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Dessine-moi un futur désirable !

16. De la fourche à la fourchette : quel système durable ? - Pierrick de Ronne

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57min |19/06/2024
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Description

Dans ce nouvel épisode, je reçois Pierrick de Ronne, ancien président de BioCoop, actuelle dirigeant d’une Scoop de magasins en Ardèche, président de Natexbio et administrateur au mouvement impact France.

Avec Pierrick a parlé futur du système agroalimentaire.


On a commencé avec un peu d’histoire : quels ont été les grands jalons du développement de l’industrie agroalimentaire ? Comment est né « la bio » ce projet de société qui va au-delà des exigences techniques agricoles ?


On a bien évidemment parlé de BioCoop, son histoire, ses engagements et caractéristiques du modèle coopératif qui intègre producteurs, salariés, directeurs de magasins et consommateurs dans sa gouvernance.


Je voulais vraiment comprendre comment Pierrick voyait le futur du système :

La première étape est une réflexion collective : de quoi en tant que consommateurs, avons-nous vraiment envie ?

Un autre volet important c’est adresser la question du prix, pour permettre l'accessibilité aux consommateurs et la juste rémunération des producteurs : un sujet politique selon Pierrick.

Enfin, j’ai été touchée par le questionnement de Pierrick sur la pertinence de sa raison d’être quand les valeurs que l’on défend seraient désormais à l’échelle. Je la traduirai en une question : est-ce qu’un futur désirable n’est pas, tout simplement, de ne plus avoir le besoin d’exister ?


Je vous invite à écouter jusqu’au bout, car Pierrick partage quelques conseils qui le guident dans sa carrière.


C’est parti !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, dans ce nouvel épisode, je reçois Pierrick Derone, ancien président de Biocop, actuel dirigeant d'une SCOP de magasins en Ardèche, président de Natex Bio et administrateur au mouvement Impact France. Avec Pierrick, on a parlé du futur du système agroalimentaire. On a commencé avec un peu d'histoire. Quels ont été les grands jalons du développement de l'industrie agroalimentaire ? Comment est né la bio, ce projet de société qui va au-delà des exigences techniques agricoles ? On a bien évidemment parlé de Biocop, son histoire, ses engagements et caractéristiques du modèle coopératif qui intègre producteur, salarié, directeur de magasin et consommateur dans sa gouvernance. Je voulais vraiment comprendre comment Pierrick voyait le futur du système. La première étape selon lui, une réflexion collective. De quoi avons-nous envie ? En tant que consommateur. Un autre volet important, c'est adresser la question du prix, pour permettre une accessibilité aux consommateurs et une juste rémunération des producteurs. Un sujet politique, selon Pierrick. Enfin, j'ai été touchée par son questionnement sur la pertinence de sa raison d'être quand les valeurs que l'on défend seraient désormais passées à l'échelle. Je le traduirai en une question. Est-ce qu'un futur désirable n'est pas, tout simplement, de ne plus avoir le besoin d'exister ? Je vous invite vraiment à écouter cet épisode jusqu'au bout, car Pierrick partage en plus quelques conseils qui le guident aujourd'hui toujours dans sa carrière. C'est parti ! Bonjour Pierrick ! Bonjour ! Ravi de t'accueillir ici au micro de Dessine-moi un futur désirable, dans en plus un studio qui est tout neuf. Comme je te disais, on inaugure le matériel, donc très contente que ce soit avec toi. Je suis contente de t'avoir au micro pour parler d'un sujet hyper important qui est le futur du système agroalimentaire. Quand je dis système alimentaire, j'inclus de la fourche à la fourchette pour intégrer tous les acteurs qui travaillent dans cette industrie-là au cœur de notre discussion. J'avais envie de commencer en plantant les grands enjeux autour du système agroalimentaire. Pour ça, j'ai quelques chiffres à te partager et à partager à nos auditeurs. Le premier sujet pour moi autour du système agroalimentaire, c'est qu'on a un enjeu de santé. En fait, si on revient à la base, l'alimentation, c'est notre rapport énergétique du quotidien. On ingère à peu près 60 tonnes de produits tout au long de notre vie. Ça me paraissait assez énorme. On est sur un sujet de santé qui est très lié à notre bien-être. Un chiffre assez intéressant et surprenant, c'est qu'on a plus de 47% des adultes qui sont obèses ou en surpoids en France. J'étais extrêmement surprise de ce chiffre. Donc un gros enjeu de santé, également un gros enjeu environnemental. On sait que l'alimentation impose tout un tas de pressions, que ce soit sur le climat, la biodiversité, l'environnement, la pollution des sols, etc. Donc gros sujet. C'est quand même 22 à 23% de l'empreinte carbone individuelle, donc ce n'est pas négligeable. Et un chiffre aussi que je pense qu'on a maintenant bien en tête, c'est qu'on gaspille 30% de ce qu'on produit. Et quand on voit tous les impacts sur l'environnement, c'est un chiffre qui pose question en 2024. Et enfin, dernier gros enjeu, c'est un enjeu économique important. C'est plus d'1,4 million d'emplois en France pour une valeur économique d'à peu près 99 milliards d'euros, selon l'INSEE. Donc, un sujet planté avec des gros enjeux et notre objectif ensemble, ça va être de discuter des bases d'un système agroalimentaire plus durable, plus désirable. Et donc du coup, pour commencer, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, je te propose peut-être de te présenter tout simplement.

  • Speaker #1

    Oui, je suis ravi d'être là aussi. Je suis gérant d'une coopérative, d'une SCOP à Annonay, en Ardèche. On a trois magasins Biocop, bientôt quatre. On va rouvrir un autre magasin à Saint-Etienne. Et j'ai été président de Biocop et je suis toujours investi sur des sujets nationaux, notamment au mouvement Impact France. Donc, je suis aussi marié et père de quatre filles. C'est important, c'est ce qu'il y a de plus important. Et puis sur les enjeux, effectivement, il y a un enjeu aussi social. C'est important de se le dire. On a... On a même du mal à mesurer les gens qui n'ont pas accès à une alimentation. Déjà, basiquement, il y a énormément de gens qui font la queue. On parle de 8, 10, voire 12 millions de personnes qui vont à l'aide alimentaire. Donc, ça contrebalance entre l'obésité, le gâchis et des gens qui n'ont pas accès à une alimentation, et encore moins à une alimentation saine. Et c'est vrai que c'est un enjeu majeur pour l'avenir.

  • Speaker #0

    Oui, sur cet enjeu-là, effectivement, j'avais lu que 16% des Français ne mangeaient pas à leur faim. Avant de plonger peut-être dans le cœur de la discussion et de parler du système, est-ce que tu peux commencer par nous planter peut-être la grande sémantique autour du sujet, autour du bio ? C'est quoi concrètement le bio, si on la fait très simple ?

  • Speaker #1

    Très simplement, le bio, c'est d'abord un cahier des charges agronomique, qui est une reconnaissance européenne maintenant. Donc tous les pays européens... ont le même label bio, c'est les gros feuilles. Et il y a à la fois les producteurs qui respectent un cahier des charges, notamment la question des engrais et des pesticides chimiques, qui sont interdits. Et il y a aussi dans les transformateurs des additifs qui sont interdits, etc. Donc c'est une démarche agronomique. Et au-delà de ça, c'est aussi une démarche politique. Le bio est né de la rencontre entre des producteurs qui voulaient changer le modèle. très militants, qui voulaient changer le modèle agricole, et des consommateurs qui voulaient avoir une alimentation différente que celle qu'ils trouvaient dans les circuits classiques de distribution et produits par l'agriculture productiviste et intensive. Et cette rencontre a créé la bio et toute une chaîne de valeurs avec des producteurs bio évidemment, mais aussi des distributeurs, des réseaux de distribution spécialisés. engagé et un des consommateurs qui n'ont cessé de grandir.

  • Speaker #0

    Ok, effectivement, donc une démarche, aujourd'hui une démarche du coup européenne, donc ça veut dire, si je prends mes lunettes de consommateur, que si j'achète des courgettes bio d'Espagne, elles ont la même réglementation que celles de courgettes bio qui vont être produites en France.

  • Speaker #1

    Exactement. Là où il peut y avoir des différences, c'est sur ce qui n'est pas dans le cahier des charges. Et c'est un peu la difficulté qu'on a eue ces 30 dernières années, c'est qu'il y a eu une idéalisation du bio aussi. Il y a la question agronomique, mais dans le bio, il n'y a pas la question du commerce équitable, par exemple. Et donc, on peut trouver la bio espagnole dans la mer de plastique, dans le sud de l'Espagne, récoltée par des Marocains marocaines payés au lance-pierre. en travailleurs détachés. Donc ça, évidemment, il y a des réseaux comme Biocop qui se l'interdisent, mais ça se trouve en bio. Mais par contre, là, la tomate en tant que telle, elle est utilisée, c'est exactement le même cahier des charges que la tomate française.

  • Speaker #0

    Ok. Ah oui, juste peut-être, commerce équitable, comme on est dans la sémantique et dans les grands, on va dire, concepts, est-ce que tu peux le définir un petit peu plus ?

  • Speaker #1

    Le commerce équitable est d'abord né des produits... issus du sud de l'hémisphère sud, notamment en tout cas des pays en voie de développement, comme on disait à l'époque. C'est notamment la banane, le cacao, le café. L'idée, c'est globalement de payer un minimal écout de production, enfin en tout cas d'avoir un prix plancher sous lequel ne pas descendre et qui permet, souvent c'est des systèmes collectifs, plutôt des coopératives, aux producteurs, à travers leurs coopératives, de se nourrir déjà, de pouvoir mettre leurs enfants à l'école, etc. Et donc... Ça s'est développé au fil des années, notamment il y a un label qui est très connu qui s'appelle Max Avelard, mais il y en a plein d'autres, des labels qui reconnaissent le commerce équitable nord-sud. Et un des travaux de Biocop depuis 20 ans, c'est de développer un cahier des charges commerce équitable nord-nord ou en France, alors qu'il est un petit peu différent évidemment. On ne peut pas comparer des producteurs de France avec des producteurs des récoltants de bananes au fin fond de l'Afrique, mais l'état d'esprit est le même. Mais effectivement, c'est l'idée de parler de rémunération, de partage de la valeur et de sens au travail.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, très clair pour ces grands termes qu'on va beaucoup utiliser tout au long de ce podcast. Et moi, j'aime bien parler un petit peu d'histoire aussi dans ce podcast, parce que je suis assez persuadée que pour comprendre le monde d'aujourd'hui, on doit un peu s'intéresser à celui d'hier. Et est-ce que tu pourrais nous partager peut-être les grands jalons sur ces 100, 150 dernières années ? Tu choisis l'échelle que tu veux, mais pour qu'on puisse se rendre compte de quelles ont été les grandes évolutions qui ont construit les modèles qu'on peut trouver aujourd'hui sur ce système agroalimentaire. À titre personnel, je me faisais une réflexion qui était... En fait, je me dis peut-être qu'il y a 150 ans, on était bio, Et en fait, on est sortis du bio, un peu comme les énergies renouvelables et les fossiles, et aujourd'hui on cherche à y revenir. Je ne sais pas si mon raisonnement est un peu hâtif ou pas, mais je me dis qu'il y a peut-être cette logique-là. J'étais curieuse d'avoir ton avis aussi sur ces grands jalons.

  • Speaker #1

    Ouais, alors je ne suis pas historien, etc. Mais moi, j'analyserais ça sur le biais de deux mouvements. Donc, il y a un premier mouvement qui est le mouvement du productivisme. Donc, effectivement, on a facilité la vie des producteurs, on a facilité la vie des consommateurs, donc les producteurs par la mécanisation, le remembrement. Il y a eu énormément de choses qui ont été faites. Et ça a démarré après-guerre, avec une logique de nourrir. de nourrir tout le monde par le volume.

  • Speaker #0

    Après la première,

  • Speaker #1

    deuxième ? Après la deuxième guerre mondiale. Après les guerres, nous ont aidé à tester la chimie. Et donc, effectivement, Bayer et compagnie sont nés. Après les guerres, on s'est dit, qu'est-ce qu'on va faire de toute cette chimie qu'on ne peut plus utiliser dans se détruire mutuellement, dans la destruction mutuelle ? On l'a mise dans les champs et effectivement, ça a fonctionné. Et ça fonctionne, il y a une forme d'efficacité. On s'est mis à produire plus, à nourrir. à nourrir les gens. Et donc, on est rentré dans cette logique productiviste. On est passé d'une logique très agriculture pour soi, avec beaucoup, beaucoup de paysans. 4, 5 millions de paysans. Aujourd'hui, il y a 300 000 paysans en France. Voilà, on a beaucoup réduit le monde agricole, mais il y a eu plein de bons côtés. Aussi, je veux dire, pour ne pas jeter le bébé avec le dube, ça a été aussi des avancées.

  • Speaker #0

    Et si je ne me trompe pas, c'était une période aussi où les gens avaient particulièrement faim, en sortant de la guerre, avec des tickets de rationnement, etc.

  • Speaker #1

    On oublie que ça a duré longtemps, jusqu'au milieu des années 50, les tickets de rationnement. Donc il y avait des pénuries. Mais comme on a demandé aux mineurs de se surpasser, de se dépasser pour chauffer la France, on a demandé au monde agricole de se transformer, de se transcender pour nourrir la France et le monde. Et on a encore... Ce discours-là aujourd'hui, quand on entend les dirigeants de la FNSEA, ils disent mais nous, le pacte, c'est nourrir le monde Et voilà, donc on sent que le paradigme n'a pas évolué depuis, mais en tout cas, il y a eu ce mouvement-là de produire plus. C'était nécessaire. Et ensuite, il y a eu un autre mouvement, et qu'on peut voir avec l'énergie, ou notre rapport à l'animal, par exemple, c'est une dissociation de l'agriculture et de l'alimentation. ou du monde animal et de l'alimentation. Donc on parle du monde agricole, mais l'alimentation, aujourd'hui, on sait moins comment fonctionne le vivant.

  • Speaker #0

    Il y a une perte de connaissance en fait ?

  • Speaker #1

    Il y a une perte de conscience. Comment c'est arrivé dans notre assiette et que ce qu'on mange est connecté à un modèle agricole, à un modèle de distribution, à du social. Voilà, on a beaucoup de paysans qui se suicident régulièrement et c'est très criant sur l'abattage des bêtes. Par exemple, on a mis les abattoirs le plus loin possible des villes et on a aujourd'hui des gens, par exemple, qui ne... qui vont se dire je suis végétarien mais qui vont continuer à boire du lait de vache ou à pouvoir manger du fromage de chèvre. Mais pour avoir du lait de vache, il faut tuer les veaux. Et donc, qu'est-ce qu'on fait des veaux ? En fait, ce cycle agricole et alimentaire, il n'est plus du tout compris. Du coup, on rentre dans des logiques plutôt idéologiques et donc un peu d'affrontement. C'est-à-dire qu'on dit le monde agricole pollue Ah oui, mais nous, on veut du bio, mais en même temps, on veut manger moins de viande, mais en même temps, il n'y a pas d'agriculture sans élevage. Donc du coup, s'installe de plus en plus un dialogue de sourds. Il faut arriver à le dépasser, ce n'est pas évident, mais remettre du sens dans tout ça.

  • Speaker #0

    Et justement, ce dialogue que tu qualifies de sourds, depuis quand est-ce qu'il a commencé à prendre de l'ampleur par rapport justement au développement ? Quand tu disais au début, le bio est né avec une volonté plutôt militante, ça se passe à quel moment de l'histoire ?

  • Speaker #1

    On est à peu près à la naissance du bio, c'est dans les années 70-80, c'est-à-dire l'apogée de la grande distribution, où les gens vont en voiture sur des parkings faire toutes leurs courses au même endroit. Évidemment, on se déconnecte de produits transformés, sous plastique, tout ça s'est amplifié. Et je pense que le mouvement de la bio est aussi né de ça, de se dire mais on ne doit pas se déconnecter en fait, les consommateurs et les producteurs doivent être en contact et construire ensemble le modèle qu'ils veulent défendre. Donc on reste sur un modèle, enfin voilà, c'est pas du tout le modèle dominant aujourd'hui, mais on sent que ça tiraille à cet endroit-là, c'est-à-dire comment on remet en question le modèle productiviste, aller vers le moins mais mieux, donc c'est facile à dire, mais il y a des gens qui n'ont pas, il y en a qui ont trop, ceux qui ont trop sont frustrés, ceux qui ont... une démarche pour inverser ce paradigme-là, et ensuite comment on recrée du lien, on pourra parler du modèle coopératif, mais comment on recrée du lien entre le monde agricole, la distribution, les consommateurs, et de se dire, quand je mange, je crée la société, à travers mon alimentation, il y a ma santé, il y a moi, mon bien-être, mais il y a aussi dans quel monde je veux vivre. Et voilà, est-ce qu'on peut être heureux dans un monde où les paysans ne vivent pas de leur travail, où d'autres ont faim, où ils n'arrivent pas à se chauffer ? Ce sont des sujets qui sont centraux. On le voit aussi dans le monde politique, ça se polarise, ça s'affronte. Et on a du mal à construire du commun. En tout cas, c'est de plus en plus délicat.

  • Speaker #0

    Et donc j'imagine, ça me fait une bonne transition pour ma prochaine question, que cette construction de commun, c'est au cœur de ce que tu fais chez Biocop au quotidien. Est-ce que tu peux peut-être nous parler de Biocop concrètement, pour les auditeurs qui ne connaissent pas du tout, c'est quoi, ça fonctionne comment, c'est pour qui ?

  • Speaker #1

    Biocop est né de ces rencontres-là. Ce sont d'abord des coopératives de consommateurs, des associations de consommateurs qui se sont montées avec des producteurs dans les années 80. Ensuite, ça a été une association, puis ça s'est structuré en réseau. Et aujourd'hui, on a gardé une logique multi-acteurs au niveau global. Il y a des magasins qui vivent leur vie sur leur territoire et qui ont des liens avec des producteurs locaux, avec des consommateurs qui construisent toute une dynamique de territoire, d'engagement local. Et ils possèdent la coopérative. Un magasin une voix, un groupement de producteurs une voix. Et dans la coopérative sont représentés les magasins, les producteurs, mais aussi des salariés et des consommateurs. Et l'idée, très basiquement, c'est de dépasser les intérêts court terme qui sont divergents. Sur des questions de prix, par exemple, c'est assez mécanique, mais le consommateur ne veut payer pas cher. Le producteur, il veut payer cher, il veut être payé plus cher. Et donc, comment on trouve le prix juste ? Moi, je pense que ce modèle coopératif doit nous aider, par le dialogue et la compréhension réciproque, à construire cette notion de prix juste pour développer aussi une stratégie, construire l'avenir, les sujets autour de la possession du vivant, les soins pour les paysannes, la question de l'eau, la question du climat aujourd'hui. Aujourd'hui, la question du bio, c'est presque du passé pour Biocop. Il faut construire une démarche d'avenir qui va bien au-delà du bio. Et donc, est-ce qu'on se passe de certains produits ? Et donc, le modèle coopératif, le fait de se mettre autour de la table et de dialoguer, parfois de manière rugueuse, ça permet de dépasser ça et on n'est pas dans des boxes de négociations. une fois par an pour s'affronter. On est plus dans les logiques de coopération.

  • Speaker #0

    Et je trouve ce point vraiment hyper intéressant de dépasser les enjeux court terme pour construire ensemble le long terme. Dans ce que tu dis, j'ai l'impression que c'est peut-être les valeurs qui vous rassemblent et vous permettent d'élever, on peut dire, le débat sur du long terme. Est-ce que c'est ça qui fait la force du modèle coopératif ou est-ce que selon toi, il y a d'autres choses, peut-être dans votre manière de discuter, je ne sais pas, d'animer toutes ces sessions-là, Qu'est-ce qui fait que selon toi ça marche et que vous arrivez à construire sur le long terme ?

  • Speaker #1

    C'est cette idée-là. Après je pense qu'il y a un sujet, alors après là ce sera peut-être moins partagé par certains collègues, mais pour moi... la question de la vision, de l'engagement commun et du sens qu'on met, quelle que soit l'entreprise, que ce soit à Biocop ou dans la Scop, à laquelle je suis gérant, c'est de se dire, il faut se donner un objectif, développer la bio, réduire la pauvreté, je n'en sais rien, donner un objectif d'entreprise, et de se dire que si on en déroge, ce n'est pas grave si on disparaît. C'est-à-dire qu'à un moment donné, c'est de se dire, là on a traversé une crise du bio, en tout cas il y a eu une baisse de la demande de manière assez importante. Tout l'enjeu c'est de ne pas sacrifier cet idéal-là, et d'accepter que si les gens ne viennent plus, s'ils préfèrent aller chez Lidl ou Leclerc, dont acte, mais est-ce que nous on doit s'adapter et se dire, c'est pas grave, là ça marche moins bien, donc on va utiliser des méthodes d'autres, ou se donner d'autres objectifs connexes, ou éroder légèrement le projet sur tel ou tel sujet. Moi j'ai plutôt la conviction un peu de se dire, bah non, en fait, et c'est pas grave. Si on se réduit un petit peu, si on vend un peu moins, on reconstruit avec ceux qui sont là et on continue à avancer, progresser. Et ne pas déroger à l'engagement qu'on s'est donné. Donc nous, c'est de développer une bio équitable. Parce qu'on aurait pu se dire, bon ben... La question c'est le prix, donc c'est pas très grave, on va vendre des bananes non équitables. Bon ben on gagnera 10 centimes, les consommateurs seront entre guillemets contents, j'en suis pas sûr. Ou de faire beaucoup de promotions. Aujourd'hui chez Biocop on fait à peu près 4% de notre chiffre d'affaires en promo. La grande distribution c'est 25 à 30%. Oui. Tout leur modèle est basé sur l'achat impulsif. Nous on veut pas rentrer là-dedans, mais on aurait pu aussi se dire, tiens on passe à 10. il y aurait une satisfaction, mais après c'est de la drogue dure. Tout le modèle est basé là-dessus, les gens viennent chercher de la promo et on n'en sort plus. Mais ce n'est pas facile, parce qu'évidemment on est tiraillé, en interne il y en a qui voudraient, il y en a d'autres qui ne veulent pas, etc. Donc ça amène beaucoup de débats et de discussions, encore plus dans des temps de turbulence. Mais le sujet c'est tenir la barre.

  • Speaker #0

    Oui, fixer son cap, la voile et le garder quand ça secoue. Merci pour ce partage, c'est hyper intéressant et j'imagine que ça résonnera avec aussi pas mal d'autres industries qui peuvent être en zone de turbulence en ce moment. Est-ce qu'en quelques chiffres clés, tu peux nous dire aussi, juste Biocop aujourd'hui, ça pèse combien parmi le panorama de la distribution en France ?

  • Speaker #1

    Il y a 740 magasins, on est à 0,8% du... de l'achat alimentaire en France, donc on est assez petit, mais on pèse, je crois, à peu près 21% du chiffre d'affaires du vrac, des ventes de vrac en France, tout confondu, bio, non bio. et 20% du commerce équitable en France aussi. Donc en fait, en ayant pris des engagements, ce cap-là fort, en étant tout petit, on pèse presque un cinquième du vrac et du commerce équitable en France. On a beaucoup de mal à le dire, à le faire savoir. Les gens imaginent que c'est que bio, mais évidemment qu'il y a beaucoup plus que ça. Et que, voilà, on peut aussi peser au-delà de sa part de marché. quand on a des engagements forts. Après, c'est à la fois une réussite pour Biocop, c'est agréable, mais c'est aussi un échec collectif parce que je me dis, mince, si nous on pèse 20% du vrac et 20% du commerce équitable, que font les autres ? On devrait être tout petit, on devrait être à 1%.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une victoire et ça n'en est pas une, je comprends.

  • Speaker #1

    Il ne faut pas qu'on reste leader trop longtemps. L'idéal, ce serait qu'on ne soit pas leader trop longtemps sur ces sujets-là et qu'on en trouve d'autres. pour rester à moteur sur des grands changements, et que cela, ça rentre dans le domaine courant et dans le domaine public. Mais bon, on n'y est pas encore. On a encore un peu de marge.

  • Speaker #0

    Oui, je comprends. Et justement, dans le système agroalimentaire français, il y a aussi, en tout cas de mon point de vue de consommatrice, je reprends mes lunettes de consommatrice, j'ai l'impression qu'on a eu un moment où on a eu une explosion de magasins bio, on a eu des Naturalia, des Bio C'est Bon, etc. Est-ce que ça... Pour Biocop, ça a été aussi positif de voir qu'il y avait pas mal d'acteurs qui se mettaient sur cette verticale-là pour continuer de le démocratiser, etc. Comment toi tu perçois le fait que la grande distribution adopte ces codes-là ?

  • Speaker #1

    Il y a un côté positif évidemment, parce que nous l'objectif c'est de développer le bio. Enfin nous, notre objectif c'est que demain 100% de l'agriculture soit bio. Ce serait l'idéal. L'objectif de Biocop ? Oui, c'est l'objectif de Biocop dans un certain sens. Après, nous, on se développe aussi pour nous-mêmes, mais en tout cas, secrètement, on rêverait de ça. Je pense que c'est un vœu pieux. C'est comme si on imaginait que toutes les entreprises seraient coopératives. Ce n'est pas possible. Mais en tout cas, de se dire qu'on veut changer le modèle agricole, et évidemment qu'on ne le fera pas tout seul. Après, la complexité, c'est que... En tout cas, le sujet, c'est est-ce que... le bio ou la bio, tel qu'on l'imagine, est soluble dans le productivisme et dans le modèle écologique. qui est promu aujourd'hui sur l'agro-industrie et notamment la distribution. On le voit bien, la grande distribution n'a qu'une logique opportuniste. En gros, c'est la demande qui décide. Moi, tant que le consommateur en veut, je vends. S'il n'en veut plus, je ne vends plus. Et là, c'est ce qui se passe. Il y a une rétractation de l'offre bio. Il y a un retrait de la grande distribution. Et là, c'est difficile de construire sur du long terme. Parce que se convertir au bio, c'est 3 à 5 ans. Construire des filières, c'est 10 à 15 ans. Donc évidemment, on a besoin d'acteurs qui s'engagent, de consommateurs qui s'engagent, mais aussi des acteurs intermédiaires qui s'engagent pour s'engager dans la transition. Et là, on se sent un peu seul. Pour le coup, on se sent un peu seul. C'est-à-dire qu'il y a très peu de structures et de réseaux qui construisent vraiment une dynamique de transition en mettant des moyens importants, relativement. Et donc là, moi, on ne va pas au bout du geste. Donc voilà, j'en appellerais à la grande distribution de faire la même chose. Voilà, vous êtes aussi prescripteur de produits. Et là, la distribution a beaucoup évolué là-dessus. Il y a 60-70 ans, c'était derrière un comptoir. On venait, on disait on veut du lait, on allait chercher du lait. Et il y a eu la révolution de la distribution, ça a été dire, en gros, on va ouvrir nos hangars. Les supermarchés, on ouvre nos hangars et les gens choisissent, etc. Ils passent en caisse et on réduit les intermédiaires pour baisser les prix. Mais du coup, on a perdu cette logique prescriptrice. Il y a encore un monoprix et un côté prescripteur.

  • Speaker #0

    Comment tu le sens ce côté prescripteur chez un distributeur concrètement ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'ils offrent ? Aujourd'hui, le clair off du prix, j'en ai les moins chers.

  • Speaker #0

    Position de valeur.

  • Speaker #1

    Voilà. Oui, et d'engagement. Chez Biocop, on est prescripteur. Moi, je pense qu'on pourra bien le qualifier quand un grand distributeur dira demain, je m'interdis de vous vendre ça. Monoprix le fait. Sur certains produits, ils avancent. Notamment, je crois qu'ils ont arrêté les oeufs de... Il y a un petit moment déjà, mais les oeufs de catégorie 3, les oeufs de batterie, donc ils ont pris des engagements comme ça, ils avancent, mais on en est très loin dans les autres réseaux de distribution, c'est de dire il en faut pour tout le monde, nous on s'offre. Distribuer des produits, c'est politique. aussi. Si on laisse le choix seulement aux consommateurs, on voit où ça nous mène aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Il y a un point sur lequel je veux rebondir, tu disais de pouvoir accompagner, mais concrètement on parle de quel accompagnement de la part du distributeur ? Est-ce que c'est s'engager sur des volumes de prix ? Est-ce que c'est des prestations de conseils pour les accompagner ? Est-ce que tu peux un petit peu clarifier qu'est-ce que ça veut dire que d'accompagner une filière ? Notamment pour le bio.

  • Speaker #1

    On a construit une filière. Par exemple, nous, on s'est dit qu'on allait arrêter de vendre des avocats d'Amérique du Sud.

  • Speaker #0

    Oui, ok.

  • Speaker #1

    On a une forme de relocalisation. C'est compliqué à regarder. Il y a des fraudes. C'est assez mafieux, le monde de l'avocat. Mais on l'a recentré au niveau européen, notamment en Espagne. Et on s'est dit qu'il faut qu'on développe des filières européennes. En Sicile, notamment. Ça pousse un peu en Corse. On a commencé. Donc là, il faut aller voir des producteurs et leur dire, ça ne vous dirait pas de produire des avocats ? Mais le risque est énorme. C'est-à-dire qu'ils vont dire, moi pendant 3 à 5 ans, je ne vais rien avoir. Je ne connais pas exactement l'avocat, mais parfois il y a des productions où il faut 5 ans avant d'avoir quelque chose à vendre. Et pendant 5 ans, son champ est pris par l'arbre ou par le végétal. Et donc, il faut s'engager. Et dire, sur du temps long, mais pas mettre en concurrence quasiment à la commande. C'est ce qui se passe en grande distribution. C'est dire, cette semaine, je ne vais pas te prendre tes courgettes parce que j'ai du hollandais qui arrive et c'est deux fois moins cher. Il faut sortir de cette logique-là. Et là, c'est aussi une relation de confiance. C'est pas tout contractualiser, mais c'est de se dire, avec ce distributeur-là, je sais que dans 5 ans, 10 ans, ils seront toujours sur les mêmes engagements, les mêmes valeurs et ils me prendront mes produits.

