- #Aurélie
Bonjour à tous, ici Aurélie Gallet. Je suis ravie de vous accueillir sur Disruption Inside, le podcast qui décrypte de l'intérieur la transformation des entreprises et des acteurs publics. Ensemble, nous allons à la rencontre de leaders business institutionnels qui font bouger les lignes. Nous allons décrypter leurs stratégies, revenir sur leurs réussites et leurs échecs, et faire le plein de conseils pratiques. Mon objectif, vous aider à passer à l'action en vous inspirant des meilleurs. Cette semaine, j'ai le plaisir d'accueillir Nicolas Gomart, directeur général du groupe La Matmut. Diplômé de l'ESSEC, Nicolas a commencé sa carrière dans la finance, plus précisément dans la gestion d'actifs. Entré au sein du groupe Matmut en 2012, Nicolas Gomart en est le directeur général depuis avril 2015. Dans cet épisode, je vous emmène décrypter comment le groupe Matmut entend adapter son modèle d'entreprise pour embrasser les mutations de notre époque. Bonjour Nicolas.
- #Nicolas
Bonjour Aurélie.
- #Aurélie
Nicolas, merci beaucoup de m'accueillir aujourd'hui, c'est un plaisir.
- #Nicolas
C'est un plaisir partagé.
- #Aurélie
Alors, on ne va pas couper à la tradition. Nicolas, pour commencer cet épisode, est-ce que tu peux te présenter ?
- #Nicolas
Eh bien, Nicolas Gomart, j'ai 60 ans, je suis père de trois enfants et je dirige, comme tu viens de le dire, La Matmut depuis 9 ans.
- #Aurélie
Alors je le disais en introduction, tu as commencé ta carrière dans la finance, plus précisément dans la gestion d'actifs. Quand tu regardes un peu dans le rétroviseur, quels ont été finalement un peu le fil conducteur de ta carrière ?
- #Nicolas
Alors c'est bien de dire dans le rétroviseur en fait, parce que c'est difficile de dire ex ante quel est le fil conducteur d'une carrière en fait. Donc là on peut le dire avec le recul, on peut l'estimer même si... Une carrière, c'est surtout une succession d'opportunités, de rencontres, de chemins de traverse parfois. Donc le fil conducteur, moi je dirais qu'il y en a deux. D'abord, c'est plutôt les métiers du chiffre. Donc d'abord la finance et puis l'assurance. Et puis c'est aussi, au-delà de ça, la volonté de... de tester différentes choses. C'est-à-dire que j'ai été à la fois dans des grandes entreprises, j'ai suivi des modèles plus entrepreneuriaux. Et le passage d'un à l'autre a souvent d'ailleurs été des points d'inflexion dans mon parcours. Et au-delà de cette espèce de colonne vertébrale autour des métiers du chiffre, J'étais assez curieux en réalité de différentes possibilités qui m'étaient offertes. Je n'avais pas vraiment un plan de route défini à l'origine. J'ai suivi un peu les choses telles qu'elles se présentaient. Par moments, je me suis laissé un petit peu embarquer par un mouvement général. Et puis par moments, en revanche, j'ai décidé moi-même de faire une inflexion. Donc c'est vraiment un peu du cas par cas. Et c'est ça la vie en réalité.
- #Aurélie
Justement, quels ont été les principaux points d'inflexion que tu as eus dans le cadre de ta carrière ?
- #Nicolas
Déjà, le premier, c'est d'avoir choisi plutôt la finance. C'est-à-dire qu'au départ... J'étais un peu fasciné par le monde de la banque d'affaires, en fait, il y avait quelque chose comme ça, je trouvais ce monde, oui c'est ça, un peu fascinant, avec les grands noms, notamment anglo-saxons, les trois, Morgan, il y avait JP Morgan, Morgan Stanley, Morgan Grenfell, enfin tout ça c'était des choses qui me fascinaient un petit peu, et donc je me suis dit je vais m'orienter vers ça, et en fait c'est pas du tout là où je suis allé dans la finance, puisque au départ j'ai travaillé sur les marchés. pour beaucoup était à l'époque un peu moins valorisant que la banque d'affaires. Et pourquoi je suis allé là ? Parce que c'était là où il y avait de la demande tout simplement. Et c'était là, c'était l'époque des années 80, il y avait un développement considérable de cette activité de marché dans les banques. Et c'est comme ça que je me suis retrouvé dans cet environnement que je n'avais pas nécessairement choisi mais qui m'a bien plu. Et puis alors ensuite... C'était à la banque Indosuèze et le premier point d'inflexion, c'était effectivement de passer de cette grande entreprise à un modèle plus entrepreneurial, puisque pas tout seul, mais avec l'équipe dans laquelle je travaillais, donc on était cinq, nous avons décidé de créer une structure qui était une filiale d'une banque parisienne pour justement développer des activités dans cette filiale de trading, mais avec une participation au capital. Donc ça, on a fait ça quelques années. Et de fil en aiguille, cette activité s'est développée du trading à la gestion d'actifs. J'ai fait de la gestion d'actifs à ce moment-là. Elle a été reprise par une société plus importante. Et puis à nouveau... Au bout de quelques années, je n'avais plus une vision très claire de mon avenir. J'étais un peu dans une impasse. Donc à nouveau, j'ai quitté la structure dans laquelle j'étais pour rejoindre à nouveau une structure plus entrepreneuriale. qui était une structure de taille plus modeste. Il y avait soixantaine de personnes à peu près pour accompagner des gestionnaires d'actifs qui lançaient eux-mêmes leurs propres activités. Donc là, j'étais vraiment à nouveau revenu dans un environnement plus entrepreneurial, dans un domaine particulier qui était ce qu'on appelait à l'époque la gestion alternative. La gestion alternative, c'est pour les gens qui connaissent un petit peu ou qui ont entendu parler de ce nom-là, c'est un peu la gestion des hedge funds. et est arrivé ce que j'appelle moi la déflagration Lehman Brothers la crise de 2008 nous avons sauté sur cette mine ou cette déflagration et la structure dans laquelle je travaillais j'étais même associé à ce moment là a été rachetée ou reprise par un groupe plus important à nouveau la société Ofi J'ai travaillé pendant trois ans et qui était une filiale de la Matmut et c'est comme ça que je suis rentré à la Matmut en 2012 pour rejoindre à ce moment-là un domaine assez différent qui était celui de l'assurance. Donc finalement, un nouveau point d'inflexion, quitter la finance, quitter la gestion d'actifs pour l'assurance, ça c'était vraiment un changement de métier important. même si c'était dans un environnement humain, il y avait une forme de continuité, puisque c'était une filiale, il y avait des personnalités communes, de structures. Néanmoins, c'était quand même un très gros changement de métier. Donc c'est ça les points d'affection principaux.
- #Aurélie
Qu'est-ce qui t'a attiré, justement, dans le projet de rejoindre le groupe Matmut en 2012 ?
