- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans Elles agissent, le podcast qui donne la parole aux femmes qui font bouger les choses. A chaque épisode, je donnerai la parole à une femme pour qu'elle nous présente son univers, son métier, ses convictions. Ce sera aussi l'occasion pour elle de nous parler d'un sujet en particulier qu'elle affectionne ou qu'elle souhaite nous présenter. Ce sont des femmes inspirantes qui nous poussent à nous interroger, à réfléchir. à avancer. Et moi, à chaque fin d'épisode, je suis vraiment motivée pour agir et j'espère que ça sera pareil pour vous.
- Speaker #1
Aujourd'hui, je rencontre Aurélia. Elle est journaliste pour Cosette et elle nous explique comment sa première grossesse l'a amenée vers l'écriture et plus précisément comment d'apprendre qu'elle allait avoir un fils a soulevé en elle des questions profondes sur des sujets comme l'éducation, la transmission de ses valeurs et notamment de ses valeurs féministes. En résumé, elle s'est demandé « Comment je vais faire pour élever un mec bien ? » Et oui, je sais, c'est une vaste question. Et de cette question, en fait, s'en est suivi un travail de recherche, d'interview,
- Speaker #0
de lecture,
- Speaker #1
pour arriver à l'aboutissement et à l'écriture de son livre « Tu seras un homme féministe, mon fils » . Alors oui, on a parlé de ce titre, qui a, et qui fait encore parler, qui a même d'ailleurs suscité une vague de haine sur les réseaux sociaux. Ce qui explique d'ailleurs en partie sa volonté de ne plus trop y être présente. Mais ça n'a pas empêché Aurélia de travailler ensuite sur un nouveau projet, un nouveau livre qui lui tenait à cœur au sujet de la maternité et du féminisme. Aurélia mêle habilement les rôles de sa vie, de femme, de mère, à ses convictions féministes et à sa volonté de transmettre des outils de compréhension pour que chacun puisse trouver l'opportunité de se construire sa propre sensibilité au féminisme. Elle nous donne d'ailleurs dans cet épisode une définition ultra inspirante de ce mot. féministe qui apparaît dans ces deux bouquins.
- Speaker #2
Je vous laisse découvrir.
- Speaker #1
Bonne écoute !
- Speaker #2
Bonjour Aurélia.
- Speaker #1
Bonjour Émilie. Je suis ravie de te recevoir. On discutait là un petit peu avant de lancer l'épisode sur ton livre. C'est vrai qu'il a fait bouger pas mal de choses. Je ne sais pas si tu as eu ce genre de retour.
- Speaker #2
Oui, je reçois... Il est sorti il y a maintenant 4 ans, ce premier livre, et c'est vrai que je reçois toujours... Pas mal de retours, je crois, qui continuent de vivre.
- Speaker #1
Avant de rentrer plus dans le sujet, dans les différents sujets, j'aimerais un peu plus te connaître. J'ai envie de parler de ton parcours, j'ai envie de parler de tes livres, de tes projets aussi, ton métier de journaliste aussi. Est-ce que, pour commencer, tu peux te présenter de la manière dont tu le souhaites, que ce soit professionnellement, personnellement ? Est-ce que tu peux nous dire qui tu es ?
- Speaker #2
Oui, avec plaisir. Alors, moi, j'ai 36 ans. Je suis mère de deux enfants qui ont 5 et 2 ans maintenant. Je suis journaliste effectivement depuis une bonne dizaine d'années. J'ai essentiellement travaillé, même toujours travaillé dans la presse écrite. Et je travaille depuis plusieurs années, depuis 6 ans pour le magazine Cosette. Voilà, donc je vis sinon à Paris, je vis en Coupe. hétérosexuelle, voilà dans les grandes lignes un petit peu qui je suis.
- Speaker #1
Et de journalisme à autrice, quand est-ce que tu as basculé, quand est-ce que tu as eu envie de passer le pas ?
- Speaker #2
La bascule s'est clairement faite pendant ma première grossesse en fait, étonnamment mes projets d'écriture sont vraiment intimement liés à ma vie de mère. à cette transition-là, et en fait, je me suis lancée dans ce premier projet de livre, tout simplement au départ de manière un peu égoïste, presque, pour répondre en fait à mes propres questions et à un propre besoin, parce que moi j'avais un manque, j'avais beaucoup de questions en tête au moment de cette première grossesse, et comme je ne trouvais pas les réponses, à ce moment-là, encouragée par... des collègues et consoeurs qui sont aussi des copines qui m'ont dit mais si, écris ce livre je pense qu'il y a matière et peut-être que sans leurs encouragements je ne sais pas si j'aurais franchi le pas mais en tout cas c'est vraiment à ce moment-là en 2017 que je me suis lancée dans ce projet.
