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DISRUPTION Inside

#41 - Marie-Claire Daveu - Chief Sustainability and Institutional Affairs Officer - Kering

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58min |09/04/2024
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#41 - Marie-Claire Daveu - Chief Sustainability and Institutional Affairs Officer - Kering

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Description

Cette semaine je vous invite à découvrir le témoignage de Marie-Claire Daveu, Directrice  du Développement Durable et des Affaires Institutionnelles, et membre du comité exécutif du groupe de luxe Kering. Ingénieure de formation, Marie-Claire a démarré sa carrière comme haut-fonctionnaire dans l’agriculture et l’environnement. Elle a occupé plusieurs postes de directrice de cabinet avant de rejoindre Kering en 2012. Marie-Claire est membre de plusieurs conseils d’administration dont Engie et le Crédit Agricole. 


Dans cet épisode, je vous emmène découvrir le parcours de cette femme engagée et décrypter les dessous de l’ambition du groupe Kering en matière de développement durable. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurélie

    Bonjour à tous, ici Aurélie Gallet. Je suis ravie de vous accueillir sur Disruption Inside, le podcast qui décrypte de l'intérieur la transformation des entreprises et des acteurs publics. Ensemble, nous allons à la rencontre de leaders business institutionnels qui font bouger les lignes. Nous allons décrypter leurs stratégies, revenir sur leurs réussites et leurs échecs, et faire le plein de conseils pratiques. Mon objectif, vous aider à passer à l'action en vous inspirant des meilleurs. Cette semaine, je vous invite à découvrir le témoignage de Marie-Claire Daveux, directrice du développement durable et des affaires institutionnelles, et membre du comité exécutif du groupe de Luxe Kering. Ingénieure de formation, Marie-Claire a démarré sa carrière comme haut fonctionnaire dans l'agriculture et l'environnement. Elle a occupé plusieurs postes de directrice de cabinet avant de rejoindre Kering en 2012. Marie-Claire est membre de plusieurs conseils d'administration dont Engie et le Crédit Agricole. Dans cet épisode, je vous emmène découvrir le parcours de cette femme engagée et décrypter le défi. Dessous de l'ambition du groupe Kering en matière de développement durable. Bonjour Marie-Claire.

  • Marie-Claire

    Bonjour Aurélie.

  • Aurélie

    Merci beaucoup de m'accueillir dans ces magnifiques locaux. Est-ce que déjà pour commencer, tu peux nous dire quelques petits mots de l'endroit où on est aujourd'hui ?

  • Marie-Claire

    Alors, je suis d'abord ravie de t'accueillir Aurélie au siège de Kering. Donc Kering, nous sommes rue de Sèvres. Nous sommes dans le 7e arrondissement et nous sommes en fait sur le lieu de l'ancien hôpital La Henec. Donc effectivement, c'est un lieu qui est magnifique, que nous occupons en fait depuis juillet 2016. Et c'est un peu la nature dans Paris. Donc ensuite, on ira peut-être faire un petit tour et tu pourras voir les ruches où nous avons des abeilles, un petit potager. Donc voilà, c'est juste un lieu magique pour venir travailler.

  • Aurélie

    Alors Marie-Claire, je disais en introduction, tu as un parcours extrêmement riche. Quel a été un peu le fil conducteur de ta carrière ? Qu'est-ce qui t'a animée ? Depuis la jeune ingénieure ?

  • Marie-Claire

    Même avant la jeune ingénieure, j'ai toujours été passionnée par les animaux, la vie sauvage, le bien-être animal, puisque quand j'étais adolescente, je militais dans des associations de protection animale. J'ai ce fil conducteur qui, au fur et à mesure, s'est formé autour de la biologie, des sciences du vivant, etc. C'est ce qui m'a animée aussi dans le choix de mes études et c'est ce qui continue en fait. De m'animer au quotidien pour faire le maximum, pour protéger la planète, nos écosystèmes et l'environnement au sens large.

  • Aurélie

    Quels ont été un peu les grands moments de ta carrière ?

  • Marie-Claire

    Les grands moments, il y a eu quand même toute une période qui est liée à mon passage dans la fonction publique, puisque quand j'étais plus jeune, je voulais vraiment travailler dans l'administration avec, je dirais, une conviction très profonde que derrière l'intérêt général, il y avait vraiment tous ces sujets de protection de la planète. Et donc, pour moi, le fait de rentrer, un, dans l'administration, mon premier poste, qui était un poste... Le terrain, c'est quand même... J'étais en direction départementale de l'agriculture et de la forêt dans la Manche. Donc c'est une première expérience extrêmement forte avec des rencontres passionnantes. Puis le passage en cabinet ministériel. Donc là où c'est une vie en fait très, très, très, très intense, mais qui est vraiment très, très passionnante. Et où on peut aussi, et c'est très important... Faire partager ses propres convictions auprès des politiques que l'on sert et donc d'essayer de faire avancer les idées auxquelles on croit. Et puis cette nouvelle vie depuis 2012 qui est dans le secteur privé au sein de Kering et qui est plus tournée vers l'opérationnel, le concret, et de vraiment mettre en œuvre un certain nombre de programmes, mais je suis certaine qu'on y reviendra, avec aussi cette dimension internationale. qui est extrêmement forte puisque le groupe Kering, au travers de ces marques, est présent dans plus de 55 pays. Et donc, il y a vraiment cette dimension internationale très forte.

  • Aurélie

    Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec le groupe Kering ? Qu'est-ce qui t'a donné envie, finalement, de rejoindre ce groupe ?

  • Marie-Claire

    Quand j'ai terminé la première période de cabinet ministériel et d'administration, je souhaitais rejoindre le secteur privé, mais je souhaitais vraiment rentrer dans un groupe pour lequel ces sujets étaient importants. Et quand j'ai rencontré, en fait, c'était en mai 2012, François-Henri Pinault, qui est l'actuel PDG... du groupe Kering, j'ai eu une rencontre qui était très forte puisque j'avais face à moi un PDG qui avait une vision extrêmement claire sur ce que l'on appelle les sujets de développement durable, de SG, quelle que soit la sémantique, et qui était à la recherche de quelqu'un pour mettre en œuvre vraiment cette vision de façon très opérationnelle, avec aussi la possibilité d'avoir les moyens humains et les moyens financiers pour faire des De telle sorte à ce que ça ne reste pas simplement un concept, une vision ou des discours, mais véritablement de le transformer et de l'intégrer dans le modèle d'affaires. Et donc ça pour moi c'est extrêmement important. Et ensuite avec une conviction très forte aussi de François-Henri Pinault sur la thématique des femmes. Partant du principe que sur ce sujet-là également, le groupe avait une responsabilité particulière puisque la majorité en fait des personnes qui travaillent aussi bien dans notre chaîne d'approvisionnement qu'en tant qu'employés du groupe sont des femmes. Nos clients sont essentiellement des clients. et donc sur cette thématique aussi, ça nous donnait le devoir d'avoir des actions concrètes et d'essayer de faire bouger les lignes. Et ce côté, j'en terminerai là, vraiment très avant-gardiste, puisqu'il faut se remettre, on était 2012, aujourd'hui tout le monde en parle, c'était quelque chose de très pionnier et qui m'a donc tout de suite attirée.

  • Aurélie

    Alors justement, parlons-en, quel est finalement un peu le... L'origine de cet engagement, pourquoi est-ce que le groupe a décidé d'être un peu précurseur en 2013 quand vous vous êtes lancé dans ces réflexions ?

  • Marie-Claire

    Alors le groupe Kering, c'est un groupe qui est coté, donc c'est un groupe du CAC 40, coté à Paris, mais qui est un actionnaire en fait familial. Et donc le positionnement de la famille et de François Répinault, en l'occurrence, est extrêmement important. Il est convaincu depuis toujours, si je peux le dire ainsi, que prendre en compte les enjeux de protection de la planète, les enjeux liés en fait à l'homme avec un grand... Les tâches sont essentielles non seulement pour des raisons éthiques, mais également pour des raisons de business, de continuité du business et aussi la capacité de faire croître tout simplement l'activité du groupe. Pour une raison qui est très simple, c'est que quand on regarde nos... produits de luxe, les matières premières viennent vraiment de la nature. Quand on pense coton, soie, cuir, laine ou également l'or, quand on est plutôt dans la partie joaillerie, toutes ces matières premières viennent directement de la nature. Et donc, il y a à la fois, pour des raisons éthiques, d'en prendre soin, de faire attention, mais également dans cette partie... qui est aussi liée, si on veut continuer à développer le business, il faut avoir des matières premières, non seulement en quantité suffisante, mais aussi en qualité. Et ce qui est intéressant quand vous regardez le nom Kering, alors l'origine en 30 secondes, c'est KER, la maison en breton qui fait référence aux racines bretonnes de la famille et donc du groupe. Et puis le ING, c'est le mouvement, c'est l'international, c'est l'ouverture vers le monde. Mais on le voit bien que quand on prononce en fait caring on a aussi cette notion du care que l'on retrouve en anglais et qui est vraiment je prends soin de mes clients, je prends soin de la planète, je prends soin de mes employés Donc tout ça aussi est intrinsèquement lié. Et encore une fois, cette vision pour l'entreprise d'intégrer ces enjeux était extrêmement avant-gardiste. Et elle s'est matérialisée très rapidement par, par exemple, la création d'un comité développement durable au niveau du conseil d'administration de Kering. Et nous étions en fait une des premières entreprises du CAC 40 à avoir un comité développement durable du board dédié à la thématique développement durable.

  • Aurélie

    Alors on va rentrer un peu plus en détail sur justement la manière dont tout ça est structuré au sein du groupe Kering. Peut-être juste avant de rentrer et de parler plus précisément de ce que tu fais aujourd'hui au sein du groupe, quelle est aujourd'hui pour avoir un peu la vision macro ? Qu'est-ce que vous voyez du secteur du luxe dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre ?

  • Marie-Claire

    On a les éléments s'agissant de l'industrie textile. Le luxe est un segment de l'industrie textile, segment qui représente des groupes qui sont très hétérogènes en termes de produits de volume. L'ordre de grandeur communément admis, c'est 4%. 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Ensuite, c'est un secteur qui est reconnu le secteur de l'industrie textile parmi les secteurs les plus polluants, puisque derrière les émissions de gaz à effet de serre, il y a aussi la consommation d'eau, l'utilisation de produits chimiques.

  • Aurélie

    Dans cette industrie, finalement, est-ce qu'on peut vraiment être green ? Parce qu'on est toujours tous incités, finalement, à consommer, y compris dans l'industrie du luxe, parce qu'on a des influenceurs qui vont faire la promotion d'un certain nombre de produits. Est-ce que, finalement, ce n'est pas antinomique ?

  • Marie-Claire

    Alors, l'industrie du luxe, je dirais que par son ADN, elle est durable, pour plusieurs raisons. D'abord, et c'est pour ça que je parlais, que j'évoquais le fait qu'il y ait différents... La première chose, c'est que quand on parle des volumes produits par le luxe, c'est le principe, c'est la rareté. Le luxe n'est pas inclusif. Et donc, par ces volumes, on est sur des volumes qui sont extrêmement faibles. Deuxièmement, les matières premières qui sont utilisées, on est vraiment sur des matières premières de très haute qualité et donc qui sont faites pour durer. Le luxe est totalement à l'opposé de cette notion de je l'utilise pour une période de temps limitée Au contraire, le luxe, c'est la transmission. Vous achetez un sac Bottega Veneta, c'est pour le transmettre, soit à votre fille, aux générations suivantes. Et donc, il y a vraiment cette notion de durabilité qui est inscrite dans le temps quand on parle du produit de luxe. Ensuite, il y a aussi un élément qui est très fort quand on parle du côté, on va dire, social, savoir-faire qui est associé au luxe. Vous avez toute cette notion d'artisanat. Et véritablement, le luxe là-dessus a cette capacité de sauvegarder, de promouvoir un certain nombre d'artisanats, si je prends notre exemple, que ce soit en France ou en Italie, sur des savoir-faire locaux. et ça, ça me semble essentiel. En revanche, et c'est pour ça que j'aime à dire que le luxe, puisqu'il est en fait un influenceur, le luxe lance les tendances, ça lui donne une responsabilité particulière. Et donc c'est pour ça que quand vous êtes dans le secteur du luxe, Vous avez la responsabilité non seulement d'agir quelque part dans vos frontières légales en tant qu'entreprise et d'essayer de mettre en place les meilleures pratiques sur l'environnement, sur le social, mais vous avez un rôle plus large qui est quasiment, et il faut rester modeste, mais qui est quasiment un rôle politique avec un grand P en tous les cas d'influenceur pour essayer de faire bouger l'ensemble de l'industrie. l'ensemble des secteurs dans ce sens-là. Et pour vous donner des exemples très concrets, un des premiers sujets qui nous a semblé extrêmement fort et qui a été poussé par François-Henri Pinault dès le début, c'est de dire quand on a une bonne pratique, quand on a une innovation, quand on a quelque chose qui va permettre d'aller dans le bon sens pour la protection de la planète, il ne faut pas le garder pour soi, mais il faut le partager avec les autres et, comme on dit en anglais, le mettre en open source, de telle sorte à ce que des groupes, des marques de taille... moyenne, puissent directement accéder aux meilleures pratiques et les mettre en œuvre dans leur propre chaîne.

  • Aurélie

    Alors, juste sur le sujet des faibles volumes, en disant que finalement, par nature, on n'est pas sur de la consommation de masse. Pour autant, même dans cette industrie, il y a des invendus. Concrètement, aujourd'hui, qu'est-ce qui est mis en place ? Parce que traditionnellement, les invendus, notamment dans l'industrie du luxe, on a plutôt une dynamique de destruction. Concrètement, aujourd'hui, sur les invendus, qu'est-ce que vous avez mis en place ? Est-ce qu'on continue à détruire ? Est-ce qu'on réutilise différemment ? Ou est-ce qu'on les vend moins cher ? Ce qui peut être aussi compliqué par rapport au modèle économique de la rareté dont tu parlais juste avant. Donc si on prend peut-être juste le sujet des invendus, ça m'intéresserait un peu de savoir quels sont les parties prises, parce que finalement, c'est quand même quelque chose qui n'est pas forcément évident par rapport au positionnement et au business model d'un groupe comme Kering.

  • Marie-Claire

    Alors déjà, il y a un premier sujet qui est... Sur l'amont, certes, il y a des invendus puisque c'est la nature de l'activité, mais tout est fait très en amont pour limiter au maximum ces invendus, qui est notamment lié à bien prédire quelle est la production qui doit être faite, sur quel marché le destiner, etc. Et l'avenir basé sur un certain nombre de projets pilotes. que nous avons menées permet de dire que l'on peut encore globalement progresser sur ce sujet, notamment en utilisant de l'intelligence artificielle qui va vraiment aider dans les prédictions. Donc ça, il faut quand même bien l'avoir en tête que tout est fait, et notamment chez Kering pour aller dans ce sens. Et ça complète aussi évidemment le savoir-faire de nos employés pour prédire ces quantités. Ensuite, encore une fois, là-dessus, sur ce sujet-là, François-Henri Pinault a été extrêmement pionnier, puisque dès fin 2018, début 2019, nous avons décidé de ne détruire aucun de nos invendus. Donc ça a été une décision extrêmement courageuse, extrêmement forte, y compris qu'il a fallu bien expliquer en interne le... le pourquoi. Et à partir de là, on a développé des solutions qui sont liées, par exemple, au recyclage, au surcyclage. On a développé un certain nombre de...

  • Aurélie

    Le surcyclage, est-ce que tu peux développer ?

  • Marie-Claire

    Le surcyclage, c'est cette notion qui est souvent utilisée en anglais d'upcycling, qui est de faire... un nouvel objet, un nouveau vêtement, quelque chose de nouveau qui aura par lui-même en fait une... une seconde vie. Et donc, évidemment, au début, c'est toujours le même sujet. On démarre par des projets pilotes, parce qu'il y a quand même, prenons un sac à main, il faut faire le démantèlement de chacune des parties. On est dans le secteur du luxe, donc si on veut réutiliser la matière, le cuir, tout ce qui a été utilisé pour confectuer les accessoires, etc., il ne faut pas abîmer cette matière première. Donc il faut aussi trouver le modèle qui va prendre soin de démanteler le sac, la valise, etc. et qui en même temps va être aussi un modèle sur lequel ça tourne financièrement. Donc tout ça nécessite du temps. Et puis il y a un autre axe sur lequel aussi le groupe a été avant-gardiste qui est la seconde main. Et donc nous avons investi par exemple dans Vestiaire Collective. où nous sommes même au capital, nous avons un siège au conseil d'administration, etc. Et je trouve que la seconde main, c'était l'approche du groupe. C'est un axe extrêmement intéressant, où à la fois la partie business et la partie protection de la planète... vont dans le même sens. Et il y a également aussi une dimension sociale dans la seconde main qui est intéressante, puisque tu donnes accès à des jeunes, à des populations qui n'auraient pas forcément les moyens de s'acheter le produit qui est juste dans le magasin. En revanche, ça leur permet à la fois, pour certains, de découvrir le monde du luxe, et pour d'autres, d'avoir accès à ces produits qui sont d'excellente qualité et qui... ...eux-mêmes vont durer. On revient vraiment sur cette notion de durabilité, mais dans tous les sens du terme. Donc c'est tous ces sujets-là et ces actions-là qui sont mises en œuvre. Après, pour répondre à ta question... Il faut être conscient que quand on parle des solutions opérationnelles en matière de développement durable, tout l'enjeu, c'est une question de vitesse pour les mettre en œuvre et c'est une question d'échelle. Aujourd'hui, quand on est en 2024, tout n'est pas parfait, mais on a quand même des bases extrêmement solides pour aller dans ce sens-là. Mais encore une fois, la clé avant de penser à quelle est la solution pour quelque part... Utiliser ces invendus et leur donner une seconde vie, c'est toujours pareil. Le plus important, c'est la prévention. Et donc la prévention, c'est qu'est-ce qu'on produit, combien on le produit et dans quelle temporalité, etc. Donc c'est vraiment l'amont auquel il faut être extrêmement attentif.

  • Aurélie

    En 2013, donc toi, quand tu as rejoint le groupe pour prendre...

  • Marie-Claire

    Premier septembre 2012 !

  • Aurélie

    Premier septembre 2012 ! Alors, le 1er septembre 2012, quand tu as donc pris ce poste, cette date importante dans ton parcours... Pas grand monde finalement parlait de ce sujet. Comment est-ce qu'on arrive à avoir cette prise de poste dans un contexte où finalement les gens s'intéressent assez peu au sujet du développement durable ?

  • Marie-Claire

    Dans un groupe privé, l'implication du top management est clé. Et dans le groupe, à cette époque comme maintenant, on va dire nos marques, les employés du groupe, savent depuis toujours que le développement durable fait non seulement partie des valeurs du groupe, mais que derrière, nous avons notre PDG qui en est profondément convaincu pour les raisons que je t'évoquais. Donc forcément, pour la prise de poste et en tous les cas avoir la direction, j'ai eu la chance d'avoir le travail extrêmement facilité par François-Henri Pinault à cette époque, qui avait déjà et qui a continué d'exprimer quelle était sa vision. Donc moi derrière, avec mes équipes, puisqu'il faut être extrêmement conscient que... dans ce travail en entreprise, ce n'est pas une personne, mais c'est vraiment avec les équipes et mes équipes de développement durable, c'était de définir la stratégie et ensuite d'avoir un plan d'action. Et donc, ce qui était important derrière, c'était cette traduction opérationnelle. Et donc, la première chose que nous avons faite, c'est ce comité développement durable au niveau du board, c'est également de définir un plan d'action. et une stratégie d'avoir des objectifs quantifiés, des calendriers de mise en œuvre, des KPI, de telle sorte, et ça reste toujours vrai aujourd'hui, et pour moi c'est un élément clé, même en dehors de la sphère de Kering ou de la sphère du luxe, c'est que le sujet du développement durable doit être managé de la même manière que la performance financière. On voit que la nouvelle réglementation... elle pousse beaucoup à ça, de parler juste de performance et pas de performance extra-fille et de performance financière, mais il faut le manager de la même manière. Et donc c'est pour ça que parmi les premiers éléments qui ont été mis en œuvre, ça a été d'avoir une gouvernance du sujet au sein du groupe extrêmement claire. Donc je te dis définition de la stratégie, plan d'action. mise en place de ce que l'on a appelé les sustainability reviews, qui sont les équivalents des business reviews où les comités de direction des marques sont réunis et où on regarde l'atteinte des objectifs, on discute les objectifs, l'équipier, etc. Des rencontres aussi avec François-Henri Pinault et l'ensemble des designers pour échanger sur ce sujet parce qu'un élément clé, c'est qu'on ne veut pas que le développement durable soit perçu comme une contrainte. Donc au contraire c'est une opportunité, la créativité c'est aussi quelque chose qui est vraiment dans l'ADN du groupe, dans l'ADN des marques et à aucun moment il ne fallait que le développement durable soit perçu comme un frein à la créativité. Et ce qui est top c'est que les designers sentent le moment, sentent ce qui est en train de se passer en fait dans la société. Ce sont aussi des personnes de la jeune génération, etc. Et donc pour lequel, quand on parle de développement durable, quand on parle de protection de la planète, quand on parle de bien-être animal, évidemment que c'est quelque chose qui rentre en résonance avec la façon dont y perçoivent la société. Et ensuite, je ne vais pas dire que tout est à l'enflève tranquille. Aurélie, ce n'est pas non plus le monde des bisons-nours. Après, ce qu'il faut, c'est faire du change management. Et c'est ça qui, à mon avis, est parfois le plus compliqué. Ce n'est pas forcément d'avoir la solution technique, mais c'est d'être sûre que les équipes vont s'approprier et les mettre en œuvre.

  • Aurélie

    Je suis trop bavarde. C'est juste que c'est passionnant et du coup, ça m'amène des milliards de questions. J'ai une question pour toi d'Alexis Mourot, qui est CEO de Christian Louboutin, qui souhaitait te poser la question suivante. Comment réussir à avoir une politique développement durable commune avec des maisons de tailles différentes ?

  • Marie-Claire

    Alors la question est extrêmement pertinente. Nous on est positionnés au niveau du corporette et c'est pour ça... On a décidé, quand je parlais de mettre en opérationnel la vision de François-Henri Pinault, c'est derrière, on s'est fixé des objectifs groupes. Je vais en donner un qui est le dernier que nous venons de prendre en 2023, qui est de réduire de moins 40% nos émissions de gaz à effet de serre, scope 1, scope 2, scope 3, sur la base des émissions de 2021 à échéance de 2035. Donc ça, c'est un objectif qui est un objectif groupe. Derrière chacune de nos maisons... a le même objectif de réduction à son échelle de ces moins 40% sur la même base, dans le même calendrier. Mais évidemment, la façon de l'atteindre ne sera pas la même. On prend des maisons comme Gucci, Bottega Veneta, où le cuir est la matière première qui est essentielle. Les actions à mettre en œuvre pour réduire les émissions, on va travailler par exemple au niveau du cuir, des fibres d'origine animale, d'avoir des programmes spécifiques en termes de sourcing, de supply chain. Évidemment, c'est bien différent de boucheron ou de pomélato qui est dans le cadre de la joaillerie. mais pour moi c'est le même management que la performance financière, c'est pour ça que je reviens là-dessus. Les objectifs globaux sont fixés au niveau du groupe, et ensuite chacun, par rapport à sa spécificité, par rapport à sa taille, par rapport à son organisation, va devoir mettre en œuvre des actions différentes. Et pourquoi j'insiste beaucoup sur les matières premières ? Parce que les matières premières, quand on regarde où est notre empreinte environnementale grâce à notre compte de résultats pour l'environnement, on voit qu'il y a une très grande majorité de nos impacts, quasiment 90%, qui est en dehors de nos frontières légales, donc qui est vraiment liée à la chaîne d'approvisionnement. Ensuite, il y a des sujets communs. On a une boutique, il faut qu'elle soit certifiée LEED et LEED Platinum. Donc ça, il y a des éléments qui sont communs. Et le rôle du corporate, c'est quelque part d'être le sparring partner des marques pour les aider à mettre en œuvre les bonnes solutions, pour leur proposer, et pour être le plus efficient possible, qu'est-ce qui se passe à l'extérieur et qu'est-ce qui se passe aussi en dehors de notre industrie. Parce que je crois vraiment important de comprendre que, par exemple, nous sommes dans le luxe, mais on utilise de la matière première et on a, par exemple, plein d'interactions et plein de choses en commun avec le monde de l'agroalimentaire. Et donc il faut réussir à mettre en place cette fertilisation croisée. C'est aussi notre rôle d'animer en se disant peut-être que Boucheron est en train de mettre en œuvre quelque chose sur le diamant ou sur l'or et qui va être extrêmement intéressant pour la partie joaillerie de Gucci. Donc c'est vraiment de créer ces synergies au sein du groupe. Mais c'est important d'avoir cette même vision qui est une vision consolidée au niveau du groupe.

  • Aurélie

    Est-ce qu'aujourd'hui, c'est intégré dans le modèle de rémunération des dirigeants du groupe ?

  • Marie-Claire

    Oui. Alors encore une fois, sur ce sujet-là, je pense qu'on était assez pionniers, puisque depuis que je suis rentrée dans le groupe, à la fois la rémunération au niveau des mandataires sociaux, que ce soit sur le court terme, ce qu'on appelle le bonus. Ou sur les instruments de rémunération de long terme, c'est mis dedans. Par exemple, François-Henri Pinault, si on parle sur l'actualité, il a sur la préservation des espaces, sur l'agriculture régénératrice, etc. Donc c'est très concret et il y a un nombre d'hectares à convertir, des pourcentages à atteindre, etc. Et puis bien évidemment, ensuite dans le top management du groupe, c'est quelque chose qui est mis sur la partie rémunération variable. C'est extrêmement important, on revient sur les sujets de gouvernance. Si on veut que ces thématiques de développement durable avancent... Quelque part, il faut que ça soit présent à tous les niveaux. Donc il faut que ça soit présent dans le management, il faut que ça soit présent, on l'évoquait, dans les conseils d'administration, au travers du comité exécutif, dans les marques où on a, par exemple, mis en place des équipes dédiées au développement durable, mais c'est aussi dans les instruments de rémunération. C'est important, tout le monde en est convaincu. Mais c'est bien, encore une fois, au même titre que l'on met de la performance financière dans la structure de rémunération, il faut que le développement durable soit présent. C'est aussi une question, au-delà de dire je mets tel pourcentage, ça représente, c'est aussi une question de cohérence, de montrer que l'on marche en fait sur les deux jambes. Et que certes, la performance financière est importante, et comme le dit François-Henri Pinault, c'est aussi la façon dont on l'obtient, cette performance financière. Et pour faire avancer ces sujets-là... sur lequel il y a eu énormément d'évolutions. Tu évoquais par rapport à quand j'ai démarré ma carrière, ayant eu toujours ce fil rouge de l'environnement du développement durable. Évidemment, la maturité n'est pas la même, aussi liée au fait que malheureusement, quand on parle ne serait-ce que de changement climatique, c'était très théorique, c'était uniquement dans les rapports du GIEC. Aujourd'hui, les effets du changement climatique sont tout à fait visibles et perceptibles par le citoyen. Il suffit de voir les sujets d'accès à l'eau, de rareté de l'eau, y compris dans des pays comme la France, l'Italie, de voir les feux de forêt. Donc tout ça est devenu une réalité. Donc il y a une prise de conscience qui est beaucoup plus forte. Et puis quand on est dans le business, l'impact du changement climatique, pour juste prendre un exemple, c'est concret. Le secteur du luxe a besoin de cachemire.

