- Speaker #0
On va faire en fait ce que le système de santé, mis en difficulté par la catastrophe, ne peut pas faire. Chido a frappé Mayotte. On a été débordé. La gestion du stress, c'est un sujet majeur. Il ne faut pas paniquer. Ce milieu-là, humanitaire mais gouvernemental, il est quand même très militaire.
- Speaker #1
Bienvenue dans Femmes de santé publique, un podcast de l'École des hautes études en santé publique. Bonne écoute ! Aujourd'hui, nous sommes avec Léa Zerdoud. Vous êtes pharmacienne au SAMU de Toulouse. Et vous n'avez pas vraiment les missions classiques de la pharmacie à usage hospitalier. Sur quoi vous travaillez exactement ?
- Speaker #0
Je travaille sur les thématiques de médecine de catastrophe, de SSE, et de médecine humanitaire, de projets d'action internationale.
- Speaker #1
Et en décembre dernier, Léa, vous êtes partie en renfort à Mayotte, après le passage du cyclone Shido, le 14 décembre 2024, qui a ravagé l'île. Vous travaillez donc à ce moment-là... Au sein de l'ESCRIM, l'hôpital de campagne qui est déployé à Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte, là où des victimes sont soignées, de quelle nature sont leurs blessures ? Quelles sont les prises en charge que vous avez dû assurer sur place ?
- Speaker #0
À Mayotte, on a vu beaucoup de bobos infectés, de bobos pourris, et pas forcément directement liés aux cyclones, mais surtout liés beaucoup aux débris, à la reconstruction des abris en tôle, etc. Donc on a vu beaucoup de bobos. En tout cas au début, et puis après, à la fin, sur la fin de ma mission, on voyait des décompensations de maladies chroniques, du suivi de grossesse. On va faire ce que le système de santé, mis en difficulté par la catastrophe, ne peut pas faire.
- Speaker #1
Alors l'escrime est déployé à Mayotte dix jours après le passage du cyclone. Finalement, l'objectif des équipes humanitaires, c'est vraiment de se concentrer sur la phase post-catastrophe.
- Speaker #0
une notion à bien comprendre quand on fait de de l'aide humanitaire après une catastrophe, c'est que de fait on n'arrivera pas dans l'heure, ça paraît évident. De toute façon, on parle forcément de 48 heures, de 72 heures, voire d'une semaine à attendre sur un tarmac qu'on nous dise où nous installer. Donc de toute façon, on ne va pas faire la golden hour de la cata. L'idée c'est qu'on arrive dans un second temps, les vies sauvées sont sauvées, les vies qui n'ont pas pu être sauvées ne le sont pas de fait.
- Speaker #1
Et sur place, quel est votre rôle, vous, en tant que pharmacienne ? Qu'est-ce qu'on attend de vous ?
- Speaker #0
On est au service des soignants sur une cata. Et là, du coup, le pharmacien va intervenir sur le poste médical avancé. Et l'idée, c'est de dispenser les produits de santé dont les soignants ont besoin. Comme dans une petite pharmacie, on met une table, on met les mâles derrière nous et on donne les choses aux soignants. Les médicaments et les dispositifs médicaux sont dans ces mâles. On a travaillé sur une dispensation en kit. Maintenant, on parle par gestes. Je vais poser une voix, je vais faire un pansement, je vais faire une suture. Et nous, on met tout dans une petite poche et on leur donne tout ce dont ils ont besoin pour faire leur geste.
- Speaker #1
Vous, Léa, on vous propose de partir à Mayotte un peu à la dernière minute. Comment ça se passe, votre départ ?