- Speaker #1
L'environnement à compter alors ?
- Speaker #2
Oui, l'environnement à compter je crois qu'un environnement euh... féminin, soutenant, ça a été important.
- Speaker #1
Tu es journaliste pour Cosette, est-ce que tu peux m'expliquer l'intérêt de travailler pour... pour ce magazine, ce que ça t'apporte aussi dans tes réflexions, dans ton cheminement aussi en tant que féministe.
- Speaker #2
Déjà pour moi, ça a été une vraie joie de pouvoir travailler. Cosette, j'ai commencé par piger, donc par travailler comme indépendante avant de rejoindre la rédaction. Et au départ, je ne travaillais pas spécifiquement sur des sujets. forcément féministe, il était question souvent de femmes mais le fait de travailler chez Cosette ça m'a vraiment permis de me plonger entièrement en fait de manière beaucoup plus intense et quotidienne et aussi professionnelle dans tout un tas de questions liées aux droits des femmes etc donc peut-être que ce qui a changé c'est une acuité encore plus plus forte sur ces sujets parce que, bon, on traite de choses qui sont très belles, très motivantes, mais aussi de sujets parfois durs, donc travailler sur ces questions-là en tant que journaliste c'est aussi prendre encore plus fortement la mesure des combats, des enjeux, des problématiques auxquelles on fait encore face aujourd'hui sur ces questions du sexisme, de violences sexistes.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a un sujet qui t'a plus marqué qu'un autre ?
- Speaker #2
Je pense à un sujet qui m'avait beaucoup marquée, sur lequel j'avais travaillé avec une collègue. C'était un sujet qui nous tenait vraiment à cœur, qui était parti d'un mail d'une lectrice, qu'on ne connaissait pas, et qui était assez désespérée. Il s'agissait à l'époque de ce qu'on appelait des implants contraceptifs, qui sont en fait des sortes d'implants pour... Il gâturait les trompes. C'était les implants de la marque Essure et qui ont été prescrits de manière assez importante pendant quelques années. Et en fait, de nombreuses femmes ont eu des problèmes de santé très importants derrière. Et elles ont mené un combat vraiment collectif et tenace pour faire entendre le fait qu'elles n'étaient pas folles et qu'elles sentaient, qu'elles pensaient... après quelques recherches, après avoir discussion avec des femmes dans d'autres pays qui étaient déjà mobilisés, le fait qu'il y avait un problème avec ces implants, etc. Et ça, ça avait été un sujet assez fort parce qu'à ce moment-là, il y avait encore un déni des institutions gynécologiques. Donc, c'était assez parlant du système dans lequel on est, où toutes ces femmes voyaient leur voix minorée, ce qu'elles vivaient, c'était dans leur cas. tête, etc. Et puis finalement, elles ont fini par obtenir gain de cause et donc elles ont dû en passer par la médiatisation sur un sujet qui au départ n'intéressait pas grand monde, faire de contraception féminine et d'appareil. Voilà,
- Speaker #1
sujet féminin.
- Speaker #2
Voilà, donc ça c'est vrai que c'est un sujet qui m'avait marquée parce qu'il était question de corps, de bataille collective, de David un peu contre Goliath et que malgré tout, elles ont réussi à obtenir gain de cause et aussi je m'étais... senti à modeste échelle un peu utile et que du coup c'était et bien c'était plaisant ça en tout cas c'est là où je trouve du sens dans mon métier voilà ça reste un beau sujet et effectivement ça c'est
- Speaker #1
un combat qui est lourd et j'imagine que tu en vois passer en tant que journaliste est-ce que t'es genre t'arrives parfois à faire la part des choses quand tu rentres chez toi ou en fait tu t'es obligé avec ce métier d'être tout le temps impliquée.
- Speaker #2
J'ai le sentiment d'être un peu tout le temps impliquée et c'est peut-être parfois l'aspect épuisant de ce métier parce qu'on ne coupe jamais totalement, c'est-à-dire que ce qu'on ingère, qu'on intègre, qu'on voit, qu'on lit, au travail, ça ne disparaît pas une fois qu'on rentre à la maison. Donc on a ces éléments en tête. Disons que ça marque notre façon de voir les choses et par ailleurs, quand je rentre chez moi, comme beaucoup de gens... peut lire ou écouter les infos, donc j'ai mon regard de spectatrice, de citoyenne, mais aussi de journaliste qui tourne, et puis je suis toujours un peu en alerte aussi, c'est-à-dire des formations professionnelles, mais ce que je vois dans ma vie quotidienne, souvent ça reste quelque part, où je me dis tiens, ça c'est peut-être matière à sujet, peut-être que ça il faudrait en parler, il se joue peut-être quelque chose ici, enfin voilà, donc Oui, ça tourne tout le temps. Ça tourne un peu tout le temps, voilà. Et pareil, quand j'écris ces deux livres, c'est vrai que ma vie personnelle est une succession de notes, de post-it et de choses où je me dis, tiens, ça, il faudrait peut-être creuser, il faudrait peut-être me relier à ça. C'était carrément un mur de post-it. Alors non, pas comme dans les films, même si je rêverais d'avoir une pièce avec un grand mur comme ça. Mais par contre, j'adore les cahiers et les carnets. beaucoup de gens qui travaillent souvent dans les métiers de l'écrit et donc les post-it, les notes de téléphone et les pages de cahiers, voilà.
