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En un battement d'aile

24. Flore Vasseur : Le pouvoir de la jeunesse

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53min |15/01/2025
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Description

Depuis plus de 20 ans, Flore Vasseur, réalisatrice et autrice, interroge les bouleversements de notre époque : la fin d’un monde, l’émergence d’un autre et les combats de celles et ceux qui, peut-être, bâtiront cet avenir. Réalisatrice du documentaire Bigger Than Us, elle met en lumière une jeunesse déterminée à agir pour des causes plus grandes qu’elle-même, malgré les défis colossaux qu’elle rencontre.


Aujourd’hui, Flore Vasseur poursuit ce dialogue dans son livre Et maintenant, que faisons-nous ?, publié aux éditions Grasset, fruit de trois ans de débats et de rencontres inspirées par le film.


Dans cet épisode, nous explorons :

  • Ce que signifie agir pour quelque chose de plus grand que soi (bigger than us),

  • Les espoirs et les combats d’une jeunesse engagée,

  • Cette question essentielle : Et maintenant, que faisons-nous ?


Un mois pour s'inspirer


Cet épisode fait partie de notre série spéciale de janvier, consacrée au Bonheur, à la Jeunesse et à l’Optimisme, avec trois invités exceptionnels.


🎧 Retrouvez également les autres entretiens de cette série :

  • Corinne Morel Darleux : Trouver le bonheur dans un monde en transition (sorti le 1er janvier)

  • Arthur Auboeuf : Avancer avec optimisme, le meilleur est Avenir ! (sortie prévue le 29 janvier)


Des conversations profondes et éclairantes pour commencer l’année avec inspiration et sérénité.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier



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Transcription

  • Florence Gault

    Depuis plus de 20 ans, Flore Vasseur explore les bouleversements de notre époque, la fin d'un monde, l'émergence d'un autre et les combats de celles et ceux qui peut-être feront naître cet avenir. Avec son documentaire Bigger Than Us, elle pose une question essentielle, comment agir pour quelque chose de plus grand que soi ? A travers les parcours de sept jeunes engagés, elle met en lumière une jeunesse déterminée, mais aussi les obstacles immenses auxquels elle fait face. Aujourd'hui, Flore Vasseur poursuit ce dialogue dans son livre Et maintenant, que faisons-nous ? publié aux éditions Grasset, fruit de trois ans de débats et de rencontres inspirées par le film. Pour la petite anecdote, quand je suis arrivée chez elle pour cet entretien, Flore n'avait pas franchement la tête à l'interview, encore agacée par une conversation qu'elle venait d'avoir. Mais au fil de nos échanges, cet agacement a laissé place à un autre élan. Petit à petit, nous nous sommes laissés embarquer, à rêver ensemble, à imaginer d'autres possibles. Cet épisode s'inscrit dans notre série spéciale de janvier dédiée au bonheur, à la jeunesse et à l'optimisme. Trois thématiques qui résonnent profondément avec le parcours et les engagements de Flore Vasseur. Une conversation riche, parfois bouleversante, mais toujours lumineuse. Flore Vasseur, bonjour. Bonjour. Et merci de me recevoir ici chez vous à Lyon. Alors, je n'ai pas l'habitude de débuter une interview en parlant de moi, mais je vais faire une... petite exception parce que j'ai donc été journaliste au sein d'une rédaction de Radio Nationale pendant une dizaine d'années jusqu'à ce que pendant le confinement, je m'interroge au moment de toute la réflexion autour du monde d'après sur quel allait être mon rôle, ma place de journaliste dans ce fameux monde d'après. J'ai donc décidé de quitter cette radio-là et de me dire, bon, ben, OK, je prends un temps pour moi pour réfléchir à ce que je vais faire après. Et puis, évidemment, vous venez juste de me le dire, c'est marrant, avant qu'on débute l'interview, ça se voit que je viens du monde de la radio. Et donc, le son a été absolument une évidence pour moi et de passer par la réalisation d'un podcast. Et j'en parle à mon filleul qui était âgé de 12 ans à ce moment-là. en lui disant je vais faire un podcast sur l'écologie pour expliquer aux gens pourquoi il ne faut pas détruire la planète Et on marchait au bord de la plage, dans le Var d'où je suis originaire, et il se retourne vers moi et me dit et tu n'oublieras pas de parler des solutions Et là je me suis dit mais il a tellement raison, du haut de ses 12 ans, et c'est lui qui m'a mis sur le chemin du journalisme de solutions que j'avais déjà côtoyé dans mon parcours sans y mettre un mot. Mais j'ai trouvé ça assez exceptionnel qu'un enfant de 12 ans, à ce moment-là, m'incite à ne pas regarder que les difficultés et qu'informer, ça passait aussi par la mise en lumière d'initiatives de celles et ceux qui agissent. Et évidemment... Ça a forcément fait écho en moi quand j'ai lu votre livre. On va avoir l'occasion d'en reparler. Ou quand j'ai vu votre documentaire Bigger than us Vous-même, il y a 7 ans, votre fils vous interpelle.

  • Voix off qui lit

    Et toi maman, tu fais quoi ? Pardon ? Je fais quoi moi ? Oui, tu fais quoi toi pour que la planète ne meure pas ? Je suis renvoyée dans les cordes. Ma fille n'en loupe pas une miette. Eh bien tu vois, j'écris des livres, des films, sur la corruption, le dessous des cartes, notre façon de vivre, pour que les gens comprennent et changent. D'un haussement d'épaule, il balaie 15 années de travail. Non mais maman, sérieusement, tu fais quoi ? Ma fille me protège toujours, je cherche un peu d'aide, son regard, il m'intime, rame maman, rame. C'est que, on prend le train, on n'a pas de voiture, on évite l'avion, on mange bio. Les yeux au ciel, mon fils soupire. Bon, pour la dernière fois, tu fais quoi pour que la planète ne meure pas ?

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là dans votre tête ?

