toxiques. Et on peut les panacher. Tu peux avoir des haies avec des cultures mélangées, parce que dans les cultures mélangées, les maladies se propagent moins vite. Le plan voisin, il n'est pas de la même espèce. Tu peux même faire des semis avec des variétés mélangées qui ont des résistances différentes. Du coup, tu as beau avoir un pur champ de blé, quand une maladie réussit sur un pied dans un champ conventionnel où tous les individus sont génétiquement identiques, si elle réussit vraiment sur un pied, c'est le strike garanti. Tous les autres retours sont pareils. Si c'est des cultures mélangées, le voisin n'est pas pareil, alors elle va avoir du mal à se transmettre, il va falloir qu'elle aille un tout petit peu plus loin. Donc, mélange de variétés, mélange d'espèces dans la parcelle, des haies interposées, là encore, c'est de la diversité.

  • Speaker #1

    On complexifie ces systèmes quand même beaucoup.

  • Speaker #0

    Oui, et le pilotage est peut-être un tout petit peu moins évident. Ce qu'il faut aussi regarder, c'est ce qu'il reste dans la caisse après. Les insecticides, les engrais, ça coûte. Donc, si on peut réduire un peu au prou ces choses-là, et en plus, comme il y a d'autres fonctions qui sont remplies pour le climat, pour la santé, une fois de plus, ça mérite salaire. L'agriculture, moi j'y crois à fond. Je pense que les agriculteurs sont des héros du monde moderne, d'abord parce qu'ils travaillent dans des conditions peu rentables, difficiles de vie et peu rentables, donc tout le monde n'accepterait pas ça. Et d'ailleurs on voit très bien les difficultés pour la reprise des exploitations, ça ne se bouscule pas au portillon. Mais la deuxième chose, c'est que c'est un métier qui peut tout ! La qualité de l'eau, la qualité de l'air, la qualité de la bouffe, l'avenir de nos enfants, la gestion du climat, la fertilité du... Mais pas trop, pas de marée verte s'il te plaît. Des eaux marines, enfin... C'est un métier absolument extraordinaire, les gens ne le comprennent pas, et les gens ne sont pas prêts à le payer à la hauteur de ce qu'ils peuvent faire d'extraordinaire. Donc ils se contentent de faire de la bouffe à tout prix. Au péril des sols et de la santé, et de ceux qui produisent, et de ceux qui mangent.

  • Speaker #1

    Voilà, donc tous ces principes clés de l'agriculture de conservation, on en a beaucoup parlé dans le podcast avec des agriculteurs, et j'aimerais qu'on essaie de s'attarder un peu sur chacun d'entre eux, mais essayer d'expliquer ce qui se passe au niveau de la microbiologie du sol. Pourquoi changer ces pratiques impacte le microbiote du sol ? Donc à commencer par la question du labour, tu en as déjà pas mal parlé, mais peut-être qu'on peut repasser dessus un petit peu.

  • Speaker #0

    L'idée oui, c'est que tout le temps, on sait que le labour est toxique pour certaines formes de vie du sol. Parce qu'ils désherbent. Et si ça tue un organisme qui est un tiers sous terre, c'est en gros la proportion de la biomasse souterraine de la plante, tu peux comprendre qu'un organisme qui est complètement sous terre risque d'être abîmé. Donc pour les animaux, il y a à la fois les prédateurs, comme les oiseaux qu'il y a derrière le trait de la bourre, qui viennent les manger. il y a le risque d'être desséchés dans un sol qui est brutalement et plus aéré. Pour les filaments de champignons, ils sont déchirés, alors là, ils meurent complètement. Pour les bactéries, c'est plus compliqué, parce qu'elles sont souvent dans les grumeaux, elles sont toutes petites, on le disait tout à l'heure, et donc elles, elles vont souvent bien survivre, et c'est justement comme il y a plus d'oxygène, elles vont respirer plus, elles vont commencer à détruire la matière organique. Donc tu vois que tu es en train d'altérer le profil de biodiversité, et tu perds des fonctions. Il y a des fonctions qui ne sont remplies que par les champignons, les mycorhizes. dont on parlait, la dégradation de la lignine, qui est quand même un bon 30% de la matière organique qui arrive au sol, c'est eux ça. Et que eux. Donc tu as des fonctions qui sont plus remplies parce que le profil de vie change, et par contre tu as des fonctions qui sont surremplies, c'est ces bactéries qui prolifèrent parce qu'elles sont débarrassées d'un certain nombre de champignons compétiteurs, et parce qu'il y a plus d'oxygène, qui va te bousiller ta matière organique. On compte que les sols... agricoles d'Europe ont perdu 50% de leur matière organique depuis les années 50. C'est énorme. Alors donc tout ça c'est très toxique. Pourquoi ? Parce que cette matière organique d'abord par elle-même elle retient l'eau, deuxièmement elle est collante donc elle empêche l'érosion et quand il n'y a plus de racines et quand il n'y a plus de filaments de champignons il n'y a plus que ça pour retenir le sol. Ok donc elle colle et ça ça empêche l'érosion, elle colle et ça stabilise les trous donc les trous sont plus stabilisés et les trous du labour s'effondrent très vite. Et de nouveau, on retombe sur un problème de stockage de l'eau, non pas faute de matière organique, mais faute de trous cette fois-ci, puisque les trous sont plus stables. Ensuite, bien sûr, cette baisse de matière organique, elle s'accompagne d'une émission de CO2, donc elle est mauvaise pour le climat. Bref, à un moment, ton sol, il arrive à une ténèbre en matière organique où il ne se tient plus et il part en masse. Ça fait des coulées de boue, comme on a dans les Hauts-de-France, par exemple, où là, on a atteint des seuils critiques de matière organique où le sol ne se tient plus. Donc, s'il y a de la pente, il coule. Et comme il n'y a pas de haie, en plus, rien n'empêche. rien ne le réceptionne à mi-pente.

  • Speaker #1

    Quand tu parles des bactéries qui respirent, qui bouffent la matière organique, c'est pas ça aussi qui libère de la fertilité ?

  • Speaker #0

    C'est trop vite et puis comme c'est après le labour, c'est pas le bon moment. Je te rappelle qu'après le labour, il n'y a plus ni champignons micrométiens ni plantes. Donc c'est vraiment pas le moment. Oui, tu peux le voir comme ça, mais le problème c'est que ça se passe à un moment où après le labour, ça ne sert à rien. Donc il va falloir, et quand on parle de labour, en fait, c'est tous les travaux du sol. Souvent les gens disent oui mais si on va pas profond. Alors il faut se souvenir que plus on descend moins il y a de vie. Et qu'en fait l'essentiel de la vie est en surface. On compte que les 20 premiers centimètres c'est 80% de la vie du sol. Donc on commence par le plus vif quand on perturbe le sol. Donc il faut minimiser la perturbation du sol parce que, une fois de plus, à long terme ça fait... de l'érosion, bon une fois de plus les sols méditerranéens qui ont 5000 ans de labour et de surpâturage, faut le dire, ça joue aussi. Aujourd'hui ils sont squelettiques, même autour des grandes villes antiques quand on visite ces villes antiques, ces restes monumentaux là. Autour, les sols ne sont pas bien épais mais si ces villes ont été construites là, c'est qu'il y avait de l'agriculture comme autour de Paris, comme autour de Bordeaux, comme autour de Bruxelles. C'est important ça. Donc on voit très bien par l'exemple que ces sols disparaissent, on voit que leur capacité à retenir l'eau s'effondre, que leur capacité finalement à alimenter la vie du sol diminue. Et une fois de plus, cette vie du sol est importante parce qu'elle fait les trous, mais il y a aussi tous les processus dont on n'a pas trop parlé, notamment c'est des microbes qui attaquent les roches et qui libèrent des sels minéraux. Ils le libèrent pour eux, mais il y a des fuites dans tous les sens. Et c'est ça qui fait que dans le sol... on a fini par retrouver du calcium ou du potassium disponible pour les plantes. Ce n'est pas que ça se dissout dans l'eau, les roches. Si, mais très lentement. Tout ça est accéléré par des microbes qui attaquent à coups d'acide localement ces roches pour en libérer des ressources pour eux. Et puis il y a des fuites. Et quand tu as moins de microbes dans le sol, et quand tu as moins de champignons, tu n'as pas les mêmes processus de libération de la fertilité minérale, qui est aussi une des grandes fonctions du sol. Et en plus, quand tu aères ton sol, tu n'as plus les bactéries qui fixent l'azote. Celles dont on disait tout à l'heure qu'elles habitent notamment chez les légumineuses. Il y en a quelques-unes qui font ça toutes seules dans le sol. Mais elles le font dans le sol ou dans les légumineuses parce qu'il leur faut des microniches pas trop riches en oxygène. Un petit peu pour respirer, mais pas trop. Si tu aères ton sol par le labour, tu n'as plus ces bactéries fixatrices d'azote. Donc là, tu dépends complètement d'apport d'azote exogène. Donc, je le répète.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    il faut éviter le travail du sol on fera pas de patates sans travailler le sol évidemment,

  • Speaker #1

    mais partout ailleurs il faut l'éviter Pourquoi c'est difficile pour les agriculteurs de réduire le travail du sol ?

  • Speaker #0

    Ça a toujours été la base je voudrais d'abord montrer une agriculture qui a jamais labouré, c'est l'agriculture précolombienne qui a nourri d'énormes cités antiques alors peut-être pas avec une régularité du tonnerre mais qui montre que certains ont fait de l'agriculture sans labourer puisque les précolombiens n'avaient pas de fer, donc pas de charrues et pas d'animaux de trait Ce qui est intéressant, c'est qu'ils pratiquaient la milpa, qui est à la fois un régime alimentaire et un mode de culture mélangé. Dans la milpa, tu as du maïs qui pousse, tu as du haricot qui grimpe dessus. Maïs plus haricots, c'est très bien, ça couvre notamment tous les besoins en acides aminés essentiels, même si le haricot manque de méthionine, et je crois que dans le maïs, il n'y a pas de lysine et d'arginine, mais peu importe, au total, c'est très équilibré. D'ailleurs, ils complétaient ça de quelques éléments de chasse, mais ils n'avaient pas vraiment besoin de manger beaucoup de viande. Et la milpa, c'est 3. plantes, on appelle ça aussi les trois sœurs, des courges en couvre-sol. Et ce n'est pas tellement que les courges sont intéressantes nutritivement, même si ça fait une source d'eau qui n'est pas contaminée, c'est très liquide, mais surtout ça permet peut-être de faire un couvre-sol. Nous on n'a pas cette culture des couvre-sols, on pense tout de suite à griffer la bourrée parce qu'on a tout de suite eu cette idée. Je vais te donner un autre exemple. On sait qu'il existe des blés remontants, des blés pérennes. qui eux ne souffrent pas de vivre longtemps en un endroit parce que c'est des plantes pérennes. Les plantes pérennes supportent de vivre dans le même sol pendant quelques années, alors que les plantes annuelles ce n'est pas le cas. Si tu fais blé sur blé, tu vas rapidement accumuler des maladies parce qu'elles ne savent pas bien lutter contre l'accumulation de maladies et pour cause, elles sont annuelles. Donc les générations suivantes, elles sont ailleurs. Donc nos plantes annuelles, on ne peut pas les faire en monoculture permanente. Par contre, on peut avoir des blés remontants. Il y a des tentatives en sang, je ne dis pas que ça se fera demain, mais on n'a jamais pensé à ça, on n'a jamais pensé au blé pérenne, façon vigne ou agriculture. On n'a pas jamais pensé au foie en pain parce qu'on est abonné aux annuels puisqu'on la boit. Donc quelque part, ça nous a bloqué vers certains possibles.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et ces possibles existent, puisqu'une fois de plus, il y a eu des agriculteurs non labourés.

  • Speaker #1

    Ça a tellement bien marché à court terme que ça ne nous a pas vraiment laissé la possibilité d'explorer d'autres...

  • Speaker #0

    T'as raison, c'est que quand tu commences à labourer, si t'as pas labouré, les premières années c'est trop bien. Mais ça c'est fini. Aujourd'hui, ce qui est trop bien, c'est quand t'arrêtes de labourer. On voit très bien, la résilience est encore assez rapide des sols, on va revenir là-dessus et dire pourquoi, mais en 2 à 5 ans, voire 10 ans, tu as un sol qui fonctionne mieux, qui stocke mieux l'eau, tu vois augmenter. Même si tu utilises du glyphosate pour désherber, parce que souvent... Comme herbicide, avant les semailles, tu es coincé. Si tu te contentes de couper, il y a des remontants qui souvent passent du glyphosate. Malgré la toxicité du glyphosate, ces agricultures non labourées remontent la vie du sol de 25% en biomasse. Alors en fait, si ça réagit vite... C'est que notre agriculture dans nos régions, autant sous les tropiques, labourer c'est l'horreur. Et c'est pour ça qu'au Brésil par exemple, on a pratiquement plus de 60% de la surface qui n'est pas labourée parce qu'en fait très vite les agriculteurs ont vu que le labour n'était pas une option. Là-bas il y a peu d'argile. Et donc quand on détruit la matière organique par le labour, il y a... plus rien qui tient le sol. Chez nous on a de l'argile. Donc ça va, on a un peu abîmé nos sols mais pas trop. En fait on a un écroulement des quantités de microbes dans nos sols agricoles mais pas vraiment d'extinction d'espèces. Enfin si, quelques champignons qui se portent pas le laboure. Mais ils vivent pas... très loin encore, dans des pâtures par exemple ou dans les bordures des forêts, donc ils peuvent revenir rapidement. Donc nous on a une résilience rapide parce qu'il y a encore des microbes qui traînent et ce n'est pas vrai que les sols sont morts. La preuve c'est qu'ils revivent mieux rapidement. Alors cette agriculture non labourée, elle permet de remonter très vite de 25% la vie du sol et donc ça, ça fait plus de trous, ça va permettre de dégrader les engrais organiques qui arrivent à un bon rythme. Ça va continuer. de contenir plein de champignons mycorhiziens qui vont aider les plantes à se nourrir. Bref, c'est trop bien. Ça remonte vite parce qu'on n'a pas d'extinction. Et si tu regardes l'augmentation du nombre d'espèces quand tu passes du labour au non-labour, tu as un petit plus 2% d'espèces. Enfin, c'est rien quoi, parce qu'il n'y en a pas beaucoup qui ont disparu. Et là, quand on dit que nos sols ne sont pas complètement morts, mais qu'ils sont moribonds, ça veut dire que l'agriculture n'a pas fait forcément un si mauvais travail que ça. Elle a fait un travail qui était lentement pernicieux, mais pas violemment pernicieux. Mais je reviens à ça, il faut maintenant puer la bourrée. Et c'est vrai que le glyphosate, ce n'est pas terrible. On voit émerger dans les pratiques des gens qui arrivent à faire sans glyphosate. Alors sur des petites surfaces, ça va parce qu'on peut molcher, mettre des paillassons, surtout pas de plastique sur le sol. mettre des bois fragmentés, des bois ramé aux fragmentés ou même d'ailleurs des herbets à la main. En maraîchage ça passe. Sur les plus grandes surfaces c'est encore un peu des artistes qui arrivent à faire de l'agriculture non labourée en se privant d'herbicides. Il faut savoir que l'agriculture non labourée est née avec les herbicides notamment avec le paracate dans les années 50 en Grande-Bretagne où on s'est dit bah tiens on n'a plus besoin de labourer puisqu'on peut mettre des herbicides. et que la fonction d'imbucide n'est plus nécessaire. Sachant que nous, on est abonnés à tuer les herbes, parce qu'une fois de plus, nos cultures ne sont pas pérennes, elles n'occupent pas le terrain. Et on n'a pas du tout de culture, de savoir-faire. matière de couverture entre les rangs ou de couverture permanente. On commence à essayer des trèfles nains qui en plus sont fixateurs d'azote et qui peuvent faire des couverts végétaux à travers lesquels on sait et qu'on peut garder plusieurs années mais on ne sait pas bien gérer en fait les couvre-sol. Donc j'en reviens à ça. Cette agriculture là, elle est très vertueuse, surtout qu'en plus dans le cahier des charges de l'agriculture de conservation, il y a cette idée de rotation longue d'une part et d'autre part de toujours couvrir le sol. Par exemple, on sème juste après le coup de glyphosate. Alors, souvent, le glyphosate fait tiquer les gens. Et moi aussi, il me fait tiquer. C'est toxique pour les vers de terre, c'est toxique pour les champignons mycorhiziens, donc il va falloir en sortir. C'est moins toxique que le laboure, donc on ne va déjà pas taper sur les gens qui en sont sortis en utilisant du glyphosate, sachant que taper sur ces quelques agriculteurs qui font de l'agriculture de conservation avec du glyphosate, ça n'empêche pas que tout le monde utilise du glyphosate, par ailleurs, en conventionnel. Donc, il ne faut pas se tromper de cible, là. Et, petite parenthèse, sur le bio, Le bio est génial parce qu'effectivement il n'utilise plus de chimie de synthèse, donc pour la santé c'est génial, je l'ai déjà mentionné et je voudrais insister, moi je mange bio, mais au moment de tuer les herbes sur de très grandes surfaces, on ne sait pas faire autrement que de la bruerie. Et du coup ça, ça fait que l'on a beau amener les engrais sous forme de matière organique, les taux de matière organique du sol ne se redressent pas beaucoup dans le bio. voire pas du tout dans certains sols, ça dépend des sols, c'est pas du tout, pas beaucoup, sauf en dessous du trait de la bourre, mais pour X raisons, ça ne nous aide pas, parce que sous le trait de la bourre, il y a la semelle de la bourre qui se forme, qui est cette zone qui se compacte sous l'effet des labours successifs. Donc le peu de matière unique qui arrive à rentrer... souvent sous forme micro-particulaire ou moléculaire, va être très stable, mais ne va pas servir, parce que cette Ausha, la semaine de labour est tellement tassée que l'eau n'y rentre plus, et les racines non plus. Donc en fait, c'est le sol en bio labouré, il restocke un peu de carbone, mais pas dans la zone utile. Bon, alors ça ne veut pas dire que le sol ne se porte pas mieux en bio. Mais ça n'a rien à voir avec l'agriculture de conservation. Donc, je ne parle pas contre le bio en disant qu'il aboure. Je dis qu'il faudra qu'un jour, il n'aboure plus. Je ne parle pas contre l'agriculture de conservation quand je dis qu'elle utilise du glyphosate, parce qu'un jour, il faudra qu'elle n'en utilise plus. Mais en attendant, cherchons la porte de sortie, ne tapons pas sur ceux qui ont raisonné une partie du problème. Parce que je reprends mes 4% non labourés, mes 10% en bio, qui sont les chiffres pour la France. On est à 86% conventionnel, c'est-à-dire labouré et glyphosate. D'accord ? Donc on se calme, on n'oppose pas les pas en avant et on essaie de les concilier. L'agriculture biologique de conservation, outre le fait que ça fait ABC, donc c'est une jolie abréviation, elle est... Elle existe déjà en maraîchage, elle existe déjà chez certains céréliculteurs, mais qui sont plutôt assez doués. Et il faut qu'on voit comment est-ce qu'on peut récupérer ce qui est récupérable, l'étendre à d'autres bassins de production et à d'autres cultures. La messe n'est pas dite, la recherche est encore là. Et puis il faut aussi, ne le négligeons pas, qu'on fasse plus de sélection variétale qui va avec ces nouvelles pratiques. Parce qu'en fait, on hérite des variétés du conventionnel.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est peut-être un truc intéressant à creuser un petit peu, les variétés et l'évolution des variétés.