- Speaker #1
Tu l'as évoqué là rapidement, on va revenir dessus sur tes deux livres, on va parler du premier, Tu seras un homme féministe, mon fils. Tu as dit là en tout début de ta présentation que c'était lié à ta grossesse, ta première grossesse, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus justement sur ce cheminement ? sur les déclics, sur le fond aussi de ton livre. Donc tu as eu un garçon ? Oui,
- Speaker #2
j'ai eu un garçon en premier, qui est né en juillet 2017. On ne souhaitait pas connaître le sexe de ce bébé, donc jusqu'à sa naissance, on ne savait pas que ce serait un garçon. Mais néanmoins, j'avais une sorte de conviction profonde, qui aurait pu se révéler totalement fausse, mais bon, que ce bébé allait être un garçon. et En fait, je ne sais pas, il y a un jour où je me suis dit, je sens que ça va être un garçon. Et je crois que quelqu'un m'avait dit, c'est sûr, c'est sûr, pourtant un garçon. Comme tout le monde fait toujours énormément de projections. Oui, tout le monde a fort du ventre. Mais venant de cette personne, je ne sais pas pourquoi, ça m'avait un peu bousculée. Et c'est vrai que ce jour-là, j'ai ressenti une sorte de vertige en fait. Et je me suis rendue compte que ça me posait beaucoup de questions. Une sorte, je crois que vertige, c'est le mot en fait, une sorte de questionnement très fort. Ma question principale était de me dire, mais en gros, si je résume, comment je vais faire pour élever un mec bien ?
- Speaker #1
Quand tu as réagi que tu allais avoir un garçon. Quand on t'a dit, ah mais ça peut être vrai.
- Speaker #2
Oui, c'est ça, c'est devenu concret. En fait, je crois qu'un peu naïvement... Voilà, pour des raisons à la fois tout à fait personnelles et intimes, je m'étais toujours imaginée avoir une fille. Enfin, moi, je me suis toujours imaginée avoir des enfants. Et dans mon imagerie, dans mon histoire intime... Comment peux-tu le savoir ? Voilà, il était évident que, bien sûr, j'aurais une fille, en fait. Et que j'aurais cette relation... Enfin, j'ai une très belle relation avec ma mère, avec ma grand-mère qui est toujours en vie. Donc, je pense que je pensais perpétuer ça. Et là, un garçon... En soi, je voulais absolument cet enfant. J'étais tout à fait ravie, mais je me suis dit... comment je vais faire pour, moi qui suis très féministe, pour lui inculquer ses valeurs. Autant j'imaginais bien transmettre ça à ma fille. J'y voyais quelque chose de très positif, de très valorisant. Et là, j'étais face à un questionnement un peu confus, de me dire comment l'élever en lui transmettant ses valeurs. Si c'était si simple, on n'aurait plus tous ces problèmes de sexisme, puisque quand même des générations de femmes et de parents féministes nous ont précédées. Comment est-ce qu'ils s'y sont pris ? Comment lui parler de ça, le sensibiliser sans le dégoûter ? Comment être dans quelque chose qui soit positif dans sa construction à lui, de petit garçon, de futur homme ? Voilà, c'est aussi si toi,
- Speaker #1
tu avais des choses à déstructurer, déconstruire. Dans ta représentation, justement, du féminisme, des hommes, du sexisme, etc.
- Speaker #2
Plus qu'une question de déconse... Oui, je me demandais, est-ce qu'il y a des pièges à éviter ? Est-ce que... En fait, une des grandes questions, c'était comment font les autres ? Comment on fait les autres ? Qui a déjà réfléchi à ces questions ? Moi, quand j'ai ce genre de questions, c'est vrai que mon réflexe, souvent, c'est de me tourner un peu vers la lecture. pour me dire, des gens ont forcément déjà réfléchi à ces questions donc je vais trouver, et donc c'est vrai que ça a été ce que je raconte dans le livre, mon premier réflexe comme beaucoup de gens, Google comment élever des garçons féministes Google va forcément répondre à mes questions et en fait, à cette époque pas du tout, et je crois que ça a été en fait, un peu une claque une grande surprise, je me suis dit mais en fait c'est bizarre Pourquoi ? Donc voilà, c'est à ce moment-là que la machine s'est mise en marche, mais je crois que j'avais besoin d'outils pratiques, parce que souvent, j'avais un peu le sentiment que la réponse était « non, mais il suffit de les aider dans le respect de l'autre, et puis leur inculquer en gros nos valeurs d'ouverture, et ça suffira » . Or, moi, ce que je constate dans ma vie et dans mon travail, c'est que les mécanismes sexistes, ces mécanismes aussi, le rapport de domination... qui peuvent exister, c'est beaucoup plus complexe. Ce n'est pas qu'une question de gentil et de méchant. Ce n'est pas un enjeu moral. Il n'y aurait pas d'un côté les méchants hommes sexistes. C'est beaucoup plus complexe que ça. Et donc, du coup, j'avais surtout beaucoup de questions au départ.
