Speaker #0Bienvenue dans Capsule, le supplément court de Design Café. À intervalles réguliers, nous voyagerons avec une icône du design autour de son histoire. Une présentation en bien moins de temps qu'il en a fallu pour créer ses objets intemporels ou pour devenir ses personnalités exceptionnelles et ainsi aller à l'essentiel. Nous parlerons tour à tour de processus créatifs, de talents, voire même dans certains cas, de génie, de fonctionnalité, de qualité, de coût et d'esthétique. En un mot, de design appliqué. et émotionnel. Pour cette nouvelle saison, je continue de partager avec vous des créations qui me plaisent, tout en vous disant tout ce que je sais à leur sujet, ou tout du moins, l'essentiel à savoir pour parfaire, sans se prendre la tête, ces connaissances en la matière. Alors, prêt à faire couler le nectar du design dans votre tasse et à la déguster ensemble ? C'est parti ! Avant de commencer, laissez-moi vous faire une petite confidence. L'objet iconique de ce numéro de Design Café est entré dans ma vie il y a déjà 34 ans, dans un stade... archi bondée face à une artiste planétaire. À ce moment-là, j'ai 16 ans et je m'apprête à réaliser un de mes nombreux rêves. Je vais voir en chair et en os, moins de chair qu'aujourd'hui d'ailleurs à l'époque, Madonna. Le show démarre magistralement avec le morceau Express Yourself et dès la deuxième chanson du spectacle, la voilà qui utilise pour la chorégraphie de son titre Open Your Heart un modèle adapté de la chaise tonnée. C'était lors de son concert à Nice du 5 août 1990 pendant sa tournée. Blonde Ambition World Tour. Une version spectacle donc pour cet objet que j'identifierai bien des années plus tard comme la chaise tonnée numéro 218, héritière de la toute première chaise tonnée numéro 14 dont nous allons parler aujourd'hui. C'est une histoire fascinante que celle de la numéro 14, une chaise qui a non seulement marqué l'histoire du mobilier, mais qui est aussi considérée encore de nos jours comme l'une des premières pièces du design industriel. Créée par Michael Tonnet au 19e siècle, cette chaise a été vendue à plus de 50 millions d'exemplaires à travers le monde. Pour comprendre l'importance de la chaise numéro 14, il faut d'abord s'intéresser à son créateur, comme bien souvent, Michael Tonnet. Tonnet. Né en 1796 en Allemagne, Michael Tonnet est issu d'une famille modeste. Il commence sa carrière comme ébéniste et fonde son propre atelier en 1819. Mais ce qui distinguait Tonnet des autres artisans de son époque, c'était sa capacité à expérimenter avec de nouvelles techniques le travail du bois. À une époque où la plupart des meubles étaient fabriqués de manière artisanale et coûtaient plutôt cher, Tonnet avait une vision différente. Il voulait créer des meubles élégants, fonctionnels et abordables, accessibles à tous. Son esprit d'innovation le pousse à expérimenter le bois courbé. Dans les années 1830, il commence à développer une technique pour plier le bois à la vapeur, un procédé qui allait révolutionner la production de meubles. En 1841, Michael Thonnet fait une démonstration de cette technique à l'Association des ébénistes autrichiens à Vienne, ce qui attire l'attention d'un certain architecte, Karl Friedrich Schinkel. Oui, oui, celui-là même dont on a déjà parlé dans le numéro consacré au fauteuil Barcelona. Impressionné, Schinkel le recommande alors à la Cour royale de Vienne, où Thaunay recevra des commandes prestigieuses, posant ainsi les bases de ce qui deviendra une entreprise révolutionnaire. Parlons à présent et plus spécifiquement de la création de la chaise numéro 14, également connue sous le nom de chaise bistrot. C'est en 1859 que la chaise numéro 14 voit le jour. Elle représente l'aboutissement de nombreuses années de recherche et de développement pour Michael Thaunay. Comme vous pouvez vous en douter, 13 autres modèles l'ont précédé, d'où son nom. L'objectif du créateur était simple mais ambitieux, créer une chaise élégante, résistante, facile à produire en série, à transporter, à monter et à un tarif abordable. Cette chaise numéro 14 est composée