Speaker #0S'habiller ou ne pas s'habiller, ça dit que t'es confondue. Mais on ne veut pas ça. Déshabillez-vous. H.V. Déshabillez-vous. Quand t'es bien habillée, que tu te trouves frais ou fraîche quand tu te regardes, et ben en fait, ça te permet de sécréter des endorphines. Déshabillez-vous. Salut, moi c'est Samia Boujard et tu t'apprêtes à écouter Déshabillez-vous avec Samia Boujard. Depuis toujours, j'ai été attentive à mon environnement, pour de multiples raisons. Et ce que j'en ai gardé aujourd'hui en tant qu'adulte, c'est ce sens de l'observation, de l'analyse, je crois que je le dis souvent, l'analyse du non-verbal. J'observe comment est-ce que les gens bougent leur corps, comment est-ce qu'ils regardent leur environnement, comment est-ce qu'ils regardent les autres individus lorsqu'ils les croisent, et puis comment ils sont habillés. Ça, ça a toujours... était quelque chose qui m'a attirée depuis toute petite. C'est vraiment quelque chose qui m'a accompagnée tout le long, je crois, de mes 40 années et des poussières d'existence, où j'ai observé ce que portaient les gens comme vêtements, comme accessoires, comme bijoux, leurs sacs. Quand les femmes ouvraient leurs sacs, j'essayais toujours d'avoir un œil qui plonge dedans pour voir ce qu'il y a dedans. La petite fille que j'étais m'accompagne toujours aujourd'hui avec cette petite fille. cette curiosité. Et aujourd'hui, ça me sert grâce à une sorte de... J'utilise un mot à la mode, de database. Donc, je me suis construit une database constituée d'images, de couleurs, de mouvements, même d'odeurs, de parfums, parce que ça aussi, ça dit des choses sur notre environnement, sur les gens. C'est la partie de mon enfance, la partie de la petite fille que j'ai été, avec laquelle je me balade encore aujourd'hui. Alors ce sens de l'observation a eu comme conséquence que j'ai toujours été en retrait, un petit peu en retrait. En tout cas, je me suis toujours sentie en retrait. Je me suis toujours sentie en décalage, différente, sans vraiment savoir pourquoi. Je pensais que c'était dû au fait que mon univers... L'esthétique intérieure, je ne pouvais pas l'exprimer quand j'étais plus jeune, jusqu'à très tard quand même, jusqu'à la vingtaine, je pense. Là, j'ai vraiment pris le pouvoir sur mon esthétique personnelle et sur l'esthétique générale de mon environnement. Et donc jusque-là, c'était quelque chose qui me mettait en retrait. Les gens pensaient que j'étais lunatique. Je sais que quand j'étais plus jeune, les gens de mon entourage trouvaient que j'étais lunatique parce qu'en fait, dès lors qu'il y avait quelque chose qui attirait mon attention, je faisais un focus là-dessus. Donc, de l'extérieur, je donnais l'impression d'un seul coup de me fermer. Mais en fait, je ne me fermais pas. Au contraire, c'est que je focussais mon attention sur quelque chose. Une personne, un mouvement, une couleur, une odeur. Voilà, j'observais les gens. Et plus âgé, c'est marrant parce que des proches me disaient Mais Sam, arrête d'observer les gens comme ça parce qu'ils peuvent mal le prendre en fait. Ils peuvent avoir l'impression que tu les dévisages, que tu les juges. Alors que moi, j'étais juste en mode analyse. Scanning total et complet. Je le fais encore parfois. quand je suis dans des lieux publics ou quand je prends les transports en commun, mais je m'en rends compte et alors j'arrive un peu plus à gérer qu'avant. Au départ, cette database, je n'avais pas conscience qu'elle existait, mais je l'utilisais déjà et je l'utilisais beaucoup. Et je l'utilisais avant de me lancer et de faire le métier que je fais aujourd'hui. Les métiers, je ne sais pas vraiment si ce que je fais, c'est un métier unique ou ce sont des activités en fait, avant de mener les activités que je mène aujourd'hui. Cette database, je ne l'utilisais pas à bon escient, je crois, parce qu'en fait, je l'utilisais pour juger et classer mon environnement, donner une note, une valeur, ce qui faisait que je me sentais encore plus en retrait parce que j'avais l'impression que c'est très difficile à expliquer. Je voyais toutes les différences, tous les détails, toutes les différences. Et donc, ça a longtemps accentué mon sentiment de rejet, un peu comme ça, où j'étais à côté de la plaque. Donc, je me disais, ouais, mais... En fait, non, moi, cette personne est comme ça, cette situation, c'est comme ça, comme ça, et moi, je ne fais pas partie de... Je ne suis pas comme cette personne. Cet environnement-là, je n'en fais pas partie parce qu'il y a des codes. Je comprends les codes, mais ce n'est pas mes codes. À un moment donné, et ça, ça remonte à quand je me suis lancée comme indépendante, donc ça remonte à peut-être 7 ans, quelque chose comme ça, il a fallu que je me sente bien dans les environnements dont je ne maîtrisais pas les codes. Et puis je me suis rendu compte que j'arrivais très rapidement à comprendre les codes, à me les approprier et puis à faire en sorte de les mettre en application. Et c'est là que j'ai pris conscience de cette database. Je me dis, ah mais en fait, cette personne, elle bouge comme ça, elle parle comme ça, elle a ce type de vocabulaire. Quand elle parle de tel ou tel sujet, elle utilise ce champ sémantique. Quand je la vois dans tel environnement, elle peut-être s'exprime différemment, elle s'habille certainement différemment. OK, ça, c'est des outils. Donc ça, c'est un outil. Elle utilise un outil pour communiquer. Et moi, je comprends ce langage. Et donc, c'est là que j'ai pris conscience que, ah putain. En fait, j'ai une putain de bibliothèque d'émotions, de sentiments, de mouvements, de communications non-verbales, dont le vêtement fait partie. Quand je me suis rendue compte que j'utilisais une database et qu'elle me permettait de rationaliser ce qui se passait autour de moi, en réalité, le fait de rationaliser me permettait d'effacer, gommer, cacher peut-être. ce sentiment de différence et de rejet que je connaissais depuis l'enfance, quand je me retrouvais dans un environnement qui n'était pas le mien, en tout cas, duquel je n'étais pas originaire et dont je ne maîtrisais pas les codes de manière native. Je ne sais pas si ça se dit, mais voilà. Et donc, ça me permettait de me sentir bien au milieu des gens que je ne connaissais pas, au milieu des gens avec lesquels je n'avais pas de points communs, en tout cas, pas de prime abord. ça m'a permis de faire une sorte d'aller-retour, rationaliser mes émotions, mon sentiment de différence et de rejet en observant les gens et en analysant les choses et en les classant, en fait, vraiment en les classant, ça me permettait de me sentir mieux. Et puis, à un moment donné, cet outil, comme je la maîtrisais de manière beaucoup plus spontanée et naturelle, donc au départ, je l'ai, la database, puis j'en prends conscience, puis je l'utilise en ayant conscience, et puis à un moment donné, ça devient une sorte d'automatisme. Et donc, après que ce soit devenu un automatisme, ça m'a permis d'aller vers l'autre de manière plus... d'entrer en contact avec les gens, d'entrer en contact avec les gens, de les comprendre. Et aussi, ça c'est récent, de me rendre compte que moi aussi je me fais comprendre. Parce que soit c'est moi qui fais le chemin entier vers les gens avec lesquels je n'ai pas le même langage, ou alors, de par ma démarche... mon interlocuteur, mes interlocuteurs font la moitié du chemin, je fais la moitié du chemin. Donc en fait, ça m'a rapprochée du monde. C'est marrant. Donc ma curiosité, mon sens de l'observation, la constitution de cette méthodologie, que je suis sûre que je n'ai pas inventée, je suis certaine que je me dis qu'il y a peut-être des gens qui vont écouter, qui vont dire bah en fait oui, que ça correspond à une méthode qui existe déjà Ça m'a permis de m'épanouir moi, de dire ok, je suis comme je suis, telle que je suis J'ai ma manière de m'exprimer, j'appartiens à une certaine culture, j'ai des codes qui sont issus de ma culture, de mon environnement, et en plus, j'ai cette capacité de connaître, de comprendre et de savoir appliquer d'autres codes. Et à partir du moment où je me suis rendue compte que je pouvais librement entrer et sortir dans tous les mondes, tous les univers, tous les... Oui, tous les environnements en fait, parce que je sais maîtriser les codes. Je me suis sentie libre de me présenter au monde comme j'avais envie de me présenter au monde. Donc, pour en revenir à l'outil qui est le mien, qui est le vêtement, qui est l'image, c'est de me dire, quel que soit l'endroit où je vais, je peux être comme je veux. Je peux choisir, je ne suis pas obligée de me déguiser. Alors bien sûr, il y a des endroits où il y a des codes, il y a des événements