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Dormir sans soucis

Triste nouvelle cette nuit avec une dépêche terrible qui annonce le pire : bonne nuit !

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15min |17/06/2024
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Description

Heureux de vous retrouver cette nuit pour passer une douce nuit de repos en prenant soin de notre santé. Ce soir, vous trouverez le sommeil grâce à une nouvelle histoire relaxante. Mais pour dormir, avant l'histoire de ce soir, prenez un moment pour vous grâce à notre citation apaisante, une source de sérénité pour votre esprit. 


L’histoire "Le Petit Chose" d'Alphonse Daudet pour s'endormir rapidement : un morceau de vie bien triste vécu et raconté par un enfant. Avec son père à ses cotés, il apprend, par une dépêche, l'inévitable et terrible nouvelle... Profitez de ce voyage sonore pour vous endormir... Bonne nuit !


Les épisodes de Dormir sans soucis sont à retrouver dans la catégorie « médecine parallèle »  « forme et santé » et « santé mentale », offrant de belles lectures, bien-être, relaxation, méditation, et des conseils bienveillants pour s’endormir rapidement. C’est votre somnifère naturel, alors profitez-en pour passer une nuit paisible.   

Une citation ? Écrivez-nous : dormirsanssoucis@gmail.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Écoutez, je ne mens pas. Voilà longtemps que ces choses se sont passées. Voilà longtemps qu'il dort dans la terre, mon cher abbé que j'aimais tant. Eh bien, encore aujourd'hui, quand je reçois une dépêche, je ne peux pas l'ouvrir sans un frisson de terreur. Notre citation du jour nous a été envoyée par notre abonné Carole de Montréal. C'est un de mes mots que les souvenirs que me donnent les lieux. J'en suis frappé au-delà de la raison. De Madame de Sévigné Merci Carole C'était un lundi du mois de juillet. Ce jour-là, en sortant du collège, je m'étais laissé entraîner à faire une partie de bar, et lorsque je me décidais à rentrer à la maison, il était beaucoup plus tard que je ne l'aurais voulu. De la place des terreaux à la rue Lanterne, je courus sans m'arrêter. Mes livres à la ceinture, ma casquette entre les dents. Toutefois, comme j'avais une peur effroyable de mon père, je repris à l'aile une minute dans l'escalier, juste le temps d'inventer une histoire pour expliquer mon retard, sur quoi je sonnais bravement. Ce fut mon père lui-même qui vint m'ouvrir. Comme tu viens tard, me dit-il. Je commençai à débiter mon mensonge en tremblant, mais le cher homme ne me laissa pas achever, et m'attirant sur sa poitrine, il m'embrassa longuement et silencieusement. Moi qui m'attendais pour le moins à une verte semence, cet accueil me surprit. Ma première idée fut que nous avions le curé de Saint-Nizier à dîner, car je savais par expérience qu'on ne nous grondait jamais ces jours-là. Mais en entrant dans la salle à manger, je vis tout de suite que je m'étais trompé. Il n'y avait que deux couverts sur la table, celui de mon père et le mien. et ma mère et jacques demandai-je étonné il me répondit d'une voix douce qui ne lui était pas habituelle ta mère et jacques sont partis daniel ton frère l'abbé est bien malade Puis, voyant que j'étais devenu tout pâle, il ajouta presque gaiement pour me rassurer. Quand je dis bien malade, c'est une façon de parler. On nous a écrit que l'abbé était au lit. Tu connais ta mère. Elle a voulu partir et je lui ai donné Jacques pour l'accompagner. En somme, ce ne sera rien. Et maintenant, allez, mets-toi là et mangeons. Je meurs de faim. Je m'attablais sans rien dire, mais j'avais le cœur serré et toutes les peines du monde à retenir mes larmes en pensant que mon grand frère était bien malade. Nous dînâmes tristement, en face l'un de l'autre, sans parler. M. Hisset, mon père, mangeait vite, buvait à grands coups, puis s'arrêtait subitement et songeait. Pour moi, immobile au bout de la table et comme frappé de stupeur, je me rappelais les belles histoires que l'abbé me contait lorsqu'il venait à la fabrique. Je le voyais retroussant bravement sa soutane pour franchir les bassins. Je me souvenais aussi du jour de sa première messe, où toute la famille assistait, comme il était beau lorsqu'il se tournait vers nous, les bras ouverts, et disant Dominus vobiscum d'une voix si douce que mon père en pleurait de joie. Maintenant, je me le figurais là-bas, couché, malade. Or bien malade, quelque chose me le disait. Et ce qui redoublait mon chagrin de le savoir ainsi, c'est une voix que j'entendais me crier au fond du cœur. C'est de ta faute, Dieu te punit. Il fallait rentrer tout droit. Il fallait ne pas mentir. et plein de cette effroyable pensée que Dieu, pour le punir, allait faire mourir son frère. Le petit se désespérait en lui-même. Il se disait Jamais, jamais je ne jouerai plus au bar en sortant du collège. Le repas terminé, on alluma la lampe et la veillée commença. Sur la nappe au milieu des débris