de seulement 6 pièces de bois courbées, de 10 vis et seulement 2 écrous, ce qui la rend donc extrêmement facile à assembler et à manipuler. C'était une première à l'époque car les meubles étaient souvent lourds, complexes à fabriquer et difficiles à transporter. Le design minimaliste et fonctionnel de la chaise numéro 14 la rendait également adaptée à une production en série, ce qui permettait de réduire les coûts et d'élargir sa distribution. Et c'est exactement ce que Michael Thonnet a fait puisqu'il a ouvert plusieurs usines en Europe centrale où la chaise numéro 14 a été produite en masse. En 1867, lors de l'Exposition universelle de Paris, la chaise numéro 14 reçoit même une médaille d'or, confirmant son statut de véritable chef-d'œuvre de design industriel. Encore aujourd'hui, la chaise mesure 80 cm de haut, son assise est à 46 cm du sol et son diamètre est de 40,5 cm. Malgré les très nombreux exemplaires produits, est vendue, la chaise numéro 14 n'est pas uniquement une réussite commerciale. Elle est aussi considérée comme une pionnière dans l'histoire du design. Sa conception allie fonctionnalité, simplicité et élégance, des principes qui restent au cœur du design moderne. Le fait que la chaise numéro 14 ait pu être produite en série à grande échelle tout en restant abordable a ouvert la voie à la démocratisation du design. L'un des aspects les plus remarquables de cette création est son esthétique intemporelle. Elle s'adapte à tous les environnements. cassés parisiens aux salles à manger domestiques, en passant par les hôtels et les restaurants du monde entier. C'est cette polyvalence qui lui a permis de traverser les âges sans jamais se démoder. Un autre point intéressant est que la chaise numéro 14 est l'une des premières pièces de mobilier à avoir été expédiée sous forme démontée, une méthode que nous associons aujourd'hui à des géants de la grande distribution comme Ikea, mais qui existait donc depuis la moitié du XIXe siècle. Grâce à son design ingénieux, La chaise pouvait être expédiée en pièces détachées et assemblées sur place, ce qui réduisait considérablement les coûts de transport et permettait une distribution mondiale. Il existe d'ailleurs une anecdote amusante à ce sujet, qui est que Tonnet aurait un jour expédié 36 chaises numéro 14 dans une seule caisse de seulement 1 mètre cube, démontrant ainsi son efficacité en termes de transport et d'entreposage. Autant vous dire que l'on parle là d'une véritable prouesse pour l'époque. Cette efficacité de production de la chaise numéro 14 a évidemment permis à Michael Thonnet de vendre ses chaises à un prix très compétitif, ce qui a contribué également à son immense popularité. Mais le succès de Thonnet n'était pas seulement dû à son ingéniosité technique, il était également un homme d'affaires astucieux. En effet, en 1842, Thonnet a été invité par le prince Clémence Wenzel von Metternich à Vossoe, à Vienne, alors capitale de l'Empire Austro-Hongrois. Impressionné par son travail, Maitre Nietzsche l'encourage à s'installer à Vienne, qui était à l'époque un centre culturel et économique important. À Vienne, Thoné a pu bénéficier d'un marché plus vaste et d'une clientèle plus aisée. Mais c'est son contrat pour meubler le célèbre café Dôme qui l'a propulsé sur le devant de la scène. La chaise numéro 14 a rapidement été adoptée ensuite par un grand nombre de cafés de Vienne, devenant un élément résidentiel de style de vie viennois. Son design léger et robuste était idéal pour les établissements où les chaises devaient être fréquemment déplacées. Avec le temps, la chaise numéro 14 est devenue une véritable icône du design, ce qui nous arrange bien puisqu'on peut en faire une capsule pour ce podcast. Elle a été largement copiée, vous vous en doutez, mais jamais véritablement égalée. Son influence est visible dans de nombreux designs modernes qui privilégient la simplicité, la fonctionnalité et bien évidemment l'esthétique. Le célèbre architecte et designer Le Corbusier, excusez-nous du peu, l'a même qualifiée de chaise la plus belle du monde, soulignant ainsi son