où il y a des codes, ça on est d'accord. Mais je ne vais pas à un entretien d'embauche. Bon, je n'y vais plus à des entretiens d'embauche, mais à un moment donné, encore au début, quand j'ai commencé à prendre conscience de tout ça, j'allais encore à des événements de networking, business, machin, d'entrepreneur et tout ça. Et je faisais hyper gaffe à comment j'étais habillée, à quels bijoux j'allais mettre, est-ce que j'y vais maquiller ou pas maquiller, quelle coiffure, même quel parfum je vais mettre. En fonction des gens qui étaient là, j'adoptais un autre vocabulaire. Non pas que je ne le fasse plus parce qu'on le fait tous, c'est en principe, je crois, de la vie en société, mais je suis moi-même quand je le fais quand même. Je suis vraiment libre d'être moi-même ou que je sois, quelles que soient les personnes qui m'entourent. Et en plus de ça, ça a renforcé ma légitimité dans le choix professionnel que j'ai fait. De me dire, en fait, oui, je peux être styliste, je peux être costumière, je peux être directrice artistique, parce qu'en fait, j'ai cette database. J'ai des choses que j'ai observées qui sont... tangible. Et puis à ça, je peux venir greffer tout le monde et l'imaginaire que j'ai construit comme n'importe quel individu depuis que je suis enfant. Au travers de ce que j'ai observé, de ce que j'ai lu, de ce que j'ai inventé dans ma tête. Et de venir le présenter à des gens, en l'occurrence... des artistes ou des créatifs, en leur disant Mais d'après qui tu es, ce que je vois de ce que tu es, de ce que tu m'as raconté, de ce que j'imagine, pour telle ou telle occasion, on pourrait faire comme si, on pourrait utiliser de couleur, on pourrait utiliser cette matière, on pourrait utiliser... Et franchement, je suis rarement tombée vraiment à côté de la plaque. Très rarement. Et donc là, aujourd'hui, avec tout ça, tout ce que je viens de raconter, et les discussions que j'ai eues sur les dix épisodes précédents, je peux continuer de faire ça. Parce que ça évolue, j'évolue tout le temps et que chaque rencontre renforce mon idée que chacun a le droit d'être qui il est, comme il est et de se faire confiance. Et en fait, ce n'est qu'en observant et en essayant, en analysant et en confrontant ce qu'on a dans la tête avec la réalité, qu'on apprend, qu'on avance, qu'on grandit, qu'on échange et qu'on rencontre des nouvelles personnes. Malgré tout ça, il y a quand même cette... La sensation de différence et de rejet, d'être un petit peu le vilain petit canard sur la mare, est toujours quand même présente, mais pas de manière constante. Il y a quelque chose de très étrange, et ça c'est un gars qui s'appelle Edouard Nemeth, que j'ai rencontré il y a quelques années, qui a bossé avec moi sur un shooting photo. Il m'a assistée sur un shooting photo parce qu'il avait envie de voir... en quoi consistait mon travail. Et donc, il m'a accompagnée un jour sur un shooting photo. C'était le shoot pour une campagne pour le lancement d'une marque de maroquinerie. Comme beaucoup de choses que j'ai faites, c'était la première fois. J'ai fait beaucoup de premières fois dans mon travail. J'ai énormément de premières fois. Et en fait, il m'a dit un truc après cette journée de shooting. Il m'a dit, Sam, c'est incroyable. Quand tu es en train de travailler, quand tu es en train de créer, on a l'impression qu'autour de toi, plus rien n'existe. Il m'a dit qu'il m'avait observée comme on regarde un film. Et en fait, après, ça, ça m'a fait réfléchir. Et en fait, c'est totalement ça. C'est-à-dire que cette sensation de différence, de rejet que j'ai, cette crainte d'être jugée, de mal faire les choses, je l'ai quand j'intellectualise à fond ce que je fais. Par contre, quand je fais la fusion entre ma database et mon univers intérieur, en fait, je suis dans un autre monde. Et j'ai confiance en moi, j'ai confiance en ce que je suis en train de faire, parce que... Je ne suis pas dans une bulle fermée. Je ne suis pas dans une bulle qui est hermétique. Parce que j'entends ce qu'on me dit. Je tiens compte de ce qu'on me dit. Je tiens compte de ce que, quand je travaille avec quelqu'un, ce que cette personne me dit, même ce qu'elle ne me dit pas, c'est hyper important. Je fais attention à comment elle bouge, si elle se sent à l'aise ou pas. Je fais gaffe à la manière dont je parle, pas trop fort. Est-ce que je dois me montrer rassurante ou plutôt déterminée et guidante ? Et en fait, là, j'ai confiance. J'ai peur de rien. Et je crois que les gens qui ont travaillé avec moi sur différents projets l'ont perçu, ressenti. C'est que quand je fais un truc, je sais qu'à ce moment-là, je fais quelque chose de bien parce que je fais du mieux que je peux. Et ce n'est pas genre je fais du mieux que je peux et bon, peut-être que ce n'est pas terrible. Non, quand je suis en train de le faire, pour moi, c'est le top du top, sur le moment même. Après, bien sûr que j'analyse après, mais c'est ça que la database m'a... m'a apporté, c'est cette confiance. Et en même temps, je pense que cette peur du rejet et du jugement n'est pas forcément quelque chose de négatif, dans la mesure où, comme je viens de l'expliquer, quand je bosse, quand je taffe, je sais ce que je suis en train de faire. Par contre, si un jour j'ai plus ça, je pense que c'est le début de la fin, parce que ça voudrait dire que je ne me remettrai plus en question. Donc cette crainte, c'est doucement en train de se transformer, de passer de la peur du rejet de qui je suis et de ce que je fais. C'est plus passer dans une peur, une crainte d'avoir loupé quelque chose, mais que j'aurais pu faire mieux parce que j'en ai les moyens. Par contre, quand je fais un truc qui n'est pas terrible parce que j'en ai pas les moyens, pas les connaissances, pas les outils techniques, matériels ou l'expérience, c'est OK. Parce que je sais que la prochaine fois, je vais combler le gap. Pour l'aspect créatif, le premier souvenir qui me vient, c'est un dessin. c'est que j'aimais beaucoup dessiner. Et je crois que pendant une période, à un moment donné, j'ai dû recevoir un anniversaire ou un truc comme ça, de la peinture, de l'aquarelle, je crois, ou de la gouache, un truc dans le genre. Et je me souviens que j'étais très bonne élève quand j'étais à l'école primaire. J'étais, enfin, en fait, toute ma scolarité, tous les cours littéraires, donc français, histoire, tout ça, c'était des cours dans lesquels j'excellais. J'avais chaque année dans les écoles communales, je crois en Belgique, je ne sais pas, au Bruxelles en tout cas, dans toutes les écoles communales, quand moi j'étais petite, à la fin de l'année, on recevait des prix. Et moi je recevais chaque année le prix de français. Et donc le prix de français, on recevait des livres. Et en fait, les seuls livres que j'avais à la maison, c'était ces livres-là. Et je me souviens que j'en avais un qui était sur l'Égypte. C'est fou parce que j'avais moins de 10 ans. Je devais avoir 7 ans. Comme ça, c'était vraiment deuxième primaire. Et ça m'avait passionnée parce qu'il y avait de l'histoire dedans. Et puis parce qu'il y avait les costumes. Après, c'était un livre d'histoire pour les petits, un peu en mode bande dessinée, je crois. Et alors, il y avait les vêtements, les costumes. Je trouvais ça... génial et je me souviens que dans mes premiers dessins c'était des reproductions de ça et puis j'ai eu un cours de dessin je ne sais pas où où on m'a appris à dessiner les proportions d'un visage et j'avais fait le portrait d'une petite fille qui était avec moi dans un cours de c'est un cours de religion islamique à l'école communale numéro 9 elle était réfugiée parce que c'était la guerre au liban et j'avais fait son portrait et ce dessin je m'en souviens et franchement il était méga réussi Je me suis rendue compte, je crois à ce moment-là, que j'avais envie de faire des... Je me suis rendue compte. Encore une fois, il y a ce qu'on fait, et puis il y a le moment où on prend un peu conscience qu'on est capable de... Bon, aujourd'hui, je n'ai pas l'impression que je sois quelqu'un qui dessine très, très bien. Mais ça, c'est les premiers trucs que je qualifierais de créatifs que j'ai faits en étant petite. Ensuite, j'ai commencé à, très tôt, pas pimper mes tenues, mais à aimer des choses que les autres n'aimaient pas. Ce qui avait accentué le rejet de... de la petite fille que j'étais, parce que moi, j'aimais bien porter des jupes en jean courtes avec des sneakers, avec des scratchs, des grosses baskets blanches avec des scratchs. Ce n'est pas la vibe, ce n'est pas la traîne, mais moi, j'aimais bien. Je ne comprenais pas, donc ça me rendrait... J'étais fière quand je m'habillais le matin et que j'allais sur le