  • Speaker #0

    On a bien dit qu'il y a des agriculteurs de progrès, on a bien dit que la culture de conservation, elle jouait, elle refaisait la matière organique parce que c'est toujours couvert, et la vie du sol parce que c'est toujours couvert, même si on utilise un herbicide, c'est toujours couvert et c'est pas labouré. Et elle a donc vraiment des vertus. Elle a tellement de vertus techniques d'ailleurs que... elle se propage d'agriculteur en agriculteur alors qu'il n'y a pas de demande des consommateurs. Ah oui, le point important que j'ai oublié de dire, c'est que le fait que ça se redresse vite, les sols, leur vie et leur fertilité, quand on ne laboure plus, et qui fait qu'il y a beaucoup d'agriculteurs qui se convertissent à ça, parce que ça marche mieux, ça montre qu'on est arrivé loin dans le labour. Autant au début, quand tu commençais à labourer, c'était plutôt mieux, autant maintenant, c'est quand tu cesses de labourer que c'est plutôt mieux. C'est important, ça. Parce que nos anciens, s'ils se sont fait chier à labourer, ça demandait du temps et de l'énergie. c'était pas pour la déco. Mais nous on est arrivé à un stade où nos sols commencent à souffrir du labour et c'est en ne labourant pas qu'on fait mieux.

  • Speaker #1

    Merci d'être toujours là, si loin dans la conversation. J'espère sincèrement que vous appréciez cette conversation et que vous apprenez des choses intéressantes. Si vous appréciez et que vous souhaitez soutenir mon travail et ce podcast, vous pouvez faire ça en seulement cinq secondes en cliquant sur la page du Deep Seed et sur le bouton follow, suivre ou s'abonner. Ça dépend de la plateforme sur laquelle vous êtes. Sachez que ça fait une énorme différence pour moi et que j'en serais extrêmement reconnaissant. Donc, merci d'avance et bonne fin d'écoute. Tu mentionnais les espèces, les variétés qu'on a sélectionnées pour aller avec une agriculture un peu plus intensive et que peut-être qu'on n'a pas les bonnes espèces aujourd'hui pour aller avec l'agriculture de conservation.

  • Speaker #0

    Alors on a des espèces qui sont largement améliorables par exemple, et avant d'arriver vraiment sur ces agricultures alternatives, on a aujourd'hui des céréales à paille courte et on s'est aperçu que le gène qui réduisait là... qui est un gène qui contrôle plusieurs choses dans la plante, qui aidait à réduire la taille des pailles, c'est un gène qui dit la forme de ce gène sous lequel il réduit la taille des pailles, ce qui était à la fois une économie d'énergie qu'on va retrouver dans le grain, une économie de ressources qu'on va retrouver dans le grain, mais aussi un dispositif antiverse. contre l'averse, qui est le basculement du pied et qui ne permet pas plus de le récolter si jamais il s'est renversé. Cette bonne solution avait été assez mauvaise parce que ce gène, sous sa forme qui réduit la taille des pailles, il contrôle aussi l'efficacité d'utilisation de l'azote et il est plutôt moins efficace. Donc il fallait mettre plus d'azote et on ne s'en est pas aperçu parce que c'est le moment où on commençait à mettre des engrais. Donc aujourd'hui on peut sélectionner pour avoir quelque chose, le beurre est l'argent du beurre, c'est-à-dire quelque chose qui a des pailles courtes et qui restaure la vieille efficacité d'utilisation de l'azote. Il y a aussi des gènes qu'on a perdus, il y a notamment un gène qui permet sur les racines de maïs, là c'est en cours de réintroduction, dans le maïs cultivé, chez le maïs sauvage qu'on appelle la théocynte, il y a un gène qui permet quand il y a des agressions d'insectes racinaires d'émettre du caryophyllène, et ce caryophyllène attire les prédateurs des insectes qui sont en train de manger les racines. attire des petits nématodes qui mangent les insectes qui sont en train de manger les racines. Trop bien. Ça, on l'avait perdu dans la domestication.

  • Speaker #1

    Parce qu'on ne regardait plus, on regardait ailleurs.

  • Speaker #0

    On l'a sans doute perdu un peu par hasard, parce que ça s'est aussi fait à des époques où les gens ne faisaient pas de génétique fine et ne regardaient pas ce qui se passait dans le sol. C'est perdu, on peut le récupérer. Maintenant, l'idée c'est aussi que quand tu changes de pratique agricole, ce qui est adapté n'est pas la même chose. Je te donne un exemple. La plupart des céréales aujourd'hui ont des feuilles qui montent vers le haut. Pourquoi ? Parce que quand on met des herbicides, il faut qu'ils tombent par terre. Et quand on travaille, il faut pouvoir passer entre les rangs. Si tu mets des variétés qui ont des feuilles qu'on dit décombantes, c'est-à-dire qui retombent, qui est le port historique d'ailleurs des graminées, les ancêtres sauvages étaient comme ça, la raison pour laquelle c'est comme ça, c'est que ça fait de l'ombre. Donc ça désherbe. C'est tout bête. Autre exemple, toujours sur les céréales. Elles produisent des acides masoxazinoïdes. C'est des tanins racinaires qui sont produits. Ça coûte assez cher à la plante de produire ça, c'est pas gratuit, mais ça désherbe. Ah oui, mais les variétés qu'on a aujourd'hui, comme elles sont faites pour un contexte où on désherbe nous chimiquement ou mécaniquement, eh bien, elles ne font plus ça, et c'est autant de ressources qui leur permettent de faire plus de grains. On se dit que si elles faisaient un petit peu moins de grains, qu'elles avaient les... feuilles décombantes et qu'elles refaisaient un petit peu d'acide masoxazinoïde, on aurait peut-être moins de problèmes de désherbage, tu vois. C'est tout bon, mais l'idée c'est que avec les nouvelles agricultures, il nous faut des nouvelles semences. Sinon, reprendre les semences de l'agriculture conventionnelle, c'est s'exposer à des pertes de rendement qu'on observe parfois dans le bio, un peu moins dans l'agriculture de conservation, il faut peut-être être franc, mais avec des pertes de rendement parce que le matériel n'est pas adapté et c'est comme essayer de danser le lac des signes en bocte. Ça ne marche pas, ce n'est pas très élégant. Ça bouge, mais ça ne bouge pas au mieux. Et c'est important d'envisager ça. Il faut aussi beaucoup de sélections pour les couvre-sol, il faut des sélections pour les cultures intermédiaires, voire même des sélections pour utiliser l'hiver. Parce qu'autre chose, il y a des gens aujourd'hui qui disent qu'on peut utiliser l'hiver pour produire d'autres choses, et finalement sur un hectare... Tu vas produire en deux fois ce que tu produirais sur 1,8 hectare si tu ne produisais que pendant la belle saison. Ce n'est pas possible partout. Mais dans des climats qui s'adoucissent en hiver, ça commence à être possible de faire de récolte, oui. Là, ton hectare te produit autant qu'1,8 hectare si tu ne l'utilises qu'une fois par an. Et ça, là je suis en train d'aller au devant de toutes ces questions qui... Ah ouais, mais est-ce qu'on va nourrir la planète ? Ouais, oui. Si on fait bien, oui, on a des preuves de ça. Et on a des preuves aussi en agroforesterie. En agroforesterie, on a des chiffres qui viennent d'une raille de Montpellier... ou quand tu as un hectare d'agroforesterie, de céréliculture en agroforesterie, tu te retrouves rapidement à produire sur un hectare ce que tu produirais sur 0,8 hectare de céréliculture et 0,6 hectare de forêt pure. Donc 1,4 hectare, ça revient, voilà. Il y a même des dispositifs de culture maraîchère sous des arbres fruitiers où tu peux produire sur un hectare ce que tu produirais sur 2,5 hectares. On retrouve, si tu séparais les cultures, on retrouve des excélérations de rendement qui ont justifié le jardin créole. N'est-ce pas que j'évoquais tout à l'heure que cette façon dont était gérée 20 à 40% de la surface de la forêt amazonienne par des civilisations... qui se sont éteintes à cause des maladies que les européens ont balancées en arrivant en Amérique, un peu avant l'enterrement. Les gens sont arrivés porteurs simples de la grippe, de la tuberculose, des oreillons, et ça, ça a décimé les populations, probablement 80%. 80 millions de personnes dans le bassin amazonien. Donc ces civilisations sont éteintes. Mais on voit très bien aujourd'hui les restes de leur agroforesterie parce que ça a modifié la composition de la forêt, la composition des sols. Et puis on retrouve au LIDAR, avec des méthodes radar, on retrouve les canaux, les routes, les cités, les émissions. esplanades sacrificielles, les zones d'habitation de ces populations qui faisaient des jardins créoles. Ils éclaircissaient la forêt pour avoir quelques cultures au sol, quelques cultures grimpantes et au bilan, ils faisaient du mélange et c'était très rentable. Donc nourrir la planète, on saura, mais on saura d'autant mieux qu'on aura des variétés adaptées à ces nouveaux gestes, ce qu'on n'a pas en ce moment.

  • Speaker #1

    Quand tu me parles de nourrir la planète, justement, ça me fait penser à un truc par rapport à la nutrition des aliments qu'on produit aussi. J'ai eu une conversation dans le podcast il n'y a pas si longtemps avec un Américain, Dan Kittredge, qui étudie la qualité nutritive des aliments et qui lui a trouvé qu'en fait, justement, la vie microbienne du sol était liée directement à la qualité nutritive des aliments qu'il poussait. Donc, est-ce que, tant qu'on parle de nourrir la planète, est-ce qu'il n'y a pas aussi pas qu'une question de combien, mais une question aussi de...

  • Speaker #0

    Il est question de savoir si la valeur nutritive, vitaminique, oligo-éléments, azote phosphate, ça va. On en met donc c'est bon. Mais oligo-éléments et vitamines, il y a des gens qui disent que Montgomery par exemple, qui a écrit un très beau livre sur l'érosion des sols, qui s'appelle Dust je crois. Dirt ? Oui,

  • Speaker #1

    plus ou moins.

  • Speaker #0

    Il a écrit un autre livre, You are what your food ate, où il soutient, enfin il rapporte ses travaux et je dirais ses impressions, parce que je vais y revenir, je ne suis pas convaincu moi, que effectivement ce qui vient du conventionnel est moins nourrissant. Alors ce qui est certain c'est que quand on produit beaucoup, et ça c'est pas une histoire conventionnelle, c'est une histoire de produire beaucoup, on risque de faire rentrer moins d'oligo-éléments que si on produit pas beaucoup. Pour les vitamines, je ne suis pas convaincu. Je suis plus convaincu du fait que quand tu as des aliments que tu dois peler parce qu'il y a des pesticides, tu perds les antioxydants et les vitamines qui sont dans la peau et c'est là qu'il y en a quand même le max. Donc, je suis indiqué correctement convaincu, mais en termes de produits bruts, je ne sais pas. Et puis en plus, on a des populations en Europe, en Amérique du Nord, qui sont plutôt bien nourries, en quantité, qui finissent par avoir assez d'oligo-éléments et de vitamines. Il n'y a pas de carence majeure. Ah si, on a des carences en vitamine D, mais c'est plutôt climatique. Et puis en plus, pour la vitamine D, c'est un peu l'industrie qui a déterminé quels étaient les apports recommandés. Il n'y a pas vraiment de connaissances scientifiques derrière. Donc en plus, on n'est jamais sûr quand on parle de carences en vitamine D. Non, moi je pense que peut-être qu'effectivement cette valeur nutritive s'est un peu écroulée, mais je peine à trouver la littérature qui défend ça. La littérature scientifique sérieuse qui montre ça. Par contre, je suis certain que si tu pelles tes pommes, c'est pas bon pour ta santé. Ça, c'est moins bon pour ta santé. Et de toute façon, les pesticides, il y en a aussi dans la pomme. Nous apprennent les travaux d'une équipe chinoise récente. Ça passe la peau. Il y en a moins, bien sûr, que dans la peau, mais il y en a quand même. Donc déjà, ça, c'est pas bon. C'est sûr, au niveau vitaminique et au niveau antioxydant. Bon. Et après sur le pouvoir nutritif, si tu manges diversifié et correctement, je pense que ce n'est pas un vrai problème. Moi je pense que le vrai problème c'est la durabilité des sols et les résidus de pesticides dans l'eau et dans la nourriture, c'est ça nos vrais problèmes de santé. Mais j'ai reçu de Dan justement une pochette biblio à la suite d'une table ronde où on intervenait ensemble. Ou plutôt d'un colloque, le World Living Soil Forum qui a eu lieu à Arles. C'était le deuxième, organisé par LVMH sur ces questions de qualité des sols et de durabilité des sols. Je l'ai entendu parler. je lui dis, file-moi les papiers. Et donc, il y a une pochette biblio dans mon livre. Si quelqu'un a cinq jours de calme à m'offrir, j'ai prévu de le lire, mais je n'ai pas encore lu. Je ne demande qu'à voir. Dans le livre de Montgomery, je n'ai pas été follement séduit par les références que j'ai trouvées. Mais de toute façon, ce qui est certain, c'est qu'on gagne à changer l'agriculture pour la santé par d'autres biais, je l'ai dit.

  • Speaker #1

    Oui, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une certaine logique au fait qu'une plante qui est dans un sol en bonne santé, qui a des associations avec des systèmes icorisiens ultra complexes, qu'elle mange mieux ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense surtout que le problème, c'est la quantité qu'on produit qui fait que finalement, à un moment... la plante va se retrouver à diluer un peu sa matière. Elle ne va pas avoir suffisamment de brôme pour en mettre autant qu'elle pouvait en mettre si elle n'avait eu que dix fois moins de fruits. C'est plutôt la quantité produite. Or, j'ai dit tout à l'heure, il faut nourrir la planète, et j'ai justifié. ces nouvelles agricultures en disant qu'elles produisent autant. Cela dit, on peut très bien aussi rappeler que nous jetons 30% de la nourriture à cause de dates limites de consommation, à cause de surachats, et on... On peut rappeler que c'est universel parce que dans les pays du Sud, ce n'est pas des dates limites, ce n'est pas chez le consommateur ou chez le vendeur que ça se corrompt, ça se corrompt plutôt lors du transport, parce que les infrastructures de transport ne sont pas assez efficaces et développées. Mais bon, 30% de la bouffe foutue à la poubelle, ça nous fait une marge d'ajustement, non ? Oui, c'est vrai. Et donc, on peut imaginer demain de produire moins pour être sûr de concentrer plus un certain nombre de ressources. Moi, je voudrais voir les problèmes de santé publique réels. Aujourd'hui, ils sont plus autour du type d'alimentation et notamment de l'alimentation. à transformer qu'au niveau de la richesse en oligo-éléments et en vitamines des aliments. Je parle à la louche, je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas d'exception et je m'éloigne de ce qui est mon cœur de compétence car moi je ne suis ni nutritionniste ni diététicien. En revanche, j'aimerais voir plus de données sérieuses aller dans le sens de ça. De toute façon, on n'a pas besoin de ce commentaire-là, de ce problème-là, pour changer d'agriculture, n'est-ce pas ? On l'a vu pour la santé des agriculteurs, la santé des consommateurs, et la santé des générations suivantes avec la durabilité des sols et de la biodiversité. Donc là, on y va.

  • Speaker #1

    On y va, c'est parti.

  • Speaker #0

    Ça ne change pas la nécessité.

  • Speaker #1

    Tant qu'on est un peu sur la question de la santé, je vais peut-être clôturer cette interview avec une question plutôt sur le microbiote intestinal. Peut-être que tu peux nous faire un parallèle entre celui du sol.