  • Speaker #0

    Oui, donc on est toujours sur le temps long, en fait. Revenir sur un accompagnement et une présence sur le temps long. Il y a un autre sujet dont j'avais envie de parler, peut-être pour les auditeurs qui ne connaissent pas du tout le monde agricole. Ça veut dire quoi concrètement pour un agriculteur de passer d'un modèle conventionnel à un modèle bio ? Ça représente quoi en termes de coûts, de changements de pratiques ? J'aimerais bien qu'on arrive à mesurer un peu ce que ça veut dire concrètement.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas évident à mesurer dans le sens où ça dépend de la production. Et il y a quand même un grand cheminement personnel, c'est-à-dire que ça demande beaucoup de volonté. En tout cas, c'est pour ça qu'il y a une prime à la conversion, c'est que mécaniquement déjà, il y a 3 à 5 ans de conversion, c'est-à-dire qu'ils passent au bio et ils ne peuvent le vendre et le valoriser en bio qu'au bout de 3 ans.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai vu certains labels qui disaient agriculteurs en conversion.

  • Speaker #1

    En conversion, il y a des soutiens. Nous, c'est pareil, on paye au prix du bio à partir de la deuxième année de conversion. Ok. dans les magasins. Donc on trouve des démarches d'accompagnement complémentaires, mais là on est sur, effectivement, globalement, souvent, une baisse de rendement.

  • Speaker #0

    assez forte et l'acquisition ou la réacquisition d'un savoir-faire différent. On n'est plus sur des recettes d'engrais et de pesticides à mettre, mais sur de la cohabitation de plantes, voire animaux végétaux, etc. Donc il y a tout un savoir-faire à récupérer qui passe souvent par les collègues aux alentours, qui donnent un coup de main, qui aident. Et il y a des expériences formidables. C'est un monde très innovant, le monde agricole bio, avec... sans cesse des recherches d'amélioration et la productivité revient. Alors ça dépend des productions, il y en a où on est encore en dessous, mais il y a aujourd'hui des filières qui sont plus productives en bio qu'en conventionnel. Ça commence à se voir parce que les pesticides fonctionnent de moins en moins bien. Il y a beaucoup de résistance. Tuer la terre, ça n'aide pas. C'est presque hors sol pour certaines productions aujourd'hui, ça ne fonctionne qu'avec les engrais qu'on met. On a un peu détruit, enfin pas qu'un peu, on a détruit une grande partie de nos sols. Et donc c'est tout ça qu'il faut remettre du vivant, que les lombriques reviennent, etc. Ça prend du temps. Et là aujourd'hui c'est essentiellement supporté par le paysan. Donc c'est un... un vrai chemin personnel et un engagement très fort.

  • Speaker #1

    L'autre sujet dont j'avais envie de discuter avec toi, c'est la construction de ce système agricole et alimentaire durable et soutenable. Comment est-ce qu'on fait pour passer à l'échelle ces pratiques plus durables ? Alors déjà, est-ce que le futur de ce modèle est du bio ? Je ne sais pas, je te pose la question. Et ensuite, c'est quoi les nouveaux paradigmes qu'on pourrait avoir ?

  • Speaker #0

    Le paradigme global, en tout cas, c'est de passer de cette logique... mondialisé, productiviste, à une logique de proximité, de moins mais mieux, etc. Après, il y a plusieurs difficultés. Déjà, c'est de casser le modèle actuel. Pas simple parce qu'on gaspille 30% de la nourriture. Il y a à peu près 30% de la nourriture qui est aussi utilisée pour nourrir les bêtes et maintenant pour fabriquer de l'énergie, etc. Globalement, au final, on consomme assez peu de ce qu'on produit. Donc on a des leviers d'action. sortir d'une alimentation de viande très industrialisée, mondialisée, avec du soja brésilien, des forêts, etc. Et remettre aussi des paysans, en fait, revaloriser le rôle de paysan. On l'a vu récemment par la crise du monde agricole, mais bon, en fait, la crise existe depuis très longtemps, parce que ce modèle est à bout de souffle.

  • Speaker #1

    Oui, donc pour toi, cette crise, elle est synonyme d'un modèle qui s'épuise ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui, on va dans le mur, là ! Tout le monde le sait, je pense que même la FNSEA le sait au fond d'elle-même, elle sait très bien que ce système-là va dans le mur, il n'y a pas de proposition majeure quand des gens, on leur demande d'investir, de produire toujours plus pour gagner 300 euros par mois, et juste pour survivre et garder la tête hors de l'eau, on ne peut pas dire que le modèle fonctionne. Après, ça pose d'autres questions, c'est-à-dire... Comment on protège ? Et ça, on peut faire le parallèle avec d'autres industries ou d'autres secteurs d'activité, comme le textile ou autre. On est aujourd'hui dans la primovis. C'est-à-dire qu'un distributeur gagnera peut-être beaucoup plus d'argent à importer du raisin d'Afrique du Sud en hiver que de construire des filières avec, d'acheter du raisin français à un autre moment qui sera beaucoup plus cher. et donc il faut sortir de cette logique là et donc il faut de la norme collective enfin voilà il faut protéger le marché et c'était des revendications du monde agricole c'est à dire nous on nous demande de faire des choses et il y a des produits qui rentrent qui utilisent des choses qu'on n'a pas le droit d'utiliser ouais les règles du jeu sont plus les mêmes pour tout le monde en fait là ce qui se passe c'est qu'on est plutôt parti dans une autre ça a été utilisé justement par l'agro-industrie pour euh Pour sortir des normes environnementales, etc., là, on a les objectifs en bio et les objectifs de légumineuse, par la loi, viennent juste d'être sortis du code rural. C'est-à-dire qu'il n'y a plus du tout d'objectifs de surface en bio, ni de surface de légumineuse à cultiver.

  • Speaker #1

    C'est quoi le code rural ?

  • Speaker #0

    C'est ce qui régit, c'est comme le code civil pour le fonctionnement collectif en société. Le code rural, c'est la base des objectifs, des fonctionnements du monde rural et du monde paysan. qui a donc été inscrit dans l'introduction, un objectif de surface en bio. Bon, ça a été supprimé, et c'est plus que symbolique, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans les textes et dans la loi, il n'y a plus d'objectif. Donc il n'y a plus besoin de stratégie du coup, il n'y a plus besoin de planification et d'engagement. Donc je pense que c'est une résistance à cette transition qu'on appelle nous de nos voeux, mais globalement, moi je suis assez pessimiste pour le monde agricole conventionnel. En fait, si je devais le tourner autrement, moi, ce qui m'embête, c'est que politiquement, il n'y a pas de courage. Quand je dis politiquement, ce n'est pas que les hommes politiques ou les femmes politiques, c'est aussi les représentants, etc. On fait croire qu'on peut préserver le petit éleveur laitier avec ses 30 vaches. Et en même temps... Avoir des traités avec le Canada, la Nouvelle-Zélande pour échanger nos voitures et notre champagne contre leurs produits laitiers.

  • Speaker #1

    Donc il y a un souci de cohérence en fait ?

  • Speaker #0

    À un moment donné, on ne peut pas avoir autant de fromage, autant de terroir, ça se protège aussi. Et là, on fait croire qu'on protège le terroir en mondialisant et en faisant de la nourriture et des échanges de produits agricoles, en mettant au même endroit les échanges agricoles que l'échange industriel, de voitures ou autre. Le bien agricole, il est traité de la même manière, alors qu'il devrait être sanctuarisé. Ce n'est pas un bien comme les autres, c'est comme la santé, les médicaments. Et donc, il y a une forme de schizophrénie. Et pour protéger le terroir, notre savoir-faire, notre gastronomie, notre alimentation, il y a évidemment à protéger, comme on a fait l'exception culturelle en France, en disant il faut 40% de musique française à la radio. Ça a aidé forcément. Alors au début, les gens disent oui, des quotas. Mais là, c'est pareil. Et donc, pour l'instant, c'est aux mains du privé. Et donc, Leclerc, ils disent que c'est le prix. Donc le sujet n'est pas... Nous, on dit, ben non, on veut développer des filières françaises, s'engager sur des filières locales. Ça demande beaucoup d'énergie et je pense qu'il y a vraiment à travailler en ce sens plutôt que de se dire, on dérégule, on continue à déréguler et on supprime en gros tout ce qui nous empêche de produire beaucoup, beaucoup.

  • Speaker #1

    Ok, merci pour effectivement ce décryptage de la crise agricole. Donc là, tu nous as partagé pas mal de difficultés et de tensions qu'on pouvait avoir. L'objectif de ce podcast, c'est aussi de parler de futur désirable et de qu'est-ce qu'on aurait envie de construire. Et pour ça, moi, j'aime bien qu'on reparte un peu, pas de la page blanche, mais qu'on s'autorise à vraiment casser des choses. Merci. et qu'on s'autorise un peu à réinventer tout en faisant feu de tout bois. Je me dis que c'est une réflexion qui est intéressante à mener, donc je te propose de la faire. Toi, concrètement, si tu avais les mains pour construire, comme fait le petit prince sur ces planètes, un nouveau modèle, qu'est-ce que tu aurais envie de faire ? Et ce serait quoi, selon toi, les paradigmes de ce système alimentaire, en se donnant quand même pour mission de réussir à nourrir la planète et de protéger l'environnement, bien évidemment ?

  • Speaker #0

    Pour moi, il y a déjà un sujet de réappropriation de l'alimentation par les gens, par nous. Déjà, de se reconnecter à notre alimentation. Donc, qu'est-ce qu'on souhaite ?

  • Speaker #1

    Donc, de poser la question.

  • Speaker #0

    Rien que ça. Et je pense qu'on devrait le faire pour l'avenir dans des sujets de... C'est quoi une alimentation durable ? C'est quoi une alimentation... qui amène de la santé, du bien-être économique, du bien-être pour tous, ce serait important de se poser cette question-là. Parce qu'en gros, c'est une demande de 86%, je crois que c'est 86% des Français qui disent nous, on veut bien manger On veut manger de manière durable et effectivement, on veut que les paysans vivent de leur travail et qu'on ne pollue pas la planète. Évidemment, personne ne veut polluer la planète, tout le monde. Mais concrètement, comment on fait ? Donc, partir de ça, et on est tous consommateurs, on mange tous. Bien sûr,

  • Speaker #1

    trois fois par jour.

  • Speaker #0

    Bien oui. Et donc ça veut dire quoi ? Et ensuite sur cette base là en fait on parle de l'alimentation pour construire le modèle de distribution et le modèle agricole Est-ce qu'on veut que du local ? Mais dans ce cas-là, il faut aimer le chou et la betterave et le verre et la courge. Est-ce qu'on veut de l'import ? Dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on fait des bananes, des fruits exotiques ? Est-ce qu'on veut 100% bio ? Est-ce qu'on se dit non, il faut végétaliser nos assiettes ? Qu'est-ce qu'on fait de la viande ?

  • Speaker #1

    Et toi, tu aurais envie de quoi typiquement sur ces questions ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense qu'il faut un peu de tout. Alors le bio, évidemment, je ne vais pas vous dire que... Je ne peux pas dire à nos auditeurs que le bio, non. Mais en tout cas, il y a plusieurs manières de voir aussi l'alimentation. Un repas équilibré, ça peut être aussi important que le bio, s'il y a des étapes à passer, etc. Mais en tout cas, on doit sélectionner notre alimentation, aller vers moins de sucre, moins de gras. On peut manger très sucré, très gras en bio aussi. Il y a énormément de sujets. Est-ce que c'est des forums locaux avec des consommateurs pour réinventer notre alimentation, la reconnecter ? Je pense qu'on peut manger de la viande. On peut manger de la viande. Mais quel type de viande, quel type d'élevage ? C'est sûr que si c'est un animal qui a été au prêt et qui n'est pas nourri au soja ou tourteau de soja toute l'année enfermé, ce n'est pas le même impact environnemental, évidemment. Et donc, du coup, derrière, on construit les choses. Après, il y a le sujet du coût global ou de l'engagement global ou de l'investissement global. Plus qu'un coût, c'est un investissement collectif. Et là, la question se pose sur l'accessibilité sociale. C'est-à-dire si demain, j'imagine ou en tout cas j'ose espérer que les gens vont dire moi je veux, évidemment, je veux manger équilibré, des légumes, du bio, du local. Bon, ben oui, ça a un prix. Et aujourd'hui, on est passé à 12% de notre budget des ménages qui est mis dans l'alimentation. C'était 25% il y a... Il y a une trentaine, 30 à 40.

  • Speaker #1

    Ah oui, ça a été divisé par deux.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est la variable d'ajustement des dépenses contraintes. Par contre, l'habitat, l'énergie, ça a explosé dans le budget des ménages. Souvent, on prend le parallèle avec le numérique, les téléphones, etc. Moi, j'ai un peu de mal avec ça parce que... On a aussi le droit d'être connecté. Mais par contre, les dépenses contraintes ont eu un impact très important. Et évidemment, la seule variable d'ajustement, ça peut être le numérique et les abonnements. Mais c'est aussi l'alimentation. On se serre un peu la ceinture, on mange des pâtes plutôt que des légumes.

  • Speaker #1

    J'ai juste envie de faire un petit aparté sur cette question, parce que je trouve qu'elle est assez intéressante sur la question du bio, parce que le prix, ça reste quand même l'accessibilité et le fait de pouvoir y avoir accès. Mais j'ai l'impression que derrière, il y a un peu l'idée, je crois que tu en as un petit peu parlé au début, du juste prix. Comment on fait pour déterminer le juste prix ? Tu disais, Leclerc vend un prix, donc on peut se dire que c'est un prix qui n'est peut-être pas à la hauteur de ce que vaut le kilo de raisin dont tu parlais tout à l'heure, par exemple. Comment est-ce qu'on détermine ce juste prix, en prenant aussi en compte les capacités des Françaises et des Français de pouvoir payer tel montant d'argent pour leur alimentation ?

  • Speaker #0

    La question de la capacité, on pourra y revenir, mais déjà de comprendre ce qu'il y a derrière un prix. Il faut payer le distributeur, il faut payer le producteur, parfois le transformateur, même souvent. Et donc, derrière le prix, il y a tout un modèle. Et je pense que ça, ça fait partie des sujets de prise de conscience que, je ne sais pas moi, du cochon à 5-6 euros le kilo, ça n'existe pas en fait. Ce n'est pas possible.

  • Speaker #1

    Donc c'est quoi ? C'est subventionné à la fin ?

  • Speaker #0

    C'est subventionné par l'Europe, la PAC, etc. Il y a une externalisation des coûts. Donc la pollution, elle est payée par nos impôts. Donc en fait, on ne garde que en dehors de la subvention et des externalités négatives, on garde un prix. Et après, on est sur des sujets d'équilibre matière, de contraction. Et donc, on a ça il faut qu'on en ait tous conscience c'est de se dire que ça peut pas fonctionner comme ça c'est comme le poulet, on va faire des poulets de batterie les français ils vont manger que le blanc et les cuisses puis on va envoyer les ailes en surgelé en Afrique on est dans un système qui est vraiment canard sans tête qui marche sur la tête et personne ne le souhaite ce modèle là quand on explique aux gens quand ils voient des images des abattoirs quand ils voient des... des images des élevages, etc. Ils disent mais c'est pas ce qu'on souhaite. Mais comment on connecte avec ce qu'on a dans l'assiette ou au restaurant ? Et après la question de l'accessibilité, c'est une question très politique. Et pour moi, elle ne peut pas être laissée aux mains du privé. On ne peut pas demander à la grande distribution de régler la question de l'accessibilité. Sinon, c'est ce qu'on fait aujourd'hui en grand partie. Et donc on surproduit, on vend globalement pas forcément au prix juste pour tous. et ensuite on donne nos restes et nos déchets, enfin nos déchets nos restes on va dire à l'aide alimentaire et puis les gens qui peuvent pas aller dans les circuits plus classiques ou payés, et ben ils mangent bien ce qu'ils ont, ce qu'il y a et puis la quantité suffit, la qualité est pas un sujet je caricature un petit peu parce qu'il y a énormément de programmes pour aller vers des alimentations là je pointe le système et pas les personnes qui travaillent d'alimentaire ou autre. Mais du coup, il faut casser cette logique-là. Et il y a un sujet de droit universel à l'alimentation qui émerge. Donc, on parle souvent de chèque alimentaire, mais ça va aussi jusqu'à la sécurité sociale de l'alimentation. C'est de se dire, est-ce qu'on ne peut pas, comme on l'a fait sur la santé, se dire, on cotise selon ses moyens et on obtient selon ses besoins. Et donc on pourrait cotiser et chaque Français aurait 150 euros par mois pour se nourrir, fléché vers l'alimentation qu'on aura décidé d'avoir ensemble.

  • Speaker #1

    Oui, je pense que cette question est importante de se dire comment on flèche ces chèques.

  • Speaker #0

    Même les chèques alimentaires. Donc il y a des initiatives qui existent à Montpellier, en Gironde, etc. Il y a des choses qui commencent à émerger autour de ce sujet de droit universel à l'alimentation. Des chèques alimentaires, il y a des associations qui en donnent. Il y en a une étude dans un des magasins Biocop sur un bonus. C'est-à-dire que les gens peuvent le dépenser où ils veulent, leur chèque, mais il y a un abondement si les gens achètent en bio ou en local, chez certains distributeurs. Donc il y a énormément de... d'initiatives. Maintenant, il faut que le politique, collectivement, on s'en empare pour en faire quelque chose de politique. Il y a un vrai projet collectif qui, pour moi, est porteur de sens et d'optimisme. C'est-à-dire qu'on a beaucoup de sujets aujourd'hui qui sont anxiogènes. La guerre, les migrations, le climat, etc. Mais comment on sort de ça et comment on concilie ? Et l'alimentation est un nœud à cet endroit-là. Comment on concilie fin du monde, fin du mois ? En gros, l'alimentation est au cœur aussi de notre impact écologique. Et c'est normal qu'on ait de l'impact quand on consomme. Mais on pourrait régler les deux par ce biais-là, en tout cas de se reposer la question. De ce droit universel à l'alimentation, c'est un sujet qui est franchement passionnant, hyper intéressant, et ça doit partir de l'alimentation à mon avis, et pas du monde agricole, pas uniquement du monde agricole. C'est-à-dire, quand on aura décidé de ce qu'on veut, comment on veut vivre, et ce qu'on veut pour notre santé et notre bien-être, on déclinera, voilà. Après, l'alimentation... connaît en son sein les plus grands lobbies de la planète, la chimie, le sucre, l'agro-industrie. Donc il y a du travail et il faudra beaucoup de courage collectivement. Mais je pense que c'est une des réponses au changement de paradigme agricole, passer du productivisme à tourner vers l'alimentation. Donc arrêtez de parler de balance commerciale, mais on est bien nourri grâce au monde agricole et on est en bonne santé. Voilà, c'est un sujet central dans nos vies, à tous.

  • Speaker #1

    Oui, complètement. Et effectivement, cette question de l'accessibilité et du prix, du coup, elle nous a fait un petit peu divaguer vers ce nouveau modèle que je peux qualifier d'émergent, je pense, sur la sécurité sociale alimentaire. Donc c'est j'imagine aussi un deuxième point de ton futur désirable à toi, donc se reconnecter à l'alimentation et adresser cette question d'accessibilité qui est politique. Est-ce qu'il y a un autre point pour toi qui est assez fondamental, notamment peut-être pour la distribution ?

  • Speaker #0

    La distribution, je suis plutôt confiant dans le sens où si ces règles du jeu-là évoluent, par opportunisme, elles… Elles bougeront aussi. Je me posais la question du comportement d'un acteur comme Biocop, par exemple, qui porte des engagements très forts, et de se dire, si ça fonctionne, si on arrive à créer un droit universel avec, je ne sais pas moi, 50% ou 60% de l'alimentation qui est fléchée, quelle serait la raison d'être d'un réseau comme Biocop ? Ce serait un sujet intéressant. Donc je pense que ça rebattrait les cartes. J'ai aucun doute sur le fait que la grande distribution... changerait toute son offre et s'adapterait à ça, elle prendrait la carte vitale alimentaire sans aucun problème. Et c'est plutôt sa force de massifier, de s'adapter. Elle s'est très agile, on l'a vu pendant le Covid. La distribution alimentaire a été d'une efficacité redoutable. Les magasins sont restés ouverts. Donc c'est vraiment une grande force et je suis plutôt confiant là. Après, ça obligera le monde militant à se réinventer et à se dire, c'est quoi notre raison d'être demain ? Parfois, je me dis, tu réfléchis à ces sujets-là, mais en tant que biocop, tu es intéressé. Moi, je ne suis pas sûr que ce ne soit pas une menace pour un réseau comme Biocop, en termes économiques. C'est-à-dire, est-ce que Biocop, demain... Existerait encore s'il devait émerger un programme de droit universel à l'alimentation de cette ampleur-là. C'est un sujet intéressant. Mais les acteurs économiques s'adapteront et s'adaptent à la règle du jeu. Il y a peut-être des acteurs qui vont disparaître parce qu'ils s'adapteront mal, d'autres le créeront. Mais pour le coup, l'économie de marché a cette force-là et le capitalisme a cette force-là. C'est une force de... de s'accaparer les règles, de les digérer et de s'adapter. Donc ça, il faut conserver cette dynamique individuelle, privée, cet engagement privé, mais dans un cadre, dans des règles qui sont les mêmes pour tous et dans un cadre qui répond aux enjeux sociaux et écologiques. qui est adapté au monde de demain. Et là, aujourd'hui, sur l'alimentation, on n'y est pas du tout. On n'y est pas du tout. On réfléchit plutôt à arrêter les jachères, à supprimer les normes environnementales, plutôt que de se dire quelles normes on se donne ensemble en ayant les mêmes règles du jeu pour changer le modèle. Mais ça viendra. Moi, je reste confiant. C'est un réalisme qui peut sembler un peu pessimiste, mais je pense qu'on est dans cette phase-là, de résistance au changement et de déni. Mais... devra bouger.

  • Speaker #1

    Il y a peu de doutes. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Plutôt sera le mieux. Oui. Mais on devra bouger.

  • Speaker #1

    Je repense à tes différentes réponses. Il y a un sujet qu'on n'a pas abordé et qui est fondamental, c'est aussi le retour à une agriculture plus massive en France. On a besoin, dans ce nouveau système, de relocaliser beaucoup de production. Comment, toi, tu vois cette question-là ?

  • Speaker #0

    Déjà, il y a une question d'une culture vivrière. Alors moi je vis plutôt en monde rural, alors pour les citadins c'est un peu plus délicat, mais les gens font de plus en plus leur jardin, etc. Je pense quand même qu'il y a un enjeu à cet endroit-là, qui peut paraître anecdotique, mais dans la réappropriation de son alimentation c'est quand même intéressant, et il y a des questions d'agriculture urbaine, voilà, donc comment on se réapproprie ça ? Et ensuite, il y a quand même, oui, on a besoin de producteurs locaux. Il y a besoin de filières structurées. Il faut certainement mieux acheter une tomate en Italie plutôt qu'en Belgique.

  • Speaker #1

    Le temps est plus propice,

  • Speaker #0

    ça fait plus de sens. Je pense que l'impact écologique est quand même... moins élevés. Donc, on gardera des échanges internationaux, évidemment. Le local, c'est une variable mouvante. C'est quoi ? Une amende locale ? Du quinoa local ? Un amende locale ? Mais, par contre, on a besoin de... En tout cas, si l'objectif politique, c'est de préserver une gastronomie, un savoir-faire dynamique, 300 000 paysans, ce n'est pas suffisant. Évidemment, le nombre, la dynamique qu'il faut créer, mais il faut surtout qu'on arrive à ce que des paysans qui ont 3-4 hectares de maraîchage vivent de leur travail. Aujourd'hui, ce n'est pas facile. En tout cas, en dehors du bio, c'est quasiment impossible. Dans le bio, on arrive à un peu mieux valoriser parce que les consommateurs sont prêts à payer un petit peu plus cher parfois pour défendre ce modèle-là, même si les écarts de prix se réduisent quand même très fortement, et notamment sur les produits frais et bruts. Franchement, on est parfois moins cher que le conventionnel. Que ce soit sur des légumes ou de l'huile d'olive ou des pâtes. Oui, j'ai des dupes. J'ai un oeil dans les magasins bio.

  • Speaker #1

    J'ai des dupes, voilà.

  • Speaker #0

    Non, mais même pas que chez Biocop, mais dans les magasins bio en général. on a du mal à communiquer là-dessus, mais il faut casser un peu cette idée que ce serait forcément toujours plus cher.

  • Speaker #1

    Ok, très clair. Merci Pierrick pour tes nouveaux paradigmes de ce futur désirable, sauf si tu en as à rajouter.

  • Speaker #0

    Je pense qu'on a... Beaucoup de sujets faux.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai bien envie de conclure sur une note aussi positive. Donc, tu as été présidente Biocop. On parlait en début de cette interview de à quel point c'est engagé, engageant de fixer un cap et de continuer de le maintenir malgré les zones de turbulence. Dans les auditeurs, on a des dirigeants d'entreprises qui, je pense, vivent aussi ces choses-là à certains égards. Ce serait quoi, toi, le conseil que tu aurais aujourd'hui envie de donner à des dirigeants d'entreprises ? qui sont dans une logique de transformation de leur business et qui s'engagent dans des objectifs ambitieux.

  • Speaker #0

    Après, conseil, c'est toujours délicat. Je suis en train de me méditer. Je pense qu'il y a des gens qui nous écoutent qui sont certainement beaucoup plus capés que moi et qui pourraient dire aussi des choses très intéressantes. Mais il y a effectivement cette question de vision et de la stratégie qui en découle et ça peut être collectif. On n'est pas obligé de s'enfermer tout seul dans une salle devant son paperboard pour voir un petit peu faire sa stratégie. Et puis régulièrement, une fois qu'on a la stratégie... La boussole, c'est de se dire régulièrement est-ce que je suis toujours aligné.

  • Speaker #1

    Donc une boussole intérieure ?

  • Speaker #0

    Oui, intérieure et collective. Je pense que c'est intéressant si c'est posé avec les salariés. régulièrement. Alors, soit c'est un tableau de bord avec des grands indicateurs caliques, intimes. Ça peut être sur des méthodes assez classiques. Après, ça peut être aussi un peu idéologique, de se dire, est-ce que vous ressentez qu'on est toujours bien alignés ? Bon, voilà, prendre cette boussole-là. Je peux prendre un petit exemple. On a, donc, à Bionacelle, donc c'est la scope dans laquelle je travaille, on a eu l'arrivée d'un concurrent qui nous a beaucoup mobilisés. On a perdu 20% de notre chiffre d'affaires. pendant 3-4 mois. Et nous, on a dans notre stratégie défini le fait qu'on ne voulait pas aller en zone commerciale. On voulait rester dans les centres-villes. Donc nos trois magasins sont dans les centres-villes. Le quatrième le sera aussi. Et là, de manière assez épidermique, on s'est dit, oh là, le concurrent arrive, on va aller se mettre en face, en zone commerciale. Donc on a analysé le sujet, on a travaillé, on avait un local, etc. Puis à un moment donné, on a relevé la tête collectivement, on s'est associés, on a repris la boussole et on s'est dit non mais en fait... on va perdre notre âme. Donc, en fait, on a courbé un peu le dos. On s'est dit, on subit un petit peu. On n'est pas resté sans rien faire. On a fait du commerce. On a fait venir les gens. On a utilisé les méthodes. Et bien nous en a pris. Un mois après, on a trouvé un local tout aussi grand, 1000 mètres carrés, en centre-ville, avec du parking, etc. Un ancien super-U qui déménageait. Donc, on y arrive. Mais après, il faut avoir foi. Et la deuxième chose, parce que là, on est vachement sur les... beaucoup sur les idées, l'engagement, le sens, il y a quand même l'idée d'être pro. Et l'un n'empêche pas l'autre. C'est-à-dire que le militantisme n'empêche pas le commerce dans le cadre de l'OECOP, et le commerce n'empêche pas le militantisme. Et donc, peut-être se dire être pragmatique et agile. Alors après, c'est facile à dire, c'est des notions, on veut tous l'être, pragmatique et agile. Mais oui, puis tout le monde a envie de l'être. Mais voilà, s'entourer des compétences qu'on n'a pas. Et moi, je me suis toujours... Certains postes, mais je me suis toujours dit, j'embauche des gens qui pourraient prendre ma place.

  • Speaker #1

    D'accord, oui.

  • Speaker #0

    Après, c'est pas facile. Je sais bien que dans des grosses entreprises, même au sein de Biocop, c'est pas évident. Moi, j'ai connu des directeurs... qui disait non je prends pas d'adjoint parce que j'en ai pas besoin mais en fait au fond d'eux c'était mais un jour il pourrait me pousser dehors s'il est meilleur que moi et donc toi tu te disais moi je prends des gens qui peuvent me prendre aussi parce que je suis dans le scope mais de me dire il faut qu'il y ait des gérants en puissance il faut qu'il y ait des si on recrute après des gens qui nous font pas d'ombre à la fin on est seul. Alors là pour le coup, on finit seul, etc. Et je trouve que la légitimité, la crédibilité au poste, elle ne dépend pas uniquement de compétences techniques, mécaniques, elle est aussi justement dans cette capacité à laisser de la place, à faire grandir, etc. Après, voilà, les mécanismes intérieurs, c'est pas évident, la question du pouvoir, etc. Mais pour moi, en tout cas, oui, il y a une part d'ego, évidemment, et on en a tous. Puis je pense que quand on a des postes à responsabilité, il en faut un petit peu. Mais en tout cas, moi, je me suis souvent dit ça. Je me suis dit, mais... parfois ça tiraille, on se dit tiens, et on trouve toujours des bonnes raisons de ne pas prendre telle ou telle personne, et puis de se dire, mais est-ce que c'est toi qui parle ? Est-ce que c'est pour le bien de l'entreprise ou c'est pour te protéger toi ? Donc voilà, j'ai toujours essayé de garder ce cap-là, alors je ne dis pas que je n'ai peut-être pas toujours respecté, mais en tout cas... Mais voilà, ça fait des associés, ça fait des gens investis, et ça challenge aussi, ça nous bouge nous, comme quand on a des enfants qui grandissent, ils nous challengent en tant que parents. C'est un peu pareil dans les dynamiques d'entreprise pour moi.

  • Speaker #1

    Super. Écoute, je te propose de garder ces bons conseils en conclusion. Et écoute, je te remercie beaucoup pour ta participation au podcast et pour cette discussion très riche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, j'ai été ravi.

  • Speaker #1

    Génial, merci. C'est déjà la fin de cet épisode, merci d'avoir écouté jusqu'au bout. Vous trouverez toutes les références dans la description du podcast et sur le site de Steamshift. A très vite dans un prochain épisode.

