- Guillaume
Bonjour et bienvenue dans ce podcast Vidal consacré à un sujet essentiel mais aussi parfois délicat, la communication autour du traitement hormonal de la ménopause ou THM. Comme nous l'avons abordé dans les épisodes précédents, la ménopause représente une étape charnière dans la vie des femmes, une période de transition qui mérite une attention particulière, à la fois pour prévenir certaines complications et pour préserver la qualité de vie. Le THM dispose aujourd'hui de données solides en termes d'efficacité et de tolérance, pourtant forcées de constater que trop de femmes restent mal informées ou sont orientées vers des alternatives dont l'efficacité n'est pas validée scientifiquement. Transmettre la bonne information pour un choix éclairé, c'est tout l'objet de ce podcast réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire Besin Health Care et avec nous pour en parler le docteur Lorraine Métro-Montelet, bonjour.
- DR. L MAITROT-MANTELET
Bonjour Guillaume.
- Guillaume
Vous êtes gynécologue médicale à l'hôpital Cochin à Paris et membre du bureau du GEMVI, le groupe d'études sur la ménopause et le vieillissement hormonal. Alors tout d'abord, docteur Maître Montelet, qu'est-ce qu'un THM ?
- DR. L MAITROT-MANTELET
Alors pour comprendre ce qu'est un THM, il faut déjà comprendre ce qu'est la ménopause. La ménopause, c'est une situation tout à fait physiologique que toutes les femmes vont rencontrer vers l'âge de 50 ans, mais qui va se manifester en fait par un état de carence hormonale et essentiellement de carence en oestrogène. qui va pouvoir aboutir chez certaines femmes à un certain nombre de symptômes et parfois des complications à court, moyen et long terme. Lorsqu'on va prescrire un traitement hormonal de l'aménopause, on va redonner de manière exogène des hormones, une composante oestrogénique. En France, on donne ce qu'on dit le THM à la française. Les oestrogènes, ça va être de l'estradiol, qu'on va donner par voie percutanée, sous forme soit de gel, soit de patch. On va associer à une composante un progestatif. qu'il faut prendre au moins 12 jours par mois pour protéger l'utérus et éviter le sur-risque de cancer de l'endomètre. Et en France, on donne de la progestérone micronisée ou de la didrogestérone. Donc ce sont des traitements qui sont différents des traitements qui ont été publiés par les études américaines, notamment la fameuse WHI dans les années 2000. Et ces traitements, tels qu'on les donne nous en France, vont limiter le risque cardiovasculaire et également le sur-risque de cancer du sein.
- Guillaume
Quels profils de patientes peuvent bénéficier de ce traitement hormonal de la ménopause ?
- DR. L MAITROT-MANTELET
Alors, les principales indications du traitement hormonal de la ménopause, c'est les patientes qui vont ménoposer, qui vont avoir un syndrome climatérique, c'est-à-dire souffrir d'un certain nombre de symptômes comme des bouffées vasomotrices, de la sécheresse vaginale, des troubles de l'humeur, des douleurs articulaires, et que ces symptômes aient un réel retentissement à la fois familial, social, professionnel. Il va y avoir aussi les patientes qui sont à risque d'ostéoporose et de complications à type de fracture. Donc ces patientes-là vont être également éligibles pour... un traitement hormonal de la ménopause. Et enfin, une indication importante, c'est les patientes qui ont ce qu'on appelle une insuffisance ovarienne prématurée, c'est-à-dire la survenue de leur ménopause avant l'âge de 40 ans.
- Guillaume
Et y a-t-il, à l'inverse, des cas dans lesquels il n'est pas possible de prescrire le THM ou des cas où ce traitement serait contre-indiqué ?
- DR. L MAITROT-MANTELET
Alors oui, tout à fait. C'est vraiment important de détecter ces contre-indications avant la prescription éventuelle du THM. Les principales contre-indications, ce sont un antécédent personnel d'accidents cardiovasculaires, donc de type infarctus du myocarde ou accidents vasculaires cérébraux ischémiques. C'est également le fait d'avoir soi-même un antécédent personnel de cancer hormonodépendant. Donc ça peut être un cancer du sein ou certains types de cancers de l'utérus. Et puis, quand on a beaucoup de facteurs de risque cardiovasculaires, par exemple une hypertension artérielle mal contrôlée, une dyslipidémie, un diabète qui est mal équilibré, des antécédents familiaux qui font que du coup, on est plus à risque vasculaire. Et dans ces cas-là, la fameuse balance bénéfice-risque. ne sera pas favorable. Et puis, ces certaines évolutions hépatiques, manifestations hépatiques évolutives ou certaines pathologies auto-immunes comme le lupus, il faut bien comprendre que la prescription du THM va vraiment s'inscrire dans l'évaluation d'une balance bénéfice-risque tout à fait individualisée.