- Speaker #0
On m'a prévenu le 26 ou 27 décembre. Je suis partie le 29. Pour le coup, le départ, c'est un petit peu folklorique, je dirais. Les militaires, surtout les militaires qui se sont amenés à faire de l'OPEX, ils ont toujours des sacs. prêts, des lisses, des trucs, moi j'avais rien du tout donc panique à bord, décathlon on prend tout on met tout ce qu'on peut dans une valise je savais pas du tout ce dont on allait avoir besoin puis finalement on prend 2 fois 20 kilos de bagage et j'ai certainement utilisé même pas un huitième des trucs que j'ai pris mais c'est pas grave, c'est comme ça qu'on apprend mais voilà, c'est une expérience excessivement formatrice beaucoup de stress, forcément mais voilà, faut souffler ... Il faut dire que ça va aller, qu'il faut se laisser guider et que de toute façon, une fois là-bas, j'ai juste à faire mon job, c'est-à-dire gérer des médicaments dans des malles parce que finalement, ça ressemble pas mal. C'est des stocks aussi dans des malles. Donc voilà, il ne faut pas paniquer. Le temps est ce qu'il est, ça ne sert à rien de vouloir savoir à quelle heure on repart. Il faut se laisser guider, il faut être souple et rester positif. C'est vraiment le plus important.
- Speaker #1
Donc c'était la première fois que vous partiez sur une catastrophe. Comment vous avez géré ce moment ? du retour au quotidien, de l'après, finalement ?
- Speaker #0
Moi, j'ai eu besoin tout de suite de me remettre au travail. J'avais l'impression que le temps réflectif devait être différé. Sur mon détachement, sur mon roulement à maillotte, on a été débordés quasiment tout du long. Oeillères, guidons, à fond la caisse. Et donc, j'ai eu la sensation que pile le retour, ce n'était pas le bon moment pour rentrer chez moi, me poser, m'arrêter, réfléchir. Je pense que j'avais besoin de m'être un peu à distance. Donc, j'ai fait ce temps où on se repose et on se pose et on réfléchit plus loin. D'autres ont besoin de prendre des vacances, retrouver leur famille directement, tout de suite, de décompresser en rentrant. Je pense que tout le monde réagit un peu différemment.
- Speaker #1
Alors, en tout cas, ce n'est pas pour rien que vous êtes partie à Mayotte, vous et d'autres collègues du CHU de Toulouse. En fait, vous êtes en train de monter une équipe humanitaire qui sera un moyen d'action de l'État français. Comme les scrims. Léa, vous êtes responsable de ce projet. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?
- Speaker #0
On travaille à l'hôpital Ausha Toulouse sur un projet de certification d'une équipe humanitaire, donc une certification par l'OMS, d'une équipe qui a vocation à intervenir partout dans le monde après une catastrophe, de manière autonome, autosuffisante, pour rester sur place environ un mois et soutenir le système de santé affecté par la catastrophe en l'occurrence. événements climatiques. Éventuellement, déplacement de population, c'est un peu la zone grise. Déplacement de population dû à un conflit armé. C'est surtout ça, les thématiques d'intervention. Pas de conflit armé pour les modules comme ceux-là.
- Speaker #1
Et c'est dans le cadre de ce projet qu'on vous a proposé d'aller à Mayotte. Racontez-nous.
- Speaker #0
Chido a frappé Mayotte et l'escrime est partie. Dans ce cadre-là, on nous a proposé d'être intégrés au dispositif pour finalement se former in situ. C'était une occasion de voir l'escrime fonctionner et de travailler dans l'escrime.
- Speaker #1
L'escrime, c'est ce qu'on appelle un EMT, Emergency Medical Team, de niveau 2. Vous, l'équipe que vous montez, qui s'appelle l'IRIS, c'est un EMT de niveau 1. Quelle est la différence ?
- Speaker #0
C'est le petit frère, on n'aura pas de bloc, pas de réa. C'est plus un dispensaire, là où l'escrime fait du bloc et de la réa en particulier.
- Speaker #1
Et vous travaillez ensemble, l'IRIS et l'escrime ?
- Speaker #0
Nous, on a choisi... de les rencontrer dès le départ du projet pour travailler avec eux, pour apprendre comment ils fonctionnent, quel langage ils parlent, comment ils sont organisés, etc. De sorte à s'aligner ou au moins à bien comprendre leur fonctionnement. L'idée, c'est d'arriver à travailler ensemble et d'être éventuellement projetés en même temps qu'eux et de faire, nous, l'avant, le tout-venant, le dispensaire, etc. pour leur adresser ensuite les cas qui nécessitent une expertise plus technique, un plateau technique que nous, nous n'aurons pas.