chemin de l'école, mais quand j'arrivais à l'école et que j'avais les railleries des autres enfants, je me disais, ah ouais, non, en fait, ce n'est pas bien ce que je fais. Je crois que ce sentiment de jugement et de rejet, il vient de là. C'est que moi... avec moi, je trouvais ça trop cool. Quand je confrontais ça à mes pères, on me disait non, en fait, c'est pas cool parce que c'est pas comme tout le monde. Aujourd'hui, je comprends, quand on est petit, on veut ressembler à tout le monde parce qu'on veut cette cohésion sociale, on veut appartenir au groupe. Puis après, avec le temps, on veut plus s'affirmer dans son individualité. Donc ça, c'était difficile. Et je pense que je porte encore ça aujourd'hui, de me dire ouais, OK, fais gaffe quand même, parce que... C'est bien, tu peux être différente, mais pas trop non plus. Parce que ça veut dire qu'après, tu es marginale. Je n'ai pas envie non plus d'être marginalisée. Et même ça, aujourd'hui, je vais mettre des nuances là-dessus, parce qu'avec le temps, la maturité, enfin voilà. Ça s'est plus traduit, la créativité s'est plus traduite dans la manière dont je pouvais moi me présenter au monde. Parce que c'était le plus simple. Je n'avais pas d'outils pour faire autrement à la maison. Je n'avais pas des... Enfin, blindé de... marqueurs, crayons de couleur, du papier, des trucs pour coller, enfin voilà, j'avais pas tout ça. Donc je pouvais pas le faire de cette manière-là, en mode art plastique, je pouvais pas le faire en mode art plastique. Donc là où je pouvais faire des trucs, c'était sur ce que je portais, sur mes fringues. Donc je me souviens que je montais ou je descendais mes jupes pour qu'elles soient plus ou moins longues, je jouais avec mes chaussettes aussi, monter, descendre. Pendant un moment, j'ai reçu des foulards, j'avais reçu des bandanas, donc je les mettais. autour de mon poignet, sur ma tête, autour de mon cou. Et donc là, je devais avoir une dizaine d'années, quelque chose comme ça. C'est à ce moment-là que ça a vraiment commencé, le fait de jouer, de construire mon propre univers. Et puis, je me rappelle aussi d'un truc, c'est que j'ai passé un nombre incalculable de soirées, de nuits, où je me suis endormie en imaginant des looks que je ne savais jamais pouvoir avoir. Parce que dans ma famille, mes parents ne portaient pas une importance primordiale à ce qu'on soit... À la mode, on était toujours clean et tout, mais bon, pas du tout à la mode. Et donc, j'en ai passé des nuits où je me suis endormie. C'était ma méditation. C'était ma méditation de petite fille où je m'endormais en disant, ouais, j'ai vu ça dans un magasin, je suis passée devant un magasin, je suis allée dans une vitrine où j'ai croisé une dame ou une fille, et je refaisais des looks dans ma tête. Et je m'endormais comme ça. Après, un peu plus tard, c'est à l'école secondaire. Dans un premier temps... Il y avait un côté un peu crise d'ado peut-être. Mais en tout cas, je me souviens que quand j'étais en cinquième et en sixième secondaire, en cinquième et sixième secondaire, parce que dans l'école où j'étais, le dernier degré était dans un bâtiment séparé. Genre, on était les grands, quoi. Et donc, j'avais 16 ans. Et je me souviens qu'à ce moment-là, j'ai opéré un changement de style, un changement de look, où je suis devenue, je vais qualifier ça de plus féminine. Et je me souviens exactement... d'une tenue que je portais. Et d'ailleurs, je me suis racheté une paire de chaussures comme à cette époque que j'ai retrouvées. J'avais une longue jupe noire avec une poche kangourou devant et qui était fendue en forme un peu trapèze et qui était fendue à gauche et à droite, je crois juste en dessous du genou. et que je portais avec des petits pulls de toutes les couleurs que j'avais achetés de francs 6 sous dans une petite boutique de la rue de Brabant. Et j'avais des bottes chaussettes à semelle compensée noire. J'avais les cheveux longs à l'époque, donc je me coiffais. Parce qu'avant ça, je n'étais jamais coiffée, j'avais toujours les cheveux attachés en queue de cheval. Toujours, toujours. J'avais des très longs cheveux, mais toujours plaqués devant et attachés en queue de cheval. Parce que c'est... justement, l'éducation, on est propre, on est clean, on est carré, rien ne doit dépasser. Et je me souviens que, je ne sais pas pourquoi j'ai opéré ce changement-là à ce moment-là, mais par contre, je me souviens de l'impact que ça a eu sur le regard que les gens portaient sur moi. Je suis quand même passée à porter des pantalons trop grands et les pulls de mon père, où je devais plier les manches parce que c'était trop long. C'était comme si tu m'avais mis des vêtements et que tu m'avais fait rétrécir dedans. Les vêtements étaient vraiment trop grands. Il y a un énorme sac à dos qui tapait contre mes fesses à chaque fois que je marchais. À cette tenue que je viens de décrire et un sac en bandoulière. Le confort quand même important parce que les chaussures à talons, mes plates-formes quand même pour pouvoir marcher. Et je me suis rendu compte que le regard du monde extérieur sur moi, à commencer par mes camarades de classe, avait changé. Et mes profs aussi. J'étais prise un petit peu plus au sérieux, considérée comme étant un petit peu plus mature. Et donc ça, c'est un élément supplémentaire qui s'est rajouté à ma database. C'est de dire, ah ok, quand tu portes ça ou ça devant telle ou telle personne, tu fais un effet différent. Tu vas me dire, c'est évident. Ben non, pas pour moi. Pour moi, rien n'est évident tant que je ne l'ai pas expérimenté. Et ça, ça marche pour tout et encore aujourd'hui. Je suis quelqu'un qui n'apprend que de manière, essentiellement de manière empirique. J'ai besoin de toucher le feu pour comprendre que ça brûle. Sinon, tu peux me l'expliquer, me parler de température, me parler de trucs, je ne vais pas comprendre. Et donc, le fait de me rendre compte que ça a changé le regard des autres sur moi, et donc la manière dont ils me traitaient, dont ils me considéraient, l'importance qu'ils donnaient à ce que je pouvais raconter. En fait, j'avais plus de crédibilité. Je me souviens que je ne m'entendais pas du tout avec ma prof de néerlandais, parce que je n'aimais pas son cours. Parce que je n'aimais pas la manière dont elle le donnait. Parce que c'était difficile pour moi. Parce que je ne comprenais pas la logique. Je me souviens que j'arrivais plus facilement à discuter avec elle. Et je me souviens même d'un commentaire qu'elle a fait lors de mon dernier bulletin. Et qu'elle m'avait dit qu'elle voyait que je travaillais, que j'essayais de comprendre, que quand je m'y mettais, je m'y mettais vraiment et que ça donnait des résultats. Mais que dès qu'il y avait quelque chose qui ne me plaisait pas, je cessais de travailler. Alors, plein d'exceptionnelles comme remarques, mais avant ça, pour moi, c'était juste une méchante dame qui ne m'aimait pas parce que j'étais qui j'étais. Alors qu'en fait, non, c'était une prof et ça la saoulait de passer, je ne sais pas combien d'heures de néerlandais on avait par semaine, que dépendamment du sujet, de la thématique, je ne foute rien. Parce que je n'ai pas compris, parce que je n'aime pas, parce que je lui ai demandé de me répéter. Elle m'a répété trois fois, mais je n'ai toujours pas capté. Et puis, je ne suis pas toute seule. Donc en fait, dépendamment de la manière dont tu te présentes au monde, dont les gens interprètent comment est-ce que tu es, ils l'interprètent positivement ou négativement, ça leur permet de déterminer est-ce que tu es ouverte ou non à la conversation, ouverte ou non à la critique. Et donc ma nouvelle allure lui a transmis le message qui était Ok, maintenant, elle est open, elle est assez mature pour entendre et comprendre pourquoi est-ce que ton niveau de sévérité à son égard... et celui-là. C'est fou quand même. À ce moment-là, pour moi, j'avais 17-18 ans quand j'ai terminé mes secondaires. Et après, quand je suis arrivée à l'UNIF, déjà, j'ai choisi la filière communication parce que j'avais envie et besoin de communiquer, parce que je voulais être journaliste et je voulais travailler dans la pub. Cette filière-là pouvait m'amener à la pub, mais je ne savais pas comment. Et quand je suis arrivée à l'UNIF, c'était le... l'eldorado de l'identité. Parce que tous les gens étaient différents. On était des jeunes adultes, 17, 18, 19 ans. Alors là, tu ne veux plus ressembler à tout le monde. Là, chacun veut être différent. Et alors là, ça a été génial, parce que là, j'ai commencé vraiment à expérimenter. Je portais des longues jupes sur des pantalons, un côté hyper bohémien, hyper beau, enfin, vraiment hyper bohème. Mes longs cheveux