  • Flore Vasseur

    Clairement, je crois que c'est un des moments pivots de ma vie. Je dirais même que... Le reste de ma vie s'est joué là. J'avais deux façons de réagir, qui étaient de balancer sa question aux orties, parce qu'elle me dérangeait. Et réagir avec presque surplomb, sarcasme, cynisme, et dire ne t'inquiète pas, il ne se passe rien, c'est quoi cette question ? Tu es trop petit, tu comprendras plus tard Entre parenthèses, tu comprendras plus tard c'est une phrase qu'on m'a beaucoup dite quand j'étais enfant. Et c'est peut-être pour ça que j'ai fait de ma vie d'adulte... un prétexte pour comprendre, je crois. Mais en tout cas, je me suis bien dit toute ma vie de maman que jamais je dirais ça à mes enfants. Donc, le tu comprendras plus tard n'était pas une option. Donc, ça voulait dire qu'il fallait que j'y aille et que je lui réponde de façon... Enfin, comme une maman, quoi. Et une maman, elle répond pas en sachant. Elle répond en disant comment j'aide mon enfant à vivre ? Et donc, cette conversation a duré une heure et demie. Il me disait encore hier soir, parce qu'on en reparlait, qu'il ne se souvenait même pas de cette discussion. Les enfants, ça vous apprend à rester humble. J'en ai fait toute ma vie, mais lui ne se souvient pas de cette question. Soit. Heureusement, il y avait ma fille et elle, elle se souvient très bien. Mais c'était une discussion qui a duré une heure et demie et dans laquelle j'ai compris beaucoup de choses. La première chose, c'est que tout ce que j'avais fait jusqu'à présent ne servait strictement à rien. Ça faisait 15 ans que j'essayais d'alerter tout le monde sur la façon dont le capitalisme était en train de nous enterrer vivants. Et ça ne marchait pas. Avec mon enfant, j'ai compris que ça ne marchait pas. Parce qu'en fait, lui, il s'en fichait de toutes les théories, de tous les experts, de toutes les courbes du GIEC, etc. Ce qu'il voulait, c'était savoir comment vivre. Et donc je me suis rendue compte que j'étais incapable de lui répondre. que je n'avais pas la solution, que tout ce que j'avais fait jusqu'à présent, et c'était de la gnognotte par rapport à ce qu'il y avait à faire, que à l'endroit de la génération qui arrivait, il n'y avait personne qui se cognait cette explication, autrement que par des discours faciles qui vont flatter le quant à soi, le repli sur soi, la haine de l'autre et du différent, et de l'aventure et du demain. Et donc, ça m'a mis en route.

  • Florence Gault

    Et donc c'est comme ça que naît l'idée de ce documentaire, Bigger Than Us. On découvre le parcours de sept jeunes dans sept pays différents, des jeunes qui se bougent. On a Melati et sa sœur Isabelle, connues pour avoir mobilisé la population contre la pollution plastique des plages de Bali. Melati est d'ailleurs le personnage central du film. C'est elle qui va à la rencontre des acteurs du changement en Ouganda, au Brésil, au Malawi. Mais Maury qui lutte contre les mariages forcés de jeunes filles au Malawi, qui a réussi à rehausser la majorité de 15 à 18 ans dans son pays. Ou bien encore René qui se bat contre les inégalités, les préjugés dont souffrent les communautés des favelas de Rio de Janeiro au Brésil. Des jeunes donc qui s'engagent pour quelque chose de plus grand que, bigger than us en anglais. J'ai vu ce documentaire il y a deux ans, je l'ai trouvé plein d'espoir, malgré la gravité. des sujets abordés. Et pourtant, quand je les regardais avec des amis, pour certains, ça venait vraiment bousculer au plus profond d'eux.

  • Flore Vasseur

    Oui, alors je ne sais pas bien pourquoi. Très honnêtement, j'ai l'impression que c'est un millefeuille, ce film. Il y a des personnes qui sortent de là tristes, pas souvent tristes, mais en tout cas tordues de culpabilité. Je crois que ce n'est pas de la tristesse, c'est de la culpabilité. Et en général, c'est les personnes les plus usagées. Il y a des personnes qui sortent en colère, il y a des personnes qui se sentent ragaillardies, comment dire, restaurées dans leur envie de vivre et dans leur envie d'y croire, et renforcées en fait, voilà. J'ai la peur, la culpabilité, la colère, la honte, tout ce que vous voulez. Ce que j'ai rarement, c'est effectivement l'indifférence. Et c'est là où je me dis que...

  • Florence Gault

    C'est mission réussie.

  • Flore Vasseur

    Oui, parce que je pense que c'est le problème. On s'est mis des couches de fond de teint, de carapace, de masque, tout ce que vous voulez, entre la réalité et nous, pour ne pas avoir à se dire que ça nous concerne, c'est-à-dire que ça nous implique, c'est-à-dire que ça nous appelle. Donc on s'est mis toute une série de barrières, en fait, pour tenir, parce qu'il y a un côté affolant qui est... dans la question de mon fils en fait. Quand mon fils me dit Maman, ça veut dire quoi ? La planète va mourir ? Sa deuxième question, c'est Comment je fais, moi, pour ne pas mourir ? Un enfant de 7 ans qui vous parle de sa mort, quand 90% de la population, voire des adultes, passent leur temps à nier leur propre mort, c'est très dérangeant en fait. C'est abyssal. Et voilà, donc je suis d'accord que ça sécrète beaucoup d'émotions, mais que c'est fait pour. Parce que l'indifférence nous tue. Vraiment, plus que le capitalisme. plus que la pollution, plus qu'elle est en train de nous installer dans une posture d'acceptation et de renoncement qui rend tout possible et surtout le pire. Donc voilà, je suis hyper contente quand on me dit qu'on n'est pas d'accord avec moi. Parce que...

  • Florence Gault

    Ça vient faire bouger des choses.

  • Flore Vasseur

    Bah oui, et puis c'est pas comme si, au-delà de ma personne, il n'y a pas de... de position, quelque part il n'y a pas de position juste, il y a juste la sienne. Et le fait d'en avoir une et de l'affirmer, donc de sortir du masque, ça permet un échange, ça permet une conversation, ça permet une rencontre, ça permet de dire, enfin voilà, de bouger en soi. Et voilà pourquoi les émotions sont importantes.

  • Florence Gault

    Et vous en ce moment, ils en ont pensé quoi de ce film ?

  • Flore Vasseur

    Alors c'est plus qu'un film, parce que c'est devenu mon occupation, comme dirait les Américains au quotidien, je fais que ça. D'abord j'ai imaginé le film, après j'ai fabriqué le film, après j'ai porté le film, et puis là on repart pour faire un autre film. Donc, c'est une espèce de mouvement perpétuel où on apprend et où tout change tous les jours, tout le temps, parce que c'est une matière vivante, parce que c'est des personnes réelles, parce que notre monde est en pleine implosion avec des bonnes et des mauvaises nouvelles, tout le temps. Donc, ce qu'ils ont vu, c'est un tourbillon. Peut-être qu'il y a...... Au moment où on vous parle, je ne veux surtout pas vous montrer les images, mais je peux vous décrire. On est dans mon appartement, on vient de fêter les 18 ans de ma fille et il y a des photos de mes enfants partout. Donc au moment où je vous parle au-dessus de vous, je les vois petits et à chaque moment, ça a été une pulsion de vie énorme. Mais je crois que j'ai mis les bouchées doubles depuis la question de mon fils, en fait, à vouloir toujours reparler de la vie, la vie possible, partout, tout le temps. mais comme vous l'avez dit vous-même avec un discours qui peut faire mal parfois parce que c'est celui de la vérité je vous ai un peu reprise tout à l'heure quand vous parliez de votre métier sur le journalisme des solutions, le risque c'est de pas comprendre pourquoi elles existent en fait et j'ai un peu peur de la complaisance quand on dit journalisme de solution, je pense qu'il faut qu'on fasse attention de toujours comprendre L'espoir, c'est une matière qui est extrêmement sensible.

  • Florence Gault

    Oui, parce que tout dépend de comment on l'utilise, dans quel but.