- Speaker #1
Dans l'idéal, vous aimeriez que l'équipe soit prête pour le début d'année 2027. D'ici là, l'idée, c'est de former vos personnels. Qui est concerné ?
- Speaker #0
Ça concerne énormément de professions. Le but est d'être complètement autonome. Donc, il faut de tout. Il faut des soignants, certes, mais vraiment pas que. Il faut aussi des gens capables de transmettre de la data. Il faut des électriciens. Il faut des logisticiens. L'équipe soignante, c'est à peine la moitié de l'équipe qui part. Donc, ça, c'est très intéressant.
- Speaker #1
Et comment vous allez former toutes ces personnes finalement ? Et sur quoi concrètement ?
- Speaker #0
On a créé un DU qui s'appelle Médecine humanitaire et réaction internationale, porté par l'Université de Toulouse. Pour l'instant, le but de ce DU, c'est de former nos équipes pour être prêts à partir. On va apprendre à personne à faire son métier. Ce qu'on va apprendre aux gens, c'est à le faire en situation dégradée, en équipe. Le quotidien ensemble, c'est un sujet majeur. Les relations interpersonnelles, c'est un sujet majeur. La gestion des conflits, c'est un sujet majeur. La gestion du stress. Donc... C'est encore d'autres compétences que ces professionnels devraient acquérir. Et donc oui, l'idée, c'est de vraiment se mettre en condition, donc de dormir dans le module, de manger dans le module, des rations militaires si on a que des rations militaires. Et donc voilà, de se mettre vraiment en condition.
- Speaker #1
Alors se mettre vraiment en condition, c'est très important. D'ailleurs, vous, c'est quelque chose que vous avez déjà fait dans le cadre de la certification de votre équipe. En quoi ça a consisté cette préparation ?
- Speaker #0
Nous on l'a fait avec nos mentors, donc UKMED, c'est une ONG anglaise. Et donc on l'a fait avec eux, on est partis se former en Angleterre, donc pas de bol inégé, donc on campe dans la neige, on se douche pas trop. L'idée c'est quand même de se préparer à ce qu'il y a beaucoup de chances d'arriver. Il y a des préparations d'autres équipes européennes qui vont plus loin dans les préparations et dans les simulations, qui vraiment... C'est de mettre les nerfs des gens à rude épreuve. Moi, je pense que ce qui est important, c'est de se préparer à ce qui, à coup sûr ou quasi coup sûr, va arriver. Un jour ou deux où il n'y a pas d'eau et on ne se douche pas, c'est très probable. Dormir dans une tente à douze, c'est sûr et certain. Manger des rations militaires pendant une semaine, c'est sûr et certain. Donc, autant se préparer à ce qui va vraiment se produire. Et puis, stresser beaucoup, beaucoup les gens, peut-être pas.
- Speaker #1
Léa, on va revenir un peu sur votre parcours et retracer ce qui vous a mené jusqu'à la médecine humanitaire. Au tout début, qu'est-ce qui vous a donné envie de vous orienter vers la santé ? Est-ce que c'est quelque chose qui vient de votre famille, par exemple ?
- Speaker #0
Alors, j'ai deux parents médecins. Mon père est médecin nucléaire et ma mère est médecin généraliste. Donc, je pense que, vraiment, il y a beaucoup de ça. C'est sûr et certain. Quoique, mes frères et sœurs ne sont pas du tout dans la santé. Donc, bon. Voilà. Et donc, personnellement, j'ai hésité entre sciences politiques et la santé. Et finalement, la santé a gagné. Un côté dur, mais rassurant à se dire, on va s'inscrire à un concours et ensuite, ça va rouler. Ça permettait d'emblée de se positionner.
- Speaker #1
Et vous avez fait vos études en pharmacie. À quel moment c'est venu cet intérêt pour la médecine de catastrophe ?
- Speaker #0
J'étais en deuxième cycle de pharma pendant la crise Covid. Et du coup, étudiant en santé au début, puis ensuite, c'est une longue histoire, mais étudiant de partout à Toulouse, on a d'abord renforcé le SAMU sur le décroché téléphonique. Et ensuite, on a monté un centre de vaccination géant, qui est devenu géant. Et c'est comme ça finalement que j'y suis venue à la médecine de catastrophe. La crise Covid en plus est très particulière. C'est une cata asynétique longue. Ce n'est pas plié en deux heures. Donc c'est une SSE. C'est une situation sanitaire exceptionnelle. Et donc c'est comme ça que j'y suis arrivée. Finalement, petit à petit, ce centre a grossi. On était une dizaine d'étudiants à le gérer vraiment globalement. Donc voilà, c'est comme ça que j'y suis arrivée.