n'étaient plus du tout coiffés. J'attachais mes cheveux avec des crayons, avec tout ce qui me tombait sur la main. Mais ce n'était pas au hasard, c'était quand même calculé. Donc quand j'attachais mes cheveux, il fallait que ça ait un certain volume. Il ne fallait pas que ça dépasse trop. Quand je me regarde de face, il ne fallait pas qu'il y ait trop de crayons qui dépassent. J'ai porté quand même des turbans avant que ce soit la mode et la vibe de certaines communautés. Donc, j'attachais mes cheveux complètement dans des turbans ou alors je laissais dépasser mes petites bouclettes des turbans que je coordonnais ou pas du tout coordonnées avec ma tenue. Je mélangeais des couleurs. Je me souviens que, et ça, c'est quelque chose que j'aime bien encore, c'est porter le jour des vêtements de nuit. Donc, j'achetais des robes de nuit ou des nuisettes que je portais sur des pantalons ou sur des longues jupes. plus longue, avec le layering. Je ne savais même pas que ça s'appelait le layering. Ça, je l'ai appris il y a quelques années. C'est là aussi que j'ai pu expérimenter pleinement mon amour de l'accessoire et du bijou, sur-accessoiriser le maximalisme, mélanger les motifs, mélanger les couleurs, rassembler plein de trucs. Et ça, c'était génial parce qu'en fait, on me reconnaissait. C'était mon style. C'était mon look. Samia Boujard, quand on la voyait sur l'avenue Paul-Léger à l'ULB, il n'y avait pas d'autres nanas autour qui étaient sapées pareilles. Moi, ce n'était pas mon objectif conscient de dire mais moi, je vais être différente Non, c'est juste qu'à ce moment-là, j'ai embrassé la liberté de pouvoir extérieurement, esthétiquement, être comme j'avais envie d'être et de tenter des trucs sans avoir peur du jugement. J'arrive à l'UNIF, liberté totale. choix de la filière dite littéraire. J'avais un rêve et je ne sais pas d'où ça vient. Je crois que j'aimais bien regarder les émissions de Bernard Pivot. Et puis j'adorais lire. Les prix que je recevais quand j'étais plus jeune à l'école m'ont donné le goût de la lecture. Il y a d'ailleurs quelques ouvrages qui ont changé ma vie. Je vais peut-être un grand mot, mais en tout cas qui sont des jalons dans mon évolution en tant qu'individu. Et donc la communication... et le journalisme par passion des mots, je crois. Par passion, c'est même pas le bon mot. C'est vraiment l'amour des mots, d'exprimer, de raconter des choses. Alors que je suis vraiment plus que médiocre pour raconter des histoires. Mais lire, j'aimais vraiment lire. Parce que ça nourrissait encore une fois ce monde intérieur. Parce que quand tu lis, et c'est ça la différence avec le cinéma, c'est que tu peux tout imaginer. T'imagines les couleurs, quand t'as une description d'une tenue, on peut lire le même livre. la description d'un seul et même costume, mais toi et moi, on ne va pas l'imaginer de la même manière. Ce ne sera pas les mêmes couleurs. Même si la couleur est décrite avec des mots, ton cerveau va aller chercher dans ta database cette couleur-là. Donc ça, j'aimais beaucoup. Mais il y avait quand même cette idée de j'aimerais bien faire une grande école de littérature et donc j'avais envie d'aller à la Sorbonne. Je ne suis pas allée à la Sorbonne, je n'ai pas les moyens. Ce n'était pas quelque chose d'envisageable où je me trouvais socialement et économiquement à l'époque. Puis, la pub. Il y avait aussi la pub dans mon champ. En tout cas, dans mon champ des possibles, il y avait la pub. Pourquoi la pub ? Parce que je vois des couleurs, encore une fois. Quand tu me dis pub, moi, je vois des couleurs, je vois produit, je vois produit, mais je vois produit et créativité. Je ne vois pas vendre un produit. Je ne vois pas marketing et économie. Après, je suis tombée dans le marketing et l'économie. Les pubs qui m'ont donné envie, qui me donnaient envie, c'était les pubs de Badoit. Il y avait les pubs Orangina. Mais pourquoi est-il si méchant ? parce que ! Et il y avait des costumes. En fait, je voyais ça un peu comme un jeu. Comme quand t'es un enfant, tu peux inventer un monde. Donc pour moi, écrire, c'était inventer un monde. C'était soit retranscrire le monde tel qu'il est ou raconter un monde imaginé. Et la pub, c'était le raconter en images. C'était le raconter de manière matérielle. Mais bon, j'ai vite déchanté. Parce que l'univers, c'était hyper grand. On est tellement nombreux que finalement, on n'est personne. À ce moment-là, je ne m'étais pas encore rendue compte. C'est plusieurs années plus tard que je me suis rendue compte pourquoi ça n'a pas fonctionné pour moi à l'UNIF. C'est parce qu'en fait, c'est là que commence finalement la guerre de l'individualisme. Comme je ne faisais partie d'aucune communauté, d'aucun groupe, je n'ai pas été intégrée, je ne me suis pas intégrée dans un groupe qui m'a portée, que moi j'ai pu porter pour la réussite scolaire. Et je crois que c'est hyper important dans la réussite scolaire. C'est d'appartenir à un groupe, à une communauté. Parce qu'on doit s'entraider. L'être humain ne fait rien tout seul. quoi qu'il en soit. Donc ça n'a pas fonctionné à l'UNIF, les deux premières années. Donc je me suis dit, bon ok, je vais continuer mes études, parce que l'idée c'était pas d'arrêter les études, loin de là. J'adore apprendre, j'adorais apprendre. Donc j'ai été à l'école supérieure. Et là, à l'école supérieure, dans une école de communication, aussi, en fait là c'était trop petit. Parce que... Les gens se connaissaient. Il y avait déjà des groupes, il y avait déjà des communautés qui étaient créées. Et là, j'étais trop visible. De la même manière que j'étais invisible finalement à l'Unif parce que c'était trop grand. Là, j'étais trop visible. Et donc là, j'ai à nouveau vécu le rejet de quand j'étais plus petite. Parce que je n'étais pas de tendance, parce que j'étais trop différente en fait. J'étais un peu bizarre. En y repensant, ce n'était pas facile. Là, je n'ai fait qu'une seule année. Là, j'ai découvert une matière que je ne connaissais pas et qui m'a aussi passionnée, que j'adore, c'est la psycho. Et en fait, de fil en aiguille, finalement, j'ai arrêté les cours, en tout cas les cours du jour. Je travaillais déjà à temps partiel pour payer mon cote, parce que je vivais seule. Et c'est là que j'ai commencé à travailler dans les magasins de vêtements. Mon contact officiel avec le vêtement, ça a été à ce moment-là. Et en fait, là, on peut commencer à relier les points. Quel point ? Les mots, le non-verbal, la psychologie, l'observation, l'écoute, l'analyse. Parce que je n'étais pas une plieuse de pull, j'étais une vendeuse. J'étais vraiment une vendeuse. Une vendeuse comme on en trouve aujourd'hui dans des boutiques. Des boutiques où je ne vais pas, moi, en tant que cliente, mais j'ose imaginer que c'est comme ça, qu'à un certain standing, on connaît nos clients, on cherche en tout cas à les connaître et à répondre à leurs besoins, ou même à les... prévoir à l'avance, à la limite, ce dont ils vont avoir envie, ce qu'ils vont vouloir et ce dont ils vont avoir besoin. Je n'ai pas été à l'école pendant un an. Je n'ai fait que travailler, je crois. Et puis, j'ai repris des études, mais encore du soir. Et là, j'ai repris des études un petit peu plus classiques. Je vais dire un peu plus classiques. En tout cas, qui n'étaient pas dans ce que moi, j'avais envie de faire. Au départ et fondamentalement, j'ai fait un bachelier en marketing et management. Parce que je travaillais en boutique, en magasin. Et que... Je m'étais dit, si jamais je veux évoluer là, ça peut me servir. Et puis aussi, il faut noter que c'était dans le début des années 2000. L'Internet, ce n'était pas ce que c'était aujourd'hui. Moi, j'ai fait mon mémoire sur le e-commerce. Donc, on est vraiment sur un autre siècle. Et donc, je m'étais dit, marketing et management, si je veux faire de la pub, c'est un moyen détourné de faire de la communication, d'arriver en tout cas à la pub. Et donc, j'ai fait un bachelier en marketing et communication en cours du soir. Et là, ça me convenait mieux parce que c'était tout petit comme école, mais c'était des adultes et c'était des gens différents. C'était des gens qui étaient tous en reconversion professionnelle. J'étais la plus jeune, donc j'étais avec des adultes, des gens qui avaient déjà une vie, tout ça. J'étais la plus jeune, mais j'avais aussi des responsabilités puisque j'étais manager. J'ai rapidement gravi les échelons du magasin dans lequel je travaillais. J'ai commencé à me sentir adulte, responsable. respecté et respectable. Parce que j'avais mon appart, je payais mon appart, je travaillais dans les fringues, j'allais décrocher un diplôme, j'ai passé mon permis, je me suis acheté