- Speaker #1
Et alors, ces questions sont arrivées pendant ta grossesse. Tu as fait des recherches. Au début, tu ne trouvais pas de réponse. Après, tu as commencé à te poser un peu plus. Comment ça s'est construit après de se dire, je vais vraiment aller vraiment... trouver des réponses, me les construire aussi moi-même, et puis surtout, je vais écrire un livre de ce genre. de toutes mes réflexions ?
- Speaker #2
C'est vrai que c'était un peu un travail parallèle avec d'un côté pas mal de lectures, puisque là j'ai commencé quand même à lire de manière plus importante des travaux, des écrits, tout un tas de choses sur la masculinité, les masculinités, donc il y avait ça d'un côté, et de l'autre, en fait, finalement, la structure du livre elle est apparue de manière assez évidente pour moi, c'est-à-dire que j'ai suivi le fil de mes questions. de mes propres questions, c'est-à-dire là, mon enfant, au départ, n'était pas là, puis il est tout petit, puis ensuite, quelles sont les étapes ? En fait, j'ai un peu suivi ce qui me paraissait, en tout cas à ce moment-là, être les grands questionnements qu'on peut avoir en tant que parent. Et à partir de là, tout l'enjeu pour moi était de me dire, comment on peut tirer finalement une approche, des réponses ou des clés un peu concrètes ? de ce qu'on lit, de travaux, parfois de sociologie, de psychologie sociale, etc., qui sont plus de l'ordre du concept, du débat d'idées. Moi, ma question, c'était qu'est-ce qu'on en fait, en fait, en tant que parent ? Et c'est là où, par contre, je me suis dit, il faut que je me tourne vers des gens dont c'est le métier, d'une manière ou d'une autre, de travailler sur ces questions. Et c'est comme ça que ça s'est articulé.
- Speaker #1
ton livre est rempli d'enquêtes de ressources de livres, de tout ce qui a été fait d'interviews moi ça m'a fait penser à une enquête sociologique tu as parlé de sociologie dans la phrase avant mais moi je l'avais noté ça me fait vraiment penser à une enquête de terrain un travail de sociologue alors sociologue peut-être j'irai pas jusque là mais par contre c'est vrai que finalement
- Speaker #2
j'ai appliqué ce que je sais faire en tant que journaliste d'essayer alors autant que possible de m'appuyer sur des travaux solides. Par exemple, quand il est question de chiffres, donc c'est certes imparfait, je pense qu'avec l'heure qu'il y a des choses que j'ajusterai, mais globalement, c'est quand même des choses qui sont très documentées. Je crois qu'en fond aussi, j'avais cette petite voix. Enfin, ce livre, il y avait beaucoup de choses... quelque part très personnelle dans ce livre, et des années aussi d'échanges et de discussions aussi avec des proches, avec lesquels je n'étais pas forcément d'accord, et je crois qu'il y avait en arrière-fond l'idée de répondre à tout un tas d'objections que je savais qu'on allait me faire. Voilà, donc l'idée de... En tout cas, il y avait la volonté d'être solide sur les références, les arguments, et sur la démonstration avec laquelle on ne peut pas être d'accord, mais il y avait une... exigence oui journalistique je pense tu t'es mis combien de temps à faire ce livre ces recherches bah en fait je l'ai ça s'est fait relativement vite parce que ce projet s'est concrétisé très vite peut-être un peu trop pour moi parce que j'avais un bébé qui était petit encore à l'époque mais je dirais que j'ai travaillé un an et demi dessus et à peu près dix mois d'écriture quand même ouais Finalement, mais c'est vrai que ça a été une période très intense. J'ai passé dix mois, c'était une seconde grossesse, beaucoup plus dure que la première, la vraie, où là, j'ai baigné dedans, je pensais, respirais, et passais tout mon temps plongée dans ce livre.
- Speaker #1
Le titre est accrocheur. En tout cas, au début, je me suis un peu arrêtée sur le titre en me disant que ça m'avait fait un peu peur, presque. Je ne savais pas trop où ça allait me mener. C'est fait exprès.