  • Aurélie

    Il fait plus chaud. Les chèvres qui produisent le cachemire en produisent moins, puisqu'à l'origine, elles ne produisent pas le cachemire pour l'industrie du luxe, mais pour se protéger du froid. Donc, elles en produisent moins. Comme il fait plus chaud, la qualité aussi des fibres issues n'est pas exactement la même. Or, dans le luxe, toujours pareil, on a des besoins des plus hauts standards de qualité, de longueur de fibre spécifique. Et donc, très concrètement... ça a un impact sur le prix du cachemire. Donc aujourd'hui, tous ces effets-là de raréfaction d'un certain nombre de choses liées à la biodiversité, de dysfonctionnement des écosystèmes, c'est plus simplement quelque chose de l'Ibès ou du GIEC, c'est une réalité tangible pour les entreprises. Donc quelque part, c'est l'ensemble de cet écosystème de l'entreprise qui fait bouger aussi les lignes à l'intérieur.

  • Marie-Claire

    Alors pour faire bouger, il faut aussi mesurer. Je sais que le groupe a aussi été précurseur en développant...

  • Aurélie

    Ça va être nouveau qu'on va l'utiliser !

  • Marie-Claire

    C'est le thème, de toute façon je l'ai dit en introduction, donc comme ça il n'y a pas de surprise pour les auditeurs. Vous avez lancé un outil, le ePNL, le compte de résultats pour l'environnement. Est-ce que tu peux revenir un peu sur la genèse de cette création et pourquoi c'était important finalement ? de rentrer dans ces réflexions de la mesure et notamment de la conversion en euros pour justement faire en sorte de pouvoir mettre des bases, on va dire, un petit peu communes pour mesurer justement l'impact des actions.

  • Aurélie

    Alors tu l'as évoqué, la mesure c'est clé. C'est-à-dire que si on veut mettre en œuvre des actions, Si on veut mesurer les impacts sur le terrain de nos actions, il faut être en capacité de les mesurer. Et donc c'est dans cet esprit-là qu'a été développé le compte de résultats pour l'environnement. En partant du principe que certes il fallait mesurer dans ce que moi j'appelle en fait les frontières légales de l'entreprise et qui était jusqu'à présent notamment demandé par la réglementation, alors qui va changer à partir de l'année prochaine, mais aujourd'hui c'était une réglementation très tournée vers l'intérieur. dans les frontières légales et simplement sur un certain nombre de sujets. Et plus que l'intuition, nous avions la conviction que du fait du modèle d'affaires de notre secteur, beaucoup d'impact provenait en fait de la chaîne d'approvisionnement. Pour d'autres secteurs, c'est moins la chaîne d'approvisionnement et c'est plus l'usage, donc c'est derrière la production du bien. Et donc nous sommes partis à créer... On a créé ce compte de résultats pour l'environnement qui a une double particularité. Un, il mesure cette empreinte environnementale dans nos frontières légales sur les émissions de gaz à effet de serre, sur la partie biodiversité qu'on appelle le land use, sur les NOx, les SOx, sur la consommation d'eau, sur la pollution d'eau. Et nous l'avons fait jusqu'au rang 4. de notre chaîne d'approvisionnement. Et le rang 4, c'est l'élevage bovin, l'élevage au vin, le champ de coton, etc. Et il nous a semblé aussi important d'avoir à la fois une prise en compte des externalités négatives sur l'ensemble de l'écosystème. Quand on a le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, pour prendre l'exemple le plus simple, évidemment ça a un impact. sur la biodiversité. Quand on parle des émissions de particules de NOx, de SOx, ça a un impact sur la santé humaine. Donc c'est vraiment de se dire, je mesure dans une approche 360 les émissions et l'ensemble des impacts. Et ensuite, il était aussi important... de donner une notion d'impact financier, d'où la conversion en euros, pour illustrer notamment, pour être concrète, la compétition des usages, pour être plus explicite. On a un élevage bovin qui est en Normandie et qui va consommer X litres d'eau. On est dans une zone où il pleut. En Bretagne, je suis bretonne, donc je peux dire qu'il pleut en Bretagne. On ne va pas se perdre. Il n'y aura pas de problème avec le breton. Voilà, c'est ça. On va prendre l'élevage. Et je répète, je suis bretonne, je suis renaise. Là-dessus, il pleut. Donc la compétition entre les différents usages n'est évidemment pas la même. par rapport à avoir simplement un élevage qui va se retrouver dans le sud de l'Italie, où évidemment entre cette partie-là qui va être utilisée pour l'industrie du luxe versus le secteur du tourisme versus un élément essentiel qui est le monde agricole pour nourrir les individus, évidemment il n'y a pas la même compétition. Et quand je parle en litres d'eau, je n'illustre pas l'ensemble de l'écosystème, alors que quand je lui donne une valeur monétaire, j'illustre bien ce sujet-là. Ensuite, nous ce que l'on a découvert dans l'utilisation de l'IPNL, quelque chose d'extrêmement puissant pour manager au-delà de la mesure, c'est qu'on parle un langage commun. C'est-à-dire qu'au sein de l'entreprise, ce n'est pas forcément évident au départ de parler avec tout le monde de X tonnes équivalent carbone ou de X litres d'eau ou j'ai émis tant de nox ou de sox. En revanche, d'être en capacité d'avoir ce langage commun en euros ou en dollars, permet qu'il y ait une compréhension des enjeux qui est beaucoup plus facile à partager. Et puis ensuite, au fur et à mesure de l'utilisation de cet IPNL, aujourd'hui, ça nous permet aux CEOs des marques d'avoir le PNL classique d'un côté, l'IPNL, et de se dire quel est l'investissement qui va être le plus efficient, le plus pertinent en ayant cette double composante. à la fois business classique et aussi impact sur l'environnement. Et puis un élément, on l'a mis en première fois en ligne avec l'intégralité des éléments pour le groupe, c'était en 2015, ça nous a vraiment permis de bien connaître notre chaîne d'approvisionnement. Puisque évidemment, pour remplir et calculer cet IPNL, Il faut avoir ce qu'on appelle la donnée primaire à l'origine, ces données primaires qui viennent de nos fournisseurs. Et donc ça a permis aussi d'engager un dialogue avec nos fournisseurs sur des sujets qui, comme tu l'évoquais encore une fois à l'époque, n'étaient pas forcément classiques, et aussi de faire une sorte de pédagogie. Et c'est ça que j'aime, d'aller au-delà de notre propre rôle, mais d'essayer d'entraîner le système. Et aussi d'expliquer qu'aujourd'hui, peut-être que ce sont les marques du groupe Kering qui vous le demandent, mais demain, ça sera d'autres marques et voir la réglementation qui allait évoluer. Et donc aujourd'hui, c'est un outil qui est extrêmement puissant pour nous, puisque un, ça nous permet d'avoir des éléments de comparabilité, puisqu'il y a cette inscription dans le temps, et puis vraiment aussi de voir où sont nos impacts. En fait, si les programmes que l'on met en place... Que ça soit sur le cuir, le tannage, sans métaux lourds, etc. Quel est l'impact et comment ça nous permet de réduire notre empreinte environnementale ? Et alors,

  • Marie-Claire

    ça dépasse les frontières de Kering ? Est-ce que cet outil a été mis en open source ?

  • Aurélie

    Alors cet outil a été mis en termes de méthodologie dès 2015 en open source. Et aujourd'hui, il n'y a plus, et c'est ça qui est intéressant, il y a plus de 1000 entreprises. je n'ai pas le chiffre exact parce que quelque part ça change tous les mois, qui utilisent en fait ce type de comptabilité. Soit ils l'appellent IPNL, soit ils ont mis en place une autre terminologie. Ils rendent accessibles au public les données ou parfois non, mais il y a plus de 1000 entreprises et des secteurs très différents. On a par exemple parlé de Davidson qui utilise cette méthodologie. On a de l'industrie pharma qui l'utilise. Alors évidemment derrière il y a un petit travail d'adaptation, il y a aussi en fait une lecture des impacts qui ne sont pas au même endroit, mais c'est quelque chose qui est en train de bouger, qui est extrêmement utile. Ensuite encore une fois ce n'est pas parfait parce que derrière il y a aussi la qualité de la donnée et ça c'est un sujet qui est très tendance en ce moment et donc c'est un effort permanent pour continuer de s'améliorer. Pareil pour la méthodologie. La méthodologie, je ne dis pas qu'elle est parfaite, mais elle est intéressante. On a les ordres de grandeur et donc ça permet de focusser sur les bons sujets. La majorité de nos émissions de gaz à effet de serre, moi, quand je suis rentrée dans le groupe, je me suis dit, je vais mettre les produits sur des bateaux ou faire du ferroutage parce que j'avais dans ma représentation que beaucoup de notre impact devait venir sur la partie transport. Alors... Ben non, ça vient en fait des émissions de méthane des bovins. Et donc il y a aussi un élément extrêmement pédagogique. Quand on se le dit comme ça, Aurélie, ça paraît assez simple. Il faut aller voir les designers, leur expliquer que la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre proviennent du méthane émis par les bovins. C'est pas... Ce n'est pas si évident que ça, en termes, encore une fois, d'entraîner les équipes et donc d'avoir des éléments factuels. Je ne dis pas ça parce que je suis ingénieure, mais d'avoir des éléments quantifiés, chiffrés, mis à plat, c'est extrêmement aussi utile pour faire avancer les choses. Et c'est vraiment un avantage aussi quand on voit maintenant ce qui va être demandé via la CSRD, pour avoir déjà des éléments très tangibles. Voilà.

  • Marie-Claire

    Alors tu disais tout à l'heure que vous avez... Vous annoncez une nouvelle ambition qui est de réduire de 40% vos émissions absolues à l'échelle du groupe. Déjà, ça m'intéresse de savoir qu'est-ce que tu mets derrière émissions absolues et pourquoi est-ce que c'est un cap pour le groupe Kering ? Parce qu'en fait, on a du mal à se rendre compte finalement. Est-ce que c'est beaucoup ? Pas beaucoup ? Concrètement, en quoi ça représente un cap et un engagement extrêmement fort avec des impacts aussi très forts pour le groupe ?

  • Aurélie

    Alors souvent, d'abord le mot absolu, c'est le mot clé dans cette phrase, c'est vraiment le mot clé. C'est-à-dire que souvent, et nous les premiers en fait par le passé, et c'était déjà un effort colossal, nous parlions en intensité. Donc pour résumer de manière très simple, à l'échelle d'un produit, supposons par exemple que je substitue... le cuir issu d'une agriculture conventionnelle par de l'agriculture régénératrice, que je prenne du polyester recyclé ou du cachemire recyclé, à l'échelle d'un produit, je vais réduire mon empreinte environnementale et notamment mes émissions de gaz à effet de serre. Mais nous sommes en fait dans une entreprise, dans un business qui est croissant et donc pour lequel, même si nous sommes sur des volumes... Évidemment, nous vendons plus, par exemple, de produits. Et donc, in fine, au borne de l'entreprise, j'émets plus de gaz à effet de serre en direction de la planète, même si, à l'échelle de chacune de mes activités ou de chacune de mes actions, j'ai réduit mes émissions de gaz à effet de serre. C'est assez simple, si j'ai augmenté... les volumes où j'ai augmenté l'activité. À partir du moment où on parle en absolu, c'est quelque part, on se fixe en fait un cadre extrêmement ambitieux et de se dire, quel que soit... Quelle que soit quelque part la croissance, il va falloir rentrer dans cette réduction. Et c'est extrêmement intéressant puisque là, on fait une décorrélation entre la croissance du business, il faut être profitable, on est coté, on est une entreprise, et donc oui, on veut faire du business, et en même temps, la décroissance pour les émissions de gaz à effet de serre. Et donc, pour faire ça, et pardon des quelques anglicismes, parce que c'est la terminologie qu'on utilise en interne, il va y avoir en fait trois niveaux d'action. Il va y avoir un premier niveau d'action qui tourne autour de ce que l'on appelle la fair production. Et donc la fair production, c'est à la fois, et tu l'évoquais dans une de tes questions, produire en fait les bons volumes, ce qui est adapté, etc. C'est aussi les stratégies d'élévation de marques, la capacité aussi pour nos clients de créer de nouvelles expériences, etc. Donc ça, c'est un premier niveau d'action. Il y a un deuxième niveau d'action et ça rejoint vitesse et échelle que j'évoquais au début de cette conversation. qui est de dire qu'il faut augmenter les matières premières qui sont issues de l'agriculture régénératrice. Et c'est pour ça, on y reviendra peut-être, qu'on est vraiment très punchy sur ce travail au travers de notre fonds. C'est être en capacité d'utiliser de plus en plus de matières premières ou de fibres issues de... du recyclage, etc., et de l'économie circulaire. D'où le fait que, par exemple, Gucci, avec le Corporette, nous avons créé ce qu'on appelle le Circular Hub en Italie. qui est vraiment pour augmenter cette proportion issue de l'économie circulaire. C'est aussi toute la partie matière première ou process issue de l'innovation. Encore une fois, quand on parle innovation, le premier hub que l'on a créé au sein du groupe pour l'innovation et qu'on appelle le Material Innovation Lab, il date de 2013. Il est basé à Milan. On avait très tôt la conviction que sans innovation, nous n'arriverions pas à atteindre ces objectifs. Et aujourd'hui, on est à plus de 3800 échantillons de tissus qui ont les caractéristiques environnementales et sociales. Et ce hub basé à Milan est en capacité de proposer aux marques des solutions de tissus. qui permettent aussi de réduire leur impact, tout en ayant les mêmes standards de qualité. Je ne me répète pas, mais les standards de qualité, c'est un prérequis quand on est dans l'industrie du luxe. Et fort de cette expérience avec le Mille, on a créé le même type de structure, mais pour la partie joaillerie en 2020. Et pareil, basé à Milan, et pour aider les marques, y compris aussi sur les pierres précieuses, semi-précieuses des process à avoir. Donc ça, c'est la deuxième, on va dire, partie volée niveau pour atteindre les objectifs. Et puis le troisième, et ne me demande pas plus concrètement ce que c'est, c'est de se dire, il y a de nouveaux business models qui sont à inventer, qui vont permettre de servir la croissance, de réduire l'empreinte environnementale. L'exemple que je peux te donner, c'est la seconde main. Mais évidemment, à l'échéance de 2035, il y en aura d'autres. Et c'est aussi pour ça que pour moi, ça rejoint bien le côté, je stimule en fait la créativité. Je pousse les uns et les autres à aller au-delà en fait de leurs frontières classiques et à mettre de nouveaux process, de nouveaux produits, de nouvelles idées. Voilà, ça semble un peu abstrait comme ça, mais à utiliser. Et c'est simplement, et ça c'est vraiment important, c'est simplement si on est en capacité... d'agir sur ces trois leviers et de façon significative, que nous pourrons arriver à réussir à atteindre cet objectif. Mais pour moi, c'est clé. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il faut parler en absolu. Ça, c'est vraiment clé. Et deuxièmement, on le voit, et d'ailleurs, ça devient aussi un sujet en termes de certification pour le SBTI, etc. On voit vraiment que cette notion d'absolu, elle est présente partout. On a souvent tendance à parler du scope 3 en disant que c'est le scope. Et c'est vrai, le plus compliqué pour avoir la qualité de la donnée, pour agir, etc. entre guillemets, on est en dehors de chez soi. Mais c'est un élément qui est fondamental. Mais le deuxième élément, c'est bien cette notion de réduction en absolu. Et qui demande, quand on parlait tout à l'heure d'innovation, et ça aussi, c'est essentiel pour moi, pas simplement d'avoir des innovations qui permettent de faire des progrès incrémentaux, mais vraiment des innovations qui permettent... de changer d'où le terme de disruption et d'innovation disruptive, parce que ça va plus loin que ça. Ce n'est pas juste de dire je fais un petit pourcent de temps en temps par-ci par-là. Non, il y a vraiment besoin sur certaines choses d'avoir des changements très en profondeur. À titre plus personnel,

  • Marie-Claire

    quelles sont les réalisations dont tu es la plus fière ces 11 dernières années ?

  • Aurélie

    Alors si on est au niveau de Kering, la réalisation où je suis la plus heureuse en termes de décision que le groupe ait prise, c'est l'arrêt de la fourrure. Alors, tu me diras, ce n'est pas complètement un sujet environnement. L'arrêt de la fourrure, je trouve que ça illustre aussi énormément de choses derrière. D'abord, un, quand François-Henri Pinault a pris cette décision, c'était une décision extrêmement courageuse, puisque évidemment, d'un point de vue business, c'était quelque chose qui était rentable. Donc, voilà. Deuxièmement, c'est aussi pour moi, parce que quand on parle de protection de la planète, quand on parle de salaires décents pour les employés dans la supply chain, etc., et ce n'est pas parce que je suis en charge de l'éthique que je vais dire ça, mais il y a une espèce de chapeau. J'agis bien. vis-à-vis des personnes, j'agis bien vis-à-vis de la planète, j'agis bien vis-à-vis des animaux, etc. Et donc, il y a cette notion d'éthique. Et donc, je trouve ça extrêmement fort, extrêmement riche. Et donc, s'il faut choisir... Si il y a une seule réalisation, je prendrais celle-ci. Ça a permis d'ailleurs au groupe d'être le premier groupe à arrêter totalement la fourrure, sachant que dès 2016, Gucci avait déjà en tant que marque de luxe, était la première marque de luxe à le faire. Ensuite, si tu m'en permets une seconde et j'arrêterai, c'est de se dire... Ce qui est pour moi, ce n'est pas un sujet ensuite en termes de réalisation, c'est vraiment de savoir que le développement durable, cette notion-là, elle est partout présente dans le groupe. J'étais l'autre fois à Nocite, il y a 15 jours, à Scandici, près de Florence. C'est super de voir comment les salariés du groupe... ont envie de savoir, nous poussent à aller plus loin et que c'est vraiment dans la culture et dans les valeurs du groupe. Donc ça, c'est une réussite collective. C'est quelque chose qu'il faut vraiment conserver dans l'ADN du groupe puisque maintenant, on peut se dire que c'est dans l'ADN du groupe et c'est vraiment quelque chose sur lequel il est essentiel d'avoir, comme il le fait maintenant et depuis toujours, l'implication personnelle de François-Henri Pinault, parce que pour moi, ces sujets-là, c'est comme quand on compare les fonctions de CSO avec d'autres fonctions. Évidemment, ça a beaucoup évolué. Évidemment, ça a acquis une certaine maturité. Mais on n'est pas encore sur un sujet totalement banalisé. Peu de gens vont dire que le climat n'est pas important, que le manque d'eau n'est pas important. Évidemment, c'est devenu, entre guillemets, politiquement incorrect. et ça fait partie des priorités mais il faut que ça reste au top des priorités parce que sinon si c'est une priorité parmi les priorités c'est moins une priorité et donc ça est chez moi sur le terrain est-ce que tu peux nous partager ton plus grand échec ou ta plus grande frustration

  • Marie-Claire

    Alors,

  • Aurélie

    d'abord, un, je pense qu'on est, pour travailler dans le développement durable et notamment sous l'angle environnement, il y a deux prérequis. Un, c'est d'être assez optimiste, parce que, voilà, et deux, de jamais renoncer. La résilience.

  • Marie-Claire

    Tout est preuve. Donc,

  • Aurélie

    c'est... Des échecs, c'est plus le sentiment de créer ce besoin d'aller vite, d'accélérer, d'appuyer sur la pédale et en même temps d'aller plus rapidement pour mettre à l'échelle. C'est à la fois un échec parce qu'on voudrait que tout aille très vite, etc. Après, on ne bouge pas non plus les organisations. J'ai aussi vraisemblablement changé par rapport à quand j'ai pris mon premier poste sur le terrain, etc. Donc ça, c'est la maturité, qui est de dire qu'on ne peut pas tout changer en une nuit. Et il faut changer. Ce qu'il faut être certain, c'est que chaque année, chaque six mois, chaque mois, il y a des progrès qui sont effectués. Après la révolution du grand soir sur nos sujets... je n'y crois pas. Après, en termes de réussite et qui répond réussite et qui répond frustration, moi, je suis vraiment extrêmement heureuse de ce que le groupe a pu faire en termes de coalition dans notre secteur, que ça soit autour du Fashion Pact ou que ça soit avec la Watch Joyer Initiative qu'on a lancée avec nos amis de quartier parce que ça fait bouger le secteur. Et un élément à... Avant de conclure sur Kering, c'est de dire que quelle que soit la taille du groupe Kering, quelle que soit la puissance du groupe Kering, on n'est pas suffisamment grand et suffisamment fort pour changer le paradigme tout seul. Donc on a besoin des autres. Et quand on est dans le fashion pacte, on travaille aussi bien avec Inditex, on travaille avec Nike, on travaille avec Chanel, on travaille avec H&M. Et donc c'est vraiment le secteur qui se met en mouvement. Et pareil côté horlogerie et joaillerie. Et pour moi, ça c'est clé. C'est vraiment de se dire on collabore, on travaille ensemble et quelque part ces sujets-là ne sont pas vus comme des sujets de compétition évidemment qu'on est en compétition sur le reste, mais là-dessus et c'est là où je retrouve aussi l'intérêt général il y a un intérêt en fait suprême qui nous dépasse et qui fait qu'on agisse dans le même sens,

  • Marie-Claire

    voilà je te vois sourire c'est passionnant on pourrait y passer des heures mais le temps va nous manquer du coup je te propose de passer à la boîte à questions Marie-Claire Allez, je te laisse piocher deux cartes dans chaque paquet et me le remettre. Alors, deux cartes. Toc,

  • Aurélie

    toc. Allez,

  • Marie-Claire

    et de ce côté-là aussi. Allez, première question. Tu me stresses, là. Tu me stresses.

  • Aurélie

    Je n'ai pas dit.

  • Marie-Claire

    Elles ne sont pas toujours faciles, les questions de la boîte à questions. Allez, première question, Marie-Claire. Comment vois-tu ton industrie dans dix ans ?

  • Aurélie

    Alors l'industrie d'Andysange et notamment l'industrie du luxe, pour moi, en fait, il va y avoir des changements en profondeur, dans le sens où c'est déjà le cas, on voit les millennials, les genzies parmi nos clients qui sont très sensibles à ces sujets-là et qui vont devenir de plus en plus attentifs, questionner de plus en plus les marques sur un certain nombre de sujets. Donc ça, ça va entraîner un certain nombre de changements pour les marques. Et puis, deuxièmement, je pense que sur le côté matière première process, on aura toujours l'articulation entre le savoir-faire et l'héritage, mais avec des matières premières qui seront complètement nouvelles. On a déjà utilisé du mycélium de champignons pour faire des manteaux, des accessoires. On réfléchit à comment faire du cuir en laboratoire. Tout ça va exploser, même pas dans les dix ans pour moi, dans les cinq ans qui viennent, il va y avoir une transformation profonde. Je suis trop longue dans mes réponses, je le vois. Pas du tout, tu sais,

  • Marie-Claire

    c'est toi qui as un agenda très serré, donc je peux rester là toute la matinée avec toi, Marie-Claire. Allez, deuxième question, business. Comment, en tant que leader, gères-tu les turbulences, les moments d'incertitude ?

  • Aurélie

    Quand on est sur le développement durable, il faut avoir, et j'apporte ma contribution, mais c'est vraiment quand on parle au niveau du groupe, encore une fois, François-Henri Pinault, il faut s'inscrire dans la durée. Le développement durable, ce n'est pas ce qu'on disait qu'on change en une nuit, ce n'est pas quelque chose à six mois, ce n'est pas quelque chose à un an. Donc il faut, et c'est ce que l'on fait, l'avoir inscrit au cœur de la stratégie. Quelles que soient les turbulences géopolitiques, quelles que soient les turbulences nationales, européennes, etc., ou liées directement au business, il faut avoir un cap, maintenir ce cap. Et puis parfois, il y a des sujets qui avancent plus vite, parfois ça avance moins vite, mais il faut savoir où on veut aller et surtout ne pas lâcher. Allez,

  • Marie-Claire

    je te propose de passer aux questions plus personnelles. Marie-Claire, comment continues-tu à progresser ? Alors d'abord, un,

  • Aurélie

    j'ai la chance d'être sur une matière qui est en évolution constante et qui demande en fait de se remettre en cause, je vais dire constamment, du pléonasme. D'abord, un, j'ai une équipe qui est formidable, que ce soit au niveau du corporate ou au niveau des marques, et notamment une équipe où il y a des jeunes qui sont très curieux, très convaincus. qui sont aussi comme moi un peu activistes, mais que je le vends comme une qualité pour eux ou pour moi. Et donc tout ça, en fait, c'est une façon de nourrir, de progresser. On a une culture au sein du groupe et qui me sert à titre personnel, qui est vraiment de travailler en collaboration avec beaucoup d'experts, beaucoup d'ONG, beaucoup d'universités. Et donc ça, c'est formidable. pour être challengé. Donc parfois, ce n'est pas si évident que ça, mais aussi pour progresser et continuer. J'ai la chance, en fait, c'est mon boulot, mais c'est aussi ma passion. Et donc, ça crée en fait une énergie. On le sent. Les gens, vous ne le voyez pas,

  • Marie-Claire

    mais il y a une énorme énergie qui se dégage de Marie-Claire. Et donc,

  • Aurélie

    du coup, quelque part, ça aide aussi pour essayer de progresser. Mais peut-être que si tu poses la question à l'entourage, ils diront non, non, elle ne progresse pas du tout, du tout. Allez, dernière question et je te libère.

  • Marie-Claire

    As-tu des rituels pour rester en forme ? et tenir à ce niveau de responsabilité dans la durée ?

  • Aurélie

    Ce n'est pas en sorte de dire des rituels spécifiques, mais j'ai beaucoup de chances de pouvoir me ressourcer, d'avoir une vie privée, une famille, des enfants qui sont formidables. Pardon, ça fait un peu cliché, mais c'est la vérité. J'ai une fille de 22 ans, j'ai un petit garçon de 13 ans. et c'est en eux que je trouve en fait l'énergie, la puissance et eux aussi me challengent sur le thème ouais mais votre génération, voilà vous n'avez pas fait assez etc donc je rentre à la maison et quelque part on se refait challenger mais c'est vraiment grâce à eux que je tire mon énergie Merci beaucoup Marie-Claire,

  • Marie-Claire

    si on souhaite suivre ton actualité où est-ce qu'on te retrouve ? Eh bien,

  • Aurélie

    à la fois, ce que le groupe fait, nous sommes vraiment beaucoup à partager l'information sur le site Internet, etc. Et puis aussi, je mets pas mal de choses sur LinkedIn pour partager notre actualité. Eh bien, écoute, merci beaucoup,

  • Marie-Claire

    Marie-Claire. Merci à toi, Aurélie.

  • Aurélie

    À très bientôt. À très bientôt. C'est la fin de cet épisode,

  • Marie-Claire

    j'espère qu'il vous a plu. Pour m'aider à faire connaître le podcast, c'est très simple. Parlez-en autour de vous, mettez une note 5 étoiles accompagnée d'un gentil commentaire et abonnez-vous à mon compte pour être notifié des prochains épisodes. Si vous souhaitez en savoir plus sur le podcast, je vous donne rendez-vous sur mon site aurelie-gallet.com ou sur mon LinkedIn. Un grand merci à tous et rendez-vous la semaine prochaine pour un prochain épisode.