ma première petite bagnole. Et donc, je commençais à construire quelque chose. Et là, je pouvais m'exprimer, parce que j'avais les moyens de m'acheter ce que je voulais en termes de vêtements, en dehors du travail. Parce que je devais quand même coller à l'image de l'enseigne pour laquelle je travaillais. Donc, c'est aussi quelque chose que j'ai découvert. Les codes de l'environnement de manière corporate. Parce que ce que je connaissais, c'était les codes des groupes sociaux, mais pas liés au travail. Et puis avec les clientes que j'avais, ça, c'était les moments les plus extras. En expliquant, je me rends compte que quand j'étais dans une cabine d'essayage avec une femme, je ressentais la même chose que ce que je ressens aujourd'hui quand je travaille sur un projet et que je suis dans le processus créatif. Parce que je devais l'écouter, je devais comprendre, je devais analyser. Et puis je devais être rapide parce que je devais aller chercher. dans ce que j'avais sous la main pour répondre à son besoin de la manière la plus précise possible. C'est relier les points. C'est vraiment relier les points. Et puis quand on travaille en boutique, l'objectif c'est de vendre. Et tu dois vendre ce que la personne a besoin. Et puis il y a ce qu'on appelle la vente complémentaire ou la vente supplémentaire. Et la vente complémentaire, il faut aussi être un peu créatif parce que tu dois donner envie à la personne. Tu dois la surprendre, mais en même temps la rassurer. et puis lui donner l'impression, faire en sorte qu'elle soit vraiment unique après sa tenue, sa silhouette. Et ça, c'est une partie que je kiffais quand même. Donc après cette première expérience, cette introduction dans la vie professionnelle, en tant que vendeuse dans un premier temps, et puis directrice de point de vente, ensuite formatrice, responsable du produit, tout ça, ça a duré dix ans. Forcer de constater que m'insérer dans un collectif de manière obligatoire, c'est-à-dire quand tu fais partie d'une entreprise, tu fais partie d'une entreprise, il y a d'autres gens qui sont là. C'est le groupe. D'emblée, tu fais partie du groupe puisque tu as signé un contrat avec une entête qui est la même que le contrat des autres personnes qui se retrouvent au même endroit que toi tous les jours. À la suite des différents rôles qui m'ont été attribués, je me suis rendue compte que le collectif imposé, ça ne marche pas. Je ne peux pas m'épanouir. Je ne suis pas certaine de pouvoir expliquer pourquoi, mais je sais que c'est compliqué. On en revient à ce que j'expliquais juste avant de... on est tous différents, on a des codes. Et puis, il y a ceux qui jouent le jeu de l'individualisme de la société de manière excessive, voire outrancière. Moi, c'est ça qui m'a posé problème dans le monde du travail. Pas dans la créativité, mais vraiment dans le monde du travail. Je fais une grande différence entre les gens qui conçoivent le travail comme étant une obligation, un truc forcé, obligé. Et c'est OK, il y a des gens qui n'ont pas... pas le choix ou qui ne se donnent pas le choix. Mais je me suis rendue compte à cette époque-là que moi, ce système, ça n'allait pas. Parce qu'en fait, il y a une hiérarchie dans laquelle il n'y a aucune justice ni justesse. Que l'humain, c'est un peu, c'est du greenwashing, il doit y avoir un mot, du peoplewashing, je ne sais pas si ça existe, où on dit oui, mais pour nous, l'humain, c'est le plus important, c'est l'épanouissement de nos équipes, mais en fait, sur le terrain, c'est du bullshit. Tu n'es qu'un numéro. qui doit faire du chiffre d'affaires. Je crois que c'est Marx qui disait ça. Je commence à citer Marx. On est mal barrés. Que les êtres humains, les individus étaient utilisés comme des outils. Donc on n'est que des outils. Il m'a fallu quand même 10 piges pour me rendre compte que je n'étais qu'un outil. Et donc c'était difficile, ça a été difficile pour moi de faire communauté dans le milieu professionnel que je qualifierais de classique, donc en dehors de l'entrepreneuriat. Ça a été très très difficile pour moi. Alors, fort heureusement, j'ai rencontré des gens extraordinaires, vraiment des gens avec lesquels je partageais cette valeur de travail plaisir, de travail passion, même si je ne l'ai pas choisi au départ. Je ne me suis pas dit que je vais faire carrière dans la vente de fringues. Moi, j'ai pris un job à mi-temps parce que je devais payer mon loyer, que j'avais décidé d'arrêter l'école. J'ai arrêté l'école pendant un an et qu'il fallait que je mange et que je ne voulais pas me retrouver sous les ponts. Donc, j'ai travaillé par nécessité, mais j'ai quand même choisi. Les vêtements, parce que j'aimais bien. J'aurais pu aller... Enfin, j'ai fait d'autres jobs. J'ai travaillé dans l'horeca aussi. J'ai travaillé dans des bars. J'ai fait des activités, des animations pour les enfants où je me déguisais en clown tous les samedis ou dimanches midi après avoir préparé le spaghetti bolo qu'ils allaient manger après l'animation en clown. Donc, j'ai fait d'autres trucs. Mais là où j'ai fait, entre guillemets, carrière, c'était dans les fringues. Donc, c'est un hasard qui n'est pas totalement un hasard. Mais voilà, ça a été compliqué. Ça a été compliqué. J'ai appris énormément de choses. L'observation, évidemment, ça a nourri mon observation, ça a nourri ma database, beaucoup, beaucoup. Et j'ai rencontré des gens géniaux, dont quelqu'un auquel je pense, c'est Sébastien Derwaux, qui était mon manager de mon tout premier job et qui m'a fait, lui, qui m'a fait confiance, en fait, qui m'aimait justement pour ma différence. Son assistante Valérie, j'ai oublié son nom. Je me souviens qu'elles avaient bossé dans... Tous les deux, ils venaient du retail de luxe. Je pense qu'elles venaient de chez Armani, je crois. Et donc, ils avaient une autre conception du travail et de la vente et du management d'équipe. Mais donc, je me suis rendue compte que le truc de groupe, communauté, ça ne marchait pas. Que là où je me sentais le mieux, c'était dans des positions de leader, entre guillemets. Mais je n'arrivais quand même pas à faire du micromanagement. Si j'ai un truc que j'ai en horreur, c'est... d'aller checker à quelle heure les gens arrivent, combien de fois ils sont allés pisser. Enfin, non, ça, c'est vraiment un truc que je devais faire et dont j'avais une sainte horreur. Et donc, à un moment donné, par les choses de la vie, je me suis reproduite plusieurs fois. Je me suis rendu compte que je passais très, très peu de temps avec mes enfants et beaucoup de temps en magasin et qu'en fait, finalement, le... les moments que je passais avec mes clientes et quand j'étais visual merchandising et que je faisais la mise en place des collections et des vitrines, en fait je prenais plus autant de plaisir parce que j'avais toujours derrière la tête que j'avais des choses à faire, que je voulais voir mes enfants, qu'ils me manquaient, que finalement je passais pas beaucoup de temps avec eux. Bref, je passe les détails mais j'arrête de travailler en magasin. Ça s'est pas fait d'un coup, ça s'est fait en plusieurs étapes, c'était un peu douloureux mais j'y suis parvenue et puis un jour quand même... Après avoir arrêté de travailler, je crois que je n'ai pas travaillé pendant un an, durant lesquels je me suis occupée de mes enfants. Et à un moment donné, je me dis, c'est bien, je suis active, parce que quand tu es mère au foyer, tu n'es pas quelqu'un de passif. Tu es très occupée, mais j'avais besoin d'être occupée de manière différente. J'avais de nouveau besoin d'avoir d'autres responsabilités, et d'être créative, et d'avoir un environnement à... à observer. Et donc, j'ai réfléchi, je me suis dit, qu'est-ce que je vais reprendre comme études ? Qu'est-ce que je vais reprendre comme formation ? Parce qu'ayant des enfants, je ne peux pas reprendre une formation en cours du jour, à temps plein, ce n'est pas possible. Et donc, j'ai fait une simple analyse. Je me suis dit, OK, c'est quoi mon expérience ? La vente, le retail, le management. Pourquoi j'ai quitté ce secteur ? Pour ça, ça, ça, ça, ça. Est-ce qu'il y a des choses que j'aimais bien ? Oui, ça, ça, ça, ça, ça. Et dans ce ça, ça, ça, il y avait le contact humain, l'écoute, le service. la créativité, la couleur, la matière. Et comme une révélation, j'ai trouvé une formation, en cours du soir encore une fois, en tant que conseillère en images. Et donc là, le programme, c'était ça. C'était la morphologie, les couleurs, la psychologie des couleurs, l'histoire, la colorimétrie. J'ai dit, mais c'est ça que je veux faire. Ça cochait quasiment toutes les cases. Donc voilà, je suis allée à cette formation. C'était une des formations les