importance dans l'histoire du design global. Alors on a parlé de Vienne, mais la chaise numéro 14 ne s'est pas seulement imposée dans les cafés autrichiens. Elle a traversé les frontières et les océans pour conquérir le monde entier. Dans les années 1880, elle était déjà exportée aux Etats-Unis, et elle a rapidement trouvé sa place dans les maisons, les restaurants, les bureaux et même certains palais royaux. Une anecdote intéressante, une de plus, est que l'impératrice Elisabeth d'Autriche, plus connue sous le nom de Sissy, aurait été une grande admiratrice des chaises tonnées et aurait insisté pour les avoir dans ses résidences. Vous le savez sans doute, le nom de famille tonnée est dorénavant devenu une marque. Plus de 160 ans après sa création, la chaise numéro 14 reste un classique du design, toujours en production aujourd'hui et toujours populaire. Son design a inspiré de nombreux designers et fabricants de meubles à travers le monde. Aujourd'hui, la chaise est même souvent utilisée, vous l'avez sûrement vu, dans des projets de décoration intérieure moderne, prouvant que son dessin intemporel est toujours d'actualité. Après la mort de Michael Thonnet en 1871, ses fils ont repris l'entreprise et l'ont transformée en une véritable dynastie du mobilier. Ils ont continué à innover et à diversifier leur gamme de produits tout en restant fidèles aux principes de leur père, simplicité, fonctionnalité et accessibilité. Sous la direction des fils de Thonnet, Tonnet, l'entreprise a ouvert des usines en Europe et aux États-Unis, consolidant ainsi sa position de leader mondial du mobilier. Pourtant, les événements historiques n'ont pas toujours été tendres avec Tonnet. Pendant les deux guerres mondiales, l'entreprise a dû faire face à de nombreuses difficultés, comme de nombreuses entreprises d'ailleurs, notamment la destruction de certaines de ses usines et la perte de marché important. Cependant, grâce à sa résilience et à sa capacité à innover, la marque Tonnet a réussi à surmonter les obstacles et se réinventer. régulièrement. Cette marque, aujourd'hui internationale, continue bien sûr d'innover dans le domaine du mobilier. Elle évolue toujours avec son temps, tout en restant fidèle à ses racines. La marque produit, bien évidemment, toujours des meubles en bois courbé, mais elle a également élargi sa gamme pour inclure des pièces modernes en acier tubulaire, un autre matériau révolutionnaire introduit au début du XXe siècle. La collection actuelle de la marque Todé continue de refléter l'engagement de l'entreprise envers le design, l'innovation et la qualité. des valeurs qui remontent à l'époque de son fondateur. En 1920, Tonnet a même célébré un jalon important avec la vente de la 50-millionnième chaise numéro 14, un témoignage de sa popularité et de son impact durable. Durant toute cette période, on ne peut pas occulter le fait que la chaise numéro 14 a également été un élément clé dans plusieurs mouvements artistiques et architecturaux. Elle a été adoptée par les artistes du Bauhaus, un mouvement qui prônait l'intégration de l'art, de l'artisanat et de la technologie. Les designers du Bauhaus ont vu dans la chaise numéro 14 un exemple parfait de leur idéal, un design qui allie forme et fonction, accessible au plus grand nombre. De plus, son esthétique minimaliste correspondait parfaitement aux principes modernistes qui rejetaient le superflu pour se concentrer sur l'essentiel. Aujourd'hui, la chaise numéro 14 fait partie d'une grande famille de modèles produits par la marque comme la numéro 218 du concert de Madonna par exemple. Mais pour rester concentré sur la numéro 14, sachez qu'après avoir longtemps été cantonné à sa version initiale, à savoir noire avec une assise en canage de couleur naturelle, elle est aujourd'hui disponible dans une bien plus grande variété de finitions et de couleurs, mais son design de base reste inchangé. Car c'est vraiment ce qui la rend spéciale, sa capacité à s'adapter à n'importe quel environnement, n'importe quel style de décoration, tout en conservant son caractère. unique hérité du XIXe