- #Nicolas
Déjà parce que je pensais, alors c'est pas du tout... prétentieux de ma part de dire ça, mais j'avais une perception personnelle d'avoir un peu fait le tour de la question côté gestion d'actifs, au sens où je ne me pourrais pas travailler encore 15 ans dans cet environnement-là. Et donc... Quand m'a été proposé le fait de prendre la direction financière du groupe Matmut, je me suis dit tiens ça c'est intéressant, ça m'ouvre de nouveaux horizons pour la dernière partie de ma carrière, dans un domaine finalement proche mais quand même très différent de ce que je faisais, avec une dimension qui m'intéressait beaucoup, c'est-à-dire que je rentrais dans un domaine très proche de la vie des gens. J'avais travaillé pendant 25 ans dans un environnement... finalement assez conceptuel, assez abstrait, avec des concepts parfois difficiles à comprendre pour le grand public, à tel point que quand je parlais de mon métier à des amis, c'était assez rapide la discussion, parce qu'au bout de deux minutes, je sentais bien qu'ils n'étaient pas nécessairement passionnés, en tout cas ça ne leur parlait pas beaucoup. Alors que... Quand on parle d'assurance dans un lien, on a tout de suite des réactions. Les gens ont tous une expérience personnelle, une opinion. Et donc là, cette notion d'être proche de la vie des gens, proche de leurs préoccupations, ça, ça m'a beaucoup intéressé, ça m'a beaucoup plu. Et puis au-delà de ça, le fait d'être dans un environnement qui traite de sujets d'activité, si on emploie un terme anglo-saxon, retail. Ça ouvre là aussi des perspectives très différentes, c'est-à-dire problématiques de communication grand public, d'approche commerciale grand public, de parcours de clients, de digitalisation. Tout ça, c'était des notions finalement assez nouvelles pour moi et que j'ai trouvées passionnantes en réalité. Et donc, vous savez, on dit souvent, mais ça c'est souvent qu'on... on vient dans l'assurance, dans le domaine de l'assurance, un peu par hasard, on y reste par passion. Et je pense que c'est très vrai. C'est un monde extrêmement intéressant, extrêmement riche, extrêmement diversifié, et dont on a une perception, quand on est à l'extérieur, de quelque chose de beaucoup moins glamour que ce qu'il est en réalité.
- #Aurélie
Alors justement, rentrons dans le groupe Matmut. Est-ce que tu peux nous présenter le groupe Matmut, en nous partageant les grandes activités du groupe et quelques chiffres clés ?
- #Nicolas
Alors le groupe Matmut, c'est 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, c'est un peu moins de 7000 collaborateurs, c'est une mutuelle d'assurance déjà, il ne faut pas l'oublier, qui a 60 ans, un peu plus de 60 ans, qui s'est créée en 1961, au moment où la réglementation imposait... Le fait d'avoir une assurance, une assurance automobile. À partir de ce moment-là, il y a un certain nombre d'acteurs qui se sont développés, dont la Matmut, autour de populations dites affinitaires. Il y en avait une qui s'était développée autour des personnels de l'éducation nationale, les instituteurs, l'autre les commerçants, l'autre les artisans, l'autre les fonctionnaires. Et la Matmut qui est arrivée en dernier dans ce mouvement, elle choisit de servir la population des salariés du secteur privé. En fait, population assez large et pas très délimitée. Mais bon, il n'y avait pas de mutuelle d'assurance auto, en l'occurrence à l'époque, pour cette population-là. Il y avait des compagnies d'assurance, mais qui fonctionnaient différemment, souvent à des tarifs élevés d'ailleurs. Et donc la Matmut s'est créée sur ce segment de clientèle à l'époque et ça a très bien marché. Et donc ensuite, elle a développé une gamme avec des contrats habitation et puis de fil en aiguille, l'ensemble de la gamme, ce qu'on appelle les assurances de biens de responsabilité pour les particuliers, également pour les professionnels en France. Et c'est donc un groupe qui s'est ensuite, au tournant des années 2000, diversifié vers d'autres types d'assurances L'assurance vie, l'assurance santé, c'est-à-dire les mutuelles santé, et qui continue à se développer sur ces différents axes. Nous sommes franco-français, nous sommes présents sur l'ensemble du territoire, on a un réseau d'à peu près un petit peu moins de 500 agences réparties sur tout le territoire. Si j'en parle, c'est parce que pour nous c'est important, le fait d'avoir un réseau de proximité comme ça. pour nos sociétaires, c'est comme ça qu'on appelle nos clients, c'est très important parce que ça apporte une des valeurs auxquelles on croit beaucoup, qui est une valeur de proximité, d'accessibilité pour tous nos sociétaires. Donc voilà, c'est une maison qui à peu près se situe entre 8e et 10e rang des acteurs français dans le domaine des assurances d'hommage. et qui se développe sur les autres segments. C'est une maison qui a une forte notoriété, qui a même une notoriété qui est, je pense, supérieure à sa part de marché. C'est sans doute le résultat d'une campagne de communication efficace. Pourtant,
- #Aurélie
ça se souvient à tous.
- #Nicolas
Pourtant, ça se souvient à tous, qui ont eu pas mal d'efficacité, en tout cas depuis une quinzaine d'années. Et c'est une marque qui est perçue comme, à juste titre d'ailleurs, comme une marque sympathique, proche des gens, accessible, tout en faisant bien son métier d'assureur.
- #Aurélie
On a tous en tête la matemute à l'assure, notamment. C'est le petit slogan qu'on a tous en tête.
- #Nicolas
Qui n'est plus celui qu'on retient aujourd'hui. On l'a un petit peu modifié. Aujourd'hui, c'est ça aussi assuré, en expliquant tout ce qu'on fait. Au-delà de ce qu'on peut penser faire naturellement en tant qu'assureur, on fait un certain nombre de choses en plus pour accompagner les sociétaires. On dit que c'est ça aussi assurer, dans la droite ligne du précédent slogan.
- #Aurélie
Aujourd'hui, quelle est la répartition du volume d'affaires ou du chiffre d'affaires de la Matmut par rapport à toutes ces activités ?
- #Nicolas
L'activité historique d'assurance de dommages représente 70% du chiffre d'affaires du groupe. L'assurance santé, les mutuelles santé, ça représente 24% et tout ce qui est assurance vie retraite, c'est 6% pour les chiffres à la fin de l'année 2023.
- #Aurélie
Alors, c'est un secteur où il y a beaucoup d'acteurs. Quels sont finalement les éléments différenciants du groupe Matmut par rapport à ses concurrents, par rapport aux autres acteurs du marché ?