du dessert, le père avait posé ses gros livres de commerce et faisait ses comptes à haute voix. Finé, le chat des babarottes, miaulait tristement en rôdant autour de la table. Moi, j'avais ouvert la fenêtre et je m'y étais accoudé. Il faisait nuit, l'air était lourd, on entendait les gens d'en bas rire et causer devant leurs portes, et les tambours d'une fort loyasse battre dans le lointain. J'étais là depuis quelques instants, pensant à des choses tristes et regardant vaguement dans la nuit. quand un violent coup de sonnette m'arracha de ma croisée brusquement. Je regardais mon père avec effroi, et je crus voir passer sur son visage le frisson d'angoisse et de terreur qui venait de m'envahir. Ce coup de sonnette lui avait fait peur à lui aussi. On sonne, me dit-il presque à voix basse. Restez, père, j'y vais. Et je m'élançai vers la porte. Un homme était debout sur le seuil. Je l'entrevis dans l'ombre, me tendant quelque chose que j'hésitais à prendre. C'est une dépêche, dit-il. Une dépêche, grand Dieu, pour quoi faire ? Je la pris en frissonnant, et déjà je repoussai la porte, mais l'homme la retint avec son pied et me dit froidement Il faut signer Il fallait signer, je ne savais pas, c'était la première dépêche que je recevais. Qui est là, Daniel ? me cria mon père. Rien, c'est un pauvre. Et faisant signe à l'homme de m'attendre, je courus à ma chambre. Je trempai ma plume dans l'encre à tâtons. Puis je revins. Signez-la. Ensuite il ferma la porte et rentra, tenant la dépêche cachée sous sa blouse. Oh oui, je te tenais cachée sous ma blouse, dépêche de malheur. Je ne voulais pas que mon père te vit, car d'avance je savais que tu venais nous annoncer quelque chose de terrible. Et lorsque je t'ouvris... Tu ne m'as pris rien de nouveau. Entends-tu des pêches ? Tu ne m'as pris rien que mon cœur n'eût déjà deviné. C'était un pauvre ? me dit mon père en me regardant. Je répondis sans rougir. C'était un pauvre, et pour détourner les soupçons, je repris ma place à la croisée. J'y restais encore quelque temps, ne bouillant pas, ne parlant pas, serrant contre ma poitrine ce papier qui me brûlait. Par moments, j'essayais de me raisonner, de me donner du courage. Je me disais, Quand sais-tu ? C'est peut-être une bonne nouvelle. Peut-être on écrit qu'il est guéri. Enfin, je me décidai à passer dans ma chambre pour savoir une bonne fois à quoi m'en tenir. Je sortis de la salle à manger lentement, sans en avoir l'air. Mais quand je fus dans ma chambre, avec quelle rapidité fiévreuse j'allumais ma lampe. Et comme mes mains tremblaient en ouvrant cette dépêche de mort. et de quelles larmes brûlantes je la rosai je la relus vingt fois espérant toujours m'être trompé mais pauvre de moi j'eus beau la lire et la relire et la tourner dans tous les sens Je ne pus lui faire dire autre chose que ce qu'elle avait dit d'abord, ce que je savais bien qu'elle dirait. Il est mort, priez pour lui. Combien de temps je restais là, debout, pleurant devant cette dépêche ouverte, je l'ignore. Je me souviens seulement que mes yeux me cuisaient beaucoup et qu'avant de sortir de ma chambre je baignais mon visage longuement. Puis je rentrais dans la salle à manger tenant dans ma petite main crispée la dépêche trois fois maudite. Et maintenant, qu'allais-je faire ? Comment m'y prendre pour annoncer l'horrible nouvelle à mon père ? et quel ridicule enfantillage m'avait poussé à la garder pour moi seul. Un peu plus tôt, un peu plus tard, est-ce qu'il ne l'aurait pas su ? Quelle folie ! Au moins, si j'étais allé droit à lui lorsque la dépêche était arrivée, nous l'aurions ouvert ensemble à présent. Tout serait dit. Or, tandis que je me parlais à moi-même, je m'approchai de la table et je vins m'asseoir à côté de mon père, juste à côté de lui. Le pauvre homme avait fermé ses livres, et de la barbe de sa plume s'amusait à chatouiller le museau blanc de Finet. Cela me serrait le cœur qu'il s'amusa ainsi. Je voyais sa bonne figure que la lampe éclairait à demi, s'animer et rire par moments. Et j'avais envie de lui dire Oh non, ne riez pas, je vous en prie Alors, comme je le regardais ainsi tristement avec ma dépêche à la main, il leva la tête. Nos regards se rencontrèrent et je ne sais pas ce qu'il vit dans le mien, mais je sais que sa figure se décomposa tout à coup, qu'un grand cri jaillit de sa poitrine, qu'il me dit d'une voix fendre l'âme. Il est mort, n'est-ce pas ? Que la dépêche glissa de mes doigts, que je tombais dans ses bras en sanglotant. Et que nous pleurâmes, tandis qu'à nos pieds finait jouer avec la dépêche, l'horrible dépêche de mort, cause de toutes nos larmes. Écoutez, je ne mens pas. Voilà longtemps que ces choses se sont passées. Voilà longtemps qu'il dort dans la terre, mon cher abbé que j'aimais tant. Eh bien, encore aujourd'hui, quand je reçois une dépêche, je ne peux pas l'ouvrir sans un frisson de terreur. Il me semble que je vais lire. qu'il est mort et qu'il faut prier pour lui.