Description

Dans ce nouvel épisode, je reçois Pierrick de Ronne, ancien président de BioCoop, actuelle dirigeant d’une Scoop de magasins en Ardèche, président de Natexbio et administrateur au mouvement impact France.

Avec Pierrick a parlé futur du système agroalimentaire.


On a commencé avec un peu d’histoire : quels ont été les grands jalons du développement de l’industrie agroalimentaire ? Comment est né « la bio » ce projet de société qui va au-delà des exigences techniques agricoles ?


On a bien évidemment parlé de BioCoop, son histoire, ses engagements et caractéristiques du modèle coopératif qui intègre producteurs, salariés, directeurs de magasins et consommateurs dans sa gouvernance.


Je voulais vraiment comprendre comment Pierrick voyait le futur du système :

La première étape est une réflexion collective : de quoi en tant que consommateurs, avons-nous vraiment envie ?

Un autre volet important c’est adresser la question du prix, pour permettre l'accessibilité aux consommateurs et la juste rémunération des producteurs : un sujet politique selon Pierrick.

Enfin, j’ai été touchée par le questionnement de Pierrick sur la pertinence de sa raison d’être quand les valeurs que l’on défend seraient désormais à l’échelle. Je la traduirai en une question : est-ce qu’un futur désirable n’est pas, tout simplement, de ne plus avoir le besoin d’exister ?


Je vous invite à écouter jusqu’au bout, car Pierrick partage quelques conseils qui le guident dans sa carrière.


C’est parti !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, dans ce nouvel épisode, je reçois Pierrick Derone, ancien président de Biocop, actuel dirigeant d'une SCOP de magasins en Ardèche, président de Natex Bio et administrateur au mouvement Impact France. Avec Pierrick, on a parlé du futur du système agroalimentaire. On a commencé avec un peu d'histoire. Quels ont été les grands jalons du développement de l'industrie agroalimentaire ? Comment est né la bio, ce projet de société qui va au-delà des exigences techniques agricoles ? On a bien évidemment parlé de Biocop, son histoire, ses engagements et caractéristiques du modèle coopératif qui intègre producteur, salarié, directeur de magasin et consommateur dans sa gouvernance. Je voulais vraiment comprendre comment Pierrick voyait le futur du système. La première étape selon lui, une réflexion collective. De quoi avons-nous envie ? En tant que consommateur. Un autre volet important, c'est adresser la question du prix, pour permettre une accessibilité aux consommateurs et une juste rémunération des producteurs. Un sujet politique, selon Pierrick. Enfin, j'ai été touchée par son questionnement sur la pertinence de sa raison d'être quand les valeurs que l'on défend seraient désormais passées à l'échelle. Je le traduirai en une question. Est-ce qu'un futur désirable n'est pas, tout simplement, de ne plus avoir le besoin d'exister ? Je vous invite vraiment à écouter cet épisode jusqu'au bout, car Pierrick partage en plus quelques conseils qui le guident aujourd'hui toujours dans sa carrière. C'est parti ! Bonjour Pierrick ! Bonjour ! Ravi de t'accueillir ici au micro de Dessine-moi un futur désirable, dans en plus un studio qui est tout neuf. Comme je te disais, on inaugure le matériel, donc très contente que ce soit avec toi. Je suis contente de t'avoir au micro pour parler d'un sujet hyper important qui est le futur du système agroalimentaire. Quand je dis système alimentaire, j'inclus de la fourche à la fourchette pour intégrer tous les acteurs qui travaillent dans cette industrie-là au cœur de notre discussion. J'avais envie de commencer en plantant les grands enjeux autour du système agroalimentaire. Pour ça, j'ai quelques chiffres à te partager et à partager à nos auditeurs. Le premier sujet pour moi autour du système agroalimentaire, c'est qu'on a un enjeu de santé. En fait, si on revient à la base, l'alimentation, c'est notre rapport énergétique du quotidien. On ingère à peu près 60 tonnes de produits tout au long de notre vie. Ça me paraissait assez énorme. On est sur un sujet de santé qui est très lié à notre bien-être. Un chiffre assez intéressant et surprenant, c'est qu'on a plus de 47% des adultes qui sont obèses ou en surpoids en France. J'étais extrêmement surprise de ce chiffre. Donc un gros enjeu de santé, également un gros enjeu environnemental. On sait que l'alimentation impose tout un tas de pressions, que ce soit sur le climat, la biodiversité, l'environnement, la pollution des sols, etc. Donc gros sujet. C'est quand même 22 à 23% de l'empreinte carbone individuelle, donc ce n'est pas négligeable. Et un chiffre aussi que je pense qu'on a maintenant bien en tête, c'est qu'on gaspille 30% de ce qu'on produit. Et quand on voit tous les impacts sur l'environnement, c'est un chiffre qui pose question en 2024. Et enfin, dernier gros enjeu, c'est un enjeu économique important. C'est plus d'1,4 million d'emplois en France pour une valeur économique d'à peu près 99 milliards d'euros, selon l'INSEE. Donc, un sujet planté avec des gros enjeux et notre objectif ensemble, ça va être de discuter des bases d'un système agroalimentaire plus durable, plus désirable. Et donc du coup, pour commencer, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, je te propose peut-être de te présenter tout simplement.

  • Speaker #1

    Oui, je suis ravi d'être là aussi. Je suis gérant d'une coopérative, d'une SCOP à Annonay, en Ardèche. On a trois magasins Biocop, bientôt quatre. On va rouvrir un autre magasin à Saint-Etienne. Et j'ai été président de Biocop et je suis toujours investi sur des sujets nationaux, notamment au mouvement Impact France. Donc, je suis aussi marié et père de quatre filles. C'est important, c'est ce qu'il y a de plus important. Et puis sur les enjeux, effectivement, il y a un enjeu aussi social. C'est important de se le dire. On a... On a même du mal à mesurer les gens qui n'ont pas accès à une alimentation. Déjà, basiquement, il y a énormément de gens qui font la queue. On parle de 8, 10, voire 12 millions de personnes qui vont à l'aide alimentaire. Donc, ça contrebalance entre l'obésité, le gâchis et des gens qui n'ont pas accès à une alimentation, et encore moins à une alimentation saine. Et c'est vrai que c'est un enjeu majeur pour l'avenir.

  • Speaker #0

    Oui, sur cet enjeu-là, effectivement, j'avais lu que 16% des Français ne mangeaient pas à leur faim. Avant de plonger peut-être dans le cœur de la discussion et de parler du système, est-ce que tu peux commencer par nous planter peut-être la grande sémantique autour du sujet, autour du bio ? C'est quoi concrètement le bio, si on la fait très simple ?

  • Speaker #1

    Très simplement, le bio, c'est d'abord un cahier des charges agronomique, qui est une reconnaissance européenne maintenant. Donc tous les pays européens... ont le même label bio, c'est les gros feuilles. Et il y a à la fois les producteurs qui respectent un cahier des charges, notamment la question des engrais et des pesticides chimiques, qui sont interdits. Et il y a aussi dans les transformateurs des additifs qui sont interdits, etc. Donc c'est une démarche agronomique. Et au-delà de ça, c'est aussi une démarche politique. Le bio est né de la rencontre entre des producteurs qui voulaient changer le modèle. très militants, qui voulaient changer le modèle agricole, et des consommateurs qui voulaient avoir une alimentation différente que celle qu'ils trouvaient dans les circuits classiques de distribution et produits par l'agriculture productiviste et intensive. Et cette rencontre a créé la bio et toute une chaîne de valeurs avec des producteurs bio évidemment, mais aussi des distributeurs, des réseaux de distribution spécialisés. engagé et un des consommateurs qui n'ont cessé de grandir.

  • Speaker #0

    Ok, effectivement, donc une démarche, aujourd'hui une démarche du coup européenne, donc ça veut dire, si je prends mes lunettes de consommateur, que si j'achète des courgettes bio d'Espagne, elles ont la même réglementation que celles de courgettes bio qui vont être produites en France.

  • Speaker #1

    Exactement. Là où il peut y avoir des différences, c'est sur ce qui n'est pas dans le cahier des charges. Et c'est un peu la difficulté qu'on a eue ces 30 dernières années, c'est qu'il y a eu une idéalisation du bio aussi. Il y a la question agronomique, mais dans le bio, il n'y a pas la question du commerce équitable, par exemple. Et donc, on peut trouver la bio espagnole dans la mer de plastique, dans le sud de l'Espagne, récoltée par des Marocains marocaines payés au lance-pierre. en travailleurs détachés. Donc ça, évidemment, il y a des réseaux comme Biocop qui se l'interdisent, mais ça se trouve en bio. Mais par contre, là, la tomate en tant que telle, elle est utilisée, c'est exactement le même cahier des charges que la tomate française.

  • Speaker #0

    Ok. Ah oui, juste peut-être, commerce équitable, comme on est dans la sémantique et dans les grands, on va dire, concepts, est-ce que tu peux le définir un petit peu plus ?

  • Speaker #1

    Le commerce équitable est d'abord né des produits... issus du sud de l'hémisphère sud, notamment en tout cas des pays en voie de développement, comme on disait à l'époque. C'est notamment la banane, le cacao, le café. L'idée, c'est globalement de payer un minimal écout de production, enfin en tout cas d'avoir un prix plancher sous lequel ne pas descendre et qui permet, souvent c'est des systèmes collectifs, plutôt des coopératives, aux producteurs, à travers leurs coopératives, de se nourrir déjà, de pouvoir mettre leurs enfants à l'école, etc. Et donc... Ça s'est développé au fil des années, notamment il y a un label qui est très connu qui s'appelle Max Avelard, mais il y en a plein d'autres, des labels qui reconnaissent le commerce équitable nord-sud. Et un des travaux de Biocop depuis 20 ans, c'est de développer un cahier des charges commerce équitable nord-nord ou en France, alors qu'il est un petit peu différent évidemment. On ne peut pas comparer des producteurs de France avec des producteurs des récoltants de bananes au fin fond de l'Afrique, mais l'état d'esprit est le même. Mais effectivement, c'est l'idée de parler de rémunération, de partage de la valeur et de sens au travail.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, très clair pour ces grands termes qu'on va beaucoup utiliser tout au long de ce podcast. Et moi, j'aime bien parler un petit peu d'histoire aussi dans ce podcast, parce que je suis assez persuadée que pour comprendre le monde d'aujourd'hui, on doit un peu s'intéresser à celui d'hier. Et est-ce que tu pourrais nous partager peut-être les grands jalons sur ces 100, 150 dernières années ? Tu choisis l'échelle que tu veux, mais pour qu'on puisse se rendre compte de quelles ont été les grandes évolutions qui ont construit les modèles qu'on peut trouver aujourd'hui sur ce système agroalimentaire. À titre personnel, je me faisais une réflexion qui était... En fait, je me dis peut-être qu'il y a 150 ans, on était bio, Et en fait, on est sortis du bio, un peu comme les énergies renouvelables et les fossiles, et aujourd'hui on cherche à y revenir. Je ne sais pas si mon raisonnement est un peu hâtif ou pas, mais je me dis qu'il y a peut-être cette logique-là. J'étais curieuse d'avoir ton avis aussi sur ces grands jalons.

  • Speaker #1

    Ouais, alors je ne suis pas historien, etc. Mais moi, j'analyserais ça sur le biais de deux mouvements. Donc, il y a un premier mouvement qui est le mouvement du productivisme. Donc, effectivement, on a facilité la vie des producteurs, on a facilité la vie des consommateurs, donc les producteurs par la mécanisation, le remembrement. Il y a eu énormément de choses qui ont été faites. Et ça a démarré après-guerre, avec une logique de nourrir. de nourrir tout le monde par le volume.

  • Speaker #0

    Après la première,

  • Speaker #1

    deuxième ? Après la deuxième guerre mondiale. Après les guerres, nous ont aidé à tester la chimie. Et donc, effectivement, Bayer et compagnie sont nés. Après les guerres, on s'est dit, qu'est-ce qu'on va faire de toute cette chimie qu'on ne peut plus utiliser dans se détruire mutuellement, dans la destruction mutuelle ? On l'a mise dans les champs et effectivement, ça a fonctionné. Et ça fonctionne, il y a une forme d'efficacité. On s'est mis à produire plus, à nourrir. à nourrir les gens. Et donc, on est rentré dans cette logique productiviste. On est passé d'une logique très agriculture pour soi, avec beaucoup, beaucoup de paysans. 4, 5 millions de paysans. Aujourd'hui, il y a 300 000 paysans en France. Voilà, on a beaucoup réduit le monde agricole, mais il y a eu plein de bons côtés. Aussi, je veux dire, pour ne pas jeter le bébé avec le dube, ça a été aussi des avancées.

  • Speaker #0

    Et si je ne me trompe pas, c'était une période aussi où les gens avaient particulièrement faim, en sortant de la guerre, avec des tickets de rationnement, etc.

  • Speaker #1

    On oublie que ça a duré longtemps, jusqu'au milieu des années 50, les tickets de rationnement. Donc il y avait des pénuries. Mais comme on a demandé aux mineurs de se surpasser, de se dépasser pour chauffer la France, on a demandé au monde agricole de se transformer, de se transcender pour nourrir la France et le monde. Et on a encore... Ce discours-là aujourd'hui, quand on entend les dirigeants de la FNSEA, ils disent mais nous, le pacte, c'est nourrir le monde Et voilà, donc on sent que le paradigme n'a pas évolué depuis, mais en tout cas, il y a eu ce mouvement-là de produire plus. C'était nécessaire. Et ensuite, il y a eu un autre mouvement, et qu'on peut voir avec l'énergie, ou notre rapport à l'animal, par exemple, c'est une dissociation de l'agriculture et de l'alimentation. ou du monde animal et de l'alimentation. Donc on parle du monde agricole, mais l'alimentation, aujourd'hui, on sait moins comment fonctionne le vivant.

  • Speaker #0

    Il y a une perte de connaissance en fait ?

  • Speaker #1

    Il y a une perte de conscience. Comment c'est arrivé dans notre assiette et que ce qu'on mange est connecté à un modèle agricole, à un modèle de distribution, à du social. Voilà, on a beaucoup de paysans qui se suicident régulièrement et c'est très criant sur l'abattage des bêtes. Par exemple, on a mis les abattoirs le plus loin possible des villes et on a aujourd'hui des gens, par exemple, qui ne... qui vont se dire je suis végétarien mais qui vont continuer à boire du lait de vache ou à pouvoir manger du fromage de chèvre. Mais pour avoir du lait de vache, il faut tuer les veaux. Et donc, qu'est-ce qu'on fait des veaux ? En fait, ce cycle agricole et alimentaire, il n'est plus du tout compris. Du coup, on rentre dans des logiques plutôt idéologiques et donc un peu d'affrontement. C'est-à-dire qu'on dit le monde agricole pollue Ah oui, mais nous, on veut du bio, mais en même temps, on veut manger moins de viande, mais en même temps, il n'y a pas d'agriculture sans élevage. Donc du coup, s'installe de plus en plus un dialogue de sourds. Il faut arriver à le dépasser, ce n'est pas évident, mais remettre du sens dans tout ça.

  • Speaker #0

    Et justement, ce dialogue que tu qualifies de sourds, depuis quand est-ce qu'il a commencé à prendre de l'ampleur par rapport justement au développement ? Quand tu disais au début, le bio est né avec une volonté plutôt militante, ça se passe à quel moment de l'histoire ?

  • Speaker #1

    On est à peu près à la naissance du bio, c'est dans les années 70-80, c'est-à-dire l'apogée de la grande distribution, où les gens vont en voiture sur des parkings faire toutes leurs courses au même endroit. Évidemment, on se déconnecte de produits transformés, sous plastique, tout ça s'est amplifié. Et je pense que le mouvement de la bio est aussi né de ça, de se dire mais on ne doit pas se déconnecter en fait, les consommateurs et les producteurs doivent être en contact et construire ensemble le modèle qu'ils veulent défendre. Donc on reste sur un modèle, enfin voilà, c'est pas du tout le modèle dominant aujourd'hui, mais on sent que ça tiraille à cet endroit-là, c'est-à-dire comment on remet en question le modèle productiviste, aller vers le moins mais mieux, donc c'est facile à dire, mais il y a des gens qui n'ont pas, il y en a qui ont trop, ceux qui ont trop sont frustrés, ceux qui ont... une démarche pour inverser ce paradigme-là, et ensuite comment on recrée du lien, on pourra parler du modèle coopératif, mais comment on recrée du lien entre le monde agricole, la distribution, les consommateurs, et de se dire, quand je mange, je crée la société, à travers mon alimentation, il y a ma santé, il y a moi, mon bien-être, mais il y a aussi dans quel monde je veux vivre. Et voilà, est-ce qu'on peut être heureux dans un monde où les paysans ne vivent pas de leur travail, où d'autres ont faim, où ils n'arrivent pas à se chauffer ? Ce sont des sujets qui sont centraux. On le voit aussi dans le monde politique, ça se polarise, ça s'affronte. Et on a du mal à construire du commun. En tout cas, c'est de plus en plus délicat.

  • Speaker #0

    Et donc j'imagine, ça me fait une bonne transition pour ma prochaine question, que cette construction de commun, c'est au cœur de ce que tu fais chez Biocop au quotidien. Est-ce que tu peux peut-être nous parler de Biocop concrètement, pour les auditeurs qui ne connaissent pas du tout, c'est quoi, ça fonctionne comment, c'est pour qui ?

  • Speaker #1

    Biocop est né de ces rencontres-là. Ce sont d'abord des coopératives de consommateurs, des associations de consommateurs qui se sont montées avec des producteurs dans les années 80. Ensuite, ça a été une association, puis ça s'est structuré en réseau. Et aujourd'hui, on a gardé une logique multi-acteurs au niveau global. Il y a des magasins qui vivent leur vie sur leur territoire et qui ont des liens avec des producteurs locaux, avec des consommateurs qui construisent toute une dynamique de territoire, d'engagement local. Et ils possèdent la coopérative. Un magasin une voix, un groupement de producteurs une voix. Et dans la coopérative sont représentés les magasins, les producteurs, mais aussi des salariés et des consommateurs. Et l'idée, très basiquement, c'est de dépasser les intérêts court terme qui sont divergents. Sur des questions de prix, par exemple, c'est assez mécanique, mais le consommateur ne veut payer pas cher. Le producteur, il veut payer cher, il veut être payé plus cher. Et donc, comment on trouve le prix juste ? Moi, je pense que ce modèle coopératif doit nous aider, par le dialogue et la compréhension réciproque, à construire cette notion de prix juste pour développer aussi une stratégie, construire l'avenir, les sujets autour de la possession du vivant, les soins pour les paysannes, la question de l'eau, la question du climat aujourd'hui. Aujourd'hui, la question du bio, c'est presque du passé pour Biocop. Il faut construire une démarche d'avenir qui va bien au-delà du bio. Et donc, est-ce qu'on se passe de certains produits ? Et donc, le modèle coopératif, le fait de se mettre autour de la table et de dialoguer, parfois de manière rugueuse, ça permet de dépasser ça et on n'est pas dans des boxes de négociations. une fois par an pour s'affronter. On est plus dans les logiques de coopération.

  • Speaker #0

    Et je trouve ce point vraiment hyper intéressant de dépasser les enjeux court terme pour construire ensemble le long terme. Dans ce que tu dis, j'ai l'impression que c'est peut-être les valeurs qui vous rassemblent et vous permettent d'élever, on peut dire, le débat sur du long terme. Est-ce que c'est ça qui fait la force du modèle coopératif ou est-ce que selon toi, il y a d'autres choses, peut-être dans votre manière de discuter, je ne sais pas, d'animer toutes ces sessions-là, Qu'est-ce qui fait que selon toi ça marche et que vous arrivez à construire sur le long terme ?

  • Speaker #1

    C'est cette idée-là. Après je pense qu'il y a un sujet, alors après là ce sera peut-être moins partagé par certains collègues, mais pour moi... la question de la vision, de l'engagement commun et du sens qu'on met, quelle que soit l'entreprise, que ce soit à Biocop ou dans la Scop, à laquelle je suis gérant, c'est de se dire, il faut se donner un objectif, développer la bio, réduire la pauvreté, je n'en sais rien, donner un objectif d'entreprise, et de se dire que si on en déroge, ce n'est pas grave si on disparaît. C'est-à-dire qu'à un moment donné, c'est de se dire, là on a traversé une crise du bio, en tout cas il y a eu une baisse de la demande de manière assez importante. Tout l'enjeu c'est de ne pas sacrifier cet idéal-là, et d'accepter que si les gens ne viennent plus, s'ils préfèrent aller chez Lidl ou Leclerc, dont acte, mais est-ce que nous on doit s'adapter et se dire, c'est pas grave, là ça marche moins bien, donc on va utiliser des méthodes d'autres, ou se donner d'autres objectifs connexes, ou éroder légèrement le projet sur tel ou tel sujet. Moi j'ai plutôt la conviction un peu de se dire, bah non, en fait, et c'est pas grave. Si on se réduit un petit peu, si on vend un peu moins, on reconstruit avec ceux qui sont là et on continue à avancer, progresser. Et ne pas déroger à l'engagement qu'on s'est donné. Donc nous, c'est de développer une bio équitable. Parce qu'on aurait pu se dire, bon ben... La question c'est le prix, donc c'est pas très grave, on va vendre des bananes non équitables. Bon ben on gagnera 10 centimes, les consommateurs seront entre guillemets contents, j'en suis pas sûr. Ou de faire beaucoup de promotions. Aujourd'hui chez Biocop on fait à peu près 4% de notre chiffre d'affaires en promo. La grande distribution c'est 25 à 30%. Oui. Tout leur modèle est basé sur l'achat impulsif. Nous on veut pas rentrer là-dedans, mais on aurait pu aussi se dire, tiens on passe à 10. il y aurait une satisfaction, mais après c'est de la drogue dure. Tout le modèle est basé là-dessus, les gens viennent chercher de la promo et on n'en sort plus. Mais ce n'est pas facile, parce qu'évidemment on est tiraillé, en interne il y en a qui voudraient, il y en a d'autres qui ne veulent pas, etc. Donc ça amène beaucoup de débats et de discussions, encore plus dans des temps de turbulence. Mais le sujet c'est tenir la barre.

  • Speaker #0

    Oui, fixer son cap, la voile et le garder quand ça secoue. Merci pour ce partage, c'est hyper intéressant et j'imagine que ça résonnera avec aussi pas mal d'autres industries qui peuvent être en zone de turbulence en ce moment. Est-ce qu'en quelques chiffres clés, tu peux nous dire aussi, juste Biocop aujourd'hui, ça pèse combien parmi le panorama de la distribution en France ?

  • Speaker #1

    Il y a 740 magasins, on est à 0,8% du... de l'achat alimentaire en France, donc on est assez petit, mais on pèse, je crois, à peu près 21% du chiffre d'affaires du vrac, des ventes de vrac en France, tout confondu, bio, non bio. et 20% du commerce équitable en France aussi. Donc en fait, en ayant pris des engagements, ce cap-là fort, en étant tout petit, on pèse presque un cinquième du vrac et du commerce équitable en France. On a beaucoup de mal à le dire, à le faire savoir. Les gens imaginent que c'est que bio, mais évidemment qu'il y a beaucoup plus que ça. Et que, voilà, on peut aussi peser au-delà de sa part de marché. quand on a des engagements forts. Après, c'est à la fois une réussite pour Biocop, c'est agréable, mais c'est aussi un échec collectif parce que je me dis, mince, si nous on pèse 20% du vrac et 20% du commerce équitable, que font les autres ? On devrait être tout petit, on devrait être à 1%.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une victoire et ça n'en est pas une, je comprends.

  • Speaker #1

    Il ne faut pas qu'on reste leader trop longtemps. L'idéal, ce serait qu'on ne soit pas leader trop longtemps sur ces sujets-là et qu'on en trouve d'autres. pour rester à moteur sur des grands changements, et que cela, ça rentre dans le domaine courant et dans le domaine public. Mais bon, on n'y est pas encore. On a encore un peu de marge.

  • Speaker #0

    Oui, je comprends. Et justement, dans le système agroalimentaire français, il y a aussi, en tout cas de mon point de vue de consommatrice, je reprends mes lunettes de consommatrice, j'ai l'impression qu'on a eu un moment où on a eu une explosion de magasins bio, on a eu des Naturalia, des Bio C'est Bon, etc. Est-ce que ça... Pour Biocop, ça a été aussi positif de voir qu'il y avait pas mal d'acteurs qui se mettaient sur cette verticale-là pour continuer de le démocratiser, etc. Comment toi tu perçois le fait que la grande distribution adopte ces codes-là ?

  • Speaker #1

    Il y a un côté positif évidemment, parce que nous l'objectif c'est de développer le bio. Enfin nous, notre objectif c'est que demain 100% de l'agriculture soit bio. Ce serait l'idéal. L'objectif de Biocop ? Oui, c'est l'objectif de Biocop dans un certain sens. Après, nous, on se développe aussi pour nous-mêmes, mais en tout cas, secrètement, on rêverait de ça. Je pense que c'est un vœu pieux. C'est comme si on imaginait que toutes les entreprises seraient coopératives. Ce n'est pas possible. Mais en tout cas, de se dire qu'on veut changer le modèle agricole, et évidemment qu'on ne le fera pas tout seul. Après, la complexité, c'est que... En tout cas, le sujet, c'est est-ce que... le bio ou la bio, tel qu'on l'imagine, est soluble dans le productivisme et dans le modèle écologique. qui est promu aujourd'hui sur l'agro-industrie et notamment la distribution. On le voit bien, la grande distribution n'a qu'une logique opportuniste. En gros, c'est la demande qui décide. Moi, tant que le consommateur en veut, je vends. S'il n'en veut plus, je ne vends plus. Et là, c'est ce qui se passe. Il y a une rétractation de l'offre bio. Il y a un retrait de la grande distribution. Et là, c'est difficile de construire sur du long terme. Parce que se convertir au bio, c'est 3 à 5 ans. Construire des filières, c'est 10 à 15 ans. Donc évidemment, on a besoin d'acteurs qui s'engagent, de consommateurs qui s'engagent, mais aussi des acteurs intermédiaires qui s'engagent pour s'engager dans la transition. Et là, on se sent un peu seul. Pour le coup, on se sent un peu seul. C'est-à-dire qu'il y a très peu de structures et de réseaux qui construisent vraiment une dynamique de transition en mettant des moyens importants, relativement. Et donc là, moi, on ne va pas au bout du geste. Donc voilà, j'en appellerais à la grande distribution de faire la même chose. Voilà, vous êtes aussi prescripteur de produits. Et là, la distribution a beaucoup évolué là-dessus. Il y a 60-70 ans, c'était derrière un comptoir. On venait, on disait on veut du lait, on allait chercher du lait. Et il y a eu la révolution de la distribution, ça a été dire, en gros, on va ouvrir nos hangars. Les supermarchés, on ouvre nos hangars et les gens choisissent, etc. Ils passent en caisse et on réduit les intermédiaires pour baisser les prix. Mais du coup, on a perdu cette logique prescriptrice. Il y a encore un monoprix et un côté prescripteur.

  • Speaker #0

    Comment tu le sens ce côté prescripteur chez un distributeur concrètement ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'ils offrent ? Aujourd'hui, le clair off du prix, j'en ai les moins chers.

  • Speaker #0

    Position de valeur.

  • Speaker #1

    Voilà. Oui, et d'engagement. Chez Biocop, on est prescripteur. Moi, je pense qu'on pourra bien le qualifier quand un grand distributeur dira demain, je m'interdis de vous vendre ça. Monoprix le fait. Sur certains produits, ils avancent. Notamment, je crois qu'ils ont arrêté les oeufs de... Il y a un petit moment déjà, mais les oeufs de catégorie 3, les oeufs de batterie, donc ils ont pris des engagements comme ça, ils avancent, mais on en est très loin dans les autres réseaux de distribution, c'est de dire il en faut pour tout le monde, nous on s'offre. Distribuer des produits, c'est politique. aussi. Si on laisse le choix seulement aux consommateurs, on voit où ça nous mène aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Il y a un point sur lequel je veux rebondir, tu disais de pouvoir accompagner, mais concrètement on parle de quel accompagnement de la part du distributeur ? Est-ce que c'est s'engager sur des volumes de prix ? Est-ce que c'est des prestations de conseils pour les accompagner ? Est-ce que tu peux un petit peu clarifier qu'est-ce que ça veut dire que d'accompagner une filière ? Notamment pour le bio.

  • Speaker #1

    On a construit une filière. Par exemple, nous, on s'est dit qu'on allait arrêter de vendre des avocats d'Amérique du Sud.

  • Speaker #0

    Oui, ok.

  • Speaker #1

    On a une forme de relocalisation. C'est compliqué à regarder. Il y a des fraudes. C'est assez mafieux, le monde de l'avocat. Mais on l'a recentré au niveau européen, notamment en Espagne. Et on s'est dit qu'il faut qu'on développe des filières européennes. En Sicile, notamment. Ça pousse un peu en Corse. On a commencé. Donc là, il faut aller voir des producteurs et leur dire, ça ne vous dirait pas de produire des avocats ? Mais le risque est énorme. C'est-à-dire qu'ils vont dire, moi pendant 3 à 5 ans, je ne vais rien avoir. Je ne connais pas exactement l'avocat, mais parfois il y a des productions où il faut 5 ans avant d'avoir quelque chose à vendre. Et pendant 5 ans, son champ est pris par l'arbre ou par le végétal. Et donc, il faut s'engager. Et dire, sur du temps long, mais pas mettre en concurrence quasiment à la commande. C'est ce qui se passe en grande distribution. C'est dire, cette semaine, je ne vais pas te prendre tes courgettes parce que j'ai du hollandais qui arrive et c'est deux fois moins cher. Il faut sortir de cette logique-là. Et là, c'est aussi une relation de confiance. C'est pas tout contractualiser, mais c'est de se dire, avec ce distributeur-là, je sais que dans 5 ans, 10 ans, ils seront toujours sur les mêmes engagements, les mêmes valeurs et ils me prendront mes produits.