- #Nicolas
Alors, précisément ce que j'évoquais à l'instant, c'est-à-dire, en fait... Je pourrais le résumer en disant que le Matmut fait son travail sérieusement sans se prendre au sérieux. Donc on cultive cette proximité avec nos sociétaires, on cultive cette accessibilité, on cultive une forme d'humilité aussi. Et en même temps, on est très... très attentif à être dans l'équité vis-à-vis des sociétaires. Qu'est-ce que ça veut dire l'équité ? Ça veut dire qu'on essaye de faire de l'assurance et sélectionner des risques. C'est-à-dire finalement, vous appréhendez la situation particulière de telle ou telle personne, de tel ou tel bien, et en fonction de ça, vous allez pratiquer forcément des tarifs un peu différents suivant les situations. et on fait attention justement à ce qu'avoir des tarifs qui soient à peu près équitables entre les uns et les autres, de sorte qu'on n'ait pas finalement tel sociétaire ou telle catégorie de sociétaires fasse peser à la catégorie, à l'ensemble de la communauté un poids trop lourd. Et ça, ça renvoie à quoi ? Ça renvoie à ce qu'on appelle nous l'expertise technique, c'est-à-dire de bien connaître comment fonctionne le métier, de bien pratiquer, d'avoir des contrats qui sont... Bien construit, bien tarifé. avec la volonté aussi de présenter à nos sociétaires ce dont ils ont besoin, c'est-à-dire pas nécessairement de leur vendre un contrat au plus bas prix parce que c'est moins cher et ils viendront nous voir au moment où il y aura un sinistre en disant j'ai peut-être pas couvert ben non, puisque la garantie est… n'était pas suffisante, et en même temps ne pas leur vendre des choses dont ils n'ont pas besoin. Donc c'est une forme d'éthique dans l'approche. Je pense que c'est un peu toutes ces valeurs-là qui constituent l'ADN de la maison et qui fait qu'au-delà des offres elles-mêmes et des éléments de différenciation qu'on peut avoir ça ou là, qui fait vraiment notre particularité.
- #Aurélie
Et quel a été ton rapport d'étonnement en arrivant en 2012 ?
- #Nicolas
Alors je venais de la finance et je suis arrivé dans une mutuelle. Et qui plus est, dans la finance, j'étais dans la partie, comme je disais, de gestion très alternative. Et mon rapport d'étonnement, ça a été déjà essentiellement un rapport d'étonnement sur le plan humain. J'ai trouvé une maison où les gens étaient extrêmement engagés. Je ne dis pas qu'ils n'étaient pas dans la finance, mais extrêmement engagés, extrêmement à l'image de la maison, c'est-à-dire assez humbles. Ce qui n'est pas nécessairement le cas toujours dans la finance. Et puis, comment dire, engagé, humble et discipliné aussi. Une maison très disciplinée. Donc des gens très attachés à leur entreprise. Et je pense que c'est une force. Avec une dimension aussi, je dirais, une dimension émotionnelle forte. L'attachement au modèle, l'attachement à la façon de pratiquer le métier. Donc, à l'opposé, je dirais, d'une mentalité de mercenaire. Ce n'est pas du tout, du tout l'esprit de la maison. Voilà, donc ça, c'est vraiment quelque chose qui m'a frappé quand je suis arrivé. L'autre chose, c'est que j'étais hyper bien accueilli. Je pense que c'est quelque chose qui est assez fréquent pour les gens qui arrivent chez nous. Ils ont toujours ce sentiment d'un accueil tout à fait chaleureux. On a l'impression d'arriver dans un environnement humain qui t'attend et qui est là pour faciliter ton intégration. C'est très agréable. Ensuite, c'est une maison qui, comme toutes les maisons, doit évoluer, devait évoluer. Et on a essayé d'y contribuer.
- #Aurélie
Alors justement, trois ans plus tard, tu es nommé directeur général. Quelles ont été les décisions les plus structurantes que tu as prises à ton arrivée ?
- #Nicolas
Alors, quand je suis arrivé à la direction générale, je pense que la première décision que j'ai prise, c'était de mettre en place un plan stratégique. Il n'y avait pas de plan stratégique à l'époque. Ce n'était pas la façon de faire de mon prédécesseur. Et donc, et encore même à l'époque, je ne l'ai pas appelé plan stratégique, parce que j'avais peur que ce soit perçu comme un peu trop, comment dire, disruptif. On l'appelait, je me souviens, projet d'entreprise. Et l'idée, c'était de tout simplement définir un plan d'action et de le partager avec l'ensemble déjà du comité de direction de l'époque et puis des collaborateurs et d'en faire un peu une communication interne. Et dans ce plan, ça a été vraiment d'une certaine façon la première décision structurante que j'ai prise. Et au sein de ce plan, il y avait une dimension sur laquelle je me suis pas mal investi au début, qui était la dimension relations sociétaires, relations avec nous. Et en particulier parce que c'était l'époque où la digitalisation était véritablement le maître mot. il fallait se digitaliser, à juste titre d'ailleurs. Et donc, il y avait toute cette notion, développer les parcours sur Internet, faire en sorte de créer une relation dite omnicanale avec nos sociétaires, c'est-à-dire qu'ils puissent nous contacter indifféremment, soit par Internet, soit par téléphone, soit en allant dans nos agences, et qu'ils trouvent... auprès de chacun de ces canaux, le même service, les mêmes offres, et qu'ils puissent passer de l'un à l'autre facilement. Donc ça c'était... le premier chantier important de ce premier plan stratégique.
- #Aurélie
Alors justement, sur la partie digitalisation, ça m'intéresse de creuser avec toi. Tu disais finalement que la force du groupe Matmune, c'était aussi d'avoir un réseau local fortement implanté. Quels ont été finalement les parties prises ? Parce que le mouvement de digitalisation s'est aussi accompagné, pour certains, de mutuelles ou même de banques, de fermetures d'agences en local. Est-ce que ça, c'est des choses qui ont été mises en œuvre ou est-ce que vous avez eu un parti pris très différent ?
- #Nicolas
On a eu un parti pris relativement opposé en fait, parce que notre idée, c'était de maintenir notre réseau d'agences. donc il n'a quasiment pas bougé ces dernières années, il est toujours à peu près au même niveau, tout en développant l'accès par Internet, enfin la digitalisation. Maintenant, toutes nos offres sont accessibles si nos sociétaires le souhaitent par Internet. D'ailleurs, le flux de souscription par Internet se développe assez fortement sur certains de nos contrats, pas tous, mais en tout cas ça existe, il est possible. Donc c'était d'avoir la possibilité d'être partout. C'est ça le parti pris qu'on a retenu, c'est ce que j'évoquais en parlant d'omnicanalité. C'est un vrai parti pris, parce que d'abord ça coûte, c'est un enjeu financier qui est non nul, mais ce qu'on observe c'est que c'est extrêmement important. L'assurance ce n'est pas une activité comme les autres, je dirais même que c'est différent de la banque, c'est-à-dire qu'il y a un enjeu. émotionnel très fort dans l'assurance plus que dans la banque. Finalement, vous pouvez très bien vous passer d'aller dans votre agence bancaire. Les virements, tout ça, ça se fait très facilement. Un contrat d'assurance... on observe que nos concitoyens aiment avoir un contact physique, soit par téléphone, soit en allant dans nos agences, pour s'assurer qu'ils seront bien couverts, pour connaître la personne à qui ils pourront parler s'ils ont un sinistre. Il y a cette dimension qui... pour lequel le pur digital n'offre pas aujourd'hui de réponse satisfaisante. Donc c'est très pratique d'avoir du digital. Ça permet un accès 24 heures sur 24, ça permet de souscrire en ligne, ça permet d'avoir des attestations en ligne, ça permet de faire plein de choses. Mais ce n'est pas suffisant pour pratiquer correctement notre métier. Donc on fait en sorte de maintenir ces... ces différents canaux simultanément dans notre schéma, dans notre modèle de distribution, comme on dit.