Chapters

  • Extrait de l'histoire du soir

    00:00

  • Citation pour dormir

    00:43

  • Histoire pour dormir : le petit Chose

    01:21

Description

Heureux de vous retrouver cette nuit pour passer une douce nuit de repos en prenant soin de notre santé. Ce soir, vous trouverez le sommeil grâce à une nouvelle histoire relaxante. Mais pour dormir, avant l'histoire de ce soir, prenez un moment pour vous grâce à notre citation apaisante, une source de sérénité pour votre esprit. 


L’histoire "Le Petit Chose" d'Alphonse Daudet pour s'endormir rapidement : un morceau de vie bien triste vécu et raconté par un enfant. Avec son père à ses cotés, il apprend, par une dépêche, l'inévitable et terrible nouvelle... Profitez de ce voyage sonore pour vous endormir... Bonne nuit !


Les épisodes de Dormir sans soucis sont à retrouver dans la catégorie « médecine parallèle »  « forme et santé » et « santé mentale », offrant de belles lectures, bien-être, relaxation, méditation, et des conseils bienveillants pour s’endormir rapidement. C’est votre somnifère naturel, alors profitez-en pour passer une nuit paisible.   

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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    Écoutez, je ne mens pas. Voilà longtemps que ces choses se sont passées. Voilà longtemps qu'il dort dans la terre, mon cher abbé que j'aimais tant. Eh bien, encore aujourd'hui, quand je reçois une dépêche, je ne peux pas l'ouvrir sans un frisson de terreur. Notre citation du jour nous a été envoyée par notre abonné Carole de Montréal. C'est un de mes mots que les souvenirs que me donnent les lieux. J'en suis frappé au-delà de la raison. De Madame de Sévigné Merci Carole C'était un lundi du mois de juillet. Ce jour-là, en sortant du collège, je m'étais laissé entraîner à faire une partie de bar, et lorsque je me décidais à rentrer à la maison, il était beaucoup plus tard que je ne l'aurais voulu. De la place des terreaux à la rue Lanterne, je courus sans m'arrêter. Mes livres à la ceinture, ma casquette entre les dents. Toutefois, comme j'avais une peur effroyable de mon père, je repris à l'aile une minute dans l'escalier, juste le temps d'inventer une histoire pour expliquer mon retard, sur quoi je sonnais bravement. Ce fut mon père lui-même qui vint m'ouvrir. Comme tu viens tard, me dit-il. Je commençai à débiter mon mensonge en tremblant, mais le cher homme ne me laissa pas achever, et m'attirant sur sa poitrine, il m'embrassa longuement et silencieusement. Moi qui m'attendais pour le moins à une verte semence, cet accueil me surprit. Ma première idée fut que nous avions le curé de Saint-Nizier à dîner, car je savais par expérience qu'on ne nous grondait jamais ces jours-là. Mais en entrant dans la salle à manger, je vis tout de suite que je m'étais trompé. Il n'y avait que deux couverts sur la table, celui de mon père et le mien. et ma mère et jacques demandai-je étonné il me répondit d'une voix douce qui ne lui était pas habituelle ta mère et jacques sont partis daniel ton frère l'abbé est bien malade Puis, voyant que j'étais devenu tout pâle, il ajouta presque gaiement pour me rassurer. Quand je dis bien malade, c'est une façon de parler. On nous a écrit que l'abbé était au lit. Tu connais ta mère. Elle a voulu partir et je lui ai donné Jacques pour l'accompagner. En somme, ce ne sera rien. Et maintenant, allez, mets-toi là et mangeons. Je meurs de faim. Je m'attablais sans rien dire, mais j'avais le cœur serré et toutes les peines du monde à retenir mes larmes en pensant que mon grand frère était bien malade. Nous dînâmes tristement, en face l'un de l'autre, sans parler. M. Hisset, mon père, mangeait vite, buvait à grands coups, puis s'arrêtait subitement et songeait. Pour moi, immobile au bout de la table et comme frappé de stupeur, je me rappelais les belles histoires que l'abbé me contait lorsqu'il venait à la fabrique. Je le voyais retroussant bravement sa soutane pour franchir les bassins. Je me souvenais aussi du jour de sa première messe, où toute la famille assistait, comme il était beau lorsqu'il se tournait vers nous, les bras ouverts, et disant Dominus vobiscum d'une voix si douce que mon père en pleurait de joie. Maintenant, je me le figurais là-bas, couché, malade. Or bien malade, quelque chose me le disait. Et ce qui redoublait mon chagrin de le savoir ainsi, c'est une voix que j'entendais me crier au fond du cœur. C'est de ta faute, Dieu te punit. Il fallait rentrer tout droit. Il fallait ne pas mentir. et plein de cette effroyable pensée que Dieu, pour le punir, allait faire mourir son frère. Le petit se désespérait en lui-même. Il se disait Jamais, jamais je ne jouerai plus au bar en sortant du collège. Le repas terminé, on alluma la lampe et la veillée commença. Sur la nappe au milieu des débris du dessert, le père avait posé ses gros livres de commerce et