Speaker #0Bienvenue sur Déficast, le podcast de la filière Déficience dédiée aux maladies rares du neurodéveloppement. Épisode 1. La Déficience intellectuelle, par le professeur Vincent Desportes et le docteur Delphine Héron. De quoi parle-t-on ? Les degrés de déficience intellectuelle sont très variables et de ce fait les besoins de soutien qui en découlent sont aussi très différents d'une personne à l'autre. Par exemple, une personne en situation de polyhandicap va nécessiter une aide continue, y compris pour son alimentation ou son hygiène, alors qu'une personne avec une déficience intellectuelle légère ou moyenne aura besoin d'une aide humaine pour compter son argent dans les magasins ou pour se déplacer dans les transports. Historiquement, on se basait sur le chiffre de QI pour définir le degré de déficience intellectuelle, mais on se base aujourd'hui surtout sur les capacités d'adaptation à l'environnement de la personne, donc sur son niveau de fonctionnement, dont vont découler les besoins de soutien. Ce point est vraiment fondamental, parce qu'il montre combien le degré de handicap ne résulte pas uniquement de la déficience de la personne, mais qu'il résulte d'une interaction entre la personne vulnérable et son environnement. Et cet environnement, il peut être obstacle ou il peut être facilitateur pour sa participation et son autonomie. Par exemple, en cas de déficience intellectuelle légère, le handicap intellectuel peut être aggravé, parfois considérablement, par une situation de précarité sociale ou un handicap psychique. Un autre point capital, c'est que le handicap cognitif, intellectuel, peut être aussi aggravé par des surhandicaps, c'est-à-dire des problèmes médicaux ou comportementaux qui auraient pu être repérés, dépistés, traités, comme par exemple des problèmes de surdité, d'audition, de vision, les troubles de régulation du comportement alimentaire, la régulation socio-émotionnelle, les problèmes de sommeil, mais aussi des problèmes orthopédiques. cardiaques, digestifs, hormonaux, qui sont d'autant plus trompeurs que l'accès aux soins des personnes déficientes intellectuelles est souvent très difficile. Combien de personnes sont concernées ? La déficience intellectuelle concerne environ 1,5 à 2% de la population. Cela dépend selon les études. Soit approximativement en France, 1 million de personnes. avec 0,3 à 0,4% de personnes avec déficience intellectuelle sévère à profonde. Mais si la déficience intellectuelle concerne avant tout les personnes déficientes intellectuelles elles-mêmes, elle change aussi la vie quotidienne de beaucoup de monde. Les parents, les frères et sœurs, mais aussi les grands-parents qui sont souvent mis à contribution. Et puis elle concerne les professionnels de terrain qui sont impliqués au quotidien dans l'accompagnement de ces personnes. Je pense aux éducateurs spécialisés, aux aides médico-psychologiques, les AMP, mais aussi aux travailleurs familiaux, aux soignants, qui sont avec les familles les aidants familiers des personnes. Et au total, au moins 5 à 6 millions de Français sont directement concernés par la déficience intellectuelle au quotidien. Ça représente 10% de la population. Quels sont les signes d'appel ? Le type de signe d'appel qui va nous orienter vers une déficience intellectuelle ou un retard global du développement, ainsi que l'âge du repérage de ces signes, vont dépendre avant tout du degré de déficience. Si l'enfant va présenter une déficience sévère à profonde, c'est dès la naissance ou dès les premiers mois de vie que l'on va repérer une hypotonie, une mauvaise interaction visuelle, un mauvais sourire-réponse. Si la déficience est plus modérée, c'est entre 1 et 5 ans que l'on va voir un retard de langage, un retard de marche, une hyperactivité, un comportement agressif ou un trouble du sommeil envahissant. Vous voyez combien ces signes sont peu spécifiques. Le retard de langage, ce n'est pas un diagnostic, c'est un symptôme et il va nous orienter vers une surdité, vers un autisme, vers une déficience intellectuelle, vers une dysphasie, c'est-à-dire un trouble d'aptitude. acquisition du langage oral ou bien ce sera un simple retard de langage. Donc il faut enquêter. Enfin, en cas de déficience légère, c'est souvent à la fin de l'école élémentaire, au collège, qu'après avoir acquis les compétences fondamentales, le jeune adolescent se trouve en difficulté scolaire, en difficulté à s'ajuster avec les autres élèves et cela peut parfois se manifester par une dépression si le diagnostic n'est pas porté à temps. Il peut s'agir bien sûr des professionnels de la petite enfance qui sont sensibilisés à ces questions, mais le plus souvent, ce sont les parents qui repèrent. Dans une étude récente française, où des questionnaires ont été envoyés à des parents de plus de 450 enfants avec un autisme souvent sévère et une déficience, les parents ont dit, dans 87% des cas, qu'ils avaient repéré un problème avant. d'avoir été informé de ce problème par le médecin traitant. Je crois vraiment qu'il est essentiel de prendre au sérieux le doute d'un parent, son inquiétude et de ne pas rassurer à tort. Bien sûr il ne faut pas non plus inquiéter inutilement mais rassurer à tort a plus de conséquences parce que dans ce cas là s'il s'avère que l'enfant a bien un trouble du neurodéveloppement Le parent ne peut plus faire confiance aux professionnels parce qu'il voit