- #Aurélie
Est-ce que vous avez fait évoluer le rôle de l'agent qui est au sein des agences Matmut au niveau local ? Il y a des implications aussi métiers derrière.
- #Nicolas
Bien sûr. Déjà, il faut reconnaître que les flux physiques ont malgré tout diminué. Et notamment après le Covid. Alors ce qu'on a fait, c'est que parce qu'on tenait absolument à maintenir ce réseau, pour la raison que j'évoquais, nos conseillers dans les agences, d'abord... Ils travaillent beaucoup au téléphone. Donc, on reçoit à peu près 10 millions d'appels par an. Il y en a les 80%, voire même 90% qui arrivent dans les agences. Donc déjà, ils travaillent beaucoup dans le téléphone. Ensuite, on a mis en place, bien plus qu'auparavant, un système de rendez-vous. C'est-à-dire qu'avec les outils digitaux, on peut faire des choses très intéressantes. On a mis en place, sans vouloir parler d'un autre secteur, le doctolib de la prise de rendez-vous à la Matmut. Et ça c'est bien parce qu'en fait sur certaines de nos activités, notamment l'épargne, ça se fait encore beaucoup en vis-à-vis. quand vous parlez de vos économies, vous aimez bien voir avec qui vous en parlez. Et donc là, la prise de rendez-vous, l'organisation des journées de nos conseillers en agence, en fonction du flux physique, tout ça, on l'a organisé pour tenir compte de cette évolution. Et d'ailleurs, ce qui est intéressant, c'est qu'on a également des outils qui permettent de mettre en retrait l'agent s'il y a des gens qui viennent physiquement dans l'agence. La personne qui vient est toujours prioritaire par rapport au téléphone. Puis au téléphone, on sait de façon automatique quel est le degré d'appel dans l'ensemble du réseau et on peut mobiliser telle ou telle personne dans l'agence pour aller au téléphone s'il n'y a personne qui est venue ou au contraire lui donner du temps pour qu'elle puisse se consacrer à d'autres choses. La digitalisation est extrêmement utile pour optimiser le fonctionnement de ce type d'activité.
- #Aurélie
Alors aujourd'hui, il y a quelques jours, donc on est en avril, fin avril 2024, une nouvelle séquence s'ouvre, puisqu'un nouveau plan stratégique 2024-2026 a été annoncé ces derniers jours. En quoi finalement ce nouveau plan permet d'embrasser les mutations de notre époque ?
- #Nicolas
Je ne sais pas s'il embrassera toutes les mutations de notre époque. On va essayer de s'y employer. Déjà, il s'inscrit dans la continuité du précédent, parce que les mutations sont là depuis un certain temps. On peut les rappeler, elles sont connues. Il y a la transition climatique, avec les effets du changement climatique qui, pour nous, sont... hyper important pour notre activité. Il y a la transition numérique, on en parlait. Il y a la transition démographique, avec les effets du vieillissement de la population, qui nous touche là aussi directement dans notre activité. Et puis il y a une dimension qui n'est plus une présention parce que c'est quelque chose de constant, c'est l'environnement réglementaire qui est de plus en plus présent, de plus en plus prégnant dans nos activités et qui est aussi extrêmement structurant. Je rappelais tout à l'heure que si les mutuelles sans intermédiaires se sont développées, c'est parce que le gouvernement a décidé de rendre obligatoire l'assurance automobile. Donc quand on fait une stratégie d'une maison d'assurance en France... Il faut d'abord regarder le réglementaire, c'est un des premiers entrants. Donc il y a tous ces éléments-là, ils sont évidemment déterminants dans notre façon d'appréhender notre métier. Et donc ce nouveau plan, qui s'appelle Objectif Impact, qu'on a lancé en début d'année, il a pour objectif de définir les actions à mener pour... Faire face à ces différentes transitions, ces différents enjeux. Le premier enjeu pour nous, c'est de poursuivre l'adaptation de notre modèle à cet environnement, à cette nouvelle donne, en particulier l'aspect climatique. Donc ça veut dire adapter nos offres, ça veut dire adapter aussi nos... nos processus d'indemnisation pour tenir compte de la volonté qu'on a de décarboner au maximum l'économie. Ça veut dire développer, comme je le disais précédemment, nos activités de diversification. C'est ça un petit peu l'adaptation de notre modèle. Et puis il y a aussi, dans un domaine comme ça, comme on est une entreprise de taille intermédiaire, il faut qu'on soit extrêmement solide financièrement. pour résister dans la durée et faire face à la concurrence, qui est très forte dans notre secteur. Et donc ça veut dire toute une dimension d'optimisation de nos processus internes, d'organisation de nos outils. Ça veut dire aussi avoir des outils de pilotage qui nous permettent de conduire correctement l'entreprise. Ça veut dire avoir en ligne de mire la rentabilité sans excès parce qu'on est dans une mutuelle. Dans une mutuelle, on n'a pas d'actionnaire à rémunérer. Donc on est toujours... on s'inscrit aussi dans le temps long, donc on a des exigences de rentabilité qui sont moindres que nos confrères capitalistes, néanmoins, il faut quand même qu'on soit rentable, ça c'est important. Et donc ça, ça fait partie de notre axe de développement dans ce plan. Et puis enfin, il y a l'indiment, ce que je vous ai dit là, c'est très... comment dire... ça appelle à la fonction, je ne sais jamais si c'est le cerveau droit ou le cerveau gauche, mais le cerveau rationnel. Il y a aussi la dimension aspirationnelle, la dimension plus glamour de l'activité qui est au moins aussi importante, et qui est le troisième pilier de notre plan qui consiste à faire en sorte que notre maison continue à être attractive, continue à faire sens pour les collaborateurs qui y travaillent, continue aussi à rayonner. rayonne davantage encore dans le paysage institutionnel français. Donc ça, c'est la troisième partie de notre feuille de route. Et pour alimenter tous ces travaux, on a identifié trois thèmes qu'on a qualifiés de transverses. Le premier, c'est la durabilité. La durabilité, c'est un sujet évidemment très à la mode, mais qui est un vrai sujet. pour nous, on ne parle de durabilité que si on intègre dans cette question la durabilité de l'entreprise elle-même. Ça renvoie à cette notion de rentabilité que j'évoquais tout à l'heure.