- Speaker #1
Alors vous comparez cette expérience que vous avez vécue pendant la pandémie à un livre qui s'appelle « Les enfants du Timpelbach » . Qu'est-ce que ça raconte ?
- Speaker #0
Dans ce livre, d'un coup, d'un seul, les parents disparaissent d'un village. Et puis les enfants, au début, s'amusent un peu, ils sont contents qu'il n'y ait plus leurs parents. Et puis très vite, ils se disent « Bon, il faut quand même qu'on fasse des trucs et qu'on fasse tourner ce village. Il faut de l'électricité, il faut du pain, il faut... » Et en fait, ils prennent un peu le rôle de leurs parents et ils recréent leur mini-société avec leurs règles, etc. Et c'est vrai qu'on a fait ça. Alors au début, on était 30 et on vaccinait quelques personnes qui passaient comme ça un peu. Voilà, chacun son niveau de compétence. Nous, pharmaces second cycle, on pouvait vacciner. Donc c'est vrai que chacun avec son petit truc, on faisait un peu ce qu'on pouvait. Et puis petit à petit, on a recruté de plus en plus d'étudiants et on a organisé une structure. On a instauré des hiérarchies, des référents par secteur. On a créé des équipes un peu parallèles pour gérer les plannings, pour gérer la qualité, pour gérer les ressources humaines. C'était vraiment très intéressant. Et à la fin, franchement, on était comme... Il y avait une cellule comme... Et tout ça avec que des étudiants. Et en fait, vraiment, j'avais l'impression d'avoir un mini hôpital, avec une fonction unique qui était celle de vacciner. Mais c'est vrai qu'on a recréé une structure. Et c'est ça qui est très intéressant aussi. dans ce qu'on a fait à ce moment-là.
- Speaker #1
Alors à ce moment-là, le contexte est particulier. Le système de santé fait face à une maladie infectieuse émergente, le Covid-19, et ça, ça vous a particulièrement intéressé. Pourquoi finalement ?
- Speaker #0
Oui, ce qui est le plus intéressant là-dedans, c'est que c'est très très difficile d'imaginer un exercice. Parce que comment s'entraîner à la vaccination de masse ? Si ce n'est avec des modèles informatiques. On peut envisager, ça existe, des modèles informatiques, éventuellement des jeux de société. Il y a un jeu sur le téléphone là où on est un virus, on essaie de contaminer la planète, mais on peut essayer de jouer. Mais c'est vrai qu'en pratique, c'est tellement beaucoup plus de logistique et d'organisation. Là, c'est tellement de la planification, de l'organisation, de la gestion des ressources humaines que c'est vrai que c'est passionnant parce que c'est très dur de s'entraîner et qu'avec le risque infectieux émergent, ce qui est aussi intéressant, c'est que par nature, on ne peut pas savoir. Est-ce qu'on aura ce qui est très dangereux, ce qu'on a eu avec le Covid, quand il y a des porteurs sains ? La maladie se propage beaucoup plus vite. Quand c'est beaucoup plus grave et que ça se voit beaucoup, ça se propage moins vite, mais les gens meurent plus. Je trouve que c'est le sujet qui m'intéresse le plus.
- Speaker #1
Votre travail, quand même, c'est de se préparer pour savoir réagir si le pire arrive un jour. Une catastrophe, une explosion, un attentat. C'est un travail un peu particulier.
- Speaker #0
C'est très particulier. C'est un exercice de pensée. Vraiment, quand on se pose la question, quand on y réfléchit. On se dit, c'est toujours très étonnant de se préparer, de travailler tous les matins pour préparer quelque chose, en sachant que j'espère que mon travail ne servira jamais à rien. Donc c'est vrai que, bon, intellectuellement, parfois, c'est assez amusant, mais c'est intéressant de se poser cette question en tout cas.