  • Speaker #0

    Oui, donc on est toujours sur le temps long, en fait. Revenir sur un accompagnement et une présence sur le temps long. Il y a un autre sujet dont j'avais envie de parler, peut-être pour les auditeurs qui ne connaissent pas du tout le monde agricole. Ça veut dire quoi concrètement pour un agriculteur de passer d'un modèle conventionnel à un modèle bio ? Ça représente quoi en termes de coûts, de changements de pratiques ? J'aimerais bien qu'on arrive à mesurer un peu ce que ça veut dire concrètement.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas évident à mesurer dans le sens où ça dépend de la production. Et il y a quand même un grand cheminement personnel, c'est-à-dire que ça demande beaucoup de volonté. En tout cas, c'est pour ça qu'il y a une prime à la conversion, c'est que mécaniquement déjà, il y a 3 à 5 ans de conversion, c'est-à-dire qu'ils passent au bio et ils ne peuvent le vendre et le valoriser en bio qu'au bout de 3 ans.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai vu certains labels qui disaient agriculteurs en conversion.

  • Speaker #1

    En conversion, il y a des soutiens. Nous, c'est pareil, on paye au prix du bio à partir de la deuxième année de conversion. Ok. dans les magasins. Donc on trouve des démarches d'accompagnement complémentaires, mais là on est sur, effectivement, globalement, souvent, une baisse de rendement.

  • Speaker #0

    assez forte et l'acquisition ou la réacquisition d'un savoir-faire différent. On n'est plus sur des recettes d'engrais et de pesticides à mettre, mais sur de la cohabitation de plantes, voire animaux végétaux, etc. Donc il y a tout un savoir-faire à récupérer qui passe souvent par les collègues aux alentours, qui donnent un coup de main, qui aident. Et il y a des expériences formidables. C'est un monde très innovant, le monde agricole bio, avec... sans cesse des recherches d'amélioration et la productivité revient. Alors ça dépend des productions, il y en a où on est encore en dessous, mais il y a aujourd'hui des filières qui sont plus productives en bio qu'en conventionnel. Ça commence à se voir parce que les pesticides fonctionnent de moins en moins bien. Il y a beaucoup de résistance. Tuer la terre, ça n'aide pas. C'est presque hors sol pour certaines productions aujourd'hui, ça ne fonctionne qu'avec les engrais qu'on met. On a un peu détruit, enfin pas qu'un peu, on a détruit une grande partie de nos sols. Et donc c'est tout ça qu'il faut remettre du vivant, que les lombriques reviennent, etc. Ça prend du temps. Et là aujourd'hui c'est essentiellement supporté par le paysan. Donc c'est un... un vrai chemin personnel et un engagement très fort.

  • Speaker #1

    L'autre sujet dont j'avais envie de discuter avec toi, c'est la construction de ce système agricole et alimentaire durable et soutenable. Comment est-ce qu'on fait pour passer à l'échelle ces pratiques plus durables ? Alors déjà, est-ce que le futur de ce modèle est du bio ? Je ne sais pas, je te pose la question. Et ensuite, c'est quoi les nouveaux paradigmes qu'on pourrait avoir ?

  • Speaker #0

    Le paradigme global, en tout cas, c'est de passer de cette logique... mondialisé, productiviste, à une logique de proximité, de moins mais mieux, etc. Après, il y a plusieurs difficultés. Déjà, c'est de casser le modèle actuel. Pas simple parce qu'on gaspille 30% de la nourriture. Il y a à peu près 30% de la nourriture qui est aussi utilisée pour nourrir les bêtes et maintenant pour fabriquer de l'énergie, etc. Globalement, au final, on consomme assez peu de ce qu'on produit. Donc on a des leviers d'action. sortir d'une alimentation de viande très industrialisée, mondialisée, avec du soja brésilien, des forêts, etc. Et remettre aussi des paysans, en fait, revaloriser le rôle de paysan. On l'a vu récemment par la crise du monde agricole, mais bon, en fait, la crise existe depuis très longtemps, parce que ce modèle est à bout de souffle.

  • Speaker #1

    Oui, donc pour toi, cette crise, elle est synonyme d'un modèle qui s'épuise ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui, on va dans le mur, là ! Tout le monde le sait, je pense que même la FNSEA le sait au fond d'elle-même, elle sait très bien que ce système-là va dans le mur, il n'y a pas de proposition majeure quand des gens, on leur demande d'investir, de produire toujours plus pour gagner 300 euros par mois, et juste pour survivre et garder la tête hors de l'eau, on ne peut pas dire que le modèle fonctionne. Après, ça pose d'autres questions, c'est-à-dire... Comment on protège ? Et ça, on peut faire le parallèle avec d'autres industries ou d'autres secteurs d'activité, comme le textile ou autre. On est aujourd'hui dans la primovis. C'est-à-dire qu'un distributeur gagnera peut-être beaucoup plus d'argent à importer du raisin d'Afrique du Sud en hiver que de construire des filières avec, d'acheter du raisin français à un autre moment qui sera beaucoup plus cher. et donc il faut sortir de cette logique là et donc il faut de la norme collective enfin voilà il faut protéger le marché et c'était des revendications du monde agricole c'est à dire nous on nous demande de faire des choses et il y a des produits qui rentrent qui utilisent des choses qu'on n'a pas le droit d'utiliser ouais les règles du jeu sont plus les mêmes pour tout le monde en fait là ce qui se passe c'est qu'on est plutôt parti dans une autre ça a été utilisé justement par l'agro-industrie pour euh Pour sortir des normes environnementales, etc., là, on a les objectifs en bio et les objectifs de légumineuse, par la loi, viennent juste d'être sortis du code rural. C'est-à-dire qu'il n'y a plus du tout d'objectifs de surface en bio, ni de surface de légumineuse à cultiver.

  • Speaker #1

    C'est quoi le code rural ?

  • Speaker #0

    C'est ce qui régit, c'est comme le code civil pour le fonctionnement collectif en société. Le code rural, c'est la base des objectifs, des fonctionnements du monde rural et du monde paysan. qui a donc été inscrit dans l'introduction, un objectif de surface en bio. Bon, ça a été supprimé, et c'est plus que symbolique, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans les textes et dans la loi, il n'y a plus d'objectif. Donc il n'y a plus besoin de stratégie du coup, il n'y a plus besoin de planification et d'engagement. Donc je pense que c'est une résistance à cette transition qu'on appelle nous de nos voeux, mais globalement, moi je suis assez pessimiste pour le monde agricole conventionnel. En fait, si je devais le tourner autrement, moi, ce qui m'embête, c'est que politiquement, il n'y a pas de courage. Quand je dis politiquement, ce n'est pas que les hommes politiques ou les femmes politiques, c'est aussi les représentants, etc. On fait croire qu'on peut préserver le petit éleveur laitier avec ses 30 vaches. Et en même temps... Avoir des traités avec le Canada, la Nouvelle-Zélande pour échanger nos voitures et notre champagne contre leurs produits laitiers.

  • Speaker #1

    Donc il y a un souci de cohérence en fait ?

  • Speaker #0

    À un moment donné, on ne peut pas avoir autant de fromage, autant de terroir, ça se protège aussi. Et là, on fait croire qu'on protège le terroir en mondialisant et en faisant de la nourriture et des échanges de produits agricoles, en mettant au même endroit les échanges agricoles que l'échange industriel, de voitures ou autre. Le bien agricole, il est traité de la même manière, alors qu'il devrait être sanctuarisé. Ce n'est pas un bien comme les autres, c'est comme la santé, les médicaments. Et donc, il y a une forme de schizophrénie. Et pour protéger le terroir, notre savoir-faire, notre gastronomie, notre alimentation, il y a évidemment à protéger, comme on a fait l'exception culturelle en France, en disant il faut 40% de musique française à la radio. Ça a aidé forcément. Alors au début, les gens disent oui, des quotas. Mais là, c'est pareil. Et donc, pour l'instant, c'est aux mains du privé. Et donc, Leclerc, ils disent que c'est le prix. Donc le sujet n'est pas... Nous, on dit, ben non, on veut développer des filières françaises, s'engager sur des filières locales. Ça demande beaucoup d'énergie et je pense qu'il y a vraiment à travailler en ce sens plutôt que de se dire, on dérégule, on continue à déréguler et on supprime en gros tout ce qui nous empêche de produire beaucoup, beaucoup.

  • Speaker #1

    Ok, merci pour effectivement ce décryptage de la crise agricole. Donc là, tu nous as partagé pas mal de difficultés et de tensions qu'on pouvait avoir. L'objectif de ce podcast, c'est aussi de parler de futur désirable et de qu'est-ce qu'on aurait envie de construire. Et pour ça, moi, j'aime bien qu'on reparte un peu, pas de la page blanche, mais qu'on s'autorise à vraiment casser des choses. Merci. et qu'on s'autorise un peu à réinventer tout en faisant feu de tout bois. Je me dis que c'est une réflexion qui est intéressante à mener, donc je te propose de la faire. Toi, concrètement, si tu avais les mains pour construire, comme fait le petit prince sur ces planètes, un nouveau modèle, qu'est-ce que tu aurais envie de faire ? Et ce serait quoi, selon toi, les paradigmes de ce système alimentaire, en se donnant quand même pour mission de réussir à nourrir la planète et de protéger l'environnement, bien évidemment ?

  • Speaker #0

    Pour moi, il y a déjà un sujet de réappropriation de l'alimentation par les gens, par nous. Déjà, de se reconnecter à notre alimentation. Donc, qu'est-ce qu'on souhaite ?

  • Speaker #1

    Donc, de poser la question.

  • Speaker #0

    Rien que ça. Et je pense qu'on devrait le faire pour l'avenir dans des sujets de... C'est quoi une alimentation durable ? C'est quoi une alimentation... qui amène de la santé, du bien-être économique, du bien-être pour tous, ce serait important de se poser cette question-là. Parce qu'en gros, c'est une demande de 86%, je crois que c'est 86% des Français qui disent nous, on veut bien manger On veut manger de manière durable et effectivement, on veut que les paysans vivent de leur travail et qu'on ne pollue pas la planète. Évidemment, personne ne veut polluer la planète, tout le monde. Mais concrètement, comment on fait ? Donc, partir de ça, et on est tous consommateurs, on mange tous. Bien sûr,

  • Speaker #1

    trois fois par jour.

  • Speaker #0

    Bien oui. Et donc ça veut dire quoi ? Et ensuite sur cette base là en fait on parle de l'alimentation pour construire le modèle de distribution et le modèle agricole Est-ce qu'on veut que du local ? Mais dans ce cas-là, il faut aimer le chou et la betterave et le verre et la courge. Est-ce qu'on veut de l'import ? Dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on fait des bananes, des fruits exotiques ? Est-ce qu'on veut 100% bio ? Est-ce qu'on se dit non, il faut végétaliser nos assiettes ? Qu'est-ce qu'on fait de la viande ?

  • Speaker #1

    Et toi, tu aurais envie de quoi typiquement sur ces questions ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense qu'il faut un peu de tout. Alors le bio, évidemment, je ne vais pas vous dire que... Je ne peux pas dire à nos auditeurs que le bio, non. Mais en tout cas, il y a plusieurs manières de voir aussi l'alimentation. Un repas équilibré, ça peut être aussi important que le bio, s'il y a des étapes à passer, etc. Mais en tout cas, on doit sélectionner notre alimentation, aller vers moins de sucre, moins de gras. On peut manger très sucré, très gras en bio aussi. Il y a énormément de sujets. Est-ce que c'est des forums locaux avec des consommateurs pour réinventer notre alimentation, la reconnecter ? Je pense qu'on peut manger de la viande. On peut manger de la viande. Mais quel type de viande, quel type d'élevage ? C'est sûr que si c'est un animal qui a été au prêt et qui n'est pas nourri au soja ou tourteau de soja toute l'année enfermé, ce n'est pas le même impact environnemental, évidemment. Et donc, du coup, derrière, on construit les choses. Après, il y a le sujet du coût global ou de l'engagement global ou de l'investissement global. Plus qu'un coût, c'est un investissement collectif. Et là, la question se pose sur l'accessibilité sociale. C'est-à-dire si demain, j'imagine ou en tout cas j'ose espérer que les gens vont dire moi je veux, évidemment, je veux manger équilibré, des légumes, du bio, du local. Bon, ben oui, ça a un prix. Et aujourd'hui, on est passé à 12% de notre budget des ménages qui est mis dans l'alimentation. C'était 25% il y a... Il y a une trentaine, 30 à 40.

  • Speaker #1

    Ah oui, ça a été divisé par deux.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est la variable d'ajustement des dépenses contraintes. Par contre, l'habitat, l'énergie, ça a explosé dans le budget des ménages. Souvent, on prend le parallèle avec le numérique, les téléphones, etc. Moi, j'ai un peu de mal avec ça parce que... On a aussi le droit d'être connecté. Mais par contre, les dépenses contraintes ont eu un impact très important. Et évidemment, la seule variable d'ajustement, ça peut être le numérique et les abonnements. Mais c'est aussi l'alimentation. On se serre un peu la ceinture, on mange des pâtes plutôt que des légumes.

  • Speaker #1

    J'ai juste envie de faire un petit aparté sur cette question, parce que je trouve qu'elle est assez intéressante sur la question du bio, parce que le prix, ça reste quand même l'accessibilité et le fait de pouvoir y avoir accès. Mais j'ai l'impression que derrière, il y a un peu l'idée, je crois que tu en as un petit peu parlé au début, du juste prix. Comment on fait pour déterminer le juste prix ? Tu disais, Leclerc vend un prix, donc on peut se dire que c'est un prix qui n'est peut-être pas à la hauteur de ce que vaut le kilo de raisin dont tu parlais tout à l'heure, par exemple. Comment est-ce qu'on détermine ce juste prix, en prenant aussi en compte les capacités des Françaises et des Français de pouvoir payer tel montant d'argent pour leur alimentation ?

  • Speaker #0

    La question de la capacité, on pourra y revenir, mais déjà de comprendre ce qu'il y a derrière un prix. Il faut payer le distributeur, il faut payer le producteur, parfois le transformateur, même souvent. Et donc, derrière le prix, il y a tout un modèle. Et je pense que ça, ça fait partie des sujets de prise de conscience que, je ne sais pas moi, du cochon à 5-6 euros le kilo, ça n'existe pas en fait. Ce n'est pas possible.

  • Speaker #1

    Donc c'est quoi ? C'est subventionné à la fin ?

  • Speaker #0

    C'est subventionné par l'Europe, la PAC, etc. Il y a une externalisation des coûts. Donc la pollution, elle est payée par nos impôts. Donc en fait, on ne garde que en dehors de la subvention et des externalités négatives, on garde un prix. Et après, on est sur des sujets d'équilibre matière, de contraction. Et donc, on a ça il faut qu'on en ait tous conscience c'est de se dire que ça peut pas fonctionner comme ça c'est comme le poulet, on va faire des poulets de batterie les français ils vont manger que le blanc et les cuisses puis on va envoyer les ailes en surgelé en Afrique on est dans un système qui est vraiment canard sans tête qui marche sur la tête et personne ne le souhaite ce modèle là quand on explique aux gens quand ils voient des images des abattoirs quand ils voient des... des images des élevages, etc. Ils disent mais c'est pas ce qu'on souhaite. Mais comment on connecte avec ce qu'on a dans l'assiette ou au restaurant ? Et après la question de l'accessibilité, c'est une question très politique. Et pour moi, elle ne peut pas être laissée aux mains du privé. On ne peut pas demander à la grande distribution de régler la question de l'accessibilité. Sinon, c'est ce qu'on fait aujourd'hui en grand partie. Et donc on surproduit, on vend globalement pas forcément au prix juste pour tous. et ensuite on donne nos restes et nos déchets, enfin nos déchets nos restes on va dire à l'aide alimentaire et puis les gens qui peuvent pas aller dans les circuits plus classiques ou payés, et ben ils mangent bien ce qu'ils ont, ce qu'il y a et puis la quantité suffit, la qualité est pas un sujet je caricature un petit peu parce qu'il y a énormément de programmes pour aller vers des alimentations là je pointe le système et pas les personnes qui travaillent d'alimentaire ou autre. Mais du coup, il faut casser cette logique-là. Et il y a un sujet de droit universel à l'alimentation qui émerge. Donc, on parle souvent de chèque alimentaire, mais ça va aussi jusqu'à la sécurité sociale de l'alimentation. C'est de se dire, est-ce qu'on ne peut pas, comme on l'a fait sur la santé, se dire, on cotise selon ses moyens et on obtient selon ses besoins. Et donc on pourrait cotiser et chaque Français aurait 150 euros par mois pour se nourrir, fléché vers l'alimentation qu'on aura décidé d'avoir ensemble.

  • Speaker #1

    Oui, je pense que cette question est importante de se dire comment on flèche ces chèques.

  • Speaker #0

    Même les chèques alimentaires. Donc il y a des initiatives qui existent à Montpellier, en Gironde, etc. Il y a des choses qui commencent à émerger autour de ce sujet de droit universel à l'alimentation. Des chèques alimentaires, il y a des associations qui en donnent. Il y en a une étude dans un des magasins Biocop sur un bonus. C'est-à-dire que les gens peuvent le dépenser où ils veulent, leur chèque, mais il y a un abondement si les gens achètent en bio ou en local, chez certains distributeurs. Donc il y a énormément de... d'initiatives. Maintenant, il faut que le politique, collectivement, on s'en empare pour en faire quelque chose de politique. Il y a un vrai projet collectif qui, pour moi, est porteur de sens et d'optimisme. C'est-à-dire qu'on a beaucoup de sujets aujourd'hui qui sont anxiogènes. La guerre, les migrations, le climat, etc. Mais comment on sort de ça et comment on concilie ? Et l'alimentation est un nœud à cet endroit-là. Comment on concilie fin du monde, fin du mois ? En gros, l'alimentation est au cœur aussi de notre impact écologique. Et c'est normal qu'on ait de l'impact quand on consomme. Mais on pourrait régler les deux par ce biais-là, en tout cas de se reposer la question. De ce droit universel à l'alimentation, c'est un sujet qui est franchement passionnant, hyper intéressant, et ça doit partir de l'alimentation à mon avis, et pas du monde agricole, pas uniquement du monde agricole. C'est-à-dire, quand on aura décidé de ce qu'on veut, comment on veut vivre, et ce qu'on veut pour notre santé et notre bien-être, on déclinera, voilà. Après, l'alimentation... connaît en son sein les plus grands lobbies de la planète, la chimie, le sucre, l'agro-industrie. Donc il y a du travail et il faudra beaucoup de courage collectivement. Mais je pense que c'est une des réponses au changement de paradigme agricole, passer du productivisme à tourner vers l'alimentation. Donc arrêtez de parler de balance commerciale, mais on est bien nourri grâce au monde agricole et on est en bonne santé. Voilà, c'est un sujet central dans nos vies, à tous.

  • Speaker #1

    Oui, complètement. Et effectivement, cette question de l'accessibilité et du prix, du coup, elle nous a fait un petit peu divaguer vers ce nouveau modèle que je peux qualifier d'émergent, je pense, sur la sécurité sociale alimentaire. Donc c'est j'imagine aussi un deuxième point de ton futur désirable à toi, donc se reconnecter à l'alimentation et adresser cette question d'accessibilité qui est politique. Est-ce qu'il y a un autre point pour toi qui est assez fondamental, notamment peut-être pour la distribution ?

  • Speaker #0

    La distribution, je suis plutôt confiant dans le sens où si ces règles du jeu-là évoluent, par opportunisme, elles… Elles bougeront aussi. Je me posais la question du comportement d'un acteur comme Biocop, par exemple, qui porte des engagements très forts, et de se dire, si ça fonctionne, si on arrive à créer un droit universel avec, je ne sais pas moi, 50% ou 60% de l'alimentation qui est fléchée, quelle serait la raison d'être d'un réseau comme Biocop ? Ce serait un sujet intéressant. Donc je pense que ça rebattrait les cartes. J'ai aucun doute sur le fait que la grande distribution... changerait toute son offre et s'adapterait à ça, elle prendrait la carte vitale alimentaire sans aucun problème. Et c'est plutôt sa force de massifier, de s'adapter. Elle s'est très agile, on l'a vu pendant le Covid. La distribution alimentaire a été d'une efficacité redoutable. Les magasins sont restés ouverts. Donc c'est vraiment une grande force et je suis plutôt confiant là. Après, ça obligera le monde militant à se réinventer et à se dire, c'est quoi notre raison d'être demain ? Parfois, je me dis, tu réfléchis à ces sujets-là, mais en tant que biocop, tu es intéressé. Moi, je ne suis pas sûr que ce ne soit pas une menace pour un réseau comme Biocop, en termes économiques. C'est-à-dire, est-ce que Biocop, demain... Existerait encore s'il devait émerger un programme de droit universel à l'alimentation de cette ampleur-là. C'est un sujet intéressant. Mais les acteurs économiques s'adapteront et s'adaptent à la règle du jeu. Il y a peut-être des acteurs qui vont disparaître parce qu'ils s'adapteront mal, d'autres le créeront. Mais pour le coup, l'économie de marché a cette force-là et le capitalisme a cette force-là. C'est une force de... de s'accaparer les règles, de les digérer et de s'adapter. Donc ça, il faut conserver cette dynamique individuelle, privée, cet engagement privé, mais dans un cadre, dans des règles qui sont les mêmes pour tous et dans un cadre qui répond aux enjeux sociaux et écologiques. qui est adapté au monde de demain. Et là, aujourd'hui, sur l'alimentation, on n'y est pas du tout. On n'y est pas du tout. On réfléchit plutôt à arrêter les jachères, à supprimer les normes environnementales, plutôt que de se dire quelles normes on se donne ensemble en ayant les mêmes règles du jeu pour changer le modèle. Mais ça viendra. Moi, je reste confiant. C'est un réalisme qui peut sembler un peu pessimiste, mais je pense qu'on est dans cette phase-là, de résistance au changement et de déni. Mais... devra bouger.

  • Speaker #1

    Il y a peu de doutes. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Plutôt sera le mieux. Oui. Mais on devra bouger.

  • Speaker #1

    Je repense à tes différentes réponses. Il y a un sujet qu'on n'a pas abordé et qui est fondamental, c'est aussi le retour à une agriculture plus massive en France. On a besoin, dans ce nouveau système, de relocaliser beaucoup de production. Comment, toi, tu vois cette question-là ?

  • Speaker #0

    Déjà, il y a une question d'une culture vivrière. Alors moi je vis plutôt en monde rural, alors pour les citadins c'est un peu plus délicat, mais les gens font de plus en plus leur jardin, etc. Je pense quand même qu'il y a un enjeu à cet endroit-là, qui peut paraître anecdotique, mais dans la réappropriation de son alimentation c'est quand même intéressant, et il y a des questions d'agriculture urbaine, voilà, donc comment on se réapproprie ça ? Et ensuite, il y a quand même, oui, on a besoin de producteurs locaux. Il y a besoin de filières structurées. Il faut certainement mieux acheter une tomate en Italie plutôt qu'en Belgique.

  • Speaker #1

    Le temps est plus propice,

  • Speaker #0

    ça fait plus de sens. Je pense que l'impact écologique est quand même... moins élevés. Donc, on gardera des échanges internationaux, évidemment. Le local, c'est une variable mouvante. C'est quoi ? Une amende locale ? Du quinoa local ? Un amende locale ? Mais, par contre, on a besoin de... En tout cas, si l'objectif politique, c'est de préserver une gastronomie, un savoir-faire dynamique, 300 000 paysans, ce n'est pas suffisant. Évidemment, le nombre, la dynamique qu'il faut créer, mais il faut surtout qu'on arrive à ce que des paysans qui ont 3-4 hectares de maraîchage vivent de leur travail. Aujourd'hui, ce n'est pas facile. En tout cas, en dehors du bio, c'est quasiment impossible. Dans le bio, on arrive à un peu mieux valoriser parce que les consommateurs sont prêts à payer un petit peu plus cher parfois pour défendre ce modèle-là, même si les écarts de prix se réduisent quand même très fortement, et notamment sur les produits frais et bruts. Franchement, on est parfois moins cher que le conventionnel. Que ce soit sur des légumes ou de l'huile d'olive ou des pâtes. Oui, j'ai des dupes. J'ai un oeil dans les magasins bio.

  • Speaker #1

    J'ai des dupes, voilà.

  • Speaker #0

    Non, mais même pas que chez Biocop, mais dans les magasins bio en général. on a du mal à communiquer là-dessus, mais il faut casser un peu cette idée que ce serait forcément toujours plus cher.

  • Speaker #1

    Ok, très clair. Merci Pierrick pour tes nouveaux paradigmes de ce futur désirable, sauf si tu en as à rajouter.

  • Speaker #0

    Je pense qu'on a... Beaucoup de sujets faux.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai bien envie de conclure sur une note aussi positive. Donc, tu as été présidente Biocop. On parlait en début de cette interview de à quel point c'est engagé, engageant de fixer un cap et de continuer de le maintenir malgré les zones de turbulence. Dans les auditeurs, on a des dirigeants d'entreprises qui, je pense, vivent aussi ces choses-là à certains égards. Ce serait quoi, toi, le conseil que tu aurais aujourd'hui envie de donner à des dirigeants d'entreprises ? qui sont dans une logique de transformation de leur business et qui s'engagent dans des objectifs ambitieux.

  • Speaker #0

    Après, conseil, c'est toujours délicat. Je suis en train de me méditer. Je pense qu'il y a des gens qui nous écoutent qui sont certainement beaucoup plus capés que moi et qui pourraient dire aussi des choses très intéressantes. Mais il y a effectivement cette question de vision et de la stratégie qui en découle et ça peut être collectif. On n'est pas obligé de s'enfermer tout seul dans une salle devant son paperboard pour voir un petit peu faire sa stratégie. Et puis régulièrement, une fois qu'on a la stratégie... La boussole, c'est de se dire régulièrement est-ce que je suis toujours aligné.

  • Speaker #1

    Donc une boussole intérieure ?

  • Speaker #0

    Oui, intérieure et collective. Je pense que c'est intéressant si c'est posé avec les salariés. régulièrement. Alors, soit c'est un tableau de bord avec des grands indicateurs caliques, intimes. Ça peut être sur des méthodes assez classiques. Après, ça peut être aussi un peu idéologique, de se dire, est-ce que vous ressentez qu'on est toujours bien alignés ? Bon, voilà, prendre cette boussole-là. Je peux prendre un petit exemple. On a, donc, à Bionacelle, donc c'est la scope dans laquelle je travaille, on a eu l'arrivée d'un concurrent qui nous a beaucoup mobilisés. On a perdu 20% de notre chiffre d'affaires. pendant 3-4 mois. Et nous, on a dans notre stratégie défini le fait qu'on ne voulait pas aller en zone commerciale. On voulait rester dans les centres-villes. Donc nos trois magasins sont dans les centres-villes. Le quatrième le sera aussi. Et là, de manière assez épidermique, on s'est dit, oh là, le concurrent arrive, on va aller se mettre en face, en zone commerciale. Donc on a analysé le sujet, on a travaillé, on avait un local, etc. Puis à un moment donné, on a relevé la tête collectivement, on s'est associés, on a repris la boussole et on s'est dit non mais en fait... on va perdre notre âme. Donc, en fait, on a courbé un peu le dos. On s'est dit, on subit un petit peu. On n'est pas resté sans rien faire. On a fait du commerce. On a fait venir les gens. On a utilisé les méthodes. Et bien nous en a pris. Un mois après, on a trouvé un local tout aussi grand, 1000 mètres carrés, en centre-ville, avec du parking, etc. Un ancien super-U qui déménageait. Donc, on y arrive. Mais après, il faut avoir foi. Et la deuxième chose, parce que là, on est vachement sur les... beaucoup sur les idées, l'engagement, le sens, il y a quand même l'idée d'être pro. Et l'un n'empêche pas l'autre. C'est-à-dire que le militantisme n'empêche pas le commerce dans le cadre de l'OECOP, et le commerce n'empêche pas le militantisme. Et donc, peut-être se dire être pragmatique et agile. Alors après, c'est facile à dire, c'est des notions, on veut tous l'être, pragmatique et agile. Mais oui, puis tout le monde a envie de l'être. Mais voilà, s'entourer des compétences qu'on n'a pas. Et moi, je me suis toujours... Certains postes, mais je me suis toujours dit, j'embauche des gens qui pourraient prendre ma place.

  • Speaker #1

    D'accord, oui.

  • Speaker #0

    Après, c'est pas facile. Je sais bien que dans des grosses entreprises, même au sein de Biocop, c'est pas évident. Moi, j'ai connu des directeurs... qui disait non je prends pas d'adjoint parce que j'en ai pas besoin mais en fait au fond d'eux c'était mais un jour il pourrait me pousser dehors s'il est meilleur que moi et donc toi tu te disais moi je prends des gens qui peuvent me prendre aussi parce que je suis dans le scope mais de me dire il faut qu'il y ait des gérants en puissance il faut qu'il y ait des si on recrute après des gens qui nous font pas d'ombre à la fin on est seul. Alors là pour le coup, on finit seul, etc. Et je trouve que la légitimité, la crédibilité au poste, elle ne dépend pas uniquement de compétences techniques, mécaniques, elle est aussi justement dans cette capacité à laisser de la place, à faire grandir, etc. Après, voilà, les mécanismes intérieurs, c'est pas évident, la question du pouvoir, etc. Mais pour moi, en tout cas, oui, il y a une part d'ego, évidemment, et on en a tous. Puis je pense que quand on a des postes à responsabilité, il en faut un petit peu. Mais en tout cas, moi, je me suis souvent dit ça. Je me suis dit, mais... parfois ça tiraille, on se dit tiens, et on trouve toujours des bonnes raisons de ne pas prendre telle ou telle personne, et puis de se dire, mais est-ce que c'est toi qui parle ? Est-ce que c'est pour le bien de l'entreprise ou c'est pour te protéger toi ? Donc voilà, j'ai toujours essayé de garder ce cap-là, alors je ne dis pas que je n'ai peut-être pas toujours respecté, mais en tout cas... Mais voilà, ça fait des associés, ça fait des gens investis, et ça challenge aussi, ça nous bouge nous, comme quand on a des enfants qui grandissent, ils nous challengent en tant que parents. C'est un peu pareil dans les dynamiques d'entreprise pour moi.

  • Speaker #1

    Super. Écoute, je te propose de garder ces bons conseils en conclusion. Et écoute, je te remercie beaucoup pour ta participation au podcast et pour cette discussion très riche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, j'ai été ravi.

  • Speaker #1

    Génial, merci. C'est déjà la fin de cet épisode, merci d'avoir écouté jusqu'au bout. Vous trouverez toutes les références dans la description du podcast et sur le site de Steamshift. A très vite dans un prochain épisode.