- #Aurélie
Justement sur ce point-là, comment est-ce qu'on arrive finalement à faire évoluer son modèle d'entreprise alors que finalement, on est... En plus, l'assurance dommage, c'est 70% de l'activité du groupe Patmude. Donc même si la proportion baisse, pour autant, ça reste quand même prédominant aujourd'hui dans l'activité. Comment est-ce qu'on arrive à faire évoluer son modèle d'entreprise pour justement continuer à être rentable dans un contexte où finalement le régime de l'assurance, en fait, ça fonctionne par exception, sauf que les catastrophes naturelles, ça devient la règle. Donc comment est-ce qu'on arrive finalement à trouver le juste équilibre ? et à faire évoluer son modèle d'entreprise pour que l'entreprise continue finalement à perdurer, malgré l'intensité des catastrophes naturelles qui ne fait que d'augmenter ?
- #Nicolas
Oui, c'est une très bonne question. Je dirais que c'est un des principaux, sinon le principal enjeu auquel on est confronté aujourd'hui. C'est une vaste question, la question des catastrophes naturelles. Ça dépasse largement le périmètre de la matemute en tant que telle. C'est un sujet qui implique les pouvoirs publics. On a un régime en France de catastrophes naturelles, justement précisément qu'on appelle Catnat, qui est extrêmement efficace.
- #Aurélie
et très solidaire, parce qu'en gros, aujourd'hui, pour 25 euros par an, en moyenne, les gens sont couverts contre les inondations, contre la sécheresse, etc., alors contre l'assurance. Donc ça reste quand même quelque chose de très raisonnable, parce que c'est très solidaire. Et évidemment, ce régime doit évoluer pour faire face à l'augmentation de la sinistralité climatique qu'on observe depuis quelques années. On parle d'une doublement sur les 30 prochaines années. Et ça, c'est quasiment certain qu'il y en aura une dégradation.
- #Nicolas
C'était quoi l'impact financier en 2023 ? Typiquement juste pour qu'on ait un ordre d'idée.
- #Aurélie
Pour le marché en général ou pour la matmute en particulier ? Pour la matmute en particulier, c'est 100 millions d'euros. Pour le marché en général, c'est 6 milliards. sur l'année 2023. Nous, on a été plutôt moins affectés que nos confrères. Et en 2022, c'était 10 milliards et demi au niveau du marché. Et nous, on était à près de 200 millions d'euros. Donc voilà, c'est un vrai enjeu. Et donc pour faire face à ça, il y a un maître mot, et c'est un des trois termes transverses du plan, c'est la prévention. Le sujet des catastrophes naturelles et même des sinistres climatiques en général en France, c'est un sujet qui doit être pris en main par l'ensemble des parties prenantes. Les assureurs tout seuls n'arriveront pas à gérer le truc, l'État tout seul non plus. Il faut que les assurés s'y emmêlent, il faut que les entreprises de construction s'y emmêlent, il faut que les collectivités territoriales s'y emmêlent et prennent leur part de... de la question. Mais en tout cas, nous, on va le faire. On va le faire justement en adaptant nos offres pour offrir... Typiquement, quand vous réparez, vous avez un dégât des eaux chez vous. Nous, dans le processus de réparation, parce que souvent, on fait de la réparation en nature, eh bien, on va proposer des mécanismes qui sont économes d'énergie, qui sont faits avec des... de l'énergie non carbonée, des pompes à chaleur, etc. On va remplacer des chaudières par des pompes à chaleur. Tout ça, ça contribue. Sur le moyen terme, à améliorer ou à limiter les impacts du réchauffement climatique. C'est aussi s'agissant, je prends l'exemple de la sécheresse, c'est aider nos sociétaires à faire des diagnostics sur leur habitation, voir s'ils sont exposés et s'ils sont exposés, quelles mesures ils peuvent prendre pour limiter l'impact d'une sécheresse sur leur maison. Donc ça veut dire par exemple couper les arbres qui sont juste à côté de leur maison, ça veut dire... vérifier l'étanchéité des fondations, parce que je ne vais pas passer sur toutes les techniques qui existent, mais en tout état de cause, c'est vraiment notre rôle, je dirais, on joint l'utile à l'agréable d'une certaine façon, parce qu'on accompagne notre sociétaire, et en même temps, ça préserve nos équilibres techniques, on a moins de sinistres grâce à ça. Donc la prévention, c'est vraiment extrêmement important. Évidemment, il y a une dimension aussi de... d'ajustement tarifaire, ça fait partie de l'équation. Et puis enfin, il y a ce que je disais tout à l'heure, il faut qu'on fasse en sorte d'être le plus efficace possible, d'avoir des processus les plus automatisés possibles. Et de ce point de vue-là d'ailleurs, le troisième thème transverse de notre plan, c'est l'intelligence artificielle. parce qu'on est convaincus que cette notion-là va nous aider. Elle nous aide déjà, mais elle va beaucoup davantage nous aider à l'avenir pour améliorer notre fonctionnement interne, pour améliorer notre relation avec nos sociétaires. Donc, vous voyez, ces trois thèmes, que ce soit la durabilité, l'intelligence artificielle ou la prévention, ce sont des choses qui sont déterminantes et qui doivent nourrir l'ensemble des travaux qu'on va mener dans les prochaines années.
- #Nicolas
Alors, sur l'intelligence artificielle, j'aimerais bien creuser quelques minutes. D'un côté, ça permet d'avoir des offres aussi qui sont plus personnalisées. En fonction de mon profil de risque, je vais avoir tel type de couverture. Comment réussir à trouver le juste équilibre pour continuer aussi à assurer, à des coûts maîtrisés pour le sociétaire quand j'ai un profil de risque qui est très élevé ? Imaginons, j'achète une maison dans une zone qui est submersible. Pas de chance, j'ai eu coup de cœur pour cette maison qui est dans cette zone submersible. Comment est-ce qu'on arrive à avoir un modèle économique qui permette de continuer à assurer ma maison sans forcément avoir une inflation de coûts qui est extrêmement importante. Donc forcément, l'IA, ça a un rôle aussi à jouer dans cette équation. Quelle est un peu ta vision, finalement, de la manière dont on va assurer demain ?
- #Aurélie
Dans le cas d'Espace, j'ai bien peur qu'on n'y arrive pas.
- #Nicolas
Ah, mauvaise nouvelle. Zut ! Je revois mon projet d'achat, du coup.