  • Flore Vasseur

    Exactement. Et moi, mon espoir, c'est que les personnes qui me font l'honneur de regarder mon travail, effectivement, se saisissent de ces sujets, de ces propositions, mais aussi de cette lecture du monde et donc de ces chiffres aussi terribles et de cette réalité, en fait. On ne peut pas faire regarder que la victoire. Non. Et je pense que ça, ça a été un des sujets. Tout est dans tout. Dans ce qu'on fait, dans ce qu'on travaille, les victoires sont rares, les avancées sont rares. Surtout en ce moment, il ne faut pas trop qu'on se gargarise. Parce que là, on est quand même en train de perdre de façon massive. Et donc, il y a une remise en cause à faire sur est-ce qu'on a mal communiqué là-dessus ? Est-ce qu'on a mal raconté l'histoire ? Précisément, quelle est l'histoire qu'on raconte ?

  • Florence Gault

    Je pense qu'aujourd'hui, effectivement, et en tout cas, c'est une des dérives, alors là, pour parler du journalisme de solution, mais d'entrer dans une approche un peu bisounours, ou quelque chose qui viendrait nous faire un peu du bien, pour, ah ben en fait, il y a des choses qui se passent, donc tout va bien, et de se conforter dans un truc un peu ouaté, exactement. Et en fait, effectivement, en tout cas, moi, je crois beaucoup que c'est aujourd'hui à la fois montrer... les problèmes et ne pas faire comme s'il n'y avait pas le problème à l'origine et de bien montrer Comment ça peut venir se répondre ? Comment effectivement mettre en avant le problème de manière systémique ? On n'est pas là pour juste faire ni un journal des bonnes nouvelles, ni pour effectivement se gargariser de quelques petites initiatives qui fonctionnent et qui font du bien. Et c'est là où le mot journalisme devient extrêmement important de pouvoir... étayer de faits et de montrer en fait l'histoire dans sa globalité.

  • Flore Vasseur

    C'est ça et moi j'ai l'impression que notre devoir aujourd'hui c'est d'équiper les gens avec une c'est pour ça que le journalisme est hyper important parce que voilà il y a beaucoup d'opinions puis après il y a des faits il y a des chiffres il y a des enquêtes, il y a des choses qui sont documentées donc il ne faut jamais oublier ça et je pense qu'il faut montrer cette face là et aussi le fait de dire bon Mais voilà qui et comment a pu faire quelque chose, en fait. Et voilà un chemin possible pour vous. En fait, je pense qu'il ne faut pas faire la leçon, mais il faut donner des clés. Et à nouveau, la tendance pourrait être de faire, entre guillemets, un business. Des solutions, des trucs. Mais là, on n'est complètement pas du tout en train d'aider, je pense. Et cette génération qui arrive, elle est assez intraitable sur le sujet. Elle voit le truc au scalpel, en fait, étonnamment. Mais je voulais aussi revenir sur quelque chose, je pense qu'on sait, et on le paye assez cher, je crois, on sait collectivement tromper dans la façon de raconter l'histoire quand on a, et je l'ai beaucoup, beaucoup fait, en tout cas, moi, je me suis trompée, je vais plutôt dire ça, et je suis beaucoup plus heureuse maintenant, et à mon avis, utile aux autres maintenant que j'ai passé à autre chose. J'ai écrit quatre livres qui sont des livres de dénonciation, où je vais taper sur tous les lobbies de la terre, le pouvoir de la finance, la collusion politique média-finance, le pouvoir de la technologie, les complots, les trucs, les machins. Je l'ai fait, j'ai compris, tout cela est vrai, mais so what ? So what ? Ça sert à quoi en fait ? Donc c'est une partie du chemin qui m'a amenée à comprendre. Mais moi, je me suis rendue compte que tous ces travaux-là, un, ils ne me rendaient pas plus heureuse. Deux, ils n'aidaient pas du tout mon fils à vivre. Trois, j'étais en train de remettre à chaque fois une pièce dans le système. Parce qu'on est dans un monde, dans un système capitaliste qui se nourrit de sa critique. Tant que vous parlez de lui, il est content. C'est un champ de force en fait. Et il vous retourne. C'est-à-dire que physiquement, cette matière noire que vous envoyez sur lui, il vous la renvoie à la figure. Et je me suis rendu compte que j'étais beaucoup plus heureuse depuis que, en restant, il y a cette phrase américaine, dur avec les problèmes, doux avec les personnes Et bien en restant dur avec les problèmes, mais en étant douce avec les personnes, c'est-à-dire les personnes qui essayent de proposer quelque chose en se disant toi je vais t'aider, ce que tu fais c'est beau, je veux juste montrer la beauté en fait Et bien là-dessus, c'est là que j'ai découvert la joie en fait. C'est là que j'ai découvert qu'il y avait toute une histoire énorme de cette humanité qui a compris que ça ne servait à rien d'essayer de démolir le truc. Là, il va s'effondrer de lui-même. La question, c'est ce qui nous emporte complètement. Mais il y a à côté de ça toute une humanité qui veut vivre, qui est dans la dignité et qui lutte pour. Donc ma bascule, moi, c'était de passer du lutter contre au lutter pour. Et j'ai l'impression qu'en termes... d'écologie en tout cas, on a beaucoup, et c'est une étape et peut-être que c'est aussi nécessaire, on a beaucoup lutté contre. Mais résultat des courses, on a instillé, en fait on a souscrit à la logique du système en place, qui est de faire des séparations supplémentaires, on a mis l'écologie face, contre les autres causes déjà, on n'a pas fait de lien systémique dont vous parliez tout à l'heure, on a dit que l'écologie c'était plus important que le reste. Trois, on a réduit le sujet de l'écologie à la question du climat, voire à la question du CO2. Quatre, on a ouvert du coup la porte à tous ceux qui voulaient nous critiquer en disant Ah ben, vous êtes des amiches, vous voulez nous faire perdre, vous voulez qu'on vive moins bien, etc. En fait, on n'a pas su parler de la joie, on n'a pas su parler de la libération, on n'a pas su parler de l'émulation, de la fraternité, de la solidarité. du sentiment merveilleux d'être utile pour d'autres qui sont là et qui sont juste des êtres humains comme vous, qui essayent juste de faire de leur mieux en fait. Et je crois qu'on le paye très très cher.

  • Florence Gault

    Flore Vasseur, vous savez, il y a les fameux 5 W en journalisme. Who, what, where, when, why, qui, quoi, où, quand, pourquoi. En journalisme de solution, on rajoute un sixième W qui est le and now what Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Et maintenant, que faisons-nous ? C'est le titre du livre que vous venez de publier en octobre dernier. En fait, l'idée, c'était de pouvoir aller bien plus loin, puisque Bigger Than Us, vous nous l'expliquiez, en fait, ça va bien au-delà du film. C'est des rencontres. Votre site Internet est une mine de ressources pour les gens qui cherchent des outils, et notamment des outils pédagogiques. Allez-y, c'est une vraie source d'inspiration. C'est vrai, il y a vraiment beaucoup de ressources à disposition. Parce que le but du jeu, c'est qu'en fait, ce documentaire, ce soit que le début de la discussion, en fait.