  • Speaker #0

    Peut-être de reboucler sur le fait que les microbes du sol, est-ce que c'est ou non des choses qui construisent notre microbiote à nous ? Alors, il faut bien comprendre qu'il y a un continuum qui va du sol à la plante et à l'animal, dont nous. que ce soit par le biais d'autres animaux ou par les plantes qu'on mange, et que dans ce biais, nous, quand on n'a pas de microbes dans le tube digestif, c'est une des sources. de construction de notre microbiote qui est hyper diversifié. Dans ton tube digestif, tu as plusieurs milliers d'espèces de bactéries et de champignons unicellulaires parce que finalement, dans quelque chose qui est semi-liquide ou mou, ça ne tient pas. Donc, c'est des levures et puis des virus. Mais alors là, c'est pareil, les virus, on ne les connaît pas bien. Donc, l'idée, c'est qu'effectivement, il y a aussi des microbes dans les plantes. Il y en a vraiment... au cœur des plantes. Parce que, tu sais, chez les plantes, les cellules sont légèrement séparées. Elles peuvent l'être parce qu'elles ont une paroi qui les entoure, une paroi faite de cellulose. Et donc, les parois sont légèrement séparées pour laisser passer de l'air. C'est comme ça que le CO2 pour la photosynthèse ou l'oxygène pour la respiration arrive dans les tissus. Tu as une circulation par diffusion, tu as de l'air qui diffuse dans la plante. Alors évidemment, il y a des prises d'air, les stomates sur les feuilles, les lenticels sur les tiges, c'est le nom de ces structures par où rentre l'air, et là, il y a des microbes qui rentrent. Bon, c'est un petit peu filtré, un peu géré pour que les maladies ne rentrent pas, mais en fait, ces microbes s'installent dans les lacunes entre les cellules. Toi, tu as des microbes à la surface de ton organisme et dans les creux, comme le tube digestif, mais sur les plantes, ça va jusque dans les tissus. Donc il y a plein de microbes, et quand tu croques une pomme, tu avales plein de microbes. Est-ce que pour autant, c'est les mêmes qu'il y a dans les sols, dans les plantes et dans les gens ? Alors, juste avant de répondre à cette question, une chose, la diversité microbienne dans notre organisme fait notre santé, parce que ces microbes, ils envoient des molécules régulatrices, ils empêchent les pathogènes de s'installer, ils nous aident à digérer, ils envoient des régulateurs du système nerveux et du système immunitaire, c'est une partie de notre santé, notre microbiote, et il faut qu'il soit diversifié. Une des voies d'entrée dans les maladies modernes, obésité, diabète, Alzheimer, elles sont multiples, il y a ton environnement, il y a ta génétique qui joue. Mais une des voies d'entrée, c'est une réduction de la diversité des microbiotes. Donc il nous en faut, il faut qu'ils soient divers. Mais est-ce pour autant le même que celui des plantes et celui des sols ? Alors, il y a des flux. La plante est colonisée notamment à partir du sol. Mais on voit très bien quand on s'approche de la plante que plus on est proche de la racine, plus il y a des bactéries en quantité de cellules, parce qu'il y a plein à manger, toutes les sécrétions de la racine, mais le nombre d'espèces chute. Parce que les sécrétions de la racine ont des rôles antibiotiques pour empêcher les mauvais de s'installer et pour reconcentrer les bons. Quand tu rentres dans la racine, là, tu as une nouvelle chute de la diversité en termes de nombre d'espèces, parce que n'importe qui ne rentre pas. Il y a un tri à l'entrée quand même. Et après, c'est la même chose à l'entrée du tube digestif. Bien sûr, il y a quelques-unes des bactéries qui viennent de notre alimentation, qui s'installent en nous. Mais beaucoup des bactéries, on les récolte en fréquentant nos voisins. On se les inocule entre humains ou des parents à l'enfant. Et il y a récemment un chiffre qui est sorti. Quand on regarde le nombre de bactéries qui, dans le microbiote humain, sont susceptibles de devenir des plantes, c'est 2%. Donc tu vois, notre alimentation contribue à faire une partie de notre diversité de microbiotes, mais elle est assez petite et on a d'autres sources. Les interactions intraspécifiques, les interactions avec les autres animaux de la même espèce, ou les interactions avec l'environnement, ou d'ailleurs, on va éventuellement déposer des bactéries... viennent du tube digestif. Tu vois comment. Et donc, si tu veux, au total, on se retrouve avec cette idée que les microbes, ils sont super puissants partout. On l'a vu dans le sol, on l'a évoqué, mais dans la plante, ils font aussi sa santé. Ils produisent même des vitesses. vitamines et des hormones. On sait très bien que si on désinfecte totalement avec des bactéricides des graines, elles gèrent moins bien parce qu'il y a dans les graines des bactéries qui ont peuplé la graine à partir des tissus de la plante et qui produisent des cytokinines qui sont des hormones importantes pour la germination. Et tu peux très bien, tu chauffes ta graine, tu tues les bactéries, tu divises ta germination par deux, ton taux de germination par deux ou trois, mais si tu remets les bactéries ou si tu remets des cytokinines, tu reviens à un taux de germination normal. Donc, tu vois, elles sont partout dans la plante et partout dans son fonctionnement aussi, mais ce n'est pas pour autant les mêmes que dans le sol, et elles sont partout en nous, notre peau, notre tube digestif, le conduit des oreilles, du nez, le vagin, toutes nos cavités sont pleines de becs. même les poumons, qui nous aident à fonctionner aussi. Mais ce n'est pas forcément les mêmes. D'accord ? Il ne faut pas avoir une vision où on baigne tous dans le même bain. Non, non, non. C'est des discothèques avec des videurs extrêmement efficaces.

  • Speaker #1

    Le lien entre notre alimentation et le videur.

  • Speaker #0

    Ça n'empêche pas des fois des maladies de s'introduire. Mais les videurs sont très vigilants, hautement vigilants.

  • Speaker #1

    Donc le lien entre notre alimentation et...

  • Speaker #0

    Je pense que c'est deux choses. C'est le système immunitaire de la plante ou de l'animal, mais c'est aussi ceux qui sont déjà là. qui ne laissent pas s'implanter n'importe qui, parce que, en fait, c'est une histoire de concurrence et de durabilité du milieu de vie. Tiens, la durabilité. Se pourrait-il que les microbes soient finalement, par le biais de la sélection naturelle, plus à même d'entretenir la durabilité de leur milieu de vie, nous, ou la plante haute, que nous ne le sommes, nous, humains, d'entretenir la durabilité des écosystèmes qui nous nourrissent ? Peut-être que nous, on est moindris qu'eux, finalement. Alors, en fait, je renverse les choses. On a... Une science aujourd'hui qui est l'écologie, d'accord ? Et l'écologie, elle a... C'est un corpus de connaissances qui permet demain d'utiliser des interactions biologiques avec des champignons, avec des bactéries, d'utiliser des haies, de la mosaïque végétale, d'utiliser nos connaissances en écologie, des données de l'écologie pour faire de l'agronomie. Ben ça, ça... l'agroécologie. C'est convoquer les connaissances écologiques qu'on a accumulées ces dernières années pour faire différemment la même chose qui est de nourrir les gens un peu mieux, de les nourrir sainement dans des écosystèmes durables. C'est ça l'agroécologie.

  • Speaker #1

    Parfait. C'est une magnifique parole pour clôturer cette conversation qui était géniale. Je pourrais rester ici des heures à t'écouter. Oui, mais là,

  • Speaker #0

    quand on va dormir, il est temps qu'on aille aussi.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Mais en tout cas, un tout grand merci pour ta disponibilité et d'avoir partagé tout ce savoir et cette connaissance avec les auditeurs du Deep Seed.

  • Speaker #0

    Et puis là, on y va. Consommateur, agriculteur, politique, on s'y met. Il est temps.

  • Speaker #1

    C'est parti.

Description

Saviez-vous que le sol sous vos pieds abrite une biodiversité invisible, essentielle à la vie sur Terre ? Dans cet épisode captivant, plongez dans le monde fascinant de la microbiologie des sols avec Marc-André Selosse, expert reconnu et auteur de “L’origine du monde : une histoire naturelle du sol”.


🎙️ Ce que vous apprendrez :

• Pourquoi la microbiologie est la clé de l’agriculture régénérative et de l’agroécologie.

• Comment des pratiques comme l’agriculture de conservation peuvent préserver et restaurer les sols.

• Le rôle crucial des mycorhizes, ces champignons invisibles, dans la santé des plantes et la fertilité des sols.

• L’impact des sols sur le changement climatique, le stockage de carbone, et le cycle de l’eau.


Marc-André Selosse nous invite à repenser notre relation avec les sols et à adopter des solutions concrètes pour construire une agriculture durable. Que vous soyez agriculteur, consommateur ou simplement curieux, cet épisode vous offrira un éclairage nouveau sur les liens entre sol, climat, et alimentation.

🎧 Écoutez cet épisode pour découvrir comment la microbiologie des sols peut transformer l’agriculture et offrir des réponses aux défis climatiques et écologiques.


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This podcast was produced in partnership with Soil Capital, a company that supports #regenerativeagriculture by financially rewarding farmers who improve soil health.


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Transcription

  • Speaker #0

    Cette semaine, dans le Deep Seed Podcast, j'accueille l'un des experts en microbiologie du sol, les plus renommés de France, Marc-André Sélos. On parle des avancées scientifiques des dernières décennies en écologie, en microbiologie et en agronomie et comment combiner tout ça nous ouvre les portes d'une transition agroécologique, c'est-à-dire d'une agriculture qui produit toujours autant, voire parfois plus, vous verrez pourquoi. mais de manière régénérative, pour les sols, les écosystèmes, la biodiversité, mais aussi la santé humaine. Je vous promets, c'est une véritable masterclass, ça vaut vraiment la peine, donc restez jusqu'au bout. Cet épisode a été réalisé en partenariat avec Sol Capital. Moi c'est Raphaël et je vous souhaite une bonne écoute. Bonjour Marc-André Sélos. Bonjour. Je suis très très content d'avoir l'opportunité de passer un moment avec toi et de discuter d'un sujet que je trouve absolument fascinant qui est la microbiologie du sol.

  • Speaker #1

    Oui, alors c'est à la fois un sujet fascinant et foisonnant parce qu'il y a beaucoup... de microbes dans le sol. On dit souvent qu'un gramme de sol de chez nous, c'est plusieurs milliers d'espèces de bactéries et des millions de cellules de bactéries, bien sûr, parce qu'elles sont toutes petites. Alors pour elles, c'est un truc immense. Un millier d'espèces de champignons, des centaines d'espèces d'amibes. Si on est en surface, des centaines d'espèces d'algues. Et donc, il y a beaucoup de protagonistes. C'est foisonnant le sol et la microbiologie du sol, mais aussi c'est un levier pour penser différemment à la production agricole.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est justement le cœur du podcast, du Deep Seed Podcast. On parle beaucoup d'agriculture régénérative ou d'agroécologie. Et j'essaye vraiment de m'intéresser à tous les aspects de ce sujet-là. J'ai parlé avec beaucoup d'agriculteurs, des experts de différents aspects. Et il y a quand même une pièce super importante de ce puzzle, c'est le sol et la microbiologie qui se passent dans le sol. Donc je suis très content qu'on puisse un peu aller plus en profondeur dans ce sujet-là. J'aimerais bien qu'on commence vraiment par les bases. Et une question peut-être toute simple, qu'est-ce qu'on entend par le sol ?

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs façons de l'approcher. Où se trouve-t-il ? C'est ce qui est entre l'atmosphère et le sous-sol, c'est-à-dire la roche, le substrat géologique. C'est cette Ausha, qui est très mince. Sur des falaises, par exemple, c'est réduit à quelques dixèmes de millimètre. Quand il y a beaucoup d'érosion sur une falaise ou sur une façade, il y a une sorte de micro-sol. Chez nous, dans nos régions, quand on est en surface plane, on est entre 50 cm et 2, 3, 4, 5 cm. 5 mètres pour les plus profonds. Quand on va sous les tropiques, là, en fait, la zone, l'activité physico-chimique est très importante, même en profondeur, et donc on peut aller jusqu'à une centaine de mètres d'épaisseur. N'empêche qu'à l'échelle du globe, c'est rien. Je veux dire si on dessine le globe Théâtre sur une feuille, on ne peut pas voir le sol à cette échelle là. Néanmoins il est vraiment très important parce qu'il est bourré de vie et on peut prendre les choses différemment on peut aussi regarder de quoi est composée cette couche qui entre en atmosphère Et là, on découvre qu'il y a des morceaux de roche, pas inattendu. Il y a de l'air qui rentre dans les trous, voire de l'eau quand il pleut, pas inattendu non plus, vu que l'air est juste au-dessus. Il y a aussi beaucoup de matière organique. Cette matière organique, elle peut être morte. Des restes de feuilles, des restes d'animaux, des restes de racines, des restes de microbes aussi, beaucoup. Et elles restent là pendant parfois des siècles, voire même dans des charnosièmes, les sols si fertiles du sud de la Russie et de l'Ukraine. On peut aller jusqu'à plusieurs millénaires, des dizaines de millénaires. Et puis, une partie de cette matière organique est encore vivante. C'est des microbes, c'est des animaux qu'on se représente souvent, les vers de terre. C'est les racines. Le tiers de la plante est souterraine. Et ça, en pourcentage, ce n'est pas énorme. Ce n'est pas l'essentiel de la matière organique du sol, qui est surtout morte, et c'est peut-être au total 0,1% du volume du sol. Mais non moins, c'est extrêmement actif parce que c'est comme ça que le sol est fait, c'est comme ça que le sol vit, et c'est comme ça qu'il vit, ou plus exactement qu'il se comporte et qu'il a des caractéristiques qui font que les plantes peuvent y pousser et que le sol ne s'érode pas trop vite. Il s'érode toujours un petit peu, mais à peu près à la même vitesse où il se forme en profondeur. au dépend du sous-sol. Donc en fait, quelque part, cette vie, c'est elle qui crée le sol, qui retient les morceaux par des filaments de champignons, des racines. On va revenir sur ces processus, je pense, mais ce qu'il faut bien se représenter, c'est que même si c'est pas grand-chose, la vie, et d'ailleurs, dans les années 50-60, on est sur un sol éponge, où on met de l'eau et des engrais, puis voilà. C'est énorme en termes d'activité. Aujourd'hui, notre vision du sol change complètement. On se rend compte que ce qui fait que le sol est sol, qu'il persiste, qu'il nourrit les plantes. C'est cette vie qui le fait. Et répétons-le, cette vie, elle est très largement microbienne. Et longtemps, il fallait cultiver les microbes pour les identifier, mais on ne savait pas tous les cultiver. On ne savait pas bien quelle était la diversité microbienne. Quand on a commencé à extraire l'ADN du sol, pour décrire les organismes qui sont là, en fond, par leur ADN, on n'a plus besoin de les voir ou de les cultiver pour les identifier. Alors on a découvert de très nombreuses espèces inconnues, mais comme on a leur étiquette ADN, si jamais on les retrouve ailleurs, on dira, bah tiens, c'est ce qu'un tel avait trouvé dans la bourse, telle année, en faisant tel prélèvement. On a des grandes banques de données bourrées d'espèces inconnues, où on est concert péré si on les retrouve. Et en fait on s'est aperçu que, en gros, on connaissait que moins de 1% de la diversité microbienne du sol en espèces, en nombre d'espèces.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui c'est encore le cas ?

  • Speaker #1

    Alors non, maintenant on les connaît toutes par leur ADN. Après on n'a pas forcément pris le temps de les étudier en détail. On peut quand même les étudier parce que leur ADN trahit aussi... leur gène et donc comment elles vivent. Donc on peut anticiper un peu quelle est leur façon de vivre et en quoi elle contribue au processus qui s'opère dans les sols. Mais pour revenir là-dessus, maintenant changeons d'échelle, on compte que, selon les estimations, le quart et 60% des espèces vivantes vivent dans le sol. Donc c'est le haut lieu de la biodiversité. Pas la peine de se représenter un écosystème corallien, pas la peine de se représenter une forêt tropicale. La boue que vous avez sous vos chaussures, c'est beaucoup plus biodivers. Un exemple, il y a un atlas des bactéries du sol de France qui a été fait dans la première décennie de ce millénaire, avec des méthodes qui ont beaucoup évolué depuis, mais des méthodes qui ont quand même révélé... sur 2200 prélèvements distribués dans toute la France et qui ont permis une très jolie cartographie par les collègues de l'INRA de Dijon, ils ont révélé 115 000 espèces de bactéries. Et on sait que les techniques de l'époque, par rapport à ce qu'on peut faire maintenant, ça donnait un dixième des espèces. Donc on a les plus fréquentes et donc cet atlas, il est génial. parce qu'ils nous disent qu'il est vraiment présent et opérationnel. Mais il y en a beaucoup plus. Il y a sans doute un zéro de plus, allez. Un bon million de bactéries, je pense, dans les sols de France, au minimum. Et ça, c'est à comparer ce 115 000 espèces, au moins peut-être dix fois plus, à 600 espèces d'oiseaux. 200 espèces de mammifères, 6 000 espèces de plantes pour la France continentale, puisqu'il n'y a pas la Corse dans ce travail, 40 000 espèces d'insectes. En réalité, c'est énorme ! Ce chiffre nous dit que la diasté est surtout microbienne et qu'elle est surtout dans le sol. Bon, autre chiffre. Quand on prend un hectare de chez nous, le sol de cet hectare, en moyenne, contient 5 tonnes de microbes, 3 tonnes et demie de bactéries, 1 tonne et demie de champignons. 5 tonnes de racines, parce que la plante c'est aussi un habitant du sous-sol, et une tonne et demie d'animaux. On réalise au passage qu'on a une surreprésentation de l'importance de l'animal et du ver de terre dans la vie du sol. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas les vers de terre et qu'ils ne sont pas importants, c'est pas ce que je dis. Bon donc en fait, c'est foisonnant, c'est ce que je disais en introduction, il y a plein de choses. Et c'est super intéressant parce que toutes ces espèces vivent de façon extrêmement différente, et donc dans les sols elles font des choses extrêmement différentes. Mais tu vois, il faut partir de là. C'est la biodiversité, le sol.

  • Speaker #0

    Donc ça, c'est quelque chose qu'on a seulement commencé à comprendre très récemment. À quel point c'était divers, riche et complexe ?

  • Speaker #1

    Oui, quand on a eu l'ADN et qu'on a commencé... Quand les coûts se sont abaissés... les coûts des méthodes ADN se sont baissés et maintenant il y a plein de gens qui font de l'écologie du sol. Il y a eu un regain d'intérêt pour le sol énorme parce qu'on s'est rendu compte qu'il y avait des tas de choses intéressantes à aller comprendre, analyser. Il y a beaucoup plus d'équipes qu'il y a 20 ans qui travaillent sur la vie du sol.

  • Speaker #0

    Est-ce que le problème du sol, ce n'est pas justement qu'il est un peu invisible, qu'il est sous nos pieds, que nous on considère ça un peu comme sale, quelque chose qu'on doit nettoyer ?

  • Speaker #1

    Le problème c'est que le sol c'est un peu à la fois la chose la plus... commune, notre vue est interceptée par le sol la plupart du temps, c'est la surface du sol qu'on voit. On est en étage aujourd'hui, ça compte pas, mais on a souvent les pieds sur le sol, donc il n'y a rien de plus banal. Mais c'est imperscriptable, on ne peut pas voir à travers. Donc déjà, ça aide pas à voir ce qu'il y a dedans. Et de toute façon, beaucoup de choses sont trop petites. Je parlais de microbes. Mettons des échelles, les bactéries, leurs cellules font un millième de millimètre. Pas visible. Les champignons sont faits de filaments assez fins. 10 millième de millimètre. C'est marrant d'ailleurs parce qu'il y a différentes façons d'être un microbe, il y a des échelles différentes. Ça non plus, ça ne se voit pas. Il y a aussi les amibes. Alors les amibes, ça ne se voit pas du tout. C'est des espèces de grosses cellules qui se déforment, qui se déplacent en se déformant et puis qui... des fois avalent des bactéries ou de la nourriture, toujours en se déformant. On connaît les plus grosses d'ailleurs de façon amusante sous le nom de blob. Beaucoup de gens connaissent les blobs, mais c'est l'anecdote, les blobs sont visibles à la vue nue, mais c'est l'exception parmi les amibes, la plupart ne sont pas visibles à la vue. Il y a aussi les virus qui sont encore plus petits que les bactéries, au moins dix fois plus petits que les bactéries. Et alors eux, ils sont tellement petits qu'ils ne peuvent rien se passer dedans. Il y a juste l'information génétique et c'est tout. Donc ils parasitent les cellules des autres. On n'a aucune idée exacte de combien il y a de virus dans le sol, mais on peut penser que chaque espèce vivant dans le sol a... 5 à 10 virus.