Description

Cette semaine je vous invite à découvrir le témoignage de Marie-Claire Daveu, Directrice  du Développement Durable et des Affaires Institutionnelles, et membre du comité exécutif du groupe de luxe Kering. Ingénieure de formation, Marie-Claire a démarré sa carrière comme haut-fonctionnaire dans l’agriculture et l’environnement. Elle a occupé plusieurs postes de directrice de cabinet avant de rejoindre Kering en 2012. Marie-Claire est membre de plusieurs conseils d’administration dont Engie et le Crédit Agricole. 


Dans cet épisode, je vous emmène découvrir le parcours de cette femme engagée et décrypter les dessous de l’ambition du groupe Kering en matière de développement durable. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurélie

    Bonjour à tous, ici Aurélie Gallet. Je suis ravie de vous accueillir sur Disruption Inside, le podcast qui décrypte de l'intérieur la transformation des entreprises et des acteurs publics. Ensemble, nous allons à la rencontre de leaders business institutionnels qui font bouger les lignes. Nous allons décrypter leurs stratégies, revenir sur leurs réussites et leurs échecs, et faire le plein de conseils pratiques. Mon objectif, vous aider à passer à l'action en vous inspirant des meilleurs. Cette semaine, je vous invite à découvrir le témoignage de Marie-Claire Daveux, directrice du développement durable et des affaires institutionnelles, et membre du comité exécutif du groupe de Luxe Kering. Ingénieure de formation, Marie-Claire a démarré sa carrière comme haut fonctionnaire dans l'agriculture et l'environnement. Elle a occupé plusieurs postes de directrice de cabinet avant de rejoindre Kering en 2012. Marie-Claire est membre de plusieurs conseils d'administration dont Engie et le Crédit Agricole. Dans cet épisode, je vous emmène découvrir le parcours de cette femme engagée et décrypter le défi. Dessous de l'ambition du groupe Kering en matière de développement durable. Bonjour Marie-Claire.

  • Marie-Claire

    Bonjour Aurélie.

  • Aurélie

    Merci beaucoup de m'accueillir dans ces magnifiques locaux. Est-ce que déjà pour commencer, tu peux nous dire quelques petits mots de l'endroit où on est aujourd'hui ?

  • Marie-Claire

    Alors, je suis d'abord ravie de t'accueillir Aurélie au siège de Kering. Donc Kering, nous sommes rue de Sèvres. Nous sommes dans le 7e arrondissement et nous sommes en fait sur le lieu de l'ancien hôpital La Henec. Donc effectivement, c'est un lieu qui est magnifique, que nous occupons en fait depuis juillet 2016. Et c'est un peu la nature dans Paris. Donc ensuite, on ira peut-être faire un petit tour et tu pourras voir les ruches où nous avons des abeilles, un petit potager. Donc voilà, c'est juste un lieu magique pour venir travailler.

  • Aurélie

    Alors Marie-Claire, je disais en introduction, tu as un parcours extrêmement riche. Quel a été un peu le fil conducteur de ta carrière ? Qu'est-ce qui t'a animée ? Depuis la jeune ingénieure ?

  • Marie-Claire

    Même avant la jeune ingénieure, j'ai toujours été passionnée par les animaux, la vie sauvage, le bien-être animal, puisque quand j'étais adolescente, je militais dans des associations de protection animale. J'ai ce fil conducteur qui, au fur et à mesure, s'est formé autour de la biologie, des sciences du vivant, etc. C'est ce qui m'a animée aussi dans le choix de mes études et c'est ce qui continue en fait. De m'animer au quotidien pour faire le maximum, pour protéger la planète, nos écosystèmes et l'environnement au sens large.

  • Aurélie

    Quels ont été un peu les grands moments de ta carrière ?

  • Marie-Claire

    Les grands moments, il y a eu quand même toute une période qui est liée à mon passage dans la fonction publique, puisque quand j'étais plus jeune, je voulais vraiment travailler dans l'administration avec, je dirais, une conviction très profonde que derrière l'intérêt général, il y avait vraiment tous ces sujets de protection de la planète. Et donc, pour moi, le fait de rentrer, un, dans l'administration, mon premier poste, qui était un poste... Le terrain, c'est quand même... J'étais en direction départementale de l'agriculture et de la forêt dans la Manche. Donc c'est une première expérience extrêmement forte avec des rencontres passionnantes. Puis le passage en cabinet ministériel. Donc là où c'est une vie en fait très, très, très, très intense, mais qui est vraiment très, très passionnante. Et où on peut aussi, et c'est très important... Faire partager ses propres convictions auprès des politiques que l'on sert et donc d'essayer de faire avancer les idées auxquelles on croit. Et puis cette nouvelle vie depuis 2012 qui est dans le secteur privé au sein de Kering et qui est plus tournée vers l'opérationnel, le concret, et de vraiment mettre en œuvre un certain nombre de programmes, mais je suis certaine qu'on y reviendra, avec aussi cette dimension internationale. qui est extrêmement forte puisque le groupe Kering, au travers de ces marques, est présent dans plus de 55 pays. Et donc, il y a vraiment cette dimension internationale très forte.

  • Aurélie

    Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec le groupe Kering ? Qu'est-ce qui t'a donné envie, finalement, de rejoindre ce groupe ?

  • Marie-Claire

    Quand j'ai terminé la première période de cabinet ministériel et d'administration, je souhaitais rejoindre le secteur privé, mais je souhaitais vraiment rentrer dans un groupe pour lequel ces sujets étaient importants. Et quand j'ai rencontré, en fait, c'était en mai 2012, François-Henri Pinault, qui est l'actuel PDG... du groupe Kering, j'ai eu une rencontre qui était très forte puisque j'avais face à moi un PDG qui avait une vision extrêmement claire sur ce que l'on appelle les sujets de développement durable, de SG, quelle que soit la sémantique, et qui était à la recherche de quelqu'un pour mettre en œuvre vraiment cette vision de façon très opérationnelle, avec aussi la possibilité d'avoir les moyens humains et les moyens financiers pour faire des De telle sorte à ce que ça ne reste pas simplement un concept, une vision ou des discours, mais véritablement de le transformer et de l'intégrer dans le modèle d'affaires. Et donc ça pour moi c'est extrêmement important. Et ensuite avec une conviction très forte aussi de François-Henri Pinault sur la thématique des femmes. Partant du principe que sur ce sujet-là également, le groupe avait une responsabilité particulière puisque la majorité en fait des personnes qui travaillent aussi bien dans notre chaîne d'approvisionnement qu'en tant qu'employés du groupe sont des femmes. Nos clients sont essentiellement des clients. et donc sur cette thématique aussi, ça nous donnait le devoir d'avoir des actions concrètes et d'essayer de faire bouger les lignes. Et ce côté, j'en terminerai là, vraiment très avant-gardiste, puisqu'il faut se remettre, on était 2012, aujourd'hui tout le monde en parle, c'était quelque chose de très pionnier et qui m'a donc tout de suite attirée.

  • Aurélie

    Alors justement, parlons-en, quel est finalement un peu le... L'origine de cet engagement, pourquoi est-ce que le groupe a décidé d'être un peu précurseur en 2013 quand vous vous êtes lancé dans ces réflexions ?

  • Marie-Claire

    Alors le groupe Kering, c'est un groupe qui est coté, donc c'est un groupe du CAC 40, coté à Paris, mais qui est un actionnaire en fait familial. Et donc le positionnement de la famille et de François Répinault, en l'occurrence, est extrêmement important. Il est convaincu depuis toujours, si je peux le dire ainsi, que prendre en compte les enjeux de protection de la planète, les enjeux liés en fait à l'homme avec un grand... Les tâches sont essentielles non seulement pour des raisons éthiques, mais également pour des raisons de business, de continuité du business et aussi la capacité de faire croître tout simplement l'activité du groupe. Pour une raison qui est très simple, c'est que quand on regarde nos... produits de luxe, les matières premières viennent vraiment de la nature. Quand on pense coton, soie, cuir, laine ou également l'or, quand on est plutôt dans la partie joaillerie, toutes ces matières premières viennent directement de la nature. Et donc, il y a à la fois, pour des raisons éthiques, d'en prendre soin, de faire attention, mais également dans cette partie... qui est aussi liée, si on veut continuer à développer le business, il faut avoir des matières premières, non seulement en quantité suffisante, mais aussi en qualité. Et ce qui est intéressant quand vous regardez le nom Kering, alors l'origine en 30 secondes, c'est KER, la maison en breton qui fait référence aux racines bretonnes de la famille et donc du groupe. Et puis le ING, c'est le mouvement, c'est l'international, c'est l'ouverture vers le monde. Mais on le voit bien que quand on prononce en fait caring on a aussi cette notion du care que l'on retrouve en anglais et qui est vraiment je prends soin de mes clients, je prends soin de la planète, je prends soin de mes employés Donc tout ça aussi est intrinsèquement lié. Et encore une fois, cette vision pour l'entreprise d'intégrer ces enjeux était extrêmement avant-gardiste. Et elle s'est matérialisée très rapidement par, par exemple, la création d'un comité développement durable au niveau du conseil d'administration de Kering. Et nous étions en fait une des premières entreprises du CAC 40 à avoir un comité développement durable du board dédié à la thématique développement durable.

  • Aurélie

    Alors on va rentrer un peu plus en détail sur justement la manière dont tout ça est structuré au sein du groupe Kering. Peut-être juste avant de rentrer et de parler plus précisément de ce que tu fais aujourd'hui au sein du groupe, quelle est aujourd'hui pour avoir un peu la vision macro ? Qu'est-ce que vous voyez du secteur du luxe dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre ?

  • Marie-Claire

    On a les éléments s'agissant de l'industrie textile. Le luxe est un segment de l'industrie textile, segment qui représente des groupes qui sont très hétérogènes en termes de produits de volume. L'ordre de grandeur communément admis, c'est 4%. 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Ensuite, c'est un secteur qui est reconnu le secteur de l'industrie textile parmi les secteurs les plus polluants, puisque derrière les émissions de gaz à effet de serre, il y a aussi la consommation d'eau, l'utilisation de produits chimiques.

  • Aurélie

    Dans cette industrie, finalement, est-ce qu'on peut vraiment être green ? Parce qu'on est toujours tous incités, finalement, à consommer, y compris dans l'industrie du luxe, parce qu'on a des influenceurs qui vont faire la promotion d'un certain nombre de produits. Est-ce que, finalement, ce n'est pas antinomique ?

  • Marie-Claire

    Alors, l'industrie du luxe, je dirais que par son ADN, elle est durable, pour plusieurs raisons. D'abord, et c'est pour ça que je parlais, que j'évoquais le fait qu'il y ait différents... La première chose, c'est que quand on parle des volumes produits par le luxe, c'est le principe, c'est la rareté. Le luxe n'est pas inclusif. Et donc, par ces volumes, on est sur des volumes qui sont extrêmement faibles. Deuxièmement, les matières premières qui sont utilisées, on est vraiment sur des matières premières de très haute qualité et donc qui sont faites pour durer. Le luxe est totalement à l'opposé de cette notion de je l'utilise pour une période de temps limitée Au contraire, le luxe, c'est la transmission. Vous achetez un sac Bottega Veneta, c'est pour le transmettre, soit à votre fille, aux générations suivantes. Et donc, il y a vraiment cette notion de durabilité qui est inscrite dans le temps quand on parle du produit de luxe. Ensuite, il y a aussi un élément qui est très fort quand on parle du côté, on va dire, social, savoir-faire qui est associé au luxe. Vous avez toute cette notion d'artisanat. Et véritablement, le luxe là-dessus a cette capacité de sauvegarder, de promouvoir un certain nombre d'artisanats, si je prends notre exemple, que ce soit en France ou en Italie, sur des savoir-faire locaux. et ça, ça me semble essentiel. En revanche, et c'est pour ça que j'aime à dire que le luxe, puisqu'il est en fait un influenceur, le luxe lance les tendances, ça lui donne une responsabilité particulière. Et donc c'est pour ça que quand vous êtes dans le secteur du luxe, Vous avez la responsabilité non seulement d'agir quelque part dans vos frontières légales en tant qu'entreprise et d'essayer de mettre en place les meilleures pratiques sur l'environnement, sur le social, mais vous avez un rôle plus large qui est quasiment, et il faut rester modeste, mais qui est quasiment un rôle politique avec un grand P en tous les cas d'influenceur pour essayer de faire bouger l'ensemble de l'industrie. l'ensemble des secteurs dans ce sens-là. Et pour vous donner des exemples très concrets, un des premiers sujets qui nous a semblé extrêmement fort et qui a été poussé par François-Henri Pinault dès le début, c'est de dire quand on a une bonne pratique, quand on a une innovation, quand on a quelque chose qui va permettre d'aller dans le bon sens pour la protection de la planète, il ne faut pas le garder pour soi, mais il faut le partager avec les autres et, comme on dit en anglais, le mettre en open source, de telle sorte à ce que des groupes, des marques de taille... moyenne, puissent directement accéder aux meilleures pratiques et les mettre en œuvre dans leur propre chaîne.

  • Aurélie

    Alors, juste sur le sujet des faibles volumes, en disant que finalement, par nature, on n'est pas sur de la consommation de masse. Pour autant, même dans cette industrie, il y a des invendus. Concrètement, aujourd'hui, qu'est-ce qui est mis en place ? Parce que traditionnellement, les invendus, notamment dans l'industrie du luxe, on a plutôt une dynamique de destruction. Concrètement, aujourd'hui, sur les invendus, qu'est-ce que vous avez mis en place ? Est-ce qu'on continue à détruire ? Est-ce qu'on réutilise différemment ? Ou est-ce qu'on les vend moins cher ? Ce qui peut être aussi compliqué par rapport au modèle économique de la rareté dont tu parlais juste avant. Donc si on prend peut-être juste le sujet des invendus, ça m'intéresserait un peu de savoir quels sont les parties prises, parce que finalement, c'est quand même quelque chose qui n'est pas forcément évident par rapport au positionnement et au business model d'un groupe comme Kering.

  • Marie-Claire

    Alors déjà, il y a un premier sujet qui est... Sur l'amont, certes, il y a des invendus puisque c'est la nature de l'activité, mais tout est fait très en amont pour limiter au maximum ces invendus, qui est notamment lié à bien prédire quelle est la production qui doit être faite, sur quel marché le destiner, etc. Et l'avenir basé sur un certain nombre de projets pilotes. que nous avons menées permet de dire que l'on peut encore globalement progresser sur ce sujet, notamment en utilisant de l'intelligence artificielle qui va vraiment aider dans les prédictions. Donc ça, il faut quand même bien l'avoir en tête que tout est fait, et notamment chez Kering pour aller dans ce sens. Et ça complète aussi évidemment le savoir-faire de nos employés pour prédire ces quantités. Ensuite, encore une fois, là-dessus, sur ce sujet-là, François-Henri Pinault a été extrêmement pionnier, puisque dès fin 2018, début 2019, nous avons décidé de ne détruire aucun de nos invendus. Donc ça a été une décision extrêmement courageuse, extrêmement forte, y compris qu'il a fallu bien expliquer en interne le... le pourquoi. Et à partir de là, on a développé des solutions qui sont liées, par exemple, au recyclage, au surcyclage. On a développé un certain nombre de...

  • Aurélie

    Le surcyclage, est-ce que tu peux développer ?

  • Marie-Claire

    Le surcyclage, c'est cette notion qui est souvent utilisée en anglais d'upcycling, qui est de faire... un nouvel objet, un nouveau vêtement, quelque chose de nouveau qui aura par lui-même en fait une... une seconde vie. Et donc, évidemment, au début, c'est toujours le même sujet. On démarre par des projets pilotes, parce qu'il y a quand même, prenons un sac à main, il faut faire le démantèlement de chacune des parties. On est dans le secteur du luxe, donc si on veut réutiliser la matière, le cuir, tout ce qui a été utilisé pour confectuer les accessoires, etc., il ne faut pas abîmer cette matière première. Donc il faut aussi trouver le modèle qui va prendre soin de démanteler le sac, la valise, etc. et qui en même temps va être aussi un modèle sur lequel ça tourne financièrement. Donc tout ça nécessite du temps. Et puis il y a un autre axe sur lequel aussi le groupe a été avant-gardiste qui est la seconde main. Et donc nous avons investi par exemple dans Vestiaire Collective. où nous sommes même au capital, nous avons un siège au conseil d'administration, etc. Et je trouve que la seconde main, c'était l'approche du groupe. C'est un axe extrêmement intéressant, où à la fois la partie business et la partie protection de la planète... vont dans le même sens. Et il y a également aussi une dimension sociale dans la seconde main qui est intéressante, puisque tu donnes accès à des jeunes, à des populations qui n'auraient pas forcément les moyens de s'acheter le produit qui est juste dans le magasin. En revanche, ça leur permet à la fois, pour certains, de découvrir le monde du luxe, et pour d'autres, d'avoir accès à ces produits qui sont d'excellente qualité et qui... ...eux-mêmes vont durer. On revient vraiment sur cette notion de durabilité, mais dans tous les sens du terme. Donc c'est tous ces sujets-là et ces actions-là qui sont mises en œuvre. Après, pour répondre à ta question... Il faut être conscient que quand on parle des solutions opérationnelles en matière de développement durable, tout l'enjeu, c'est une question de vitesse pour les mettre en œuvre et c'est une question d'échelle. Aujourd'hui, quand on est en 2024, tout n'est pas parfait, mais on a quand même des bases extrêmement solides pour aller dans ce sens-là. Mais encore une fois, la clé avant de penser à quelle est la solution pour quelque part... Utiliser ces invendus et leur donner une seconde vie, c'est toujours pareil. Le plus important, c'est la prévention. Et donc la prévention, c'est qu'est-ce qu'on produit, combien on le produit et dans quelle temporalité, etc. Donc c'est vraiment l'amont auquel il faut être extrêmement attentif.

  • Aurélie

    En 2013, donc toi, quand tu as rejoint le groupe pour prendre...

  • Marie-Claire

    Premier septembre 2012 !

  • Aurélie

    Premier septembre 2012 ! Alors, le 1er septembre 2012, quand tu as donc pris ce poste, cette date importante dans ton parcours... Pas grand monde finalement parlait de ce sujet. Comment est-ce qu'on arrive à avoir cette prise de poste dans un contexte où finalement les gens s'intéressent assez peu au sujet du développement durable ?

  • Marie-Claire

    Dans un groupe privé, l'implication du top management est clé. Et dans le groupe, à cette époque comme maintenant, on va dire nos marques, les employés du groupe, savent depuis toujours que le développement durable fait non seulement partie des valeurs du groupe, mais que derrière, nous avons notre PDG qui en est profondément convaincu pour les raisons que je t'évoquais. Donc forcément, pour la prise de poste et en tous les cas avoir la direction, j'ai eu la chance d'avoir le travail extrêmement facilité par François-Henri Pinault à cette époque, qui avait déjà et qui a continué d'exprimer quelle était sa vision. Donc moi derrière, avec mes équipes, puisqu'il faut être extrêmement conscient que... dans ce travail en entreprise, ce n'est pas une personne, mais c'est vraiment avec les équipes et mes équipes de développement durable, c'était de définir la stratégie et ensuite d'avoir un plan d'action. Et donc, ce qui était important derrière, c'était cette traduction opérationnelle. Et donc, la première chose que nous avons faite, c'est ce comité développement durable au niveau du board, c'est également de définir un plan d'action. et une stratégie d'avoir des objectifs quantifiés, des calendriers de mise en œuvre, des KPI, de telle sorte, et ça reste toujours vrai aujourd'hui, et pour moi c'est un élément clé, même en dehors de la sphère de Kering ou de la sphère du luxe, c'est que le sujet du développement durable doit être managé de la même manière que la performance financière. On voit que la nouvelle réglementation... elle pousse beaucoup à ça, de parler juste de performance et pas de performance extra-fille et de performance financière, mais il faut le manager de la même manière. Et donc c'est pour ça que parmi les premiers éléments qui ont été mis en œuvre, ça a été d'avoir une gouvernance du sujet au sein du groupe extrêmement claire. Donc je te dis définition de la stratégie, plan d'action. mise en place de ce que l'on a appelé les sustainability reviews, qui sont les équivalents des business reviews où les comités de direction des marques sont réunis et où on regarde l'atteinte des objectifs, on discute les objectifs, l'équipier, etc. Des rencontres aussi avec François-Henri Pinault et l'ensemble des designers pour échanger sur ce sujet parce qu'un élément clé, c'est qu'on ne veut pas que le développement durable soit perçu comme une contrainte. Donc au contraire c'est une opportunité, la créativité c'est aussi quelque chose qui est vraiment dans l'ADN du groupe, dans l'ADN des marques et à aucun moment il ne fallait que le développement durable soit perçu comme un frein à la créativité. Et ce qui est top c'est que les designers sentent le moment, sentent ce qui est en train de se passer en fait dans la société. Ce sont aussi des personnes de la jeune génération, etc. Et donc pour lequel, quand on parle de développement durable, quand on parle de protection de la planète, quand on parle de bien-être animal, évidemment que c'est quelque chose qui rentre en résonance avec la façon dont y perçoivent la société. Et ensuite, je ne vais pas dire que tout est à l'enflève tranquille. Aurélie, ce n'est pas non plus le monde des bisons-nours. Après, ce qu'il faut, c'est faire du change management. Et c'est ça qui, à mon avis, est parfois le plus compliqué. Ce n'est pas forcément d'avoir la solution technique, mais c'est d'être sûre que les équipes vont s'approprier et les mettre en œuvre.

  • Aurélie

    Je suis trop bavarde. C'est juste que c'est passionnant et du coup, ça m'amène des milliards de questions. J'ai une question pour toi d'Alexis Mourot, qui est CEO de Christian Louboutin, qui souhaitait te poser la question suivante. Comment réussir à avoir une politique développement durable commune avec des maisons de tailles différentes ?

  • Marie-Claire

    Alors la question est extrêmement pertinente. Nous on est positionnés au niveau du corporette et c'est pour ça... On a décidé, quand je parlais de mettre en opérationnel la vision de François-Henri Pinault, c'est derrière, on s'est fixé des objectifs groupes. Je vais en donner un qui est le dernier que nous venons de prendre en 2023, qui est de réduire de moins 40% nos émissions de gaz à effet de serre, scope 1, scope 2, scope 3, sur la base des émissions de 2021 à échéance de 2035. Donc ça, c'est un objectif qui est un objectif groupe. Derrière chacune de nos maisons... a le même objectif de réduction à son échelle de ces moins 40% sur la même base, dans le même calendrier. Mais évidemment, la façon de l'atteindre ne sera pas la même. On prend des maisons comme Gucci, Bottega Veneta, où le cuir est la matière première qui est essentielle. Les actions à mettre en œuvre pour réduire les émissions, on va travailler par exemple au niveau du cuir, des fibres d'origine animale, d'avoir des programmes spécifiques en termes de sourcing, de supply chain. Évidemment, c'est bien différent de boucheron ou de pomélato qui est dans le cadre de la joaillerie. mais pour moi c'est le même management que la performance financière, c'est pour ça que je reviens là-dessus. Les objectifs globaux sont fixés au niveau du groupe, et ensuite chacun, par rapport à sa spécificité, par rapport à sa taille, par rapport à son organisation, va devoir mettre en œuvre des actions différentes. Et pourquoi j'insiste beaucoup sur les matières premières ? Parce que les matières premières, quand on regarde où est notre empreinte environnementale grâce à notre compte de résultats pour l'environnement, on voit qu'il y a une très grande majorité de nos impacts, quasiment 90%, qui est en dehors de nos frontières légales, donc qui est vraiment liée à la chaîne d'approvisionnement. Ensuite, il y a des sujets communs. On a une boutique, il faut qu'elle soit certifiée LEED et LEED Platinum. Donc ça, il y a des éléments qui sont communs. Et le rôle du corporate, c'est quelque part d'être le sparring partner des marques pour les aider à mettre en œuvre les bonnes solutions, pour leur proposer, et pour être le plus efficient possible, qu'est-ce qui se passe à l'extérieur et qu'est-ce qui se passe aussi en dehors de notre industrie. Parce que je crois vraiment important de comprendre que, par exemple, nous sommes dans le luxe, mais on utilise de la matière première et on a, par exemple, plein d'interactions et plein de choses en commun avec le monde de l'agroalimentaire. Et donc il faut réussir à mettre en place cette fertilisation croisée. C'est aussi notre rôle d'animer en se disant peut-être que Boucheron est en train de mettre en œuvre quelque chose sur le diamant ou sur l'or et qui va être extrêmement intéressant pour la partie joaillerie de Gucci. Donc c'est vraiment de créer ces synergies au sein du groupe. Mais c'est important d'avoir cette même vision qui est une vision consolidée au niveau du groupe.

  • Aurélie

    Est-ce qu'aujourd'hui, c'est intégré dans le modèle de rémunération des dirigeants du groupe ?

  • Marie-Claire

    Oui. Alors encore une fois, sur ce sujet-là, je pense qu'on était assez pionniers, puisque depuis que je suis rentrée dans le groupe, à la fois la rémunération au niveau des mandataires sociaux, que ce soit sur le court terme, ce qu'on appelle le bonus. Ou sur les instruments de rémunération de long terme, c'est mis dedans. Par exemple, François-Henri Pinault, si on parle sur l'actualité, il a sur la préservation des espaces, sur l'agriculture régénératrice, etc. Donc c'est très concret et il y a un nombre d'hectares à convertir, des pourcentages à atteindre, etc. Et puis bien évidemment, ensuite dans le top management du groupe, c'est quelque chose qui est mis sur la partie rémunération variable. C'est extrêmement important, on revient sur les sujets de gouvernance. Si on veut que ces thématiques de développement durable avancent... Quelque part, il faut que ça soit présent à tous les niveaux. Donc il faut que ça soit présent dans le management, il faut que ça soit présent, on l'évoquait, dans les conseils d'administration, au travers du comité exécutif, dans les marques où on a, par exemple, mis en place des équipes dédiées au développement durable, mais c'est aussi dans les instruments de rémunération. C'est important, tout le monde en est convaincu. Mais c'est bien, encore une fois, au même titre que l'on met de la performance financière dans la structure de rémunération, il faut que le développement durable soit présent. C'est aussi une question, au-delà de dire je mets tel pourcentage, ça représente, c'est aussi une question de cohérence, de montrer que l'on marche en fait sur les deux jambes. Et que certes, la performance financière est importante, et comme le dit François-Henri Pinault, c'est aussi la façon dont on l'obtient, cette performance financière. Et pour faire avancer ces sujets-là... sur lequel il y a eu énormément d'évolutions. Tu évoquais par rapport à quand j'ai démarré ma carrière, ayant eu toujours ce fil rouge de l'environnement du développement durable. Évidemment, la maturité n'est pas la même, aussi liée au fait que malheureusement, quand on parle ne serait-ce que de changement climatique, c'était très théorique, c'était uniquement dans les rapports du GIEC. Aujourd'hui, les effets du changement climatique sont tout à fait visibles et perceptibles par le citoyen. Il suffit de voir les sujets d'accès à l'eau, de rareté de l'eau, y compris dans des pays comme la France, l'Italie, de voir les feux de forêt. Donc tout ça est devenu une réalité. Donc il y a une prise de conscience qui est beaucoup plus forte. Et puis quand on est dans le business, l'impact du changement climatique, pour juste prendre un exemple, c'est concret. Le secteur du luxe a besoin de cachemire.