  • Flore Vasseur

    Oui, alors je n'étais pas partie pour ça, mais c'est la beauté, vous savez, quand vous écrivez, vous êtes là-dedans aussi, vous posez une intention quelque part et puis la vie vous amène, c'est comme lancer un fil de canne à pêche, sauf que là, c'est la pêche miraculeuse, si vous vous accrochez, parce qu'il y a vraiment la tentation de mettre plein de fils de canne à pêche et de voir qui mord le plus. Là, pour moi, c'était tellement... en fait, comment dire...

  • Florence Gault

    Plusieurs fils à la même canne. Oui,

  • Flore Vasseur

    et puis pour moi, c'est tellement... Je crois que je n'ai jamais eu d'arme aussi puissante, en fait. Et je parle de ça. Parce que moi, je suis dans une bataille comme vous, je crois, assez spécifique, qui est la bataille culturelle. Je suis convaincue, pour reparler de cela, que toutes les solutions à nos problèmes existent. Déjà, si on change, si on adapte la comptabilité qui a été faite, je ne sais pas quand, pour un monde dans lequel il n'y avait que des usines. à la réalité d'aujourd'hui et donc à une comptabilité qui intègre le coût social et écologique de tout ce qu'on fabrique.

  • Florence Gault

    On en parlait avec Yannick Roudaut il y a quelques semaines.

  • Flore Vasseur

    Voilà, toutes ces histoires de comptabilité, toutes ces histoires de constitution, les droits de la nature. Pourquoi aujourd'hui le monde entier tourne autour d'un droit qui est basé sur une personne qui n'existe même pas, c'est le droit des affaires. Pourquoi les droits des affaires sont en train d'être plus importants que le... la vie en fait. Pourquoi on a laissé s'installer ça ? Donc il y a beaucoup de solutions pour recadrer, réorienter, reposer un sens des priorités qui ne met pas, enfin qui mettrait la vie au-dessus de tout. La vie et sa préservation, je ne parle pas que de la nature, de la biodiversité. Je parle de notre vie, de notre vie psychique, de la vie de nos enfants, de la santé mentale, du vivre ensemble, de la capacité à rester une humanité en fait. Donc tout ça, ces solutions elles sont... juridiques, comptables, politiques, attitudinales, tout ce que vous voulez, il y a un truc qui manque, c'est la culture. C'est le système de valeurs qui va faire qu'on va être OK de les adopter. Et c'est pour ça que ça ne marche pas. Pour l'instant, on reste coincé dans notre croyance que la liberté s'est consommée. que les droits se battent pour ses droits, c'est se battre pour un prix le plus bas. Je schématise, mais on en est là. Quand vous avez des gouvernements successifs qui, depuis 30-40 ans, font de la croissance du PIB l'objectif national, vous êtes cuit. Vous êtes cuit. Il n'y a pas de diva possible. En face de vous, vous avez des gens qui, quand vous commencez à mettre en doute ça, vous disent mais quoi, tu veux toucher à nos emplois et comment on va faire ? Donc on est complètement dans une emprise sectaire quasi.

  • Florence Gault

    D'ailleurs, on le voit bien avec notamment, je trouve, l'étude sur le climato-scepticisme de Parlons Climat qui a été publiée il y a quelques semaines et qui montre la variété des profils. de ce qu'on nomme le climato-sceptique. Et en fait, on se rend compte, au travers de cette étude, que finalement, le plus gros frein aujourd'hui, c'est tout ce qui touche aux valeurs, au mode de vie. Le fait de devoir abandonner, on l'évoquait tout à l'heure, le confort. Et donc, c'est là que les choses se jouent.

  • Flore Vasseur

    Alors, je ne sais pas si je mettrais... confort et valeur sur le même plan, mais en tout cas, le refus de céder à son confort, pour moi, c'est le sujet. Et au-delà de ça, et on va arriver jusqu'aux valeurs, le confort... C'est une promesse qu'on nous fait depuis, finalement, la Seconde Guerre mondiale. C'est là que, de toute façon, tout s'est énormément accéléré. Avec l'American Way of Life, on avait tous les droits, plus de limites. Et puis, c'était tenu à un moment, parce qu'il y avait l'opposition des deux blocs. Mais voilà, fin de l'histoire, au moment de la chute du mur de Berlin. Enfin, toutes ces balivernes, en fait, qu'on nous a racontées. Et après, avec un espèce de truc où, vraiment, plus aucun frein à ce règne. Plus aucune limite, si ce n'est la nôtre. La vie, en fait. Et donc, le confort, c'est cette... C'est la... Comment dire ? L'actualisation, aujourd'hui, la matérialisation d'une croyance qui est qu'on aurait tous les droits. Qu'on serait au-dessus de la nature. Qu'on serait au-dessus des lois du temps, même. Vous voyez, tous ces gens qui veulent aller dans l'espace. Tous ces gens, en tout cas, ces gens qu'on garde et qui ont la main, aujourd'hui, sur les médias, L'arme nucléaire, enfin voilà, je veux dire, c'est terrifiant. On est géré par des personnes qui, on va être géré, pardon, d'ailleurs, ils gèrent. C'est un mot horrible. Mais par des personnes qui n'ont qu'un seul intérêt, c'est qu'on soit des bonnes petites capacités de transaction, en fait. Parce qu'on a décidé que notre confort, c'était ça la priorité. Et aussi, ce qu'on nous a beaucoup raconté, c'était qu'on vivait dans une société dans laquelle on pouvait tout maîtriser. Donc c'était sans risque. Donc quand les gens disent je m'accroche à mon confort, ils disent je m'accroche à mon sentiment de sécurité. Et ça c'est vraiment une tartufferie énorme. Parce que 1, qui on est pour croire qu'on maîtrise quoi que ce soit ? Enfin on se le prend très très régulièrement dans la figure. Ça fait des siècles que ça dure. Et 2, on est tous sauf en sécurité. De toute façon on est une humanité balancée sur un caillou qui avance à... une vitesse folle dans un vide intersidéral. Donc moi, je ne sais pas trop quel sentiment de sécurité on peut avoir là-dedans, mais c'est quand même une folie. Et cette croyance, tout ce système de valeurs, en fait, il est lié à une croyance qui est facile à dégommer, en tout cas qui est très fléchable, qui est, en fait, c'est René Descartes qui l'a posée. L'homme est supérieur à la nature. On peut s'en rendre maître et possesseur. Ça fait quatre siècles. Ça, ça a déclenché toute une série de... Alors, le secte des lumières, le progrès technique, etc. Soit. Ça a aussi déclenché le fait que tout à coup, on s'est dit, comme on est supérieur à la nature, on peut la maîtriser, on peut en faire ce qu'on veut, on ne la respecte pas, on l'exploite jusqu'à plus soif, de toute façon, elle est illimitée. Et on a commencé à mettre des clôtures sur des champs. Ça s'appelle le mouvement des enclosures, c'est le début du capitalisme. Et puis, quand on n'avait plus assez de trucs chez nous, on est allé prendre les ressources dans les autres pays. Ça s'appelle le... le colonialisme. On a fait la même chose avec... On a dominé la terre, on a dominé les autres peuples, on a dominé les femmes. Voilà. Ce système-là, c'est au nom de notre confort. Et c'est terrible parce que... Et on voit que cette logique gagne aujourd'hui. Parce que cette logique de confort, elle va jusqu'à, effectivement, nier les problèmes climatiques, mais nier aussi l'autre, le différent. Regardez ce qui se passe avec les poussées. Enfin, c'est pas une poussée, c'est une... triomphe des idées extrémistes. Mais ça, pourquoi ça marche ? Parce que c'est du confort. C'est tellement plus facile de dire que la faute, c'est l'autre. Que la faute, c'est celle du différent, c'est celle de celui qui arrive, etc. C'est tellement plus difficile de rejeter loin de soi toute idée que peut-être on serait tombé, que peut-être on n'aurait pas tout juste, que peut-être on aurait une histoire, un rôle à jouer là-dedans. C'est tellement plus confortable, que voilà, pour moi cette poussée extrémiste, elle est l'incarnation totale de cette logique de confort et de cette utilisation par des politiques qui savent très bien ce qu'ils font de cette fragilité qui est ontologique et qui est aussi narcissique. Parce que quand vous dites à tout le monde, toute la journée, qu'ils n'ont de valeur que parce qu'ils portent telle ou telle marque, ben vous en faites des narcisses fragiles, quoi.