  • Speaker #0

    Donc 5 à 10 fois plus de virus que de viques.

  • Speaker #1

    Donc il y a 5 à 10 fois plus d'espèces de virus que d'espèces de tout autre chose. Alors on ne les connaît pas bien parce que là on ne sait pas, même avec l'ADN, les méthodes ne sont pas encore vraiment routinières. Donc on peut regarder tous les virus qu'il y a dans un sol, mais c'est dur à faire. Et donc les virus, c'est un peu la boîte noire. On sait qu'il y en a énormément, ils font sans doute des choses très importantes, mais on ne sait pas lesquelles. Donc, Oui, donc dans cette vie-là, effectivement, il y a surtout du microbe. Ah oui, mais c'est ça, pourquoi on ne l'a pas vu le sol ? On ne l'a pas vu parce que même s'il était transparent, c'est trop petit. C'est trop petit pour être visible, les agents du sol. Même si on voit les racines et les vers de terre, et qui ne sont pas pour rien dans la façon dont fonctionne le sol. Et puis, il y a aussi un problème culturel. C'est sale qu'on dit qu'on va s'enterrer quelque part, qu'on traite quelqu'un de cutéreux. Ce n'est pas bien valorisant. Et peut-être que c'est parce que là, c'est dans le sol qu'on met nos déchets et nos morts. Peut-être que c'est ça. C'est dans le sol qu'on fait pipi et caca, historiquement. Donc, il est bien possible qu'il y ait des bonnes raisons à ça. Mais en tout cas, culturellement, il n'y a pas d'intérêt. Alors, il y a un regain d'intérêt, mais c'est un regain spécialisé. Dans la rue, les gens ne se rendent pas compte que bien avant... que d'acheter bio ou bon pour leur santé, ils devraient se préoccuper de savoir est-ce que la façon dont le sol est traité, et c'est relativement indépendant de la question de savoir si c'est bon pour la santé et si c'est bio, est-ce que le sol est bien traité et d'une façon durable ? Oui, parce que l'autre chose aussi qu'il faut dire dans notre intimité avec le sol, c'est que tout ton phosphate, tout ton potassium, tout ton calcium, tout ton magnésium, tout ton fer, tout ton bord, tout ton... souffre. À part le carbone qui vient de l'atmosphère, par le biais de la... la photosynthèse, tous les constituants viennent du sol. Et je dis souvent que le sol est le placental de l'humanité parce que non seulement, effectivement, la nourriture vient de là, les plantes ont poussé là, les animaux qui broutent dessus, voilà. S'il y a des poissons et des algues en mer, c'est parce que les fleuves amènent un peu de fertilité des sols. Les eaux ont circulé dans les sols avant d'arriver dans les rivières. Et elles emmènent un peu de fertilité. Mais on pêche que sur le littoral, au milieu de l'océan, il n'y a pas de fertilité, il n'y a rien qui pousse. C'est pour ça que les pêcheurs bretons se battent pour l'accès aux eaux britanniques.

  • Speaker #0

    Tout vient du sol. Tout ce qui nous constitue, tout ce qui passe par nous.

  • Speaker #1

    Tu manges du poisson et des algues, ça vient quand même du sol. Donc, c'est la première chose. Et deuxièmement, l'eau, où est-ce qu'elle tombe ? Elle tombe dans le sol. Et normalement, le sol, d'ailleurs, la nettoie. C'est-à-dire qu'il filtre les particules, il détruit toutes les molécules qu'il peut avoir dans la goutte d'eau, notamment toutes les molécules qui viennent de... les molécules volatiles qui émettent les plantes. Bref, le sol, c'est aussi de là que vient l'eau. Donc, ce n'est pas faux de dire que c'est le placenta de l'humanité. Et c'est vraiment le placenta de l'humanité parce que personne n'a vraiment vu son placenta. et tout le monde s'en fout et personne ne voit le sol et tout le monde s'en fout. Donc c'est aussi le placenta dans la dimension de représentation, c'est le grand absent.

  • Speaker #0

    C'est intéressant comme image ça.

  • Speaker #1

    Mais c'est pas qu'une image provocante, c'est le placenta. Tu n'y coupes pas. Alors après tu te dis, tiens, je peux peut-être pas mettre n'importe quoi dans le sol finalement.

  • Speaker #0

    Tu as écrit un livre qui parle des sols en profondeur. C'est écrit de manière assez abordable, accessible pour des gens comme moi qui... découvre ces sujets assez récents, mais c'est quand même assez complet, assez dense.

  • Speaker #1

    Oui, ça fait 250 pages. Bon, il y a quelques dessins humoristiques quand même. Oui, il y a pas mal de dessins. Nous, Raphaël Lian a fait un joli travail d'illustration humoristique. Et puis, les gens sont pris par la main. Mais non, moi, il faut avoir envie de connaître le sol, oui.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est ça. Mais le livre s'appelle L'origine du monde.

  • Speaker #1

    Une histoire naturelle du sol à l'intention de ceux qui le piétinent.

  • Speaker #0

    C'est ça le titre ?

  • Speaker #1

    C'est le sous-titre. Le sous-titre est plus explicite. L'origine du monde, c'est une blague parce qu'il y a un tableau qui est connu. Mais enfin, le sol, c'est bien l'origine du monde parce qu'on en reparlera aussi. Il a des rôles aussi dans le climat. Je mentionnais le cycle de l'eau, la fertilité de l'océan. C'est compliqué, cette histoire-là. Il fait vraiment pas mal de choses, le sol. Mais donc, revenons à ça. On l'a décliné avec un dessinateur belge talentueux en une BD qui s'appelle Souterre, qui est paru chez Dargaud alors que... L'origine du monde est parue chez Actes Sud. Et Souterre, là, c'est historié, c'est pour les plus jeunes, c'est plus court. Il y a moins de choses, ça rentre moins dans le détail, mais il y en a pour tous les goûts. Et puis, j'ai fait plein de vidéos aussi, de conférences filmées, ce podcast où on est ensemble. L'idée, c'est de faire des formats à l'usage de tous les auditoires, car il n'y a aucun auditoire qui ne puisse s'exempter de savoir ce que c'est que le sol.

  • Speaker #0

    Absolument. La question que j'allais poser c'était, pourquoi l'origine du monde quand on parle du sol ?

  • Speaker #1

    Tu as vu là, on disait que finalement la fertilité de l'océan elle vient du sol. L'eau si elle est retenue sur terre, c'est qu'il y a ce sol poreux qui la retient, et qui va à la fois écrêter les pluies intenses, alors ça ne marche pas toujours, mais dans les inondations qu'on a eues ces derniers temps en Europe, On s'aperçoit quand même que c'est des régions agricoles où les sols sont un peu abîmés dans leur capacité à être poreux et à retenir l'eau. Et à se retenir quand il pleut beaucoup. D'ailleurs, les inondations à Valence, quand tu vois les gens avec leur raclette qui pousse, c'est de la boue qui pousse, pas de l'eau. C'est donc du sol qui ne s'est pas tenu. Donc, les sols permettent de retenir l'eau, d'éviter que les rivières rentrent trop facilement en cru quand il pleut. Par contre, ils se ré-essuient dans les rivières, nourrissent lentement la rivière en emmenant aussi plein de sels minéraux. au passage entre deux pluies, donc il y a des rivières permanentes. C'est ça qui fait des rivières. C'est ça qui fait des réserves en eau qui font que les plants poussent. Donc, tu vois, ça joue sur le cycle de l'eau. Et parce que dans le désert, quand il pleut, il n'y a pas de sol, l'eau, elle ruisselle. Et alors, paradoxalement, dans le désert, elle ruisselle tellement vite qu'il n'y a que 20% de l'eau. Il ne pleut pas souvent dans le désert, d'accord, mais quand il pleut, il n'y a que 20% de l'eau qui a le temps de s'évaporer. Tout part en ruissellement. Chez nous, c'est l'inverse. 60 à 80% de l'eau est évaporée lentement par les plantes qui montent leur sève à partir du sol, et il n'y en a que 20% qui partent par ruissellement. fait un cycle de l'eau équilibré, où il y a des plantes, où il y a des rivières quand même, enfin voilà. Donc ça fait le cycle de l'eau, on y reviendra, mais c'est un des agents de l'effet de serre, le sol, c'est ce qui rend la planète vivable. On rappelle que sans effet de serre, il ferait moins 50 degrés. Mais la façon dont on l'a géré aujourd'hui fait que le sol contribue à chauffer plus de temps.

  • Speaker #0

    Ça me faisait penser au fait que les...

  • Speaker #1

    Et surtout, demain, le sol, il pourrait permettre de stocker du carbone et donc de refaire un climat plus correct. Quand tu mets de la matière organique dans le sol, j'ai dit tout à l'heure, la matière organique, elle est là pour 10, 100, 1000, voire plus ans. D'accord ? Ça fait des stocks de carbone. Mettre du carbone dans le sol, c'est comme planter une forêt. Ça stocke du carbone et c'est bon pour le climat. Donc, tu vois, le sol, il est entre tes mains. Si tu le laboures, tu l'oxygènes, il y a des bactéries qui respirent comme des dingues, tu perds ta matière organique et il y met plus de CO2. Tant pire la question climatique. Si tu mets des nitrates sur un sol humide, voire un sol que tu irrigues, il y a certaines bactéries qui, faute d'oxygène dans le sol parce que c'est humide, elles vont respirer avec le nitrate et faire du protoxyde d'azote. C'est un gaz à effet de serre qui est 230 fois plus important en effet de serre, plus efficace que le CO2. Si ton sol est inondé, on pense à la résiculture par exemple. Ton sol, il y a des bactéries qui vont respirer au CO2. C'est une respiration bizarre, mais les respirations sans oxygène, nous on ne connaît pas bien. Toi et moi, on pense qu'il faut de l'oxygène pour respirer. Non, il faut un oxydant. Ça peut être du nitrate, ça fait du protoxyde d'azote. Ça peut être du CO2, ça fait du méthane. Les bactéries qui respirent au CO2 et qui font du méthane, tu les connais parce que c'est celles qu'il y a dans les méthaniseurs. C'est elles qui font le méthane. Bon, le méthane, c'est 50 fois plus efficace que le CO2. Donc toi, quand tu irrigues... Et où tu mets des engrais minéraux avec du nitrate et où, que tu labours, tu augmentes l'effet de serre. Alors qu'en fait, si tu mettais tes engrais sous forme organique, si tu amenais plein de déchets organiques, par exemple ceux des poubelles dans nos sociétés, toi et moi, on fait 100 kilos de déchets organiques par an. Si on met ça bien trié dans le sol, ça amène des matières organiques, c'est bon pour le climat.

  • Speaker #0

    Pour le climat, oui.

  • Speaker #1

    Oui, parce que tout le carbone qui est là, au lieu d'être brûlé tout de suite ou respiré tout de suite, quand tu mets ça dans un sol vivant, tu as des vers de terre qui l'enfouissent sous leur déjection et ça va rester 10, 100, 1000 ans. Voilà, comme si tu avais une forêt. Sauf que quand tu as planté une forêt, tes enfants ne peuvent pas. Faire autre chose que de la garder, puisqu'elle est devenue le stock de carbone. Avec l'arbre, c'est les vacances de Mamytruc au Bangladesh, je ne sais pas s'il y a les arbres au Bangladesh en Thaïlande, le petit arbuste, c'est les voyages de Marc-André pour aller dire qu'il faut s'occuper du climat. Ok, ces arbres, tu dois les garder. Et donc, tu n'as plus la maîtrise du paysage. Alors que si tu as remis de la matière organique dans les sols, c'est très bon pour les sols, la matière organique morte. Parce que ça les stabilise, ça les colle, donc ça lutte contre l'érosion, ça nourrit les microbes qu'il y a dedans. Et d'ailleurs, ils vont lentement la dégrader, mais lentement, on relâche l'azote et le phosphate. Donc c'est fertilisant. En plus, ça retient l'eau, donc ça fait des sols qui sont plus à même de retenir l'eau. Tu vois le truc, avec les étés secs qu'on a en ce moment. Et c'est bon pour le climat. Enfin, bon voilà. remettre de l'agriculture dans le sol, c'est génial. Et puis la dernière chose que tu peux faire, c'est au lieu d'avoir un paysage complètement brun, avec du sol nu en hiver, tu plantes des cultures intermédiaires qui vont pousser, poussoter pendant l'hiver lui-même, mais bien pousser en automne, et tu broies tout ça au sol, et ça te fait de la matière agronique produite sur place. Tu peux en tirer 0,1 à 10 tonnes de carbone par hectare, et là, tu vas demander des crédits carbone.

  • Speaker #0

    Ouais,

  • Speaker #1

    ouais. Et c'est cette idée d'une agriculture qui serait multifonctionnelle et payée pour ses autres fonctions. Parce que, voilà, donc le sol, tu vois, en bien, en mal, il fait le climat. C'est vraiment l'origine du monde. Tout ce qu'il y a à bouffer, ça vient de là même quand c'est dans l'océan, ça régule le cycle de l'eau, ça régule le climat. Qu'est-ce qu'il reste à faire après ? Juste en jouir, pour autant que les sols continuent à le faire, parce que s'ils se dégradent, ils ne le font plus, et là... On compte que déjà dans le monde, 60 millions de personnes ont des conditions de vie dégradées parce que leurs sols ne sont pas en bonne santé. Et on pense qu'à l'horizon 2060-70, ce sera... probablement 3 à 4 milliards de gens, ce sont des chiffres onusiens, dont la vie sera altérée, voire même qu'ils devront migrer, parce que leurs sols sont dégradés, par l'érosion, par la salinisation, par un excès de pesticides, ça c'est à la maison, parce que nous la salinisation ça va, l'érosion ça va pas très bien, mais enfin c'est pas l'horreur, 98% des sols de France par exemple sont pollués par les pesticides. Donc si tu veux, à un moment, tu te dis, oui bon, c'est l'origine du monde, et ce sera l'origine d'un monde pourri, éventuellement aussi. Il y aura toujours un monde, il y aura toujours des trucs qui vivront, il y aura toujours des microbes dans le sol, même s'ils sont hyper pollués. Mais ils ne feront pas forcément le taf pour qu'on produise des carottes.

  • Speaker #0

    L'image que j'avais eue, c'était celle du fait que les plantes, les espèces vivantes, la microbiologie du sol, tout ça a co-évolué ensemble. Et que du coup, tout ça est lié de manière carrément intrinsèque. Et qu'il y a des symbioses que je trouve extrêmement intéressantes entre justement les plantes et ce microbiote du sol.

  • Speaker #1

    Moi, je suis venu au sol et à la plante d'ailleurs, parce que je suis mycologue et notamment, je me suis intéressé aux champignons qui s'associent aux racines des plantes. Ce n'est pas des parasites, comme tu vois les rhizoctonia, les rouilles ou les mildiou. Ce ne sont pas des décomposeurs de matières organiques mortes. Il y en a un, les décomposeurs de matières organiques mortes. C'est ceux qu'on sait bien cultiver. Tu vois, champignons de Paris, shiitake, pleurotes. Ce ne sont pas des décomposeurs de matières mortes. Ce sont des champignons qui vont se nourrir en sucre sur les racines, mais ils ne les abîment pas. En échange, ils ramènent de l'eau et des sels minéraux qui vont capter dans un volume de sol plus étendu. Le contact avec le sol est augmenté d'un facteur 10 000 par le champignon par rapport au contact sol-racine. Et donc, il exploite beaucoup mieux le sol et notamment toutes ces substances comme le phosphore ou le fer qui ne circulent pas. au contact. En échange la plante donne du sucre, mais ça coûte beaucoup moins cher de faire des filaments de champignon qu'une racine, ça coûte 100 fois moins cher. Donc c'est une espèce de sous-traitance pour aller faire les courses, qui a une rentabilité en terme de contact avec le sol ramené au coup carbone d'un million de fois. 10 000 fois plus de surface de contact, en fois moins de carbone pour faire les filaments qu'une racine. C'est énorme.

  • Speaker #0

    La plante investie dans ces systèmes-là ?

  • Speaker #1

    L'eau, elle sort nouvelle, elle circule, les eaux littorales au moins sont assez riches. Le problème du sol, c'est que c'est très dilué. Les plantes, en fait, sont sorties des... Ce sont des algues qui sont devenues terrestres, elles n'avaient pas de racines. Et on sait très bien qu'il y a 400 millions d'années, les premières plantes n'ont pas de racines, mais elles ont déjà des champignons associés à des tiges rampantes. Et elles forment, c'est Christine Sreludérien qui travaille dans mon équipe, qui travaille beaucoup sur ces fossiles-là, et on voit très bien qu'en fait les racines apparaissent comme une façon d'héberger plus de champignons. C'est leur première fonction, racines, ça a été ça. Alors maintenant il y a quelques plantes qui vivent dans des milieux riches, ou des milieux pionniers où il n'y a pas de champignons, notamment les crucifères, famille du chou, qui elles n'ont pas... de mycorhizes parce que dans ces conditions écologiques, soit il n'y a pas de champignons, soit il n'y a pas besoin de champignons parce que le sol est riche. Mais en revanche, 90% des plantes, elles ont toujours ces associations qu'on appelle les mycorhizes, myco-champignons-ryza, la racine. Et ce que toi tu appelles une racine quand tu déterres une plante, en fait, il y a du champignon dedans, c'est tout à fait normal, et le champignon aide la plante à se nourrir. protège la racine. Ce qui n'est pas un grand altruisme, il protège son garde-manger. C'est tout. Et donc, dans l'évolution, plus un champignon protège les racines, plus un champignon qui fait des mycorhizes protège des racines, plus il a de descendants parce qu'il protège sa source de nourriture. Donc, c'est méca... cette histoire là. Donc c'est un peu la protection et l'alimentation et ça, ça a commencé dès le début puisque les ancêtres des plantes étaient des algues qui n'avaient pas de racines.

  • Speaker #0

    Donc on a cette relation qui date de centaines de millions d'années entre une plante qui a besoin de trouver des nutriments dans le sol, de l'eau,

  • Speaker #1

    des choses comme ça.

