- Speaker #0
L'agriculture actuelle, par rapport au changement climatique, elle va dans le mur. Elle va dans le mur aussi en termes de santé publique. Il y a un truc absolument dément, il y a un village. Il y a une étude sur le coût de dépollution de l'eau rapportée au coût d'épandage des pesticides. C'est toujours 2 à 10 fois supérieur. La dépuration de l'eau coûte 2 à 10 fois le coût d'épandage des pesticides. On est déjà dans des trucs où la société porte un poids terrible. Ça nous coûte très cher. Ah mais pas au moment d'acheter les carottes, mais au moment où tu payes ton eau potable. Cette dépollution de l'eau, il y a même une commune dans le nord de la France où la dépollution coûte 87 fois le prix de l'application des produits phytosanitaires sur la surface de la commune. Tu vois, c'est des trucs démons, c'est qu'en fait aujourd'hui en plus cette agriculture nous coûte putain de cher en cancer, en maladies professionnelles des agriculteurs, en épurant de l'eau. Tu vois, un chiffre pour la France, l'ordre de grandeur. d'enlever les nitrates de l'eau potable, c'est 10 à 14 milliards d'euros. Et d'ailleurs, tu te dis que c'est une solution, parce que quand tu fais une division de ces 10 à 14 milliards d'euros, quand tu divises par la surface des zones de captage, la surface qui est au-dessus des zones de captage, et qui est en fait la surface où il ne faudrait pas qu'il y ait d'azote qui fuit, ce que tu peux faire en amenant de l'azote sous forme organique, parce que là, il n'y en a pas beaucoup et ça n'a pas le temps de fuir, c'est manger. Il est lentement produit. Ce que tu peux faire en ayant des arbres et des haies, parce qu'il y a des racines profondes qui vont aller récupérer tout ce qui n'a pas été récupéré en surface, avant que ça arrive dans la nappe. Tu vois, ça c'est l'intérêt des haies par rapport à ça. Et tout ça, c'est des mesures que connaissent très bien les agences de l'eau dans les périmètres de captage. Mais tu te dis déjà que ces 10 à 14 milliards, si tu les remets en subvention, tu les paieras, mais si tu les remets en subvention sur la table, alors c'est pas facile, ça se fait pas en un jour, c'est 2 à 3 000 euros par hectare de zone de captage. Tu vois ce fric, ce pognon de dingue, comme disait, je ne sais plus qui, c'est une expression macronienne, ce pognon de dingue là. Donc le problème c'est que transitoirement, tu vois, tu vas être obligé de mettre cet argent sur la table pour que les gens aient des agricultures qui ne relâchent pas d'azote dans la nappe. Et tu vas continuer encore pendant quelques années à devoir nettoyer. Donc, tu as double peine pendant la transition. Donc, cette transition n'est pas aisée. Mais quand même, à terme, il y a un énorme pognon qui sert à nettoyer l'eau pour l'azote. Là, je parle de l'azote, c'est mon chiffre. Qu'on pourrait utiliser autrement. Qu'on pourrait utiliser pour une moitié à faire des économies et pour une autre moitié à aider les agriculteurs à avoir une agriculture qui a une autre fonction. Ne pas mettre trop d'azote ailleurs que dans la cible. parce que là en ce moment c'est pas dans la cible mais en gros il tire avec des tomates donc en fait il y en a tout autour de la cible et tu vois tant que tu es centré, tu n'as pas une vision écosystémique quand tu es centré sur la plante ce qui compte c'est que hop tu arrives sur la cible qu'importe si tu en fous à côté sauf que maintenant on s'aperçoit que tout ce qui passe à côté c'est l'horreur totale et ça n'améliore pas les comptes de l'exploitation car c'est perdu mais c'est payé ces engrais là On sait que le labour est toxique pour certaines formes de vie du sol parce qu'il désherbe. Et si ça tue un organisme qui est un tiers sous terre, c'est en gros la proportion de la biomasse souterraine de la plante, tu peux comprendre qu'un organisme qui est complètement sous terre risque d'être abîmé. Pour les animaux, il y a à la fois les prédateurs comme les oiseaux qui viennent les manger. il y a le risque d'être desséché dans un sol qui est brutalement plus aéré. Pour les filaments de champignons, ils sont déchirés, alors là, ils meurent complètement. Pour les bactéries, c'est plus compliqué, parce qu'elles sont souvent dans les grumeaux, elles sont toutes petites, on le disait tout à l'heure, et donc elles, elles vont souvent bien survivre, et c'est justement comme il y a plus d'oxygène, elles vont respirer plus, elles vont commencer à détruire la matière organique. Donc tu vois que tu es en train d'altérer le profil de biodiversité, et tu perds des fonctions. Il y a des fonctions qui ne sont remplies que par les champignons, les mycorhizes. dont on parlait, la dégradation de la lignine, qui est quand même un bon 30% de la matière organique qui arrive au sol, c'est eux ça. Et que eux ! Donc tu as des fonctions qui sont plus remplies parce que