  • Florence Gault

    Et vous en faites des personnes faibles qui vont être éminemment manipulables. Et on en est là. Vous allez à la rencontre de collégiens, de lycéens, vous organisez des projections suivies de débats. Dans votre livre Et maintenant, que faisons-nous ? vous restituez tous ces échanges. Comment va la jeunesse aujourd'hui ?

  • Flore Vasseur

    Merci de parler de mon livre. Effectivement, le film n'était qu'un prétexte pour moi me lier à mon fils, c'est clair, à mes enfants. tous ces enfants que je vois sur ces photos-là qui vivent autour de nous, d'essayer de faire ma part, en fait. Et puis, ça allait beaucoup plus loin que ça, aussi. Je fais ma part aussi avec les protagonistes, je vous raconterai, mais... Et la surprise, parce que je n'étais pas partie pour ça, vous l'avez mentionné, on a fait un gros site parce qu'on s'est dit, on ne va pas pouvoir être derrière toutes les projections et il faut absolument que les gens, après l'émotion qu'ils se sont pris dans la figure, parce que c'est vrai que le film, quelque part, est violent. mais dans le bon sens du terme, c'est-à-dire ça se coud. Il fallait un endroit pour atterrir. Voilà pourquoi on a fait le site. Mais jamais j'ai imaginé que ça prendrait trois ans de ma vie, non seulement de fabriquer le film, mais trois ans de ma vie sur la route, à l'accompagner partout, à devenir troubadour et à rencontrer... Je crois que j'ai fait 600 débats en trois ans.

  • Florence Gault

    Énorme.

  • Flore Vasseur

    Avec 80% d'enfants. Donc, votre question est fondée. À savoir, comment va la jeunesse ? Donc c'est un ressenti. Moi, je ne suis pas scientifique, je ne suis pas sociologue, mais c'est vrai que c'est un retour terrain. Moi, je comprends qu'elle dévisse, vraiment. Parce que, pas à cause de l'accumulation des mauvaises nouvelles, et il y en a beaucoup, mais parce qu'il y a un profond sentiment de solitude. Ça, c'est la première chose que je vais dire. Ce que j'entends beaucoup, c'est que pour parler de ces sujets, il y a quelques profs courageux, qui sont d'ailleurs ceux qui organisent les projections. quelques assos courageuses et sinon il y a les influenceurs, les marques et les parties d'extrême les parents sont pas là et il y a trop d'enfants qui me disent madame je vous remercie parce que dans ma famille je suis tout seul face à ça donc l'éco-anxiété c'est le silence des adultes dans sa propre famille on se sent isolé donc logique de séparation à nouveau... C'est triste, mais c'est aussi une très bonne nouvelle. C'est-à-dire que c'est entre nos mains. On peut forcer la discussion dans nos familles. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il y a plein d'outils. Il y a des livres, il y a des films, il n'y a pas que le mien qui servent de prétexte à déclencher la conversation. À nouveau, je ne voudrais certainement pas dire que mon film a toutes les solutions, c'est la glorieule, etc. Ce n'est pas ce sujet. déclenche des trucs. Il déclenche une conversation, vous avez le droit de lui taper dessus, dire que vous n'avez pas aimé. Et en fait, je m'en fiche. La question, c'est sortir du silence. Donc, utilisez-le et il y en a d'autres. La deuxième chose, c'est que je vois un profond désir de vivre. La même chose que chez mon fils, en fait. Mais il faut qu'on soit plus nombreux. Vraiment. On n'est pas assez nombreux à aller dans ce sens-là. En face de nous, on a une horrible... industrie qui vise à dire tout l'inverse en fait parce que à nouveau le fait d'avoir peur le fait d'être en dépression le fait de se sentir seule ça vous rend tout à fait manipulable pour consommer, pour vous rassurer avec des choses faciles type consommation, type dom... pas mine des réseaux. Voilà, le brain rot dont vient de parler l'université d'Oxford, mais c'est juste de la volonté de fuir en fait. C'est de se planquer en fait. C'est rentrer en soi pour disparaître en fait. C'est pas rentrer en soi pour aller chercher de la force. C'est vraiment se cacher. Donc on a en face de nous une industrie qui est absolument diabolique, qui a qu'un intérêt, c'est de transformer nos enfants et nous-mêmes en zombies parce que ça va nous rendre. Ça va nous faire accepter tout ce qu'ils veulent nous faire accepter, à commencer par continuer à détruire le monde, en fait. Ce qu'ils font, eux, parce que ça leur est rentable. Aujourd'hui, on est devenus très efficaces, très performants, etc. Effectivement, à se détruire. Donc, il y a vraiment une réflexion sur le progrès qui a complètement disparu parce qu'on a dit mais non, mais comme ça, je serais plus confortable Vous voyez, c'est à nouveau, je ne dénonce pas, enfin, je ne dénonce rien d'ailleurs, mais je veux dire, René Descartes a fait ce qu'il a pu. C'est ce qu'on en a fait, nous, de ça. C'est la façon dont on s'est rassuré sans se remettre en cause jamais, sans penser, etc. Donc, un, il y a un vrai rôle à jouer pour tous les adultes et notamment les parents. Deux, il y a un puissant envie de vivre. Trois, il faut qu'on soit plus nombreux. Quatre, je vois une intelligence de situation. Enfin, vos questions sont très très bonnes. En tant que journaliste, non, non, mais c'est rare. Je suis interviewée par des journalistes, mais je me dis, mais c'est pas possible, quoi. Enfin, je suis effrayée, en fait, par le niveau des questions, surtout après avoir fait 600 débats avec des jeunes. qu'on dit soi-disant décérébrés, irresponsables, déconnectés de la réalité. Mais moi, je ne vois que de l'intelligence en barre, mais en barre en fait. Mais il faut créer des espaces de sécurité pour qu'ils se sentent légitimes à en parler, pour qu'ils se sentent légitimes à s'exprimer sans jugement. Et c'est vrai qu'on est dans une société dans laquelle on ne valorise pas ça. Il faut être conforme, il ne faut pas faire de vagues, il ne faut pas se faire remarquer. Il faut être lisse, imprenable. Et donc l'exercice que moi je vis avec le film, c'est finalement, le prétexte c'est le film, la réalité c'est un espace de sécurité pour parler. Après avoir vécu pendant 1h36 la même émotion, et c'est ça qui fait qu'on peut se parler derrière, c'est que tout à coup, les personnes ont oublié qu'elles étaient en 5ème avec tel problème, ou CEO de telle boîte. Il y a un moment, l'émotion est telle qu'on est tous une humanité la même au bord de l'abysse et que du coup ça parle parce qu'il faut se resserrer. Et donc je sens ça et je sens aussi qu'ils se sentent abandonnés par les adultes et ils ont raison.