- Speaker #1
Bon, au quotidien, vous avez aussi des missions plus classiques, notamment l'entretien des lots médicaux et des stocks dédiés à la catastrophe. En quoi ça consiste ?
- Speaker #0
Sans rentrer dans trop trop de détails, Les sièges de SAMU, les CHU disposent et doivent disposer, c'est une obligation de stocks stratégiques dormants. Ils ont des mâles, il y en a plein. Au SAMU, c'est un grand local avec plein de mâles jusqu'au plafond. Et dedans, il y a des médicaments, des dispositifs médicaux. L'objectif, c'est que ces stocks puissent être mobilisés très vite en cas de catastrophe. Donc en effet, on a aussi des véhicules pour transporter ces mâles. à l'avant. en pré-hospitalier si besoin, mais aussi pour soutenir l'hôpital si le besoin est trop important ou si par exemple la pharmacie de l'hôpital est détruite ou partiellement détruite. Et donc ces produits de santé, ils doivent être gérés, ces stocks doivent être entretenus, c'est-à-dire que les produits ne doivent pas être périmés. Et à la fois, on doit aussi faire tourner ces produits avec l'hôpital et le circuit hospitalier pour ne pas attendre leur péremption et hop, poubelle.
- Speaker #1
Et en parallèle de cette activité, vous êtes la co-responsable du Master GORC, Gestion et Organisation de la Réponse à la Catastrophe, à Toulouse. Et dans ce cadre-là, vous collaborez avec le HESP, l'École des Hautes Études en Santé Publique, qui, elle, propose un master sur le management et le pilotage des situations sanitaires exceptionnelles.
- Speaker #0
On tire deux ficelles différentes. Ici, à le HESP, on parle beaucoup de planif, d'épidémiologie, on travaille... Aspect très santé publique, c'est vrai, c'est le but. Nous, à Toulouse, on va avoir un côté un peu plus opérationnel, avec des interventions plutôt inter-service. On a une partie SAMU, une partie pompier. On a un côté assez opérationnel. Et donc l'idée, c'est de, travaillant sur le même sujet, le même grand sujet, c'est d'arriver à chacun grappiller un peu d'expertise de l'autre pour enrichir les contenus pédagogiques et continuer à être de plus en plus complémentaires, de plus en plus liés. Parce qu'on sait qu'on forme des professionnels qui ensuite, quoi qu'il en soit, seront amenés à travailler ensemble.
- Speaker #1
Léa, on peut le dire, vous êtes pleinement engagée dans la médecine de catastrophe. Et cet engagement, il est né de rencontres aussi, dont une en particulier, celle avec Vincent Boune, qui est le chef du SAMU de Toulouse. Vous l'avez croisé pendant vos études de pharmacie, puisque c'est lui, entre autres, qui a eu l'idée de mettre en place ce centre de vaccination géant pendant le Covid. Léa, cette rencontre, elle a été déterminante ?
- Speaker #0
C'est vraiment ça, le point de départ. C'est quelqu'un de brillant, qui en plus de ça, a une dynamique projet-idée sensationnelle et impressionnante. Et c'est vrai que quand il m'a proposé de venir travailler avec lui, pour aussi ce projet de MT, une certitude, c'est qu'on va y arriver, et qu'il va le porter jusqu'au bout, et le porter avec moi aussi. Je me suis dit que c'était super intéressant, que ça ne va pas prendre l'eau, qu'on va pouvoir faire des trucs vraiment super. J'ai foncé, c'est une opportunité qu'on n'a pas tous les jours, je pense.
- Speaker #1
Aujourd'hui, vous montez une équipe humanitaire, on l'a expliqué, vous êtes responsable de ce projet. Quel est votre rapport avec vos collègues au SAMU ?