moins chères, parce que comme je ne travaillais pas, Je n'avais pas beaucoup de sous. Il m'a fallu choisir entre cette formation-là et une autre formation à Paris qui coûtait plusieurs milliers d'euros que je n'avais pas. Et de toute façon, je ne pouvais pas partir à Paris pendant plusieurs mois pour faire cette formation. Et donc voilà, j'ai fait la formation. C'était super. Sauf que je me suis rendu compte que 90% de ce que j'ai appris, je le connaissais déjà. Je venais de passer 10 ans à analyser les gens. à comprendre les couleurs, à comprendre les morphologies, le mouvement des gens. Tout ça, je le savais déjà de manière empirique. Donc je dois tester. Je dois être dans le terre-terre, dans le dur pour apprendre. Et après, je me dis, qu'est-ce que je vais faire avec cette formation ? Parce que retourner en magasin, c'est hors de question. C'était impossible, non négociable. Je me dis, je vais me lancer comme indépendante et je vais faire des ateliers où je vais regrouper des femmes. En one-to-one, en cabine, quand on venait me dire ouais, j'ai un mariage, change de métier, j'ai pris 10 kilos, j'ai divorcé, j'ai perdu 10 kilos je vais le faire en groupe. Donc j'ai commencé à organiser ça. On appelle ça des workshops aujourd'hui. Des ateliers où je rassemblais entre 5 et 10 femmes pendant 3 heures. Je faisais leur analyse colorimétrique, leur analyse morphologique. Et j'avais rencontré une nana qui était make-up artiste. Et je lui avais proposé, que j'embrasse d'ailleurs, Francine, si tu m'entends, de faire le tri de la trousse de maquillage des participantes. Donc elles venaient avec leur trousse de maquillage et on faisait le tri. Parce que moi je savais qu'avant de m'en rendre compte que j'avais des produits dans ma trousse, en fait ils ne me convenaient pas. Pas les bonnes couleurs de fond de teint, pas les bonnes couleurs de blush, pas la bonne texture par rapport à la qualité de peau. Et donc l'idée c'était en fonction de chacune. t'as combien de temps pour te préparer le matin ? T'as une demi-heure, trois quarts d'heure ? T'as cinq minutes ? Ok. On va faire en fonction du temps que t'as pour que tu puisses te maquiller si t'en as besoin tous les matins mais sans que ça te prenne des plombes et sans que ce soit trop compliqué. Quand j'y repense quand même, trois heures de workshop avec tout ce que je viens de décrire et je faisais payer 35 euros. Et j'amenais à bouffer et à boire. Donc c'était vraiment bon marché. Je réorganiserais bien ça, tiens. Ça fait vachement longtemps, c'est cool de se retrouver comme ça. Et donc voilà, j'ai commencé à faire ça pendant quelques mois. J'organisais ça le dimanche, dimanche début d'après-midi. J'ai fait ça dans une boutique. Les choses sont aussi beaucoup une histoire de rencontres, de rencontres et d'opportunités. Et ça, j'ai pu prendre conscience et verbaliser, c'est que quand on a envie de faire quelque chose, moi en tout cas, je l'ai mis en pratique et je pense que ça fonctionne. Il ne faut pas hésiter et avoir peur d'en parler autour de soi. de se dire, on va me prendre mon idée. Non, en fait, même si c'est la même idée, elle ne sera pas mise en œuvre de la même manière par deux personnes différentes. Et en fait, j'en avais discuté avec quelqu'un que je connaissais qui, elle, avait fait une reconversion aussi professionnelle, qui était passée des relations publiques au retail, justement. Elle a ouvert une petite boutique du côté de l'avenue Louise, comme indépendante, et elle cherchait... Et donc, elle avait un espace, et je faisais ça dans sa boutique. C'était super cool. Et au bout d'un moment, elle a eu besoin de quelqu'un à mi-temps. parce qu'elle travaillait toute seule dans sa boutique, elle voulait un petit peu avoir plus de temps pour elle. Elle m'a dit, est-ce que tu veux bien venir travailler à mi-temps ? Et comme ça, en même temps, les clientes de la boutique, ça viendra potentiellement des clientes pour toi, pour tes ateliers. Et moi, je me suis dit, ouais, en fait, comme ça, je continue à développer mon projet et je reste active. Et donc, voilà, j'ai fait ça. Et dans cette boutique, un jour, j'ai rencontré quelqu'un. J'ai rencontré Cécile Junga. Je ne savais pas que le métier de styliste de télé, ça existait. Je ne connaissais pas, en fait. Je ne savais pas que c'était un métier. Et un jour, elle vient là, elle avait un partenariat avec la boutique où elle venait emprunter des vêtements. Elle, elle venait de se réinstaller à Bruxelles après dix ans à Paris et elle était devenue la présentatrice de la météo à la RTBF. Et donc, je fais mon travail, je réponds à ses besoins, je trouve une silhouette qui fonctionne, machin. Et je ne sais pas, un jour, je suis incapable, j'ai essayé de me souvenir, je ne sais pas d'où m'est venue cette idée. Et un jour, je sais qu'elle est venue et je lui dis... Est-ce qu'il y a quelqu'un qui s'occupe de t'habiller ? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui t'aide ? Elle me dit non. Je viens ici pour ça. Est-ce que ça te dit que ce soit moi qui m'occupe de choisir tes tenues ? Et comme ça, quand tu viens, tu me dis juste combien de tenues tu as besoin. Elle me dit, bien sûr que ça m'intéresse parce que c'est du temps. Pour les gens, les personnalités publiques, qu'elles passent à la télé ou non, c'est compliqué. C'est une charge mentale de trouver le vêtement qui correspond. corresponde à l'environnement, au public, à la météo, à ta morphologie, à la couleur. Et puis quand tu passes dans une caméra, ce n'est pas la même chose que dans la vraie vie. Elle m'a dit oui, mais bon, tu sais, je n'ai pas beaucoup de sous pour te rémunérer. Parce que bon, ça coûte quand même ce que tu me proposes comme service. Je lui ai dit écoute, non, ça ne va rien te coûter. Pourquoi ? Parce que j'étais déjà dans cette logique d'apprentissage en fait. J'ai toujours été dans cette logique d'apprentissage. Tant que je ne juge pas, que je ne considère pas. pas que ce que je fais, je dois faire les choses pour pouvoir évaluer leur coût, leur valeur. Et comme ça, je ne l'avais jamais fait, mais que j'avais envie de le faire et que je pensais que j'étais capable de le faire, il fallait d'abord que je le fasse pour répondre à la question, ok, est-ce que tu as envie, tu peux et tu sais le faire ? Si la réponse est oui, à ce moment-là, je peux monétiser ce service. Et je dis, écoute, on fait un échange de bons procédés. Moi, je le fais et toi, tu parles de moi autour de toi. Si tu es contente, évidemment. Et en fait, le deal est parti de là. Et donc, j'ai commencé à... J'ai mis un mini orteil à la télé dans le stylisme plateau, de cette manière-là, par ce biais-là. Et ça a duré plusieurs mois. Et puis un jour, Cécile m'appelle et me dit Ecoute, voilà, on m'a proposé un nouveau projet, c'est d'animer une émission. Et j'ai donné comme condition que je puisse venir avec ma styliste. J'étais sa styliste, j'étais la styliste de quelqu'un. C'était quand même quelque chose, quoi. Et elle m'a dit Est-ce que ça te dit ? Je dis bah ouais, ouais, ça me dit. Je savais pas où est-ce que je mettais les pieds. Genre je savais pas du tout où je mettais les pieds. Elle me présente le producteur, et donc c'est tous des métiers que je connaissais pas. C'est quoi un producteur ? C'est le mec qui s'occupe de la thune dans un projet audiovisuel. Il m'explique qu'on va tourner 25 émissions en 5 jours. Je dis ouais, ok, vous vous rendez pas compte, moi ? 