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Description

Dans ce nouvel épisode, je reçois Pierrick de Ronne, ancien président de BioCoop, actuelle dirigeant d’une Scoop de magasins en Ardèche, président de Natexbio et administrateur au mouvement impact France.

Avec Pierrick a parlé futur du système agroalimentaire.


On a commencé avec un peu d’histoire : quels ont été les grands jalons du développement de l’industrie agroalimentaire ? Comment est né « la bio » ce projet de société qui va au-delà des exigences techniques agricoles ?


On a bien évidemment parlé de BioCoop, son histoire, ses engagements et caractéristiques du modèle coopératif qui intègre producteurs, salariés, directeurs de magasins et consommateurs dans sa gouvernance.


Je voulais vraiment comprendre comment Pierrick voyait le futur du système :

La première étape est une réflexion collective : de quoi en tant que consommateurs, avons-nous vraiment envie ?

Un autre volet important c’est adresser la question du prix, pour permettre l'accessibilité aux consommateurs et la juste rémunération des producteurs : un sujet politique selon Pierrick.

Enfin, j’ai été touchée par le questionnement de Pierrick sur la pertinence de sa raison d’être quand les valeurs que l’on défend seraient désormais à l’échelle. Je la traduirai en une question : est-ce qu’un futur désirable n’est pas, tout simplement, de ne plus avoir le besoin d’exister ?


Je vous invite à écouter jusqu’au bout, car Pierrick partage quelques conseils qui le guident dans sa carrière.


C’est parti !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, dans ce nouvel épisode, je reçois Pierrick Derone, ancien président de Biocop, actuel dirigeant d'une SCOP de magasins en Ardèche, président de Natex Bio et administrateur au mouvement Impact France. Avec Pierrick, on a parlé du futur du système agroalimentaire. On a commencé avec un peu d'histoire. Quels ont été les grands jalons du développement de l'industrie agroalimentaire ? Comment est né la bio, ce projet de société qui va au-delà des exigences techniques agricoles ? On a bien évidemment parlé de Biocop, son histoire, ses engagements et caractéristiques du modèle coopératif qui intègre producteur, salarié, directeur de magasin et consommateur dans sa gouvernance. Je voulais vraiment comprendre comment Pierrick voyait le futur du système. La première étape selon lui, une réflexion collective. De quoi avons-nous envie ? En tant que consommateur. Un autre volet important, c'est adresser la question du prix, pour permettre une accessibilité aux consommateurs et une juste rémunération des producteurs. Un sujet politique, selon Pierrick. Enfin, j'ai été touchée par son questionnement sur la pertinence de sa raison d'être quand les valeurs que l'on défend seraient désormais passées à l'échelle. Je le traduirai en une question. Est-ce qu'un futur désirable n'est pas, tout simplement, de ne plus avoir le besoin d'exister ? Je vous invite vraiment à écouter cet épisode jusqu'au bout, car Pierrick partage en plus quelques conseils qui le guident aujourd'hui toujours dans sa carrière. C'est parti ! Bonjour Pierrick ! Bonjour ! Ravi de t'accueillir ici au micro de Dessine-moi un futur désirable, dans en plus un studio qui est tout neuf. Comme je te disais, on inaugure le matériel, donc très contente que ce soit avec toi. Je suis contente de t'avoir au micro pour parler d'un sujet hyper important qui est le futur du système agroalimentaire. Quand je dis système alimentaire, j'inclus de la fourche à la fourchette pour intégrer tous les acteurs qui travaillent dans cette industrie-là au cœur de notre discussion. J'avais envie de commencer en plantant les grands enjeux autour du système agroalimentaire. Pour ça, j'ai quelques chiffres à te partager et à partager à nos auditeurs. Le premier sujet pour moi autour du système agroalimentaire, c'est qu'on a un enjeu de santé. En fait, si on revient à la base, l'alimentation, c'est notre rapport énergétique du quotidien. On ingère à peu près 60 tonnes de produits tout au long de notre vie. Ça me paraissait assez énorme. On est sur un sujet de santé qui est très lié à notre bien-être. Un chiffre assez intéressant et surprenant, c'est qu'on a plus de 47% des adultes qui sont obèses ou en surpoids en France. J'étais extrêmement surprise de ce chiffre. Donc un gros enjeu de santé, également un gros enjeu environnemental. On sait que l'alimentation impose tout un tas de pressions, que ce soit sur le climat, la biodiversité, l'environnement, la pollution des sols, etc. Donc gros sujet. C'est quand même 22 à 23% de l'empreinte carbone individuelle, donc ce n'est pas négligeable. Et un chiffre aussi que je pense qu'on a maintenant bien en tête, c'est qu'on gaspille 30% de ce qu'on produit. Et quand on voit tous les impacts sur l'environnement, c'est un chiffre qui pose question en 2024. Et enfin, dernier gros enjeu, c'est un enjeu économique important. C'est plus d'1,4 million d'emplois en France pour une valeur économique d'à peu près 99 milliards d'euros, selon l'INSEE. Donc, un sujet planté avec des gros enjeux et notre objectif ensemble, ça va être de discuter des bases d'un système agroalimentaire plus durable, plus désirable. Et donc du coup, pour commencer, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, je te propose peut-être de te présenter tout simplement.

  • Speaker #1

    Oui, je suis ravi d'être là aussi. Je suis gérant d'une coopérative, d'une SCOP à Annonay, en Ardèche. On a trois magasins Biocop, bientôt quatre. On va rouvrir un autre magasin à Saint-Etienne. Et j'ai été président de Biocop et je suis toujours investi sur des sujets nationaux, notamment au mouvement Impact France. Donc, je suis aussi marié et père de quatre filles. C'est important, c'est ce qu'il y a de plus important. Et puis sur les enjeux, effectivement, il y a un enjeu aussi social. C'est important de se le dire. On a... On a même du mal à mesurer les gens qui n'ont pas accès à une alimentation. Déjà, basiquement, il y a énormément de gens qui font la queue. On parle de 8, 10, voire 12 millions de personnes qui vont à l'aide alimentaire. Donc, ça contrebalance entre l'obésité, le gâchis et des gens qui n'ont pas accès à une alimentation, et encore moins à une alimentation saine. Et c'est vrai que c'est un enjeu majeur pour l'avenir.

  • Speaker #0

    Oui, sur cet enjeu-là, effectivement, j'avais lu que 16% des Français ne mangeaient pas à leur faim. Avant de plonger peut-être dans le cœur de la discussion et de parler du système, est-ce que tu peux commencer par nous planter peut-être la grande sémantique autour du sujet, autour du bio ? C'est quoi concrètement le bio, si on la fait très simple ?

  • Speaker #1

    Très simplement, le bio, c'est d'abord un cahier des charges agronomique, qui est une reconnaissance européenne maintenant. Donc tous les pays européens... ont le même label bio, c'est les gros feuilles. Et il y a à la fois les producteurs qui respectent un cahier des charges, notamment la question des engrais et des pesticides chimiques, qui sont interdits. Et il y a aussi dans les transformateurs des additifs qui sont interdits, etc. Donc c'est une démarche agronomique. Et au-delà de ça, c'est aussi une démarche politique. Le bio est né de la rencontre entre des producteurs qui voulaient changer le modèle. très militants, qui voulaient changer le modèle agricole, et des consommateurs qui voulaient avoir une alimentation différente que celle qu'ils trouvaient dans les circuits classiques de distribution et produits par l'agriculture productiviste et intensive. Et cette rencontre a créé la bio et toute une chaîne de valeurs avec des producteurs bio évidemment, mais aussi des distributeurs, des réseaux de distribution spécialisés. engagé et un des consommateurs qui n'ont cessé de grandir.

  • Speaker #0

    Ok, effectivement, donc une démarche, aujourd'hui une démarche du coup européenne, donc ça veut dire, si je prends mes lunettes de consommateur, que si j'achète des courgettes bio d'Espagne, elles ont la même réglementation que celles de courgettes bio qui vont être produites en France.

  • Speaker #1

    Exactement. Là où il peut y avoir des différences, c'est sur ce qui n'est pas dans le cahier des charges. Et c'est un peu la difficulté qu'on a eue ces 30 dernières années, c'est qu'il y a eu une idéalisation du bio aussi. Il y a la question agronomique, mais dans le bio, il n'y a pas la question du commerce équitable, par exemple. Et donc, on peut trouver la bio espagnole dans la mer de plastique, dans le sud de l'Espagne, récoltée par des Marocains marocaines payés au lance-pierre. en travailleurs détachés. Donc ça, évidemment, il y a des réseaux comme Biocop qui se l'interdisent, mais ça se trouve en bio. Mais par contre, là, la tomate en tant que telle, elle est utilisée, c'est exactement le même cahier des charges que la tomate française.

  • Speaker #0

    Ok. Ah oui, juste peut-être, commerce équitable, comme on est dans la sémantique et dans les grands, on va dire, concepts, est-ce que tu peux le définir un petit peu plus ?

  • Speaker #1

    Le commerce équitable est d'abord né des produits... issus du sud de l'hémisphère sud, notamment en tout cas des pays en voie de développement, comme on disait à l'époque. C'est notamment la banane, le cacao, le café. L'idée, c'est globalement de payer un minimal écout de production, enfin en tout cas d'avoir un prix plancher sous lequel ne pas descendre et qui permet, souvent c'est des systèmes collectifs, plutôt des coopératives, aux producteurs, à travers leurs coopératives, de se nourrir déjà, de pouvoir mettre leurs enfants à l'école, etc. Et donc... Ça s'est développé au fil des années, notamment il y a un label qui est très connu qui s'appelle Max Avelard, mais il y en a plein d'autres, des labels qui reconnaissent le commerce équitable nord-sud. Et un des travaux de Biocop depuis 20 ans, c'est de développer un cahier des charges commerce équitable nord-nord ou en France, alors qu'il est un petit peu différent évidemment. On ne peut pas comparer des producteurs de France avec des producteurs des récoltants de bananes au fin fond de l'Afrique, mais l'état d'esprit est le même. Mais effectivement, c'est l'idée de parler de rémunération, de partage de la valeur et de sens au travail.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, très clair pour ces grands termes qu'on va beaucoup utiliser tout au long de ce podcast. Et moi, j'aime bien parler un petit peu d'histoire aussi dans ce podcast, parce que je suis assez persuadée que pour comprendre le monde d'aujourd'hui, on doit un peu s'intéresser à celui d'hier. Et est-ce que tu pourrais nous partager peut-être les grands jalons sur ces 100, 150 dernières années ? Tu choisis l'échelle que tu veux, mais pour qu'on puisse se rendre compte de quelles ont été les grandes évolutions qui ont construit les modèles qu'on peut trouver aujourd'hui sur ce système agroalimentaire. À titre personnel, je me faisais une réflexion qui était... En fait, je me dis peut-être qu'il y a 150 ans, on était bio, Et en fait, on est sortis du bio, un peu comme les énergies renouvelables et les fossiles, et aujourd'hui on cherche à y revenir. Je ne sais pas si mon raisonnement est un peu hâtif ou pas, mais je me dis qu'il y a peut-être cette logique-là. J'étais curieuse d'avoir ton avis aussi sur ces grands jalons.

  • Speaker #1

    Ouais, alors je ne suis pas historien, etc. Mais moi, j'analyserais ça sur le biais de deux mouvements. Donc, il y a un premier mouvement qui est le mouvement du productivisme. Donc, effectivement, on a facilité la vie des producteurs, on a facilité la vie des consommateurs, donc les producteurs par la mécanisation, le remembrement. Il y a eu énormément de choses qui ont été faites. Et ça a démarré après-guerre, avec une logique de nourrir. de nourrir tout le monde par le volume.

  • Speaker #0

    Après la première,

  • Speaker #1

    deuxième ? Après la deuxième guerre mondiale. Après les guerres, nous ont aidé à tester la chimie. Et donc, effectivement, Bayer et compagnie sont nés. Après les guerres, on s'est dit, qu'est-ce qu'on va faire de toute cette chimie qu'on ne peut plus utiliser dans se détruire mutuellement, dans la destruction mutuelle ? On l'a mise dans les champs et effectivement, ça a fonctionné. Et ça fonctionne, il y a une forme d'efficacité. On s'est mis à produire plus, à nourrir. à nourrir les gens. Et donc, on est rentré dans cette logique productiviste. On est passé d'une logique très agriculture pour soi, avec beaucoup, beaucoup de paysans. 4, 5 millions de paysans. Aujourd'hui, il y a 300 000 paysans en France. Voilà, on a beaucoup réduit le monde agricole, mais il y a eu plein de bons côtés. Aussi, je veux dire, pour ne pas jeter le bébé avec le dube, ça a été aussi des avancées.

  • Speaker #0

    Et si je ne me trompe pas, c'était une période aussi où les gens avaient particulièrement faim, en sortant de la guerre, avec des tickets de rationnement, etc.

  • Speaker #1

    On oublie que ça a duré longtemps, jusqu'au milieu des années 50, les tickets de rationnement. Donc il y avait des pénuries. Mais comme on a demandé aux mineurs de se surpasser, de se dépasser pour chauffer la France, on a demandé au monde agricole de se transformer, de se transcender pour nourrir la France et le monde. Et on a encore... Ce discours-là aujourd'hui, quand on entend les dirigeants de la FNSEA, ils disent mais nous, le pacte, c'est nourrir le monde Et voilà, donc on sent que le paradigme n'a pas évolué depuis, mais en tout cas, il y a eu ce mouvement-là de produire plus. C'était nécessaire. Et ensuite, il y a eu un autre mouvement, et qu'on peut voir avec l'énergie, ou notre rapport à l'animal, par exemple, c'est une dissociation de l'agriculture et de l'alimentation. ou du monde animal et de l'alimentation. Donc on parle du monde agricole, mais l'alimentation, aujourd'hui, on sait moins comment fonctionne le vivant.

  • Speaker #0

    Il y a une perte de connaissance en fait ?

  • Speaker #1

    Il y a une perte de conscience. Comment c'est arrivé dans notre assiette et que ce qu'on mange est connecté à un modèle agricole, à un modèle de distribution, à du social. Voilà, on a beaucoup de paysans qui se suicident régulièrement et c'est très criant sur l'abattage des bêtes. Par exemple, on a mis les abattoirs le plus loin possible des villes et on a aujourd'hui des gens, par exemple, qui ne... qui vont se dire je suis végétarien mais qui vont continuer à boire du lait de vache ou à pouvoir manger du fromage de chèvre. Mais pour avoir du lait de vache, il faut tuer les veaux. Et donc, qu'est-ce qu'on fait des veaux ? En fait, ce cycle agricole et alimentaire, il n'est plus du tout compris. Du coup, on rentre dans des logiques plutôt idéologiques et donc un peu d'affrontement. C'est-à-dire qu'on dit le monde agricole pollue Ah oui, mais nous, on veut du bio, mais en même temps, on veut manger moins de viande, mais en même temps, il n'y a pas d'agriculture sans élevage. Donc du coup, s'installe de plus en plus un dialogue de sourds. Il faut arriver à le dépasser, ce n'est pas évident, mais remettre du sens dans tout ça.

  • Speaker #0

    Et justement, ce dialogue que tu qualifies de sourds, depuis quand est-ce qu'il a commencé à prendre de l'ampleur par rapport justement au développement ? Quand tu disais au début, le bio est né avec une volonté plutôt militante, ça se passe à quel moment de l'histoire ?

  • Speaker #1

    On est à peu près à la naissance du bio, c'est dans les années 70-80, c'est-à-dire l'apogée de la grande distribution, où les gens vont en voiture sur des parkings faire toutes leurs courses au même endroit. Évidemment, on se déconnecte de produits transformés, sous plastique, tout ça s'est amplifié. Et je pense que le mouvement de la bio est aussi né de ça, de se dire mais on ne doit pas se déconnecter en fait, les consommateurs et les producteurs doivent être en contact et construire ensemble le modèle qu'ils veulent défendre. Donc on reste sur un modèle, enfin voilà, c'est pas du tout le modèle dominant aujourd'hui, mais on sent que ça tiraille à cet endroit-là, c'est-à-dire comment on remet en question le modèle productiviste, aller vers le moins mais mieux, donc c'est facile à dire, mais il y a des gens qui n'ont pas, il y en a qui ont trop, ceux qui ont trop sont frustrés, ceux qui ont... une démarche pour inverser ce paradigme-là, et ensuite comment on recrée du lien, on pourra parler du modèle coopératif, mais comment on recrée du lien entre le monde agricole, la distribution, les consommateurs, et de se dire, quand je mange, je crée la société, à travers mon alimentation, il y a ma santé, il y a moi, mon bien-être, mais il y a aussi dans quel monde je veux vivre. Et voilà, est-ce qu'on peut être heureux dans un monde où les paysans ne vivent pas de leur travail, où d'autres ont faim, où ils n'arrivent pas à se chauffer ? Ce sont des sujets qui sont centraux. On le voit aussi dans le monde politique, ça se polarise, ça s'affronte. Et on a du mal à construire du commun. En tout cas, c'est de plus en plus délicat.

  • Speaker #0

    Et donc j'imagine, ça me fait une bonne transition pour ma prochaine question, que cette construction de commun, c'est au cœur de ce que tu fais chez Biocop au quotidien. Est-ce que tu peux peut-être nous parler de Biocop concrètement, pour les auditeurs qui ne connaissent pas du tout, c'est quoi, ça fonctionne comment, c'est pour qui ?

  • Speaker #1

    Biocop est né de ces rencontres-là. Ce sont d'abord des coopératives de consommateurs, des associations de consommateurs qui se sont montées avec des producteurs dans les années 80. Ensuite, ça a été une association, puis ça s'est structuré en réseau. Et aujourd'hui, on a gardé une logique multi-acteurs au niveau global. Il y a des magasins qui vivent leur vie sur leur territoire et qui ont des liens avec des producteurs locaux, avec des consommateurs qui construisent toute une dynamique de territoire, d'engagement local. Et ils possèdent la coopérative. Un magasin une voix, un groupement de producteurs une voix. Et dans la coopérative sont représentés les magasins, les producteurs, mais aussi des salariés et des consommateurs. Et l'idée, très basiquement, c'est de dépasser les intérêts court terme qui sont divergents. Sur des questions de prix, par exemple, c'est assez mécanique, mais le consommateur ne veut payer pas cher. Le producteur, il veut payer cher, il veut être payé plus cher. Et donc, comment on trouve le prix juste ? Moi, je pense que ce modèle coopératif doit nous aider, par le dialogue et la compréhension réciproque, à construire cette notion de prix juste pour développer aussi une stratégie, construire l'avenir, les sujets autour de la possession du vivant, les soins pour les paysannes, la question de l'eau, la question du climat aujourd'hui. Aujourd'hui, la question du bio, c'est presque du passé pour Biocop. Il faut construire une démarche d'avenir qui va bien au-delà du bio. Et donc, est-ce qu'on se passe de certains produits ? Et donc, le modèle coopératif, le fait de se mettre autour de la table et de dialoguer, parfois de manière rugueuse, ça permet de dépasser ça et on n'est pas dans des boxes de négociations. une fois par an pour s'affronter. On est plus dans les logiques de coopération.

  • Speaker #0

    Et je trouve ce point vraiment hyper intéressant de dépasser les enjeux court terme pour construire ensemble le long terme. Dans ce que tu dis, j'ai l'impression que c'est peut-être les valeurs qui vous rassemblent et vous permettent d'élever, on peut dire, le débat sur du long terme. Est-ce que c'est ça qui fait la force du modèle coopératif ou est-ce que selon toi, il y a d'autres choses, peut-être dans votre manière de discuter, je ne sais pas, d'animer toutes ces sessions-là, Qu'est-ce qui fait que selon toi ça marche et que vous arrivez à construire sur le long terme ?

  • Speaker #1

    C'est cette idée-là. Après je pense qu'il y a un sujet, alors après là ce sera peut-être moins partagé par certains collègues, mais pour moi... la question de la vision, de l'engagement commun et du sens qu'on met, quelle que soit l'entreprise, que ce soit à Biocop ou dans la Scop, à laquelle je suis gérant, c'est de se dire, il faut se donner un objectif, développer la bio, réduire la pauvreté, je n'en sais rien, donner un objectif d'entreprise, et de se dire que si on en déroge, ce n'est pas grave si on disparaît. C'est-à-dire qu'à un moment donné, c'est de se dire, là on a traversé une crise du bio, en tout cas il y a eu une baisse de la demande de manière assez importante. Tout l'enjeu c'est de ne pas sacrifier cet idéal-là, et d'accepter que si les gens ne viennent plus, s'ils préfèrent aller chez Lidl ou Leclerc, dont acte, mais est-ce que nous on doit s'adapter et se dire, c'est pas grave, là ça marche moins bien, donc on va utiliser des méthodes d'autres, ou se donner d'autres objectifs connexes, ou éroder légèrement le projet sur tel ou tel sujet. Moi j'ai plutôt la conviction un peu de se dire, bah non, en fait, et c'est pas grave. Si on se réduit un petit peu, si on vend un peu moins, on reconstruit avec ceux qui sont là et on continue à avancer, progresser. Et ne pas déroger à l'engagement qu'on s'est donné. Donc nous, c'est de développer une bio équitable. Parce qu'on aurait pu se dire, bon ben... La question c'est le prix, donc c'est pas très grave, on va vendre des bananes non équitables. Bon ben on gagnera 10 centimes, les consommateurs seront entre guillemets contents, j'en suis pas sûr. Ou de faire beaucoup de promotions. Aujourd'hui chez Biocop on fait à peu près 4% de notre chiffre d'affaires en promo. La grande distribution c'est 25 à 30%. Oui. Tout leur modèle est basé sur l'achat impulsif. Nous on veut pas rentrer là-dedans, mais on aurait pu aussi se dire, tiens on passe à 10. il y aurait une satisfaction, mais après c'est de la drogue dure. Tout le modèle est basé là-dessus, les gens viennent chercher de la promo et on n'en sort plus. Mais ce n'est pas facile, parce qu'évidemment on est tiraillé, en interne il y en a qui voudraient, il y en a d'autres qui ne veulent pas, etc. Donc ça amène beaucoup de débats et de discussions, encore plus dans des temps de turbulence. Mais le sujet c'est tenir la barre.

  • Speaker #0

    Oui, fixer son cap, la voile et le garder quand ça secoue. Merci pour ce partage, c'est hyper intéressant et j'imagine que ça résonnera avec aussi pas mal d'autres industries qui peuvent être en zone de turbulence en ce moment. Est-ce qu'en quelques chiffres clés, tu peux nous dire aussi, juste Biocop aujourd'hui, ça pèse combien parmi le panorama de la distribution en France ?

  • Speaker #1

    Il y a 740 magasins, on est à 0,8% du... de l'achat alimentaire en France, donc on est assez petit, mais on pèse, je crois, à peu près 21% du chiffre d'affaires du vrac, des ventes de vrac en France, tout confondu, bio, non bio. et 20% du commerce équitable en France aussi. Donc en fait, en ayant pris des engagements, ce cap-là fort, en étant tout petit, on pèse presque un cinquième du vrac et du commerce équitable en France. On a beaucoup de mal à le dire, à le faire savoir. Les gens imaginent que c'est que bio, mais évidemment qu'il y a beaucoup plus que ça. Et que, voilà, on peut aussi peser au-delà de sa part de marché. quand on a des engagements forts. Après, c'est à la fois une réussite pour Biocop, c'est agréable, mais c'est aussi un échec collectif parce que je me dis, mince, si nous on pèse 20% du vrac et 20% du commerce équitable, que font les autres ? On devrait être tout petit, on devrait être à 1%.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une victoire et ça n'en est pas une, je comprends.

  • Speaker #1

    Il ne faut pas qu'on reste leader trop longtemps. L'idéal, ce serait qu'on ne soit pas leader trop longtemps sur ces sujets-là et qu'on en trouve d'autres. pour rester à moteur sur des grands changements, et que cela, ça rentre dans le domaine courant et dans le domaine public. Mais bon, on n'y est pas encore. On a encore un peu de marge.

  • Speaker #0

    Oui, je comprends. Et justement, dans le système agroalimentaire français, il y a aussi, en tout cas de mon point de vue de consommatrice, je reprends mes lunettes de consommatrice, j'ai l'impression qu'on a eu un moment où on a eu une explosion de magasins bio, on a eu des Naturalia, des Bio C'est Bon, etc. Est-ce que ça... Pour Biocop, ça a été aussi positif de voir qu'il y avait pas mal d'acteurs qui se mettaient sur cette verticale-là pour continuer de le démocratiser, etc. Comment toi tu perçois le fait que la grande distribution adopte ces codes-là ?

  • Speaker #1

    Il y a un côté positif évidemment, parce que nous l'objectif c'est de développer le bio. Enfin nous, notre objectif c'est que demain 100% de l'agriculture soit bio. Ce serait l'idéal. L'objectif de Biocop ? Oui, c'est l'objectif de Biocop dans un certain sens. Après, nous, on se développe aussi pour nous-mêmes, mais en tout cas, secrètement, on rêverait de ça. Je pense que c'est un vœu pieux. C'est comme si on imaginait que toutes les entreprises seraient coopératives. Ce n'est pas possible. Mais en tout cas, de se dire qu'on veut changer le modèle agricole, et évidemment qu'on ne le fera pas tout seul. Après, la complexité, c'est que... En tout cas, le sujet, c'est est-ce que... le bio ou la bio, tel qu'on l'imagine, est soluble dans le productivisme et dans le modèle écologique. qui est promu aujourd'hui sur l'agro-industrie et notamment la distribution. On le voit bien, la grande distribution n'a qu'une logique opportuniste. En gros, c'est la demande qui décide. Moi, tant que le consommateur en veut, je vends. S'il n'en veut plus, je ne vends plus. Et là, c'est ce qui se passe. Il y a une rétractation de l'offre bio. Il y a un retrait de la grande distribution. Et là, c'est difficile de construire sur du long terme. Parce que se convertir au bio, c'est 3 à 5 ans. Construire des filières, c'est 10 à 15 ans. Donc évidemment, on a besoin d'acteurs qui s'engagent, de consommateurs qui s'engagent, mais aussi des acteurs intermédiaires qui s'engagent pour s'engager dans la transition. Et là, on se sent un peu seul. Pour le coup, on se sent un peu seul. C'est-à-dire qu'il y a très peu de structures et de réseaux qui construisent vraiment une dynamique de transition en mettant des moyens importants, relativement. Et donc là, moi, on ne va pas au bout du geste. Donc voilà, j'en appellerais à la grande distribution de faire la même chose. Voilà, vous êtes aussi prescripteur de produits. Et là, la distribution a beaucoup évolué là-dessus. Il y a 60-70 ans, c'était derrière un comptoir. On venait, on disait on veut du lait, on allait chercher du lait. Et il y a eu la révolution de la distribution, ça a été dire, en gros, on va ouvrir nos hangars. Les supermarchés, on ouvre nos hangars et les gens choisissent, etc. Ils passent en caisse et on réduit les intermédiaires pour baisser les prix. Mais du coup, on a perdu cette logique prescriptrice. Il y a encore un monoprix et un côté prescripteur.

  • Speaker #0

    Comment tu le sens ce côté prescripteur chez un distributeur concrètement ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'ils offrent ? Aujourd'hui, le clair off du prix, j'en ai les moins chers.

  • Speaker #0

    Position de valeur.

  • Speaker #1

    Voilà. Oui, et d'engagement. Chez Biocop, on est prescripteur. Moi, je pense qu'on pourra bien le qualifier quand un grand distributeur dira demain, je m'interdis de vous vendre ça. Monoprix le fait. Sur certains produits, ils avancent. Notamment, je crois qu'ils ont arrêté les oeufs de... Il y a un petit moment déjà, mais les oeufs de catégorie 3, les oeufs de batterie, donc ils ont pris des engagements comme ça, ils avancent, mais on en est très loin dans les autres réseaux de distribution, c'est de dire il en faut pour tout le monde, nous on s'offre. Distribuer des produits, c'est politique. aussi. Si on laisse le choix seulement aux consommateurs, on voit où ça nous mène aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Il y a un point sur lequel je veux rebondir, tu disais de pouvoir accompagner, mais concrètement on parle de quel accompagnement de la part du distributeur ? Est-ce que c'est s'engager sur des volumes de prix ? Est-ce que c'est des prestations de conseils pour les accompagner ? Est-ce que tu peux un petit peu clarifier qu'est-ce que ça veut dire que d'accompagner une filière ? Notamment pour le bio.

  • Speaker #1

    On a construit une filière. Par exemple, nous, on s'est dit qu'on allait arrêter de vendre des avocats d'Amérique du Sud.

  • Speaker #0

    Oui, ok.

  • Speaker #1

    On a une forme de relocalisation. C'est compliqué à regarder. Il y a des fraudes. C'est assez mafieux, le monde de l'avocat. Mais on l'a recentré au niveau européen, notamment en Espagne. Et on s'est dit qu'il faut qu'on développe des filières européennes. En Sicile, notamment. Ça pousse un peu en Corse. On a commencé. Donc là, il faut aller voir des producteurs et leur dire, ça ne vous dirait pas de produire des avocats ? Mais le risque est énorme. C'est-à-dire qu'ils vont dire, moi pendant 3 à 5 ans, je ne vais rien avoir. Je ne connais pas exactement l'avocat, mais parfois il y a des productions où il faut 5 ans avant d'avoir quelque chose à vendre. Et pendant 5 ans, son champ est pris par l'arbre ou par le végétal. Et donc, il faut s'engager. Et dire, sur du temps long, mais pas mettre en concurrence quasiment à la commande. C'est ce qui se passe en grande distribution. C'est dire, cette semaine, je ne vais pas te prendre tes courgettes parce que j'ai du hollandais qui arrive et c'est deux fois moins cher. Il faut sortir de cette logique-là. Et là, c'est aussi une relation de confiance. C'est pas tout contractualiser, mais c'est de se dire, avec ce distributeur-là, je sais que dans 5 ans, 10 ans, ils seront toujours sur les mêmes engagements, les mêmes valeurs et ils me prendront mes produits.