  • Aurélie

    Il fait plus chaud. Les chèvres qui produisent le cachemire en produisent moins, puisqu'à l'origine, elles ne produisent pas le cachemire pour l'industrie du luxe, mais pour se protéger du froid. Donc, elles en produisent moins. Comme il fait plus chaud, la qualité aussi des fibres issues n'est pas exactement la même. Or, dans le luxe, toujours pareil, on a des besoins des plus hauts standards de qualité, de longueur de fibre spécifique. Et donc, très concrètement... ça a un impact sur le prix du cachemire. Donc aujourd'hui, tous ces effets-là de raréfaction d'un certain nombre de choses liées à la biodiversité, de dysfonctionnement des écosystèmes, c'est plus simplement quelque chose de l'Ibès ou du GIEC, c'est une réalité tangible pour les entreprises. Donc quelque part, c'est l'ensemble de cet écosystème de l'entreprise qui fait bouger aussi les lignes à l'intérieur.

  • Marie-Claire

    Alors pour faire bouger, il faut aussi mesurer. Je sais que le groupe a aussi été précurseur en développant...

  • Aurélie

    Ça va être nouveau qu'on va l'utiliser !

  • Marie-Claire

    C'est le thème, de toute façon je l'ai dit en introduction, donc comme ça il n'y a pas de surprise pour les auditeurs. Vous avez lancé un outil, le ePNL, le compte de résultats pour l'environnement. Est-ce que tu peux revenir un peu sur la genèse de cette création et pourquoi c'était important finalement ? de rentrer dans ces réflexions de la mesure et notamment de la conversion en euros pour justement faire en sorte de pouvoir mettre des bases, on va dire, un petit peu communes pour mesurer justement l'impact des actions.

  • Aurélie

    Alors tu l'as évoqué, la mesure c'est clé. C'est-à-dire que si on veut mettre en œuvre des actions, Si on veut mesurer les impacts sur le terrain de nos actions, il faut être en capacité de les mesurer. Et donc c'est dans cet esprit-là qu'a été développé le compte de résultats pour l'environnement. En partant du principe que certes il fallait mesurer dans ce que moi j'appelle en fait les frontières légales de l'entreprise et qui était jusqu'à présent notamment demandé par la réglementation, alors qui va changer à partir de l'année prochaine, mais aujourd'hui c'était une réglementation très tournée vers l'intérieur. dans les frontières légales et simplement sur un certain nombre de sujets. Et plus que l'intuition, nous avions la conviction que du fait du modèle d'affaires de notre secteur, beaucoup d'impact provenait en fait de la chaîne d'approvisionnement. Pour d'autres secteurs, c'est moins la chaîne d'approvisionnement et c'est plus l'usage, donc c'est derrière la production du bien. Et donc nous sommes partis à créer... On a créé ce compte de résultats pour l'environnement qui a une double particularité. Un, il mesure cette empreinte environnementale dans nos frontières légales sur les émissions de gaz à effet de serre, sur la partie biodiversité qu'on appelle le land use, sur les NOx, les SOx, sur la consommation d'eau, sur la pollution d'eau. Et nous l'avons fait jusqu'au rang 4. de notre chaîne d'approvisionnement. Et le rang 4, c'est l'élevage bovin, l'élevage au vin, le champ de coton, etc. Et il nous a semblé aussi important d'avoir à la fois une prise en compte des externalités négatives sur l'ensemble de l'écosystème. Quand on a le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, pour prendre l'exemple le plus simple, évidemment ça a un impact. sur la biodiversité. Quand on parle des émissions de particules de NOx, de SOx, ça a un impact sur la santé humaine. Donc c'est vraiment de se dire, je mesure dans une approche 360 les émissions et l'ensemble des impacts. Et ensuite, il était aussi important... de donner une notion d'impact financier, d'où la conversion en euros, pour illustrer notamment, pour être concrète, la compétition des usages, pour être plus explicite. On a un élevage bovin qui est en Normandie et qui va consommer X litres d'eau. On est dans une zone où il pleut. En Bretagne, je suis bretonne, donc je peux dire qu'il pleut en Bretagne. On ne va pas se perdre. Il n'y aura pas de problème avec le breton. Voilà, c'est ça. On va prendre l'élevage. Et je répète, je suis bretonne, je suis renaise. Là-dessus, il pleut. Donc la compétition entre les différents usages n'est évidemment pas la même. par rapport à avoir simplement un élevage qui va se retrouver dans le sud de l'Italie, où évidemment entre cette partie-là qui va être utilisée pour l'industrie du luxe versus le secteur du tourisme versus un élément essentiel qui est le monde agricole pour nourrir les individus, évidemment il n'y a pas la même compétition. Et quand je parle en litres d'eau, je n'illustre pas l'ensemble de l'écosystème, alors que quand je lui donne une valeur monétaire, j'illustre bien ce sujet-là. Ensuite, nous ce que l'on a découvert dans l'utilisation de l'IPNL, quelque chose d'extrêmement puissant pour manager au-delà de la mesure, c'est qu'on parle un langage commun. C'est-à-dire qu'au sein de l'entreprise, ce n'est pas forcément évident au départ de parler avec tout le monde de X tonnes équivalent carbone ou de X litres d'eau ou j'ai émis tant de nox ou de sox. En revanche, d'être en capacité d'avoir ce langage commun en euros ou en dollars, permet qu'il y ait une compréhension des enjeux qui est beaucoup plus facile à partager. Et puis ensuite, au fur et à mesure de l'utilisation de cet IPNL, aujourd'hui, ça nous permet aux CEOs des marques d'avoir le PNL classique d'un côté, l'IPNL, et de se dire quel est l'investissement qui va être le plus efficient, le plus pertinent en ayant cette double composante. à la fois business classique et aussi impact sur l'environnement. Et puis un élément, on l'a mis en première fois en ligne avec l'intégralité des éléments pour le groupe, c'était en 2015, ça nous a vraiment permis de bien connaître notre chaîne d'approvisionnement. Puisque évidemment, pour remplir et calculer cet IPNL, Il faut avoir ce qu'on appelle la donnée primaire à l'origine, ces données primaires qui viennent de nos fournisseurs. Et donc ça a permis aussi d'engager un dialogue avec nos fournisseurs sur des sujets qui, comme tu l'évoquais encore une fois à l'époque, n'étaient pas forcément classiques, et aussi de faire une sorte de pédagogie. Et c'est ça que j'aime, d'aller au-delà de notre propre rôle, mais d'essayer d'entraîner le système. Et aussi d'expliquer qu'aujourd'hui, peut-être que ce sont les marques du groupe Kering qui vous le demandent, mais demain, ça sera d'autres marques et voir la réglementation qui allait évoluer. Et donc aujourd'hui, c'est un outil qui est extrêmement puissant pour nous, puisque un, ça nous permet d'avoir des éléments de comparabilité, puisqu'il y a cette inscription dans le temps, et puis vraiment aussi de voir où sont nos impacts. En fait, si les programmes que l'on met en place... Que ça soit sur le cuir, le tannage, sans métaux lourds, etc. Quel est l'impact et comment ça nous permet de réduire notre empreinte environnementale ? Et alors,

  • Marie-Claire

    ça dépasse les frontières de Kering ? Est-ce que cet outil a été mis en open source ?

  • Aurélie

    Alors cet outil a été mis en termes de méthodologie dès 2015 en open source. Et aujourd'hui, il n'y a plus, et c'est ça qui est intéressant, il y a plus de 1000 entreprises. je n'ai pas le chiffre exact parce que quelque part ça change tous les mois, qui utilisent en fait ce type de comptabilité. Soit ils l'appellent IPNL, soit ils ont mis en place une autre terminologie. Ils rendent accessibles au public les données ou parfois non, mais il y a plus de 1000 entreprises et des secteurs très différents. On a par exemple parlé de Davidson qui utilise cette méthodologie. On a de l'industrie pharma qui l'utilise. Alors évidemment derrière il y a un petit travail d'adaptation, il y a aussi en fait une lecture des impacts qui ne sont pas au même endroit, mais c'est quelque chose qui est en train de bouger, qui est extrêmement utile. Ensuite encore une fois ce n'est pas parfait parce que derrière il y a aussi la qualité de la donnée et ça c'est un sujet qui est très tendance en ce moment et donc c'est un effort permanent pour continuer de s'améliorer. Pareil pour la méthodologie. La méthodologie, je ne dis pas qu'elle est parfaite, mais elle est intéressante. On a les ordres de grandeur et donc ça permet de focusser sur les bons sujets. La majorité de nos émissions de gaz à effet de serre, moi, quand je suis rentrée dans le groupe, je me suis dit, je vais mettre les produits sur des bateaux ou faire du ferroutage parce que j'avais dans ma représentation que beaucoup de notre impact devait venir sur la partie transport. Alors... Ben non, ça vient en fait des émissions de méthane des bovins. Et donc il y a aussi un élément extrêmement pédagogique. Quand on se le dit comme ça, Aurélie, ça paraît assez simple. Il faut aller voir les designers, leur expliquer que la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre proviennent du méthane émis par les bovins. C'est pas... Ce n'est pas si évident que ça, en termes, encore une fois, d'entraîner les équipes et donc d'avoir des éléments factuels. Je ne dis pas ça parce que je suis ingénieure, mais d'avoir des éléments quantifiés, chiffrés, mis à plat, c'est extrêmement aussi utile pour faire avancer les choses. Et c'est vraiment un avantage aussi quand on voit maintenant ce qui va être demandé via la CSRD, pour avoir déjà des éléments très tangibles. Voilà.

  • Marie-Claire

    Alors tu disais tout à l'heure que vous avez... Vous annoncez une nouvelle ambition qui est de réduire de 40% vos émissions absolues à l'échelle du groupe. Déjà, ça m'intéresse de savoir qu'est-ce que tu mets derrière émissions absolues et pourquoi est-ce que c'est un cap pour le groupe Kering ? Parce qu'en fait, on a du mal à se rendre compte finalement. Est-ce que c'est beaucoup ? Pas beaucoup ? Concrètement, en quoi ça représente un cap et un engagement extrêmement fort avec des impacts aussi très forts pour le groupe ?

  • Aurélie

    Alors souvent, d'abord le mot absolu, c'est le mot clé dans cette phrase, c'est vraiment le mot clé. C'est-à-dire que souvent, et nous les premiers en fait par le passé, et c'était déjà un effort colossal, nous parlions en intensité. Donc pour résumer de manière très simple, à l'échelle d'un produit, supposons par exemple que je substitue... le cuir issu d'une agriculture conventionnelle par de l'agriculture régénératrice, que je prenne du polyester recyclé ou du cachemire recyclé, à l'échelle d'un produit, je vais réduire mon empreinte environnementale et notamment mes émissions de gaz à effet de serre. Mais nous sommes en fait dans une entreprise, dans un business qui est croissant et donc pour lequel, même si nous sommes sur des volumes... Évidemment, nous vendons plus, par exemple, de produits. Et donc, in fine, au borne de l'entreprise, j'émets plus de gaz à effet de serre en direction de la planète, même si, à l'échelle de chacune de mes activités ou de chacune de mes actions, j'ai réduit mes émissions de gaz à effet de serre. C'est assez simple, si j'ai augmenté... les volumes où j'ai augmenté l'activité. À partir du moment où on parle en absolu, c'est quelque part, on se fixe en fait un cadre extrêmement ambitieux et de se dire, quel que soit... Quelle que soit quelque part la croissance, il va falloir rentrer dans cette réduction. Et c'est extrêmement intéressant puisque là, on fait une décorrélation entre la croissance du business, il faut être profitable, on est coté, on est une entreprise, et donc oui, on veut faire du business, et en même temps, la décroissance pour les émissions de gaz à effet de serre. Et donc, pour faire ça, et pardon des quelques anglicismes, parce que c'est la terminologie qu'on utilise en interne, il va y avoir en fait trois niveaux d'action. Il va y avoir un premier niveau d'action qui tourne autour de ce que l'on appelle la fair production. Et donc la fair production, c'est à la fois, et tu l'évoquais dans une de tes questions, produire en fait les bons volumes, ce qui est adapté, etc. C'est aussi les stratégies d'élévation de marques, la capacité aussi pour nos clients de créer de nouvelles expériences, etc. Donc ça, c'est un premier niveau d'action. Il y a un deuxième niveau d'action et ça rejoint vitesse et échelle que j'évoquais au début de cette conversation. qui est de dire qu'il faut augmenter les matières premières qui sont issues de l'agriculture régénératrice. Et c'est pour ça, on y reviendra peut-être, qu'on est vraiment très punchy sur ce travail au travers de notre fonds. C'est être en capacité d'utiliser de plus en plus de matières premières ou de fibres issues de... du recyclage, etc., et de l'économie circulaire. D'où le fait que, par exemple, Gucci, avec le Corporette, nous avons créé ce qu'on appelle le Circular Hub en Italie. qui est vraiment pour augmenter cette proportion issue de l'économie circulaire. C'est aussi toute la partie matière première ou process issue de l'innovation. Encore une fois, quand on parle innovation, le premier hub que l'on a créé au sein du groupe pour l'innovation et qu'on appelle le Material Innovation Lab, il date de 2013. Il est basé à Milan. On avait très tôt la conviction que sans innovation, nous n'arriverions pas à atteindre ces objectifs. Et aujourd'hui, on est à plus de 3800 échantillons de tissus qui ont les caractéristiques environnementales et sociales. Et ce hub basé à Milan est en capacité de proposer aux marques des solutions de tissus. qui permettent aussi de réduire leur impact, tout en ayant les mêmes standards de qualité. Je ne me répète pas, mais les standards de qualité, c'est un prérequis quand on est dans l'industrie du luxe. Et fort de cette expérience avec le Mille, on a créé le même type de structure, mais pour la partie joaillerie en 2020. Et pareil, basé à Milan, et pour aider les marques, y compris aussi sur les pierres précieuses, semi-précieuses des process à avoir. Donc ça, c'est la deuxième, on va dire, partie volée niveau pour atteindre les objectifs. Et puis le troisième, et ne me demande pas plus concrètement ce que c'est, c'est de se dire, il y a de nouveaux business models qui sont à inventer, qui vont permettre de servir la croissance, de réduire l'empreinte environnementale. L'exemple que je peux te donner, c'est la seconde main. Mais évidemment, à l'échéance de 2035, il y en aura d'autres. Et c'est aussi pour ça que pour moi, ça rejoint bien le côté, je stimule en fait la créativité. Je pousse les uns et les autres à aller au-delà en fait de leurs frontières classiques et à mettre de nouveaux process, de nouveaux produits, de nouvelles idées. Voilà, ça semble un peu abstrait comme ça, mais à utiliser. Et c'est simplement, et ça c'est vraiment important, c'est simplement si on est en capacité... d'agir sur ces trois leviers et de façon significative, que nous pourrons arriver à réussir à atteindre cet objectif. Mais pour moi, c'est clé. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il faut parler en absolu. Ça, c'est vraiment clé. Et deuxièmement, on le voit, et d'ailleurs, ça devient aussi un sujet en termes de certification pour le SBTI, etc. On voit vraiment que cette notion d'absolu, elle est présente partout. On a souvent tendance à parler du scope 3 en disant que c'est le scope. Et c'est vrai, le plus compliqué pour avoir la qualité de la donnée, pour agir, etc. entre guillemets, on est en dehors de chez soi. Mais c'est un élément qui est fondamental. Mais le deuxième élément, c'est bien cette notion de réduction en absolu. Et qui demande, quand on parlait tout à l'heure d'innovation, et ça aussi, c'est essentiel pour moi, pas simplement d'avoir des innovations qui permettent de faire des progrès incrémentaux, mais vraiment des innovations qui permettent... de changer d'où le terme de disruption et d'innovation disruptive, parce que ça va plus loin que ça. Ce n'est pas juste de dire je fais un petit pourcent de temps en temps par-ci par-là. Non, il y a vraiment besoin sur certaines choses d'avoir des changements très en profondeur. À titre plus personnel,

  • Marie-Claire

    quelles sont les réalisations dont tu es la plus fière ces 11 dernières années ?

  • Aurélie

    Alors si on est au niveau de Kering, la réalisation où je suis la plus heureuse en termes de décision que le groupe ait prise, c'est l'arrêt de la fourrure. Alors, tu me diras, ce n'est pas complètement un sujet environnement. L'arrêt de la fourrure, je trouve que ça illustre aussi énormément de choses derrière. D'abord, un, quand François-Henri Pinault a pris cette décision, c'était une décision extrêmement courageuse, puisque évidemment, d'un point de vue business, c'était quelque chose qui était rentable. Donc, voilà. Deuxièmement, c'est aussi pour moi, parce que quand on parle de protection de la planète, quand on parle de salaires décents pour les employés dans la supply chain, etc., et ce n'est pas parce que je suis en charge de l'éthique que je vais dire ça, mais il y a une espèce de chapeau. J'agis bien. vis-à-vis des personnes, j'agis bien vis-à-vis de la planète, j'agis bien vis-à-vis des animaux, etc. Et donc, il y a cette notion d'éthique. Et donc, je trouve ça extrêmement fort, extrêmement riche. Et donc, s'il faut choisir... Si il y a une seule réalisation, je prendrais celle-ci. Ça a permis d'ailleurs au groupe d'être le premier groupe à arrêter totalement la fourrure, sachant que dès 2016, Gucci avait déjà en tant que marque de luxe, était la première marque de luxe à le faire. Ensuite, si tu m'en permets une seconde et j'arrêterai, c'est de se dire... Ce qui est pour moi, ce n'est pas un sujet ensuite en termes de réalisation, c'est vraiment de savoir que le développement durable, cette notion-là, elle est partout présente dans le groupe. J'étais l'autre fois à Nocite, il y a 15 jours, à Scandici, près de Florence. C'est super de voir comment les salariés du groupe... ont envie de savoir, nous poussent à aller plus loin et que c'est vraiment dans la culture et dans les valeurs du groupe. Donc ça, c'est une réussite collective. C'est quelque chose qu'il faut vraiment conserver dans l'ADN du groupe puisque maintenant, on peut se dire que c'est dans l'ADN du groupe et c'est vraiment quelque chose sur lequel il est essentiel d'avoir, comme il le fait maintenant et depuis toujours, l'implication personnelle de François-Henri Pinault, parce que pour moi, ces sujets-là, c'est comme quand on compare les fonctions de CSO avec d'autres fonctions. Évidemment, ça a beaucoup évolué. Évidemment, ça a acquis une certaine maturité. Mais on n'est pas encore sur un sujet totalement banalisé. Peu de gens vont dire que le climat n'est pas important, que le manque d'eau n'est pas important. Évidemment, c'est devenu, entre guillemets, politiquement incorrect. et ça fait partie des priorités mais il faut que ça reste au top des priorités parce que sinon si c'est une priorité parmi les priorités c'est moins une priorité et donc ça est chez moi sur le terrain est-ce que tu peux nous partager ton plus grand échec ou ta plus grande frustration

  • Marie-Claire

    Alors,

  • Aurélie

    d'abord, un, je pense qu'on est, pour travailler dans le développement durable et notamment sous l'angle environnement, il y a deux prérequis. Un, c'est d'être assez optimiste, parce que, voilà, et deux, de jamais renoncer. La résilience.

  • Marie-Claire

    Tout est preuve. Donc,

  • Aurélie

    c'est... Des échecs, c'est plus le sentiment de créer ce besoin d'aller vite, d'accélérer, d'appuyer sur la pédale et en même temps d'aller plus rapidement pour mettre à l'échelle. C'est à la fois un échec parce qu'on voudrait que tout aille très vite, etc. Après, on ne bouge pas non plus les organisations. J'ai aussi vraisemblablement changé par rapport à quand j'ai pris mon premier poste sur le terrain, etc. Donc ça, c'est la maturité, qui est de dire qu'on ne peut pas tout changer en une nuit. Et il faut changer. Ce qu'il faut être certain, c'est que chaque année, chaque six mois, chaque mois, il y a des progrès qui sont effectués. Après la révolution du grand soir sur nos sujets... je n'y crois pas. Après, en termes de réussite et qui répond réussite et qui répond frustration, moi, je suis vraiment extrêmement heureuse de ce que le groupe a pu faire en termes de coalition dans notre secteur, que ça soit autour du Fashion Pact ou que ça soit avec la Watch Joyer Initiative qu'on a lancée avec nos amis de quartier parce que ça fait bouger le secteur. Et un élément à... Avant de conclure sur Kering, c'est de dire que quelle que soit la taille du groupe Kering, quelle que soit la puissance du groupe Kering, on n'est pas suffisamment grand et suffisamment fort pour changer le paradigme tout seul. Donc on a besoin des autres. Et quand on est dans le fashion pacte, on travaille aussi bien avec Inditex, on travaille avec Nike, on travaille avec Chanel, on travaille avec H&M. Et donc c'est vraiment le secteur qui se met en mouvement. Et pareil côté horlogerie et joaillerie. Et pour moi, ça c'est clé. C'est vraiment de se dire on collabore, on travaille ensemble et quelque part ces sujets-là ne sont pas vus comme des sujets de compétition évidemment qu'on est en compétition sur le reste, mais là-dessus et c'est là où je retrouve aussi l'intérêt général il y a un intérêt en fait suprême qui nous dépasse et qui fait qu'on agisse dans le même sens,

  • Marie-Claire

    voilà je te vois sourire c'est passionnant on pourrait y passer des heures mais le temps va nous manquer du coup je te propose de passer à la boîte à questions Marie-Claire Allez, je te laisse piocher deux cartes dans chaque paquet et me le remettre. Alors, deux cartes. Toc,

  • Aurélie

    toc. Allez,

  • Marie-Claire

    et de ce côté-là aussi. Allez, première question. Tu me stresses, là. Tu me stresses.

  • Aurélie

    Je n'ai pas dit.

  • Marie-Claire

    Elles ne sont pas toujours faciles, les questions de la boîte à questions. Allez, première question, Marie-Claire. Comment vois-tu ton industrie dans dix ans ?

  • Aurélie

    Alors l'industrie d'Andysange et notamment l'industrie du luxe, pour moi, en fait, il va y avoir des changements en profondeur, dans le sens où c'est déjà le cas, on voit les millennials, les genzies parmi nos clients qui sont très sensibles à ces sujets-là et qui vont devenir de plus en plus attentifs, questionner de plus en plus les marques sur un certain nombre de sujets. Donc ça, ça va entraîner un certain nombre de changements pour les marques. Et puis, deuxièmement, je pense que sur le côté matière première process, on aura toujours l'articulation entre le savoir-faire et l'héritage, mais avec des matières premières qui seront complètement nouvelles. On a déjà utilisé du mycélium de champignons pour faire des manteaux, des accessoires. On réfléchit à comment faire du cuir en laboratoire. Tout ça va exploser, même pas dans les dix ans pour moi, dans les cinq ans qui viennent, il va y avoir une transformation profonde. Je suis trop longue dans mes réponses, je le vois. Pas du tout, tu sais,

  • Marie-Claire

    c'est toi qui as un agenda très serré, donc je peux rester là toute la matinée avec toi, Marie-Claire. Allez, deuxième question, business. Comment, en tant que leader, gères-tu les turbulences, les moments d'incertitude ?

  • Aurélie

    Quand on est sur le développement durable, il faut avoir, et j'apporte ma contribution, mais c'est vraiment quand on parle au niveau du groupe, encore une fois, François-Henri Pinault, il faut s'inscrire dans la durée. Le développement durable, ce n'est pas ce qu'on disait qu'on change en une nuit, ce n'est pas quelque chose à six mois, ce n'est pas quelque chose à un an. Donc il faut, et c'est ce que l'on fait, l'avoir inscrit au cœur de la stratégie. Quelles que soient les turbulences géopolitiques, quelles que soient les turbulences nationales, européennes, etc., ou liées directement au business, il faut avoir un cap, maintenir ce cap. Et puis parfois, il y a des sujets qui avancent plus vite, parfois ça avance moins vite, mais il faut savoir où on veut aller et surtout ne pas lâcher. Allez,

  • Marie-Claire

    je te propose de passer aux questions plus personnelles. Marie-Claire, comment continues-tu à progresser ? Alors d'abord, un,

  • Aurélie

    j'ai la chance d'être sur une matière qui est en évolution constante et qui demande en fait de se remettre en cause, je vais dire constamment, du pléonasme. D'abord, un, j'ai une équipe qui est formidable, que ce soit au niveau du corporate ou au niveau des marques, et notamment une équipe où il y a des jeunes qui sont très curieux, très convaincus. qui sont aussi comme moi un peu activistes, mais que je le vends comme une qualité pour eux ou pour moi. Et donc tout ça, en fait, c'est une façon de nourrir, de progresser. On a une culture au sein du groupe et qui me sert à titre personnel, qui est vraiment de travailler en collaboration avec beaucoup d'experts, beaucoup d'ONG, beaucoup d'universités. Et donc ça, c'est formidable. pour être challengé. Donc parfois, ce n'est pas si évident que ça, mais aussi pour progresser et continuer. J'ai la chance, en fait, c'est mon boulot, mais c'est aussi ma passion. Et donc, ça crée en fait une énergie. On le sent. Les gens, vous ne le voyez pas,

  • Marie-Claire

    mais il y a une énorme énergie qui se dégage de Marie-Claire. Et donc,

  • Aurélie

    du coup, quelque part, ça aide aussi pour essayer de progresser. Mais peut-être que si tu poses la question à l'entourage, ils diront non, non, elle ne progresse pas du tout, du tout. Allez, dernière question et je te libère.

  • Marie-Claire

    As-tu des rituels pour rester en forme ? et tenir à ce niveau de responsabilité dans la durée ?

  • Aurélie

    Ce n'est pas en sorte de dire des rituels spécifiques, mais j'ai beaucoup de chances de pouvoir me ressourcer, d'avoir une vie privée, une famille, des enfants qui sont formidables. Pardon, ça fait un peu cliché, mais c'est la vérité. J'ai une fille de 22 ans, j'ai un petit garçon de 13 ans. et c'est en eux que je trouve en fait l'énergie, la puissance et eux aussi me challengent sur le thème ouais mais votre génération, voilà vous n'avez pas fait assez etc donc je rentre à la maison et quelque part on se refait challenger mais c'est vraiment grâce à eux que je tire mon énergie Merci beaucoup Marie-Claire,

  • Marie-Claire

    si on souhaite suivre ton actualité où est-ce qu'on te retrouve ? Eh bien,

  • Aurélie

    à la fois, ce que le groupe fait, nous sommes vraiment beaucoup à partager l'information sur le site Internet, etc. Et puis aussi, je mets pas mal de choses sur LinkedIn pour partager notre actualité. Eh bien, écoute, merci beaucoup,

  • Marie-Claire

    Marie-Claire. Merci à toi, Aurélie.

  • Aurélie

    À très bientôt. À très bientôt. C'est la fin de cet épisode,

  • Marie-Claire

    j'espère qu'il vous a plu. Pour m'aider à faire connaître le podcast, c'est très simple. Parlez-en autour de vous, mettez une note 5 étoiles accompagnée d'un gentil commentaire et abonnez-vous à mon compte pour être notifié des prochains épisodes. Si vous souhaitez en savoir plus sur le podcast, je vous donne rendez-vous sur mon site aurelie-gallet.com ou sur mon LinkedIn. Un grand merci à tous et rendez-vous la semaine prochaine pour un prochain épisode.