25 émissions en 5 jours. Déjà, elle, comment elle a accepté ça ? Ça veut dire 5 émissions par jour. Ça veut dire 5 tenues, 5 silhouettes, 5 ambiances différentes. par jour. Et moi, je ne faisais pas les trucs à moitié. Non pas que je les fasse à moitié aujourd'hui, mais aujourd'hui, je relativise quand même. Je fais le ratio timing, budget, énergie. À l'époque, pas du tout. En fait, c'est ma toute première expérience en tant que styliste pour la télé. Et puis, c'était aussi ma première facture. Il ne faut pas négliger cet aspect-là. Moi, j'étais passée d'un salaire moyen. Je n'avais jamais dépassé les 1400 euros net par mois. alors que je travaillais jusqu'à 65 heures par semaine, parfois. Et que là, je devais établir moi-même une facture. Donc heureusement que le producteur est un mec génial et qu'il est honnête, parce que je ne savais pas que dans le métier qu'on fait, on facture la prestation quand on est sur place, sur le plateau, mais il faut facturer aussi le temps de préparation. Et donc moi, j'avais donné un prix, franchement, sucé de mon pouce. Pour chaque jour de prestation, il me dit, et au téléphone il me dit, et donc ce sera autant alors pour la prépa ? Oui, oui, oui, c'est ça. Oui. Sinon, je n'aurais pas facturé ma prépa, qui m'a pris énormément de temps, parce qu'à l'époque, je n'avais pas de réseau. Enfin, je ne connaissais personne. Franchement, je suis incapable aujourd'hui d'expliquer comment est-ce que j'ai fait pour savoir qu'il fallait que j'aille dans des boutiques, dans des multimarques, que je contacte des agences. Parce qu'en fait, ce n'est pas un métier pour lequel il y a une formation. On ne te dit pas, voilà, il faut sur telle formation. Quand tu es sur un projet, il faut faire ceci, il faut faire un mood board. Il faut préparer la tenue, il faut préparer un plan B, un plan C, un plan D. Il faut les accessoires, il faut ceci, je l'ai fait au feeling. Pour moi, c'était évident. En réalité, c'était une continuité logique de ce que je faisais quand j'étais petite. Une continuité logique de ce que je faisais déjà en magasin. Parce que quand quelqu'un me disait ouais, j'ai besoin d'un tailleur pour un mariage et que finalement, elle repartait avec une robe, une veste, un tailleur, des bijoux, un chapeau, un sac, une paire de chaussures. C'est parce que moi, j'envisageais la tenue. dans sa globalité, dans comment est-ce que la personne allait vivre le moment. Et que soit elle me suivait, soit elle ne me suivait pas. Et donc c'est ce que j'ai fait. Et ce dont je me souviens, par contre, et ça, c'est drôle, c'est que j'ai dû faire ma première facture. Moi, j'avais jamais fait de facture de ma vie. Et certainement pas d'un montant tel que celui-là. C'était plusieurs milliers d'euros, puisqu'il y avait cinq jours de tournage plus cinq jours de prépa. Pour moi, c'était une somme incroyable. Et je me souviens que j'avais des palpitations. Donc, mon cœur battait plus vite qu'à la normale quand j'ai appuyé sur Enter sur mon ordinateur pour renvoyer la facture. Et je me disais, non, il va me rappeler derrière, il va me dire qu'il y a une erreur, ce n'est pas possible. personne va me payer ce montant-là. Mon travail ne vaut pas ça. Je ne mérite pas ça. Ça, c'est des questions, je crois, des trucs que tout le monde se dit. Et en fait, si. Alors aujourd'hui, je pleure un peu du sang quand je vois certaines des silhouettes que j'ai faites pour ce tournage. Mais ce qui est incroyable, et je crois qu'aujourd'hui, j'aurais beaucoup de mal à rassembler. J'ai rassemblé, je crois, une cinquantaine de silhouettes, chaussures incluses. Après, la conjoncture a changé. dans ce secteur, donc ce serait beaucoup plus difficile d'avoir autant de silhouettes étant inconnues, moins inconnues des marques et des agences, pour elles qui, elles aussi, n'étaient pas hyper connues, quoi qu'en Belgique, la Miss Météo est quand même assez connue. Et voilà, donc une rencontre, une opportunité, et une porte qui s'ouvre. Après, voilà, c'est pas la porte, elle s'est ouverte, et puis après, je me suis assise et j'ai mis mes pieds en éventail. J'ai vraiment taffé sur ce projet-là. Et il s'avère que l'enchaînement de rencontres et d'opportunités a continué à partir de là. Et que moi, je n'ai jamais cessé de répondre présente, en osant toujours dire j'ai jamais fait, mais je crois que je peux faire Et c'est ce qui m'a menée à faire du stylisme à la télé, puis après à faire du stylisme un tout petit peu pour le cinéma, bientôt du stylisme peut-être pour des spectacles, comme on appelle, d'art vivant, et puis le podcast. Le podcast, c'est la suite logique pour moi. C'est partager les rencontres que j'ai faites, les rencontres que je fais. C'est faire en sorte que les gens verbalisent, expliquent ce que moi je vois, ce que j'ai vu en eux, ce que j'analyse et ce qui me permet de faire mon métier. Pourquoi est-ce que tu choisis de t'habiller de telle ou telle manière ? Quand je fais un épisode avec quelqu'un qui est performeur, moi en off... Quand je vais travailler avec ce performeur, je vais connaître l'individu et puis je vais connaître le personnel. Et je vais croiser des éléments entre les deux. Et ici, dans le podcast, je vais faire en sorte que ce performeur va expliquer comment est-ce qu'il fait pour croiser les éléments. Parce que c'est intéressant de comprendre que c'est un outil de communication, que de choisir les couleurs, choisir un personnage qui a tel ou tel caractère, telle ou telle personnalité. Quand je vais discuter pendant une heure et demie avec Elvis Pompilio, c'est pour parler de cette question de communauté et d'individualité. Parce que pour lui, par exemple, dans son parcours, ça s'est posé à un moment donné. Parce qu'il était différent. Mais après, il a trouvé une communauté. Et puis après, dans son travail, il fait des chapeaux. Il y a plein de gens qui font des chapeaux, mais il ne fait pas des chapeaux comme les autres. Il n'utilise pas les mêmes techniques, il n'utilise pas les mêmes matériaux. Et je trouve que ça, c'est... quelque chose d'hyper chouette à entendre parce que ça peut être inspirant et ça peut être rassurant et ça peut être motivant. Et je me dis que comme la rencontre et la communication et le fait d'être avec les autres est important pour moi de la même manière que d'être aussi isolée, le podcast, c'est le meilleur médium. C'est de partager un instant isolé mais avec le plus grand nombre. Et après... Ceux qui écoutent, en général, un podcast, on l'écoute tout seul. Et puis après, on en parle avec les autres. Donc, on le partage avec les autres. Et donc, il y a un effet de diffusion. Et en fait, je passe mon temps à faire ça finalement. De la même manière qu'on le fait avec les livres. On vient de relier un point, les gars. Voilà le pourquoi du podcast. Au niveau de mon parcours, des expériences et des rencontres, des opportunités, ça a commencé par la télé. Ensuite... Oui, en tant que styliste, ça a commencé par... En fait, avant la télé, j'avais déjà bossé avec des artistes qui, malheureusement, n'ont jamais percé. Peut-être que c'est à cause de moi. Donc, j'ai bossé avec des artistes qui n'ont jamais percé. Qu'est-ce que je faisais pour eux ? Je faisais un petit peu de DA et beaucoup de stylisme et de costumes. J'ai fabriqué des costumes, j'ai fabriqué des chapeaux. Et tout ça, toujours gratuitement. Parce que toujours, cette... que des proches m'ont dit mais tu ne peux pas investir du matériel, ton temps, ton énergie, sans qu'on ne te donne rien en échange Et en fait, moi, on me donnait beaucoup en échange. Parce qu'on me donnait l'opportunité de tester, de m'exercer, de confronter mes idées et ma manière de faire. Ça a plus de valeur que si on m'avait donné des euros sur mon compte en banque, en fait. J'ai essayé des matériaux, j'ai proposé des idées, certaines qui ont été retenues, d'autres qui ont été refusées. Donc ça, c'était le début. Stylisme, costumes, déas, spectacles, c'était déjà un petit peu avant. Et puis donc, la télé. le stylisme pour la télé. Je faisais encore, j'avais rencontré un peu après avoir commencé la télé avec Cécile sur la RTBF, j'ai rencontré Dena, Dena Vadani qui est humoriste et moi je l'ai rencontrée quand elle commençait à peine, elle faisait ses premiers plateaux. Elle avait encore un job de graphiste je crois et avec elle, j'ai vraiment fait du conseil en images, c'est-à-dire que j'ai vraiment l'ai accompagnée, on a fait une analyse colomérimétrique, j'ai fait un tri de sa garde-robe. On a fait une séance de shopping privée. Le rouge à lèvres rouge qu'elle porte tout le temps. J'ai envie de dire que c'est un petit peu moi. Et c'était super chouette parce que j'ai vraiment vu que j'apportais quelque chose. Il y a quand même la notion de service qui est importante. Donc un peu de dé, un peu de costume, puis la télé. Et puis quand même l'analyse avec Dédat. Je travaille avec d'autres humoristes, dont Carole Matagne. qui est un des personnages principaux de la série Trentenaire sur la RTBF. Ils sont déjà à la deuxième ou la troisième saison, je crois, avec InnoJP. Il y a aussi un humoriste. Après ça, c'était par le biais de Cécile, mais c'est un tout autre travail que le travail que je faisais pour Cécile. Parce que ce sont des gens qui ont besoin d'être confortables dans leurs vêtements, qui sont en prestation, mais ce n'est pas des personnages qui jouent. Mais ça doit quand même coller aux scènes, quand ils montent sur scène pour... pour faire du stand-up, quoi. Ou alors, tenue de spectacle. Par exemple, la tenue du premier spectacle de Cécile, on l'a imaginée, on l'a conçue ensemble. Je ne sais pas si c'est dans l'ordre. Et puis, on m'a contactée un jour pour me demander si je pouvais faire les costumes pour une web-série, pour la RTBF. J'ai dit oui, parce que je n'avais jamais fait de costume pour une série, parce que c'est des costumes contemporains, des trucs de tous les jours. Mais ça doit coller au personnage. Et