faisait ses comptes à haute voix. Finé, le chat des babarottes, miaulait tristement en rôdant autour de la table. Moi, j'avais ouvert la fenêtre et je m'y étais accoudé. Il faisait nuit, l'air était lourd, on entendait les gens d'en bas rire et causer devant leurs portes, et les tambours d'une fort loyasse battre dans le lointain. J'étais là depuis quelques instants, pensant à des choses tristes et regardant vaguement dans la nuit. quand un violent coup de sonnette m'arracha de ma croisée brusquement. Je regardais mon père avec effroi, et je crus voir passer sur son visage le frisson d'angoisse et de terreur qui venait de m'envahir. Ce coup de sonnette lui avait fait peur à lui aussi. On sonne, me dit-il presque à voix basse. Restez, père, j'y vais. Et je m'élançai vers la porte. Un homme était debout sur le seuil. Je l'entrevis dans l'ombre, me tendant quelque chose que j'hésitais à prendre. C'est une dépêche, dit-il. Une dépêche, grand Dieu, pour quoi faire ? Je la pris en frissonnant, et déjà je repoussai la porte, mais l'homme la retint avec son pied et me dit froidement Il faut signer Il fallait signer, je ne savais pas, c'était la première dépêche que je recevais. Qui est là, Daniel ? me cria mon père. Rien, c'est un pauvre. Et faisant signe à l'homme de m'attendre, je courus à ma chambre. Je trempai ma plume dans l'encre à tâtons. Puis je revins. Signez-la. Ensuite il ferma la porte et rentra, tenant la dépêche cachée sous sa blouse. Oh oui, je te tenais cachée sous ma blouse, dépêche de malheur. Je ne voulais pas que mon père te vit, car d'avance je savais que tu venais nous annoncer quelque chose de terrible. Et lorsque je t'ouvris... Tu ne m'as pris rien de nouveau. Entends-tu des pêches ? Tu ne m'as pris rien que mon cœur n'eût déjà deviné. C'était un pauvre ? me dit mon père en me regardant. Je répondis sans rougir. C'était un pauvre, et pour détourner les soupçons, je repris ma place à la croisée. J'y restais encore quelque temps, ne bouillant pas, ne parlant pas, serrant contre ma poitrine ce papier qui me brûlait. Par moments, j'essayais de me raisonner, de me donner du courage. Je me disais, Quand sais-tu ? C'est peut-être une bonne nouvelle. Peut-être on écrit qu'il est guéri. Enfin, je me décidai à passer dans ma chambre pour savoir une bonne fois à quoi m'en tenir. Je sortis de la salle à manger lentement, sans en avoir l'air. Mais quand je fus dans ma chambre, avec quelle rapidité fiévreuse j'allumais ma lampe. Et comme mes mains tremblaient en ouvrant cette dépêche de mort. et de quelles larmes brûlantes je la rosai je la relus vingt fois espérant toujours m'être trompé mais pauvre de moi j'eus beau la lire et la relire et la tourner dans tous les sens Je ne pus lui faire dire autre chose que ce qu'elle avait dit d'abord, ce que je savais bien qu'elle dirait. Il est mort, priez pour lui. Combien de temps je restais là, debout, pleurant devant cette dépêche ouverte, je l'ignore. Je me souviens seulement que mes yeux me cuisaient beaucoup et qu'avant de sortir de ma chambre je baignais mon visage longuement. Puis je rentrais dans la salle à manger tenant dans ma petite main crispée la dépêche trois fois maudite. Et maintenant, qu'allais-je faire ? Comment m'y prendre pour annoncer l'horrible nouvelle à mon père ? et quel ridicule enfantillage m'avait poussé à la garder pour moi seul. Un peu plus tôt, un peu plus tard, est-ce qu'il ne l'aurait pas su ? Quelle folie ! Au moins, si j'étais allé droit à lui lorsque la dépêche était arrivée, nous l'aurions ouvert ensemble à présent. Tout serait dit. Or, tandis que je me parlais à moi-même, je m'approchai de la table et je vins m'asseoir à côté de mon père, juste à côté de lui. Le pauvre homme avait fermé ses livres, et de la barbe de sa plume s'amusait à chatouiller le museau blanc de Finet. Cela me serrait le cœur qu'il s'amusa ainsi. Je voyais sa bonne figure que la lampe éclairait à demi, s'animer et rire par moments. Et j'avais envie de lui dire Oh non, ne riez pas, je vous en prie Alors, comme je le regardais ainsi tristement avec ma dépêche à la main, il leva la tête. Nos regards se rencontrèrent et je ne sais pas ce qu'il vit dans le mien, mais je sais que sa figure se décomposa tout à coup, qu'un grand cri jaillit de sa poitrine, qu'il me dit d'une voix fendre l'âme. Il est mort, n'est-ce pas ? Que la dépêche glissa de mes doigts, que je tombais dans ses bras en sanglotant. Et que nous pleurâmes, tandis qu'à nos pieds finait jouer avec la dépêche, l'horrible dépêche de mort, cause de toutes nos larmes. Écoutez, je ne mens pas. Voilà longtemps que ces choses se sont passées. Voilà longtemps qu'il dort dans la terre, mon cher abbé que j'aimais tant. Eh bien, encore aujourd'hui, quand je reçois une dépêche, je ne peux pas l'ouvrir sans un frisson de terreur. Il me semble que je vais lire. qu'il est mort et qu'il faut prier pour lui.