  • Speaker #0

    Oui, donc on est toujours sur le temps long, en fait. Revenir sur un accompagnement et une présence sur le temps long. Il y a un autre sujet dont j'avais envie de parler, peut-être pour les auditeurs qui ne connaissent pas du tout le monde agricole. Ça veut dire quoi concrètement pour un agriculteur de passer d'un modèle conventionnel à un modèle bio ? Ça représente quoi en termes de coûts, de changements de pratiques ? J'aimerais bien qu'on arrive à mesurer un peu ce que ça veut dire concrètement.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas évident à mesurer dans le sens où ça dépend de la production. Et il y a quand même un grand cheminement personnel, c'est-à-dire que ça demande beaucoup de volonté. En tout cas, c'est pour ça qu'il y a une prime à la conversion, c'est que mécaniquement déjà, il y a 3 à 5 ans de conversion, c'est-à-dire qu'ils passent au bio et ils ne peuvent le vendre et le valoriser en bio qu'au bout de 3 ans.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai vu certains labels qui disaient agriculteurs en conversion.

  • Speaker #1

    En conversion, il y a des soutiens. Nous, c'est pareil, on paye au prix du bio à partir de la deuxième année de conversion. Ok. dans les magasins. Donc on trouve des démarches d'accompagnement complémentaires, mais là on est sur, effectivement, globalement, souvent, une baisse de rendement.

  • Speaker #0

    assez forte et l'acquisition ou la réacquisition d'un savoir-faire différent. On n'est plus sur des recettes d'engrais et de pesticides à mettre, mais sur de la cohabitation de plantes, voire animaux végétaux, etc. Donc il y a tout un savoir-faire à récupérer qui passe souvent par les collègues aux alentours, qui donnent un coup de main, qui aident. Et il y a des expériences formidables. C'est un monde très innovant, le monde agricole bio, avec... sans cesse des recherches d'amélioration et la productivité revient. Alors ça dépend des productions, il y en a où on est encore en dessous, mais il y a aujourd'hui des filières qui sont plus productives en bio qu'en conventionnel. Ça commence à se voir parce que les pesticides fonctionnent de moins en moins bien. Il y a beaucoup de résistance. Tuer la terre, ça n'aide pas. C'est presque hors sol pour certaines productions aujourd'hui, ça ne fonctionne qu'avec les engrais qu'on met. On a un peu détruit, enfin pas qu'un peu, on a détruit une grande partie de nos sols. Et donc c'est tout ça qu'il faut remettre du vivant, que les lombriques reviennent, etc. Ça prend du temps. Et là aujourd'hui c'est essentiellement supporté par le paysan. Donc c'est un... un vrai chemin personnel et un engagement très fort.

  • Speaker #1

    L'autre sujet dont j'avais envie de discuter avec toi, c'est la construction de ce système agricole et alimentaire durable et soutenable. Comment est-ce qu'on fait pour passer à l'échelle ces pratiques plus durables ? Alors déjà, est-ce que le futur de ce modèle est du bio ? Je ne sais pas, je te pose la question. Et ensuite, c'est quoi les nouveaux paradigmes qu'on pourrait avoir ?

  • Speaker #0

    Le paradigme global, en tout cas, c'est de passer de cette logique... mondialisé, productiviste, à une logique de proximité, de moins mais mieux, etc. Après, il y a plusieurs difficultés. Déjà, c'est de casser le modèle actuel. Pas simple parce qu'on gaspille 30% de la nourriture. Il y a à peu près 30% de la nourriture qui est aussi utilisée pour nourrir les bêtes et maintenant pour fabriquer de l'énergie, etc. Globalement, au final, on consomme assez peu de ce qu'on produit. Donc on a des leviers d'action. sortir d'une alimentation de viande très industrialisée, mondialisée, avec du soja brésilien, des forêts, etc. Et remettre aussi des paysans, en fait, revaloriser le rôle de paysan. On l'a vu récemment par la crise du monde agricole, mais bon, en fait, la crise existe depuis très longtemps, parce que ce modèle est à bout de souffle.

  • Speaker #1

    Oui, donc pour toi, cette crise, elle est synonyme d'un modèle qui s'épuise ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui, on va dans le mur, là ! Tout le monde le sait, je pense que même la FNSEA le sait au fond d'elle-même, elle sait très bien que ce système-là va dans le mur, il n'y a pas de proposition majeure quand des gens, on leur demande d'investir, de produire toujours plus pour gagner 300 euros par mois, et juste pour survivre et garder la tête hors de l'eau, on ne peut pas dire que le modèle fonctionne. Après, ça pose d'autres questions, c'est-à-dire... Comment on protège ? Et ça, on peut faire le parallèle avec d'autres industries ou d'autres secteurs d'activité, comme le textile ou autre. On est aujourd'hui dans la primovis. C'est-à-dire qu'un distributeur gagnera peut-être beaucoup plus d'argent à importer du raisin d'Afrique du Sud en hiver que de construire des filières avec, d'acheter du raisin français à un autre moment qui sera beaucoup plus cher. et donc il faut sortir de cette logique là et donc il faut de la norme collective enfin voilà il faut protéger le marché et c'était des revendications du monde agricole c'est à dire nous on nous demande de faire des choses et il y a des produits qui rentrent qui utilisent des choses qu'on n'a pas le droit d'utiliser ouais les règles du jeu sont plus les mêmes pour tout le monde en fait là ce qui se passe c'est qu'on est plutôt parti dans une autre ça a été utilisé justement par l'agro-industrie pour euh Pour sortir des normes environnementales, etc., là, on a les objectifs en bio et les objectifs de légumineuse, par la loi, viennent juste d'être sortis du code rural. C'est-à-dire qu'il n'y a plus du tout d'objectifs de surface en bio, ni de surface de légumineuse à cultiver.

  • Speaker #1

    C'est quoi le code rural ?

  • Speaker #0

    C'est ce qui régit, c'est comme le code civil pour le fonctionnement collectif en société. Le code rural, c'est la base des objectifs, des fonctionnements du monde rural et du monde paysan. qui a donc été inscrit dans l'introduction, un objectif de surface en bio. Bon, ça a été supprimé, et c'est plus que symbolique, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans les textes et dans la loi, il n'y a plus d'objectif. Donc il n'y a plus besoin de stratégie du coup, il n'y a plus besoin de planification et d'engagement. Donc je pense que c'est une résistance à cette transition qu'on appelle nous de nos voeux, mais globalement, moi je suis assez pessimiste pour le monde agricole conventionnel. En fait, si je devais le tourner autrement, moi, ce qui m'embête, c'est que politiquement, il n'y a pas de courage. Quand je dis politiquement, ce n'est pas que les hommes politiques ou les femmes politiques, c'est aussi les représentants, etc. On fait croire qu'on peut préserver le petit éleveur laitier avec ses 30 vaches. Et en même temps... Avoir des traités avec le Canada, la Nouvelle-Zélande pour échanger nos voitures et notre champagne contre leurs produits laitiers.

  • Speaker #1

    Donc il y a un souci de cohérence en fait ?

  • Speaker #0

    À un moment donné, on ne peut pas avoir autant de fromage, autant de terroir, ça se protège aussi. Et là, on fait croire qu'on protège le terroir en mondialisant et en faisant de la nourriture et des échanges de produits agricoles, en mettant au même endroit les échanges agricoles que l'échange industriel, de voitures ou autre. Le bien agricole, il est traité de la même manière, alors qu'il devrait être sanctuarisé. Ce n'est pas un bien comme les autres, c'est comme la santé, les médicaments. Et donc, il y a une forme de schizophrénie. Et pour protéger le terroir, notre savoir-faire, notre gastronomie, notre alimentation, il y a évidemment à protéger, comme on a fait l'exception culturelle en France, en disant il faut 40% de musique française à la radio. Ça a aidé forcément. Alors au début, les gens disent oui, des quotas. Mais là, c'est pareil. Et donc, pour l'instant, c'est aux mains du privé. Et donc, Leclerc, ils disent que c'est le prix. Donc le sujet n'est pas... Nous, on dit, ben non, on veut développer des filières françaises, s'engager sur des filières locales. Ça demande beaucoup d'énergie et je pense qu'il y a vraiment à travailler en ce sens plutôt que de se dire, on dérégule, on continue à déréguler et on supprime en gros tout ce qui nous empêche de produire beaucoup, beaucoup.

  • Speaker #1

    Ok, merci pour effectivement ce décryptage de la crise agricole. Donc là, tu nous as partagé pas mal de difficultés et de tensions qu'on pouvait avoir. L'objectif de ce podcast, c'est aussi de parler de futur désirable et de qu'est-ce qu'on aurait envie de construire. Et pour ça, moi, j'aime bien qu'on reparte un peu, pas de la page blanche, mais qu'on s'autorise à vraiment casser des choses. Merci. et qu'on s'autorise un peu à réinventer tout en faisant feu de tout bois. Je me dis que c'est une réflexion qui est intéressante à mener, donc je te propose de la faire. Toi, concrètement, si tu avais les mains pour construire, comme fait le petit prince sur ces planètes, un nouveau modèle, qu'est-ce que tu aurais envie de faire ? Et ce serait quoi, selon toi, les paradigmes de ce système alimentaire, en se donnant quand même pour mission de réussir à nourrir la planète et de protéger l'environnement, bien évidemment ?

  • Speaker #0

    Pour moi, il y a déjà un sujet de réappropriation de l'alimentation par les gens, par nous. Déjà, de se reconnecter à notre alimentation. Donc, qu'est-ce qu'on souhaite ?

  • Speaker #1

    Donc, de poser la question.

  • Speaker #0

    Rien que ça. Et je pense qu'on devrait le faire pour l'avenir dans des sujets de... C'est quoi une alimentation durable ? C'est quoi une alimentation... qui amène de la santé, du bien-être économique, du bien-être pour tous, ce serait important de se poser cette question-là. Parce qu'en gros, c'est une demande de 86%, je crois que c'est 86% des Français qui disent nous, on veut bien manger On veut manger de manière durable et effectivement, on veut que les paysans vivent de leur travail et qu'on ne pollue pas la planète. Évidemment, personne ne veut polluer la planète, tout le monde. Mais concrètement, comment on fait ? Donc, partir de ça, et on est tous consommateurs, on mange tous. Bien sûr,

  • Speaker #1

    trois fois par jour.

  • Speaker #0

    Bien oui. Et donc ça veut dire quoi ? Et ensuite sur cette base là en fait on parle de l'alimentation pour construire le modèle de distribution et le modèle agricole Est-ce qu'on veut que du local ? Mais dans ce cas-là, il faut aimer le chou et la betterave et le verre et la courge. Est-ce qu'on veut de l'import ? Dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on fait des bananes, des fruits exotiques ? Est-ce qu'on veut 100% bio ? Est-ce qu'on se dit non, il faut végétaliser nos assiettes ? Qu'est-ce qu'on fait de la viande ?

  • Speaker #1

    Et toi, tu aurais envie de quoi typiquement sur ces questions ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense qu'il faut un peu de tout. Alors le bio, évidemment, je ne vais pas vous dire que... Je ne peux pas dire à nos auditeurs que le bio, non. Mais en tout cas, il y a plusieurs manières de voir aussi l'alimentation. Un repas équilibré, ça peut être aussi important que le bio, s'il y a des étapes à passer, etc. Mais en tout cas, on doit sélectionner notre alimentation, aller vers moins de sucre, moins de gras. On peut manger très sucré, très gras en bio aussi. Il y a énormément de sujets. Est-ce que c'est des forums locaux avec des consommateurs pour réinventer notre alimentation, la reconnecter ? Je pense qu'on peut manger de la viande. On peut manger de la viande. Mais quel type de viande, quel type d'élevage ? C'est sûr que si c'est un animal qui a été au prêt et qui n'est pas nourri au soja ou tourteau de soja toute l'année enfermé, ce n'est pas le même impact environnemental, évidemment. Et donc, du coup, derrière, on construit les choses. Après, il y a le sujet du coût global ou de l'engagement global ou de l'investissement global. Plus qu'un coût, c'est un investissement collectif. Et là, la question se pose sur l'accessibilité sociale. C'est-à-dire si demain, j'imagine ou en tout cas j'ose espérer que les gens vont dire moi je veux, évidemment, je veux manger équilibré, des légumes, du bio, du local. Bon, ben oui, ça a un prix. Et aujourd'hui, on est passé à 12% de notre budget des ménages qui est mis dans l'alimentation. C'était 25% il y a... Il y a une trentaine, 30 à 40.

  • Speaker #1

    Ah oui, ça a été divisé par deux.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est la variable d'ajustement des dépenses contraintes. Par contre, l'habitat, l'énergie, ça a explosé dans le budget des ménages. Souvent, on prend le parallèle avec le numérique, les téléphones, etc. Moi, j'ai un peu de mal avec ça parce que... On a aussi le droit d'être connecté. Mais par contre, les dépenses contraintes ont eu un impact très important. Et évidemment, la seule variable d'ajustement, ça peut être le numérique et les abonnements. Mais c'est aussi l'alimentation. On se serre un peu la ceinture, on mange des pâtes plutôt que des légumes.

  • Speaker #1

    J'ai juste envie de faire un petit aparté sur cette question, parce que je trouve qu'elle est assez intéressante sur la question du bio, parce que le prix, ça reste quand même l'accessibilité et le fait de pouvoir y avoir accès. Mais j'ai l'impression que derrière, il y a un peu l'idée, je crois que tu en as un petit peu parlé au début, du juste prix. Comment on fait pour déterminer le juste prix ? Tu disais, Leclerc vend un prix, donc on peut se dire que c'est un prix qui n'est peut-être pas à la hauteur de ce que vaut le kilo de raisin dont tu parlais tout à l'heure, par exemple. Comment est-ce qu'on détermine ce juste prix, en prenant aussi en compte les capacités des Françaises et des Français de pouvoir payer tel montant d'argent pour leur alimentation ?

  • Speaker #0

    La question de la capacité, on pourra y revenir, mais déjà de comprendre ce qu'il y a derrière un prix. Il faut payer le distributeur, il faut payer le producteur, parfois le transformateur, même souvent. Et donc, derrière le prix, il y a tout un modèle. Et je pense que ça, ça fait partie des sujets de prise de conscience que, je ne sais pas moi, du cochon à 5-6 euros le kilo, ça n'existe pas en fait. Ce n'est pas possible.

  • Speaker #1

    Donc c'est quoi ? C'est subventionné à la fin ?

  • Speaker #0

    C'est subventionné par l'Europe, la PAC, etc. Il y a une externalisation des coûts. Donc la pollution, elle est payée par nos impôts. Donc en fait, on ne garde que en dehors de la subvention et des externalités négatives, on garde un prix. Et après, on est sur des sujets d'équilibre matière, de contraction. Et donc, on a ça il faut qu'on en ait tous conscience c'est de se dire que ça peut pas fonctionner comme ça c'est comme le poulet, on va faire des poulets de batterie les français ils vont manger que le blanc et les cuisses puis on va envoyer les ailes en surgelé en Afrique on est dans un système qui est vraiment canard sans tête qui marche sur la tête et personne ne le souhaite ce modèle là quand on explique aux gens quand ils voient des images des abattoirs quand ils voient des... des images des élevages, etc. Ils disent mais c'est pas ce qu'on souhaite. Mais comment on connecte avec ce qu'on a dans l'assiette ou au restaurant ? Et après la question de l'accessibilité, c'est une question très politique. Et pour moi, elle ne peut pas être laissée aux mains du privé. On ne peut pas demander à la grande distribution de régler la question de l'accessibilité. Sinon, c'est ce qu'on fait aujourd'hui en grand partie. Et donc on surproduit, on vend globalement pas forcément au prix juste pour tous. et ensuite on donne nos restes et nos déchets, enfin nos déchets nos restes on va dire à l'aide alimentaire et puis les gens qui peuvent pas aller dans les circuits plus classiques ou payés, et ben ils mangent bien ce qu'ils ont, ce qu'il y a et puis la quantité suffit, la qualité est pas un sujet je caricature un petit peu parce qu'il y a énormément de programmes pour aller vers des alimentations là je pointe le système et pas les personnes qui travaillent d'alimentaire ou autre. Mais du coup, il faut casser cette logique-là. Et il y a un sujet de droit universel à l'alimentation qui émerge. Donc, on parle souvent de chèque alimentaire, mais ça va aussi jusqu'à la sécurité sociale de l'alimentation. C'est de se dire, est-ce qu'on ne peut pas, comme on l'a fait sur la santé, se dire, on cotise selon ses moyens et on obtient selon ses besoins. Et donc on pourrait cotiser et chaque Français aurait 150 euros par mois pour se nourrir, fléché vers l'alimentation qu'on aura décidé d'avoir ensemble.

  • Speaker #1

    Oui, je pense que cette question est importante de se dire comment on flèche ces chèques.

  • Speaker #0

    Même les chèques alimentaires. Donc il y a des initiatives qui existent à Montpellier, en Gironde, etc. Il y a des choses qui commencent à émerger autour de ce sujet de droit universel à l'alimentation. Des chèques alimentaires, il y a des associations qui en donnent. Il y en a une étude dans un des magasins Biocop sur un bonus. C'est-à-dire que les gens peuvent le dépenser où ils veulent, leur chèque, mais il y a un abondement si les gens achètent en bio ou en local, chez certains distributeurs. Donc il y a énormément de... d'initiatives. Maintenant, il faut que le politique, collectivement, on s'en empare pour en faire quelque chose de politique. Il y a un vrai projet collectif qui, pour moi, est porteur de sens et d'optimisme. C'est-à-dire qu'on a beaucoup de sujets aujourd'hui qui sont anxiogènes. La guerre, les migrations, le climat, etc. Mais comment on sort de ça et comment on concilie ? Et l'alimentation est un nœud à cet endroit-là. Comment on concilie fin du monde, fin du mois ? En gros, l'alimentation est au cœur aussi de notre impact écologique. Et c'est normal qu'on ait de l'impact quand on consomme. Mais on pourrait régler les deux par ce biais-là, en tout cas de se reposer la question. De ce droit universel à l'alimentation, c'est un sujet qui est franchement passionnant, hyper intéressant, et ça doit partir de l'alimentation à mon avis, et pas du monde agricole, pas uniquement du monde agricole. C'est-à-dire, quand on aura décidé de ce qu'on veut, comment on veut vivre, et ce qu'on veut pour notre santé et notre bien-être, on déclinera, voilà. Après, l'alimentation... connaît en son sein les plus grands lobbies de la planète, la chimie, le sucre, l'agro-industrie. Donc il y a du travail et il faudra beaucoup de courage collectivement. Mais je pense que c'est une des réponses au changement de paradigme agricole, passer du productivisme à tourner vers l'alimentation. Donc arrêtez de parler de balance commerciale, mais on est bien nourri grâce au monde agricole et on est en bonne santé. Voilà, c'est un sujet central dans nos vies, à tous.

  • Speaker #1

    Oui, complètement. Et effectivement, cette question de l'accessibilité et du prix, du coup, elle nous a fait un petit peu divaguer vers ce nouveau modèle que je peux qualifier d'émergent, je pense, sur la sécurité sociale alimentaire. Donc c'est j'imagine aussi un deuxième point de ton futur désirable à toi, donc se reconnecter à l'alimentation et adresser cette question d'accessibilité qui est politique. Est-ce qu'il y a un autre point pour toi qui est assez fondamental, notamment peut-être pour la distribution ?

  • Speaker #0

    La distribution, je suis plutôt confiant dans le sens où si ces règles du jeu-là évoluent, par opportunisme, elles… Elles bougeront aussi. Je me posais la question du comportement d'un acteur comme Biocop, par exemple, qui porte des engagements très forts, et de se dire, si ça fonctionne, si on arrive à créer un droit universel avec, je ne sais pas moi, 50% ou 60% de l'alimentation qui est fléchée, quelle serait la raison d'être d'un réseau comme Biocop ? Ce serait un sujet intéressant. Donc je pense que ça rebattrait les cartes. J'ai aucun doute sur le fait que la grande distribution... changerait toute son offre et s'adapterait à ça, elle prendrait la carte vitale alimentaire sans aucun problème. Et c'est plutôt sa force de massifier, de s'adapter. Elle s'est très agile, on l'a vu pendant le Covid. La distribution alimentaire a été d'une efficacité redoutable. Les magasins sont restés ouverts. Donc c'est vraiment une grande force et je suis plutôt confiant là. Après, ça obligera le monde militant à se réinventer et à se dire, c'est quoi notre raison d'être demain ? Parfois, je me dis, tu réfléchis à ces sujets-là, mais en tant que biocop, tu es intéressé. Moi, je ne suis pas sûr que ce ne soit pas une menace pour un réseau comme Biocop, en termes économiques. C'est-à-dire, est-ce que Biocop, demain... Existerait encore s'il devait émerger un programme de droit universel à l'alimentation de cette ampleur-là. C'est un sujet intéressant. Mais les acteurs économiques s'adapteront et s'adaptent à la règle du jeu. Il y a peut-être des acteurs qui vont disparaître parce qu'ils s'adapteront mal, d'autres le créeront. Mais pour le coup, l'économie de marché a cette force-là et le capitalisme a cette force-là. C'est une force de... de s'accaparer les règles, de les digérer et de s'adapter. Donc ça, il faut conserver cette dynamique individuelle, privée, cet engagement privé, mais dans un cadre, dans des règles qui sont les mêmes pour tous et dans un cadre qui répond aux enjeux sociaux et écologiques. qui est adapté au monde de demain. Et là, aujourd'hui, sur l'alimentation, on n'y est pas du tout. On n'y est pas du tout. On réfléchit plutôt à arrêter les jachères, à supprimer les normes environnementales, plutôt que de se dire quelles normes on se donne ensemble en ayant les mêmes règles du jeu pour changer le modèle. Mais ça viendra. Moi, je reste confiant. C'est un réalisme qui peut sembler un peu pessimiste, mais je pense qu'on est dans cette phase-là, de résistance au changement et de déni. Mais... devra bouger.

  • Speaker #1

    Il y a peu de doutes. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Plutôt sera le mieux. Oui. Mais on devra bouger.

  • Speaker #1

    Je repense à tes différentes réponses. Il y a un sujet qu'on n'a pas abordé et qui est fondamental, c'est aussi le retour à une agriculture plus massive en France. On a besoin, dans ce nouveau système, de relocaliser beaucoup de production. Comment, toi, tu vois cette question-là ?

  • Speaker #0

    Déjà, il y a une question d'une culture vivrière. Alors moi je vis plutôt en monde rural, alors pour les citadins c'est un peu plus délicat, mais les gens font de plus en plus leur jardin, etc. Je pense quand même qu'il y a un enjeu à cet endroit-là, qui peut paraître anecdotique, mais dans la réappropriation de son alimentation c'est quand même intéressant, et il y a des questions d'agriculture urbaine, voilà, donc comment on se réapproprie ça ? Et ensuite, il y a quand même, oui, on a besoin de producteurs locaux. Il y a besoin de filières structurées. Il faut certainement mieux acheter une tomate en Italie plutôt qu'en Belgique.

  • Speaker #1

    Le temps est plus propice,

  • Speaker #0

    ça fait plus de sens. Je pense que l'impact écologique est quand même... moins élevés. Donc, on gardera des échanges internationaux, évidemment. Le local, c'est une variable mouvante. C'est quoi ? Une amende locale ? Du quinoa local ? Un amende locale ? Mais, par contre, on a besoin de... En tout cas, si l'objectif politique, c'est de préserver une gastronomie, un savoir-faire dynamique, 300 000 paysans, ce n'est pas suffisant. Évidemment, le nombre, la dynamique qu'il faut créer, mais il faut surtout qu'on arrive à ce que des paysans qui ont 3-4 hectares de maraîchage vivent de leur travail. Aujourd'hui, ce n'est pas facile. En tout cas, en dehors du bio, c'est quasiment impossible. Dans le bio, on arrive à un peu mieux valoriser parce que les consommateurs sont prêts à payer un petit peu plus cher parfois pour défendre ce modèle-là, même si les écarts de prix se réduisent quand même très fortement, et notamment sur les produits frais et bruts. Franchement, on est parfois moins cher que le conventionnel. Que ce soit sur des légumes ou de l'huile d'olive ou des pâtes. Oui, j'ai des dupes. J'ai un oeil dans les magasins bio.

  • Speaker #1

    J'ai des dupes, voilà.

  • Speaker #0

    Non, mais même pas que chez Biocop, mais dans les magasins bio en général. on a du mal à communiquer là-dessus, mais il faut casser un peu cette idée que ce serait forcément toujours plus cher.

  • Speaker #1

    Ok, très clair. Merci Pierrick pour tes nouveaux paradigmes de ce futur désirable, sauf si tu en as à rajouter.

  • Speaker #0

    Je pense qu'on a... Beaucoup de sujets faux.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai bien envie de conclure sur une note aussi positive. Donc, tu as été présidente Biocop. On parlait en début de cette interview de à quel point c'est engagé, engageant de fixer un cap et de continuer de le maintenir malgré les zones de turbulence. Dans les auditeurs, on a des dirigeants d'entreprises qui, je pense, vivent aussi ces choses-là à certains égards. Ce serait quoi, toi, le conseil que tu aurais aujourd'hui envie de donner à des dirigeants d'entreprises ? qui sont dans une logique de transformation de leur business et qui s'engagent dans des objectifs ambitieux.

  • Speaker #0

    Après, conseil, c'est toujours délicat. Je suis en train de me méditer. Je pense qu'il y a des gens qui nous écoutent qui sont certainement beaucoup plus capés que moi et qui pourraient dire aussi des choses très intéressantes. Mais il y a effectivement cette question de vision et de la stratégie qui en découle et ça peut être collectif. On n'est pas obligé de s'enfermer tout seul dans une salle devant son paperboard pour voir un petit peu faire sa stratégie. Et puis régulièrement, une fois qu'on a la stratégie... La boussole, c'est de se dire régulièrement est-ce que je suis toujours aligné.

  • Speaker #1

    Donc une boussole intérieure ?

  • Speaker #0

    Oui, intérieure et collective. Je pense que c'est intéressant si c'est posé avec les salariés. régulièrement. Alors, soit c'est un tableau de bord avec des grands indicateurs caliques, intimes. Ça peut être sur des méthodes assez classiques. Après, ça peut être aussi un peu idéologique, de se dire, est-ce que vous ressentez qu'on est toujours bien alignés ? Bon, voilà, prendre cette boussole-là. Je peux prendre un petit exemple. On a, donc, à Bionacelle, donc c'est la scope dans laquelle je travaille, on a eu l'arrivée d'un concurrent qui nous a beaucoup mobilisés. On a perdu 20% de notre chiffre d'affaires. pendant 3-4 mois. Et nous, on a dans notre stratégie défini le fait qu'on ne voulait pas aller en zone commerciale. On voulait rester dans les centres-villes. Donc nos trois magasins sont dans les centres-villes. Le quatrième le sera aussi. Et là, de manière assez épidermique, on s'est dit, oh là, le concurrent arrive, on va aller se mettre en face, en zone commerciale. Donc on a analysé le sujet, on a travaillé, on avait un local, etc. Puis à un moment donné, on a relevé la tête collectivement, on s'est associés, on a repris la boussole et on s'est dit non mais en fait... on va perdre notre âme. Donc, en fait, on a courbé un peu le dos. On s'est dit, on subit un petit peu. On n'est pas resté sans rien faire. On a fait du commerce. On a fait venir les gens. On a utilisé les méthodes. Et bien nous en a pris. Un mois après, on a trouvé un local tout aussi grand, 1000 mètres carrés, en centre-ville, avec du parking, etc. Un ancien super-U qui déménageait. Donc, on y arrive. Mais après, il faut avoir foi. Et la deuxième chose, parce que là, on est vachement sur les... beaucoup sur les idées, l'engagement, le sens, il y a quand même l'idée d'être pro. Et l'un n'empêche pas l'autre. C'est-à-dire que le militantisme n'empêche pas le commerce dans le cadre de l'OECOP, et le commerce n'empêche pas le militantisme. Et donc, peut-être se dire être pragmatique et agile. Alors après, c'est facile à dire, c'est des notions, on veut tous l'être, pragmatique et agile. Mais oui, puis tout le monde a envie de l'être. Mais voilà, s'entourer des compétences qu'on n'a pas. Et moi, je me suis toujours... Certains postes, mais je me suis toujours dit, j'embauche des gens qui pourraient prendre ma place.

  • Speaker #1

    D'accord, oui.

  • Speaker #0

    Après, c'est pas facile. Je sais bien que dans des grosses entreprises, même au sein de Biocop, c'est pas évident. Moi, j'ai connu des directeurs... qui disait non je prends pas d'adjoint parce que j'en ai pas besoin mais en fait au fond d'eux c'était mais un jour il pourrait me pousser dehors s'il est meilleur que moi et donc toi tu te disais moi je prends des gens qui peuvent me prendre aussi parce que je suis dans le scope mais de me dire il faut qu'il y ait des gérants en puissance il faut qu'il y ait des si on recrute après des gens qui nous font pas d'ombre à la fin on est seul. Alors là pour le coup, on finit seul, etc. Et je trouve que la légitimité, la crédibilité au poste, elle ne dépend pas uniquement de compétences techniques, mécaniques, elle est aussi justement dans cette capacité à laisser de la place, à faire grandir, etc. Après, voilà, les mécanismes intérieurs, c'est pas évident, la question du pouvoir, etc. Mais pour moi, en tout cas, oui, il y a une part d'ego, évidemment, et on en a tous. Puis je pense que quand on a des postes à responsabilité, il en faut un petit peu. Mais en tout cas, moi, je me suis souvent dit ça. Je me suis dit, mais... parfois ça tiraille, on se dit tiens, et on trouve toujours des bonnes raisons de ne pas prendre telle ou telle personne, et puis de se dire, mais est-ce que c'est toi qui parle ? Est-ce que c'est pour le bien de l'entreprise ou c'est pour te protéger toi ? Donc voilà, j'ai toujours essayé de garder ce cap-là, alors je ne dis pas que je n'ai peut-être pas toujours respecté, mais en tout cas... Mais voilà, ça fait des associés, ça fait des gens investis, et ça challenge aussi, ça nous bouge nous, comme quand on a des enfants qui grandissent, ils nous challengent en tant que parents. C'est un peu pareil dans les dynamiques d'entreprise pour moi.

  • Speaker #1

    Super. Écoute, je te propose de garder ces bons conseils en conclusion. Et écoute, je te remercie beaucoup pour ta participation au podcast et pour cette discussion très riche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, j'ai été ravi.

  • Speaker #1

    Génial, merci. C'est déjà la fin de cet épisode, merci d'avoir écouté jusqu'au bout. Vous trouverez toutes les références dans la description du podcast et sur le site de Steamshift. A très vite dans un prochain épisode.