- Speaker #2
Alors, oui et non, pour être tout à fait honnête. C'est vrai que ce titre, c'est ce qu'on disait avant de commencer l'enregistrement, il me semble que ce titre est beaucoup plus injonctif que ne l'est le contenu. En tout cas, moi, ma démarche était vraiment de ne pas être dans quelque chose d'injonctif. alors pour raconter la petite histoire de ce titre en fait il se trouve que tout simplement au départ c'était mon titre de travail le titre qui m'est venu spontanément, qui résumait pour moi le mieux le projet et la démarche et j'aimais bien ce titre parce qu'il y avait un clin d'œil évidemment à ce fameux poème « Tu seras un homme, mon fils » et il y avait ce petit pas de côté pour dire « Tu seras un homme, mais un homme féminin peut-être » . Après, c'est vrai que moi, j'ai un peu hésité au moment du choix du titre en me disant « Est-ce que ça ne va pas faire un peu peur aux gens ? » Donc, je comprends tout à fait ta réaction. Et en même temps, en discutant avec mon éditrice notamment, on en est arrivé à la conclusion que ça nous semblait être le titre le plus parlant. par rapport à ce qu'on pouvait trouver dans ce livre.
- Speaker #1
Et il peut faire peur, je pense, parce qu'on a chacun notre notion et notre définition de ce féminisme.
- Speaker #2
Oui, absolument. Et je pense que c'est un mot, alors peut-être moins aujourd'hui, et encore je ne sais pas, mais c'est vrai qu'il y a encore quelques années qu'il pouvait faire très peur. D'ailleurs, en fait, pour la petite histoire, ce livre, quand il est... Le jour où j'ai annoncé sa sortie sur ma page Facebook perso, qui est donc vraiment une page perso, J'avais mis ce post en public et en fait, très vite, il a été énormément partagé, y compris dans des groupes très antiféministes et très hostiles. Et ça a suscité vraiment une vague énorme de commentaires haineux et qui me disaient... Par exemple, on m'a beaucoup dit « alors à quand tu seras une fille machiste, ma fille ? » Il y avait vraiment une confusion, un amalgame, volontaire ou pas, soit de bêtises, soit de... Oui, de mauvais esprit pour dire... Voilà, en fait, vous voulez éduquer des hommes qui, voilà, on va très bien d'ailleurs le pendant, mais qui se détestent eux-mêmes, qui détesteraient les hommes, qui seraient efféminés. Enfin, voilà, il y a des choses qui sont plus dans ton livre. Voilà, mais je pense qu'ils ne liront pas. Non, clairement.
- Speaker #1
Et justement, c'est pour ça que tu es assez discrète sur les réseaux sociaux, c'est à cause des...
- Speaker #2
Alors, c'est sûr que ça ne m'a pas convaincue de m'exposer davantage. Non, j'ai un rapport assez ambivalent aux réseaux sociaux. Je les utilise comme tout le monde et sans doute un peu trop. Je m'en sers beaucoup pour lire, suivre l'actu, pour y piocher aussi des idées, de sujets. Par contre, je suis très frileuse à l'idée de m'exposer dessus. C'est vrai que je ne parle pas de ma vie personnelle, par exemple, sur les réseaux. Et même dans un cadre professionnel, je me limite au strict minimum parce que j'y trouve beaucoup de violence, en fait, moi, dans les réseaux. Alors, soit une violence tout à fait décomplexée, soit quelque chose de plus insidieux. Et donc, voilà. Oui,
- Speaker #1
tu peux dire.
- Speaker #2
séparés en tout cas et je sais qu'il y aurait eu, on m'a demandé pourquoi je ne faisais pas un peu plus de contenu sur par exemple qui déclinerait ce qu'il y a dans le livre etc je sais que ça intéresserait des gens mais moi dans mon cas personnel même si j'adore suivre des gens qui font ce type de contenu et que j'adore les lire moi j'aime bien m'en tenir à mon rôle de journaliste d'une part, autrice d'autre part et pas être dans un mélange des genres voilà de devenir une sorte Merci. d'influenceuse parentalité. Je trouve que des gens font ça très bien et je ne pense pas avoir envie ni besoin d'en rajouter là-dessus.
- Speaker #1
Et c'est un métier différent.
- Speaker #2
Exactement, c'est un métier différent et puis il y a une dimension, enfin moi, quelque chose qui me fatigue beaucoup dans le rapport au réseau, ce sentiment de sollicitation permanente, je le vois en fait dès qu'il y a un poste qui suscite un peu d'intérêt. Voilà, ça veut dire derrière des messages auxquels il faudrait...