qu'on a nié son inquiétude et que finalement, c'est lui qui connaît le mieux son enfant et qu'il est vraiment difficile ensuite de refaire alliance avec les équipes de professionnels. Malgré tout, quand un signe d'alerte est repéré, cela ne veut pas dire que l'enfant a un trouble du neurodéveloppement. Un enfant qui ne marche pas à 18 mois ou qui ne parle pas à 2 ans n'a pas forcément un trouble du neurodéveloppement. S'il passe sa journée dans un baby relax devant la télévision ou qu'à la maison on ne parle pas le français, il est clair que cela peut impacter son développement psychomoteur. Dans ce cas, quand on a un doute, ce qu'il faut c'est mettre en œuvre une intervention précoce. avec le kinésithérapeute, le psychomotricien, l'orthophoniste. En libéral, quand c'est possible pour les parents, ou bien au CMP ou au CAMS. Et puis ensuite, on va voir comment l'enfant mobilise ses compétences. Quelle est sa trajectoire ? Avec un enrichissement de son environnement, de sa stimulation, on va voir s'il fait des progrès et s'il rattrape son retard. Et s'il ne rattrape pas son retard, Il ne faut pas attendre des années pour s'interroger sur le fait qu'il peut avoir un trouble du neurodéveloppement, un retard global, une déficience intellectuelle ou un autisme. Et dans ce cas-là, il faut apporter un élément de diagnostic et commencer à rechercher la cause de ce trouble du neurodéveloppement. Et si c'était un trouble du neurodéveloppement ? Le rôle du médecin traitant est essentiel sur plusieurs points. Premièrement, il participe au repérage d'un trouble du neurodéveloppement chez un nourrisson ou un enfant qui présente une trajectoire développementale atypique. Pour cela, il va prendre soin d'écouter les inquiétudes des parents, on l'a déjà dit. Il va aussi utiliser les repères du carnet de santé des quatrièmes mois, neuvièmes mois et de deux ans, qui sont de bons repères. Il va éventuellement s'aider de questionnaires parentaux de dépistage comme le chat. et il pourra aussi réévaluer, et c'est le plus important, réévaluer les progrès de l'enfant en le revoyant régulièrement. Deuxièmement, il va se préoccuper du dépistage des troubles associés, les troubles auditifs, les troubles visuels, avec les outils de dépistage du cabinet et éventuellement accès à un spécialiste. Troisièmement, il va orienter l'enfant vers des professionnels de l'accompagnement et de la rééducation. Et ceci de manière assez précoce. Il va proposer des séances de kinésithérapie, de psychomotricité, d'orthophonie, selon l'accessibilité de chacun de ses professionnels et les besoins de l'enfant. Et il le fera sans attendre d'avoir une certitude diagnostique. Enfin, et parallèlement, il va adresser l'enfant au CAMS, à un neuropédiatre, à un pédopsychiatre, pour affiner le diagnostic. pour préciser le projet d'intervention précoce multidisciplinaire. Et puis il va aussi proposer une consultation à nouveau auprès d'un neuropédiatre ou d'un généticien pour amorcer la recherche de la cause de ce retard de développement ou de cette déficience intellectuelle. Quels sont les critères diagnostiques ? La déficience intellectuelle repose sur trois critères diagnostiques. Le premier, il faut une performance intellectuelle significativement inférieure à celle attendue compte tenu de l'âge et de l'environnement culturel de la personne. C'est-à-dire que l'on obtient un score inférieur à moins de déviation standard, c'est-à-dire inférieur à 70 au niveau du quotient intellectuel. Sur un test psychométrique standardisé, telles que les échelles de Wechsler qui sont les plus répandues, et en utilisant toujours la dernière version validée. Mais attention, au-delà du chiffre de QI qui est important, il faut bien regarder s'il existe des dissociations dans les performances de l'enfant ou de l'adulte, c'est-à-dire selon les modalités d'accès au raisonnement, par la voie auditive ou verbale, ou visuelle et spatiale, on s'assurera qu'il n'y a pas de grosses différences. Par exemple, un enfant qui obtient 40 en compréhension verbale, mais qui a 90, donc proche de 100, la moyenne, En raisonnement visuospatial, on évoquera plutôt une dysphasie qu'une déficience intellectuelle et le QI total ne pourra pas être pris en compte. Le deuxième critère pour la définition de la déficience intellectuelle, ce sont les capacités d'adaptation à l'environnement qui sont aussi altérées. Et cela fait partie de la définition. Et ces compétences adaptatives doivent être évaluées par des outils standardisés, en utilisant cette fois-ci non pas le QI, mais des échelles adaptatives, comme l'échelle de Vineland 2, qui est aujourd'hui disponible en France. Ces échelles évaluent par des dizaines de questions l'intelligence pratique de la personne dans son environnement. Par exemple, savoir faire ses cours, se participer à des cours, à la vie de la famille ou du foyer, savoir lire, compter ou écrire. Le troisième critère, qui est aussi important, c'est que la déficience intellectuelle se révèle pendant la période de développement, jusqu'à la fin de l'adolescence à peu près. Ce critère nous rappelle qu'il s'agit bien ici d'un trouble du développement des compétences intellectuelles et que l'on exclut de ce champ les démences, comme la maladie d'Alzheimer par exemple, qui va toucher une personne qui perd des capacités intellectuelles qu'elle avait acquises préalablement. Pourquoi chercher la cause ?