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Description

Cette semaine je vous invite à découvrir le témoignage de Marie-Claire Daveu, Directrice  du Développement Durable et des Affaires Institutionnelles, et membre du comité exécutif du groupe de luxe Kering. Ingénieure de formation, Marie-Claire a démarré sa carrière comme haut-fonctionnaire dans l’agriculture et l’environnement. Elle a occupé plusieurs postes de directrice de cabinet avant de rejoindre Kering en 2012. Marie-Claire est membre de plusieurs conseils d’administration dont Engie et le Crédit Agricole. 


Dans cet épisode, je vous emmène découvrir le parcours de cette femme engagée et décrypter les dessous de l’ambition du groupe Kering en matière de développement durable. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurélie

    Bonjour à tous, ici Aurélie Gallet. Je suis ravie de vous accueillir sur Disruption Inside, le podcast qui décrypte de l'intérieur la transformation des entreprises et des acteurs publics. Ensemble, nous allons à la rencontre de leaders business institutionnels qui font bouger les lignes. Nous allons décrypter leurs stratégies, revenir sur leurs réussites et leurs échecs, et faire le plein de conseils pratiques. Mon objectif, vous aider à passer à l'action en vous inspirant des meilleurs. Cette semaine, je vous invite à découvrir le témoignage de Marie-Claire Daveux, directrice du développement durable et des affaires institutionnelles, et membre du comité exécutif du groupe de Luxe Kering. Ingénieure de formation, Marie-Claire a démarré sa carrière comme haut fonctionnaire dans l'agriculture et l'environnement. Elle a occupé plusieurs postes de directrice de cabinet avant de rejoindre Kering en 2012. Marie-Claire est membre de plusieurs conseils d'administration dont Engie et le Crédit Agricole. Dans cet épisode, je vous emmène découvrir le parcours de cette femme engagée et décrypter le défi. Dessous de l'ambition du groupe Kering en matière de développement durable. Bonjour Marie-Claire.

  • Marie-Claire

    Bonjour Aurélie.

  • Aurélie

    Merci beaucoup de m'accueillir dans ces magnifiques locaux. Est-ce que déjà pour commencer, tu peux nous dire quelques petits mots de l'endroit où on est aujourd'hui ?

  • Marie-Claire

    Alors, je suis d'abord ravie de t'accueillir Aurélie au siège de Kering. Donc Kering, nous sommes rue de Sèvres. Nous sommes dans le 7e arrondissement et nous sommes en fait sur le lieu de l'ancien hôpital La Henec. Donc effectivement, c'est un lieu qui est magnifique, que nous occupons en fait depuis juillet 2016. Et c'est un peu la nature dans Paris. Donc ensuite, on ira peut-être faire un petit tour et tu pourras voir les ruches où nous avons des abeilles, un petit potager. Donc voilà, c'est juste un lieu magique pour venir travailler.

  • Aurélie

    Alors Marie-Claire, je disais en introduction, tu as un parcours extrêmement riche. Quel a été un peu le fil conducteur de ta carrière ? Qu'est-ce qui t'a animée ? Depuis la jeune ingénieure ?

  • Marie-Claire

    Même avant la jeune ingénieure, j'ai toujours été passionnée par les animaux, la vie sauvage, le bien-être animal, puisque quand j'étais adolescente, je militais dans des associations de protection animale. J'ai ce fil conducteur qui, au fur et à mesure, s'est formé autour de la biologie, des sciences du vivant, etc. C'est ce qui m'a animée aussi dans le choix de mes études et c'est ce qui continue en fait. De m'animer au quotidien pour faire le maximum, pour protéger la planète, nos écosystèmes et l'environnement au sens large.

  • Aurélie

    Quels ont été un peu les grands moments de ta carrière ?

  • Marie-Claire

    Les grands moments, il y a eu quand même toute une période qui est liée à mon passage dans la fonction publique, puisque quand j'étais plus jeune, je voulais vraiment travailler dans l'administration avec, je dirais, une conviction très profonde que derrière l'intérêt général, il y avait vraiment tous ces sujets de protection de la planète. Et donc, pour moi, le fait de rentrer, un, dans l'administration, mon premier poste, qui était un poste... Le terrain, c'est quand même... J'étais en direction départementale de l'agriculture et de la forêt dans la Manche. Donc c'est une première expérience extrêmement forte avec des rencontres passionnantes. Puis le passage en cabinet ministériel. Donc là où c'est une vie en fait très, très, très, très intense, mais qui est vraiment très, très passionnante. Et où on peut aussi, et c'est très important... Faire partager ses propres convictions auprès des politiques que l'on sert et donc d'essayer de faire avancer les idées auxquelles on croit. Et puis cette nouvelle vie depuis 2012 qui est dans le secteur privé au sein de Kering et qui est plus tournée vers l'opérationnel, le concret, et de vraiment mettre en œuvre un certain nombre de programmes, mais je suis certaine qu'on y reviendra, avec aussi cette dimension internationale. qui est extrêmement forte puisque le groupe Kering, au travers de ces marques, est présent dans plus de 55 pays. Et donc, il y a vraiment cette dimension internationale très forte.

  • Aurélie

    Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec le groupe Kering ? Qu'est-ce qui t'a donné envie, finalement, de rejoindre ce groupe ?

  • Marie-Claire

    Quand j'ai terminé la première période de cabinet ministériel et d'administration, je souhaitais rejoindre le secteur privé, mais je souhaitais vraiment rentrer dans un groupe pour lequel ces sujets étaient importants. Et quand j'ai rencontré, en fait, c'était en mai 2012, François-Henri Pinault, qui est l'actuel PDG... du groupe Kering, j'ai eu une rencontre qui était très forte puisque j'avais face à moi un PDG qui avait une vision extrêmement claire sur ce que l'on appelle les sujets de développement durable, de SG, quelle que soit la sémantique, et qui était à la recherche de quelqu'un pour mettre en œuvre vraiment cette vision de façon très opérationnelle, avec aussi la possibilité d'avoir les moyens humains et les moyens financiers pour faire des De telle sorte à ce que ça ne reste pas simplement un concept, une vision ou des discours, mais véritablement de le transformer et de l'intégrer dans le modèle d'affaires. Et donc ça pour moi c'est extrêmement important. Et ensuite avec une conviction très forte aussi de François-Henri Pinault sur la thématique des femmes. Partant du principe que sur ce sujet-là également, le groupe avait une responsabilité particulière puisque la majorité en fait des personnes qui travaillent aussi bien dans notre chaîne d'approvisionnement qu'en tant qu'employés du groupe sont des femmes. Nos clients sont essentiellement des clients. et donc sur cette thématique aussi, ça nous donnait le devoir d'avoir des actions concrètes et d'essayer de faire bouger les lignes. Et ce côté, j'en terminerai là, vraiment très avant-gardiste, puisqu'il faut se remettre, on était 2012, aujourd'hui tout le monde en parle, c'était quelque chose de très pionnier et qui m'a donc tout de suite attirée.

  • Aurélie

    Alors justement, parlons-en, quel est finalement un peu le... L'origine de cet engagement, pourquoi est-ce que le groupe a décidé d'être un peu précurseur en 2013 quand vous vous êtes lancé dans ces réflexions ?

  • Marie-Claire

    Alors le groupe Kering, c'est un groupe qui est coté, donc c'est un groupe du CAC 40, coté à Paris, mais qui est un actionnaire en fait familial. Et donc le positionnement de la famille et de François Répinault, en l'occurrence, est extrêmement important. Il est convaincu depuis toujours, si je peux le dire ainsi, que prendre en compte les enjeux de protection de la planète, les enjeux liés en fait à l'homme avec un grand... Les tâches sont essentielles non seulement pour des raisons éthiques, mais également pour des raisons de business, de continuité du business et aussi la capacité de faire croître tout simplement l'activité du groupe. Pour une raison qui est très simple, c'est que quand on regarde nos... produits de luxe, les matières premières viennent vraiment de la nature. Quand on pense coton, soie, cuir, laine ou également l'or, quand on est plutôt dans la partie joaillerie, toutes ces matières premières viennent directement de la nature. Et donc, il y a à la fois, pour des raisons éthiques, d'en prendre soin, de faire attention, mais également dans cette partie... qui est aussi liée, si on veut continuer à développer le business, il faut avoir des matières premières, non seulement en quantité suffisante, mais aussi en qualité. Et ce qui est intéressant quand vous regardez le nom Kering, alors l'origine en 30 secondes, c'est KER, la maison en breton qui fait référence aux racines bretonnes de la famille et donc du groupe. Et puis le ING, c'est le mouvement, c'est l'international, c'est l'ouverture vers le monde. Mais on le voit bien que quand on prononce en fait caring on a aussi cette notion du care que l'on retrouve en anglais et qui est vraiment je prends soin de mes clients, je prends soin de la planète, je prends soin de mes employés Donc tout ça aussi est intrinsèquement lié. Et encore une fois, cette vision pour l'entreprise d'intégrer ces enjeux était extrêmement avant-gardiste. Et elle s'est matérialisée très rapidement par, par exemple, la création d'un comité développement durable au niveau du conseil d'administration de Kering. Et nous étions en fait une des premières entreprises du CAC 40 à avoir un comité développement durable du board dédié à la thématique développement durable.

  • Aurélie

    Alors on va rentrer un peu plus en détail sur justement la manière dont tout ça est structuré au sein du groupe Kering. Peut-être juste avant de rentrer et de parler plus précisément de ce que tu fais aujourd'hui au sein du groupe, quelle est aujourd'hui pour avoir un peu la vision macro ? Qu'est-ce que vous voyez du secteur du luxe dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre ?

  • Marie-Claire

    On a les éléments s'agissant de l'industrie textile. Le luxe est un segment de l'industrie textile, segment qui représente des groupes qui sont très hétérogènes en termes de produits de volume. L'ordre de grandeur communément admis, c'est 4%. 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Ensuite, c'est un secteur qui est reconnu le secteur de l'industrie textile parmi les secteurs les plus polluants, puisque derrière les émissions de gaz à effet de serre, il y a aussi la consommation d'eau, l'utilisation de produits chimiques.

  • Aurélie

    Dans cette industrie, finalement, est-ce qu'on peut vraiment être green ? Parce qu'on est toujours tous incités, finalement, à consommer, y compris dans l'industrie du luxe, parce qu'on a des influenceurs qui vont faire la promotion d'un certain nombre de produits. Est-ce que, finalement, ce n'est pas antinomique ?

  • Marie-Claire

    Alors, l'industrie du luxe, je dirais que par son ADN, elle est durable, pour plusieurs raisons. D'abord, et c'est pour ça que je parlais, que j'évoquais le fait qu'il y ait différents... La première chose, c'est que quand on parle des volumes produits par le luxe, c'est le principe, c'est la rareté. Le luxe n'est pas inclusif. Et donc, par ces volumes, on est sur des volumes qui sont extrêmement faibles. Deuxièmement, les matières premières qui sont utilisées, on est vraiment sur des matières premières de très haute qualité et donc qui sont faites pour durer. Le luxe est totalement à l'opposé de cette notion de je l'utilise pour une période de temps limitée Au contraire, le luxe, c'est la transmission. Vous achetez un sac Bottega Veneta, c'est pour le transmettre, soit à votre fille, aux générations suivantes. Et donc, il y a vraiment cette notion de durabilité qui est inscrite dans le temps quand on parle du produit de luxe. Ensuite, il y a aussi un élément qui est très fort quand on parle du côté, on va dire, social, savoir-faire qui est associé au luxe. Vous avez toute cette notion d'artisanat. Et véritablement, le luxe là-dessus a cette capacité de sauvegarder, de promouvoir un certain nombre d'artisanats, si je prends notre exemple, que ce soit en France ou en Italie, sur des savoir-faire locaux. et ça, ça me semble essentiel. En revanche, et c'est pour ça que j'aime à dire que le luxe, puisqu'il est en fait un influenceur, le luxe lance les tendances, ça lui donne une responsabilité particulière. Et donc c'est pour ça que quand vous êtes dans le secteur du luxe, Vous avez la responsabilité non seulement d'agir quelque part dans vos frontières légales en tant qu'entreprise et d'essayer de mettre en place les meilleures pratiques sur l'environnement, sur le social, mais vous avez un rôle plus large qui est quasiment, et il faut rester modeste, mais qui est quasiment un rôle politique avec un grand P en tous les cas d'influenceur pour essayer de faire bouger l'ensemble de l'industrie. l'ensemble des secteurs dans ce sens-là. Et pour vous donner des exemples très concrets, un des premiers sujets qui nous a semblé extrêmement fort et qui a été poussé par François-Henri Pinault dès le début, c'est de dire quand on a une bonne pratique, quand on a une innovation, quand on a quelque chose qui va permettre d'aller dans le bon sens pour la protection de la planète, il ne faut pas le garder pour soi, mais il faut le partager avec les autres et, comme on dit en anglais, le mettre en open source, de telle sorte à ce que des groupes, des marques de taille... moyenne, puissent directement accéder aux meilleures pratiques et les mettre en œuvre dans leur propre chaîne.

  • Aurélie

    Alors, juste sur le sujet des faibles volumes, en disant que finalement, par nature, on n'est pas sur de la consommation de masse. Pour autant, même dans cette industrie, il y a des invendus. Concrètement, aujourd'hui, qu'est-ce qui est mis en place ? Parce que traditionnellement, les invendus, notamment dans l'industrie du luxe, on a plutôt une dynamique de destruction. Concrètement, aujourd'hui, sur les invendus, qu'est-ce que vous avez mis en place ? Est-ce qu'on continue à détruire ? Est-ce qu'on réutilise différemment ? Ou est-ce qu'on les vend moins cher ? Ce qui peut être aussi compliqué par rapport au modèle économique de la rareté dont tu parlais juste avant. Donc si on prend peut-être juste le sujet des invendus, ça m'intéresserait un peu de savoir quels sont les parties prises, parce que finalement, c'est quand même quelque chose qui n'est pas forcément évident par rapport au positionnement et au business model d'un groupe comme Kering.

  • Marie-Claire

    Alors déjà, il y a un premier sujet qui est... Sur l'amont, certes, il y a des invendus puisque c'est la nature de l'activité, mais tout est fait très en amont pour limiter au maximum ces invendus, qui est notamment lié à bien prédire quelle est la production qui doit être faite, sur quel marché le destiner, etc. Et l'avenir basé sur un certain nombre de projets pilotes. que nous avons menées permet de dire que l'on peut encore globalement progresser sur ce sujet, notamment en utilisant de l'intelligence artificielle qui va vraiment aider dans les prédictions. Donc ça, il faut quand même bien l'avoir en tête que tout est fait, et notamment chez Kering pour aller dans ce sens. Et ça complète aussi évidemment le savoir-faire de nos employés pour prédire ces quantités. Ensuite, encore une fois, là-dessus, sur ce sujet-là, François-Henri Pinault a été extrêmement pionnier, puisque dès fin 2018, début 2019, nous avons décidé de ne détruire aucun de nos invendus. Donc ça a été une décision extrêmement courageuse, extrêmement forte, y compris qu'il a fallu bien expliquer en interne le... le pourquoi. Et à partir de là, on a développé des solutions qui sont liées, par exemple, au recyclage, au surcyclage. On a développé un certain nombre de...

  • Aurélie

    Le surcyclage, est-ce que tu peux développer ?

  • Marie-Claire

    Le surcyclage, c'est cette notion qui est souvent utilisée en anglais d'upcycling, qui est de faire... un nouvel objet, un nouveau vêtement, quelque chose de nouveau qui aura par lui-même en fait une... une seconde vie. Et donc, évidemment, au début, c'est toujours le même sujet. On démarre par des projets pilotes, parce qu'il y a quand même, prenons un sac à main, il faut faire le démantèlement de chacune des parties. On est dans le secteur du luxe, donc si on veut réutiliser la matière, le cuir, tout ce qui a été utilisé pour confectuer les accessoires, etc., il ne faut pas abîmer cette matière première. Donc il faut aussi trouver le modèle qui va prendre soin de démanteler le sac, la valise, etc. et qui en même temps va être aussi un modèle sur lequel ça tourne financièrement. Donc tout ça nécessite du temps. Et puis il y a un autre axe sur lequel aussi le groupe a été avant-gardiste qui est la seconde main. Et donc nous avons investi par exemple dans Vestiaire Collective. où nous sommes même au capital, nous avons un siège au conseil d'administration, etc. Et je trouve que la seconde main, c'était l'approche du groupe. C'est un axe extrêmement intéressant, où à la fois la partie business et la partie protection de la planète... vont dans le même sens. Et il y a également aussi une dimension sociale dans la seconde main qui est intéressante, puisque tu donnes accès à des jeunes, à des populations qui n'auraient pas forcément les moyens de s'acheter le produit qui est juste dans le magasin. En revanche, ça leur permet à la fois, pour certains, de découvrir le monde du luxe, et pour d'autres, d'avoir accès à ces produits qui sont d'excellente qualité et qui... ...eux-mêmes vont durer. On revient vraiment sur cette notion de durabilité, mais dans tous les sens du terme. Donc c'est tous ces sujets-là et ces actions-là qui sont mises en œuvre. Après, pour répondre à ta question... Il faut être conscient que quand on parle des solutions opérationnelles en matière de développement durable, tout l'enjeu, c'est une question de vitesse pour les mettre en œuvre et c'est une question d'échelle. Aujourd'hui, quand on est en 2024, tout n'est pas parfait, mais on a quand même des bases extrêmement solides pour aller dans ce sens-là. Mais encore une fois, la clé avant de penser à quelle est la solution pour quelque part... Utiliser ces invendus et leur donner une seconde vie, c'est toujours pareil. Le plus important, c'est la prévention. Et donc la prévention, c'est qu'est-ce qu'on produit, combien on le produit et dans quelle temporalité, etc. Donc c'est vraiment l'amont auquel il faut être extrêmement attentif.

  • Aurélie

    En 2013, donc toi, quand tu as rejoint le groupe pour prendre...

  • Marie-Claire

    Premier septembre 2012 !

  • Aurélie

    Premier septembre 2012 ! Alors, le 1er septembre 2012, quand tu as donc pris ce poste, cette date importante dans ton parcours... Pas grand monde finalement parlait de ce sujet. Comment est-ce qu'on arrive à avoir cette prise de poste dans un contexte où finalement les gens s'intéressent assez peu au sujet du développement durable ?

  • Marie-Claire

    Dans un groupe privé, l'implication du top management est clé. Et dans le groupe, à cette époque comme maintenant, on va dire nos marques, les employés du groupe, savent depuis toujours que le développement durable fait non seulement partie des valeurs du groupe, mais que derrière, nous avons notre PDG qui en est profondément convaincu pour les raisons que je t'évoquais. Donc forcément, pour la prise de poste et en tous les cas avoir la direction, j'ai eu la chance d'avoir le travail extrêmement facilité par François-Henri Pinault à cette époque, qui avait déjà et qui a continué d'exprimer quelle était sa vision. Donc moi derrière, avec mes équipes, puisqu'il faut être extrêmement conscient que... dans ce travail en entreprise, ce n'est pas une personne, mais c'est vraiment avec les équipes et mes équipes de développement durable, c'était de définir la stratégie et ensuite d'avoir un plan d'action. Et donc, ce qui était important derrière, c'était cette traduction opérationnelle. Et donc, la première chose que nous avons faite, c'est ce comité développement durable au niveau du board, c'est également de définir un plan d'action. et une stratégie d'avoir des objectifs quantifiés, des calendriers de mise en œuvre, des KPI, de telle sorte, et ça reste toujours vrai aujourd'hui, et pour moi c'est un élément clé, même en dehors de la sphère de Kering ou de la sphère du luxe, c'est que le sujet du développement durable doit être managé de la même manière que la performance financière. On voit que la nouvelle réglementation... elle pousse beaucoup à ça, de parler juste de performance et pas de performance extra-fille et de performance financière, mais il faut le manager de la même manière. Et donc c'est pour ça que parmi les premiers éléments qui ont été mis en œuvre, ça a été d'avoir une gouvernance du sujet au sein du groupe extrêmement claire. Donc je te dis définition de la stratégie, plan d'action. mise en place de ce que l'on a appelé les sustainability reviews, qui sont les équivalents des business reviews où les comités de direction des marques sont réunis et où on regarde l'atteinte des objectifs, on discute les objectifs, l'équipier, etc. Des rencontres aussi avec François-Henri Pinault et l'ensemble des designers pour échanger sur ce sujet parce qu'un élément clé, c'est qu'on ne veut pas que le développement durable soit perçu comme une contrainte. Donc au contraire c'est une opportunité, la créativité c'est aussi quelque chose qui est vraiment dans l'ADN du groupe, dans l'ADN des marques et à aucun moment il ne fallait que le développement durable soit perçu comme un frein à la créativité. Et ce qui est top c'est que les designers sentent le moment, sentent ce qui est en train de se passer en fait dans la société. Ce sont aussi des personnes de la jeune génération, etc. Et donc pour lequel, quand on parle de développement durable, quand on parle de protection de la planète, quand on parle de bien-être animal, évidemment que c'est quelque chose qui rentre en résonance avec la façon dont y perçoivent la société. Et ensuite, je ne vais pas dire que tout est à l'enflève tranquille. Aurélie, ce n'est pas non plus le monde des bisons-nours. Après, ce qu'il faut, c'est faire du change management. Et c'est ça qui, à mon avis, est parfois le plus compliqué. Ce n'est pas forcément d'avoir la solution technique, mais c'est d'être sûre que les équipes vont s'approprier et les mettre en œuvre.

  • Aurélie

    Je suis trop bavarde. C'est juste que c'est passionnant et du coup, ça m'amène des milliards de questions. J'ai une question pour toi d'Alexis Mourot, qui est CEO de Christian Louboutin, qui souhaitait te poser la question suivante. Comment réussir à avoir une politique développement durable commune avec des maisons de tailles différentes ?

  • Marie-Claire

    Alors la question est extrêmement pertinente. Nous on est positionnés au niveau du corporette et c'est pour ça... On a décidé, quand je parlais de mettre en opérationnel la vision de François-Henri Pinault, c'est derrière, on s'est fixé des objectifs groupes. Je vais en donner un qui est le dernier que nous venons de prendre en 2023, qui est de réduire de moins 40% nos émissions de gaz à effet de serre, scope 1, scope 2, scope 3, sur la base des émissions de 2021 à échéance de 2035. Donc ça, c'est un objectif qui est un objectif groupe. Derrière chacune de nos maisons... a le même objectif de réduction à son échelle de ces moins 40% sur la même base, dans le même calendrier. Mais évidemment, la façon de l'atteindre ne sera pas la même. On prend des maisons comme Gucci, Bottega Veneta, où le cuir est la matière première qui est essentielle. Les actions à mettre en œuvre pour réduire les émissions, on va travailler par exemple au niveau du cuir, des fibres d'origine animale, d'avoir des programmes spécifiques en termes de sourcing, de supply chain. Évidemment, c'est bien différent de boucheron ou de pomélato qui est dans le cadre de la joaillerie. mais pour moi c'est le même management que la performance financière, c'est pour ça que je reviens là-dessus. Les objectifs globaux sont fixés au niveau du groupe, et ensuite chacun, par rapport à sa spécificité, par rapport à sa taille, par rapport à son organisation, va devoir mettre en œuvre des actions différentes. Et pourquoi j'insiste beaucoup sur les matières premières ? Parce que les matières premières, quand on regarde où est notre empreinte environnementale grâce à notre compte de résultats pour l'environnement, on voit qu'il y a une très grande majorité de nos impacts, quasiment 90%, qui est en dehors de nos frontières légales, donc qui est vraiment liée à la chaîne d'approvisionnement. Ensuite, il y a des sujets communs. On a une boutique, il faut qu'elle soit certifiée LEED et LEED Platinum. Donc ça, il y a des éléments qui sont communs. Et le rôle du corporate, c'est quelque part d'être le sparring partner des marques pour les aider à mettre en œuvre les bonnes solutions, pour leur proposer, et pour être le plus efficient possible, qu'est-ce qui se passe à l'extérieur et qu'est-ce qui se passe aussi en dehors de notre industrie. Parce que je crois vraiment important de comprendre que, par exemple, nous sommes dans le luxe, mais on utilise de la matière première et on a, par exemple, plein d'interactions et plein de choses en commun avec le monde de l'agroalimentaire. Et donc il faut réussir à mettre en place cette fertilisation croisée. C'est aussi notre rôle d'animer en se disant peut-être que Boucheron est en train de mettre en œuvre quelque chose sur le diamant ou sur l'or et qui va être extrêmement intéressant pour la partie joaillerie de Gucci. Donc c'est vraiment de créer ces synergies au sein du groupe. Mais c'est important d'avoir cette même vision qui est une vision consolidée au niveau du groupe.

  • Aurélie

    Est-ce qu'aujourd'hui, c'est intégré dans le modèle de rémunération des dirigeants du groupe ?

  • Marie-Claire

    Oui. Alors encore une fois, sur ce sujet-là, je pense qu'on était assez pionniers, puisque depuis que je suis rentrée dans le groupe, à la fois la rémunération au niveau des mandataires sociaux, que ce soit sur le court terme, ce qu'on appelle le bonus. Ou sur les instruments de rémunération de long terme, c'est mis dedans. Par exemple, François-Henri Pinault, si on parle sur l'actualité, il a sur la préservation des espaces, sur l'agriculture régénératrice, etc. Donc c'est très concret et il y a un nombre d'hectares à convertir, des pourcentages à atteindre, etc. Et puis bien évidemment, ensuite dans le top management du groupe, c'est quelque chose qui est mis sur la partie rémunération variable. C'est extrêmement important, on revient sur les sujets de gouvernance. Si on veut que ces thématiques de développement durable avancent... Quelque part, il faut que ça soit présent à tous les niveaux. Donc il faut que ça soit présent dans le management, il faut que ça soit présent, on l'évoquait, dans les conseils d'administration, au travers du comité exécutif, dans les marques où on a, par exemple, mis en place des équipes dédiées au développement durable, mais c'est aussi dans les instruments de rémunération. C'est important, tout le monde en est convaincu. Mais c'est bien, encore une fois, au même titre que l'on met de la performance financière dans la structure de rémunération, il faut que le développement durable soit présent. C'est aussi une question, au-delà de dire je mets tel pourcentage, ça représente, c'est aussi une question de cohérence, de montrer que l'on marche en fait sur les deux jambes. Et que certes, la performance financière est importante, et comme le dit François-Henri Pinault, c'est aussi la façon dont on l'obtient, cette performance financière. Et pour faire avancer ces sujets-là... sur lequel il y a eu énormément d'évolutions. Tu évoquais par rapport à quand j'ai démarré ma carrière, ayant eu toujours ce fil rouge de l'environnement du développement durable. Évidemment, la maturité n'est pas la même, aussi liée au fait que malheureusement, quand on parle ne serait-ce que de changement climatique, c'était très théorique, c'était uniquement dans les rapports du GIEC. Aujourd'hui, les effets du changement climatique sont tout à fait visibles et perceptibles par le citoyen. Il suffit de voir les sujets d'accès à l'eau, de rareté de l'eau, y compris dans des pays comme la France, l'Italie, de voir les feux de forêt. Donc tout ça est devenu une réalité. Donc il y a une prise de conscience qui est beaucoup plus forte. Et puis quand on est dans le business, l'impact du changement climatique, pour juste prendre un exemple, c'est concret. Le secteur du luxe a besoin de cachemire.