- Speaker #1
Ça t'oblige à de l'échange,
- Speaker #2
ça t'oblige de répondre à des choses. En fait, à être actif là où... Moi, en fait, parfois, juste j'aspire à être chez moi, tranquille. Et en fait, j'y vois une sorte de charge semi-professionnelle un peu permanente. Et c'est quelque chose qui m'étouffe un peu vite. Donc, c'est vrai que je garde une distance, une sorte d'hygiène un peu... psychologique pour moi parce que je sens que sinon ça me ferait pas forcément nécessairement beaucoup de bien.
- Speaker #1
Et sur ce donc ce premier livre, Tu seras un homme, tu es mon fils, il y a vraiment plusieurs pistes de réflexion, des outils concrets sur des choses qu'on peut mettre en place. Je voudrais savoir si toi tu en avais un particulièrement qui t'avait marqué ou que tu avais appliqué, qui t'a fait réagir et où tu peux nous conseiller pour commencer.
- Speaker #2
Dans les outils Alors je ne sais pas si ça va répondre à ta question, parce que ce n'est pas un outil au sens d'une méthode, mais quelque chose que moi j'ai beaucoup en tête, c'est cette question de la romantisation des rapports entre enfants. C'est-à-dire que j'ai vraiment pris conscience en travaillant sur ce livre et en plongeant dans certains de ses travaux. Donc il y avait cette espèce de ce que j'appelle la romantisation des rapports entre filles et garçons, c'est-à-dire toutes ces phrases qu'on leur fait tout le temps, « Ah c'est ton amoureuse, c'est ton amoureux, on va les marier ces deux-là. » Et en fait ça c'est très présent, et ça c'est quelque chose sur lequel je fais assez attention dans ma façon dont je vais, enfin je m'auto-censure pas, mais c'est vrai je veille avec mes enfants à maquer ce genre de discours, à être très ouverte. dans les relations ma fille elle est petite donc ça la concerne moins pour le moment mais mon fils dans les relations qu'il a avec ses copains et ses copines, par exemple s'il me parle toujours de sa super copine, de ne pas être tout de suite assez teneureuse être dans quelque chose d'inclusif aussi par exemple de dire le jour où tu auras un amoureux ou un amoureux ça c'est quelque chose que j'ai pas mal mis en place d'ailleurs ton fils te
- Speaker #1
parle de ton livre je pense que vous en avez lu
- Speaker #2
On en a pas beaucoup parlé Mais comme cette année L'année qui vient de se passer J'étais en écriture du second Et qu'il y a un moment où c'est devenu assez intense Donc je lui ai expliqué que j'avais moins de temps Parfois en soirée ou le week-end Il y a eu une fin d'année un peu chargée Et donc que je voulais absolument terminer ce livre Donc évidemment ça va Et il avait déjà vu ce livre Mais quand il l'avait vu je pense qu'il était plus petit Ça suscitait moins de questions Alors que là il m'a demandé le titre du livre Merci. précédent et donc on a parlé de qu'est ce que c'était féministe etc qu'est-ce que ça voulait dire et j'ai répondu à ces questions mais une fois que j'ai répondu ça pour l'instant ça n'a pas suscité...
- Speaker #1
Est-ce qu'elle a réagi sur la couverture ?
- Speaker #2
Non, pas vraiment.
- Speaker #1
Parce que ma fille a réagi. Ah,
- Speaker #2
alors qu'est-ce qu'elle en a dit ?
- Speaker #1
Elle m'a dit maman, je me demandais de quoi ça parlait donc j'ai dit ça parle de comment les garçons ils ont le droit de faire ce qu'ils ont envie, comme les filles pareil, les filles et les garçons etc. Elle m'a dit c'est pour ça que là j'ai l'habitude de dire que les garçons ils ont le droit de faire la danse. ça veut dire que nous on a le droit si on veut mettre une moustache elle s'est très bien compris elle a très bien compris et c'est surtout la notion de droit ce qui elle l'a dérangé c'est que les garçons mettent du rose et tu en parles dans le livre et je vais essayer de lui demander pourquoi elle savait déjà pas l'expliquer mais c'était déjà ancré alors clairement ça vient pas de moi que le rose égale le fil et ça ça m'a ça m'a un peu choquée quoi je me suis dit mais d'où ça vient ?