Description

Dans ce nouvel épisode, je reçois Pierrick de Ronne, ancien président de BioCoop, actuelle dirigeant d’une Scoop de magasins en Ardèche, président de Natexbio et administrateur au mouvement impact France.

Avec Pierrick a parlé futur du système agroalimentaire.


On a commencé avec un peu d’histoire : quels ont été les grands jalons du développement de l’industrie agroalimentaire ? Comment est né « la bio » ce projet de société qui va au-delà des exigences techniques agricoles ?


On a bien évidemment parlé de BioCoop, son histoire, ses engagements et caractéristiques du modèle coopératif qui intègre producteurs, salariés, directeurs de magasins et consommateurs dans sa gouvernance.


Je voulais vraiment comprendre comment Pierrick voyait le futur du système :

La première étape est une réflexion collective : de quoi en tant que consommateurs, avons-nous vraiment envie ?

Un autre volet important c’est adresser la question du prix, pour permettre l'accessibilité aux consommateurs et la juste rémunération des producteurs : un sujet politique selon Pierrick.

Enfin, j’ai été touchée par le questionnement de Pierrick sur la pertinence de sa raison d’être quand les valeurs que l’on défend seraient désormais à l’échelle. Je la traduirai en une question : est-ce qu’un futur désirable n’est pas, tout simplement, de ne plus avoir le besoin d’exister ?


Je vous invite à écouter jusqu’au bout, car Pierrick partage quelques conseils qui le guident dans sa carrière.


C’est parti !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, dans ce nouvel épisode, je reçois Pierrick Derone, ancien président de Biocop, actuel dirigeant d'une SCOP de magasins en Ardèche, président de Natex Bio et administrateur au mouvement Impact France. Avec Pierrick, on a parlé du futur du système agroalimentaire. On a commencé avec un peu d'histoire. Quels ont été les grands jalons du développement de l'industrie agroalimentaire ? Comment est né la bio, ce projet de société qui va au-delà des exigences techniques agricoles ? On a bien évidemment parlé de Biocop, son histoire, ses engagements et caractéristiques du modèle coopératif qui intègre producteur, salarié, directeur de magasin et consommateur dans sa gouvernance. Je voulais vraiment comprendre comment Pierrick voyait le futur du système. La première étape selon lui, une réflexion collective. De quoi avons-nous envie ? En tant que consommateur. Un autre volet important, c'est adresser la question du prix, pour permettre une accessibilité aux consommateurs et une juste rémunération des producteurs. Un sujet politique, selon Pierrick. Enfin, j'ai été touchée par son questionnement sur la pertinence de sa raison d'être quand les valeurs que l'on défend seraient désormais passées à l'échelle. Je le traduirai en une question. Est-ce qu'un futur désirable n'est pas, tout simplement, de ne plus avoir le besoin d'exister ? Je vous invite vraiment à écouter cet épisode jusqu'au bout, car Pierrick partage en plus quelques conseils qui le guident aujourd'hui toujours dans sa carrière. C'est parti ! Bonjour Pierrick ! Bonjour ! Ravi de t'accueillir ici au micro de Dessine-moi un futur désirable, dans en plus un studio qui est tout neuf. Comme je te disais, on inaugure le matériel, donc très contente que ce soit avec toi. Je suis contente de t'avoir au micro pour parler d'un sujet hyper important qui est le futur du système agroalimentaire. Quand je dis système alimentaire, j'inclus de la fourche à la fourchette pour intégrer tous les acteurs qui travaillent dans cette industrie-là au cœur de notre discussion. J'avais envie de commencer en plantant les grands enjeux autour du système agroalimentaire. Pour ça, j'ai quelques chiffres à te partager et à partager à nos auditeurs. Le premier sujet pour moi autour du système agroalimentaire, c'est qu'on a un enjeu de santé. En fait, si on revient à la base, l'alimentation, c'est notre rapport énergétique du quotidien. On ingère à peu près 60 tonnes de produits tout au long de notre vie. Ça me paraissait assez énorme. On est sur un sujet de santé qui est très lié à notre bien-être. Un chiffre assez intéressant et surprenant, c'est qu'on a plus de 47% des adultes qui sont obèses ou en surpoids en France. J'étais extrêmement surprise de ce chiffre. Donc un gros enjeu de santé, également un gros enjeu environnemental. On sait que l'alimentation impose tout un tas de pressions, que ce soit sur le climat, la biodiversité, l'environnement, la pollution des sols, etc. Donc gros sujet. C'est quand même 22 à 23% de l'empreinte carbone individuelle, donc ce n'est pas négligeable. Et un chiffre aussi que je pense qu'on a maintenant bien en tête, c'est qu'on gaspille 30% de ce qu'on produit. Et quand on voit tous les impacts sur l'environnement, c'est un chiffre qui pose question en 2024. Et enfin, dernier gros enjeu, c'est un enjeu économique important. C'est plus d'1,4 million d'emplois en France pour une valeur économique d'à peu près 99 milliards d'euros, selon l'INSEE. Donc, un sujet planté avec des gros enjeux et notre objectif ensemble, ça va être de discuter des bases d'un système agroalimentaire plus durable, plus désirable. Et donc du coup, pour commencer, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, je te propose peut-être de te présenter tout simplement.

  • Speaker #1

    Oui, je suis ravi d'être là aussi. Je suis gérant d'une coopérative, d'une SCOP à Annonay, en Ardèche. On a trois magasins Biocop, bientôt quatre. On va rouvrir un autre magasin à Saint-Etienne. Et j'ai été président de Biocop et je suis toujours investi sur des sujets nationaux, notamment au mouvement Impact France. Donc, je suis aussi marié et père de quatre filles. C'est important, c'est ce qu'il y a de plus important. Et puis sur les enjeux, effectivement, il y a un enjeu aussi social. C'est important de se le dire. On a... On a même du mal à mesurer les gens qui n'ont pas accès à une alimentation. Déjà, basiquement, il y a énormément de gens qui font la queue. On parle de 8, 10, voire 12 millions de personnes qui vont à l'aide alimentaire. Donc, ça contrebalance entre l'obésité, le gâchis et des gens qui n'ont pas accès à une alimentation, et encore moins à une alimentation saine. Et c'est vrai que c'est un enjeu majeur pour l'avenir.

  • Speaker #0

    Oui, sur cet enjeu-là, effectivement, j'avais lu que 16% des Français ne mangeaient pas à leur faim. Avant de plonger peut-être dans le cœur de la discussion et de parler du système, est-ce que tu peux commencer par nous planter peut-être la grande sémantique autour du sujet, autour du bio ? C'est quoi concrètement le bio, si on la fait très simple ?

  • Speaker #1

    Très simplement, le bio, c'est d'abord un cahier des charges agronomique, qui est une reconnaissance européenne maintenant. Donc tous les pays européens... ont le même label bio, c'est les gros feuilles. Et il y a à la fois les producteurs qui respectent un cahier des charges, notamment la question des engrais et des pesticides chimiques, qui sont interdits. Et il y a aussi dans les transformateurs des additifs qui sont interdits, etc. Donc c'est une démarche agronomique. Et au-delà de ça, c'est aussi une démarche politique. Le bio est né de la rencontre entre des producteurs qui voulaient changer le modèle. très militants, qui voulaient changer le modèle agricole, et des consommateurs qui voulaient avoir une alimentation différente que celle qu'ils trouvaient dans les circuits classiques de distribution et produits par l'agriculture productiviste et intensive. Et cette rencontre a créé la bio et toute une chaîne de valeurs avec des producteurs bio évidemment, mais aussi des distributeurs, des réseaux de distribution spécialisés. engagé et un des consommateurs qui n'ont cessé de grandir.

  • Speaker #0

    Ok, effectivement, donc une démarche, aujourd'hui une démarche du coup européenne, donc ça veut dire, si je prends mes lunettes de consommateur, que si j'achète des courgettes bio d'Espagne, elles ont la même réglementation que celles de courgettes bio qui vont être produites en France.

  • Speaker #1

    Exactement. Là où il peut y avoir des différences, c'est sur ce qui n'est pas dans le cahier des charges. Et c'est un peu la difficulté qu'on a eue ces 30 dernières années, c'est qu'il y a eu une idéalisation du bio aussi. Il y a la question agronomique, mais dans le bio, il n'y a pas la question du commerce équitable, par exemple. Et donc, on peut trouver la bio espagnole dans la mer de plastique, dans le sud de l'Espagne, récoltée par des Marocains marocaines payés au lance-pierre. en travailleurs détachés. Donc ça, évidemment, il y a des réseaux comme Biocop qui se l'interdisent, mais ça se trouve en bio. Mais par contre, là, la tomate en tant que telle, elle est utilisée, c'est exactement le même cahier des charges que la tomate française.

  • Speaker #0

    Ok. Ah oui, juste peut-être, commerce équitable, comme on est dans la sémantique et dans les grands, on va dire, concepts, est-ce que tu peux le définir un petit peu plus ?

  • Speaker #1

    Le commerce équitable est d'abord né des produits... issus du sud de l'hémisphère sud, notamment en tout cas des pays en voie de développement, comme on disait à l'époque. C'est notamment la banane, le cacao, le café. L'idée, c'est globalement de payer un minimal écout de production, enfin en tout cas d'avoir un prix plancher sous lequel ne pas descendre et qui permet, souvent c'est des systèmes collectifs, plutôt des coopératives, aux producteurs, à travers leurs coopératives, de se nourrir déjà, de pouvoir mettre leurs enfants à l'école, etc. Et donc... Ça s'est développé au fil des années, notamment il y a un label qui est très connu qui s'appelle Max Avelard, mais il y en a plein d'autres, des labels qui reconnaissent le commerce équitable nord-sud. Et un des travaux de Biocop depuis 20 ans, c'est de développer un cahier des charges commerce équitable nord-nord ou en France, alors qu'il est un petit peu différent évidemment. On ne peut pas comparer des producteurs de France avec des producteurs des récoltants de bananes au fin fond de l'Afrique, mais l'état d'esprit est le même. Mais effectivement, c'est l'idée de parler de rémunération, de partage de la valeur et de sens au travail.

  • Speaker #0

    Ok, écoute, très clair pour ces grands termes qu'on va beaucoup utiliser tout au long de ce podcast. Et moi, j'aime bien parler un petit peu d'histoire aussi dans ce podcast, parce que je suis assez persuadée que pour comprendre le monde d'aujourd'hui, on doit un peu s'intéresser à celui d'hier. Et est-ce que tu pourrais nous partager peut-être les grands jalons sur ces 100, 150 dernières années ? Tu choisis l'échelle que tu veux, mais pour qu'on puisse se rendre compte de quelles ont été les grandes évolutions qui ont construit les modèles qu'on peut trouver aujourd'hui sur ce système agroalimentaire. À titre personnel, je me faisais une réflexion qui était... En fait, je me dis peut-être qu'il y a 150 ans, on était bio, Et en fait, on est sortis du bio, un peu comme les énergies renouvelables et les fossiles, et aujourd'hui on cherche à y revenir. Je ne sais pas si mon raisonnement est un peu hâtif ou pas, mais je me dis qu'il y a peut-être cette logique-là. J'étais curieuse d'avoir ton avis aussi sur ces grands jalons.

  • Speaker #1

    Ouais, alors je ne suis pas historien, etc. Mais moi, j'analyserais ça sur le biais de deux mouvements. Donc, il y a un premier mouvement qui est le mouvement du productivisme. Donc, effectivement, on a facilité la vie des producteurs, on a facilité la vie des consommateurs, donc les producteurs par la mécanisation, le remembrement. Il y a eu énormément de choses qui ont été faites. Et ça a démarré après-guerre, avec une logique de nourrir. de nourrir tout le monde par le volume.

  • Speaker #0

    Après la première,

  • Speaker #1

    deuxième ? Après la deuxième guerre mondiale. Après les guerres, nous ont aidé à tester la chimie. Et donc, effectivement, Bayer et compagnie sont nés. Après les guerres, on s'est dit, qu'est-ce qu'on va faire de toute cette chimie qu'on ne peut plus utiliser dans se détruire mutuellement, dans la destruction mutuelle ? On l'a mise dans les champs et effectivement, ça a fonctionné. Et ça fonctionne, il y a une forme d'efficacité. On s'est mis à produire plus, à nourrir. à nourrir les gens. Et donc, on est rentré dans cette logique productiviste. On est passé d'une logique très agriculture pour soi, avec beaucoup, beaucoup de paysans. 4, 5 millions de paysans. Aujourd'hui, il y a 300 000 paysans en France. Voilà, on a beaucoup réduit le monde agricole, mais il y a eu plein de bons côtés. Aussi, je veux dire, pour ne pas jeter le bébé avec le dube, ça a été aussi des avancées.

  • Speaker #0

    Et si je ne me trompe pas, c'était une période aussi où les gens avaient particulièrement faim, en sortant de la guerre, avec des tickets de rationnement, etc.

  • Speaker #1

    On oublie que ça a duré longtemps, jusqu'au milieu des années 50, les tickets de rationnement. Donc il y avait des pénuries. Mais comme on a demandé aux mineurs de se surpasser, de se dépasser pour chauffer la France, on a demandé au monde agricole de se transformer, de se transcender pour nourrir la France et le monde. Et on a encore... Ce discours-là aujourd'hui, quand on entend les dirigeants de la FNSEA, ils disent mais nous, le pacte, c'est nourrir le monde Et voilà, donc on sent que le paradigme n'a pas évolué depuis, mais en tout cas, il y a eu ce mouvement-là de produire plus. C'était nécessaire. Et ensuite, il y a eu un autre mouvement, et qu'on peut voir avec l'énergie, ou notre rapport à l'animal, par exemple, c'est une dissociation de l'agriculture et de l'alimentation. ou du monde animal et de l'alimentation. Donc on parle du monde agricole, mais l'alimentation, aujourd'hui, on sait moins comment fonctionne le vivant.

  • Speaker #0

    Il y a une perte de connaissance en fait ?

  • Speaker #1

    Il y a une perte de conscience. Comment c'est arrivé dans notre assiette et que ce qu'on mange est connecté à un modèle agricole, à un modèle de distribution, à du social. Voilà, on a beaucoup de paysans qui se suicident régulièrement et c'est très criant sur l'abattage des bêtes. Par exemple, on a mis les abattoirs le plus loin possible des villes et on a aujourd'hui des gens, par exemple, qui ne... qui vont se dire je suis végétarien mais qui vont continuer à boire du lait de vache ou à pouvoir manger du fromage de chèvre. Mais pour avoir du lait de vache, il faut tuer les veaux. Et donc, qu'est-ce qu'on fait des veaux ? En fait, ce cycle agricole et alimentaire, il n'est plus du tout compris. Du coup, on rentre dans des logiques plutôt idéologiques et donc un peu d'affrontement. C'est-à-dire qu'on dit le monde agricole pollue Ah oui, mais nous, on veut du bio, mais en même temps, on veut manger moins de viande, mais en même temps, il n'y a pas d'agriculture sans élevage. Donc du coup, s'installe de plus en plus un dialogue de sourds. Il faut arriver à le dépasser, ce n'est pas évident, mais remettre du sens dans tout ça.

  • Speaker #0

    Et justement, ce dialogue que tu qualifies de sourds, depuis quand est-ce qu'il a commencé à prendre de l'ampleur par rapport justement au développement ? Quand tu disais au début, le bio est né avec une volonté plutôt militante, ça se passe à quel moment de l'histoire ?

  • Speaker #1

    On est à peu près à la naissance du bio, c'est dans les années 70-80, c'est-à-dire l'apogée de la grande distribution, où les gens vont en voiture sur des parkings faire toutes leurs courses au même endroit. Évidemment, on se déconnecte de produits transformés, sous plastique, tout ça s'est amplifié. Et je pense que le mouvement de la bio est aussi né de ça, de se dire mais on ne doit pas se déconnecter en fait, les consommateurs et les producteurs doivent être en contact et construire ensemble le modèle qu'ils veulent défendre. Donc on reste sur un modèle, enfin voilà, c'est pas du tout le modèle dominant aujourd'hui, mais on sent que ça tiraille à cet endroit-là, c'est-à-dire comment on remet en question le modèle productiviste, aller vers le moins mais mieux, donc c'est facile à dire, mais il y a des gens qui n'ont pas, il y en a qui ont trop, ceux qui ont trop sont frustrés, ceux qui ont... une démarche pour inverser ce paradigme-là, et ensuite comment on recrée du lien, on pourra parler du modèle coopératif, mais comment on recrée du lien entre le monde agricole, la distribution, les consommateurs, et de se dire, quand je mange, je crée la société, à travers mon alimentation, il y a ma santé, il y a moi, mon bien-être, mais il y a aussi dans quel monde je veux vivre. Et voilà, est-ce qu'on peut être heureux dans un monde où les paysans ne vivent pas de leur travail, où d'autres ont faim, où ils n'arrivent pas à se chauffer ? Ce sont des sujets qui sont centraux. On le voit aussi dans le monde politique, ça se polarise, ça s'affronte. Et on a du mal à construire du commun. En tout cas, c'est de plus en plus délicat.

  • Speaker #0

    Et donc j'imagine, ça me fait une bonne transition pour ma prochaine question, que cette construction de commun, c'est au cœur de ce que tu fais chez Biocop au quotidien. Est-ce que tu peux peut-être nous parler de Biocop concrètement, pour les auditeurs qui ne connaissent pas du tout, c'est quoi, ça fonctionne comment, c'est pour qui ?

  • Speaker #1

    Biocop est né de ces rencontres-là. Ce sont d'abord des coopératives de consommateurs, des associations de consommateurs qui se sont montées avec des producteurs dans les années 80. Ensuite, ça a été une association, puis ça s'est structuré en réseau. Et aujourd'hui, on a gardé une logique multi-acteurs au niveau global. Il y a des magasins qui vivent leur vie sur leur territoire et qui ont des liens avec des producteurs locaux, avec des consommateurs qui construisent toute une dynamique de territoire, d'engagement local. Et ils possèdent la coopérative. Un magasin une voix, un groupement de producteurs une voix. Et dans la coopérative sont représentés les magasins, les producteurs, mais aussi des salariés et des consommateurs. Et l'idée, très basiquement, c'est de dépasser les intérêts court terme qui sont divergents. Sur des questions de prix, par exemple, c'est assez mécanique, mais le consommateur ne veut payer pas cher. Le producteur, il veut payer cher, il veut être payé plus cher. Et donc, comment on trouve le prix juste ? Moi, je pense que ce modèle coopératif doit nous aider, par le dialogue et la compréhension réciproque, à construire cette notion de prix juste pour développer aussi une stratégie, construire l'avenir, les sujets autour de la possession du vivant, les soins pour les paysannes, la question de l'eau, la question du climat aujourd'hui. Aujourd'hui, la question du bio, c'est presque du passé pour Biocop. Il faut construire une démarche d'avenir qui va bien au-delà du bio. Et donc, est-ce qu'on se passe de certains produits ? Et donc, le modèle coopératif, le fait de se mettre autour de la table et de dialoguer, parfois de manière rugueuse, ça permet de dépasser ça et on n'est pas dans des boxes de négociations. une fois par an pour s'affronter. On est plus dans les logiques de coopération.

  • Speaker #0

    Et je trouve ce point vraiment hyper intéressant de dépasser les enjeux court terme pour construire ensemble le long terme. Dans ce que tu dis, j'ai l'impression que c'est peut-être les valeurs qui vous rassemblent et vous permettent d'élever, on peut dire, le débat sur du long terme. Est-ce que c'est ça qui fait la force du modèle coopératif ou est-ce que selon toi, il y a d'autres choses, peut-être dans votre manière de discuter, je ne sais pas, d'animer toutes ces sessions-là, Qu'est-ce qui fait que selon toi ça marche et que vous arrivez à construire sur le long terme ?

  • Speaker #1

    C'est cette idée-là. Après je pense qu'il y a un sujet, alors après là ce sera peut-être moins partagé par certains collègues, mais pour moi... la question de la vision, de l'engagement commun et du sens qu'on met, quelle que soit l'entreprise, que ce soit à Biocop ou dans la Scop, à laquelle je suis gérant, c'est de se dire, il faut se donner un objectif, développer la bio, réduire la pauvreté, je n'en sais rien, donner un objectif d'entreprise, et de se dire que si on en déroge, ce n'est pas grave si on disparaît. C'est-à-dire qu'à un moment donné, c'est de se dire, là on a traversé une crise du bio, en tout cas il y a eu une baisse de la demande de manière assez importante. Tout l'enjeu c'est de ne pas sacrifier cet idéal-là, et d'accepter que si les gens ne viennent plus, s'ils préfèrent aller chez Lidl ou Leclerc, dont acte, mais est-ce que nous on doit s'adapter et se dire, c'est pas grave, là ça marche moins bien, donc on va utiliser des méthodes d'autres, ou se donner d'autres objectifs connexes, ou éroder légèrement le projet sur tel ou tel sujet. Moi j'ai plutôt la conviction un peu de se dire, bah non, en fait, et c'est pas grave. Si on se réduit un petit peu, si on vend un peu moins, on reconstruit avec ceux qui sont là et on continue à avancer, progresser. Et ne pas déroger à l'engagement qu'on s'est donné. Donc nous, c'est de développer une bio équitable. Parce qu'on aurait pu se dire, bon ben... La question c'est le prix, donc c'est pas très grave, on va vendre des bananes non équitables. Bon ben on gagnera 10 centimes, les consommateurs seront entre guillemets contents, j'en suis pas sûr. Ou de faire beaucoup de promotions. Aujourd'hui chez Biocop on fait à peu près 4% de notre chiffre d'affaires en promo. La grande distribution c'est 25 à 30%. Oui. Tout leur modèle est basé sur l'achat impulsif. Nous on veut pas rentrer là-dedans, mais on aurait pu aussi se dire, tiens on passe à 10. il y aurait une satisfaction, mais après c'est de la drogue dure. Tout le modèle est basé là-dessus, les gens viennent chercher de la promo et on n'en sort plus. Mais ce n'est pas facile, parce qu'évidemment on est tiraillé, en interne il y en a qui voudraient, il y en a d'autres qui ne veulent pas, etc. Donc ça amène beaucoup de débats et de discussions, encore plus dans des temps de turbulence. Mais le sujet c'est tenir la barre.

  • Speaker #0

    Oui, fixer son cap, la voile et le garder quand ça secoue. Merci pour ce partage, c'est hyper intéressant et j'imagine que ça résonnera avec aussi pas mal d'autres industries qui peuvent être en zone de turbulence en ce moment. Est-ce qu'en quelques chiffres clés, tu peux nous dire aussi, juste Biocop aujourd'hui, ça pèse combien parmi le panorama de la distribution en France ?

  • Speaker #1

    Il y a 740 magasins, on est à 0,8% du... de l'achat alimentaire en France, donc on est assez petit, mais on pèse, je crois, à peu près 21% du chiffre d'affaires du vrac, des ventes de vrac en France, tout confondu, bio, non bio. et 20% du commerce équitable en France aussi. Donc en fait, en ayant pris des engagements, ce cap-là fort, en étant tout petit, on pèse presque un cinquième du vrac et du commerce équitable en France. On a beaucoup de mal à le dire, à le faire savoir. Les gens imaginent que c'est que bio, mais évidemment qu'il y a beaucoup plus que ça. Et que, voilà, on peut aussi peser au-delà de sa part de marché. quand on a des engagements forts. Après, c'est à la fois une réussite pour Biocop, c'est agréable, mais c'est aussi un échec collectif parce que je me dis, mince, si nous on pèse 20% du vrac et 20% du commerce équitable, que font les autres ? On devrait être tout petit, on devrait être à 1%.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une victoire et ça n'en est pas une, je comprends.

  • Speaker #1

    Il ne faut pas qu'on reste leader trop longtemps. L'idéal, ce serait qu'on ne soit pas leader trop longtemps sur ces sujets-là et qu'on en trouve d'autres. pour rester à moteur sur des grands changements, et que cela, ça rentre dans le domaine courant et dans le domaine public. Mais bon, on n'y est pas encore. On a encore un peu de marge.

  • Speaker #0

    Oui, je comprends. Et justement, dans le système agroalimentaire français, il y a aussi, en tout cas de mon point de vue de consommatrice, je reprends mes lunettes de consommatrice, j'ai l'impression qu'on a eu un moment où on a eu une explosion de magasins bio, on a eu des Naturalia, des Bio C'est Bon, etc. Est-ce que ça... Pour Biocop, ça a été aussi positif de voir qu'il y avait pas mal d'acteurs qui se mettaient sur cette verticale-là pour continuer de le démocratiser, etc. Comment toi tu perçois le fait que la grande distribution adopte ces codes-là ?

  • Speaker #1

    Il y a un côté positif évidemment, parce que nous l'objectif c'est de développer le bio. Enfin nous, notre objectif c'est que demain 100% de l'agriculture soit bio. Ce serait l'idéal. L'objectif de Biocop ? Oui, c'est l'objectif de Biocop dans un certain sens. Après, nous, on se développe aussi pour nous-mêmes, mais en tout cas, secrètement, on rêverait de ça. Je pense que c'est un vœu pieux. C'est comme si on imaginait que toutes les entreprises seraient coopératives. Ce n'est pas possible. Mais en tout cas, de se dire qu'on veut changer le modèle agricole, et évidemment qu'on ne le fera pas tout seul. Après, la complexité, c'est que... En tout cas, le sujet, c'est est-ce que... le bio ou la bio, tel qu'on l'imagine, est soluble dans le productivisme et dans le modèle écologique. qui est promu aujourd'hui sur l'agro-industrie et notamment la distribution. On le voit bien, la grande distribution n'a qu'une logique opportuniste. En gros, c'est la demande qui décide. Moi, tant que le consommateur en veut, je vends. S'il n'en veut plus, je ne vends plus. Et là, c'est ce qui se passe. Il y a une rétractation de l'offre bio. Il y a un retrait de la grande distribution. Et là, c'est difficile de construire sur du long terme. Parce que se convertir au bio, c'est 3 à 5 ans. Construire des filières, c'est 10 à 15 ans. Donc évidemment, on a besoin d'acteurs qui s'engagent, de consommateurs qui s'engagent, mais aussi des acteurs intermédiaires qui s'engagent pour s'engager dans la transition. Et là, on se sent un peu seul. Pour le coup, on se sent un peu seul. C'est-à-dire qu'il y a très peu de structures et de réseaux qui construisent vraiment une dynamique de transition en mettant des moyens importants, relativement. Et donc là, moi, on ne va pas au bout du geste. Donc voilà, j'en appellerais à la grande distribution de faire la même chose. Voilà, vous êtes aussi prescripteur de produits. Et là, la distribution a beaucoup évolué là-dessus. Il y a 60-70 ans, c'était derrière un comptoir. On venait, on disait on veut du lait, on allait chercher du lait. Et il y a eu la révolution de la distribution, ça a été dire, en gros, on va ouvrir nos hangars. Les supermarchés, on ouvre nos hangars et les gens choisissent, etc. Ils passent en caisse et on réduit les intermédiaires pour baisser les prix. Mais du coup, on a perdu cette logique prescriptrice. Il y a encore un monoprix et un côté prescripteur.

  • Speaker #0

    Comment tu le sens ce côté prescripteur chez un distributeur concrètement ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'ils offrent ? Aujourd'hui, le clair off du prix, j'en ai les moins chers.

  • Speaker #0

    Position de valeur.

  • Speaker #1

    Voilà. Oui, et d'engagement. Chez Biocop, on est prescripteur. Moi, je pense qu'on pourra bien le qualifier quand un grand distributeur dira demain, je m'interdis de vous vendre ça. Monoprix le fait. Sur certains produits, ils avancent. Notamment, je crois qu'ils ont arrêté les oeufs de... Il y a un petit moment déjà, mais les oeufs de catégorie 3, les oeufs de batterie, donc ils ont pris des engagements comme ça, ils avancent, mais on en est très loin dans les autres réseaux de distribution, c'est de dire il en faut pour tout le monde, nous on s'offre. Distribuer des produits, c'est politique. aussi. Si on laisse le choix seulement aux consommateurs, on voit où ça nous mène aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Il y a un point sur lequel je veux rebondir, tu disais de pouvoir accompagner, mais concrètement on parle de quel accompagnement de la part du distributeur ? Est-ce que c'est s'engager sur des volumes de prix ? Est-ce que c'est des prestations de conseils pour les accompagner ? Est-ce que tu peux un petit peu clarifier qu'est-ce que ça veut dire que d'accompagner une filière ? Notamment pour le bio.

  • Speaker #1

    On a construit une filière. Par exemple, nous, on s'est dit qu'on allait arrêter de vendre des avocats d'Amérique du Sud.

  • Speaker #0

    Oui, ok.

  • Speaker #1

    On a une forme de relocalisation. C'est compliqué à regarder. Il y a des fraudes. C'est assez mafieux, le monde de l'avocat. Mais on l'a recentré au niveau européen, notamment en Espagne. Et on s'est dit qu'il faut qu'on développe des filières européennes. En Sicile, notamment. Ça pousse un peu en Corse. On a commencé. Donc là, il faut aller voir des producteurs et leur dire, ça ne vous dirait pas de produire des avocats ? Mais le risque est énorme. C'est-à-dire qu'ils vont dire, moi pendant 3 à 5 ans, je ne vais rien avoir. Je ne connais pas exactement l'avocat, mais parfois il y a des productions où il faut 5 ans avant d'avoir quelque chose à vendre. Et pendant 5 ans, son champ est pris par l'arbre ou par le végétal. Et donc, il faut s'engager. Et dire, sur du temps long, mais pas mettre en concurrence quasiment à la commande. C'est ce qui se passe en grande distribution. C'est dire, cette semaine, je ne vais pas te prendre tes courgettes parce que j'ai du hollandais qui arrive et c'est deux fois moins cher. Il faut sortir de cette logique-là. Et là, c'est aussi une relation de confiance. C'est pas tout contractualiser, mais c'est de se dire, avec ce distributeur-là, je sais que dans 5 ans, 10 ans, ils seront toujours sur les mêmes engagements, les mêmes valeurs et ils me prendront mes produits.