Chapters

  • Extrait de l'histoire du soir

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  • Histoire pour dormir : le petit Chose

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L’histoire "Le Petit Chose" d'Alphonse Daudet pour s'endormir rapidement : un morceau de vie bien triste vécu et raconté par un enfant. Avec son père à ses cotés, il apprend, par une dépêche, l'inévitable et terrible nouvelle... Profitez de ce voyage sonore pour vous endormir... Bonne nuit !


Les épisodes de Dormir sans soucis sont à retrouver dans la catégorie « médecine parallèle »  « forme et santé » et « santé mentale », offrant de belles lectures, bien-être, relaxation, méditation, et des conseils bienveillants pour s’endormir rapidement. C’est votre somnifère naturel, alors profitez-en pour passer une nuit paisible.   

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  • Speaker #0

    Écoutez, je ne mens pas. Voilà longtemps que ces choses se sont passées. Voilà longtemps qu'il dort dans la terre, mon cher abbé que j'aimais tant. Eh bien, encore aujourd'hui, quand je reçois une dépêche, je ne peux pas l'ouvrir sans un frisson de terreur. Notre citation du jour nous a été envoyée par notre abonné Carole de Montréal. C'est un de mes mots que les souvenirs que me donnent les lieux. J'en suis frappé au-delà de la raison. De Madame de Sévigné Merci Carole C'était un lundi du mois de juillet. Ce jour-là, en sortant du collège, je m'étais laissé entraîner à faire une partie de bar, et lorsque je me décidais à rentrer à la maison, il était beaucoup plus tard que je ne l'aurais voulu. De la place des terreaux à la rue Lanterne, je courus sans m'arrêter. Mes livres à la ceinture, ma casquette entre les dents. Toutefois, comme j'avais une peur effroyable de mon père, je repris à l'aile une minute dans l'escalier, juste le temps d'inventer une histoire pour expliquer mon retard, sur quoi je sonnais bravement. Ce fut mon père lui-même qui vint m'ouvrir. Comme tu viens tard, me dit-il. Je commençai à débiter mon mensonge en tremblant, mais le cher homme ne me laissa pas achever, et m'attirant sur sa poitrine, il m'embrassa longuement et silencieusement. Moi qui m'attendais pour le moins à une verte semence, cet accueil me surprit. Ma première idée fut que nous avions le curé de Saint-Nizier à dîner, car je savais par expérience qu'on ne nous grondait jamais ces jours-là. Mais en entrant dans la salle à manger, je vis tout de suite que je m'étais trompé. Il n'y avait que deux couverts sur la table, celui de mon père et le mien. et ma mère et jacques demandai-je étonné il me répondit d'une voix douce qui ne lui était pas habituelle ta mère et jacques sont partis daniel ton frère l'abbé est bien malade Puis, voyant que j'étais devenu tout pâle, il ajouta presque gaiement pour me rassurer. Quand je dis bien malade, c'est une façon de parler. On nous a écrit que l'abbé était au lit. Tu connais ta mère. Elle a voulu partir et je lui ai donné Jacques pour l'accompagner. En somme, ce ne sera rien. Et maintenant, allez, mets-toi là et mangeons. Je meurs de faim. Je m'attablais sans rien dire, mais j'avais le cœur serré et toutes les peines du monde à retenir mes larmes en pensant que mon grand frère était bien malade. Nous dînâmes tristement, en face l'un de l'autre, sans parler. M. Hisset, mon père, mangeait vite, buvait à grands coups, puis s'arrêtait subitement et songeait. Pour moi, immobile au bout de la table et comme frappé de stupeur, je me rappelais les belles histoires que l'abbé me contait lorsqu'il venait à la fabrique. Je le voyais retroussant bravement sa soutane pour franchir les bassins. Je me souvenais aussi du jour de sa première messe, où toute la famille assistait, comme il était beau lorsqu'il se tournait vers nous, les bras ouverts, et disant Dominus vobiscum d'une voix si douce que mon père en pleurait de joie. Maintenant, je me le figurais là-bas, couché, malade. Or bien malade, quelque chose me le disait. Et ce qui redoublait mon chagrin de le savoir ainsi, c'est une voix que j'entendais me crier au fond du cœur. C'est de ta faute, Dieu te punit. Il fallait rentrer tout droit. Il fallait ne pas mentir. et plein de cette effroyable pensée que Dieu, pour le punir, allait faire mourir son frère. Le petit se désespérait en lui-même. Il se disait Jamais, jamais je ne jouerai plus au bar en sortant du collège. Le repas terminé, on alluma la lampe et la veillée commença. Sur la nappe au milieu des débris du dessert, le père avait posé ses gros livres de commerce et faisait ses comptes à haute voix. Finé, le chat des babarottes, miaulait tristement en rôdant autour de la table. Moi, j'avais ouvert la fenêtre et je m'y étais accoudé. Il