  • Speaker #0

    Et de l'autre côté, on a des champignons qui eux ont besoin du... du sucre, du carbone produit par la plante, et en fait les deux se complètent. Voilà,

  • Speaker #1

    alors ils se complètent, après tous les couples ne marchent pas, et c'est très important non pas de se prespider à inoculer une souche du commerce dans n'importe quel champ, mais toujours d'inoculer plusieurs souches, ou mieux de ne pas inoculer, mais d'avoir des processus qui protègent ces champignons, on va y revenir, des processus qui protègent ces champignons de façon à ce que la plante puisse choisir ses partenaires parmi tous les champignons capables de faire des mycorhizes qui traînent autour d'elle. On sait très bien que les plantes discriminent, elles établissent des mycorhizes avec tout, et puis... si elles obtiennent les choses dont elles ont besoin, elles continuent à donner du sucre, sinon elles interrompent l'interaction. C'est juste des mécanismes physiologiques. Donc il faut laisser le choix aux plantes, il ne faut pas vouloir inoculer, il faut laisser le choix aux plantes, et de toute façon, même si tu inocules, tu ne t'exonères pas de deux choses qui vont permettre d'entretenir ces champignons. Un, tu ne laboures pas, parce que si tu laboures, tu fous en l'air le réseau de filaments, donc tu n'as plus que l'espoir pour refaire des mycorhizes. Et puis deux, Tu couvres toujours ton sol. Voilà une deuxième raison d'avoir des intercultures, même si elles ne sont que techniques. Tu couvres toujours ton sol de végétation qui pousse et qui va nourrir ses champignons. Parce que si ton sol est brun en hiver, il meurt tous et il ne reste que des spores. Et donc au moment où tu vas replanter, la plantule va avec ses racines provoquer la germination des spores qui vont se connecter à la racine et puis commencer à... au dépens de ta jeune plantule qui n'a pas encore beaucoup de moyens photosynthétiques, commencer à refaire des filaments pour explorer le sol. Tu n'hérites pas du réseau. Tu n'hérites du réseau que si tu ne perturbes pas le sol, ni la bourre ni le travail du sol, et dès la surface, ceci, et si tu as une couverture végétale permanente. Alors évidemment, on ne peut pas... Si tu fais des carottes, tu vas perturber le sol. Si tu fais des patates, tu vas perturber le sol, c'est sûr. Le simple fait de récolter fait qu'il y a un moment transitoire où il n'y a pas beaucoup de végétation. Mais il faut minimiser ces deux choses. Et alors il y a plein d'autres raisons d'ailleurs dans la vie du sol de minimiser le labour. Je disais tout à l'heure que ça aide à la respiration de certaines bactéries qui survivent au labour et que ça déstocke du carbone, donc ça on ne veut pas. Première chose. Et puis deuxièmement, couvrir de végétation, on l'a dit aussi tout à l'heure, ça servait au cycle du carbone. Donc tu vois que là en fait il y a des bonnes solutions qui cochent plusieurs cases.

  • Speaker #0

    Oui, je voudrais justement qu'on s'attarde un peu là-dessus, sur toutes ces solutions. Et en fait, peut-être que pour commencer, on pourrait parler de ce qu'on appelle l'agriculture conventionnelle. Expliquer un peu, qu'est-ce que c'est en fait l'agriculture conventionnelle ?

  • Speaker #1

    Sans faire d'agribashing.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important.

  • Speaker #1

    L'agriculture conventionnelle, c'est quelque chose qui a permis de régulariser l'approvisionnement nutritionnel de toute la population. Au 19ème, il y avait une famine tous les 5 à 10 ans, enfin une disette au moins, sinon une famine. Et tu vois, quand tu es au milieu de la pomme de terre, par exemple, en Irlande, ils ne mangeaient que ça parce qu'ils en faisaient plusieurs récoltes par an. Et puis, c'est assez riche en protéines. C'était plutôt équilibré. C'était plus de 90% de leur ration alimentaire. Du jour au lendemain, il y a eu un million de morts et deux millions d'émigrés. Donc, il y a eu des catastrophes qu'on n'a plus maintenant grâce aux engrais et aux pesticides. Donc, l'agriculture conventionnelle, c'est celle qui a permis de nourrir l'humanité quantitativement. Sauf qu'on voit aujourd'hui les limites de ça. Tu vois, en fait on voit les limites parce qu'on commence... Ces limites reviennent à voir plus loin que ton objectif immédiat, mais à voir un monde en réseau et en interaction, et vraiment avoir un œil d'écologie au sens scientifique. Parce que ta plante est malade, tu lui fiches des pesticides, elle est guérie. C'est peut-être qu'elle y a des charges. Mais après, tu t'aperçois que ça finit par s'accumuler dans le sol tellement que le sol n'arrive plus à purifier ça. Bien qu'on pense que le sol est capable de dégrader un peu plus de 80% des pesticides qui arrivent au sol. Mais il y en a tellement qui vont rester dans le sol sous forme de résidus qui seront plutôt stables et qu'il y en a qui vont partir dans l'eau. Respectivement, 7% qui restent dans le sol et 10% qui partent dans l'eau. Ça ne fait pas 100% le total parce qu'il y a des marges d'incertitude dans cette histoire-là. Donc, si tu veux, tu commences à polluer l'eau, polluer les aliments, parce que celui qui le mange, il va avoir des azides pesticides, polluer la vie des agriculteurs, parce qu'on sait très bien qu'il y a des cancers agricoles qui sont très particuliers, qu'on ne retrouve pas dans la population, sauf chez les voisins des champs. et qui correspondent aux pesticides, et puis que ça abîme la vie des sols aussi finalement. Donc si tu dézoomes, c'est d'abord ça que ta solution n'est pas si bonne. C'est pareil pour les engrais. Ça amène à manger la plante, elle pousse mieux. C'est bien, mais si tu dézoomes, ça ne marche pas très bien. tu vas avoir des engrais qui vont passer dans l'eau ils suivent le chemin que je te disais qu'une partie de la fertilité des sols passe dans les rivières et arrive à la mer, c'est ce qui fait des proliférations d'algues vertes sur le littoral breton c'est ce qui fait que les engrais du Brésil finissent dans la mer des Sargasses et la font pousser plus que jamais Elle est plus grosse qu'elle n'a jamais été. Il y a des lambeaux qui vont s'échouer dans les Caraïbes. Et ça, ça fait les marées d'algues brunes qu'on a dans les Caraïbes. Ailleurs, dans la baie de Fundaï, c'est des marées d'algues rouges. Alors tu vois, tu as le choix de la couleur, mais pas de la nuisance. Ça émet du H2S qui est très toxique pour la santé des riverains. Donc, tu vois, les engrais, tu vas les retrouver partout. En plus, quand la plante a des engrais, elle licencie le champignon. Elle a plein d'azote, plein de phosphate, elle n'a plus besoin du champignon. Or, je te rappelle qu'elle ne maintient l'interaction que s'il lui arrive quelque chose dont elle a besoin par le champignon. Donc, plus de champignon, ah oui, mais alors du coup, plus de protection des racines, donc état phytosanitaire moins bon. Donc, il va falloir remettre des pesticides. Donc si tu veux, à la fois ces engrais, on va les retrouver partout et c'est pas bon. En plus, le problème des engrais, c'est qu'il y a aussi un coût de production et de transport. Ça demande beaucoup d'énergie et souvent, ça fait des gaz à effet de serre. Et puis, il y a du cadmium qui contient le phosphate.

  • Speaker #0

    qu'on retrouve dans les sols, dans les plantes et dans les animaux qui viennent sur ces sols. Donc dans l'homme, en France par exemple, la moitié des gens sont en surcontamination de cadmium, ça fait des cancers du pancréas, ça fait des dysfonctionnements hépatiques et rénaux. Le cancer du pancréas c'est plus 3% par an en France. C'est une montée catastrophique. Et puis la mortalité s'est pas tellement réduite ces dernières années, on sait pas le traiter ce cancer là, pas bien. Et puis ça provoque de l'esthéoporose parce que ça empêche l'ossification et on pense que... 30% des symptômes de stéoporose en Europe sont liés au cadmium. Donc tu vois, quand tu dézoomes, il y a des effets qu'on ne veut plus. Donc cette agriculture a sauvé le monde et ceux qui l'ont inventé étaient des héros. Il faut le dire, il ne faut pas faire d'agribashing. Mais maintenant, il faut qu'on bouge et il faut qu'on gère la qualité dont on découvre qu'en fait, elle n'est pas au rendez-vous. Qualité pour l'environnement mais avant tout, disons-le, pour la santé humaine. Tu vois, le cadmium, le H2S, les résidus de pesticides, agriculteurs ou pas, on parle de la santé des gens. C'est important ça. Parce que moi je sais très bien que si tu dis aux gens il faut protéger la nature, il faut protéger les petits oiseaux, ils en s'en foutent. Le problème c'est qu'en fait c'est l'homme qu'on protège ainsi. Je te prends un exemple. Parce que, tu vois... On dit souvent, c'est bon pour la planète, c'est bon pour la nature. On s'en branle. Et d'ailleurs, j'insiste très lourdement, je ne vais pas utiliser ce mot pour rien. La planète, tu bazardes des tas de pesticides, des tas de métaux lourds. Tu auras toujours une vie résistante aux pesticides et aux métaux lourds. Nous, ça va être chaud. Mais la planète, ça va, merci, on en a vu d'autres. On a vu d'autres. Elle s'est pris des météorites dans la gueule, elle s'est pris l'invention de la photosynthèse qui a tout ratiboisé pour presque un milliard d'années. C'était il y a deux milliards d'années, bon, depuis on s'en est remis. La preuve c'est que le problème de la photosynthèse c'était l'invention de l'oxygène, tu vois, qui était très toxique parce que ça n'existait pas à l'époque. Il y a 2 milliards d'années, cet oxygène va intoxiquer puissamment le milieu, rendre le fer indisponible, empêcher la fixation d'azote. Et ça va être... Pendant un milliard d'années, on a très peu de fossiles et pas d'évolution visible. Puis à la fin, on s'en sort quand même et c'est nos ancêtres notamment qui non seulement tolèrent l'oxygène, mais en plus ils s'en sauvent pour respirer. Bon, donc moi je suis inquiet pour la planète, je suis inquiet pour mes enfants. Et quand je dis que je suis inquiet pour mes enfants, je vais maintenant me replaquer sur un exemple. américain, paru le 6 septembre dernier dans la revue Science. Ça fait froid dans le dos, ce truc-là. Il y a une maladie des chauves-souris qui s'introduit là-bas. Tu vas me dire, ok, chauves-souris, c'est dommage parce que c'est sympa, mais on s'en fout. Non, en fait, les chauves-souris mangent des insectes. Alors, il y a des comtés aux Etats-Unis où il y a encore des chauves-souris, puis des comtés où il n'y a plus de chauves-souris parce qu'elles sont mortes, cette maladie, c'est un champignon introduit d'Europe. Le géomycèse. Peu importe. Dans les comtés où il n'y a plus de chauves-souris, l'utilisation des pesticides a fait un saut de 31%. 31% de pesticides en plus. Et c'est surtout des insecticides. Pourquoi ? Parce qu'il y a beaucoup plus de maladies qui passent. Les chauves-souris ne font plus leur boulot de becqueter les ravageurs des cultures. Enfin, elles ne becquent pas. Elles mâchent, elles, elles n'ont pas de bec. Mais le pire est à venir. Dans les comtés en question, la mortalité infantile a monté de 8%. Elle a augmenté de 8%. Pourquoi ? Quand tu regardes, c'est des maladies métaboliques, des cancers, des leucémies, des choses comme ça. Parce que c'est toxique les produits qu'on utilise en remplacement des chauves-souris. Donc tu te dis que défendre les chauves-souris, c'est pas défendre les chauves-souris, c'est défendre les enfants contre des cancers. Voilà, il faut poser les choses sur la table. Et donc moi je fais pas d'agribashing parce que les agriculteurs ils font que... ce qu'on leur dit de faire. Et ils font aussi ce qu'on achète. Donc dès lors que les gens achètent n'importe quoi, sans se demander est-ce que ça a été produit d'une façon qui n'utilise pas trop de chimie de synthèse, genre une nourriture bio, est-ce que ça a été fait d'une façon qui respecte le sol, par exemple les agriculteurs... non labourées. Les gens, ils s'en foutent de ça. Et quelque part, le bilan, c'est pas que ça abîme la nature, c'est que ça abîme leurs enfants, tu vois, et la capacité de transmettre un monde qui marche. Donc on est juste là-dedans. Et donc, je fais pas la ribaching parce que les agriculteurs, au fond, ils ont raison de continuer à produire comme ça, puisqu'il y a une demande. Et que les gens se servent pas de leur carte bleue et de leur carte d'électeur pour respectivement choisir des choses vertueuses et encourager le financement de la transition vers des choses vertueuses. Les agriculteurs, ils ont... Ils n'ont pas à faire bien contre vent et marée. Si tu veux que l'agriculture fasse aussi le cycle de l'eau correctement, le climat correctement, la santé des gens correctement, et le paysage, il y a un prix. Ce n'est pas payé, les agriculteurs ont bien raison de ne pas se faire chier à faire ça. Et d'ailleurs, ce qui est assez intéressant, c'est que le bio est tiré par une demande. C'est un peu plus cher. C'est moins cher qu'on croit, parce qu'il y a quand même des intermédiaires qui se sucrent. Le surcoût du bio est de quelques pourcents à la production et il est de plus de 10-15% chez le marchand. Bon, mais le bio il est tiré par la demande, mais l'agriculture non labourée elle est pas tirée par la demande, elle est tirée par le fait que les agriculteurs se rendent compte qu'en labourant plus maintenant, les sols sont tellement endommagés par le labour que tu remontes ta réserve en eau, tu remontes ta porosité, tu remontes le drainage, donc tu peux rentrer plus souvent dans ta parcelle, comme il y a plus de matière organique, t'as plus de vie et donc cette vie elle fait des trous, donc c'est tabou. plus de porosité, et la matière unique est plus stable, donc tu stockes du carbone. Là, dans ces cas-là, c'est vraiment la pratique qui guide l'augmentation de la surface en agriculture non labourée. qui est que de 4-5% en Europe, c'est pas énorme, mais ça augmente de soi-même. Mais en fait, ça pourrait augmenter beaucoup plus vite s'il y avait une aide. Et pour le bio, là, ça réduit un peu les rendements, donc un peu ou beaucoup, ça dépend de ce que tu produis. Et des choses, ça ne le réduit pas. Les céréales, on est plutôt vers... 40% de réduction de rendement, il faut une incitation, il faut que ce soit tiré par le marché. Le marché tire un peu mais pas beaucoup, donc on est 10%, on a une surface en bio à 10%. L'agriculteur, de toute façon, le marché ne tire pas mais la solution technique est intéressante, on est à 4%. Et puis, il y en a 80% de gens qui ne bougent pas et je vais te dire, ils ont raison de ne pas bouger. Ils ne sont pas sûrs que leurs produits seront achetés s'ils sont plus chers, ils n'ont pas d'aide à la conversion. Parce que quand tu ne la bourres pas, il faut changer de semoir. Ce n'est pas le même semoir pour semi-direct. C'est un coût, en plus comme il y a peu de gens qui utilisent ces semoires-là, les coûts de production sont très peu amortis, il n'y a pas d'économie d'échelle, donc ils sont chers les semoires. Donc je répète, je ne fais pas d'agribashing, je dis qu'il faut absolument changer de toute urgence, mais c'est dans la tête des citoyens qu'il faut que la conscience de ça prenne forme. Tu vois, parce que les agriculteurs ne vont pas faire ça tout seuls. Si on veut avoir la santé, le paysage, le cycle de l'eau, le climat pour le prix de la bouffe, ça ne marchera pas, il faut payer un peu plus.

  • Speaker #1

    Je fais vite une mini pause pour vous parler du partenaire officiel du podcast, Soil Capital. Soil Capital, c'est une entreprise qui encourage la transition vers l'agriculture régénérative et ils font ça en récompensant financièrement les agriculteurs qui améliorent la santé des sols. C'est une entreprise que je trouve géniale. Perso, moi je suis un grand fan, j'adore ce qu'ils font et je suis très fier d'être en partenariat avec eux pour ce podcast. Donc là, on parle beaucoup de la responsabilité des consommateurs.

  • Speaker #0

    Bah oui. On essaie d'expliquer, toi dans ton podcast, moi dans mes livres, pourquoi ils sont aussi impliqués.

  • Speaker #1

    Il y a aussi les industriels, qui peut-être commencent à se rendre compte aussi que leur chaîne d'affaires approvisionnement est menacé, que peut-être qu'ils peuvent produire.

  • Speaker #0

    Oui, mais tu vois, ils encouragent plus le statu quo. Aujourd'hui, avec des étés de plus en plus secs, on compte pour la façade atlantique que il pleuvra autant en 2080, mais il y aura 40% de pluie estivale en moins. avec une méditerranéisation du climat et de fortes pluies printanières, mais surtout automnales. On le voit déjà, les épisodes Selvenol en France, maintenant, ils remontent bien au-delà de Clermont-Ferrand. Alors que ces intenses pluies d'automne étaient d'habitude Sévenol, d'où le nom de pluie Sévenol. Et donc, dans cette perspective, il faut s'adapter un peu au changement climatique, il faudrait surtout arrêter le changement climatique, n'est-ce pas ? Mais il faut au moins s'adapter. Et en fait, on ne se dit pas... pu faire de maïs et on va essayer de faire du sorgho. On va faire des bassines pour faire du maïs. On peut examiner l'idée de faire des bassines pour retenir l'eau. Il y a des endroits où ça marche, d'autres où ce n'est pas une bonne idée parce que ça appauvrit l'aval. On ne va pas rentrer dans le détail, mais il y a bassines et bassines. Mais surtout, le truc, les bassines, c'est pour continuer à faire la même chose. Alors que c'est pas ça qu'il faut faire, il faut changer. Mais c'est vrai qu'en aval, il y a une agroalimentaire qui a besoin de faire rentrer du maïs à tel endroit, des patates à tel autre endroit et qui diminue encore la flexibilité du système. Ça, c'est sûr. Ça c'est sûr. Et quelque part, les agro-industries aident les agriculteurs à demander à ce qu'il n'y ait pas de changement, à ce qu'il n'y ait pas de restriction sur les pesticides, en tout cas en France c'est comme ça, parce qu'en fait, pour elles, c'est la façon d'être sûre qu'ils rentreraient encore, quantitativement, la qualité n'est pas au rendez-vous bien sûr, mais qu'ils rentreraient quantitativement ce dont elles ont besoin pour les usines où elles sont implantées.

  • Speaker #1

    Mais ils sont sûrs que ça va continuer à fonctionner ?