le profil de vie change, et par contre tu as des fonctions qui sont surremplies, c'est ces bactéries qui prolifèrent parce qu'elles sont débarrassées d'un certain nombre de champignons compétiteurs, et parce qu'il y a plus d'oxygène, qui va te bousiller ta matière organique. On compte que les sols agricoles d'Europe ont perdu 50% de leur matière organique depuis les années 50. C'est énorme. Alors, donc, tout ça, c'est très toxique. Pourquoi ? Parce que cette matière organique, d'abord par elle-même, elle retient l'eau. Deuxièmement, elle est collante, donc elle empêche l'érosion. Et quand il n'y a plus de racines et quand il n'y a plus de filaments de champignon, il n'y a plus que ça pour retenir le sol. OK, donc elle colle et ça, ça empêche l'érosion. Elle colle et ça stabilise les trous. Les trous sont plus stabilisés et les trous du labour s'effondrent très vite. Et de nouveau on retombe sur un problème de stockage de l'eau, non pas faute de matière organique mais faute de trous cette fois-ci, puisque les trous sont plus stables. Ensuite, bien sûr, cette baisse de matière organique, elle s'accompagne d'une émission de CO2, donc elle est mauvaise pour le climat. Bref, à un moment, ton sol, il arrive à une teneur de matière organique où il ne se tient plus. Et il part en masse, ça fait des coulées de boue, comme on a dans les Hauts-de-France par exemple, où là on a atteint des seuils critiques. de matière organique où le sol ne se tient plus. Donc s'il y a de la pente, il coule. Et comme il n'y a pas de haies, en plus, rien n'empêche. Rien ne le réceptionne à mi-pente.
- Speaker #1
Quand tu parles des bactéries qui respirent, qui bouffent la matière organique, ce n'est pas ça aussi qui libère de la fertilité ? C'est trop vite.
- Speaker #0
Et puis comme c'est après le labour, ce n'est pas le bon moment. Je te rappelle qu'après le labour, il n'y a plus ni champignons, ni chambres, ni plantes. Donc ce n'est vraiment pas le moment. Oui, tu peux le voir comme ça, mais le problème c'est que ça se passe à un moment où après le labour ça ne sert à rien donc Et quand on parle de la boue, en fait, c'est tous les travaux du sol. Souvent, les gens me disent, oui, mais si on ne va pas profond. Alors, il faut se souvenir que plus on descend, moins il y a de vie. Et qu'en fait, l'essentiel de la vie est en surface. On compte que les 20 premiers centimètres, c'est 80% de la vie du sol. Donc, on commence par le plus vif quand on perturbe le sol. Donc, il faut minimiser la perturbation du sol parce qu'une fois de plus, à long terme, ça fait... de l'érosion, bon une fois de plus les sols méditerranéens qui ont 5000 ans de labour et de surpâturage, faut le dire, ça joue aussi aujourd'hui ils sont squelettiques même autour des grandes villes antiques quand on visite ces villes antiques ces restes monumentaux là autour les sols sont pas bien épais mais si ces villes ont été construites là c'est qu'il y avait de l'agriculture comme autour de Paris, comme autour de Bordeaux, comme autour de Bruxelles c'est important ça Donc on voit très bien par l'exemple que ces sols disparaissent, on voit que leur capacité à retenir l'eau s'effondre, que leur capacité finalement à alimenter la vie du sol diminue. Une fois de plus, cette vie du sol est importante parce qu'elle fait les trous, mais il y a aussi tous les processus dont on n'a pas trop parlé, mais notamment c'est des microbes qui attaquent les roches et qui libèrent des sels minéraux. Ils le libèrent pour eux, mais il y a des fuites dans tous les sens, et c'est ça qui fait que dans le sol... on a fini par retrouver du calcium ou du potassium disponible pour les plantes. Ce n'est pas que ça se dissout dans l'eau les roches. Si, mais très lentement. Tout ça est accéléré par des microbes qui attaquent à coups d'acide localement ces roches pour en libérer des ressources pour eux. Et puis il y a des fuites. Et quand tu as moins de microbes dans le sol et quand tu as moins de champignons, tu n'as pas les mêmes processus de libération de la fertilité minérale, qui est aussi une des grandes fonctions du sol. Et en plus, quand tu aères ton sol, tu n'as plus les bactéries qui fixent l'azote. Celles dont on disait tout à l'heure qu'elles habitent notamment chez les légumineuses. Il y en a quelques-unes qui font ça toutes seules dans le sol. Mais elles le font dans le sol ou dans les légumineuses parce qu'il leur faut des microniches pas trop riches en oxygène. Un petit peu pour respirer, mais pas trop. Si tu aères ton sol par le labour, tu n'as plus ces bactéries fixatrices d'azote. Donc là, tu dépends complètement d'apport d'azote exogène. Donc, je le répète. Il faut éviter le travail du sol. On ne fera pas de patates sans travailler le sol, évidemment.
- Speaker #1
Pourquoi c'est difficile pour les agriculteurs de réduire le travail du sol ?