  • Speaker #0

    Oui, donc on est toujours sur le temps long, en fait. Revenir sur un accompagnement et une présence sur le temps long. Il y a un autre sujet dont j'avais envie de parler, peut-être pour les auditeurs qui ne connaissent pas du tout le monde agricole. Ça veut dire quoi concrètement pour un agriculteur de passer d'un modèle conventionnel à un modèle bio ? Ça représente quoi en termes de coûts, de changements de pratiques ? J'aimerais bien qu'on arrive à mesurer un peu ce que ça veut dire concrètement.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas évident à mesurer dans le sens où ça dépend de la production. Et il y a quand même un grand cheminement personnel, c'est-à-dire que ça demande beaucoup de volonté. En tout cas, c'est pour ça qu'il y a une prime à la conversion, c'est que mécaniquement déjà, il y a 3 à 5 ans de conversion, c'est-à-dire qu'ils passent au bio et ils ne peuvent le vendre et le valoriser en bio qu'au bout de 3 ans.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai vu certains labels qui disaient agriculteurs en conversion.

  • Speaker #1

    En conversion, il y a des soutiens. Nous, c'est pareil, on paye au prix du bio à partir de la deuxième année de conversion. Ok. dans les magasins. Donc on trouve des démarches d'accompagnement complémentaires, mais là on est sur, effectivement, globalement, souvent, une baisse de rendement.

  • Speaker #0

    assez forte et l'acquisition ou la réacquisition d'un savoir-faire différent. On n'est plus sur des recettes d'engrais et de pesticides à mettre, mais sur de la cohabitation de plantes, voire animaux végétaux, etc. Donc il y a tout un savoir-faire à récupérer qui passe souvent par les collègues aux alentours, qui donnent un coup de main, qui aident. Et il y a des expériences formidables. C'est un monde très innovant, le monde agricole bio, avec... sans cesse des recherches d'amélioration et la productivité revient. Alors ça dépend des productions, il y en a où on est encore en dessous, mais il y a aujourd'hui des filières qui sont plus productives en bio qu'en conventionnel. Ça commence à se voir parce que les pesticides fonctionnent de moins en moins bien. Il y a beaucoup de résistance. Tuer la terre, ça n'aide pas. C'est presque hors sol pour certaines productions aujourd'hui, ça ne fonctionne qu'avec les engrais qu'on met. On a un peu détruit, enfin pas qu'un peu, on a détruit une grande partie de nos sols. Et donc c'est tout ça qu'il faut remettre du vivant, que les lombriques reviennent, etc. Ça prend du temps. Et là aujourd'hui c'est essentiellement supporté par le paysan. Donc c'est un... un vrai chemin personnel et un engagement très fort.

  • Speaker #1

    L'autre sujet dont j'avais envie de discuter avec toi, c'est la construction de ce système agricole et alimentaire durable et soutenable. Comment est-ce qu'on fait pour passer à l'échelle ces pratiques plus durables ? Alors déjà, est-ce que le futur de ce modèle est du bio ? Je ne sais pas, je te pose la question. Et ensuite, c'est quoi les nouveaux paradigmes qu'on pourrait avoir ?

  • Speaker #0

    Le paradigme global, en tout cas, c'est de passer de cette logique... mondialisé, productiviste, à une logique de proximité, de moins mais mieux, etc. Après, il y a plusieurs difficultés. Déjà, c'est de casser le modèle actuel. Pas simple parce qu'on gaspille 30% de la nourriture. Il y a à peu près 30% de la nourriture qui est aussi utilisée pour nourrir les bêtes et maintenant pour fabriquer de l'énergie, etc. Globalement, au final, on consomme assez peu de ce qu'on produit. Donc on a des leviers d'action. sortir d'une alimentation de viande très industrialisée, mondialisée, avec du soja brésilien, des forêts, etc. Et remettre aussi des paysans, en fait, revaloriser le rôle de paysan. On l'a vu récemment par la crise du monde agricole, mais bon, en fait, la crise existe depuis très longtemps, parce que ce modèle est à bout de souffle.

  • Speaker #1

    Oui, donc pour toi, cette crise, elle est synonyme d'un modèle qui s'épuise ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, oui, on va dans le mur, là ! Tout le monde le sait, je pense que même la FNSEA le sait au fond d'elle-même, elle sait très bien que ce système-là va dans le mur, il n'y a pas de proposition majeure quand des gens, on leur demande d'investir, de produire toujours plus pour gagner 300 euros par mois, et juste pour survivre et garder la tête hors de l'eau, on ne peut pas dire que le modèle fonctionne. Après, ça pose d'autres questions, c'est-à-dire... Comment on protège ? Et ça, on peut faire le parallèle avec d'autres industries ou d'autres secteurs d'activité, comme le textile ou autre. On est aujourd'hui dans la primovis. C'est-à-dire qu'un distributeur gagnera peut-être beaucoup plus d'argent à importer du raisin d'Afrique du Sud en hiver que de construire des filières avec, d'acheter du raisin français à un autre moment qui sera beaucoup plus cher. et donc il faut sortir de cette logique là et donc il faut de la norme collective enfin voilà il faut protéger le marché et c'était des revendications du monde agricole c'est à dire nous on nous demande de faire des choses et il y a des produits qui rentrent qui utilisent des choses qu'on n'a pas le droit d'utiliser ouais les règles du jeu sont plus les mêmes pour tout le monde en fait là ce qui se passe c'est qu'on est plutôt parti dans une autre ça a été utilisé justement par l'agro-industrie pour euh Pour sortir des normes environnementales, etc., là, on a les objectifs en bio et les objectifs de légumineuse, par la loi, viennent juste d'être sortis du code rural. C'est-à-dire qu'il n'y a plus du tout d'objectifs de surface en bio, ni de surface de légumineuse à cultiver.

  • Speaker #1

    C'est quoi le code rural ?

  • Speaker #0

    C'est ce qui régit, c'est comme le code civil pour le fonctionnement collectif en société. Le code rural, c'est la base des objectifs, des fonctionnements du monde rural et du monde paysan. qui a donc été inscrit dans l'introduction, un objectif de surface en bio. Bon, ça a été supprimé, et c'est plus que symbolique, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans les textes et dans la loi, il n'y a plus d'objectif. Donc il n'y a plus besoin de stratégie du coup, il n'y a plus besoin de planification et d'engagement. Donc je pense que c'est une résistance à cette transition qu'on appelle nous de nos voeux, mais globalement, moi je suis assez pessimiste pour le monde agricole conventionnel. En fait, si je devais le tourner autrement, moi, ce qui m'embête, c'est que politiquement, il n'y a pas de courage. Quand je dis politiquement, ce n'est pas que les hommes politiques ou les femmes politiques, c'est aussi les représentants, etc. On fait croire qu'on peut préserver le petit éleveur laitier avec ses 30 vaches. Et en même temps... Avoir des traités avec le Canada, la Nouvelle-Zélande pour échanger nos voitures et notre champagne contre leurs produits laitiers.

  • Speaker #1

    Donc il y a un souci de cohérence en fait ?

  • Speaker #0

    À un moment donné, on ne peut pas avoir autant de fromage, autant de terroir, ça se protège aussi. Et là, on fait croire qu'on protège le terroir en mondialisant et en faisant de la nourriture et des échanges de produits agricoles, en mettant au même endroit les échanges agricoles que l'échange industriel, de voitures ou autre. Le bien agricole, il est traité de la même manière, alors qu'il devrait être sanctuarisé. Ce n'est pas un bien comme les autres, c'est comme la santé, les médicaments. Et donc, il y a une forme de schizophrénie. Et pour protéger le terroir, notre savoir-faire, notre gastronomie, notre alimentation, il y a évidemment à protéger, comme on a fait l'exception culturelle en France, en disant il faut 40% de musique française à la radio. Ça a aidé forcément. Alors au début, les gens disent oui, des quotas. Mais là, c'est pareil. Et donc, pour l'instant, c'est aux mains du privé. Et donc, Leclerc, ils disent que c'est le prix. Donc le sujet n'est pas... Nous, on dit, ben non, on veut développer des filières françaises, s'engager sur des filières locales. Ça demande beaucoup d'énergie et je pense qu'il y a vraiment à travailler en ce sens plutôt que de se dire, on dérégule, on continue à déréguler et on supprime en gros tout ce qui nous empêche de produire beaucoup, beaucoup.

  • Speaker #1

    Ok, merci pour effectivement ce décryptage de la crise agricole. Donc là, tu nous as partagé pas mal de difficultés et de tensions qu'on pouvait avoir. L'objectif de ce podcast, c'est aussi de parler de futur désirable et de qu'est-ce qu'on aurait envie de construire. Et pour ça, moi, j'aime bien qu'on reparte un peu, pas de la page blanche, mais qu'on s'autorise à vraiment casser des choses. Merci. et qu'on s'autorise un peu à réinventer tout en faisant feu de tout bois. Je me dis que c'est une réflexion qui est intéressante à mener, donc je te propose de la faire. Toi, concrètement, si tu avais les mains pour construire, comme fait le petit prince sur ces planètes, un nouveau modèle, qu'est-ce que tu aurais envie de faire ? Et ce serait quoi, selon toi, les paradigmes de ce système alimentaire, en se donnant quand même pour mission de réussir à nourrir la planète et de protéger l'environnement, bien évidemment ?

  • Speaker #0

    Pour moi, il y a déjà un sujet de réappropriation de l'alimentation par les gens, par nous. Déjà, de se reconnecter à notre alimentation. Donc, qu'est-ce qu'on souhaite ?

  • Speaker #1

    Donc, de poser la question.

  • Speaker #0

    Rien que ça. Et je pense qu'on devrait le faire pour l'avenir dans des sujets de... C'est quoi une alimentation durable ? C'est quoi une alimentation... qui amène de la santé, du bien-être économique, du bien-être pour tous, ce serait important de se poser cette question-là. Parce qu'en gros, c'est une demande de 86%, je crois que c'est 86% des Français qui disent nous, on veut bien manger On veut manger de manière durable et effectivement, on veut que les paysans vivent de leur travail et qu'on ne pollue pas la planète. Évidemment, personne ne veut polluer la planète, tout le monde. Mais concrètement, comment on fait ? Donc, partir de ça, et on est tous consommateurs, on mange tous. Bien sûr,

  • Speaker #1

    trois fois par jour.

  • Speaker #0

    Bien oui. Et donc ça veut dire quoi ? Et ensuite sur cette base là en fait on parle de l'alimentation pour construire le modèle de distribution et le modèle agricole Est-ce qu'on veut que du local ? Mais dans ce cas-là, il faut aimer le chou et la betterave et le verre et la courge. Est-ce qu'on veut de l'import ? Dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on fait des bananes, des fruits exotiques ? Est-ce qu'on veut 100% bio ? Est-ce qu'on se dit non, il faut végétaliser nos assiettes ? Qu'est-ce qu'on fait de la viande ?

  • Speaker #1

    Et toi, tu aurais envie de quoi typiquement sur ces questions ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense qu'il faut un peu de tout. Alors le bio, évidemment, je ne vais pas vous dire que... Je ne peux pas dire à nos auditeurs que le bio, non. Mais en tout cas, il y a plusieurs manières de voir aussi l'alimentation. Un repas équilibré, ça peut être aussi important que le bio, s'il y a des étapes à passer, etc. Mais en tout cas, on doit sélectionner notre alimentation, aller vers moins de sucre, moins de gras. On peut manger très sucré, très gras en bio aussi. Il y a énormément de sujets. Est-ce que c'est des forums locaux avec des consommateurs pour réinventer notre alimentation, la reconnecter ? Je pense qu'on peut manger de la viande. On peut manger de la viande. Mais quel type de viande, quel type d'élevage ? C'est sûr que si c'est un animal qui a été au prêt et qui n'est pas nourri au soja ou tourteau de soja toute l'année enfermé, ce n'est pas le même impact environnemental, évidemment. Et donc, du coup, derrière, on construit les choses. Après, il y a le sujet du coût global ou de l'engagement global ou de l'investissement global. Plus qu'un coût, c'est un investissement collectif. Et là, la question se pose sur l'accessibilité sociale. C'est-à-dire si demain, j'imagine ou en tout cas j'ose espérer que les gens vont dire moi je veux, évidemment, je veux manger équilibré, des légumes, du bio, du local. Bon, ben oui, ça a un prix. Et aujourd'hui, on est passé à 12% de notre budget des ménages qui est mis dans l'alimentation. C'était 25% il y a... Il y a une trentaine, 30 à 40.

  • Speaker #1

    Ah oui, ça a été divisé par deux.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est la variable d'ajustement des dépenses contraintes. Par contre, l'habitat, l'énergie, ça a explosé dans le budget des ménages. Souvent, on prend le parallèle avec le numérique, les téléphones, etc. Moi, j'ai un peu de mal avec ça parce que... On a aussi le droit d'être connecté. Mais par contre, les dépenses contraintes ont eu un impact très important. Et évidemment, la seule variable d'ajustement, ça peut être le numérique et les abonnements. Mais c'est aussi l'alimentation. On se serre un peu la ceinture, on mange des pâtes plutôt que des légumes.

  • Speaker #1

    J'ai juste envie de faire un petit aparté sur cette question, parce que je trouve qu'elle est assez intéressante sur la question du bio, parce que le prix, ça reste quand même l'accessibilité et le fait de pouvoir y avoir accès. Mais j'ai l'impression que derrière, il y a un peu l'idée, je crois que tu en as un petit peu parlé au début, du juste prix. Comment on fait pour déterminer le juste prix ? Tu disais, Leclerc vend un prix, donc on peut se dire que c'est un prix qui n'est peut-être pas à la hauteur de ce que vaut le kilo de raisin dont tu parlais tout à l'heure, par exemple. Comment est-ce qu'on détermine ce juste prix, en prenant aussi en compte les capacités des Françaises et des Français de pouvoir payer tel montant d'argent pour leur alimentation ?

  • Speaker #0

    La question de la capacité, on pourra y revenir, mais déjà de comprendre ce qu'il y a derrière un prix. Il faut payer le distributeur, il faut payer le producteur, parfois le transformateur, même souvent. Et donc, derrière le prix, il y a tout un modèle. Et je pense que ça, ça fait partie des sujets de prise de conscience que, je ne sais pas moi, du cochon à 5-6 euros le kilo, ça n'existe pas en fait. Ce n'est pas possible.

  • Speaker #1

    Donc c'est quoi ? C'est subventionné à la fin ?

  • Speaker #0

    C'est subventionné par l'Europe, la PAC, etc. Il y a une externalisation des coûts. Donc la pollution, elle est payée par nos impôts. Donc en fait, on ne garde que en dehors de la subvention et des externalités négatives, on garde un prix. Et après, on est sur des sujets d'équilibre matière, de contraction. Et donc, on a ça il faut qu'on en ait tous conscience c'est de se dire que ça peut pas fonctionner comme ça c'est comme le poulet, on va faire des poulets de batterie les français ils vont manger que le blanc et les cuisses puis on va envoyer les ailes en surgelé en Afrique on est dans un système qui est vraiment canard sans tête qui marche sur la tête et personne ne le souhaite ce modèle là quand on explique aux gens quand ils voient des images des abattoirs quand ils voient des... des images des élevages, etc. Ils disent mais c'est pas ce qu'on souhaite. Mais comment on connecte avec ce qu'on a dans l'assiette ou au restaurant ? Et après la question de l'accessibilité, c'est une question très politique. Et pour moi, elle ne peut pas être laissée aux mains du privé. On ne peut pas demander à la grande distribution de régler la question de l'accessibilité. Sinon, c'est ce qu'on fait aujourd'hui en grand partie. Et donc on surproduit, on vend globalement pas forcément au prix juste pour tous. et ensuite on donne nos restes et nos déchets, enfin nos déchets nos restes on va dire à l'aide alimentaire et puis les gens qui peuvent pas aller dans les circuits plus classiques ou payés, et ben ils mangent bien ce qu'ils ont, ce qu'il y a et puis la quantité suffit, la qualité est pas un sujet je caricature un petit peu parce qu'il y a énormément de programmes pour aller vers des alimentations là je pointe le système et pas les personnes qui travaillent d'alimentaire ou autre. Mais du coup, il faut casser cette logique-là. Et il y a un sujet de droit universel à l'alimentation qui émerge. Donc, on parle souvent de chèque alimentaire, mais ça va aussi jusqu'à la sécurité sociale de l'alimentation. C'est de se dire, est-ce qu'on ne peut pas, comme on l'a fait sur la santé, se dire, on cotise selon ses moyens et on obtient selon ses besoins. Et donc on pourrait cotiser et chaque Français aurait 150 euros par mois pour se nourrir, fléché vers l'alimentation qu'on aura décidé d'avoir ensemble.

  • Speaker #1

    Oui, je pense que cette question est importante de se dire comment on flèche ces chèques.

  • Speaker #0

    Même les chèques alimentaires. Donc il y a des initiatives qui existent à Montpellier, en Gironde, etc. Il y a des choses qui commencent à émerger autour de ce sujet de droit universel à l'alimentation. Des chèques alimentaires, il y a des associations qui en donnent. Il y en a une étude dans un des magasins Biocop sur un bonus. C'est-à-dire que les gens peuvent le dépenser où ils veulent, leur chèque, mais il y a un abondement si les gens achètent en bio ou en local, chez certains distributeurs. Donc il y a énormément de... d'initiatives. Maintenant, il faut que le politique, collectivement, on s'en empare pour en faire quelque chose de politique. Il y a un vrai projet collectif qui, pour moi, est porteur de sens et d'optimisme. C'est-à-dire qu'on a beaucoup de sujets aujourd'hui qui sont anxiogènes. La guerre, les migrations, le climat, etc. Mais comment on sort de ça et comment on concilie ? Et l'alimentation est un nœud à cet endroit-là. Comment on concilie fin du monde, fin du mois ? En gros, l'alimentation est au cœur aussi de notre impact écologique. Et c'est normal qu'on ait de l'impact quand on consomme. Mais on pourrait régler les deux par ce biais-là, en tout cas de se reposer la question. De ce droit universel à l'alimentation, c'est un sujet qui est franchement passionnant, hyper intéressant, et ça doit partir de l'alimentation à mon avis, et pas du monde agricole, pas uniquement du monde agricole. C'est-à-dire, quand on aura décidé de ce qu'on veut, comment on veut vivre, et ce qu'on veut pour notre santé et notre bien-être, on déclinera, voilà. Après, l'alimentation... connaît en son sein les plus grands lobbies de la planète, la chimie, le sucre, l'agro-industrie. Donc il y a du travail et il faudra beaucoup de courage collectivement. Mais je pense que c'est une des réponses au changement de paradigme agricole, passer du productivisme à tourner vers l'alimentation. Donc arrêtez de parler de balance commerciale, mais on est bien nourri grâce au monde agricole et on est en bonne santé. Voilà, c'est un sujet central dans nos vies, à tous.

  • Speaker #1

    Oui, complètement. Et effectivement, cette question de l'accessibilité et du prix, du coup, elle nous a fait un petit peu divaguer vers ce nouveau modèle que je peux qualifier d'émergent, je pense, sur la sécurité sociale alimentaire. Donc c'est j'imagine aussi un deuxième point de ton futur désirable à toi, donc se reconnecter à l'alimentation et adresser cette question d'accessibilité qui est politique. Est-ce qu'il y a un autre point pour toi qui est assez fondamental, notamment peut-être pour la distribution ?

  • Speaker #0

    La distribution, je suis plutôt confiant dans le sens où si ces règles du jeu-là évoluent, par opportunisme, elles… Elles bougeront aussi. Je me posais la question du comportement d'un acteur comme Biocop, par exemple, qui porte des engagements très forts, et de se dire, si ça fonctionne, si on arrive à créer un droit universel avec, je ne sais pas moi, 50% ou 60% de l'alimentation qui est fléchée, quelle serait la raison d'être d'un réseau comme Biocop ? Ce serait un sujet intéressant. Donc je pense que ça rebattrait les cartes. J'ai aucun doute sur le fait que la grande distribution... changerait toute son offre et s'adapterait à ça, elle prendrait la carte vitale alimentaire sans aucun problème. Et c'est plutôt sa force de massifier, de s'adapter. Elle s'est très agile, on l'a vu pendant le Covid. La distribution alimentaire a été d'une efficacité redoutable. Les magasins sont restés ouverts. Donc c'est vraiment une grande force et je suis plutôt confiant là. Après, ça obligera le monde militant à se réinventer et à se dire, c'est quoi notre raison d'être demain ? Parfois, je me dis, tu réfléchis à ces sujets-là, mais en tant que biocop, tu es intéressé. Moi, je ne suis pas sûr que ce ne soit pas une menace pour un réseau comme Biocop, en termes économiques. C'est-à-dire, est-ce que Biocop, demain... Existerait encore s'il devait émerger un programme de droit universel à l'alimentation de cette ampleur-là. C'est un sujet intéressant. Mais les acteurs économiques s'adapteront et s'adaptent à la règle du jeu. Il y a peut-être des acteurs qui vont disparaître parce qu'ils s'adapteront mal, d'autres le créeront. Mais pour le coup, l'économie de marché a cette force-là et le capitalisme a cette force-là. C'est une force de... de s'accaparer les règles, de les digérer et de s'adapter. Donc ça, il faut conserver cette dynamique individuelle, privée, cet engagement privé, mais dans un cadre, dans des règles qui sont les mêmes pour tous et dans un cadre qui répond aux enjeux sociaux et écologiques. qui est adapté au monde de demain. Et là, aujourd'hui, sur l'alimentation, on n'y est pas du tout. On n'y est pas du tout. On réfléchit plutôt à arrêter les jachères, à supprimer les normes environnementales, plutôt que de se dire quelles normes on se donne ensemble en ayant les mêmes règles du jeu pour changer le modèle. Mais ça viendra. Moi, je reste confiant. C'est un réalisme qui peut sembler un peu pessimiste, mais je pense qu'on est dans cette phase-là, de résistance au changement et de déni. Mais... devra bouger.

  • Speaker #1

    Il y a peu de doutes. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Plutôt sera le mieux. Oui. Mais on devra bouger.

  • Speaker #1

    Je repense à tes différentes réponses. Il y a un sujet qu'on n'a pas abordé et qui est fondamental, c'est aussi le retour à une agriculture plus massive en France. On a besoin, dans ce nouveau système, de relocaliser beaucoup de production. Comment, toi, tu vois cette question-là ?

  • Speaker #0

    Déjà, il y a une question d'une culture vivrière. Alors moi je vis plutôt en monde rural, alors pour les citadins c'est un peu plus délicat, mais les gens font de plus en plus leur jardin, etc. Je pense quand même qu'il y a un enjeu à cet endroit-là, qui peut paraître anecdotique, mais dans la réappropriation de son alimentation c'est quand même intéressant, et il y a des questions d'agriculture urbaine, voilà, donc comment on se réapproprie ça ? Et ensuite, il y a quand même, oui, on a besoin de producteurs locaux. Il y a besoin de filières structurées. Il faut certainement mieux acheter une tomate en Italie plutôt qu'en Belgique.

  • Speaker #1

    Le temps est plus propice,

  • Speaker #0

    ça fait plus de sens. Je pense que l'impact écologique est quand même... moins élevés. Donc, on gardera des échanges internationaux, évidemment. Le local, c'est une variable mouvante. C'est quoi ? Une amende locale ? Du quinoa local ? Un amende locale ? Mais, par contre, on a besoin de... En tout cas, si l'objectif politique, c'est de préserver une gastronomie, un savoir-faire dynamique, 300 000 paysans, ce n'est pas suffisant. Évidemment, le nombre, la dynamique qu'il faut créer, mais il faut surtout qu'on arrive à ce que des paysans qui ont 3-4 hectares de maraîchage vivent de leur travail. Aujourd'hui, ce n'est pas facile. En tout cas, en dehors du bio, c'est quasiment impossible. Dans le bio, on arrive à un peu mieux valoriser parce que les consommateurs sont prêts à payer un petit peu plus cher parfois pour défendre ce modèle-là, même si les écarts de prix se réduisent quand même très fortement, et notamment sur les produits frais et bruts. Franchement, on est parfois moins cher que le conventionnel. Que ce soit sur des légumes ou de l'huile d'olive ou des pâtes. Oui, j'ai des dupes. J'ai un oeil dans les magasins bio.

  • Speaker #1

    J'ai des dupes, voilà.

  • Speaker #0

    Non, mais même pas que chez Biocop, mais dans les magasins bio en général. on a du mal à communiquer là-dessus, mais il faut casser un peu cette idée que ce serait forcément toujours plus cher.

  • Speaker #1

    Ok, très clair. Merci Pierrick pour tes nouveaux paradigmes de ce futur désirable, sauf si tu en as à rajouter.

  • Speaker #0

    Je pense qu'on a... Beaucoup de sujets faux.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai bien envie de conclure sur une note aussi positive. Donc, tu as été présidente Biocop. On parlait en début de cette interview de à quel point c'est engagé, engageant de fixer un cap et de continuer de le maintenir malgré les zones de turbulence. Dans les auditeurs, on a des dirigeants d'entreprises qui, je pense, vivent aussi ces choses-là à certains égards. Ce serait quoi, toi, le conseil que tu aurais aujourd'hui envie de donner à des dirigeants d'entreprises ? qui sont dans une logique de transformation de leur business et qui s'engagent dans des objectifs ambitieux.

  • Speaker #0

    Après, conseil, c'est toujours délicat. Je suis en train de me méditer. Je pense qu'il y a des gens qui nous écoutent qui sont certainement beaucoup plus capés que moi et qui pourraient dire aussi des choses très intéressantes. Mais il y a effectivement cette question de vision et de la stratégie qui en découle et ça peut être collectif. On n'est pas obligé de s'enfermer tout seul dans une salle devant son paperboard pour voir un petit peu faire sa stratégie. Et puis régulièrement, une fois qu'on a la stratégie... La boussole, c'est de se dire régulièrement est-ce que je suis toujours aligné.

  • Speaker #1

    Donc une boussole intérieure ?

  • Speaker #0

    Oui, intérieure et collective. Je pense que c'est intéressant si c'est posé avec les salariés. régulièrement. Alors, soit c'est un tableau de bord avec des grands indicateurs caliques, intimes. Ça peut être sur des méthodes assez classiques. Après, ça peut être aussi un peu idéologique, de se dire, est-ce que vous ressentez qu'on est toujours bien alignés ? Bon, voilà, prendre cette boussole-là. Je peux prendre un petit exemple. On a, donc, à Bionacelle, donc c'est la scope dans laquelle je travaille, on a eu l'arrivée d'un concurrent qui nous a beaucoup mobilisés. On a perdu 20% de notre chiffre d'affaires. pendant 3-4 mois. Et nous, on a dans notre stratégie défini le fait qu'on ne voulait pas aller en zone commerciale. On voulait rester dans les centres-villes. Donc nos trois magasins sont dans les centres-villes. Le quatrième le sera aussi. Et là, de manière assez épidermique, on s'est dit, oh là, le concurrent arrive, on va aller se mettre en face, en zone commerciale. Donc on a analysé le sujet, on a travaillé, on avait un local, etc. Puis à un moment donné, on a relevé la tête collectivement, on s'est associés, on a repris la boussole et on s'est dit non mais en fait... on va perdre notre âme. Donc, en fait, on a courbé un peu le dos. On s'est dit, on subit un petit peu. On n'est pas resté sans rien faire. On a fait du commerce. On a fait venir les gens. On a utilisé les méthodes. Et bien nous en a pris. Un mois après, on a trouvé un local tout aussi grand, 1000 mètres carrés, en centre-ville, avec du parking, etc. Un ancien super-U qui déménageait. Donc, on y arrive. Mais après, il faut avoir foi. Et la deuxième chose, parce que là, on est vachement sur les... beaucoup sur les idées, l'engagement, le sens, il y a quand même l'idée d'être pro. Et l'un n'empêche pas l'autre. C'est-à-dire que le militantisme n'empêche pas le commerce dans le cadre de l'OECOP, et le commerce n'empêche pas le militantisme. Et donc, peut-être se dire être pragmatique et agile. Alors après, c'est facile à dire, c'est des notions, on veut tous l'être, pragmatique et agile. Mais oui, puis tout le monde a envie de l'être. Mais voilà, s'entourer des compétences qu'on n'a pas. Et moi, je me suis toujours... Certains postes, mais je me suis toujours dit, j'embauche des gens qui pourraient prendre ma place.

  • Speaker #1

    D'accord, oui.

  • Speaker #0

    Après, c'est pas facile. Je sais bien que dans des grosses entreprises, même au sein de Biocop, c'est pas évident. Moi, j'ai connu des directeurs... qui disait non je prends pas d'adjoint parce que j'en ai pas besoin mais en fait au fond d'eux c'était mais un jour il pourrait me pousser dehors s'il est meilleur que moi et donc toi tu te disais moi je prends des gens qui peuvent me prendre aussi parce que je suis dans le scope mais de me dire il faut qu'il y ait des gérants en puissance il faut qu'il y ait des si on recrute après des gens qui nous font pas d'ombre à la fin on est seul. Alors là pour le coup, on finit seul, etc. Et je trouve que la légitimité, la crédibilité au poste, elle ne dépend pas uniquement de compétences techniques, mécaniques, elle est aussi justement dans cette capacité à laisser de la place, à faire grandir, etc. Après, voilà, les mécanismes intérieurs, c'est pas évident, la question du pouvoir, etc. Mais pour moi, en tout cas, oui, il y a une part d'ego, évidemment, et on en a tous. Puis je pense que quand on a des postes à responsabilité, il en faut un petit peu. Mais en tout cas, moi, je me suis souvent dit ça. Je me suis dit, mais... parfois ça tiraille, on se dit tiens, et on trouve toujours des bonnes raisons de ne pas prendre telle ou telle personne, et puis de se dire, mais est-ce que c'est toi qui parle ? Est-ce que c'est pour le bien de l'entreprise ou c'est pour te protéger toi ? Donc voilà, j'ai toujours essayé de garder ce cap-là, alors je ne dis pas que je n'ai peut-être pas toujours respecté, mais en tout cas... Mais voilà, ça fait des associés, ça fait des gens investis, et ça challenge aussi, ça nous bouge nous, comme quand on a des enfants qui grandissent, ils nous challengent en tant que parents. C'est un peu pareil dans les dynamiques d'entreprise pour moi.

  • Speaker #1

    Super. Écoute, je te propose de garder ces bons conseils en conclusion. Et écoute, je te remercie beaucoup pour ta participation au podcast et pour cette discussion très riche.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, j'ai été ravi.

  • Speaker #1

    Génial, merci. C'est déjà la fin de cet épisode, merci d'avoir écouté jusqu'au bout. Vous trouverez toutes les références dans la description du podcast et sur le site de Steamshift. A très vite dans un prochain épisode.

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