  • Speaker #0

    Mais non, mais c'est évident que ça va pas continuer à fonctionner, c'est évident, le climat change, 40% d'eau en moins dans les étés en 2080, ça... Non ! Et donc, c'est-à-dire qu'on fait des installations coûteuses qui sont condamnées à crever au lieu de prendre le truc à la base et de changer le système agricole. Et donc, je reviens dessus. Tu vois, si tu remets de la matière organique dans les sols, si tu laboures plus, tu as un sol plus poreux, tu as de meilleures réserves en eau, 1% de matière organique en plus dans le sol, ça retient 10 mm d'eau de pluie. Donc, tu vois, tu as des outils comme ça sur le non-laboure, la matière organique dans le sol. On le redit, parce que ça a tout le temps à venir. On travaille le moins possible le sol. On le couvre en permanence et on amène de la matière organique, que ce soit celle de... cultures intermédiaires diverses ou celles de tes déchets de cuisine ou celles de l'élevage. Amener la matière organique, couvrir tout le temps, pas labourer, c'est les piliers ça. Et à faire autant que possible, autant que possible parce que c'est pas possible pour toutes les cultures et dans tous les bassins de production mais dans la plupart c'est faisable et il faut le faire et là quand tu as fait ça ben tu auras plus de réserves en eau. Puisque notre chance, c'est qu'il pleut autant sur l'année.

  • Speaker #1

    Sur l'année ?

  • Speaker #0

    Dans le changement climatique attendu, il n'y a pas vraiment de diminution des précipitations. Simplement, elles chutent en été. Donc, il y a des outils à mettre en place qui voient plus loin que la préservation de l'usine à frites de pétas ou trucs.

  • Speaker #1

    En effet.

  • Speaker #0

    Mais c'est vrai que du point de vue de l'investisseur industriel, je comprends qu'il a envie de rentabiliser le plus longtemps possible. Peut-être que lui aussi mérite d'être aidé. S'il paye des impôts, et s'il est à la hauteur des subventions qu'il reçoit en termes d'emploi, il mérite d'être aidé. Je l'ai juste mis ainsi parce que je ne suis pas d'accord que ce soit le cas. Mais tu vois, l'industrie fait partie du cœur palpitant du pays. Il ne s'agit pas de la montrer du doigt. Mais la question c'est quelle industrie ? C'est comme pour les sols, si les sols il y en a toujours, la nature il y en a toujours, mais la question c'est quel sol, quelle nature vis-à-vis de nous. Et il faut vraiment effectivement penser qu'on ne fera pas sans les interlocuteurs industriels, et que pour l'instant ils ont l'abri sur le coup, et ils sont plutôt alliés main dans la main avec les agriculteurs, conduisant les agriculteurs d'ailleurs vers le mur. L'agriculture actuelle, par rapport au changement climatique, elle va dans le mur. Elle va dans le mur aussi en termes de santé publique. Il y a un truc absolument dément, il y a un village. Il y a une étude sur le coût de dépollution de l'eau rapportée au coût d'épandage des pesticides. C'est toujours 2 à 10 fois supérieur. La dépuration de l'eau coûte 2 à 10 fois le coût d'épandage des pesticides. On est déjà dans un truc où la société porte un poids terrible. Ça nous coûte très cher, mais pas au moment d'acheter les carottes, mais au moment où tu payes ton eau potable. Cette dépollution de l'eau, il y a même une commune dans le nord de la France, où la dépollution coûte 87 fois le prix de l'application des produits phytosanitaires sur la surface de la commune. Tu vois, c'est des trucs démons. C'est qu'en fait, aujourd'hui, en plus, cette agriculture nous coûte putain de cher en cancer, en maladies professionnelles des agriculteurs, en épurant en rationnement de l'eau. Un chiffre pour la France, l'ordre de grandeur d'enlever les nitrates de l'eau potable, c'est 10 à 14 milliers d'euros. Et d'ailleurs tu te dis que c'est une solution parce que quand tu fais une division de ces 10 à 14 milliards d'euros, quand tu divises par la surface des zones de captage, la surface qui est au-dessus des zones de captage, et qui est en fait la surface où il ne faudrait pas qu'il y ait d'azote qui fuit, ce que tu peux faire en amenant de l'azote sous forme organique, Parce que là, il n'y en a pas beaucoup et ça n'a pas le temps de fuir ses mangés. Il est lentement produit. Ce que tu peux faire en ayant des arbres et des haies, parce qu'il y a des racines profondes qui vont aller récupérer tout ce qui n'a pas été récupéré en surface, avant que ça arrive dans la nappe. Tu vois, ça c'est un des raides haies par rapport à ça. Et tout ça, c'est des mesures que connaissent très bien les agences de l'eau dans les périmètres de captage. Mais tu te dis déjà que ces 10 à 14 milliards, si tu les remets en subvention, tu les paieras, mais si tu les remets en subvention sur la table, alors c'est pas facile, ça se fait pas en un jour. C'est 2 à 3 000 euros par hectare de zone de captage. Tu vois ce fric, ce pognon de dingue, comme disait je ne sais plus qui. C'est une expression macronienne. Ce pognon de dingue là. Donc le problème c'est que transitoirement, tu vois, tu vas être obligé de mettre cet argent sur la table pour que les gens aient des agricultures qui ne relâchent pas d'azote. dans la nappe, et tu vas continuer encore pendant quelques années à devoir nettoyer. Donc, tu as double peine pendant la transition. Donc, cette transition n'est pas aisée. Mais quand même, à terme, il y a un énorme pognon qui sert à nettoyer l'eau pour l'azote. Là, je parle de l'azote, c'est mon chiffre, qu'on pourrait utiliser autrement. qu'on pourrait utiliser pour une moitié à faire des économies et pour une autre moitié à aider les agriculteurs à avoir une agriculture qui a une autre fonction, de ne pas mettre trop d'azote ailleurs que dans la cible. Parce qu'en ce moment, c'est pas dans la cible, mais en gros, ils tirent avec des tomates. Donc, en fait, il y en a partout autour de la cible. Et tu vois, tant que tu es centré, tu n'as pas une vision écosystémique. Quand tu es centré sur la plante, ce qui compte, c'est que tu arrives sur la cible. Qu'importe si t'en fous à côté ! Sauf que maintenant, on s'aperçoit que tout ce qui passe à côté, c'est l'horreur totale. Et ça n'améliore pas les comptes de l'exploitation, car c'est perdu, mais c'est payé, ces engrais-là.

  • Speaker #1

    Si on revient à l'agroécologie, l'agriculture régénérative, pour avoir discuté avec beaucoup d'agriculteurs qui la pratiquent, il y a des experts sur le sujet, il y a une série de principes clés qui reviennent toujours. Tu en as déjà mentionné plusieurs. Ce que j'aimerais bien qu'on fasse, c'est peut-être...

  • Speaker #0

    Ce que j'ai oublié aussi, c'est de mentionner des rotations longues.

  • Speaker #1

    Des rotations longues, oui.

  • Speaker #0

    Voir des mélanges. Alors, dans les cultures intermédiaires, c'est évident. Tu vas mélanger des légumineuses fixatrices d'azote qui abritent des petites bactéries qui transforment l'azote atmosphérique en azote de la plante. Et de la bactérie d'ailleurs, c'est les légumineuses. Trèfle, sainfoin pour le pâturage. haricots, fèves, soja, pour nous. Et donc tu vas planter ça, tu vas planter des trucs qui sont bien mycorhisés pour entretenir les gens mycorhiziens, tu vas planter des gouinfs rasotes et à phosphate de façon à ce qu'ils prennent tout ce qui traîne et que ça ne parte pas en ruissellement, les phacéli par exemple. Tu vas planter aussi quelques radis. Bon, les radices, c'est les crucifères, donc ils ne vont pas entretenir les mycorhiziens. Mais ils ont un fort accroissement racinaire, donc ils contribuent à fracturer le sol. Et ça, les écartements du sol par la croissance d'une racine ou le passage d'un verre, la vie du sol est adaptée à ça. Ça fait des millénaires que ça se produit. Ce n'est pas adapté au mouvement cisaillant du labour, d'un herçage ou d'un travail du sol superficiel. Parce que là, il y a des mouvements de cisaillement. Mais les mouvements d'écartement pur, ça va très bien et on en veut, parce que c'est ce qui fait des trous. Donc, tu vas avoir plein de fonctions et ça, tu ne peux les avoir qu'en ayant des couverts mélangés. Tu vas aussi mélanger dans le temps, on disait, c'est-à-dire jamais revenir trop vite sur la même culture, au moins des rotations de 5 voire 8 ans. L'agriculture de conservation qui ne laboure plus, elle couvre tout le temps et elle a des rotations longues. Parce que ça, ça permet de buter les parasites. Le parasite du maïs, il attend 5 ans, 10 ans dans le sol pour que le maïs revienne, il n'y en a plus beaucoup. D'ailleurs, tu auras pu aussi dans tes mélanges de plantes intermédiaires, planter les répulsifs, les parasites de la culture que tu veux faire l'année suivante. Dans la vigne, on connaît certaines légumineuses, par exemple, qui sont des répulsives, des nématodes qui transmettent le virus du cournoué. Donc, tu vois, tu vas varier dans certains couverts par définition, tu vas varier dans le temps, tu vas varier même dans la parcelle. Les mélanges céréales-légumineuses, c'est trop bien. Parce qu'en fait, bien sûr, il y a de la compétition entre les céréales et les légumineuses, mais les légumineuses fixent l'azote. Tu te souviens, on l'a dit. Et il y en a qui sort, il y a des fuites, ça profite à la plante. à la céréale. La céréale, elle est très bonne pour mobiliser le fer, mais ça sert aussi à la légumineuse. En plus, leurs besoins se recouvrent en partie, mais pas complètement. Du coup, le sol est mieux exploité. Et en fait, sur un hectare de céréales légumineuses que tu as bien choisi, alors du coup, il faut un semoir particulier. Pour récolter, c'est pareil, tu ne récoltes pas avec les mêmes outils. Ce n'est pas du jour au lendemain. Mais si tu regardes combien d'hectares il te faut pour produire autant de céréales, 0,6. Combien d'hectares il te faut pour produire autant de légumineuses, mais en culture pure, 0,4. Somme. Pardon, je me suis trompé, j'ai dit 0,8 hectare de céréales pures et 0,6 hectare de légumineuses pures pour produire autant. Tu fais le total, tu viens de produire sur un hectare, en mélange, ce qu'il te faudrait un hectare 4 s'ils étaient séparés pour produire. Trop bien ! Ben oui, il faut jouer les complémentarités, c'est le principe du jardin créole, n'est-ce pas ?

  • Speaker #1

    On entend souvent dire que ces types de pratiques et d'agriculture sont moins productifs, mais en fait, il faut prouver que c'est un exemple qui demande que c'est le cas.

  • Speaker #0

    C'est réel bio, oui. jusqu'à 50% moins mais non là il y a des fois on peut mieux faire l'aie c'est pareil, c'est l'hétérogénéité spatiale l'aie c'est un bris de des chauves-souris dont on a dit tout à l'heure ce qu'elles faisaient n'est-ce pas et des oiseaux qui sont en fait des anti-agresseurs des cultures et puis même c'est très difficile à passer pour des sports de champignons et tout mais l'aie c'est un rôle pesticide ça réduit de 84% le flux de bio-agresseurs de maladie des cultures. Il en reste encore, bien sûr, mais c'est une solution partielle, notamment grâce aux oiseaux, aux chauves-souris, mais pas que. Si tu as des fleurites, tu as des syrphidées, qui sont des petits dipterpolisateurs qui viennent là pour butiner, et quand ils pondent leurs larves, c'est des larves qui mangent les pucerons. Elles ont un rôle parce qu'elles vont récupérer avec leurs racines profondes tout ce que n'a pas récupéré les cultures et ça évite que ça parte vers les nappes. Elles sont anti-érosion, anti-vent, elles aident à réduire les parasites des cultures, elles sont aussi une façon de stocker du carbone. 1 km de haies, c'est 100 tonnes de carbone stocké. Et puis, il faut les tailler. Alors, tu vas dire, c'est chiant. Oui, mais le bois raméal fragmenté, ça peut faire un apport au sol. Et même si tu l'apportes dans le sémence, ça peut faire herbicide. Alors, évidemment, avec tes haies, tu ne vas pas pouvoir couvrir tout ton champ. Mais tu peux, sur certains champs ou sur certaines parcelles de maraîchage en particulier, tu peux très bien arriver à te débarrasser des mauvaises herbes en meulchant. En amenant tes bois à mieux fragmenter. Donc c'est multifonctionnel. On retrouve ce motif que j'avais déjà identifié tout à l'heure, que souvent c'est une solution pour plusieurs choses. Et on ne l'avait pas vu au passage, le côté herbicide, pardon, je veux dire le côté pesticide, le côté insecticide ou fongicide qui fait que ça limite à arriver les pathogènes, parce qu'en fait on a arraché les haies dans un contexte où on avait les molécules chimiques pour faire le boulot des haies à leur place. Sauf qu'aujourd'hui on voit très bien que ça... des à côté qui n'avaient pas les haies. Alors, je n'ai pas dit que toutes ces solutions, elles sont aussi efficaces que du chimique, mais elles sont moins toxiques. Et on peut les panacher. Tu peux avoir des haies avec des cultures mélangées, parce que dans les cultures mélangées, les maladies se propagent moins vite. Le plan voisin, il n'est pas de la même espèce. Tu peux même faire des semis avec des variétés mélangées qui ont des résistances différentes. Du coup, tu as beau avoir un pur champ de blé, quand une maladie réussit sur un pied dans un champ conventionnel où tous les individus sont génétiquement identiques, si elle réussit vraiment sur un pied, c'est le strike garanti. Tous les autres retours sont pareils. Si c'est des cultures mélangées, le voisin n'est pas pareil, alors elle va avoir du mal à se transmettre, il va falloir qu'elle aille un tout petit peu plus loin. Donc, mélange de variétés, mélange d'espèces dans la parcelle, des haies interposées, là encore, c'est de la diversité.

  • Speaker #1

    On complexifie ces systèmes quand même beaucoup.

  • Speaker #0

    Oui, et le pilotage est peut-être un tout petit peu moins évident. Ce qu'il faut aussi regarder, c'est ce qu'il reste dans la caisse après. Les insecticides, les engrais, ça coûte. Donc, si on peut réduire un peu au prou ces choses-là, et en plus, comme il y a d'autres fonctions qui sont remplies pour le climat, pour la santé, une fois de plus, ça mérite salaire. L'agriculture, moi j'y crois à fond. Je pense que les agriculteurs sont des héros du monde moderne, d'abord parce qu'ils travaillent dans des conditions peu rentables, difficiles de vie et peu rentables, donc tout le monde n'accepterait pas ça. Et d'ailleurs on voit très bien les difficultés pour la reprise des exploitations, ça ne se bouscule pas au portillon. Mais la deuxième chose, c'est que c'est un métier qui peut tout ! La qualité de l'eau, la qualité de l'air, la qualité de la bouffe, l'avenir de nos enfants, la gestion du climat, la fertilité du... Mais pas trop, pas de marée verte s'il te plaît. Des eaux marines, enfin... C'est un métier absolument extraordinaire, les gens ne le comprennent pas, et les gens ne sont pas prêts à le payer à la hauteur de ce qu'ils peuvent faire d'extraordinaire. Donc ils se contentent de faire de la bouffe à tout prix. Au péril des sols et de la santé, et de ceux qui produisent, et de ceux qui mangent.

  • Speaker #1

    Voilà, donc tous ces principes clés de l'agriculture de conservation, on en a beaucoup parlé dans le podcast avec des agriculteurs, et j'aimerais qu'on essaie de s'attarder un peu sur chacun d'entre eux, mais essayer d'expliquer ce qui se passe au niveau de la microbiologie du sol. Pourquoi changer ces pratiques impacte le microbiote du sol ? Donc à commencer par la question du labour, tu en as déjà pas mal parlé, mais peut-être qu'on peut repasser dessus un petit peu.

  • Speaker #0

    L'idée oui, c'est que tout le temps, on sait que le labour est toxique pour certaines formes de vie du sol. Parce qu'ils désherbent. Et si ça tue un organisme qui est un tiers sous terre, c'est en gros la proportion de la biomasse souterraine de la plante, tu peux comprendre qu'un organisme qui est complètement sous terre risque d'être abîmé. Donc pour les animaux, il y a à la fois les prédateurs, comme les oiseaux qu'il y a derrière le trait de la bourre, qui viennent les manger. il y a le risque d'être desséchés dans un sol qui est brutalement et plus aéré. Pour les filaments de champignons, ils sont déchirés, alors là, ils meurent complètement. Pour les bactéries, c'est plus compliqué, parce qu'elles sont souvent dans les grumeaux, elles sont toutes petites, on le disait tout à l'heure, et donc elles, elles vont souvent bien survivre, et c'est justement comme il y a plus d'oxygène, elles vont respirer plus, elles vont commencer à détruire la matière organique. Donc tu vois que tu es en train d'altérer le profil de biodiversité, et tu perds des fonctions. Il y a des fonctions qui ne sont remplies que par les champignons, les mycorhizes. dont on parlait, la dégradation de la lignine, qui est quand même un bon 30% de la matière organique qui arrive au sol, c'est eux ça. Et que eux. Donc tu as des fonctions qui sont plus remplies parce que le profil de vie change, et par contre tu as des fonctions qui sont surremplies, c'est ces bactéries qui prolifèrent parce qu'elles sont débarrassées d'un certain nombre de champignons compétiteurs, et parce qu'il y a plus d'oxygène, qui va te bousiller ta matière organique. On compte que les sols... agricoles d'Europe ont perdu 50% de leur matière organique depuis les années 50. C'est énorme. Alors donc tout ça c'est très toxique. Pourquoi ? Parce que cette matière organique d'abord par elle-même elle retient l'eau, deuxièmement elle est collante donc elle empêche l'érosion et quand il n'y a plus de racines et quand il n'y a plus de filaments de champignons il n'y a plus que ça pour retenir le sol. Ok donc elle colle et ça ça empêche l'érosion, elle colle et ça stabilise les trous donc les trous sont plus stabilisés et les trous du labour s'effondrent très vite. Et de nouveau, on retombe sur un problème de stockage de l'eau, non pas faute de matière organique, mais faute de trous cette fois-ci, puisque les trous sont plus stables. Ensuite, bien sûr, cette baisse de matière organique, elle s'accompagne d'une émission de CO2, donc elle est mauvaise pour le climat. Bref, à un moment, ton sol, il arrive à une ténèbre en matière organique où il ne se tient plus et il part en masse. Ça fait des coulées de boue, comme on a dans les Hauts-de-France, par exemple, où là, on a atteint des seuils critiques de matière organique où le sol ne se tient plus. Donc, s'il y a de la pente, il coule. Et comme il n'y a pas de haie, en plus, rien n'empêche. rien ne le réceptionne à mi-pente.