- #Aurélie
Non, alors, sur le... C'est vraiment le contre-exemple en réalité, puisque c'est vrai que les maisons qui sont en bord de mer avec la submersion marine... Là, il n'y a pas de miracle. Tôt ou tard, enfin même plutôt tôt que tard maintenant, elles auront des soucis et sans véritable aléa. Donc moi, j'ai bien peur que ces biens-là ne soient plus assurables. Alors c'est une minorité, mais ça existe. Donc ça c'est une réponse qui n'est pas forcément celle que la personne a envie d'entendre, mais en tout cas c'est une réalité à laquelle il faut s'habituer. Donc évidemment pour les gens qui ont déjà ces maisons et qui souffrent de ça, il y a des mécanismes qui existent pour les indemniser, le fonds Barnier et autres, on peut réfléchir à tout ça. C'est des choses qui font partie des réflexions du gouvernement à ce sujet. Pour les autres, la question c'est comment on peut continuer à assurer des biens qui sont dans des zones à fort risque. Et là, il y a bien entendu un aspect d'augmentation du tarif, mais qui est assez limite, parce qu'au bout d'un moment, ça devient tellement cher que ce n'est plus possible pour les personnes de payer l'assurance. Donc ce n'est pas une bonne chose. Et c'est là où les mécanismes de solidarité doivent continuer à jouer. au niveau notamment de ce dispositif de catastrophe naturelle qui existe en France, qui est très solidaire et qui va continuer à jouer. D'ailleurs, ce sont les réflexions qui sont en cours, qui prévoient par exemple de limiter ce qu'on appelle la surprime, c'est-à-dire le financement de ce régime. dans ces zones rouges et la rendre un peu plus lourde pour les zones où il y a moins de risques naturels, de façon à organiser un peu la solidarité entre les régions en France. Donc ça, c'est des choses auxquelles nous, nous sommes... plutôt favorable à la matemute. Après, il faut voir comment ça se met en œuvre. Mais il faut préserver. L'assurance est toujours un mélange de mutualisation et de solidarité. La solidarité, c'est finalement, quelles que soient les situations de départ, la personne reçoit in fine la même chose. Et la mutualisation, c'est en fonction de sa situation de départ, elle recevra telle ou telle chose. Et pour préserver d'un côté la responsabilité des acteurs et de l'autre la solidarité, il faut trouver un équilibre entre les deux. Et c'est ce qu'on essaye de faire en France depuis très longtemps et plutôt bien d'ailleurs.
- #Nicolas
Alors si on continue sur le sujet de la durabilité, il y a aussi une notion un peu d'exemplarité. Et je pense notamment à une autre activité du groupe Matmut qui est plutôt la gestion d'actifs. Concrètement aujourd'hui, quels sont les engagements que prend le groupe Matmut sur la gestion d'actifs et notamment sur le verdissement des actifs qui sont en gestion ?
- #Aurélie
On a un portefeuille qui fait à peu près... 6 milliards d'euros. C'est un portefeuille qui est significatif. Et il est totalement investi aujourd'hui, ou quasiment totalement, mais j'ai envie de dire totalement, sur des projets dits articles 8, c'est-à-dire dans la réglementation des projets verts. Donc il y a un certain nombre d'exclusions qui sont prévues. On n'investit pas dans le charbon. Par exemple, sur certains types d'armement, mais surtout du point de vue climatique, l'aspect charbon, on essaye de promouvoir les énergies renouvelables, on va sur des fonds à impact, etc. Notre politique est résolument tournée dans ce sens au niveau de nos investissements.
- #Nicolas
Mais après, alors généralement, le diable se cache un peu dans le détail, justement, sur les actifs. Alors j'ai eu l'occasion d'interviewer Laurence Pessès, qui est en charge du développement durable au sein du groupe BNP Paribas. Et donc, ils sont régulièrement mis en lumière sur justement les actifs dans lesquels ils investissent. Comment est-ce qu'on arrive finalement à mettre ça sous contrôle au bout de la chaîne ? Parce que finalement, investir dans des actifs qui sont 100% verts, c'est quand même... assez complexes, parce qu'aujourd'hui, les actifs par nature, dans leur structure même, il y a souvent des parts qui ne sont absolument pas green.
- #Aurélie
C'est juste. D'ailleurs, quand je dis 100% de produits article 8 ou plus, ça ne veut pas dire qu'ils sont 100% verts. Ça veut dire qu'ils ont été considérés dans la nomenclature comme répondant aux exigences de ces normes-là. Alors, moi, ma politique sur le sujet, c'est de dire... On va prendre un exemple total. Total continue à produire des hydrocarbures, Total continue à même explorer pour avoir augmenté ses ressources en hydrocarbures, mais en même temps c'est le premier acteur du développement des énergies renouvelables. Et précisément parce que c'est un acteur qui a les moyens, du fait de son activité actuelle, pour développer le reste. Et donc Total pour nous c'est un investissement qui est... acceptable dans notre démarche. Ce qui compte, c'est...
- #Nicolas
À sous réserve que ça soit fléché sur... Que les investissements soient fléchés sur les activités.
- #Aurélie
Bien sûr, mais ce que je veux dire, par exemple, les actions totales, on ne va pas les exclure de notre portefeuille d'actifs. Il faut être pragmatique. Je crois que, pour deux raisons d'ailleurs, parce que d'une part la transition climatique ne se fera pas exclusivement par des acteurs qui sont dès le départ à 100% dans ce domaine-là, et d'autre part aussi pour des raisons de performance de nos investissements. Il y a malgré tout, dans un certain nombre de cas... Il peut y avoir antinomie. Je vais peut-être être un peu iconoclaste en disant ça, mais il peut y avoir antinomie entre j'investis dans du 100% green et la performance de mon portefeuille. Pourquoi ? Tout simplement parce que du fait de la réglementation, il y a eu un phénomène d'arrivée de capitaux très important sur cette classe d'actifs. ces dernières années. Forcément, ça fait monter les prix. Quand vous faites monter les prix trop, ça crée une bulle. À un moment, la bulle explose et vous perdez de l'argent. C'est pour ça qu'il faut faire très attention à ces phénomènes un petit peu de moutonniers. qui peuvent se faire dans ces domaines-là comme sur d'autres. On avait parlé de la bulle Internet à une époque, etc. Donc une politique d'investissement raisonnable pour un groupe comme nous, qui fait attention à ses deniers, elle doit intégrer aussi ces phénomènes-là. Donc nous, notre politique est résolument orientée dans la direction de la durabilité, article 8, etc. mais on fait aussi attention, tout en restant dans cette épure-là, de faire des choix qui sont des choix parfois contrariants, afin justement de préserver cette performance financière.
- #Nicolas
Et alors justement, est-ce qu'il faut que la réglementation soit plus dure pour que finalement la performance environnementale soit privilégiée par rapport à la performance financière ? Est-ce que c'est la seule manière de faire évoluer les acteurs ?
- #Aurélie
Je pense qu'in fine, ce n'est pas antinomique, mais à court terme, ça peut l'être. Je pense que la réglementation, elle est déjà très... Ce que je disais tout à l'heure, elle est quand même assez stricte. Elle oriente bien quand même déjà. Donc je pense que ce n'est pas nécessaire, c'est même contre-productif, d'aller au-delà à ce stade. Regardez ce qui se passe aux États-Unis. Aux États-Unis, on a un phénomène de rejet en ce moment de toutes ces réglementations. au motif que ça limite le développement, voire même dans un certain nombre de cas, la pérennité de certaines industries aux Etats-Unis. Il y a un vrai phénomène de rejet. Donc si on va trop loin, on risque d'avoir ce phénomène-là et finalement on n'aura rien gagné. Donc il faut être un peu pragmatique dans l'approche, je pense.
- #Nicolas
Alors comment parler de réglementation ? On va parler de la nouvelle réglementation CSRD. Quel va être l'impact pour le groupe Matmut et notamment l'impact opérationnel pour les équipes ?