puis, le scénariste, il avait raconté... Il avait fait une histoire du passé des personnages. Et donc, voilà. Donc ça, c'était super cool aussi. Après avoir accepté le poste de chef costumière, on m'a appelé quelques jours plus tard en me disant Ouais, mais est-ce qu'on n'a pas encore trouvé... On est à la recherche d'un chef déco. Est-ce que tu connais un chef déco pour faire les décors ? Je dis Ben non, mais moi, je fais ça. Je n'avais jamais fait. Ah oui, j'ai fait des shootings photos. C'est dur d'expliquer, de faire son CV quand on fait plein de petits projets un peu à gauche, à droite, comme ça. Mais ils ont tous un lien, c'est toujours, il faut créer un univers visuel, avec des objets et ou avec des vêtements. Donc cette web-série, on m'a demandé la déco, j'ai dit ok, parce que j'avais plein de broles dans ma cave, parce que j'aime bien chiner, et puis j'ai appris un métier, et je sais que ça, par exemple, j'ai pas envie de le faire. Je suis très cohérente, je crois, dans ma manière de procéder. C'est que je teste, j'éprouve mes compétences, et aussi le plaisir que je prends à faire ou pas les choses. Et donc là, éprouver, c'était vraiment le cas de le dire, c'était éprouvant. Je ne sais plus c'est combien de jours de tournage. Mais j'ai appris un truc génial, c'est que j'ai appris à conduire un camion. Parce que pour transporter des costumes et des éléments de décor, il faut un camion. Donc j'ai appris à conduire un camion. Je flippais ma race la première fois que j'ai dû mettre tout dedans et monter dedans. Mais après, j'ai vite pris du plaisir à être en hauteur sur la route. Donc j'ai habillé une maison entière. Ensuite, j'ai fait une autre web-série qui, elle, n'a pas trouvé de distributeur, malheureusement. mais qui était hyper hyper chouette, où là je me suis occupée et des costumes et un petit peu de la déco avec mon amie et collaboratrice Amandine Labidoir. Et ça c'était super chouette aussi, parce que ça s'est tourné à Bruxelles, dans différents endroits à Bruxelles, qu'on a fait un tournage vraiment tout petit budget, mais avec que des gens passionnés, c'était vraiment vraiment génial. On a tourné quelques fois la nuit. C'était marrant. Donc ça, c'était chouette aussi. Ah, j'ai contribué aussi à la création d'un... d'un set, du setup d'un podcast avorté. Et je pense que définitivement, la déco, ce n'est pas mon truc, je crois. Je ne sais pas aller voir dans le détail. Je ne sais pas faire comme avec le vêtement ou je sais faire micro, macro, macro, micro, micro, macro. Donc, voir dans le détail et puis en plan large. Ça, je sais faire avec les costumes, avec le vêtement, mais avec la déco d'un lieu, c'est beaucoup, beaucoup plus compliqué. Je ne suis pas douée là-dedans, tout simplement. Et puis, j'ai fait plein de petites... J'ai bossé pour... Comme maintenant, depuis deux ans, je suis la Head of Styling de la RTBF. J'ai bossé sur beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup d'émissions de la RTBF sur le styling des animateurs. Il y a deux ans maintenant, un producteur avec lequel j'ai travaillé sur plusieurs émissions, petites émissions, enfin petites, sur des émissions, m'a contactée pour le projet Drag Race Belgique. Et ça, c'était vraiment génial parce que c'était autre chose, c'était beaucoup plus créatif. habiller les membres du jury de manière beaucoup plus créative. Ça, c'était super chouette. Il a fallu faire appel à d'autres compétences. C'était plus créatif et ça, c'était chouette aussi. C'était vraiment, vraiment cool. Encore une autre expérience qui m'a fait rencontrer des nouvelles personnes, qui m'a fait découvrir d'autres manières de travailler aussi le stylisme et les costumes. J'ai rencontré des drag queens que je ne connaissais pas, qui étaient une forme d'art et de performance que je ne connaissais pas. J'ai rencontré des gens et des êtres humains extraordinaires aussi. Il y a le cinéma aussi. J'ai assisté un petit peu le chef costumier d'un film qui a été primé, multiprimé, qu'est L'Honneur, avec le chef costumier de L'Anatomie d'une chute, avec Clément. Et ça aussi, c'était cool, parce que c'est une autre manière de fonctionner. C'était un film qui se tournait ici. C'était une plus grosse production, avec beaucoup de figurants. Donc, habiller des figurants, c'est aussi un autre truc. C'est une autre manière de fonctionner. Ah oui, il y a aussi les événements, les défilés. Je pense que le poste, ça s'appelle chef cabine. Donc en fait, gérer les mannequins, faire en sorte qu'ils soient au bon endroit, au bon moment, veiller à ce qu'ils soient bien maquillés, coiffés, retouchés au moment d'être lancés sur le runway. J'ai fait ça une fois. Bientôt, je vais le faire pour la seconde fois. J'ai fait aussi du movement management. Ça aussi, je ne savais pas que j'allais faire. Mais je sais faire ça, apprendre aux gens comment bouger. correctement en fonction de la musique, du vêtement qu'ils portent et du mood qui est demandé pour le défilé. Et encore une fois, j'ai rencontré des gens géniaux, là en l'occurrence sur les défilés, Tom Liénard, qui est un jeune étudiant de l'IEX, il est en train de terminer à l'IEX, et qui je pense va être la relève des organisateurs de défilés dans le monde dans les années à venir. En tout cas, c'est ce que je lui souhaite. Et donc, alors... En ce qui concerne DHV, Déshabillez-vous le podcast, au départ, ça devait être une émission de télévision. Puis, manque de connaissances, de moyens, de contacts, découverte de mon côté du podcasting, de ce média. Ça, c'est une bonne porte d'entrée dans la production, la création d'un produit qui s'écoute. Donc la saison 1, dans laquelle on est là, elle s'écoute. Et sur... regarde pas, elle s'écoute essentiellement. J'aimerais bien qu'à un moment donné elle puisse aussi se regarder, mais je réfléchis encore, je suis en train de réfléchir au concept. Alors la première saison, elle peut déjà se lire aussi, par contre. Elle se lit. Elle se lit comment, elle se lit où. À chaque épisode, il y a une thématique qui, moi, a retenu particulièrement mon attention. Un sujet que j'ai abordé avec mon invité, qui m'a fait tilt. et qui m'a donné envie de développer un peu ce sujet-là. Et donc, j'écris des articles, des billets sur une thématique choisie, que j'ai choisie et que je publie sur mon site internet. Voilà, il y a une espèce de continuité de chaque épisode, une continuité écrite. On relie les points. Je voulais faire du journalisme, je voulais écrire. Donc voilà, je commence. Donc, j'aimerais bien que DHV, à un moment donné, s'écoute, se lise et se regarde. Donc ça, c'est l'avenir. Mais je ne sais pas encore ce que l'avenir nous réserve réellement. Donc voilà, pour le moment, on est en saison 1 continue. Je ne sais pas quand est-ce que ça va s'arrêter. Si ça va s'arrêter pour enchaîner sur une saison 2. Si ça va commencer à être filmé ou pas. Je ne sais pas encore. C'est bien de laisser un peu de suspense quand même. Voilà. Alors, pour clôturer, je dirais que s'il y a quelque chose à retenir de... de cet épisode spécial numéro 11 qui fête les 10 épisodes précédents que je n'aurais jamais cru publier et surtout savoir être écoutée par d'autres que moi, c'est que... S'il y a des opportunités qui se présentent, saisissez-les. S'il y a des envies qui vous viennent, trouvez un moyen de les assouvir. Essayez, testez, jouez en fait. La vie est un jeu. On peut faire les choses sérieusement, mais en s'amusant et en apprenant. Et en fait, c'est ça qui est chouette dans la vie. C'est de pouvoir évoluer sans avoir l'impression que c'est douloureux, compliqué. En fait, ce n'est pas nécessaire. Ce n'est pas nécessaire de souffrir pour apprendre, pour évoluer. Les enfants, ils apprennent en faisant, en jouant. Ils tombent beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup avant d'apprendre à marcher. Ils tombent beaucoup, beaucoup, beaucoup avant de réussir à rester sur un vélo. Ils se font mal, mais quand ils ont vraiment envie, ils persévèrent et puis ils y arrivent. Et quand ils n'ont pas envie, en fait, ils mettent de côté et ils passent à autre chose. Et parfois, ils reviennent. Et je pense que ça, c'est un chouette modèle. S'inspirer du fonctionnement d'un enfant, des enfants. Être aussi libre qu'un enfant, même si on est un adulte. Laisser vivre et s'exprimer l'enfant qui sommeille au fond de chaque adulte que nous sommes. Voilà, je pense que clôturer là-dessus, c'est bien. Déshabillez-vous est un podcast créé, présenté et produit par Samia Boujard, moi, avec une musique originale de Maïva Fiston, alias... MPI, montage, mixage et post-production par Alice des Belles Fréquences et Laetitia podcast manager. T H E Déshabillez-vous !