faisait nuit, l'air était lourd, on entendait les gens d'en bas rire et causer devant leurs portes, et les tambours d'une fort loyasse battre dans le lointain. J'étais là depuis quelques instants, pensant à des choses tristes et regardant vaguement dans la nuit. quand un violent coup de sonnette m'arracha de ma croisée brusquement. Je regardais mon père avec effroi, et je crus voir passer sur son visage le frisson d'angoisse et de terreur qui venait de m'envahir. Ce coup de sonnette lui avait fait peur à lui aussi. On sonne, me dit-il presque à voix basse. Restez, père, j'y vais. Et je m'élançai vers la porte. Un homme était debout sur le seuil. Je l'entrevis dans l'ombre, me tendant quelque chose que j'hésitais à prendre. C'est une dépêche, dit-il. Une dépêche, grand Dieu, pour quoi faire ? Je la pris en frissonnant, et déjà je repoussai la porte, mais l'homme la retint avec son pied et me dit froidement Il faut signer Il fallait signer, je ne savais pas, c'était la première dépêche que je recevais. Qui est là, Daniel ? me cria mon père. Rien, c'est un pauvre. Et faisant signe à l'homme de m'attendre, je courus à ma chambre. Je trempai ma plume dans l'encre à tâtons. Puis je revins. Signez-la. Ensuite il ferma la porte et rentra, tenant la dépêche cachée sous sa blouse. Oh oui, je te tenais cachée sous ma blouse, dépêche de malheur. Je ne voulais pas que mon père te vit, car d'avance je savais que tu venais nous annoncer quelque chose de terrible. Et lorsque je t'ouvris... Tu ne m'as pris rien de nouveau. Entends-tu des pêches ? Tu ne m'as pris rien que mon cœur n'eût déjà deviné. C'était un pauvre ? me dit mon père en me regardant. Je répondis sans rougir. C'était un pauvre, et pour détourner les soupçons, je repris ma place à la croisée. J'y restais encore quelque temps, ne bouillant pas, ne parlant pas, serrant contre ma poitrine ce papier qui me brûlait. Par moments, j'essayais de me raisonner, de me donner du courage. Je me disais, Quand sais-tu ? C'est peut-être une bonne nouvelle. Peut-être on écrit qu'il est guéri. Enfin, je me décidai à passer dans ma chambre pour savoir une bonne fois à quoi m'en tenir. Je sortis de la salle à manger lentement, sans en avoir l'air. Mais quand je fus dans ma chambre, avec quelle rapidité fiévreuse j'allumais ma lampe. Et comme mes mains tremblaient en ouvrant cette dépêche de mort. et de quelles larmes brûlantes je la rosai je la relus vingt fois espérant toujours m'être trompé mais pauvre de moi j'eus beau la lire et la relire et la tourner dans tous les sens Je ne pus lui faire dire autre chose que ce qu'elle avait dit d'abord, ce que je savais bien qu'elle dirait. Il est mort, priez pour lui. Combien de temps je restais là, debout, pleurant devant cette dépêche ouverte, je l'ignore. Je me souviens seulement que mes yeux me cuisaient beaucoup et qu'avant de sortir de ma chambre je baignais mon visage longuement. Puis je rentrais dans la salle à manger tenant dans ma petite main crispée la dépêche trois fois maudite. Et maintenant, qu'allais-je faire ? Comment m'y prendre pour annoncer l'horrible nouvelle à mon père ? et quel ridicule enfantillage m'avait poussé à la garder pour moi seul. Un peu plus tôt, un peu plus tard, est-ce qu'il ne l'aurait pas su ? Quelle folie ! Au moins, si j'étais allé droit à lui lorsque la dépêche était arrivée, nous l'aurions ouvert ensemble à présent. Tout serait dit. Or, tandis que je me parlais à moi-même, je m'approchai de la table et je vins m'asseoir à côté de mon père, juste à côté de lui. Le pauvre homme avait fermé ses livres, et de la barbe de sa plume s'amusait à chatouiller le museau blanc de Finet. Cela me serrait le cœur qu'il s'amusa ainsi. Je voyais sa bonne figure que la lampe éclairait à demi, s'animer et rire par moments. Et j'avais envie de lui dire Oh non, ne riez pas, je vous en prie Alors, comme je le regardais ainsi tristement avec ma dépêche à la main, il leva la tête. Nos regards se rencontrèrent et je ne sais pas ce qu'il vit dans le mien, mais je sais que sa figure se décomposa tout à coup, qu'un grand cri jaillit de sa poitrine, qu'il me dit d'une voix fendre l'âme. Il est mort, n'est-ce pas ? Que la dépêche glissa de mes doigts, que je tombais dans ses bras en sanglotant. Et que nous pleurâmes, tandis qu'à nos pieds finait jouer avec la dépêche, l'horrible dépêche de mort, cause de toutes nos larmes. Écoutez, je ne mens pas. Voilà longtemps que ces choses se sont passées. Voilà longtemps qu'il dort dans la terre, mon cher abbé que j'aimais tant. Eh bien, encore aujourd'hui, quand je reçois une dépêche, je ne peux pas l'ouvrir sans un frisson de terreur. Il me semble que je vais lire. qu'il est mort et qu'il faut prier pour lui.