- #Aurélie
L'impact est très fort parce que c'est une directive qui rentre en vigueur au 1er janvier 2025 pour nous. C'est une directive qui consiste à identifier un nombre d'indicateurs dont on va devoir faire le reporting à notre régulateur. Chez nous, il y en a plus d'une centaine. et qu'il va falloir suivre. Donc il faut vérifier. Alors c'est des indicateurs, ça peut être tout simplement la production de CO2, mais ça peut être plein de choses dans tous les domaines, parce que quand on parle de durabilité, il y a l'aspect climatique, mais il y a aussi plein d'autres sujets plus sociétaux. Et donc le gros travail de cette directive, entraîné par cette directive, c'est d'organiser justement un suivi de la performance du groupe dans ce domaine de la durabilité via tous ces indicateurs. Donc c'est une espèce de comptabilité parallèle qu'on met en place à côté de la comptabilité classique en euros qu'on connaît.
- #Nicolas
Et dans quelle mesure cette nouvelle réglementation, c'est un levier d'accélération de la transformation environnementale du groupe ? Parce que finalement, c'est ça l'objectif derrière.
- #Aurélie
C'est juste. Moi, je pense que ça l'est, même si j'aurais peut-être aimé un peu plus de progressivité dans la mise en œuvre. Mais bon, c'est comme ça. Je pense que ça l'est parce que, oui, vous savez... De la même façon que quand vous avez un indicateur économique, soit le chiffre d'affaires, le résultat, les ratios combinés pour les assureurs, ça peut être un levier pour marquer un peu un objectif aux équipes en leur disant c'est ce qu'il faut atteindre etc. Là, c'est la même chose. Donc, la concrétisation dans des indicateurs de notions qui jusqu'à présent étaient des notions un peu plus intangibles, un peu plus abstraites, qui étaient celles de la durabilité. permet effectivement peut-être d'avoir des leviers un peu plus efficaces pour mener cette transformation. Donc de ce point de vue-là, il faut le prendre comme ça d'ailleurs. Il faut le prendre comme un outil pédagogique, il faut le prendre comme un outil de transformation interne. Et effectivement, ça peut faire accélérer les choses.
- #Nicolas
Dans le communiqué de presse qui est paru il y a quelques jours sur le nouveau plan stratégique, il était indiqué que la nouvelle réglementation CSRD serait un véritable outil de pilotage stratégique. Concrètement, qu'est-ce que tu mets derrière cette notion ?
- #Aurélie
De la même façon que les outils de pilotage budgétaires, par exemple, sont des outils de pilotage stratégique, les outils de pilotage durabilité, on va dire ça comme ça, de la CSRD, sera également un outil de pilotage, au sens que ça permettra de se fixer des objectifs et de voir dans quelle mesure ces objectifs sont atteints à l'échéance et au fil de l'eau.
- #Nicolas
Comment aujourd'hui les collaborateurs au sein du groupe Matmut appréhendent ces enjeux autour du changement climatique et la manière dont le groupe aussi lance des actions pour avoir une empreinte durable ?
- #Aurélie
Je pense qu'ils sont aux premières loges, en quelque sorte, pour appréhender ces sujets-là. Toujours une pensée pour les équipes d'indemnisation, qui, quand il y a des catastrophes naturelles, se retrouvent avec des... des dossiers très très nombreux dans très peu de temps à gérer, donc ils font un travail absolument remarquable. Et donc je pense que les équipes, elles sont préoccupées par la situation. Elles voient bien la situation de leurs sociétaires, elles voient bien aussi les montants importants que l'entreprise doit débloquer pour indemniser les sociétaires, donc elles sont préoccupées. Elles sont sensibilisées également par l'environnement médiatique, par tout ce qui se passe. Elles sont, moi je sens qu'elles sont très, comment dire, très à l'écoute. de ce que l'entreprise peut faire, justement, ce qu'on a évoqué tout à l'heure, pour faire face à ces enjeux-là, dans la stratégie, dans le plan stratégique, mais également au quotidien, dans les directives qui peuvent leur être données, et dans la façon dont on écoute leurs suggestions, pour mettre en place des modifications dans la façon de travailler. L'enjeu important, c'est déjà de leur dire que nous aussi, on a bien compris qu'il y avait un sujet, ça je pense qu'elles l'ont compris. mais qu'on met tout en œuvre pour adapter l'entreprise à cette nouvelle donne. C'est bien ça, adapter notre modèle. C'est pour ça que moi, je tiens beaucoup à communiquer régulièrement auprès de l'ensemble des collaborateurs du groupe sur ce que nous faisons, comment on oriente la marge de l'entreprise, comment on fait face à tous ces éléments. Et par tous les moyens, c'est la meilleure façon de les embarquer dans le truc et puis de les rassurer.
- #Nicolas
Alors en début avril, le 2 avril 2024, il y a un rapport de la mission Langrenet sur l'assurabilité des risques climatiques qui a été remis au ministre Bruno Le Maire et Christophe Béchut. Ce document présente des recommandations pour adapter, on en parlait, le système assurantiel français face aux risques climatiques. Quel regard est-ce que toi tu portes sur ce rapport ?
- #Aurélie
Je pense qu'il y a beaucoup de bonnes choses dans ce rapport. Il se trouve que Thierry Langrenet est un ancien assureur, ce qui est bien parce qu'il connaît le métier. Il y a beaucoup de bonnes choses dans ce rapport. C'est un peu ce que je disais tout à l'heure. Il y a trois volets dans ce rapport. Il y a un volet assurance, comment on organise le financement de l'indemnisation de nos concitoyens face à ces catastrophes naturelles. En particulier, comment on fait évoluer le régime 4 notes dont on parlait tout à l'heure. Ça, c'est le premier volet. Le deuxième volet, c'est un volet de prévention avec notamment le fléchage de fonds, davantage de fonds vers la prévention, etc. Et puis le troisième volet, c'est un volet d'atténuation. C'est ce qu'on disait, c'est-à-dire comment à moyen terme, à long terme, les assureurs peuvent contribuer à la décarbonation de l'économie en finançant et en accompagnant les transformations de notre économie en ce sens. Dans ces trois volets, il y a des choses très intéressantes. Je ne vais pas forcément nécessairement rentrer dans le détail, mais globalement, c'est un peu ce qu'on évoquait, c'est-à-dire mettre en musique l'ensemble des acteurs. pour que chacun contribue à gérer ce sujet-là. Je le répète, l'État, par l'apport financier qu'il donne à ce système, les assureurs, d'une part l'aspect financier, mais également toute la dynamique de prévention qu'ils portent, les entreprises de construction de bâtiments, en construisant dans des normes qui sont susceptibles de résister aux différents périls, les entreprises tout court, avec cette notion d'artificialisation des sols. les collectivités locales parfois arrêter de délivrer des permis de construire là où c'est pas nécessaire de le faire ou c'est même dangereux de le faire et l'application des plans de prévention des risques naturels et enfin les assurer eux-mêmes ils doivent aussi se prendre en charge, faire un certain nombre de travaux si nécessaire pour adapter leur logement, le cas échéant aidé par leur assureur. Mais en tout cas, si tout le monde s'y met, moi je pense que c'est un sujet qu'on arrivera à surmonter.