- Speaker #2
Oui, ça vient de notre environnement socio-culturel sans aucun doute sur les enfants, moi j'ai eu l'année dernière avec mon fils, ça a été vraiment l'année des premières questions sur il y en a pas eu beaucoup mais quand même en revenant de l'école tel copain m'a dit que par exemple il avait des sandalettes, que les sandalettes c'est pour les filles, on a eu les sandalettes c'est pour les filles le baume à lèvres c'est pour les filles etc. Donc moi j'aime plutôt bien ce genre de questions parce que je trouve que ça donne une bonne porte d'entrée, on en a discuté et tout, et donc on est arrivé à la conclusion que les cendres à l'aise c'était pour les gens qui ont des pieds, et en fait ça ça lui a beaucoup plu, et donc du coup maintenant il était à l'aise avec ça, et en même temps on voit, moi je vois dans l'entourage familial par exemple, les remarques quand il veut se mettre des élastiques dans les cheveux, etc. ça va être le premier à dire mais si bien sûr qu'on a le droit de tout faire filles ou garçons etc je sais pas combien de temps ça durera je pense qu'à un moment donné le regard social va devenir sans doute plus fort que ça mais bon c'est déjà un sujet dont on discute et je crois que l'idée qu'on peut faire ce qu'on veut qu'on soit fille ou garçon ça me plaît beaucoup de faire ce qu'on veut globalement ça me plaît beaucoup Nous avons compliqué l'idée.
- Speaker #1
Ton deuxième livre est sorti le 21 septembre, il s'appelle « Tu seras une mère féministe » . Tu dis, tu n'es pas très présente sur les réseaux sociaux, on en a parlé, mais tu as quand même dit que c'était un coup de gueule.
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous dire pourquoi ?
- Speaker #2
Oui, c'est vrai que ce second livre est né en partie d'une... Ouais, c'est un coup de gueule, c'est né de colère, colère au pluriel, de colère que j'ai...
- Speaker #0
vraiment ressenti très fortement en devenant mère en fait c'est à dire que comme pour beaucoup de femmes l'expérience de la maternité ça est magnifique mais c'était aussi un énorme tsunami sur le plan personnel identitaire et en fait j'ai eu énormément de colère par rapport à un tas de choses de façon dont sont traités les mères en fait dans notre société ça commence avec la solitude dans le post partum mais ça continue bien au-delà et oui, j'avais en fait beaucoup de choses à dire. Aussi, il y avait là aussi un sentiment de manque, un peu comme pour le premier, c'est-à-dire que moi, je me suis sentie un peu démunie de ne pas trouver grand-chose à l'époque, c'est moins vrai aujourd'hui, qui parlait de maternité et de féminisme. Comme si, en tant que féministe, quoi qu'on avait des enfants, l'histoire, elle s'arrêtait là et merci, au revoir. Mais en fait, qu'il se passe après, pour nous ? en tant que femme féministe, quand on devient mère. Enfin voilà, j'avais là aussi beaucoup d'interrogations et un sentiment, oui, un peu de révolte.
- Speaker #1
Tu as fait appel à plusieurs femmes aussi qui sont intervenues dans ce livre ?
- Speaker #0
Oui, alors j'ai fait appel effectivement là aussi à des femmes que j'ai souhaité interviewer pour savoir, par exemple... C'est un livre qui aborde vraiment de manière très large, qui décortique un peu tous les enjeux féministes autour de la maternité. Ça va du corps jusqu'aux finances, en passant par le travail, la vie sociale. C'est un spectre assez large. C'est vrai que j'ai essayé là aussi de trouver des ressources, comment on peut avoir des outils intellectuels pour mieux vivre les choses, pour faire face. Et donc là, j'ai été chercher effectivement encore des réponses auprès de gens. travaillent spécifiquement sur ces questions ou qui agissent là-dessus. Mais à la différence du premier, j'avais un petit peu travaillé à partir de témoignages de parents que j'avais interviewés pour le premier, mais là, je l'ai beaucoup plus fait. C'est-à-dire que j'ai passé un appel à témoins sur les réseaux quand j'ai commencé le travail sur ce second livre, et en fait, j'ai eu tellement de réponses de femmes. Je pense que de mémoire de journaliste, j'utilise assez peu les réseaux sociaux, mais je m'en sers quand même régulièrement pour... poser des appels à témoignages et jamais j'ai eu autant de réponses aussi vite, enfin là j'ai eu des centaines de réponses très très vite donc il y avait aussi on sentait qu'il y avait un vrai sujet et donc ça, ça a été un matériau pour moi très précieux et important dans le livre d'avoir cette diversité de témoignages, d'expériences de vécus et en même temps des choses qui se refroisent presque toujours Et tes deux livres ont le mot féministe Oui
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous en donner ta définition ?
- Speaker #0
Pour moi, le féminisme, c'est finalement un mouvement d'émancipation. Donc, on peut le vivre de différentes façons. Dans mon cas, c'est finalement avoir une grille d'analyse qui permet d'interroger les choses. au prisme des rapports de domination genrée. Pour moi, le féminisme, c'est un outil, un vecteur d'émancipation. C'est quelque chose qui doit nous permettre de mieux comprendre ce qu'on vit, qui doit nous aider ou qui peut nous permettre de nous réunir aussi, de se sentir moins seul, de trouver des espaces, que ce soit en ligne ou dans la vie réelle, pour partager ce qu'on vit, pour pouvoir en parler, pour pouvoir se soutenir et pour... ensuite tenter de faire changer ce qui doit l'être.