- Guillaume
Malgré les nombreuses situations où le traitement hormonal pourrait être bénéfique, après ce fameux bilan individualisé, pourquoi son utilisation reste-t-elle aussi faible selon le rapport parlementaire de la députée Rist en 2024 ? Seuls 2,5% des femmes ménopausées en France y ont eu recours. Pourquoi ?
- DR. L MAITROT-MANTELET
Alors effectivement, à la mission parlementaire sur la ménopause, qui a abouti à l'élaboration de 25 propositions. Et donc, ce rapport DRESS, un constat édifiant, la prise en charge de la ménopause en France est totalement insuffisante, voire même lacunaire, pour reprendre les mots du rapport. Alors, c'est tout à fait multifactoriel. Tout d'abord, il y a une réticence des praticiens de santé à prescrire le traitement hormonal de ménopause. Je parlais de la WWHI, donc les études américaines dans les années 2000. Même si les résultats ont été... nuancées, recontextualisées, réanalysées. On sait que ce n'étaient pas les mêmes patientes, qu'elles étaient plus âgées, qu'elles étaient à risque, que ce n'étaient pas les mêmes traitements qu'en France. Eh bien, ces études ont laissé dans la tête des prescripteurs des craintes. La formation des praticiens de santé n'est pas optimale non plus. Donc, c'est vrai qu'à la fois, il y a des craintes et en même temps, le maniement de ces traitements hormonaux n'est pas toujours complètement acquis par les médecins. Et puis, d'un point de vue des patientes, il y a des craintes, des idées reçues qui sont véhiculées par les réseaux sociaux et parfois amplifiées. Et c'est vrai qu'on a du mal parfois à lutter contre ces idées reçues. Donc c'est vrai que le rapport met bien en évidence qu'il y a une forme de tabou autour de la ménopause, une communication qui n'est pas suffisante, et qu'à la fois cette crainte du THM et le manque de formation font qu'on a du mal aujourd'hui à proposer aux patientes... de manière sereine, un traitement qui pourtant pourrait être bénéfique chez un certain nombre de femmes.
- Guillaume
Merci pour ce constat. On y reviendra tout à l'heure si vous le voulez bien. Mais concrètement, quelles informations les professionnels de santé doivent-ils partager avec leurs patientes au sujet du THM pour améliorer cette communication ?
- DR. L MAITROT-MANTELET
Alors l'information, elle doit être vraiment claire, appropriée. Et donc, tout d'abord, on doit bien expliquer à la patiente que la prescription éventuelle d'un THM va donc s'inscrire dans cette fameuse balance bénéfices-risques. Donc, les bénéfices, quels sont-ils ? C'est si la patiente a des symptômes invalidants, si elle est à risque osseux, de fractures ou d'ostéoporose, ou bien ça peut aussi être en termes de protection vasculaire quand on est bien dans la fenêtre d'intervention, c'est-à-dire dans les 10 ans qui suivent la ménopause. Et puis, il faut également, je crois, de manière tout à fait... Claire lui parlait des éventuels risques. Donc, on sait qu'il y a un léger sur-risque de cancer du sein. Donc, avec les traitements utilisés en France, moindre qu'avec les traitements qui étaient utilisés aux États-Unis. Mais on leur explique qu'au bout de cinq ans d'utilisation, eh bien, c'est deux cas supplémentaires pour mille femmes et qu'au bout de dix ans d'utilisation, eh bien, c'est six cas supplémentaires pour mille femmes. En leur expliquant bien que ce n'est pas forcément le traitement hormonal qui est responsable du cancer. Ce n'est pas forcément un effet, ce qu'on dit, initiateur, mais un effet promoteur. mais En même temps, en expliquant bien aux patientes qu'elles vont être surveillées et que souvent, ce sont des cancers de meilleure pronostique. Donc ça, on leur explique bien la balance bénéfice-risque. Et puis, une fois qu'on a repéré les contre-indications et qu'on estime qu'il y a des indications, avant de prescrire le traitement hormonal, il y a un bilan minimum à réaliser. Donc un examen gynécologique à jour, une mammographie à jour, une éventuelle ostéodensitométrie, un bilan lipidoglucidique. On expliquera ensuite les modalités de la prescription, donc que c'est effectivement par voie percutanée, elles peuvent choisir un gel ou un patch. qu'il faut bien prendre la progestérone si elles ont un utérus pour se protéger du cancer de l'endomètre, et puis qu'on va réévaluer ce traitement au bout de quelques mois.