  • Florence Gault

    Et je trouve qu'il y a une... Une difficulté pour eux, j'interviens beaucoup moi, quand je fais des ateliers d'éducation aux médias, à 90% j'interviens en quartier populaire. Et donc justement, on aborde ces enjeux de transition écologique et sociale qui au départ leur semblent, on peut avoir la sensation qu'ils s'en fichent, que ce n'est pas leur préoccupation. Et puis en fait, quand on creuse, quand justement on crée cet espace de discussion, de dialogue, et en fait on se rend compte qu'ils sont pris en étau. Entre à la fois le bon sens, et quand on évoque les problèmes aujourd'hui, les difficultés rencontrées, ce qu'on pourrait faire, il y a quelque chose de très logique qui apparaît, et ils en conviennent. Et en même temps, il y a ce tiraillement avec l'hyperconsommation, le fait de devoir être dans le même moule, sinon on est mis à l'écart, particulièrement au moment de l'adolescence, qui débute de plus en plus jeune, et donc ça devient de plus en plus difficile. D'ailleurs, dans votre livre, vous racontez que vous vous faites interpeller par une dame qui vous demande et vous, votre gamin, comment il va ? Et vous vous rendez compte, vous vous retrouvez à lui dire que vos enfants aussi, par moments, se retrouvent pris dans cet état-là, alors qu'ils ont une maman engagée qui bosse sur le sujet. Et donc, ça montre bien que ce n'est pas si simple. pauvres et que si on les accompagne pas,

  • Flore Vasseur

    si on crée pas le cadre et l'espace pour ça peut être vraiment difficile mais c'est pour ça qu'on a vraiment un problème de système de représentation, c'est à dire que tout ce qui se prenne toute la journée c'est si tu n'as pas la bonne paire de baskets, si tu n'as pas le bon blouson si tu n'as pas tant de followers etc tu n'appartiens pas à cette société parce que ça veut dire que t'as pas les codes en fait... Et les codes, c'est les codes de la consommation, c'est les codes de la célébrité, c'est les codes du confort. Et donc, à nouveau, il y a une machine monstrueuse pour alimenter ça. Et en face, on est vraiment avec nos petites fléchettes et notre grand cœur à essayer de dire, mais non, ce n'est pas ça la vie. Je te jure, ce n'est pas ça, ça ne va pas te rendre heureux. Mais c'est vrai que je le vis moi-même. Et c'est tout, pour être très honnête, c'est tout là. Comment dire ? Le désarroi dans lequel je suis, c'est que je peux être cette maman engagée. Tout à l'heure, un enfant me disait mais comment vos enfants font avec une maman aussi puissante ? C'était gentil ! Je me demande si je ne joue pas à contre. C'est horrible, mais pour être très franche, ça ne suffit pas. Ça ne suffit pas. Parce qu'on n'est pas assez nombreux à dire, ça c'est des gros ringards. Vouloir être riche, vouloir péter le monde et aller à Dubaï ou je ne sais pas quoi, c'est un comportement de décérébré. C'est un comportement mortel. Pour paraphraser Olivier Hamann, Pour tous ces riches qui rêvent de se faire des îles désertes pour échapper à je ne sais pas quoi, ou des bunkers, c'est des cercueils. Il y a toute une culture de société qui refuse d'adresser ça parce qu'il y a le pouvoir économique derrière. Et c'est ça le nerf de la guerre. C'est vraiment ça le nerf de la guerre. On est prisonnier d'un narratif qui a tellement de moyens financiers, tellement de moyens technologiques. que nous, là, on est effectivement avec nos... Enfin, on fait comme on peut pour retenir nos enfants, loin de ça, et en face, c'est diabolique.

  • Florence Gault

    Et même les jeunes le reconnaissent. Quand on discute, notamment sur la place des réseaux sociaux, etc., régulièrement, moi, ils me disent, je sais, là, je comprends ce qu'on est en train d'expliquer, d'échanger, ce qu'on vit pendant X heures. Ils disent, mais vraiment, je ne sais pas. pas faire autrement.

  • Flore Vasseur

    Mais bien sûr. C'est de l'emprise. Vous savez, je disais tout à l'heure, c'est de l'emprise sectaire. Mais non seulement c'est de l'emprise, mais la chaîne, elle est physique. Elle est physique. Ça y est. C'est plus seulement de la croyance. C'est-à-dire que là, le cadenas, il est là, en fait.

  • Florence Gault

    On vit greffé au téléphone, à la main.

  • Flore Vasseur

    Et d'ailleurs, téléphone donné par les parents. Donc, parfois par confort. Ou par... peur de décevoir ses propres enfants ou peur que leurs propres enfants ne soient pas intégrés, etc. Donc, on est dans un...

  • Florence Gault

    Parce que oui, on ne sait pas nécessairement comment s'y prendre. Lors d'un atelier parents-enfants sur les réseaux sociaux, pareil, quartier populaire, je fais remplir un petit questionnaire aux enfants et on imagine 10 ans, 10-11 ans. Et je leur dis, qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place ? Là, c'est vous qui imaginez. Qu'est-ce qui vous permettrait de décrocher de temps en temps, le but étant de ne pas forcément diaboliser l'usage des réseaux sociaux, mais de dire qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place ? Les enfants répondent, alors ils voulaient un panier de jeux, de jeux de société, dans le salon, à disposition pour pouvoir jouer. Et l'un d'entre eux m'a même répondu, mais moi j'aimerais bien que mes parents me punissent. Ah, T'as envie que tes parents te punissent, t'interdisent. Du coup, ce serait plus facile, en fait, s'ils m'interdisaient. Au moins, je serais obligée de faire autrement. Et donc, deux heures plus tard, on discute avec les parents. Je fais ce retour-là et en fait, eux sont restés complètement étonnés, abasourdis en disant, mais mon gamin vous a dit ça. Je dis, oui, oui, il y a quelques heures plus tôt, oui, votre enfant était prêt à se faire punir. pour pouvoir décrocher un peu du téléphone.