  • Speaker #1

    Quand tu parles des bactéries qui respirent, qui bouffent la matière organique, c'est pas ça aussi qui libère de la fertilité ?

  • Speaker #0

    C'est trop vite et puis comme c'est après le labour, c'est pas le bon moment. Je te rappelle qu'après le labour, il n'y a plus ni champignons micrométiens ni plantes. Donc c'est vraiment pas le moment. Oui, tu peux le voir comme ça, mais le problème c'est que ça se passe à un moment où après le labour, ça ne sert à rien. Donc il va falloir, et quand on parle de labour, en fait, c'est tous les travaux du sol. Souvent les gens disent oui mais si on va pas profond. Alors il faut se souvenir que plus on descend moins il y a de vie. Et qu'en fait l'essentiel de la vie est en surface. On compte que les 20 premiers centimètres c'est 80% de la vie du sol. Donc on commence par le plus vif quand on perturbe le sol. Donc il faut minimiser la perturbation du sol parce que, une fois de plus, à long terme ça fait... de l'érosion, bon une fois de plus les sols méditerranéens qui ont 5000 ans de labour et de surpâturage, faut le dire, ça joue aussi. Aujourd'hui ils sont squelettiques, même autour des grandes villes antiques quand on visite ces villes antiques, ces restes monumentaux là. Autour, les sols ne sont pas bien épais mais si ces villes ont été construites là, c'est qu'il y avait de l'agriculture comme autour de Paris, comme autour de Bordeaux, comme autour de Bruxelles. C'est important ça. Donc on voit très bien par l'exemple que ces sols disparaissent, on voit que leur capacité à retenir l'eau s'effondre, que leur capacité finalement à alimenter la vie du sol diminue. Et une fois de plus, cette vie du sol est importante parce qu'elle fait les trous, mais il y a aussi tous les processus dont on n'a pas trop parlé, notamment c'est des microbes qui attaquent les roches et qui libèrent des sels minéraux. Ils le libèrent pour eux, mais il y a des fuites dans tous les sens. Et c'est ça qui fait que dans le sol... on a fini par retrouver du calcium ou du potassium disponible pour les plantes. Ce n'est pas que ça se dissout dans l'eau, les roches. Si, mais très lentement. Tout ça est accéléré par des microbes qui attaquent à coups d'acide localement ces roches pour en libérer des ressources pour eux. Et puis il y a des fuites. Et quand tu as moins de microbes dans le sol, et quand tu as moins de champignons, tu n'as pas les mêmes processus de libération de la fertilité minérale, qui est aussi une des grandes fonctions du sol. Et en plus, quand tu aères ton sol, tu n'as plus les bactéries qui fixent l'azote. Celles dont on disait tout à l'heure qu'elles habitent notamment chez les légumineuses. Il y en a quelques-unes qui font ça toutes seules dans le sol. Mais elles le font dans le sol ou dans les légumineuses parce qu'il leur faut des microniches pas trop riches en oxygène. Un petit peu pour respirer, mais pas trop. Si tu aères ton sol par le labour, tu n'as plus ces bactéries fixatrices d'azote. Donc là, tu dépends complètement d'apport d'azote exogène. Donc, je le répète.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    il faut éviter le travail du sol on fera pas de patates sans travailler le sol évidemment,

  • Speaker #1

    mais partout ailleurs il faut l'éviter Pourquoi c'est difficile pour les agriculteurs de réduire le travail du sol ?

  • Speaker #0

    Ça a toujours été la base je voudrais d'abord montrer une agriculture qui a jamais labouré, c'est l'agriculture précolombienne qui a nourri d'énormes cités antiques alors peut-être pas avec une régularité du tonnerre mais qui montre que certains ont fait de l'agriculture sans labourer puisque les précolombiens n'avaient pas de fer, donc pas de charrues et pas d'animaux de trait Ce qui est intéressant, c'est qu'ils pratiquaient la milpa, qui est à la fois un régime alimentaire et un mode de culture mélangé. Dans la milpa, tu as du maïs qui pousse, tu as du haricot qui grimpe dessus. Maïs plus haricots, c'est très bien, ça couvre notamment tous les besoins en acides aminés essentiels, même si le haricot manque de méthionine, et je crois que dans le maïs, il n'y a pas de lysine et d'arginine, mais peu importe, au total, c'est très équilibré. D'ailleurs, ils complétaient ça de quelques éléments de chasse, mais ils n'avaient pas vraiment besoin de manger beaucoup de viande. Et la milpa, c'est 3. plantes, on appelle ça aussi les trois sœurs, des courges en couvre-sol. Et ce n'est pas tellement que les courges sont intéressantes nutritivement, même si ça fait une source d'eau qui n'est pas contaminée, c'est très liquide, mais surtout ça permet peut-être de faire un couvre-sol. Nous on n'a pas cette culture des couvre-sols, on pense tout de suite à griffer la bourrée parce qu'on a tout de suite eu cette idée. Je vais te donner un autre exemple. On sait qu'il existe des blés remontants, des blés pérennes. qui eux ne souffrent pas de vivre longtemps en un endroit parce que c'est des plantes pérennes. Les plantes pérennes supportent de vivre dans le même sol pendant quelques années, alors que les plantes annuelles ce n'est pas le cas. Si tu fais blé sur blé, tu vas rapidement accumuler des maladies parce qu'elles ne savent pas bien lutter contre l'accumulation de maladies et pour cause, elles sont annuelles. Donc les générations suivantes, elles sont ailleurs. Donc nos plantes annuelles, on ne peut pas les faire en monoculture permanente. Par contre, on peut avoir des blés remontants. Il y a des tentatives en sang, je ne dis pas que ça se fera demain, mais on n'a jamais pensé à ça, on n'a jamais pensé au blé pérenne, façon vigne ou agriculture. On n'a pas jamais pensé au foie en pain parce qu'on est abonné aux annuels puisqu'on la boit. Donc quelque part, ça nous a bloqué vers certains possibles.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et ces possibles existent, puisqu'une fois de plus, il y a eu des agriculteurs non labourés.

  • Speaker #1

    Ça a tellement bien marché à court terme que ça ne nous a pas vraiment laissé la possibilité d'explorer d'autres...

  • Speaker #0

    T'as raison, c'est que quand tu commences à labourer, si t'as pas labouré, les premières années c'est trop bien. Mais ça c'est fini. Aujourd'hui, ce qui est trop bien, c'est quand t'arrêtes de labourer. On voit très bien, la résilience est encore assez rapide des sols, on va revenir là-dessus et dire pourquoi, mais en 2 à 5 ans, voire 10 ans, tu as un sol qui fonctionne mieux, qui stocke mieux l'eau, tu vois augmenter. Même si tu utilises du glyphosate pour désherber, parce que souvent... Comme herbicide, avant les semailles, tu es coincé. Si tu te contentes de couper, il y a des remontants qui souvent passent du glyphosate. Malgré la toxicité du glyphosate, ces agricultures non labourées remontent la vie du sol de 25% en biomasse. Alors en fait, si ça réagit vite... C'est que notre agriculture dans nos régions, autant sous les tropiques, labourer c'est l'horreur. Et c'est pour ça qu'au Brésil par exemple, on a pratiquement plus de 60% de la surface qui n'est pas labourée parce qu'en fait très vite les agriculteurs ont vu que le labour n'était pas une option. Là-bas il y a peu d'argile. Et donc quand on détruit la matière organique par le labour, il y a... plus rien qui tient le sol. Chez nous on a de l'argile. Donc ça va, on a un peu abîmé nos sols mais pas trop. En fait on a un écroulement des quantités de microbes dans nos sols agricoles mais pas vraiment d'extinction d'espèces. Enfin si, quelques champignons qui se portent pas le laboure. Mais ils vivent pas... très loin encore, dans des pâtures par exemple ou dans les bordures des forêts, donc ils peuvent revenir rapidement. Donc nous on a une résilience rapide parce qu'il y a encore des microbes qui traînent et ce n'est pas vrai que les sols sont morts. La preuve c'est qu'ils revivent mieux rapidement. Alors cette agriculture non labourée, elle permet de remonter très vite de 25% la vie du sol et donc ça, ça fait plus de trous, ça va permettre de dégrader les engrais organiques qui arrivent à un bon rythme. Ça va continuer. de contenir plein de champignons mycorhiziens qui vont aider les plantes à se nourrir. Bref, c'est trop bien. Ça remonte vite parce qu'on n'a pas d'extinction. Et si tu regardes l'augmentation du nombre d'espèces quand tu passes du labour au non-labour, tu as un petit plus 2% d'espèces. Enfin, c'est rien quoi, parce qu'il n'y en a pas beaucoup qui ont disparu. Et là, quand on dit que nos sols ne sont pas complètement morts, mais qu'ils sont moribonds, ça veut dire que l'agriculture n'a pas fait forcément un si mauvais travail que ça. Elle a fait un travail qui était lentement pernicieux, mais pas violemment pernicieux. Mais je reviens à ça, il faut maintenant puer la bourrée. Et c'est vrai que le glyphosate, ce n'est pas terrible. On voit émerger dans les pratiques des gens qui arrivent à faire sans glyphosate. Alors sur des petites surfaces, ça va parce qu'on peut molcher, mettre des paillassons, surtout pas de plastique sur le sol. mettre des bois fragmentés, des bois ramé aux fragmentés ou même d'ailleurs des herbets à la main. En maraîchage ça passe. Sur les plus grandes surfaces c'est encore un peu des artistes qui arrivent à faire de l'agriculture non labourée en se privant d'herbicides. Il faut savoir que l'agriculture non labourée est née avec les herbicides notamment avec le paracate dans les années 50 en Grande-Bretagne où on s'est dit bah tiens on n'a plus besoin de labourer puisqu'on peut mettre des herbicides. et que la fonction d'imbucide n'est plus nécessaire. Sachant que nous, on est abonnés à tuer les herbes, parce qu'une fois de plus, nos cultures ne sont pas pérennes, elles n'occupent pas le terrain. Et on n'a pas du tout de culture, de savoir-faire. matière de couverture entre les rangs ou de couverture permanente. On commence à essayer des trèfles nains qui en plus sont fixateurs d'azote et qui peuvent faire des couverts végétaux à travers lesquels on sait et qu'on peut garder plusieurs années mais on ne sait pas bien gérer en fait les couvre-sol. Donc j'en reviens à ça. Cette agriculture là, elle est très vertueuse, surtout qu'en plus dans le cahier des charges de l'agriculture de conservation, il y a cette idée de rotation longue d'une part et d'autre part de toujours couvrir le sol. Par exemple, on sème juste après le coup de glyphosate. Alors, souvent, le glyphosate fait tiquer les gens. Et moi aussi, il me fait tiquer. C'est toxique pour les vers de terre, c'est toxique pour les champignons mycorhiziens, donc il va falloir en sortir. C'est moins toxique que le laboure, donc on ne va déjà pas taper sur les gens qui en sont sortis en utilisant du glyphosate, sachant que taper sur ces quelques agriculteurs qui font de l'agriculture de conservation avec du glyphosate, ça n'empêche pas que tout le monde utilise du glyphosate, par ailleurs, en conventionnel. Donc, il ne faut pas se tromper de cible, là. Et, petite parenthèse, sur le bio, Le bio est génial parce qu'effectivement il n'utilise plus de chimie de synthèse, donc pour la santé c'est génial, je l'ai déjà mentionné et je voudrais insister, moi je mange bio, mais au moment de tuer les herbes sur de très grandes surfaces, on ne sait pas faire autrement que de la bruerie. Et du coup ça, ça fait que l'on a beau amener les engrais sous forme de matière organique, les taux de matière organique du sol ne se redressent pas beaucoup dans le bio. voire pas du tout dans certains sols, ça dépend des sols, c'est pas du tout, pas beaucoup, sauf en dessous du trait de la bourre, mais pour X raisons, ça ne nous aide pas, parce que sous le trait de la bourre, il y a la semelle de la bourre qui se forme, qui est cette zone qui se compacte sous l'effet des labours successifs. Donc le peu de matière unique qui arrive à rentrer... souvent sous forme micro-particulaire ou moléculaire, va être très stable, mais ne va pas servir, parce que cette Ausha, la semaine de labour est tellement tassée que l'eau n'y rentre plus, et les racines non plus. Donc en fait, c'est le sol en bio labouré, il restocke un peu de carbone, mais pas dans la zone utile. Bon, alors ça ne veut pas dire que le sol ne se porte pas mieux en bio. Mais ça n'a rien à voir avec l'agriculture de conservation. Donc, je ne parle pas contre le bio en disant qu'il aboure. Je dis qu'il faudra qu'un jour, il n'aboure plus. Je ne parle pas contre l'agriculture de conservation quand je dis qu'elle utilise du glyphosate, parce qu'un jour, il faudra qu'elle n'en utilise plus. Mais en attendant, cherchons la porte de sortie, ne tapons pas sur ceux qui ont raisonné une partie du problème. Parce que je reprends mes 4% non labourés, mes 10% en bio, qui sont les chiffres pour la France. On est à 86% conventionnel, c'est-à-dire labouré et glyphosate. D'accord ? Donc on se calme, on n'oppose pas les pas en avant et on essaie de les concilier. L'agriculture biologique de conservation, outre le fait que ça fait ABC, donc c'est une jolie abréviation, elle est... Elle existe déjà en maraîchage, elle existe déjà chez certains céréliculteurs, mais qui sont plutôt assez doués. Et il faut qu'on voit comment est-ce qu'on peut récupérer ce qui est récupérable, l'étendre à d'autres bassins de production et à d'autres cultures. La messe n'est pas dite, la recherche est encore là. Et puis il faut aussi, ne le négligeons pas, qu'on fasse plus de sélection variétale qui va avec ces nouvelles pratiques. Parce qu'en fait, on hérite des variétés du conventionnel.

  • Speaker #1

    Oui, ça c'est peut-être un truc intéressant à creuser un petit peu, les variétés et l'évolution des variétés.

  • Speaker #0

    On a bien dit qu'il y a des agriculteurs de progrès, on a bien dit que la culture de conservation, elle jouait, elle refaisait la matière organique parce que c'est toujours couvert, et la vie du sol parce que c'est toujours couvert, même si on utilise un herbicide, c'est toujours couvert et c'est pas labouré. Et elle a donc vraiment des vertus. Elle a tellement de vertus techniques d'ailleurs que... elle se propage d'agriculteur en agriculteur alors qu'il n'y a pas de demande des consommateurs. Ah oui, le point important que j'ai oublié de dire, c'est que le fait que ça se redresse vite, les sols, leur vie et leur fertilité, quand on ne laboure plus, et qui fait qu'il y a beaucoup d'agriculteurs qui se convertissent à ça, parce que ça marche mieux, ça montre qu'on est arrivé loin dans le labour. Autant au début, quand tu commençais à labourer, c'était plutôt mieux, autant maintenant, c'est quand tu cesses de labourer que c'est plutôt mieux. C'est important, ça. Parce que nos anciens, s'ils se sont fait chier à labourer, ça demandait du temps et de l'énergie. c'était pas pour la déco. Mais nous on est arrivé à un stade où nos sols commencent à souffrir du labour et c'est en ne labourant pas qu'on fait mieux.

  • Speaker #1

    Merci d'être toujours là, si loin dans la conversation. J'espère sincèrement que vous appréciez cette conversation et que vous apprenez des choses intéressantes. Si vous appréciez et que vous souhaitez soutenir mon travail et ce podcast, vous pouvez faire ça en seulement cinq secondes en cliquant sur la page du Deep Seed et sur le bouton follow, suivre ou s'abonner. Ça dépend de la plateforme sur laquelle vous êtes. Sachez que ça fait une énorme différence pour moi et que j'en serais extrêmement reconnaissant. Donc, merci d'avance et bonne fin d'écoute. Tu mentionnais les espèces, les variétés qu'on a sélectionnées pour aller avec une agriculture un peu plus intensive et que peut-être qu'on n'a pas les bonnes espèces aujourd'hui pour aller avec l'agriculture de conservation.

  • Speaker #0

    Alors on a des espèces qui sont largement améliorables par exemple, et avant d'arriver vraiment sur ces agricultures alternatives, on a aujourd'hui des céréales à paille courte et on s'est aperçu que le gène qui réduisait là... qui est un gène qui contrôle plusieurs choses dans la plante, qui aidait à réduire la taille des pailles, c'est un gène qui dit la forme de ce gène sous lequel il réduit la taille des pailles, ce qui était à la fois une économie d'énergie qu'on va retrouver dans le grain, une économie de ressources qu'on va retrouver dans le grain, mais aussi un dispositif antiverse. contre l'averse, qui est le basculement du pied et qui ne permet pas plus de le récolter si jamais il s'est renversé. Cette bonne solution avait été assez mauvaise parce que ce gène, sous sa forme qui réduit la taille des pailles, il contrôle aussi l'efficacité d'utilisation de l'azote et il est plutôt moins efficace. Donc il fallait mettre plus d'azote et on ne s'en est pas aperçu parce que c'est le moment où on commençait à mettre des engrais. Donc aujourd'hui on peut sélectionner pour avoir quelque chose, le beurre est l'argent du beurre, c'est-à-dire quelque chose qui a des pailles courtes et qui restaure la vieille efficacité d'utilisation de l'azote. Il y a aussi des gènes qu'on a perdus, il y a notamment un gène qui permet sur les racines de maïs, là c'est en cours de réintroduction, dans le maïs cultivé, chez le maïs sauvage qu'on appelle la théocynte, il y a un gène qui permet quand il y a des agressions d'insectes racinaires d'émettre du caryophyllène, et ce caryophyllène attire les prédateurs des insectes qui sont en train de manger les racines. attire des petits nématodes qui mangent les insectes qui sont en train de manger les racines. Trop bien. Ça, on l'avait perdu dans la domestication.

  • Speaker #1

    Parce qu'on ne regardait plus, on regardait ailleurs.