Chapters

  • Extrait de l'histoire du soir

    00:00

  • Citation pour dormir

    00:43

  • Histoire pour dormir : le petit Chose

    01:21

Description

Heureux de vous retrouver cette nuit pour passer une douce nuit de repos en prenant soin de notre santé. Ce soir, vous trouverez le sommeil grâce à une nouvelle histoire relaxante. Mais pour dormir, avant l'histoire de ce soir, prenez un moment pour vous grâce à notre citation apaisante, une source de sérénité pour votre esprit. 


L’histoire "Le Petit Chose" d'Alphonse Daudet pour s'endormir rapidement : un morceau de vie bien triste vécu et raconté par un enfant. Avec son père à ses cotés, il apprend, par une dépêche, l'inévitable et terrible nouvelle... Profitez de ce voyage sonore pour vous endormir... Bonne nuit !


Les épisodes de Dormir sans soucis sont à retrouver dans la catégorie « médecine parallèle »  « forme et santé » et « santé mentale », offrant de belles lectures, bien-être, relaxation, méditation, et des conseils bienveillants pour s’endormir rapidement. C’est votre somnifère naturel, alors profitez-en pour passer une nuit paisible.   

Une citation ? Écrivez-nous : dormirsanssoucis@gmail.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Écoutez, je ne mens pas. Voilà longtemps que ces choses se sont passées. Voilà longtemps qu'il dort dans la terre, mon cher abbé que j'aimais tant. Eh bien, encore aujourd'hui, quand je reçois une dépêche, je ne peux pas l'ouvrir sans un frisson de terreur. Notre citation du jour nous a été envoyée par notre abonné Carole de Montréal. C'est un de mes mots que les souvenirs que me donnent les lieux. J'en suis frappé au-delà de la raison. De Madame de Sévigné Merci Carole C'était un lundi du mois de juillet. Ce jour-là, en sortant du collège, je m'étais laissé entraîner à faire une partie de bar, et lorsque je me décidais à rentrer à la maison, il était beaucoup plus tard que je ne l'aurais voulu. De la place des terreaux à la rue Lanterne, je courus sans m'arrêter. Mes livres à la ceinture, ma casquette entre les dents. Toutefois, comme j'avais une peur effroyable de mon père, je repris à l'aile une minute dans l'escalier, juste le temps d'inventer une histoire pour expliquer mon retard, sur quoi je sonnais bravement. Ce fut mon père lui-même qui vint m'ouvrir. Comme tu viens tard, me dit-il. Je commençai à débiter mon mensonge en tremblant, mais le cher homme ne me laissa pas achever, et m'attirant sur sa poitrine, il m'embrassa longuement et silencieusement. Moi qui m'attendais pour le moins à une verte semence, cet accueil me surprit. Ma première idée fut que nous avions le curé de Saint-Nizier à dîner, car je savais par expérience qu'on ne nous grondait jamais ces jours-là. Mais en entrant dans la salle à manger, je vis tout de suite que je m'étais trompé. Il n'y avait que deux couverts sur la table, celui de mon père et le mien. et ma mère et jacques demandai-je étonné il me répondit d'une voix douce qui ne lui était pas habituelle ta mère et jacques sont partis daniel ton frère l'abbé est bien malade Puis, voyant que j'étais devenu tout pâle, il ajouta presque gaiement pour me rassurer. Quand je dis bien malade, c'est une façon de parler. On nous a écrit que l'abbé était au lit. Tu connais ta mère. Elle a voulu partir et je lui ai donné Jacques pour l'accompagner. En somme, ce ne sera rien. Et maintenant, allez, mets-toi là et mangeons. Je meurs de faim. Je m'attablais sans rien dire, mais j'avais le cœur serré et toutes les peines du monde à retenir mes larmes en pensant que mon grand frère était bien malade. Nous dînâmes tristement, en face l'un de l'autre, sans parler. M. Hisset, mon père, mangeait vite, buvait à grands coups, puis s'arrêtait subitement et songeait. Pour moi, immobile au bout de la table et comme frappé de stupeur, je me rappelais les belles histoires que l'abbé me contait lorsqu'il venait à la fabrique. Je le voyais retroussant bravement sa soutane pour franchir les bassins. Je me souvenais aussi du jour de sa première messe, où toute la famille assistait, comme il était beau lorsqu'il se tournait vers nous, les bras ouverts, et disant Dominus vobiscum d'une voix si douce que mon père en pleurait de joie. Maintenant, je me le figurais là-bas, couché, malade. Or bien malade, quelque chose me le disait. Et ce qui redoublait mon chagrin de le savoir ainsi, c'est une voix que j'entendais me crier au fond du cœur. C'est de ta faute, Dieu te punit. Il fallait rentrer tout droit. Il fallait ne pas mentir. et plein de cette effroyable pensée que Dieu, pour le punir, allait faire mourir son frère. Le petit se désespérait en lui-même. Il se disait Jamais, jamais je ne jouerai plus au bar en sortant du collège. Le repas terminé, on alluma la lampe et la veillée commença. Sur la nappe au milieu des débris du dessert, le père avait posé ses gros livres de commerce et faisait ses comptes à haute