- Speaker #0
Je ne suis pas le chef des collègues qui travaillent avec moi. Là, pour le coup, je suis responsable du projet, j'anime l'organisation du travail autour de ce projet. Mais je ne suis pas le supérieur hiérarchique des paramédicaux, puisqu'ils ont un cadre. Et donc, c'est plutôt, voilà, c'est plus de l'animation d'équipe que de l'encadrement. Donc, ça nécessite, je pense, un peu de subtilité pour que tout se passe bien. C'est-à-dire que je ne donne pas d'ordre direct. Voilà, l'idée est plus d'accompagner, d'organiser un peu le travail, de permettre quand même de donner un cadre. Il faut arriver à prendre des décisions, il faut arriver à s'y tenir. Mais voilà, c'est... Plus dans cette idée-là. Et puis bon, alors le SAMU... La vie est très intense au SAMU. Le quotidien est très intense. Donc les relations interpersonnelles sont intenses. Et les interactions aussi, il faut s'habituer. Au début, ce n'est pas toujours évident. Mais voilà, ça me convient assez bien en fait. Ce mode de communication qui est parfois un peu brut et émotionnel. Mais c'est assez vrai.
- Speaker #1
La médecine de catastrophe, c'est un milieu qui reste plutôt masculin quand même. En tant que jeune femme. vous avez 30 ans, est-ce qu'il vous arrive parfois d'avoir l'impression de redoubler d'efforts pour trouver votre place et vous sentir légitime ?
- Speaker #0
J'ai l'impression que ça peut parfois être en effet un peu plus dur de vraiment dire attendez, c'est moi, c'est mon projet s'il y a une question à poser, il faut me la poser mais globalement Vincent est très porteur de ça aussi, ça aide beaucoup on se déplace forcément, je me déplace avec le chef de service contre... pour des rencontres officielles. Et c'est vrai qu'il a vraiment tendance à laisser un espace et à bien le signifier. Donc c'est vrai que sur ce côté-là, c'est bien. C'est facilitant, je dirais.
- Speaker #1
Et j'imagine qu'il y a aussi des femmes qui sont engagées dans la médecine de catastrophe et humanitaire autour de vous.
- Speaker #0
Globalement, les femmes qui sont présentes sont souvent brillantes, expertes, avec en tout cas un niveau de compétence assez important. Donc c'est vrai que parfois, Oh ! Il faut gérer son petit syndrome de l'imposteur. Plus t'as d'envergure, plus t'as d'expérience, plus t'as d'expertise, et mieux c'est pour imposer sa légitimité de toute façon.
- Speaker #1
Léa, comment vous, est-ce que vous voyez la suite de votre carrière, de votre parcours ?
- Speaker #0
L'idée pour l'instant, c'est, je me dis, il faut porter ce projet, il faut l'amener au bout, l'idéal c'est que ça marche, qu'on arrive à valoriser aussi le travail de toute l'équipe. Si le module peut sortir, servir, être mis à disposition, c'est génial. Et je me dis, après ça, on verra. Autant il y aura d'autres projets qui auront émergé, sur lesquels j'aurais hyper envie de travailler, peut-être que... du plus institutionnel me plaira aussi. Bon, voilà, je me laisse le temps d'y réfléchir. Pour l'instant, l'objectif, c'est ce projet, c'est le mener à bien, c'est en faire vraiment quelque chose d'intéressant, de bien, qui fonctionne et qui est utile. Et ensuite, on réfléchira à la suite.
- Speaker #1
Est-ce que vous envisagez, par exemple, une évolution vers le milieu militaire ?
- Speaker #0
La réserve pourrait être intéressante pour moi, mais en fait, pour plusieurs raisons. Ce milieu-là, humanitaire, mais gouvernemental, protection civile, etc., il est quand même très militaire. pas qu'en France. C'est plus un truc de pompiers ou de militaires, peu de civils civils, de super civils comme nous à l'hôpital. Et c'est vrai que c'est une culture qui me manque et que je trouverais très intéressant d'acquérir demain pour des échanges sur le terrain avec des officiers dégradés, des trucs. Je trouve que voilà, à Mayotte, j'ai appris plein de trucs sur comment on vit sur un... Un camp géré par des militaires. Je n'avais aucune notion, aucune culture de tout ça. Et je trouve que c'est très intéressant de m'acculturer au fonctionnement, de manière générale, militaire, pour être un peu plus dans le thème, je dirais.
- Speaker #1
Vous venez d'écouter Femmes de santé publique, un podcast de l'École des hautes études en santé publique. Merci pour votre écoute.