- Guillaume
La posologie est adaptable ?
- DR. L MAITROT-MANTELET
Alors oui, c'est-à-dire qu'en fait, on va proposer au début une dose assez standard, qu'on va augmenter un petit peu progressivement, et bien expliquer aux femmes que dans les 3-4 mois qui suivent l'introduction du traitement, elles peuvent avoir certains symptômes comme des petits saignements, éventuellement mal au sein, un peu mal à la tête, qu'on va les revoir au bout de quelques mois et qu'on réajustera, et puis surtout qu'on verra si le traitement est efficace. et bien tolérée. Puis après, c'est une réévaluation tout au long de la vie de la femme tant qu'on le prescrit.
- Guillaume
À partir de quel moment faut-il informer les patientes de l'existence de ce traitement ?
- DR. L MAITROT-MANTELET
L'idéal, ce serait de le faire au moment de la consultation dite un peu longue de ménopause. Une fois que le diagnostic est formellement posé, cette consultation longue est évoquée dans le rapport RIST. Et c'est vrai qu'à l'instar de ce qui est fait pour la contraception, elle pourrait être revalorisée, puisque comme on l'a vu dans l'échange précédent, on a beaucoup d'informations. à proposer, à donner à nos patientes. Et un échange doit être instauré. Donc ça, ça demande du temps. Mais on peut aussi en parler en amont, et notamment lors du bilan de santé des femmes à l'âge de 45 ans, c'est-à-dire quand la patiente est plutôt en périménopause. Et ça permettrait aussi, donc déjà, d'informer qu'il y a plein de solutions qui existent, donc de donner plutôt une vision positive de la ménopause. Et puis également de repérer à ce moment-là les patientes à risque. et les patients qui devront bénéficier d'un bilan éventuel avant la prescription de ce traitement hormonal.
- Guillaume
Revenons, si vous le voulez bien, sur un point que vous avez abordé tout à l'heure, c'est celui de la formation des professionnels de santé. Comment expliquer ce sentiment de manque de formation chez les professionnels ? vis-à-vis de la ménopause.
- DR. L MAITROT-MANTELET
Donc plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat. Ce n'est pas un sentiment, c'est vraiment une réalité. Tout d'abord, lors du deuxième cycle des études de médecine, il n'y a que quelques heures qui sont consacrées à cette thématique de la ménopause. Et c'est regrettable parce que c'est une thématique qui est tout à fait transversale. Donc on retrouve, pas seulement dans les cours de gynécologie ou d'endocrinologie, mais ça concerne aussi les cardiologues, les rheumatologues, les oncologues, les dermatologues. Donc c'est vrai que peut-être... que s'il y avait un petit peu plus d'heures de cours qui étaient consacrées à ce thème, ce serait une bonne chose. Et puis après, c'est vrai que les gynécologues, lors du troisième cycle, quand ils ont choisi leur spécialité, du moins les gynécologues médicaux, sont assez sensibilisés. Il y a des cours un peu plus approfondis, une formation plus approfondie. Mais par exemple, pour les généralistes, on constate que ceux qui ont fait un DU, donc un diplôme universitaire de ménopause, sont bien sûr beaucoup plus à l'aise et beaucoup mieux formés. Mais il n'y a qu'un seul DU. en France à l'heure actuelle. Alors, il y a un certain nombre maintenant de formations sur le plan national qui sont organisées pour les gynécologues, pour les généralistes, mais je crois qu'un point important, c'est qu'il faut aussi probablement arriver à former les pharmaciens, parce qu'en fait, ils sont un relais indispensable du THM en officine. Et c'est vrai que si eux sont bien informés de cette fameuse balance bénéfice-risque, quand ils vont délivrer le traitement à la patiente, la patiente va être rassurée si le pharmacien n'émet pas d'opposition, comme c'est parfois le cas.