  • Aurélie

    Il fait plus chaud. Les chèvres qui produisent le cachemire en produisent moins, puisqu'à l'origine, elles ne produisent pas le cachemire pour l'industrie du luxe, mais pour se protéger du froid. Donc, elles en produisent moins. Comme il fait plus chaud, la qualité aussi des fibres issues n'est pas exactement la même. Or, dans le luxe, toujours pareil, on a des besoins des plus hauts standards de qualité, de longueur de fibre spécifique. Et donc, très concrètement... ça a un impact sur le prix du cachemire. Donc aujourd'hui, tous ces effets-là de raréfaction d'un certain nombre de choses liées à la biodiversité, de dysfonctionnement des écosystèmes, c'est plus simplement quelque chose de l'Ibès ou du GIEC, c'est une réalité tangible pour les entreprises. Donc quelque part, c'est l'ensemble de cet écosystème de l'entreprise qui fait bouger aussi les lignes à l'intérieur.

  • Marie-Claire

    Alors pour faire bouger, il faut aussi mesurer. Je sais que le groupe a aussi été précurseur en développant...

  • Aurélie

    Ça va être nouveau qu'on va l'utiliser !

  • Marie-Claire

    C'est le thème, de toute façon je l'ai dit en introduction, donc comme ça il n'y a pas de surprise pour les auditeurs. Vous avez lancé un outil, le ePNL, le compte de résultats pour l'environnement. Est-ce que tu peux revenir un peu sur la genèse de cette création et pourquoi c'était important finalement ? de rentrer dans ces réflexions de la mesure et notamment de la conversion en euros pour justement faire en sorte de pouvoir mettre des bases, on va dire, un petit peu communes pour mesurer justement l'impact des actions.

  • Aurélie

    Alors tu l'as évoqué, la mesure c'est clé. C'est-à-dire que si on veut mettre en œuvre des actions, Si on veut mesurer les impacts sur le terrain de nos actions, il faut être en capacité de les mesurer. Et donc c'est dans cet esprit-là qu'a été développé le compte de résultats pour l'environnement. En partant du principe que certes il fallait mesurer dans ce que moi j'appelle en fait les frontières légales de l'entreprise et qui était jusqu'à présent notamment demandé par la réglementation, alors qui va changer à partir de l'année prochaine, mais aujourd'hui c'était une réglementation très tournée vers l'intérieur. dans les frontières légales et simplement sur un certain nombre de sujets. Et plus que l'intuition, nous avions la conviction que du fait du modèle d'affaires de notre secteur, beaucoup d'impact provenait en fait de la chaîne d'approvisionnement. Pour d'autres secteurs, c'est moins la chaîne d'approvisionnement et c'est plus l'usage, donc c'est derrière la production du bien. Et donc nous sommes partis à créer... On a créé ce compte de résultats pour l'environnement qui a une double particularité. Un, il mesure cette empreinte environnementale dans nos frontières légales sur les émissions de gaz à effet de serre, sur la partie biodiversité qu'on appelle le land use, sur les NOx, les SOx, sur la consommation d'eau, sur la pollution d'eau. Et nous l'avons fait jusqu'au rang 4. de notre chaîne d'approvisionnement. Et le rang 4, c'est l'élevage bovin, l'élevage au vin, le champ de coton, etc. Et il nous a semblé aussi important d'avoir à la fois une prise en compte des externalités négatives sur l'ensemble de l'écosystème. Quand on a le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, pour prendre l'exemple le plus simple, évidemment ça a un impact. sur la biodiversité. Quand on parle des émissions de particules de NOx, de SOx, ça a un impact sur la santé humaine. Donc c'est vraiment de se dire, je mesure dans une approche 360 les émissions et l'ensemble des impacts. Et ensuite, il était aussi important... de donner une notion d'impact financier, d'où la conversion en euros, pour illustrer notamment, pour être concrète, la compétition des usages, pour être plus explicite. On a un élevage bovin qui est en Normandie et qui va consommer X litres d'eau. On est dans une zone où il pleut. En Bretagne, je suis bretonne, donc je peux dire qu'il pleut en Bretagne. On ne va pas se perdre. Il n'y aura pas de problème avec le breton. Voilà, c'est ça. On va prendre l'élevage. Et je répète, je suis bretonne, je suis renaise. Là-dessus, il pleut. Donc la compétition entre les différents usages n'est évidemment pas la même. par rapport à avoir simplement un élevage qui va se retrouver dans le sud de l'Italie, où évidemment entre cette partie-là qui va être utilisée pour l'industrie du luxe versus le secteur du tourisme versus un élément essentiel qui est le monde agricole pour nourrir les individus, évidemment il n'y a pas la même compétition. Et quand je parle en litres d'eau, je n'illustre pas l'ensemble de l'écosystème, alors que quand je lui donne une valeur monétaire, j'illustre bien ce sujet-là. Ensuite, nous ce que l'on a découvert dans l'utilisation de l'IPNL, quelque chose d'extrêmement puissant pour manager au-delà de la mesure, c'est qu'on parle un langage commun. C'est-à-dire qu'au sein de l'entreprise, ce n'est pas forcément évident au départ de parler avec tout le monde de X tonnes équivalent carbone ou de X litres d'eau ou j'ai émis tant de nox ou de sox. En revanche, d'être en capacité d'avoir ce langage commun en euros ou en dollars, permet qu'il y ait une compréhension des enjeux qui est beaucoup plus facile à partager. Et puis ensuite, au fur et à mesure de l'utilisation de cet IPNL, aujourd'hui, ça nous permet aux CEOs des marques d'avoir le PNL classique d'un côté, l'IPNL, et de se dire quel est l'investissement qui va être le plus efficient, le plus pertinent en ayant cette double composante. à la fois business classique et aussi impact sur l'environnement. Et puis un élément, on l'a mis en première fois en ligne avec l'intégralité des éléments pour le groupe, c'était en 2015, ça nous a vraiment permis de bien connaître notre chaîne d'approvisionnement. Puisque évidemment, pour remplir et calculer cet IPNL, Il faut avoir ce qu'on appelle la donnée primaire à l'origine, ces données primaires qui viennent de nos fournisseurs. Et donc ça a permis aussi d'engager un dialogue avec nos fournisseurs sur des sujets qui, comme tu l'évoquais encore une fois à l'époque, n'étaient pas forcément classiques, et aussi de faire une sorte de pédagogie. Et c'est ça que j'aime, d'aller au-delà de notre propre rôle, mais d'essayer d'entraîner le système. Et aussi d'expliquer qu'aujourd'hui, peut-être que ce sont les marques du groupe Kering qui vous le demandent, mais demain, ça sera d'autres marques et voir la réglementation qui allait évoluer. Et donc aujourd'hui, c'est un outil qui est extrêmement puissant pour nous, puisque un, ça nous permet d'avoir des éléments de comparabilité, puisqu'il y a cette inscription dans le temps, et puis vraiment aussi de voir où sont nos impacts. En fait, si les programmes que l'on met en place... Que ça soit sur le cuir, le tannage, sans métaux lourds, etc. Quel est l'impact et comment ça nous permet de réduire notre empreinte environnementale ? Et alors,

  • Marie-Claire

    ça dépasse les frontières de Kering ? Est-ce que cet outil a été mis en open source ?

  • Aurélie

    Alors cet outil a été mis en termes de méthodologie dès 2015 en open source. Et aujourd'hui, il n'y a plus, et c'est ça qui est intéressant, il y a plus de 1000 entreprises. je n'ai pas le chiffre exact parce que quelque part ça change tous les mois, qui utilisent en fait ce type de comptabilité. Soit ils l'appellent IPNL, soit ils ont mis en place une autre terminologie. Ils rendent accessibles au public les données ou parfois non, mais il y a plus de 1000 entreprises et des secteurs très différents. On a par exemple parlé de Davidson qui utilise cette méthodologie. On a de l'industrie pharma qui l'utilise. Alors évidemment derrière il y a un petit travail d'adaptation, il y a aussi en fait une lecture des impacts qui ne sont pas au même endroit, mais c'est quelque chose qui est en train de bouger, qui est extrêmement utile. Ensuite encore une fois ce n'est pas parfait parce que derrière il y a aussi la qualité de la donnée et ça c'est un sujet qui est très tendance en ce moment et donc c'est un effort permanent pour continuer de s'améliorer. Pareil pour la méthodologie. La méthodologie, je ne dis pas qu'elle est parfaite, mais elle est intéressante. On a les ordres de grandeur et donc ça permet de focusser sur les bons sujets. La majorité de nos émissions de gaz à effet de serre, moi, quand je suis rentrée dans le groupe, je me suis dit, je vais mettre les produits sur des bateaux ou faire du ferroutage parce que j'avais dans ma représentation que beaucoup de notre impact devait venir sur la partie transport. Alors... Ben non, ça vient en fait des émissions de méthane des bovins. Et donc il y a aussi un élément extrêmement pédagogique. Quand on se le dit comme ça, Aurélie, ça paraît assez simple. Il faut aller voir les designers, leur expliquer que la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre proviennent du méthane émis par les bovins. C'est pas... Ce n'est pas si évident que ça, en termes, encore une fois, d'entraîner les équipes et donc d'avoir des éléments factuels. Je ne dis pas ça parce que je suis ingénieure, mais d'avoir des éléments quantifiés, chiffrés, mis à plat, c'est extrêmement aussi utile pour faire avancer les choses. Et c'est vraiment un avantage aussi quand on voit maintenant ce qui va être demandé via la CSRD, pour avoir déjà des éléments très tangibles. Voilà.

  • Marie-Claire

    Alors tu disais tout à l'heure que vous avez... Vous annoncez une nouvelle ambition qui est de réduire de 40% vos émissions absolues à l'échelle du groupe. Déjà, ça m'intéresse de savoir qu'est-ce que tu mets derrière émissions absolues et pourquoi est-ce que c'est un cap pour le groupe Kering ? Parce qu'en fait, on a du mal à se rendre compte finalement. Est-ce que c'est beaucoup ? Pas beaucoup ? Concrètement, en quoi ça représente un cap et un engagement extrêmement fort avec des impacts aussi très forts pour le groupe ?

  • Aurélie

    Alors souvent, d'abord le mot absolu, c'est le mot clé dans cette phrase, c'est vraiment le mot clé. C'est-à-dire que souvent, et nous les premiers en fait par le passé, et c'était déjà un effort colossal, nous parlions en intensité. Donc pour résumer de manière très simple, à l'échelle d'un produit, supposons par exemple que je substitue... le cuir issu d'une agriculture conventionnelle par de l'agriculture régénératrice, que je prenne du polyester recyclé ou du cachemire recyclé, à l'échelle d'un produit, je vais réduire mon empreinte environnementale et notamment mes émissions de gaz à effet de serre. Mais nous sommes en fait dans une entreprise, dans un business qui est croissant et donc pour lequel, même si nous sommes sur des volumes... Évidemment, nous vendons plus, par exemple, de produits. Et donc, in fine, au borne de l'entreprise, j'émets plus de gaz à effet de serre en direction de la planète, même si, à l'échelle de chacune de mes activités ou de chacune de mes actions, j'ai réduit mes émissions de gaz à effet de serre. C'est assez simple, si j'ai augmenté... les volumes où j'ai augmenté l'activité. À partir du moment où on parle en absolu, c'est quelque part, on se fixe en fait un cadre extrêmement ambitieux et de se dire, quel que soit... Quelle que soit quelque part la croissance, il va falloir rentrer dans cette réduction. Et c'est extrêmement intéressant puisque là, on fait une décorrélation entre la croissance du business, il faut être profitable, on est coté, on est une entreprise, et donc oui, on veut faire du business, et en même temps, la décroissance pour les émissions de gaz à effet de serre. Et donc, pour faire ça, et pardon des quelques anglicismes, parce que c'est la terminologie qu'on utilise en interne, il va y avoir en fait trois niveaux d'action. Il va y avoir un premier niveau d'action qui tourne autour de ce que l'on appelle la fair production. Et donc la fair production, c'est à la fois, et tu l'évoquais dans une de tes questions, produire en fait les bons volumes, ce qui est adapté, etc. C'est aussi les stratégies d'élévation de marques, la capacité aussi pour nos clients de créer de nouvelles expériences, etc. Donc ça, c'est un premier niveau d'action. Il y a un deuxième niveau d'action et ça rejoint vitesse et échelle que j'évoquais au début de cette conversation. qui est de dire qu'il faut augmenter les matières premières qui sont issues de l'agriculture régénératrice. Et c'est pour ça, on y reviendra peut-être, qu'on est vraiment très punchy sur ce travail au travers de notre fonds. C'est être en capacité d'utiliser de plus en plus de matières premières ou de fibres issues de... du recyclage, etc., et de l'économie circulaire. D'où le fait que, par exemple, Gucci, avec le Corporette, nous avons créé ce qu'on appelle le Circular Hub en Italie. qui est vraiment pour augmenter cette proportion issue de l'économie circulaire. C'est aussi toute la partie matière première ou process issue de l'innovation. Encore une fois, quand on parle innovation, le premier hub que l'on a créé au sein du groupe pour l'innovation et qu'on appelle le Material Innovation Lab, il date de 2013. Il est basé à Milan. On avait très tôt la conviction que sans innovation, nous n'arriverions pas à atteindre ces objectifs. Et aujourd'hui, on est à plus de 3800 échantillons de tissus qui ont les caractéristiques environnementales et sociales. Et ce hub basé à Milan est en capacité de proposer aux marques des solutions de tissus. qui permettent aussi de réduire leur impact, tout en ayant les mêmes standards de qualité. Je ne me répète pas, mais les standards de qualité, c'est un prérequis quand on est dans l'industrie du luxe. Et fort de cette expérience avec le Mille, on a créé le même type de structure, mais pour la partie joaillerie en 2020. Et pareil, basé à Milan, et pour aider les marques, y compris aussi sur les pierres précieuses, semi-précieuses des process à avoir. Donc ça, c'est la deuxième, on va dire, partie volée niveau pour atteindre les objectifs. Et puis le troisième, et ne me demande pas plus concrètement ce que c'est, c'est de se dire, il y a de nouveaux business models qui sont à inventer, qui vont permettre de servir la croissance, de réduire l'empreinte environnementale. L'exemple que je peux te donner, c'est la seconde main. Mais évidemment, à l'échéance de 2035, il y en aura d'autres. Et c'est aussi pour ça que pour moi, ça rejoint bien le côté, je stimule en fait la créativité. Je pousse les uns et les autres à aller au-delà en fait de leurs frontières classiques et à mettre de nouveaux process, de nouveaux produits, de nouvelles idées. Voilà, ça semble un peu abstrait comme ça, mais à utiliser. Et c'est simplement, et ça c'est vraiment important, c'est simplement si on est en capacité... d'agir sur ces trois leviers et de façon significative, que nous pourrons arriver à réussir à atteindre cet objectif. Mais pour moi, c'est clé. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il faut parler en absolu. Ça, c'est vraiment clé. Et deuxièmement, on le voit, et d'ailleurs, ça devient aussi un sujet en termes de certification pour le SBTI, etc. On voit vraiment que cette notion d'absolu, elle est présente partout. On a souvent tendance à parler du scope 3 en disant que c'est le scope. Et c'est vrai, le plus compliqué pour avoir la qualité de la donnée, pour agir, etc. entre guillemets, on est en dehors de chez soi. Mais c'est un élément qui est fondamental. Mais le deuxième élément, c'est bien cette notion de réduction en absolu. Et qui demande, quand on parlait tout à l'heure d'innovation, et ça aussi, c'est essentiel pour moi, pas simplement d'avoir des innovations qui permettent de faire des progrès incrémentaux, mais vraiment des innovations qui permettent... de changer d'où le terme de disruption et d'innovation disruptive, parce que ça va plus loin que ça. Ce n'est pas juste de dire je fais un petit pourcent de temps en temps par-ci par-là. Non, il y a vraiment besoin sur certaines choses d'avoir des changements très en profondeur. À titre plus personnel,

  • Marie-Claire

    quelles sont les réalisations dont tu es la plus fière ces 11 dernières années ?

  • Aurélie

    Alors si on est au niveau de Kering, la réalisation où je suis la plus heureuse en termes de décision que le groupe ait prise, c'est l'arrêt de la fourrure. Alors, tu me diras, ce n'est pas complètement un sujet environnement. L'arrêt de la fourrure, je trouve que ça illustre aussi énormément de choses derrière. D'abord, un, quand François-Henri Pinault a pris cette décision, c'était une décision extrêmement courageuse, puisque évidemment, d'un point de vue business, c'était quelque chose qui était rentable. Donc, voilà. Deuxièmement, c'est aussi pour moi, parce que quand on parle de protection de la planète, quand on parle de salaires décents pour les employés dans la supply chain, etc., et ce n'est pas parce que je suis en charge de l'éthique que je vais dire ça, mais il y a une espèce de chapeau. J'agis bien. vis-à-vis des personnes, j'agis bien vis-à-vis de la planète, j'agis bien vis-à-vis des animaux, etc. Et donc, il y a cette notion d'éthique. Et donc, je trouve ça extrêmement fort, extrêmement riche. Et donc, s'il faut choisir... Si il y a une seule réalisation, je prendrais celle-ci. Ça a permis d'ailleurs au groupe d'être le premier groupe à arrêter totalement la fourrure, sachant que dès 2016, Gucci avait déjà en tant que marque de luxe, était la première marque de luxe à le faire. Ensuite, si tu m'en permets une seconde et j'arrêterai, c'est de se dire... Ce qui est pour moi, ce n'est pas un sujet ensuite en termes de réalisation, c'est vraiment de savoir que le développement durable, cette notion-là, elle est partout présente dans le groupe. J'étais l'autre fois à Nocite, il y a 15 jours, à Scandici, près de Florence. C'est super de voir comment les salariés du groupe... ont envie de savoir, nous poussent à aller plus loin et que c'est vraiment dans la culture et dans les valeurs du groupe. Donc ça, c'est une réussite collective. C'est quelque chose qu'il faut vraiment conserver dans l'ADN du groupe puisque maintenant, on peut se dire que c'est dans l'ADN du groupe et c'est vraiment quelque chose sur lequel il est essentiel d'avoir, comme il le fait maintenant et depuis toujours, l'implication personnelle de François-Henri Pinault, parce que pour moi, ces sujets-là, c'est comme quand on compare les fonctions de CSO avec d'autres fonctions. Évidemment, ça a beaucoup évolué. Évidemment, ça a acquis une certaine maturité. Mais on n'est pas encore sur un sujet totalement banalisé. Peu de gens vont dire que le climat n'est pas important, que le manque d'eau n'est pas important. Évidemment, c'est devenu, entre guillemets, politiquement incorrect. et ça fait partie des priorités mais il faut que ça reste au top des priorités parce que sinon si c'est une priorité parmi les priorités c'est moins une priorité et donc ça est chez moi sur le terrain est-ce que tu peux nous partager ton plus grand échec ou ta plus grande frustration

  • Marie-Claire

    Alors,

  • Aurélie

    d'abord, un, je pense qu'on est, pour travailler dans le développement durable et notamment sous l'angle environnement, il y a deux prérequis. Un, c'est d'être assez optimiste, parce que, voilà, et deux, de jamais renoncer. La résilience.

  • Marie-Claire

    Tout est preuve. Donc,

  • Aurélie

    c'est... Des échecs, c'est plus le sentiment de créer ce besoin d'aller vite, d'accélérer, d'appuyer sur la pédale et en même temps d'aller plus rapidement pour mettre à l'échelle. C'est à la fois un échec parce qu'on voudrait que tout aille très vite, etc. Après, on ne bouge pas non plus les organisations. J'ai aussi vraisemblablement changé par rapport à quand j'ai pris mon premier poste sur le terrain, etc. Donc ça, c'est la maturité, qui est de dire qu'on ne peut pas tout changer en une nuit. Et il faut changer. Ce qu'il faut être certain, c'est que chaque année, chaque six mois, chaque mois, il y a des progrès qui sont effectués. Après la révolution du grand soir sur nos sujets... je n'y crois pas. Après, en termes de réussite et qui répond réussite et qui répond frustration, moi, je suis vraiment extrêmement heureuse de ce que le groupe a pu faire en termes de coalition dans notre secteur, que ça soit autour du Fashion Pact ou que ça soit avec la Watch Joyer Initiative qu'on a lancée avec nos amis de quartier parce que ça fait bouger le secteur. Et un élément à... Avant de conclure sur Kering, c'est de dire que quelle que soit la taille du groupe Kering, quelle que soit la puissance du groupe Kering, on n'est pas suffisamment grand et suffisamment fort pour changer le paradigme tout seul. Donc on a besoin des autres. Et quand on est dans le fashion pacte, on travaille aussi bien avec Inditex, on travaille avec Nike, on travaille avec Chanel, on travaille avec H&M. Et donc c'est vraiment le secteur qui se met en mouvement. Et pareil côté horlogerie et joaillerie. Et pour moi, ça c'est clé. C'est vraiment de se dire on collabore, on travaille ensemble et quelque part ces sujets-là ne sont pas vus comme des sujets de compétition évidemment qu'on est en compétition sur le reste, mais là-dessus et c'est là où je retrouve aussi l'intérêt général il y a un intérêt en fait suprême qui nous dépasse et qui fait qu'on agisse dans le même sens,

  • Marie-Claire

    voilà je te vois sourire c'est passionnant on pourrait y passer des heures mais le temps va nous manquer du coup je te propose de passer à la boîte à questions Marie-Claire Allez, je te laisse piocher deux cartes dans chaque paquet et me le remettre. Alors, deux cartes. Toc,

  • Aurélie

    toc. Allez,

  • Marie-Claire

    et de ce côté-là aussi. Allez, première question. Tu me stresses, là. Tu me stresses.

  • Aurélie

    Je n'ai pas dit.

  • Marie-Claire

    Elles ne sont pas toujours faciles, les questions de la boîte à questions. Allez, première question, Marie-Claire. Comment vois-tu ton industrie dans dix ans ?

  • Aurélie

    Alors l'industrie d'Andysange et notamment l'industrie du luxe, pour moi, en fait, il va y avoir des changements en profondeur, dans le sens où c'est déjà le cas, on voit les millennials, les genzies parmi nos clients qui sont très sensibles à ces sujets-là et qui vont devenir de plus en plus attentifs, questionner de plus en plus les marques sur un certain nombre de sujets. Donc ça, ça va entraîner un certain nombre de changements pour les marques. Et puis, deuxièmement, je pense que sur le côté matière première process, on aura toujours l'articulation entre le savoir-faire et l'héritage, mais avec des matières premières qui seront complètement nouvelles. On a déjà utilisé du mycélium de champignons pour faire des manteaux, des accessoires. On réfléchit à comment faire du cuir en laboratoire. Tout ça va exploser, même pas dans les dix ans pour moi, dans les cinq ans qui viennent, il va y avoir une transformation profonde. Je suis trop longue dans mes réponses, je le vois. Pas du tout, tu sais,

  • Marie-Claire

    c'est toi qui as un agenda très serré, donc je peux rester là toute la matinée avec toi, Marie-Claire. Allez, deuxième question, business. Comment, en tant que leader, gères-tu les turbulences, les moments d'incertitude ?

  • Aurélie

    Quand on est sur le développement durable, il faut avoir, et j'apporte ma contribution, mais c'est vraiment quand on parle au niveau du groupe, encore une fois, François-Henri Pinault, il faut s'inscrire dans la durée. Le développement durable, ce n'est pas ce qu'on disait qu'on change en une nuit, ce n'est pas quelque chose à six mois, ce n'est pas quelque chose à un an. Donc il faut, et c'est ce que l'on fait, l'avoir inscrit au cœur de la stratégie. Quelles que soient les turbulences géopolitiques, quelles que soient les turbulences nationales, européennes, etc., ou liées directement au business, il faut avoir un cap, maintenir ce cap. Et puis parfois, il y a des sujets qui avancent plus vite, parfois ça avance moins vite, mais il faut savoir où on veut aller et surtout ne pas lâcher. Allez,

  • Marie-Claire

    je te propose de passer aux questions plus personnelles. Marie-Claire, comment continues-tu à progresser ? Alors d'abord, un,

  • Aurélie

    j'ai la chance d'être sur une matière qui est en évolution constante et qui demande en fait de se remettre en cause, je vais dire constamment, du pléonasme. D'abord, un, j'ai une équipe qui est formidable, que ce soit au niveau du corporate ou au niveau des marques, et notamment une équipe où il y a des jeunes qui sont très curieux, très convaincus. qui sont aussi comme moi un peu activistes, mais que je le vends comme une qualité pour eux ou pour moi. Et donc tout ça, en fait, c'est une façon de nourrir, de progresser. On a une culture au sein du groupe et qui me sert à titre personnel, qui est vraiment de travailler en collaboration avec beaucoup d'experts, beaucoup d'ONG, beaucoup d'universités. Et donc ça, c'est formidable. pour être challengé. Donc parfois, ce n'est pas si évident que ça, mais aussi pour progresser et continuer. J'ai la chance, en fait, c'est mon boulot, mais c'est aussi ma passion. Et donc, ça crée en fait une énergie. On le sent. Les gens, vous ne le voyez pas,

  • Marie-Claire

    mais il y a une énorme énergie qui se dégage de Marie-Claire. Et donc,

  • Aurélie

    du coup, quelque part, ça aide aussi pour essayer de progresser. Mais peut-être que si tu poses la question à l'entourage, ils diront non, non, elle ne progresse pas du tout, du tout. Allez, dernière question et je te libère.

  • Marie-Claire

    As-tu des rituels pour rester en forme ? et tenir à ce niveau de responsabilité dans la durée ?

  • Aurélie

    Ce n'est pas en sorte de dire des rituels spécifiques, mais j'ai beaucoup de chances de pouvoir me ressourcer, d'avoir une vie privée, une famille, des enfants qui sont formidables. Pardon, ça fait un peu cliché, mais c'est la vérité. J'ai une fille de 22 ans, j'ai un petit garçon de 13 ans. et c'est en eux que je trouve en fait l'énergie, la puissance et eux aussi me challengent sur le thème ouais mais votre génération, voilà vous n'avez pas fait assez etc donc je rentre à la maison et quelque part on se refait challenger mais c'est vraiment grâce à eux que je tire mon énergie Merci beaucoup Marie-Claire,

  • Marie-Claire

    si on souhaite suivre ton actualité où est-ce qu'on te retrouve ? Eh bien,

  • Aurélie

    à la fois, ce que le groupe fait, nous sommes vraiment beaucoup à partager l'information sur le site Internet, etc. Et puis aussi, je mets pas mal de choses sur LinkedIn pour partager notre actualité. Eh bien, écoute, merci beaucoup,

  • Marie-Claire

    Marie-Claire. Merci à toi, Aurélie.

  • Aurélie

    À très bientôt. À très bientôt. C'est la fin de cet épisode,

  • Marie-Claire

    j'espère qu'il vous a plu. Pour m'aider à faire connaître le podcast, c'est très simple. Parlez-en autour de vous, mettez une note 5 étoiles accompagnée d'un gentil commentaire et abonnez-vous à mon compte pour être notifié des prochains épisodes. Si vous souhaitez en savoir plus sur le podcast, je vous donne rendez-vous sur mon site aurelie-gallet.com ou sur mon LinkedIn. Un grand merci à tous et rendez-vous la semaine prochaine pour un prochain épisode.