siècle. Outre Madonna, Le Corbusier et Sissi Impératrice, on compte aussi parmi les grands fans de la numéro 14 l'artiste contemporain britannique Damien Hirst qui a utilisé des chaises tonnées dans plusieurs de ses installations affectionnant particulièrement leur polyvalence et leur intemporalité. Toujours dans le registre des anecdotes dont je suis fan, vous le savez, pour ce podcast, j'ai appris en préparant cet épisode que la numéro 14 avait un lien indirect mais tout particulier avec Avec la prohibition aux Etats-Unis. Dans les années 1920, pendant la période de la prohibition donc, les barques clandestins ou speakacies adoptaient souvent la chaise numéro 4 pour son design sobre et sa durabilité. Jusque là, rien de nouveau me direz-vous. Les clients pouvaient ainsi se retrouver dans ces établissements pour boire un verre ou plus, tout en profitant du confort et de l'élégance de ces chaises. Mais par contre, et c'est ça qui est intéressant, en cas de descente de police inopinée, les chaises étaient si légères qu'elles étaient faciles à déplacer. permettant ainsi aux propriétaires de changer rapidement la disposition de leur barre en deux temps trois mouvements, ni vu ni connu, je t'embrouille. Un autre fait, moins drôle celui-là, mais malgré tout intéressant, concerne la légendaire robustesse de la chaise numéro 14. En effet, l'histoire tragique témoigne que la chaise était si solide qu'elle a survécu à un événement tristement célèbre à l'époque, le grand tremblement de terre de 1906 à San Francisco. Parce que dans les ruines des nombreux bâtiments effondrés, on a retrouvé une quantité très importante. de chaise numéro 14 complètement intacte. Et puis, plus légèrement, il y a aussi l'histoire d'Adolphe Luce, un célèbre architecte moderniste autrichien qui était un fervent admirateur de la chaise numéro 14 de Thôné. Luce les a d'ailleurs utilisés dans de nombreux projets, allant jusqu'à déclarer que la chaise numéro 14 était la seule chaise vraiment moderne. Alors, plus belle chaise du monde selon Le Corbusier, seule chaise vraiment moderne pour Luce. N'en rajoutez plus, sa réputation est faite, et cela... Pour toujours. Vous l'aurez compris, moi aussi, j'en suis fan. Et même si, je vous l'accorde, une chaise reste une chaise, la numéro 14 de Michael Thonnet n'est pas seulement un meuble. Elle est un symbole de l'ingéniosité humaine, de l'innovation industrielle et de la capacité à créer quelque chose de beau et de fonctionnel à la fois. Son impact sur le design est indéniable et son histoire continue d'inspirer des générations de designers et de créateurs. Que ce soit dans un café viennois ou dans un salon contemporain, La chaise numéro 14 reste une icône de style et de simplicité, prouvant que parfois, les meilleures idées sont aussi les plus simples. De son design innovant et de sa production révolutionnaire jusqu'à son impact durable sur l'histoire du mobilier, la chaise numéro 14 est bien plus qu'un simple siège. C'est le symbole du début et de l'évolution du design industriel. En explorant l'histoire de cette chaise emblématique, nous comprenons mieux comment un simple objet peut changer notre façon de vivre, de travailler. et même tout simplement de penser le design. Et voilà, je retire cette capsule de Design Café de la machine pour aujourd'hui et je la remplacerai très prochainement. Si vous avez aimé l'arôme de cette émission, n'hésitez pas à vous y abonner et à la recycler à l'infini en la partageant tout autour de vous. Je vous invite également à la noter et à la commenter sur votre plateforme d'écoute préférée. Je le dis à chaque fois, mais c'est vrai, ça m'aide beaucoup tout en me faisant très plaisir. Je vous donne rendez-vous dans quelques jours pour un nouvel épisode au format classique de ce podcast. En attendant, vous pouvez écouter ou réécouter les premiers épisodes. Consultez les notes de l'émission pour compléter son contenu et visitez les comptes Instagram d'ECB Interiors Design et surtout Design Café Podcast pour retrouver les postes qui illustrent cet épisode. Allez, on en retrouve d'autres toutes.