  • Speaker #0

    On l'a sans doute perdu un peu par hasard, parce que ça s'est aussi fait à des époques où les gens ne faisaient pas de génétique fine et ne regardaient pas ce qui se passait dans le sol. C'est perdu, on peut le récupérer. Maintenant, l'idée c'est aussi que quand tu changes de pratique agricole, ce qui est adapté n'est pas la même chose. Je te donne un exemple. La plupart des céréales aujourd'hui ont des feuilles qui montent vers le haut. Pourquoi ? Parce que quand on met des herbicides, il faut qu'ils tombent par terre. Et quand on travaille, il faut pouvoir passer entre les rangs. Si tu mets des variétés qui ont des feuilles qu'on dit décombantes, c'est-à-dire qui retombent, qui est le port historique d'ailleurs des graminées, les ancêtres sauvages étaient comme ça, la raison pour laquelle c'est comme ça, c'est que ça fait de l'ombre. Donc ça désherbe. C'est tout bête. Autre exemple, toujours sur les céréales. Elles produisent des acides masoxazinoïdes. C'est des tanins racinaires qui sont produits. Ça coûte assez cher à la plante de produire ça, c'est pas gratuit, mais ça désherbe. Ah oui, mais les variétés qu'on a aujourd'hui, comme elles sont faites pour un contexte où on désherbe nous chimiquement ou mécaniquement, eh bien, elles ne font plus ça, et c'est autant de ressources qui leur permettent de faire plus de grains. On se dit que si elles faisaient un petit peu moins de grains, qu'elles avaient les... feuilles décombantes et qu'elles refaisaient un petit peu d'acide masoxazinoïde, on aurait peut-être moins de problèmes de désherbage, tu vois. C'est tout bon, mais l'idée c'est que avec les nouvelles agricultures, il nous faut des nouvelles semences. Sinon, reprendre les semences de l'agriculture conventionnelle, c'est s'exposer à des pertes de rendement qu'on observe parfois dans le bio, un peu moins dans l'agriculture de conservation, il faut peut-être être franc, mais avec des pertes de rendement parce que le matériel n'est pas adapté et c'est comme essayer de danser le lac des signes en bocte. Ça ne marche pas, ce n'est pas très élégant. Ça bouge, mais ça ne bouge pas au mieux. Et c'est important d'envisager ça. Il faut aussi beaucoup de sélections pour les couvre-sol, il faut des sélections pour les cultures intermédiaires, voire même des sélections pour utiliser l'hiver. Parce qu'autre chose, il y a des gens aujourd'hui qui disent qu'on peut utiliser l'hiver pour produire d'autres choses, et finalement sur un hectare... Tu vas produire en deux fois ce que tu produirais sur 1,8 hectare si tu ne produisais que pendant la belle saison. Ce n'est pas possible partout. Mais dans des climats qui s'adoucissent en hiver, ça commence à être possible de faire de récolte, oui. Là, ton hectare te produit autant qu'1,8 hectare si tu ne l'utilises qu'une fois par an. Et ça, là je suis en train d'aller au devant de toutes ces questions qui... Ah ouais, mais est-ce qu'on va nourrir la planète ? Ouais, oui. Si on fait bien, oui, on a des preuves de ça. Et on a des preuves aussi en agroforesterie. En agroforesterie, on a des chiffres qui viennent d'une raille de Montpellier... ou quand tu as un hectare d'agroforesterie, de céréliculture en agroforesterie, tu te retrouves rapidement à produire sur un hectare ce que tu produirais sur 0,8 hectare de céréliculture et 0,6 hectare de forêt pure. Donc 1,4 hectare, ça revient, voilà. Il y a même des dispositifs de culture maraîchère sous des arbres fruitiers où tu peux produire sur un hectare ce que tu produirais sur 2,5 hectares. On retrouve, si tu séparais les cultures, on retrouve des excélérations de rendement qui ont justifié le jardin créole. N'est-ce pas que j'évoquais tout à l'heure que cette façon dont était gérée 20 à 40% de la surface de la forêt amazonienne par des civilisations... qui se sont éteintes à cause des maladies que les européens ont balancées en arrivant en Amérique, un peu avant l'enterrement. Les gens sont arrivés porteurs simples de la grippe, de la tuberculose, des oreillons, et ça, ça a décimé les populations, probablement 80%. 80 millions de personnes dans le bassin amazonien. Donc ces civilisations sont éteintes. Mais on voit très bien aujourd'hui les restes de leur agroforesterie parce que ça a modifié la composition de la forêt, la composition des sols. Et puis on retrouve au LIDAR, avec des méthodes radar, on retrouve les canaux, les routes, les cités, les émissions. esplanades sacrificielles, les zones d'habitation de ces populations qui faisaient des jardins créoles. Ils éclaircissaient la forêt pour avoir quelques cultures au sol, quelques cultures grimpantes et au bilan, ils faisaient du mélange et c'était très rentable. Donc nourrir la planète, on saura, mais on saura d'autant mieux qu'on aura des variétés adaptées à ces nouveaux gestes, ce qu'on n'a pas en ce moment.

  • Speaker #1

    Quand tu me parles de nourrir la planète, justement, ça me fait penser à un truc par rapport à la nutrition des aliments qu'on produit aussi. J'ai eu une conversation dans le podcast il n'y a pas si longtemps avec un Américain, Dan Kittredge, qui étudie la qualité nutritive des aliments et qui lui a trouvé qu'en fait, justement, la vie microbienne du sol était liée directement à la qualité nutritive des aliments qu'il poussait. Donc, est-ce que, tant qu'on parle de nourrir la planète, est-ce qu'il n'y a pas aussi pas qu'une question de combien, mais une question aussi de...

  • Speaker #0

    Il est question de savoir si la valeur nutritive, vitaminique, oligo-éléments, azote phosphate, ça va. On en met donc c'est bon. Mais oligo-éléments et vitamines, il y a des gens qui disent que Montgomery par exemple, qui a écrit un très beau livre sur l'érosion des sols, qui s'appelle Dust je crois. Dirt ? Oui,

  • Speaker #1

    plus ou moins.

  • Speaker #0

    Il a écrit un autre livre, You are what your food ate, où il soutient, enfin il rapporte ses travaux et je dirais ses impressions, parce que je vais y revenir, je ne suis pas convaincu moi, que effectivement ce qui vient du conventionnel est moins nourrissant. Alors ce qui est certain c'est que quand on produit beaucoup, et ça c'est pas une histoire conventionnelle, c'est une histoire de produire beaucoup, on risque de faire rentrer moins d'oligo-éléments que si on produit pas beaucoup. Pour les vitamines, je ne suis pas convaincu. Je suis plus convaincu du fait que quand tu as des aliments que tu dois peler parce qu'il y a des pesticides, tu perds les antioxydants et les vitamines qui sont dans la peau et c'est là qu'il y en a quand même le max. Donc, je suis indiqué correctement convaincu, mais en termes de produits bruts, je ne sais pas. Et puis en plus, on a des populations en Europe, en Amérique du Nord, qui sont plutôt bien nourries, en quantité, qui finissent par avoir assez d'oligo-éléments et de vitamines. Il n'y a pas de carence majeure. Ah si, on a des carences en vitamine D, mais c'est plutôt climatique. Et puis en plus, pour la vitamine D, c'est un peu l'industrie qui a déterminé quels étaient les apports recommandés. Il n'y a pas vraiment de connaissances scientifiques derrière. Donc en plus, on n'est jamais sûr quand on parle de carences en vitamine D. Non, moi je pense que peut-être qu'effectivement cette valeur nutritive s'est un peu écroulée, mais je peine à trouver la littérature qui défend ça. La littérature scientifique sérieuse qui montre ça. Par contre, je suis certain que si tu pelles tes pommes, c'est pas bon pour ta santé. Ça, c'est moins bon pour ta santé. Et de toute façon, les pesticides, il y en a aussi dans la pomme. Nous apprennent les travaux d'une équipe chinoise récente. Ça passe la peau. Il y en a moins, bien sûr, que dans la peau, mais il y en a quand même. Donc déjà, ça, c'est pas bon. C'est sûr, au niveau vitaminique et au niveau antioxydant. Bon. Et après sur le pouvoir nutritif, si tu manges diversifié et correctement, je pense que ce n'est pas un vrai problème. Moi je pense que le vrai problème c'est la durabilité des sols et les résidus de pesticides dans l'eau et dans la nourriture, c'est ça nos vrais problèmes de santé. Mais j'ai reçu de Dan justement une pochette biblio à la suite d'une table ronde où on intervenait ensemble. Ou plutôt d'un colloque, le World Living Soil Forum qui a eu lieu à Arles. C'était le deuxième, organisé par LVMH sur ces questions de qualité des sols et de durabilité des sols. Je l'ai entendu parler. je lui dis, file-moi les papiers. Et donc, il y a une pochette biblio dans mon livre. Si quelqu'un a cinq jours de calme à m'offrir, j'ai prévu de le lire, mais je n'ai pas encore lu. Je ne demande qu'à voir. Dans le livre de Montgomery, je n'ai pas été follement séduit par les références que j'ai trouvées. Mais de toute façon, ce qui est certain, c'est qu'on gagne à changer l'agriculture pour la santé par d'autres biais, je l'ai dit.

  • Speaker #1

    Oui, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une certaine logique au fait qu'une plante qui est dans un sol en bonne santé, qui a des associations avec des systèmes icorisiens ultra complexes, qu'elle mange mieux ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense surtout que le problème, c'est la quantité qu'on produit qui fait que finalement, à un moment... la plante va se retrouver à diluer un peu sa matière. Elle ne va pas avoir suffisamment de brôme pour en mettre autant qu'elle pouvait en mettre si elle n'avait eu que dix fois moins de fruits. C'est plutôt la quantité produite. Or, j'ai dit tout à l'heure, il faut nourrir la planète, et j'ai justifié. ces nouvelles agricultures en disant qu'elles produisent autant. Cela dit, on peut très bien aussi rappeler que nous jetons 30% de la nourriture à cause de dates limites de consommation, à cause de surachats, et on... On peut rappeler que c'est universel parce que dans les pays du Sud, ce n'est pas des dates limites, ce n'est pas chez le consommateur ou chez le vendeur que ça se corrompt, ça se corrompt plutôt lors du transport, parce que les infrastructures de transport ne sont pas assez efficaces et développées. Mais bon, 30% de la bouffe foutue à la poubelle, ça nous fait une marge d'ajustement, non ? Oui, c'est vrai. Et donc, on peut imaginer demain de produire moins pour être sûr de concentrer plus un certain nombre de ressources. Moi, je voudrais voir les problèmes de santé publique réels. Aujourd'hui, ils sont plus autour du type d'alimentation et notamment de l'alimentation. à transformer qu'au niveau de la richesse en oligo-éléments et en vitamines des aliments. Je parle à la louche, je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas d'exception et je m'éloigne de ce qui est mon cœur de compétence car moi je ne suis ni nutritionniste ni diététicien. En revanche, j'aimerais voir plus de données sérieuses aller dans le sens de ça. De toute façon, on n'a pas besoin de ce commentaire-là, de ce problème-là, pour changer d'agriculture, n'est-ce pas ? On l'a vu pour la santé des agriculteurs, la santé des consommateurs, et la santé des générations suivantes avec la durabilité des sols et de la biodiversité. Donc là, on y va.

  • Speaker #1

    On y va, c'est parti.

  • Speaker #0

    Ça ne change pas la nécessité.

  • Speaker #1

    Tant qu'on est un peu sur la question de la santé, je vais peut-être clôturer cette interview avec une question plutôt sur le microbiote intestinal. Peut-être que tu peux nous faire un parallèle entre celui du sol.

  • Speaker #0

    Peut-être de reboucler sur le fait que les microbes du sol, est-ce que c'est ou non des choses qui construisent notre microbiote à nous ? Alors, il faut bien comprendre qu'il y a un continuum qui va du sol à la plante et à l'animal, dont nous. que ce soit par le biais d'autres animaux ou par les plantes qu'on mange, et que dans ce biais, nous, quand on n'a pas de microbes dans le tube digestif, c'est une des sources. de construction de notre microbiote qui est hyper diversifié. Dans ton tube digestif, tu as plusieurs milliers d'espèces de bactéries et de champignons unicellulaires parce que finalement, dans quelque chose qui est semi-liquide ou mou, ça ne tient pas. Donc, c'est des levures et puis des virus. Mais alors là, c'est pareil, les virus, on ne les connaît pas bien. Donc, l'idée, c'est qu'effectivement, il y a aussi des microbes dans les plantes. Il y en a vraiment... au cœur des plantes. Parce que, tu sais, chez les plantes, les cellules sont légèrement séparées. Elles peuvent l'être parce qu'elles ont une paroi qui les entoure, une paroi faite de cellulose. Et donc, les parois sont légèrement séparées pour laisser passer de l'air. C'est comme ça que le CO2 pour la photosynthèse ou l'oxygène pour la respiration arrive dans les tissus. Tu as une circulation par diffusion, tu as de l'air qui diffuse dans la plante. Alors évidemment, il y a des prises d'air, les stomates sur les feuilles, les lenticels sur les tiges, c'est le nom de ces structures par où rentre l'air, et là, il y a des microbes qui rentrent. Bon, c'est un petit peu filtré, un peu géré pour que les maladies ne rentrent pas, mais en fait, ces microbes s'installent dans les lacunes entre les cellules. Toi, tu as des microbes à la surface de ton organisme et dans les creux, comme le tube digestif, mais sur les plantes, ça va jusque dans les tissus. Donc il y a plein de microbes, et quand tu croques une pomme, tu avales plein de microbes. Est-ce que pour autant, c'est les mêmes qu'il y a dans les sols, dans les plantes et dans les gens ? Alors, juste avant de répondre à cette question, une chose, la diversité microbienne dans notre organisme fait notre santé, parce que ces microbes, ils envoient des molécules régulatrices, ils empêchent les pathogènes de s'installer, ils nous aident à digérer, ils envoient des régulateurs du système nerveux et du système immunitaire, c'est une partie de notre santé, notre microbiote, et il faut qu'il soit diversifié. Une des voies d'entrée dans les maladies modernes, obésité, diabète, Alzheimer, elles sont multiples, il y a ton environnement, il y a ta génétique qui joue. Mais une des voies d'entrée, c'est une réduction de la diversité des microbiotes. Donc il nous en faut, il faut qu'ils soient divers. Mais est-ce pour autant le même que celui des plantes et celui des sols ? Alors, il y a des flux. La plante est colonisée notamment à partir du sol. Mais on voit très bien quand on s'approche de la plante que plus on est proche de la racine, plus il y a des bactéries en quantité de cellules, parce qu'il y a plein à manger, toutes les sécrétions de la racine, mais le nombre d'espèces chute. Parce que les sécrétions de la racine ont des rôles antibiotiques pour empêcher les mauvais de s'installer et pour reconcentrer les bons. Quand tu rentres dans la racine, là, tu as une nouvelle chute de la diversité en termes de nombre d'espèces, parce que n'importe qui ne rentre pas. Il y a un tri à l'entrée quand même. Et après, c'est la même chose à l'entrée du tube digestif. Bien sûr, il y a quelques-unes des bactéries qui viennent de notre alimentation, qui s'installent en nous. Mais beaucoup des bactéries, on les récolte en fréquentant nos voisins. On se les inocule entre humains ou des parents à l'enfant. Et il y a récemment un chiffre qui est sorti. Quand on regarde le nombre de bactéries qui, dans le microbiote humain, sont susceptibles de devenir des plantes, c'est 2%. Donc tu vois, notre alimentation contribue à faire une partie de notre diversité de microbiotes, mais elle est assez petite et on a d'autres sources. Les interactions intraspécifiques, les interactions avec les autres animaux de la même espèce, ou les interactions avec l'environnement, ou d'ailleurs, on va éventuellement déposer des bactéries... viennent du tube digestif. Tu vois comment. Et donc, si tu veux, au total, on se retrouve avec cette idée que les microbes, ils sont super puissants partout. On l'a vu dans le sol, on l'a évoqué, mais dans la plante, ils font aussi sa santé. Ils produisent même des vitesses. vitamines et des hormones. On sait très bien que si on désinfecte totalement avec des bactéricides des graines, elles gèrent moins bien parce qu'il y a dans les graines des bactéries qui ont peuplé la graine à partir des tissus de la plante et qui produisent des cytokinines qui sont des hormones importantes pour la germination. Et tu peux très bien, tu chauffes ta graine, tu tues les bactéries, tu divises ta germination par deux, ton taux de germination par deux ou trois, mais si tu remets les bactéries ou si tu remets des cytokinines, tu reviens à un taux de germination normal. Donc, tu vois, elles sont partout dans la plante et partout dans son fonctionnement aussi, mais ce n'est pas pour autant les mêmes que dans le sol, et elles sont partout en nous, notre peau, notre tube digestif, le conduit des oreilles, du nez, le vagin, toutes nos cavités sont pleines de becs. même les poumons, qui nous aident à fonctionner aussi. Mais ce n'est pas forcément les mêmes. D'accord ? Il ne faut pas avoir une vision où on baigne tous dans le même bain. Non, non, non. C'est des discothèques avec des videurs extrêmement efficaces.

  • Speaker #1

    Le lien entre notre alimentation et le videur.

  • Speaker #0

    Ça n'empêche pas des fois des maladies de s'introduire. Mais les videurs sont très vigilants, hautement vigilants.

  • Speaker #1

    Donc le lien entre notre alimentation et...

  • Speaker #0

    Je pense que c'est deux choses. C'est le système immunitaire de la plante ou de l'animal, mais c'est aussi ceux qui sont déjà là. qui ne laissent pas s'implanter n'importe qui, parce que, en fait, c'est une histoire de concurrence et de durabilité du milieu de vie. Tiens, la durabilité. Se pourrait-il que les microbes soient finalement, par le biais de la sélection naturelle, plus à même d'entretenir la durabilité de leur milieu de vie, nous, ou la plante haute, que nous ne le sommes, nous, humains, d'entretenir la durabilité des écosystèmes qui nous nourrissent ? Peut-être que nous, on est moindris qu'eux, finalement. Alors, en fait, je renverse les choses. On a... Une science aujourd'hui qui est l'écologie, d'accord ? Et l'écologie, elle a... C'est un corpus de connaissances qui permet demain d'utiliser des interactions biologiques avec des champignons, avec des bactéries, d'utiliser des haies, de la mosaïque végétale, d'utiliser nos connaissances en écologie, des données de l'écologie pour faire de l'agronomie. Ben ça, ça... l'agroécologie. C'est convoquer les connaissances écologiques qu'on a accumulées ces dernières années pour faire différemment la même chose qui est de nourrir les gens un peu mieux, de les nourrir sainement dans des écosystèmes durables. C'est ça l'agroécologie.

  • Speaker #1

    Parfait. C'est une magnifique parole pour clôturer cette conversation qui était géniale. Je pourrais rester ici des heures à t'écouter. Oui, mais là,

  • Speaker #0

    quand on va dormir, il est temps qu'on aille aussi.

  • Speaker #1

    Voilà, exactement. Mais en tout cas, un tout grand merci pour ta disponibilité et d'avoir partagé tout ce savoir et cette connaissance avec les auditeurs du Deep Seed.

  • Speaker #0

    Et puis là, on y va. Consommateur, agriculteur, politique, on s'y met. Il est temps.

  • Speaker #1

    C'est parti.

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