- Speaker #1
Belle définition. Aurélien, avant de se quitter, j'ai quelques questions qui sont liées à l'action,
- Speaker #0
ou voilà,
- Speaker #1
pour te connaître aussi différemment. Donc déjà, j'avais justement autour de l'action et d'agir, à quel moment tu t'es dit, là je mène vraiment une action, je suis vraiment en train d'agir ?
- Speaker #0
je me le suis rarement dit mais j'ai commencé à me le dire en ayant les premiers et nombreux retours après mon premier livre en fait parce que mon syndrome de l'imposteur se portait magnifiquement bien, j'étais quand même partie du principe que ce livre possiblement n'intéresserait pas grand monde et que peut-être il serait pas très lu et en fait la suite m'a plutôt montré l'inverse Merci. Et là où j'ai eu le sentiment, où je me suis dit, ah ben en fait, peut-être que c'était une action à mon échelle, c'est de recevoir vraiment beaucoup, beaucoup de messages de femmes, parfois d'hommes, qui me remerciaient et qui disaient qu'ils avaient trouvé dans ce livre, que ça leur avait fait du bien, notamment, je pense, à des femmes qui m'ont dit, ça m'a fait du bien, parce que je me suis posé les mêmes questions, en fait. Et le fait de voir ces questions posées, traitées, donc là, je me suis dit qu'il y avait un levier d'action et aussi de voir tout simplement des gens s'en saisir et aussi des pairs dire, voilà, j'ai des outils, ça m'a beaucoup questionné, j'essaye de changer des choses et tout. Là, je me dis que oui, sans doute, on tient un petit levier d'action.
- Speaker #1
Je te confirme. Je te confirme. Imaginons que tu peux mettre en place une loi qui, pour toi, vraiment serait dans l'action, te permettrait d'agir sur le thème que tu veux. Ça serait quoi ?
- Speaker #0
Je crois que si j'avais une super baguette magique de législateur, demain, je ferais une grande réforme des congés parentaux. Alors particulièrement du congé parental. pas le congé maternité, mais celui qu'on peut prendre ensuite, mais qui est tellement mal indemnisé que moins d'un pour cent des pères le prennent à plein temps, et ce sont majoritairement des femmes qui le prennent. Donc oui, déjà, je commencerai par revaloriser, comme on dit, par payer correctement, ce qui en fait n'est pas un congé, mais qui est équivalent à un travail. Voilà, ça c'est quelque chose que je changerai. et aussi je réformerai le congé paternité que j'allongerai et le congé maternité pour les indépendantes notamment parce que je crois savoir que c'est assez compliqué donc voilà je pense que j'agirai là-dessus
- Speaker #1
Très bien, est-ce que tu peux nous parler d'un domaine d'activité qui n'a rien à voir avec ce qu'on a évoqué pendant cet épisode mais que tu aimes et qui fait partie soit de tes passions soit des choses que tu aimes faire
- Speaker #0
Eh bien, c'est tout. je pourrais parler de la musique puisque la musique a occupe une grande place dans mon histoire et que aujourd'hui je n'en fais plus beaucoup voire plus du tout mais j'ai longtemps joué de la musique voilà j'ai fait de la base dans un groupe j'avais monté une association j'ai fait mes débuts de journaliste avec un franzyme musical donc Voilà, ça a été... La musique, c'est quelque chose qui est important pour moi dans mon parcours et dans ma vie.
- Speaker #1
Et peut-être sur un futur projet ?
- Speaker #0
Non. Alors là, pour l'instant, j'ai pas encore de... Enfin, j'ai plein d'envie, mais mon projet actuel, c'est surtout la sortie de ce nouveau livre. Mais le prochain projet sur lequel j'aimerais travailler vraiment, ce sera un roman. Mais ça, c'est peut-être le projet d'une vie. Donc je ne sais pas quand est-ce que ça se concrétisera.
- Speaker #1
C'était ma dernière question, tu as répondu. C'est peut-être un signe. On va le prendre comme ça. Merci beaucoup.
- Speaker #0
Merci à toi, c'était un plaisir. Un plaisir partagé, merci beaucoup.
- Speaker #2
J'espère que cet épisode vous a plu. Merci d'avoir pris le temps de l'écouter. N'hésitez pas, si vous avez aimé, à le partager, à le commenter, à faire vivre la communauté Elzagis. Je vous retrouve très vite pour un nouvel épisode. Et n'oubliez pas que des lives sont aussi disponibles sur mon compte Instagram emily.b.sophrologue et que vous pouvez aussi retrouver toutes les informations de l'épisode sur le site du podcast www.elsagis.com. A très bientôt !