- #Nicolas
Alors Nicolas, ça fait 9 ans que tu es à ton poste, de quoi es-tu le plus fier ?
- #Aurélie
Alors déjà, si on peut parler de succès, ils sont forcément collectifs. donc moi j'identifie spontanément trois succès, déjà le fait que la maison se soit beaucoup développée on est passé quand je suis arrivé à la direction générale elle avait un chiffre d'affaires d'un milliard sept elle avait un chiffre d'affaires de près de trois milliards aujourd'hui il y avait à l'époque trois millions sept cent mille sociétaires nous sommes quatre millions et demi maintenant donc il y a eu un très très beau développement du groupe ça j'en suis évidemment fier avec tout le monde parce que c'est un succès de toute l'entreprise mais au-delà de ça en fait les deux succès dont je suis le plus fier c'est déjà d'avoir réussi la transition avec mon prédécesseur parce qu'il avait été aux commandes pendant 22 ans en tant que directeur général, et même un peu plus en tant que président, donc il avait fortement marqué l'entreprise par son empreinte, et donc prendre la succession, ce n'était pas forcément quelque chose d'évident, et là aussi c'est collectif, parce que tous les deux on y a mis du... du sien et je pense que c'est réussi enfin je pense qu'on a réussi conjointement cette transition donc ça c'est une vraie satisfaction personnelle et puis la dernière satisfaction que je cite spontanément comme ça c'est tout simplement mon équipe J'ai une équipe dont je suis très fier et qui fonctionne bien. Et vraiment, je suis très, très heureux d'avoir ces équipes, de pouvoir dialoguer au quotidien avec chacun des membres de l'équipe. L'équipe ensemble, c'est une vraie satisfaction. Et je pense que c'est finalement là où je trouve la plus grande satisfaction aujourd'hui.
- #Nicolas
Merci beaucoup Nicolas. Je te propose de passer à la boîte à questions. Allez Nicolas, je te laisse piocher deux cartes dans chaque paquet et me les remettre. Première question business, Nicolas, comment en tant que leader anticipes-tu les mutations de ton industrie ?
- #Aurélie
Ce qui est particulier dans l'assurance, c'est qu'il n'y a pas de rupture majeure. C'est un métier qui s'inscrit dans le long terme et où les changements se font petit à petit, à bas bruit. Ce n'est pas comme dans la tech. Et donc, le paysage, il évolue, mais sans que ça se voit. Progressivement, on se retrouve dix ans après avec un truc qui n'a rien à voir avec ce qui était là dix ans auparavant. Donc, les mutations vont se faire autour des axes que j'évoquais. la digitalisation, l'intelligence artificielle, les problématiques du développement durable. C'est vraiment ça qui va occuper notre industrie dans les prochaines années.
- #Nicolas
Alors, autre question qui rejoint un peu la précédente. Comment gères-tu l'équilibre entre ce qui doit être fait à court terme, 2-3 mois, à moyen terme, 2 ans et à long terme, 5-10 ans ? C'est une question qui vient de Paul Hermelin, président du conseil d'administration du groupe Capgemini.
- #Aurélie
Si je devais répondre spontanément, pour moi le long terme c'est du court terme répété plusieurs fois. Moi je ne fais pas tellement le distinguo en réalité. J'ai un horizon d'un plan d'action à trois ans qui s'inscrit dans des tendances que j'estime... valable pour probablement un horizon plus lointain, mais mon horizon, c'est celui-là, en réalité. Alors ensuite, il y a du court terme, il y a du tout venant. Ça, on le fait en fonction des situations et un petit peu, avec souvent parfois une dimension intuitive qui n'est pas négligeable. Il faut que c'est du sens dans tout ce qu'on fait. Il faut trouver une cohérence dans ce qu'on fait. Mais je crois qu'en fait, c'est... Je crois qu'il faut avoir un regard, il faut être humble finalement de tout ça. C'est-à-dire que déjà se dire à trois ans, avoir une visibilité à trois ans, c'est déjà pas mal. Donc tenons-nous à cet objectif-là, c'est déjà bien.
- #Nicolas
On passe aux questions plus personnelles. Nicolas, est-ce que tu as des rituels pour rester en forme et tenir à ce niveau de responsabilité dans la durée ?
- #Aurélie
Oui, des rituels, je ne sais pas, mais en tout cas une forme d'hygiène de vie, oui. Oui, régularité des repas, activité physique, monter les escaliers pour... pour aller au bureau et ne pas prendre d'ascenseur. Oui, la diététique aussi, faire attention un peu à ce qu'on... à ce qu'on... comment on s'alimente. Essayer de dormir aussi, de manière régulière. Couper son portable. Ne pas avoir son portable dans sa chambre. Enfin, ce genre de choses. Voilà, et puis, dans les périodes... dans les périodes un peu plus... Parce qu'il y en a toujours, des périodes un peu stressantes, où la charge mentale est plus forte. Faire les choses de façon séquentielle, c'est-à-dire prendre les choses les unes après les autres, et éviter de se faire complètement... submergés par l'ensemble des soucis qui peuvent survenir.
- #Nicolas
Allez, dernière question. Comment est-ce que tu continues à progresser ?
- #Aurélie
En rencontrant des gens, en m'informant, en écoutant des podcasts, très variés d'ailleurs, dans tous les domaines. Le cas échéant, en faisant l'activité physique, on peut comme ça faire les deux en même temps, c'est très bien. Et puis surtout en rencontrant des gens, en essayant de rencontrer des gens dans des cercles assez différents les uns des autres. Il y a une richesse énorme quand on voit des gens venant de différents horizons. Je pense que c'est ça finalement. Au fond, c'est ce qui est le plus important et c'est ce qui est le plus sympa.
- #Nicolas
Merci beaucoup Nicolas. Si on souhaite suivre ton actualité, où est-ce qu'on te retrouve ?
- #Aurélie
Sur LinkedIn et un petit peu sur X. Je dois dire que, en fait, pour être tout à fait honnête, c'est d'autres qui font ça pour moi. Et je ne regarde pas souvent.
- #Nicolas
On peut se retrouver vraiment. Du coup, Nicolas, où est-ce qu'on doit aller ?
- #Aurélie
Non, non, c'est sur LinkedIn ou là où... je pense en tout cas ça je le suis de façon précise ça c'est sur les réseaux sociaux
- #Nicolas
Très bien, merci beaucoup pour ton accueil C'est la fin de cet épisode, j'espère qu'il vous a plu Pour m'aider à faire connaître le podcast c'était très simple, parlez-en autour de vous mettez une note 5 étoiles accompagnée d'un gentil commentaire et abonnez-vous à mon compte pour être notifié des prochains épisodes Si vous souhaitez en savoir plus sur le podcast, je vous donne rendez-vous sur mon site aurelie-gallet.com ou sur mon LinkedIn Un grand merci à tous et rendez-vous la semaine prochaine pour un prochain épisode.