voix. Finé, le chat des babarottes, miaulait tristement en rôdant autour de la table. Moi, j'avais ouvert la fenêtre et je m'y étais accoudé. Il faisait nuit, l'air était lourd, on entendait les gens d'en bas rire et causer devant leurs portes, et les tambours d'une fort loyasse battre dans le lointain. J'étais là depuis quelques instants, pensant à des choses tristes et regardant vaguement dans la nuit. quand un violent coup de sonnette m'arracha de ma croisée brusquement. Je regardais mon père avec effroi, et je crus voir passer sur son visage le frisson d'angoisse et de terreur qui venait de m'envahir. Ce coup de sonnette lui avait fait peur à lui aussi. On sonne, me dit-il presque à voix basse. Restez, père, j'y vais. Et je m'élançai vers la porte. Un homme était debout sur le seuil. Je l'entrevis dans l'ombre, me tendant quelque chose que j'hésitais à prendre. C'est une dépêche, dit-il. Une dépêche, grand Dieu, pour quoi faire ? Je la pris en frissonnant, et déjà je repoussai la porte, mais l'homme la retint avec son pied et me dit froidement Il faut signer Il fallait signer, je ne savais pas, c'était la première dépêche que je recevais. Qui est là, Daniel ? me cria mon père. Rien, c'est un pauvre. Et faisant signe à l'homme de m'attendre, je courus à ma chambre. Je trempai ma plume dans l'encre à tâtons. Puis je revins. Signez-la. Ensuite il ferma la porte et rentra, tenant la dépêche cachée sous sa blouse. Oh oui, je te tenais cachée sous ma blouse, dépêche de malheur. Je ne voulais pas que mon père te vit, car d'avance je savais que tu venais nous annoncer quelque chose de terrible. Et lorsque je t'ouvris... Tu ne m'as pris rien de nouveau. Entends-tu des pêches ? Tu ne m'as pris rien que mon cœur n'eût déjà deviné. C'était un pauvre ? me dit mon père en me regardant. Je répondis sans rougir. C'était un pauvre, et pour détourner les soupçons, je repris ma place à la croisée. J'y restais encore quelque temps, ne bouillant pas, ne parlant pas, serrant contre ma poitrine ce papier qui me brûlait. Par moments, j'essayais de me raisonner, de me donner du courage. Je me disais, Quand sais-tu ? C'est peut-être une bonne nouvelle. Peut-être on écrit qu'il est guéri. Enfin, je me décidai à passer dans ma chambre pour savoir une bonne fois à quoi m'en tenir. Je sortis de la salle à manger lentement, sans en avoir l'air. Mais quand je fus dans ma chambre, avec quelle rapidité fiévreuse j'allumais ma lampe. Et comme mes mains tremblaient en ouvrant cette dépêche de mort. et de quelles larmes brûlantes je la rosai je la relus vingt fois espérant toujours m'être trompé mais pauvre de moi j'eus beau la lire et la relire et la tourner dans tous les sens Je ne pus lui faire dire autre chose que ce qu'elle avait dit d'abord, ce que je savais bien qu'elle dirait. Il est mort, priez pour lui. Combien de temps je restais là, debout, pleurant devant cette dépêche ouverte, je l'ignore. Je me souviens seulement que mes yeux me cuisaient beaucoup et qu'avant de sortir de ma chambre je baignais mon visage longuement. Puis je rentrais dans la salle à manger tenant dans ma petite main crispée la dépêche trois fois maudite. Et maintenant, qu'allais-je faire ? Comment m'y prendre pour annoncer l'horrible nouvelle à mon père ? et quel ridicule enfantillage m'avait poussé à la garder pour moi seul. Un peu plus tôt, un peu plus tard, est-ce qu'il ne l'aurait pas su ? Quelle folie ! Au moins, si j'étais allé droit à lui lorsque la dépêche était arrivée, nous l'aurions ouvert ensemble à présent. Tout serait dit. Or, tandis que je me parlais à moi-même, je m'approchai de la table et je vins m'asseoir à côté de mon père, juste à côté de lui. Le pauvre homme avait fermé ses livres, et de la barbe de sa plume s'amusait à chatouiller le museau blanc de Finet. Cela me serrait le cœur qu'il s'amusa ainsi. Je voyais sa bonne figure que la lampe éclairait à demi, s'animer et rire par moments. Et j'avais envie de lui dire Oh non, ne riez pas, je vous en prie Alors, comme je le regardais ainsi tristement avec ma dépêche à la main, il leva la tête. Nos regards se rencontrèrent et je ne sais pas ce qu'il vit dans le mien, mais je sais que sa figure se décomposa tout à coup, qu'un grand cri jaillit de sa poitrine, qu'il me dit d'une voix fendre l'âme. Il est mort, n'est-ce pas ? Que la dépêche glissa de mes doigts, que je tombais dans ses bras en sanglotant. Et que nous pleurâmes, tandis qu'à nos pieds finait jouer avec la dépêche, l'horrible dépêche de mort, cause de toutes nos larmes. Écoutez, je ne mens pas. Voilà longtemps que ces choses se sont passées. Voilà longtemps qu'il dort dans la terre, mon cher abbé que j'aimais tant. Eh bien, encore aujourd'hui, quand je reçois une dépêche, je ne peux pas l'ouvrir sans un frisson de terreur. Il me semble que je vais lire. qu'il est mort et qu'il faut prier pour lui.

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