  • Flore Vasseur

    Ça veut dire protège-moi. Mais c'est toujours... De toute façon, on est tous ambivalents et les enfants aussi. Ils veulent de la protection et de l'émancipation, de l'autonomie et de la sécurité. Mais ça, c'est la vie, en fait. C'est la vie, c'est le choix permanent de la vie. Et c'est contradictoire entre le désir de liberté et le besoin de sécurité. Mais par contre, là où on s'est... où on s'est fait avoir. C'est qu'on nous a vendu que les téléphones, la console, les objets allaient nous rendre libres. Vous savez, quand on a fait le... Voilà, consommer, c'est la liberté, le combat, c'est d'avoir le prix le plus bas. Eh bien, c'est ça où on s'est fait avoir. C'est vraiment ça. Donc, l'aspiration à la liberté, elle est juste. Le besoin de sécurité, il est réel. C'est la façon... Donc c'est à quoi on associe liberté et à quoi on associe sécurité qui est déconnant.

  • Florence Gault

    Dans votre livre, vous dites chaque génération croit qu'elle va tout révolutionner. Mais voilà, on a toujours cassé la jeunesse. C'est vieux comme le monde. C'est la jeunesse qui nous sauvera.

  • Flore Vasseur

    Je pense que personne ne nous sauvera. Je ne pense pas qu'on est à sauver. Je pense qu'on est à réparer. Alors que la jeunesse ne répare, oui. Ça, j'y crois beaucoup. Mais pour revenir à cette anecdote dans le livre, enfin, ce passage du livre, tous les troublemakers, c'est toujours la jeunesse. Toutes les grandes œuvres de l'humanité, c'est Rimbaud avait 17 ans, Labo ici, on n'a jamais écrit quelque chose de mieux sur la servitude, il avait 17 ans. Regardez le nombre de personnes qui sont mortes avant 27 ans. De grands génies, quoi ! moi je crois vraiment qu'il y a cet âge d'or de l'audace, de l'intelligence le cerveau carbure à 8000 à l'heure il y a un moment où il y a une tectonique des plaques ça ne veut pas dire que tous les jeunes sont merveilleux et que tous les vieux sont has-been, ce n'est pas ce que je dis mais je dis aussi que la jeunesse a toujours été un problème pour le politique, toujours, toujours, toujours parce qu'il y avait une part, parce qu'il y avait la génération qui voulait vivre Après, moi, à l'inverse, quand je pense aux cyniques ou aux personnes, aux climato-sceptiques ou au sarcasme ou des gens qui disent à quoi bon ? Mais pourquoi je ferais ça ? De toute façon, la Chine, elle ne bouge pas, etc. Moi, je les mets dans un pack, quel que soit l'âge. Ce n'est pas un truc de génération, c'est un état d'esprit. Donc, c'est des gens qui sont prisonniers de cette croyance dans leur confort. C'est des gens qui veulent mourir tranquille. A l'inverse, il y a une génération intranquille qui veut vivre. Et elle se cogne cette masse-là, agénérationnelle, qui veut mourir tranquille. Parce que c'est confortable.

  • Florence Gault

    Dans votre livre, on s'entremêle espoir, colère, par moment de l'abattement aussi. On vous sent traversée par toutes ces émotions. Mais qu'est la vie ?

  • Flore Vasseur

    Dans la journée même, vous voyez bien, juste avant que vous arriviez, j'étais dans une colère noire. Là, on rigole. Moi, c'est 50 fois par jour.

  • Florence Gault

    Mais c'est aussi ce qui fait la vie. Et maintenant, que faisons-nous justement quand on regarde le parcours des jeunes pour reparler de Biggers Than Us ? Est-ce qu'il faut avoir... tout perdu pour se mettre à agir. Vous écrivez dans l'épreuve Quelque chose s'ouvre, la possibilité, un autrement en soi comme un nouvel horizon ne reste alors plus que l'ultra-présent, l'apropos C'est ça, il faut vivre là maintenant ?

  • Flore Vasseur

    La question c'est, qu'est-ce qu'il nous faut pour qu'on soit présent ? Parce qu'effectivement, on va reparler de cette dopamine digitale, tout est fait pour nous arracher de là. Donc, la question, c'est qu'est-ce qu'il faut pour être présent ? Et il me semble qu'effectivement, il y a des moments comme des failles spatio-temporelles, en fait, qui tout à coup vous secouent à un point que vous ne pouvez plus vous échapper. Là, il n'y a plus aucune béquille possible. Il n'y a aucun rempart derrière les écrans. Et donc, ces moments-là, c'est des épreuves. ou alors des coups de foudre. Mais paradoxalement, les épreuves nous rendent vivants en fait. Tout à coup, on est face à l'adversité, on se demande qui on est, ce qu'on va faire, comment on peut faire, qui on a envie d'être. Et c'est toujours ces moments-là. Ça n'arrive pas dans un quotidien, ah tralala, je suis à ma terrasse de café, je vais me demander... ce que je peux devenir. Non, ça, on est trop confortable. On est tous pareils. J'aimerais bien parler avec des neuropsychologues pour savoir ce qui se déclenche chimiquement, quelle hormone vient taper. Non pas un cerveau reptilien dans lequel on est. Justement, il est explosé, en fait, tellement le truc est énorme. Donc, souvent, j'ai remarqué ça chez les gens qui sont dans le deuil. Mais moi-même, pour l'avoir vécu, les moments de grande vérité, c'est les moments où je suis à terre. C'est les moments où... où j'ai plus d'espoir, où là je vais me dire mais comment je vais faire juste pour respirer le truc d'après et donc est-ce qu'il faut avoir tout perdu pour se mettre à bouger ? Un peu mais tout perdu avoir tout perdu c'est pas la même chose pour tout le monde et la bonne nouvelle c'est qu'on perd tout le temps la bonne nouvelle c'est que pour moi ce qui nous met en route c'est justement la confrontation à la réalité donc l'humiliation Donc le sentiment d'injustice, donc les épreuves, ça peut être une maladie, ça peut être une agression, ça peut être une trahison, ça peut être un deuil, ça peut être un choc, ça peut être tout ça en fait. Ça pour moi ça ouvre une lucarne, après on ne l'apprend pas tous et on ne l'apprend pas toujours. Et étonnamment, la même épreuve elle revient jusqu'à ce que... On comprenne en fait que là, il y avait un truc qui vient dire, est-ce que tu es sûr d'être à ta place ? Est-ce que tu es sûr d'être la personne que tu voulais devenir ? Est-ce que tu es sûr que tu ne pourrais pas vivre autrement, être autrement, te comporter autrement ? Moi, j'ai l'impression que c'est le rôle des épreuves.

  • Florence Gault

    À tous ces gens qui vous posent la question, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Vous répondez toujours par l'humanité versus le confort. Ça peut parfois être un peu difficile à appréhender. J'aime beaucoup la manière dont vous terminez votre livre. Vous dites, alors et vous, qu'allez-vous faire ? C'est-à-dire, qui décidez-vous d'être ? Que permettez-vous ? La peur ? Le repli sur soi ? Le cynisme ? L'égoïsme ? Le confort qui justifie tous les renoncements ? Ou l'amour ? L'aventure ? L'inconnu ? Allez-vous lutter contre ? Ou lutter pour, on en revient à ce qu'on disait au démarrage de cet entretien.