- Speaker #0
Ça a toujours été la base. Je voudrais d'abord montrer une agriculture qui n'a jamais labouré, c'est l'agriculture précolombienne, qui a nourri d'énormes cités antiques, alors peut-être pas avec une régularité du tonnerre, mais qui montre que certains en fait de l'agriculture sont labourés, puisque les précolombiens n'avaient pas de fer, donc pas de charrues, et pas d'animaux de trait. Ce qui est intéressant, c'est qu'eux, d'abord, ils pratiquaient la milpa, qui est à la fois un régime alimentaire et un mode de culture mélangé. Dans la milpa, tu as du maïs qui pousse, tu as du haricot qui grimpe dessus. Le maïs plus l'haricot, c'est très bien, ça couvre notamment tous les besoins en acides aminés essentiels, même si l'haricot manque de méthionine, et je crois que dans le maïs, il n'y a pas de lysine et d'arginine, mais peu importe, au total, c'est très équilibré. D'ailleurs, ils complétaient ça de quelques éléments de chasse, mais ils n'avaient pas vraiment besoin de manger beaucoup de viande. Et la milpa, c'est trois plantes. on appelle ça aussi les trois soeurs, des courges en couvre-sol. Et ce n'est pas tellement que les courges sont intéressantes nutritivement, même si ça fait une source d'eau qui n'est pas contaminée, c'est très liquide, mais surtout ça permettait de faire un couvre-sol. Nous on n'a pas cette culture des couvre-sols, on pense tout de suite à griffer la bourrée parce qu'on a tout de suite eu cette idée. Je vais te donner un autre exemple. On sait qu'il existe des blés remontants, des blés pérennes, qui eux ne souffrent pas de vivre longtemps en un endroit, parce que c'est des... Les plantes pérennes, elles supportent de vivre dans le même sol pendant quelques années, alors que les plantes annuelles, ce n'est pas le cas. Si tu fais blé sur blé, tu vas rapidement accumuler des maladies, parce qu'elles ne savent pas bien lutter contre l'accumulation de maladies, et pour cause, elles sont annuelles. Donc les générations suivantes, elles sont ailleurs. Donc nos plantes annuelles, on ne peut pas les faire en monoculture permanente. Par contre, on pourrait avoir des blés remontants. Il y a des tentatives en sang, je ne dis pas que ça se fera demain, mais on n'a jamais pensé à ça, on n'a jamais pensé au blé pérenne, façon vigne ou agriculture. On n'a jamais pensé au foie en pain parce qu'on est abonné aux annuels puisqu'on laboure. Donc quelque part ça nous a bloqué vers certains possibles. Et ces possibles existent puisqu'une fois de plus, il y a eu des agriculteurs non labourés.
- Speaker #1
Ça a tellement bien marché à court terme que ça ne nous a pas vraiment laissé la possibilité d'éclairer d'autres... T'as raison,
- Speaker #0
c'est que quand tu commences à labourer, si t'as pas labouré, les premières années c'est trop bien. Mais ça c'est fini. Aujourd'hui, ce qui est trop bien c'est quand t'arrêtes de labourer. On voit très bien, la résilience est encore assez rapide, des sols, on va revenir là-dessus et dire pourquoi, mais en 2 à 5 ans, voire 10 ans, tu as un sol qui fonctionne mieux, qui stocke mieux l'eau, tu vois augmenter. même si tu utilises du glyphosate pour dézerber parce que souvent Comme herbicide, avant les semailles, tu es coincé. Si tu te contentes de couper, il y a des remontants qui souvent passent du glyphosate. Malgré la toxité du glyphosate, ces agricultures non labourées remontent la vie du sol de 25% en biomasse. Alors en fait, si ça réagit vite... C'est que notre agriculture dans nos régions, autant sous les tropiques, labourer c'est l'horreur. Et c'est pour ça qu'au Brésil par exemple, on a pratiquement plus de 60% de la surface qui n'est pas labourée. Parce qu'en fait très vite les agriculteurs ont vu que le labour n'était pas une option. Là-bas il y a peu d'argile. et donc quand on détruit la matière organique par le labo il n'y a plus rien qui tient le sol. Chez nous, on a de l'argile. Donc, ça va, on a un peu abîmé nos sols, mais pas trop. En fait, on a un écroulement des quantités de microbes dans nos sols agricoles, mais pas vraiment d'extinction d'espèces. Enfin, si, quelques champignons qui ne se portent pas le laboure. Mais ils ne vivent pas très loin encore, dans des pâtures, par exemple, ou dans les bordures des forêts. Donc, ils peuvent revenir rapidement. Nous, on a une résilience rapide parce qu'il y a encore des microbes qui traînent. Ce n'est pas vrai que les sols sont morts. La preuve, c'est qu'ils revivent mieux rapidement. Cette agriculture non labourée permet de remonter très vite de 25% la vie du sol. Ça fait plus de trous, ça va permettre de dégrader les engrais organiques qui arrivent à un bon rythme. Ça va contenir plein de champignons mycorhiziens qui vont aider les plantes à se nourrir. Bref, c'est trop bien.