Description

Cette semaine je vous invite à découvrir le témoignage de Marie-Claire Daveu, Directrice  du Développement Durable et des Affaires Institutionnelles, et membre du comité exécutif du groupe de luxe Kering. Ingénieure de formation, Marie-Claire a démarré sa carrière comme haut-fonctionnaire dans l’agriculture et l’environnement. Elle a occupé plusieurs postes de directrice de cabinet avant de rejoindre Kering en 2012. Marie-Claire est membre de plusieurs conseils d’administration dont Engie et le Crédit Agricole. 


Dans cet épisode, je vous emmène découvrir le parcours de cette femme engagée et décrypter les dessous de l’ambition du groupe Kering en matière de développement durable. 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Aurélie

    Bonjour à tous, ici Aurélie Gallet. Je suis ravie de vous accueillir sur Disruption Inside, le podcast qui décrypte de l'intérieur la transformation des entreprises et des acteurs publics. Ensemble, nous allons à la rencontre de leaders business institutionnels qui font bouger les lignes. Nous allons décrypter leurs stratégies, revenir sur leurs réussites et leurs échecs, et faire le plein de conseils pratiques. Mon objectif, vous aider à passer à l'action en vous inspirant des meilleurs. Cette semaine, je vous invite à découvrir le témoignage de Marie-Claire Daveux, directrice du développement durable et des affaires institutionnelles, et membre du comité exécutif du groupe de Luxe Kering. Ingénieure de formation, Marie-Claire a démarré sa carrière comme haut fonctionnaire dans l'agriculture et l'environnement. Elle a occupé plusieurs postes de directrice de cabinet avant de rejoindre Kering en 2012. Marie-Claire est membre de plusieurs conseils d'administration dont Engie et le Crédit Agricole. Dans cet épisode, je vous emmène découvrir le parcours de cette femme engagée et décrypter le défi. Dessous de l'ambition du groupe Kering en matière de développement durable. Bonjour Marie-Claire.

  • Marie-Claire

    Bonjour Aurélie.

  • Aurélie

    Merci beaucoup de m'accueillir dans ces magnifiques locaux. Est-ce que déjà pour commencer, tu peux nous dire quelques petits mots de l'endroit où on est aujourd'hui ?

  • Marie-Claire

    Alors, je suis d'abord ravie de t'accueillir Aurélie au siège de Kering. Donc Kering, nous sommes rue de Sèvres. Nous sommes dans le 7e arrondissement et nous sommes en fait sur le lieu de l'ancien hôpital La Henec. Donc effectivement, c'est un lieu qui est magnifique, que nous occupons en fait depuis juillet 2016. Et c'est un peu la nature dans Paris. Donc ensuite, on ira peut-être faire un petit tour et tu pourras voir les ruches où nous avons des abeilles, un petit potager. Donc voilà, c'est juste un lieu magique pour venir travailler.

  • Aurélie

    Alors Marie-Claire, je disais en introduction, tu as un parcours extrêmement riche. Quel a été un peu le fil conducteur de ta carrière ? Qu'est-ce qui t'a animée ? Depuis la jeune ingénieure ?

  • Marie-Claire

    Même avant la jeune ingénieure, j'ai toujours été passionnée par les animaux, la vie sauvage, le bien-être animal, puisque quand j'étais adolescente, je militais dans des associations de protection animale. J'ai ce fil conducteur qui, au fur et à mesure, s'est formé autour de la biologie, des sciences du vivant, etc. C'est ce qui m'a animée aussi dans le choix de mes études et c'est ce qui continue en fait. De m'animer au quotidien pour faire le maximum, pour protéger la planète, nos écosystèmes et l'environnement au sens large.

  • Aurélie

    Quels ont été un peu les grands moments de ta carrière ?

  • Marie-Claire

    Les grands moments, il y a eu quand même toute une période qui est liée à mon passage dans la fonction publique, puisque quand j'étais plus jeune, je voulais vraiment travailler dans l'administration avec, je dirais, une conviction très profonde que derrière l'intérêt général, il y avait vraiment tous ces sujets de protection de la planète. Et donc, pour moi, le fait de rentrer, un, dans l'administration, mon premier poste, qui était un poste... Le terrain, c'est quand même... J'étais en direction départementale de l'agriculture et de la forêt dans la Manche. Donc c'est une première expérience extrêmement forte avec des rencontres passionnantes. Puis le passage en cabinet ministériel. Donc là où c'est une vie en fait très, très, très, très intense, mais qui est vraiment très, très passionnante. Et où on peut aussi, et c'est très important... Faire partager ses propres convictions auprès des politiques que l'on sert et donc d'essayer de faire avancer les idées auxquelles on croit. Et puis cette nouvelle vie depuis 2012 qui est dans le secteur privé au sein de Kering et qui est plus tournée vers l'opérationnel, le concret, et de vraiment mettre en œuvre un certain nombre de programmes, mais je suis certaine qu'on y reviendra, avec aussi cette dimension internationale. qui est extrêmement forte puisque le groupe Kering, au travers de ces marques, est présent dans plus de 55 pays. Et donc, il y a vraiment cette dimension internationale très forte.

  • Aurélie

    Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec le groupe Kering ? Qu'est-ce qui t'a donné envie, finalement, de rejoindre ce groupe ?

  • Marie-Claire

    Quand j'ai terminé la première période de cabinet ministériel et d'administration, je souhaitais rejoindre le secteur privé, mais je souhaitais vraiment rentrer dans un groupe pour lequel ces sujets étaient importants. Et quand j'ai rencontré, en fait, c'était en mai 2012, François-Henri Pinault, qui est l'actuel PDG... du groupe Kering, j'ai eu une rencontre qui était très forte puisque j'avais face à moi un PDG qui avait une vision extrêmement claire sur ce que l'on appelle les sujets de développement durable, de SG, quelle que soit la sémantique, et qui était à la recherche de quelqu'un pour mettre en œuvre vraiment cette vision de façon très opérationnelle, avec aussi la possibilité d'avoir les moyens humains et les moyens financiers pour faire des De telle sorte à ce que ça ne reste pas simplement un concept, une vision ou des discours, mais véritablement de le transformer et de l'intégrer dans le modèle d'affaires. Et donc ça pour moi c'est extrêmement important. Et ensuite avec une conviction très forte aussi de François-Henri Pinault sur la thématique des femmes. Partant du principe que sur ce sujet-là également, le groupe avait une responsabilité particulière puisque la majorité en fait des personnes qui travaillent aussi bien dans notre chaîne d'approvisionnement qu'en tant qu'employés du groupe sont des femmes. Nos clients sont essentiellement des clients. et donc sur cette thématique aussi, ça nous donnait le devoir d'avoir des actions concrètes et d'essayer de faire bouger les lignes. Et ce côté, j'en terminerai là, vraiment très avant-gardiste, puisqu'il faut se remettre, on était 2012, aujourd'hui tout le monde en parle, c'était quelque chose de très pionnier et qui m'a donc tout de suite attirée.

  • Aurélie

    Alors justement, parlons-en, quel est finalement un peu le... L'origine de cet engagement, pourquoi est-ce que le groupe a décidé d'être un peu précurseur en 2013 quand vous vous êtes lancé dans ces réflexions ?

  • Marie-Claire

    Alors le groupe Kering, c'est un groupe qui est coté, donc c'est un groupe du CAC 40, coté à Paris, mais qui est un actionnaire en fait familial. Et donc le positionnement de la famille et de François Répinault, en l'occurrence, est extrêmement important. Il est convaincu depuis toujours, si je peux le dire ainsi, que prendre en compte les enjeux de protection de la planète, les enjeux liés en fait à l'homme avec un grand... Les tâches sont essentielles non seulement pour des raisons éthiques, mais également pour des raisons de business, de continuité du business et aussi la capacité de faire croître tout simplement l'activité du groupe. Pour une raison qui est très simple, c'est que quand on regarde nos... produits de luxe, les matières premières viennent vraiment de la nature. Quand on pense coton, soie, cuir, laine ou également l'or, quand on est plutôt dans la partie joaillerie, toutes ces matières premières viennent directement de la nature. Et donc, il y a à la fois, pour des raisons éthiques, d'en prendre soin, de faire attention, mais également dans cette partie... qui est aussi liée, si on veut continuer à développer le business, il faut avoir des matières premières, non seulement en quantité suffisante, mais aussi en qualité. Et ce qui est intéressant quand vous regardez le nom Kering, alors l'origine en 30 secondes, c'est KER, la maison en breton qui fait référence aux racines bretonnes de la famille et donc du groupe. Et puis le ING, c'est le mouvement, c'est l'international, c'est l'ouverture vers le monde. Mais on le voit bien que quand on prononce en fait caring on a aussi cette notion du care que l'on retrouve en anglais et qui est vraiment je prends soin de mes clients, je prends soin de la planète, je prends soin de mes employés Donc tout ça aussi est intrinsèquement lié. Et encore une fois, cette vision pour l'entreprise d'intégrer ces enjeux était extrêmement avant-gardiste. Et elle s'est matérialisée très rapidement par, par exemple, la création d'un comité développement durable au niveau du conseil d'administration de Kering. Et nous étions en fait une des premières entreprises du CAC 40 à avoir un comité développement durable du board dédié à la thématique développement durable.

  • Aurélie

    Alors on va rentrer un peu plus en détail sur justement la manière dont tout ça est structuré au sein du groupe Kering. Peut-être juste avant de rentrer et de parler plus précisément de ce que tu fais aujourd'hui au sein du groupe, quelle est aujourd'hui pour avoir un peu la vision macro ? Qu'est-ce que vous voyez du secteur du luxe dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre ?

  • Marie-Claire

    On a les éléments s'agissant de l'industrie textile. Le luxe est un segment de l'industrie textile, segment qui représente des groupes qui sont très hétérogènes en termes de produits de volume. L'ordre de grandeur communément admis, c'est 4%. 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Ensuite, c'est un secteur qui est reconnu le secteur de l'industrie textile parmi les secteurs les plus polluants, puisque derrière les émissions de gaz à effet de serre, il y a aussi la consommation d'eau, l'utilisation de produits chimiques.

  • Aurélie

    Dans cette industrie, finalement, est-ce qu'on peut vraiment être green ? Parce qu'on est toujours tous incités, finalement, à consommer, y compris dans l'industrie du luxe, parce qu'on a des influenceurs qui vont faire la promotion d'un certain nombre de produits. Est-ce que, finalement, ce n'est pas antinomique ?

  • Marie-Claire

    Alors, l'industrie du luxe, je dirais que par son ADN, elle est durable, pour plusieurs raisons. D'abord, et c'est pour ça que je parlais, que j'évoquais le fait qu'il y ait différents... La première chose, c'est que quand on parle des volumes produits par le luxe, c'est le principe, c'est la rareté. Le luxe n'est pas inclusif. Et donc, par ces volumes, on est sur des volumes qui sont extrêmement faibles. Deuxièmement, les matières premières qui sont utilisées, on est vraiment sur des matières premières de très haute qualité et donc qui sont faites pour durer. Le luxe est totalement à l'opposé de cette notion de je l'utilise pour une période de temps limitée Au contraire, le luxe, c'est la transmission. Vous achetez un sac Bottega Veneta, c'est pour le transmettre, soit à votre fille, aux générations suivantes. Et donc, il y a vraiment cette notion de durabilité qui est inscrite dans le temps quand on parle du produit de luxe. Ensuite, il y a aussi un élément qui est très fort quand on parle du côté, on va dire, social, savoir-faire qui est associé au luxe. Vous avez toute cette notion d'artisanat. Et véritablement, le luxe là-dessus a cette capacité de sauvegarder, de promouvoir un certain nombre d'artisanats, si je prends notre exemple, que ce soit en France ou en Italie, sur des savoir-faire locaux. et ça, ça me semble essentiel. En revanche, et c'est pour ça que j'aime à dire que le luxe, puisqu'il est en fait un influenceur, le luxe lance les tendances, ça lui donne une responsabilité particulière. Et donc c'est pour ça que quand vous êtes dans le secteur du luxe, Vous avez la responsabilité non seulement d'agir quelque part dans vos frontières légales en tant qu'entreprise et d'essayer de mettre en place les meilleures pratiques sur l'environnement, sur le social, mais vous avez un rôle plus large qui est quasiment, et il faut rester modeste, mais qui est quasiment un rôle politique avec un grand P en tous les cas d'influenceur pour essayer de faire bouger l'ensemble de l'industrie. l'ensemble des secteurs dans ce sens-là. Et pour vous donner des exemples très concrets, un des premiers sujets qui nous a semblé extrêmement fort et qui a été poussé par François-Henri Pinault dès le début, c'est de dire quand on a une bonne pratique, quand on a une innovation, quand on a quelque chose qui va permettre d'aller dans le bon sens pour la protection de la planète, il ne faut pas le garder pour soi, mais il faut le partager avec les autres et, comme on dit en anglais, le mettre en open source, de telle sorte à ce que des groupes, des marques de taille... moyenne, puissent directement accéder aux meilleures pratiques et les mettre en œuvre dans leur propre chaîne.

  • Aurélie

    Alors, juste sur le sujet des faibles volumes, en disant que finalement, par nature, on n'est pas sur de la consommation de masse. Pour autant, même dans cette industrie, il y a des invendus. Concrètement, aujourd'hui, qu'est-ce qui est mis en place ? Parce que traditionnellement, les invendus, notamment dans l'industrie du luxe, on a plutôt une dynamique de destruction. Concrètement, aujourd'hui, sur les invendus, qu'est-ce que vous avez mis en place ? Est-ce qu'on continue à détruire ? Est-ce qu'on réutilise différemment ? Ou est-ce qu'on les vend moins cher ? Ce qui peut être aussi compliqué par rapport au modèle économique de la rareté dont tu parlais juste avant. Donc si on prend peut-être juste le sujet des invendus, ça m'intéresserait un peu de savoir quels sont les parties prises, parce que finalement, c'est quand même quelque chose qui n'est pas forcément évident par rapport au positionnement et au business model d'un groupe comme Kering.

  • Marie-Claire

    Alors déjà, il y a un premier sujet qui est... Sur l'amont, certes, il y a des invendus puisque c'est la nature de l'activité, mais tout est fait très en amont pour limiter au maximum ces invendus, qui est notamment lié à bien prédire quelle est la production qui doit être faite, sur quel marché le destiner, etc. Et l'avenir basé sur un certain nombre de projets pilotes. que nous avons menées permet de dire que l'on peut encore globalement progresser sur ce sujet, notamment en utilisant de l'intelligence artificielle qui va vraiment aider dans les prédictions. Donc ça, il faut quand même bien l'avoir en tête que tout est fait, et notamment chez Kering pour aller dans ce sens. Et ça complète aussi évidemment le savoir-faire de nos employés pour prédire ces quantités. Ensuite, encore une fois, là-dessus, sur ce sujet-là, François-Henri Pinault a été extrêmement pionnier, puisque dès fin 2018, début 2019, nous avons décidé de ne détruire aucun de nos invendus. Donc ça a été une décision extrêmement courageuse, extrêmement forte, y compris qu'il a fallu bien expliquer en interne le... le pourquoi. Et à partir de là, on a développé des solutions qui sont liées, par exemple, au recyclage, au surcyclage. On a développé un certain nombre de...

  • Aurélie

    Le surcyclage, est-ce que tu peux développer ?

  • Marie-Claire

    Le surcyclage, c'est cette notion qui est souvent utilisée en anglais d'upcycling, qui est de faire... un nouvel objet, un nouveau vêtement, quelque chose de nouveau qui aura par lui-même en fait une... une seconde vie. Et donc, évidemment, au début, c'est toujours le même sujet. On démarre par des projets pilotes, parce qu'il y a quand même, prenons un sac à main, il faut faire le démantèlement de chacune des parties. On est dans le secteur du luxe, donc si on veut réutiliser la matière, le cuir, tout ce qui a été utilisé pour confectuer les accessoires, etc., il ne faut pas abîmer cette matière première. Donc il faut aussi trouver le modèle qui va prendre soin de démanteler le sac, la valise, etc. et qui en même temps va être aussi un modèle sur lequel ça tourne financièrement. Donc tout ça nécessite du temps. Et puis il y a un autre axe sur lequel aussi le groupe a été avant-gardiste qui est la seconde main. Et donc nous avons investi par exemple dans Vestiaire Collective. où nous sommes même au capital, nous avons un siège au conseil d'administration, etc. Et je trouve que la seconde main, c'était l'approche du groupe. C'est un axe extrêmement intéressant, où à la fois la partie business et la partie protection de la planète... vont dans le même sens. Et il y a également aussi une dimension sociale dans la seconde main qui est intéressante, puisque tu donnes accès à des jeunes, à des populations qui n'auraient pas forcément les moyens de s'acheter le produit qui est juste dans le magasin. En revanche, ça leur permet à la fois, pour certains, de découvrir le monde du luxe, et pour d'autres, d'avoir accès à ces produits qui sont d'excellente qualité et qui... ...eux-mêmes vont durer. On revient vraiment sur cette notion de durabilité, mais dans tous les sens du terme. Donc c'est tous ces sujets-là et ces actions-là qui sont mises en œuvre. Après, pour répondre à ta question... Il faut être conscient que quand on parle des solutions opérationnelles en matière de développement durable, tout l'enjeu, c'est une question de vitesse pour les mettre en œuvre et c'est une question d'échelle. Aujourd'hui, quand on est en 2024, tout n'est pas parfait, mais on a quand même des bases extrêmement solides pour aller dans ce sens-là. Mais encore une fois, la clé avant de penser à quelle est la solution pour quelque part... Utiliser ces invendus et leur donner une seconde vie, c'est toujours pareil. Le plus important, c'est la prévention. Et donc la prévention, c'est qu'est-ce qu'on produit, combien on le produit et dans quelle temporalité, etc. Donc c'est vraiment l'amont auquel il faut être extrêmement attentif.

  • Aurélie

    En 2013, donc toi, quand tu as rejoint le groupe pour prendre...

  • Marie-Claire

    Premier septembre 2012 !

  • Aurélie

    Premier septembre 2012 ! Alors, le 1er septembre 2012, quand tu as donc pris ce poste, cette date importante dans ton parcours... Pas grand monde finalement parlait de ce sujet. Comment est-ce qu'on arrive à avoir cette prise de poste dans un contexte où finalement les gens s'intéressent assez peu au sujet du développement durable ?

  • Marie-Claire

    Dans un groupe privé, l'implication du top management est clé. Et dans le groupe, à cette époque comme maintenant, on va dire nos marques, les employés du groupe, savent depuis toujours que le développement durable fait non seulement partie des valeurs du groupe, mais que derrière, nous avons notre PDG qui en est profondément convaincu pour les raisons que je t'évoquais. Donc forcément, pour la prise de poste et en tous les cas avoir la direction, j'ai eu la chance d'avoir le travail extrêmement facilité par François-Henri Pinault à cette époque, qui avait déjà et qui a continué d'exprimer quelle était sa vision. Donc moi derrière, avec mes équipes, puisqu'il faut être extrêmement conscient que... dans ce travail en entreprise, ce n'est pas une personne, mais c'est vraiment avec les équipes et mes équipes de développement durable, c'était de définir la stratégie et ensuite d'avoir un plan d'action. Et donc, ce qui était important derrière, c'était cette traduction opérationnelle. Et donc, la première chose que nous avons faite, c'est ce comité développement durable au niveau du board, c'est également de définir un plan d'action. et une stratégie d'avoir des objectifs quantifiés, des calendriers de mise en œuvre, des KPI, de telle sorte, et ça reste toujours vrai aujourd'hui, et pour moi c'est un élément clé, même en dehors de la sphère de Kering ou de la sphère du luxe, c'est que le sujet du développement durable doit être managé de la même manière que la performance financière. On voit que la nouvelle réglementation... elle pousse beaucoup à ça, de parler juste de performance et pas de performance extra-fille et de performance financière, mais il faut le manager de la même manière. Et donc c'est pour ça que parmi les premiers éléments qui ont été mis en œuvre, ça a été d'avoir une gouvernance du sujet au sein du groupe extrêmement claire. Donc je te dis définition de la stratégie, plan d'action. mise en place de ce que l'on a appelé les sustainability reviews, qui sont les équivalents des business reviews où les comités de direction des marques sont réunis et où on regarde l'atteinte des objectifs, on discute les objectifs, l'équipier, etc. Des rencontres aussi avec François-Henri Pinault et l'ensemble des designers pour échanger sur ce sujet parce qu'un élément clé, c'est qu'on ne veut pas que le développement durable soit perçu comme une contrainte. Donc au contraire c'est une opportunité, la créativité c'est aussi quelque chose qui est vraiment dans l'ADN du groupe, dans l'ADN des marques et à aucun moment il ne fallait que le développement durable soit perçu comme un frein à la créativité. Et ce qui est top c'est que les designers sentent le moment, sentent ce qui est en train de se passer en fait dans la société. Ce sont aussi des personnes de la jeune génération, etc. Et donc pour lequel, quand on parle de développement durable, quand on parle de protection de la planète, quand on parle de bien-être animal, évidemment que c'est quelque chose qui rentre en résonance avec la façon dont y perçoivent la société. Et ensuite, je ne vais pas dire que tout est à l'enflève tranquille. Aurélie, ce n'est pas non plus le monde des bisons-nours. Après, ce qu'il faut, c'est faire du change management. Et c'est ça qui, à mon avis, est parfois le plus compliqué. Ce n'est pas forcément d'avoir la solution technique, mais c'est d'être sûre que les équipes vont s'approprier et les mettre en œuvre.

  • Aurélie

    Je suis trop bavarde. C'est juste que c'est passionnant et du coup, ça m'amène des milliards de questions. J'ai une question pour toi d'Alexis Mourot, qui est CEO de Christian Louboutin, qui souhaitait te poser la question suivante. Comment réussir à avoir une politique développement durable commune avec des maisons de tailles différentes ?

  • Marie-Claire

    Alors la question est extrêmement pertinente. Nous on est positionnés au niveau du corporette et c'est pour ça... On a décidé, quand je parlais de mettre en opérationnel la vision de François-Henri Pinault, c'est derrière, on s'est fixé des objectifs groupes. Je vais en donner un qui est le dernier que nous venons de prendre en 2023, qui est de réduire de moins 40% nos émissions de gaz à effet de serre, scope 1, scope 2, scope 3, sur la base des émissions de 2021 à échéance de 2035. Donc ça, c'est un objectif qui est un objectif groupe. Derrière chacune de nos maisons... a le même objectif de réduction à son échelle de ces moins 40% sur la même base, dans le même calendrier. Mais évidemment, la façon de l'atteindre ne sera pas la même. On prend des maisons comme Gucci, Bottega Veneta, où le cuir est la matière première qui est essentielle. Les actions à mettre en œuvre pour réduire les émissions, on va travailler par exemple au niveau du cuir, des fibres d'origine animale, d'avoir des programmes spécifiques en termes de sourcing, de supply chain. Évidemment, c'est bien différent de boucheron ou de pomélato qui est dans le cadre de la joaillerie. mais pour moi c'est le même management que la performance financière, c'est pour ça que je reviens là-dessus. Les objectifs globaux sont fixés au niveau du groupe, et ensuite chacun, par rapport à sa spécificité, par rapport à sa taille, par rapport à son organisation, va devoir mettre en œuvre des actions différentes. Et pourquoi j'insiste beaucoup sur les matières premières ? Parce que les matières premières, quand on regarde où est notre empreinte environnementale grâce à notre compte de résultats pour l'environnement, on voit qu'il y a une très grande majorité de nos impacts, quasiment 90%, qui est en dehors de nos frontières légales, donc qui est vraiment liée à la chaîne d'approvisionnement. Ensuite, il y a des sujets communs. On a une boutique, il faut qu'elle soit certifiée LEED et LEED Platinum. Donc ça, il y a des éléments qui sont communs. Et le rôle du corporate, c'est quelque part d'être le sparring partner des marques pour les aider à mettre en œuvre les bonnes solutions, pour leur proposer, et pour être le plus efficient possible, qu'est-ce qui se passe à l'extérieur et qu'est-ce qui se passe aussi en dehors de notre industrie. Parce que je crois vraiment important de comprendre que, par exemple, nous sommes dans le luxe, mais on utilise de la matière première et on a, par exemple, plein d'interactions et plein de choses en commun avec le monde de l'agroalimentaire. Et donc il faut réussir à mettre en place cette fertilisation croisée. C'est aussi notre rôle d'animer en se disant peut-être que Boucheron est en train de mettre en œuvre quelque chose sur le diamant ou sur l'or et qui va être extrêmement intéressant pour la partie joaillerie de Gucci. Donc c'est vraiment de créer ces synergies au sein du groupe. Mais c'est important d'avoir cette même vision qui est une vision consolidée au niveau du groupe.

  • Aurélie

    Est-ce qu'aujourd'hui, c'est intégré dans le modèle de rémunération des dirigeants du groupe ?

  • Marie-Claire

    Oui. Alors encore une fois, sur ce sujet-là, je pense qu'on était assez pionniers, puisque depuis que je suis rentrée dans le groupe, à la fois la rémunération au niveau des mandataires sociaux, que ce soit sur le court terme, ce qu'on appelle le bonus. Ou sur les instruments de rémunération de long terme, c'est mis dedans. Par exemple, François-Henri Pinault, si on parle sur l'actualité, il a sur la préservation des espaces, sur l'agriculture régénératrice, etc. Donc c'est très concret et il y a un nombre d'hectares à convertir, des pourcentages à atteindre, etc. Et puis bien évidemment, ensuite dans le top management du groupe, c'est quelque chose qui est mis sur la partie rémunération variable. C'est extrêmement important, on revient sur les sujets de gouvernance. Si on veut que ces thématiques de développement durable avancent... Quelque part, il faut que ça soit présent à tous les niveaux. Donc il faut que ça soit présent dans le management, il faut que ça soit présent, on l'évoquait, dans les conseils d'administration, au travers du comité exécutif, dans les marques où on a, par exemple, mis en place des équipes dédiées au développement durable, mais c'est aussi dans les instruments de rémunération. C'est important, tout le monde en est convaincu. Mais c'est bien, encore une fois, au même titre que l'on met de la performance financière dans la structure de rémunération, il faut que le développement durable soit présent. C'est aussi une question, au-delà de dire je mets tel pourcentage, ça représente, c'est aussi une question de cohérence, de montrer que l'on marche en fait sur les deux jambes. Et que certes, la performance financière est importante, et comme le dit François-Henri Pinault, c'est aussi la façon dont on l'obtient, cette performance financière. Et pour faire avancer ces sujets-là... sur lequel il y a eu énormément d'évolutions. Tu évoquais par rapport à quand j'ai démarré ma carrière, ayant eu toujours ce fil rouge de l'environnement du développement durable. Évidemment, la maturité n'est pas la même, aussi liée au fait que malheureusement, quand on parle ne serait-ce que de changement climatique, c'était très théorique, c'était uniquement dans les rapports du GIEC. Aujourd'hui, les effets du changement climatique sont tout à fait visibles et perceptibles par le citoyen. Il suffit de voir les sujets d'accès à l'eau, de rareté de l'eau, y compris dans des pays comme la France, l'Italie, de voir les feux de forêt. Donc tout ça est devenu une réalité. Donc il y a une prise de conscience qui est beaucoup plus forte. Et puis quand on est dans le business, l'impact du changement climatique, pour juste prendre un exemple, c'est concret. Le secteur du luxe a besoin de cachemire.