- Guillaume
Ça, c'est pour le manque de formation des professionnels de santé. Quid du manque d'information des femmes, de la population féminine en général, sur cette période de la vie ?
- DR. L MAITROT-MANTELET
Comme le dit le rapport RIST, il y a un véritable tabou. Les femmes n'osent pas en parler. Et elles n'osent pas en parler parce qu'effectivement, elles se sentent probablement un peu... invisibiliser ce qu'on dit par la société. Alors, pourquoi ? Parce que, finalement, on en parle très peu aux femmes. Alors, on n'en parle pas parce que, encore une fois, les médecins ne sont pas formés et puis parce qu'il n'y a pas de campagne de prévention. Alors, comment on pourrait améliorer les choses ? Je pense déjà que si au collège, c'est vrai qu'il y a de l'enseignement autour de la contraception et de la sexualité, si des gens ont sensibilisé, même si c'est un peu tôt, les jeunes filles et, je dirais, les garçons aussi, au fait que ça va survenir chez toutes les femmes. vers l'âge de 50 ans et que ça peut être une période qui peut parfois être un peu difficile à vivre. C'est déjà un premier point important. Et puis après, c'est sûr qu'il faudrait améliorer les outils autour de la communication sur la ménopause. Donc, on pourrait par exemple penser à organiser des assises nationales de ménopause qui pourraient se faire rencontrer des praticiens, des patientes. Et puis également, je pense qu'il faut sensibiliser le monde de l'entreprise, le monde du travail. Et donc, le troisième vraiment grand axe d'amélioration de la prise en charge de la ménopause, c'est d'adapter l'environnement des femmes au travail, parce qu'on sait que c'est à cette période-là, vers 50 ans, qu'elles vont se sentir stigmatisées. Pour juste vous donner des chiffres, il y a une femme sur cinq qui va prendre des jours de congé parce qu'elle n'est pas bien au moment de sa ménopause, et il y en a une sur dix qui va démissionner parce qu'effectivement, elle a un impact de sa ménopause trop important sur le plan professionnel.
- Guillaume
Finalement, tout cela est encore assez perfectible en termes de prise en charge. comment est-ce que... qu'on peut améliorer les choses ? Sur quels leviers doit-on s'appuyer ?
- DR. L MAITROT-MANTELET
Donc, le point positif, c'est qu'il y a plein de leviers. Alors, tout d'abord, le GMB, le groupe d'études pour la ménopause et le vieillissement, et le CNGOF, le Collège national des gynéco-logues obstétriciens de France, a rédigé des recommandations pour la pratique clinique en 2021 sur la ménopause, et est forcé de constater que ces recommandations sont probablement encore insuffisamment diffusées. Donc ça, c'est vraiment un premier levier, davantage communiquer, davantage former les médecins, davantage divulguer les informations. Et puis, les recommandations de la HAS, donc la Haute Autorité de Santé, devraient être remises à jour. Et ça, effectivement, pas seulement sur le versant traitement hormonal de la ménopause, mais sur le versant prise en charge vraiment globale, avec aussi toutes les autres alternatives non médicamenteuses, etc. Donc ça, c'est un levier tout à fait important. Et puis, il faudrait idéalement créer des parcours pluridisciplinaires. parce que ça permettrait une coordination vraiment accrue entre les professionnels, à la fois médicaux et non médicaux. Donc ça, ce serait une bonne chose. Et puis également, repérer de manière locale un peu les bonnes pratiques et les initiatives émergentes pour vraiment améliorer le discours autour de la ménopause. Donc voilà, on a des leviers. Il y a du boulot.
- Guillaume
Et vous y participez aujourd'hui avec cette intervention. Merci beaucoup, docteur Lorraine Métromantelet.
- DR. L MAITROT-MANTELET
Merci beaucoup, Guillaume.
- Guillaume
Je rappelle que vous êtes gynécologue médical à l'hôpital Ausha à Paris et membre du bureau du GEMVI. C'est la fin de notre conversation. Ce podcast Vidal a été réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire Besin Health Care.