  • Aurélie

    Il fait plus chaud. Les chèvres qui produisent le cachemire en produisent moins, puisqu'à l'origine, elles ne produisent pas le cachemire pour l'industrie du luxe, mais pour se protéger du froid. Donc, elles en produisent moins. Comme il fait plus chaud, la qualité aussi des fibres issues n'est pas exactement la même. Or, dans le luxe, toujours pareil, on a des besoins des plus hauts standards de qualité, de longueur de fibre spécifique. Et donc, très concrètement... ça a un impact sur le prix du cachemire. Donc aujourd'hui, tous ces effets-là de raréfaction d'un certain nombre de choses liées à la biodiversité, de dysfonctionnement des écosystèmes, c'est plus simplement quelque chose de l'Ibès ou du GIEC, c'est une réalité tangible pour les entreprises. Donc quelque part, c'est l'ensemble de cet écosystème de l'entreprise qui fait bouger aussi les lignes à l'intérieur.

  • Marie-Claire

    Alors pour faire bouger, il faut aussi mesurer. Je sais que le groupe a aussi été précurseur en développant...

  • Aurélie

    Ça va être nouveau qu'on va l'utiliser !

  • Marie-Claire

    C'est le thème, de toute façon je l'ai dit en introduction, donc comme ça il n'y a pas de surprise pour les auditeurs. Vous avez lancé un outil, le ePNL, le compte de résultats pour l'environnement. Est-ce que tu peux revenir un peu sur la genèse de cette création et pourquoi c'était important finalement ? de rentrer dans ces réflexions de la mesure et notamment de la conversion en euros pour justement faire en sorte de pouvoir mettre des bases, on va dire, un petit peu communes pour mesurer justement l'impact des actions.

  • Aurélie

    Alors tu l'as évoqué, la mesure c'est clé. C'est-à-dire que si on veut mettre en œuvre des actions, Si on veut mesurer les impacts sur le terrain de nos actions, il faut être en capacité de les mesurer. Et donc c'est dans cet esprit-là qu'a été développé le compte de résultats pour l'environnement. En partant du principe que certes il fallait mesurer dans ce que moi j'appelle en fait les frontières légales de l'entreprise et qui était jusqu'à présent notamment demandé par la réglementation, alors qui va changer à partir de l'année prochaine, mais aujourd'hui c'était une réglementation très tournée vers l'intérieur. dans les frontières légales et simplement sur un certain nombre de sujets. Et plus que l'intuition, nous avions la conviction que du fait du modèle d'affaires de notre secteur, beaucoup d'impact provenait en fait de la chaîne d'approvisionnement. Pour d'autres secteurs, c'est moins la chaîne d'approvisionnement et c'est plus l'usage, donc c'est derrière la production du bien. Et donc nous sommes partis à créer... On a créé ce compte de résultats pour l'environnement qui a une double particularité. Un, il mesure cette empreinte environnementale dans nos frontières légales sur les émissions de gaz à effet de serre, sur la partie biodiversité qu'on appelle le land use, sur les NOx, les SOx, sur la consommation d'eau, sur la pollution d'eau. Et nous l'avons fait jusqu'au rang 4. de notre chaîne d'approvisionnement. Et le rang 4, c'est l'élevage bovin, l'élevage au vin, le champ de coton, etc. Et il nous a semblé aussi important d'avoir à la fois une prise en compte des externalités négatives sur l'ensemble de l'écosystème. Quand on a le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, pour prendre l'exemple le plus simple, évidemment ça a un impact. sur la biodiversité. Quand on parle des émissions de particules de NOx, de SOx, ça a un impact sur la santé humaine. Donc c'est vraiment de se dire, je mesure dans une approche 360 les émissions et l'ensemble des impacts. Et ensuite, il était aussi important... de donner une notion d'impact financier, d'où la conversion en euros, pour illustrer notamment, pour être concrète, la compétition des usages, pour être plus explicite. On a un élevage bovin qui est en Normandie et qui va consommer X litres d'eau. On est dans une zone où il pleut. En Bretagne, je suis bretonne, donc je peux dire qu'il pleut en Bretagne. On ne va pas se perdre. Il n'y aura pas de problème avec le breton. Voilà, c'est ça. On va prendre l'élevage. Et je répète, je suis bretonne, je suis renaise. Là-dessus, il pleut. Donc la compétition entre les différents usages n'est évidemment pas la même. par rapport à avoir simplement un élevage qui va se retrouver dans le sud de l'Italie, où évidemment entre cette partie-là qui va être utilisée pour l'industrie du luxe versus le secteur du tourisme versus un élément essentiel qui est le monde agricole pour nourrir les individus, évidemment il n'y a pas la même compétition. Et quand je parle en litres d'eau, je n'illustre pas l'ensemble de l'écosystème, alors que quand je lui donne une valeur monétaire, j'illustre bien ce sujet-là. Ensuite, nous ce que l'on a découvert dans l'utilisation de l'IPNL, quelque chose d'extrêmement puissant pour manager au-delà de la mesure, c'est qu'on parle un langage commun. C'est-à-dire qu'au sein de l'entreprise, ce n'est pas forcément évident au départ de parler avec tout le monde de X tonnes équivalent carbone ou de X litres d'eau ou j'ai émis tant de nox ou de sox. En revanche, d'être en capacité d'avoir ce langage commun en euros ou en dollars, permet qu'il y ait une compréhension des enjeux qui est beaucoup plus facile à partager. Et puis ensuite, au fur et à mesure de l'utilisation de cet IPNL, aujourd'hui, ça nous permet aux CEOs des marques d'avoir le PNL classique d'un côté, l'IPNL, et de se dire quel est l'investissement qui va être le plus efficient, le plus pertinent en ayant cette double composante. à la fois business classique et aussi impact sur l'environnement. Et puis un élément, on l'a mis en première fois en ligne avec l'intégralité des éléments pour le groupe, c'était en 2015, ça nous a vraiment permis de bien connaître notre chaîne d'approvisionnement. Puisque évidemment, pour remplir et calculer cet IPNL, Il faut avoir ce qu'on appelle la donnée primaire à l'origine, ces données primaires qui viennent de nos fournisseurs. Et donc ça a permis aussi d'engager un dialogue avec nos fournisseurs sur des sujets qui, comme tu l'évoquais encore une fois à l'époque, n'étaient pas forcément classiques, et aussi de faire une sorte de pédagogie. Et c'est ça que j'aime, d'aller au-delà de notre propre rôle, mais d'essayer d'entraîner le système. Et aussi d'expliquer qu'aujourd'hui, peut-être que ce sont les marques du groupe Kering qui vous le demandent, mais demain, ça sera d'autres marques et voir la réglementation qui allait évoluer. Et donc aujourd'hui, c'est un outil qui est extrêmement puissant pour nous, puisque un, ça nous permet d'avoir des éléments de comparabilité, puisqu'il y a cette inscription dans le temps, et puis vraiment aussi de voir où sont nos impacts. En fait, si les programmes que l'on met en place... Que ça soit sur le cuir, le tannage, sans métaux lourds, etc. Quel est l'impact et comment ça nous permet de réduire notre empreinte environnementale ? Et alors,

  • Marie-Claire

    ça dépasse les frontières de Kering ? Est-ce que cet outil a été mis en open source ?

  • Aurélie

    Alors cet outil a été mis en termes de méthodologie dès 2015 en open source. Et aujourd'hui, il n'y a plus, et c'est ça qui est intéressant, il y a plus de 1000 entreprises. je n'ai pas le chiffre exact parce que quelque part ça change tous les mois, qui utilisent en fait ce type de comptabilité. Soit ils l'appellent IPNL, soit ils ont mis en place une autre terminologie. Ils rendent accessibles au public les données ou parfois non, mais il y a plus de 1000 entreprises et des secteurs très différents. On a par exemple parlé de Davidson qui utilise cette méthodologie. On a de l'industrie pharma qui l'utilise. Alors évidemment derrière il y a un petit travail d'adaptation, il y a aussi en fait une lecture des impacts qui ne sont pas au même endroit, mais c'est quelque chose qui est en train de bouger, qui est extrêmement utile. Ensuite encore une fois ce n'est pas parfait parce que derrière il y a aussi la qualité de la donnée et ça c'est un sujet qui est très tendance en ce moment et donc c'est un effort permanent pour continuer de s'améliorer. Pareil pour la méthodologie. La méthodologie, je ne dis pas qu'elle est parfaite, mais elle est intéressante. On a les ordres de grandeur et donc ça permet de focusser sur les bons sujets. La majorité de nos émissions de gaz à effet de serre, moi, quand je suis rentrée dans le groupe, je me suis dit, je vais mettre les produits sur des bateaux ou faire du ferroutage parce que j'avais dans ma représentation que beaucoup de notre impact devait venir sur la partie transport. Alors... Ben non, ça vient en fait des émissions de méthane des bovins. Et donc il y a aussi un élément extrêmement pédagogique. Quand on se le dit comme ça, Aurélie, ça paraît assez simple. Il faut aller voir les designers, leur expliquer que la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre proviennent du méthane émis par les bovins. C'est pas... Ce n'est pas si évident que ça, en termes, encore une fois, d'entraîner les équipes et donc d'avoir des éléments factuels. Je ne dis pas ça parce que je suis ingénieure, mais d'avoir des éléments quantifiés, chiffrés, mis à plat, c'est extrêmement aussi utile pour faire avancer les choses. Et c'est vraiment un avantage aussi quand on voit maintenant ce qui va être demandé via la CSRD, pour avoir déjà des éléments très tangibles. Voilà.

  • Marie-Claire

    Alors tu disais tout à l'heure que vous avez... Vous annoncez une nouvelle ambition qui est de réduire de 40% vos émissions absolues à l'échelle du groupe. Déjà, ça m'intéresse de savoir qu'est-ce que tu mets derrière émissions absolues et pourquoi est-ce que c'est un cap pour le groupe Kering ? Parce qu'en fait, on a du mal à se rendre compte finalement. Est-ce que c'est beaucoup ? Pas beaucoup ? Concrètement, en quoi ça représente un cap et un engagement extrêmement fort avec des impacts aussi très forts pour le groupe ?

  • Aurélie

    Alors souvent, d'abord le mot absolu, c'est le mot clé dans cette phrase, c'est vraiment le mot clé. C'est-à-dire que souvent, et nous les premiers en fait par le passé, et c'était déjà un effort colossal, nous parlions en intensité. Donc pour résumer de manière très simple, à l'échelle d'un produit, supposons par exemple que je substitue... le cuir issu d'une agriculture conventionnelle par de l'agriculture régénératrice, que je prenne du polyester recyclé ou du cachemire recyclé, à l'échelle d'un produit, je vais réduire mon empreinte environnementale et notamment mes émissions de gaz à effet de serre. Mais nous sommes en fait dans une entreprise, dans un business qui est croissant et donc pour lequel, même si nous sommes sur des volumes... Évidemment, nous vendons plus, par exemple, de produits. Et donc, in fine, au borne de l'entreprise, j'émets plus de gaz à effet de serre en direction de la planète, même si, à l'échelle de chacune de mes activités ou de chacune de mes actions, j'ai réduit mes émissions de gaz à effet de serre. C'est assez simple, si j'ai augmenté... les volumes où j'ai augmenté l'activité. À partir du moment où on parle en absolu, c'est quelque part, on se fixe en fait un cadre extrêmement ambitieux et de se dire, quel que soit... Quelle que soit quelque part la croissance, il va falloir rentrer dans cette réduction. Et c'est extrêmement intéressant puisque là, on fait une décorrélation entre la croissance du business, il faut être profitable, on est coté, on est une entreprise, et donc oui, on veut faire du business, et en même temps, la décroissance pour les émissions de gaz à effet de serre. Et donc, pour faire ça, et pardon des quelques anglicismes, parce que c'est la terminologie qu'on utilise en interne, il va y avoir en fait trois niveaux d'action. Il va y avoir un premier niveau d'action qui tourne autour de ce que l'on appelle la fair production. Et donc la fair production, c'est à la fois, et tu l'évoquais dans une de tes questions, produire en fait les bons volumes, ce qui est adapté, etc. C'est aussi les stratégies d'élévation de marques, la capacité aussi pour nos clients de créer de nouvelles expériences, etc. Donc ça, c'est un premier niveau d'action. Il y a un deuxième niveau d'action et ça rejoint vitesse et échelle que j'évoquais au début de cette conversation. qui est de dire qu'il faut augmenter les matières premières qui sont issues de l'agriculture régénératrice. Et c'est pour ça, on y reviendra peut-être, qu'on est vraiment très punchy sur ce travail au travers de notre fonds. C'est être en capacité d'utiliser de plus en plus de matières premières ou de fibres issues de... du recyclage, etc., et de l'économie circulaire. D'où le fait que, par exemple, Gucci, avec le Corporette, nous avons créé ce qu'on appelle le Circular Hub en Italie. qui est vraiment pour augmenter cette proportion issue de l'économie circulaire. C'est aussi toute la partie matière première ou process issue de l'innovation. Encore une fois, quand on parle innovation, le premier hub que l'on a créé au sein du groupe pour l'innovation et qu'on appelle le Material Innovation Lab, il date de 2013. Il est basé à Milan. On avait très tôt la conviction que sans innovation, nous n'arriverions pas à atteindre ces objectifs. Et aujourd'hui, on est à plus de 3800 échantillons de tissus qui ont les caractéristiques environnementales et sociales. Et ce hub basé à Milan est en capacité de proposer aux marques des solutions de tissus. qui permettent aussi de réduire leur impact, tout en ayant les mêmes standards de qualité. Je ne me répète pas, mais les standards de qualité, c'est un prérequis quand on est dans l'industrie du luxe. Et fort de cette expérience avec le Mille, on a créé le même type de structure, mais pour la partie joaillerie en 2020. Et pareil, basé à Milan, et pour aider les marques, y compris aussi sur les pierres précieuses, semi-précieuses des process à avoir. Donc ça, c'est la deuxième, on va dire, partie volée niveau pour atteindre les objectifs. Et puis le troisième, et ne me demande pas plus concrètement ce que c'est, c'est de se dire, il y a de nouveaux business models qui sont à inventer, qui vont permettre de servir la croissance, de réduire l'empreinte environnementale. L'exemple que je peux te donner, c'est la seconde main. Mais évidemment, à l'échéance de 2035, il y en aura d'autres. Et c'est aussi pour ça que pour moi, ça rejoint bien le côté, je stimule en fait la créativité. Je pousse les uns et les autres à aller au-delà en fait de leurs frontières classiques et à mettre de nouveaux process, de nouveaux produits, de nouvelles idées. Voilà, ça semble un peu abstrait comme ça, mais à utiliser. Et c'est simplement, et ça c'est vraiment important, c'est simplement si on est en capacité... d'agir sur ces trois leviers et de façon significative, que nous pourrons arriver à réussir à atteindre cet objectif. Mais pour moi, c'est clé. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il faut parler en absolu. Ça, c'est vraiment clé. Et deuxièmement, on le voit, et d'ailleurs, ça devient aussi un sujet en termes de certification pour le SBTI, etc. On voit vraiment que cette notion d'absolu, elle est présente partout. On a souvent tendance à parler du scope 3 en disant que c'est le scope. Et c'est vrai, le plus compliqué pour avoir la qualité de la donnée, pour agir, etc. entre guillemets, on est en dehors de chez soi. Mais c'est un élément qui est fondamental. Mais le deuxième élément, c'est bien cette notion de réduction en absolu. Et qui demande, quand on parlait tout à l'heure d'innovation, et ça aussi, c'est essentiel pour moi, pas simplement d'avoir des innovations qui permettent de faire des progrès incrémentaux, mais vraiment des innovations qui permettent... de changer d'où le terme de disruption et d'innovation disruptive, parce que ça va plus loin que ça. Ce n'est pas juste de dire je fais un petit pourcent de temps en temps par-ci par-là. Non, il y a vraiment besoin sur certaines choses d'avoir des changements très en profondeur. À titre plus personnel,

  • Marie-Claire

    quelles sont les réalisations dont tu es la plus fière ces 11 dernières années ?

  • Aurélie

    Alors si on est au niveau de Kering, la réalisation où je suis la plus heureuse en termes de décision que le groupe ait prise, c'est l'arrêt de la fourrure. Alors, tu me diras, ce n'est pas complètement un sujet environnement. L'arrêt de la fourrure, je trouve que ça illustre aussi énormément de choses derrière. D'abord, un, quand François-Henri Pinault a pris cette décision, c'était une décision extrêmement courageuse, puisque évidemment, d'un point de vue business, c'était quelque chose qui était rentable. Donc, voilà. Deuxièmement, c'est aussi pour moi, parce que quand on parle de protection de la planète, quand on parle de salaires décents pour les employés dans la supply chain, etc., et ce n'est pas parce que je suis en charge de l'éthique que je vais dire ça, mais il y a une espèce de chapeau. J'agis bien. vis-à-vis des personnes, j'agis bien vis-à-vis de la planète, j'agis bien vis-à-vis des animaux, etc. Et donc, il y a cette notion d'éthique. Et donc, je trouve ça extrêmement fort, extrêmement riche. Et donc, s'il faut choisir... Si il y a une seule réalisation, je prendrais celle-ci. Ça a permis d'ailleurs au groupe d'être le premier groupe à arrêter totalement la fourrure, sachant que dès 2016, Gucci avait déjà en tant que marque de luxe, était la première marque de luxe à le faire. Ensuite, si tu m'en permets une seconde et j'arrêterai, c'est de se dire... Ce qui est pour moi, ce n'est pas un sujet ensuite en termes de réalisation, c'est vraiment de savoir que le développement durable, cette notion-là, elle est partout présente dans le groupe. J'étais l'autre fois à Nocite, il y a 15 jours, à Scandici, près de Florence. C'est super de voir comment les salariés du groupe... ont envie de savoir, nous poussent à aller plus loin et que c'est vraiment dans la culture et dans les valeurs du groupe. Donc ça, c'est une réussite collective. C'est quelque chose qu'il faut vraiment conserver dans l'ADN du groupe puisque maintenant, on peut se dire que c'est dans l'ADN du groupe et c'est vraiment quelque chose sur lequel il est essentiel d'avoir, comme il le fait maintenant et depuis toujours, l'implication personnelle de François-Henri Pinault, parce que pour moi, ces sujets-là, c'est comme quand on compare les fonctions de CSO avec d'autres fonctions. Évidemment, ça a beaucoup évolué. Évidemment, ça a acquis une certaine maturité. Mais on n'est pas encore sur un sujet totalement banalisé. Peu de gens vont dire que le climat n'est pas important, que le manque d'eau n'est pas important. Évidemment, c'est devenu, entre guillemets, politiquement incorrect. et ça fait partie des priorités mais il faut que ça reste au top des priorités parce que sinon si c'est une priorité parmi les priorités c'est moins une priorité et donc ça est chez moi sur le terrain est-ce que tu peux nous partager ton plus grand échec ou ta plus grande frustration

  • Marie-Claire

    Alors,

  • Aurélie

    d'abord, un, je pense qu'on est, pour travailler dans le développement durable et notamment sous l'angle environnement, il y a deux prérequis. Un, c'est d'être assez optimiste, parce que, voilà, et deux, de jamais renoncer. La résilience.

  • Marie-Claire

    Tout est preuve. Donc,

  • Aurélie

    c'est... Des échecs, c'est plus le sentiment de créer ce besoin d'aller vite, d'accélérer, d'appuyer sur la pédale et en même temps d'aller plus rapidement pour mettre à l'échelle. C'est à la fois un échec parce qu'on voudrait que tout aille très vite, etc. Après, on ne bouge pas non plus les organisations. J'ai aussi vraisemblablement changé par rapport à quand j'ai pris mon premier poste sur le terrain, etc. Donc ça, c'est la maturité, qui est de dire qu'on ne peut pas tout changer en une nuit. Et il faut changer. Ce qu'il faut être certain, c'est que chaque année, chaque six mois, chaque mois, il y a des progrès qui sont effectués. Après la révolution du grand soir sur nos sujets... je n'y crois pas. Après, en termes de réussite et qui répond réussite et qui répond frustration, moi, je suis vraiment extrêmement heureuse de ce que le groupe a pu faire en termes de coalition dans notre secteur, que ça soit autour du Fashion Pact ou que ça soit avec la Watch Joyer Initiative qu'on a lancée avec nos amis de quartier parce que ça fait bouger le secteur. Et un élément à... Avant de conclure sur Kering, c'est de dire que quelle que soit la taille du groupe Kering, quelle que soit la puissance du groupe Kering, on n'est pas suffisamment grand et suffisamment fort pour changer le paradigme tout seul. Donc on a besoin des autres. Et quand on est dans le fashion pacte, on travaille aussi bien avec Inditex, on travaille avec Nike, on travaille avec Chanel, on travaille avec H&M. Et donc c'est vraiment le secteur qui se met en mouvement. Et pareil côté horlogerie et joaillerie. Et pour moi, ça c'est clé. C'est vraiment de se dire on collabore, on travaille ensemble et quelque part ces sujets-là ne sont pas vus comme des sujets de compétition évidemment qu'on est en compétition sur le reste, mais là-dessus et c'est là où je retrouve aussi l'intérêt général il y a un intérêt en fait suprême qui nous dépasse et qui fait qu'on agisse dans le même sens,

  • Marie-Claire

    voilà je te vois sourire c'est passionnant on pourrait y passer des heures mais le temps va nous manquer du coup je te propose de passer à la boîte à questions Marie-Claire Allez, je te laisse piocher deux cartes dans chaque paquet et me le remettre. Alors, deux cartes. Toc,

  • Aurélie

    toc. Allez,

  • Marie-Claire

    et de ce côté-là aussi. Allez, première question. Tu me stresses, là. Tu me stresses.

  • Aurélie

    Je n'ai pas dit.

  • Marie-Claire

    Elles ne sont pas toujours faciles, les questions de la boîte à questions. Allez, première question, Marie-Claire. Comment vois-tu ton industrie dans dix ans ?

  • Aurélie

    Alors l'industrie d'Andysange et notamment l'industrie du luxe, pour moi, en fait, il va y avoir des changements en profondeur, dans le sens où c'est déjà le cas, on voit les millennials, les genzies parmi nos clients qui sont très sensibles à ces sujets-là et qui vont devenir de plus en plus attentifs, questionner de plus en plus les marques sur un certain nombre de sujets. Donc ça, ça va entraîner un certain nombre de changements pour les marques. Et puis, deuxièmement, je pense que sur le côté matière première process, on aura toujours l'articulation entre le savoir-faire et l'héritage, mais avec des matières premières qui seront complètement nouvelles. On a déjà utilisé du mycélium de champignons pour faire des manteaux, des accessoires. On réfléchit à comment faire du cuir en laboratoire. Tout ça va exploser, même pas dans les dix ans pour moi, dans les cinq ans qui viennent, il va y avoir une transformation profonde. Je suis trop longue dans mes réponses, je le vois. Pas du tout, tu sais,

  • Marie-Claire

    c'est toi qui as un agenda très serré, donc je peux rester là toute la matinée avec toi, Marie-Claire. Allez, deuxième question, business. Comment, en tant que leader, gères-tu les turbulences, les moments d'incertitude ?

  • Aurélie

    Quand on est sur le développement durable, il faut avoir, et j'apporte ma contribution, mais c'est vraiment quand on parle au niveau du groupe, encore une fois, François-Henri Pinault, il faut s'inscrire dans la durée. Le développement durable, ce n'est pas ce qu'on disait qu'on change en une nuit, ce n'est pas quelque chose à six mois, ce n'est pas quelque chose à un an. Donc il faut, et c'est ce que l'on fait, l'avoir inscrit au cœur de la stratégie. Quelles que soient les turbulences géopolitiques, quelles que soient les turbulences nationales, européennes, etc., ou liées directement au business, il faut avoir un cap, maintenir ce cap. Et puis parfois, il y a des sujets qui avancent plus vite, parfois ça avance moins vite, mais il faut savoir où on veut aller et surtout ne pas lâcher. Allez,

  • Marie-Claire

    je te propose de passer aux questions plus personnelles. Marie-Claire, comment continues-tu à progresser ? Alors d'abord, un,

  • Aurélie

    j'ai la chance d'être sur une matière qui est en évolution constante et qui demande en fait de se remettre en cause, je vais dire constamment, du pléonasme. D'abord, un, j'ai une équipe qui est formidable, que ce soit au niveau du corporate ou au niveau des marques, et notamment une équipe où il y a des jeunes qui sont très curieux, très convaincus. qui sont aussi comme moi un peu activistes, mais que je le vends comme une qualité pour eux ou pour moi. Et donc tout ça, en fait, c'est une façon de nourrir, de progresser. On a une culture au sein du groupe et qui me sert à titre personnel, qui est vraiment de travailler en collaboration avec beaucoup d'experts, beaucoup d'ONG, beaucoup d'universités. Et donc ça, c'est formidable. pour être challengé. Donc parfois, ce n'est pas si évident que ça, mais aussi pour progresser et continuer. J'ai la chance, en fait, c'est mon boulot, mais c'est aussi ma passion. Et donc, ça crée en fait une énergie. On le sent. Les gens, vous ne le voyez pas,

  • Marie-Claire

    mais il y a une énorme énergie qui se dégage de Marie-Claire. Et donc,

  • Aurélie

    du coup, quelque part, ça aide aussi pour essayer de progresser. Mais peut-être que si tu poses la question à l'entourage, ils diront non, non, elle ne progresse pas du tout, du tout. Allez, dernière question et je te libère.

  • Marie-Claire

    As-tu des rituels pour rester en forme ? et tenir à ce niveau de responsabilité dans la durée ?

  • Aurélie

    Ce n'est pas en sorte de dire des rituels spécifiques, mais j'ai beaucoup de chances de pouvoir me ressourcer, d'avoir une vie privée, une famille, des enfants qui sont formidables. Pardon, ça fait un peu cliché, mais c'est la vérité. J'ai une fille de 22 ans, j'ai un petit garçon de 13 ans. et c'est en eux que je trouve en fait l'énergie, la puissance et eux aussi me challengent sur le thème ouais mais votre génération, voilà vous n'avez pas fait assez etc donc je rentre à la maison et quelque part on se refait challenger mais c'est vraiment grâce à eux que je tire mon énergie Merci beaucoup Marie-Claire,

  • Marie-Claire

    si on souhaite suivre ton actualité où est-ce qu'on te retrouve ? Eh bien,

  • Aurélie

    à la fois, ce que le groupe fait, nous sommes vraiment beaucoup à partager l'information sur le site Internet, etc. Et puis aussi, je mets pas mal de choses sur LinkedIn pour partager notre actualité. Eh bien, écoute, merci beaucoup,

  • Marie-Claire

    Marie-Claire. Merci à toi, Aurélie.

  • Aurélie

    À très bientôt. À très bientôt. C'est la fin de cet épisode,

  • Marie-Claire

    j'espère qu'il vous a plu. Pour m'aider à faire connaître le podcast, c'est très simple. Parlez-en autour de vous, mettez une note 5 étoiles accompagnée d'un gentil commentaire et abonnez-vous à mon compte pour être notifié des prochains épisodes. Si vous souhaitez en savoir plus sur le podcast, je vous donne rendez-vous sur mon site aurelie-gallet.com ou sur mon LinkedIn. Un grand merci à tous et rendez-vous la semaine prochaine pour un prochain épisode.

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