  • Flore Vasseur

    On a beaucoup parlé de confort, je crois que vous avez compris le message, mais c'est vrai que je n'ai pas équilibré avec la solution que je propose. Enfin, le guide, la direction plus que la solution. La direction qui est celle de l'humanité. Et je n'y suis pas à 100% tous les jours, vous en avez été témoin. L'humanité, c'est se dire pour eux. Toutes les actions du quotidien, en fait, c'est toujours le même choix. Je peux aller vite prendre mon train, passer très vite devant la personne à la rue ou Florina qui fait la manche en bas, lui dire que je n'ai pas le temps et filer vite prendre mon train. Confort. Je peux me dire, mon train attendra, Florina a l'air de ne pas aller très bien aujourd'hui, peut-être qu'elle a besoin de quelque chose. Est-ce que je lui amène un thé chaud ? Humanité. Dans le train, il peut y avoir mille occasions d'exprimer confort, humanité, avec vos enfants, avec vos collègues de travail, avec vos propres parents, avec vous-même en fait. Et cet arbitrage entre confort et humanité, il est aussi dans les, par exemple, je vais insister un petit peu, mais dans la consommation. Est-ce qu'on a vraiment besoin de ce cinquantième t-shirt pas cher qui va être livré par une entreprise qui est en train de massacrer l'environnement, mais aussi... des personnes ? Ou est-ce que je peux me dire que je n'en ai pas besoin ? Humanité. Est-ce que je peux choisir de me replier sur moi parce que c'est plus pratique et parce que j'ai peur de l'autre ? Ou est-ce que je peux me dire ça serait bien que je rappelle cette personne que je viens d'engueuler là et que je lui demande pardon et que j'essaie de mieux comprendre d'où venait sa peur et pourquoi. Voilà. Humanité. C'est toujours et c'est plus confortable pour moi de ne pas rappeler. C'est toujours, un, c'est jamais perdu, deux, pour moi c'est un excellent baromètre. On fait le tri sélectif, on est dans tous les actes du quotidien maintenant, je prends la décision consciente de l'amour. C'est très compliqué. C'est vraiment très compliqué. Je ne me suis pas fait tatouer pour Humanité, mais je me suis fait tatouer This too will pass qui est un peu la même idée. C'est-à-dire, quand il y a quelque chose qui vient m'agresser, ou quand je suis partie dans ma peur ou dans ma colère, pouf, ok, ça va passer, Humanité pense qu'il y a à sauver. Et c'est vrai que moi, je n'ai pas de meilleure solution. Et je... je ne sais pas si ça va changer le monde. Et d'ailleurs, il n'est pas à changer, mais ça va le réparer. Vraiment puissamment. Parce que ça commence... Parce qu'on a tous notre part. Et ce n'est pas une question de génération, ce n'est pas une question de classe sociale, de niveau d'éducation, de religion, de valeur morale, ou quoi que ce soit. Chacun de nous, quel que soit notre niveau, quel que soit notre âge, quelle que soit notre position, quel que soit notre métier, même le patron total. S'il se met à choisir l'humanité plutôt que son confort, mais c'est tectonique. Et en fait, ça revient à cette histoire de système de valeurs dont je parlais tout à l'heure. Parce qu'en fait, choisir l'amour, c'est comprendre qu'on n'est pas séparés. C'est comprendre qu'on est tous interdépendants. C'est comprendre que cette histoire de séparation de la nature, des peuples, de nous, du temps, des autres, n'existe pas. C'est une croyance, mais ce n'est pas la vérité. Ce n'est même pas une vérité scientifique. On l'a vu avec la Covid. On était tous interdépendants. Si vous étiez malade, j'étais malade. Si j'étais malade, vous étiez malade. Point barre. On a oublié. Et donc la leçon va revenir inexorablement tant qu'on ne la comprendra pas. Mais voilà, ça c'est un chemin qui fait qu'effectivement vous luttez pour défendre l'humanité chez les autres et la vôtre.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup, Flore Vasseur, pour cet échange.

  • Flore Vasseur

    Merci à vous.

  • Florence Gault

    Et maintenant, que faisons-nous à retrouver aux éditions Grasset ? Merci beaucoup. Un épisode rendu possible grâce au soutien de Gilles, Martine et Christophe.

Description

Depuis plus de 20 ans, Flore Vasseur, réalisatrice et autrice, interroge les bouleversements de notre époque : la fin d’un monde, l’émergence d’un autre et les combats de celles et ceux qui, peut-être, bâtiront cet avenir. Réalisatrice du documentaire Bigger Than Us, elle met en lumière une jeunesse déterminée à agir pour des causes plus grandes qu’elle-même, malgré les défis colossaux qu’elle rencontre.


Aujourd’hui, Flore Vasseur poursuit ce dialogue dans son livre Et maintenant, que faisons-nous ?, publié aux éditions Grasset, fruit de trois ans de débats et de rencontres inspirées par le film.


Dans cet épisode, nous explorons :

  • Ce que signifie agir pour quelque chose de plus grand que soi (bigger than us),

  • Les espoirs et les combats d’une jeunesse engagée,

  • Cette question essentielle : Et maintenant, que faisons-nous ?


Un mois pour s'inspirer


Cet épisode fait partie de notre série spéciale de janvier, consacrée au Bonheur, à la Jeunesse et à l’Optimisme, avec trois invités exceptionnels.


🎧 Retrouvez également les autres entretiens de cette série :

  • Corinne Morel Darleux : Trouver le bonheur dans un monde en transition (sorti le 1er janvier)

  • Arthur Auboeuf : Avancer avec optimisme, le meilleur est Avenir ! (sortie prévue le 29 janvier)


Des conversations profondes et éclairantes pour commencer l’année avec inspiration et sérénité.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier



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Transcription

  • Florence Gault

    Depuis plus de 20 ans, Flore Vasseur explore les bouleversements de notre époque, la fin d'un monde, l'émergence d'un autre et les combats de celles et ceux qui peut-être feront naître cet avenir. Avec son documentaire Bigger Than Us, elle pose une question essentielle, comment agir pour quelque chose de plus grand que soi ? A travers les parcours de sept jeunes engagés, elle met en lumière une jeunesse déterminée, mais aussi les obstacles immenses auxquels elle fait face. Aujourd'hui, Flore Vasseur poursuit ce dialogue dans son livre Et maintenant, que faisons-nous ? publié aux éditions Grasset, fruit de trois ans de débats et de rencontres inspirées par le film. Pour la petite anecdote, quand je suis arrivée chez elle pour cet entretien, Flore n'avait pas franchement la tête à l'interview, encore agacée par une conversation qu'elle venait d'avoir. Mais au fil de nos échanges, cet agacement a laissé place à un autre élan. Petit à petit, nous nous sommes laissés embarquer, à rêver ensemble, à imaginer d'autres possibles. Cet épisode s'inscrit dans notre série spéciale de janvier dédiée au bonheur, à la jeunesse et à l'optimisme. Trois thématiques qui résonnent profondément avec le parcours et les engagements de Flore Vasseur. Une conversation riche, parfois bouleversante, mais toujours lumineuse. Flore Vasseur, bonjour. Bonjour. Et merci de me recevoir ici chez vous à Lyon. Alors, je n'ai pas l'habitude de débuter une interview en parlant de moi, mais je vais faire une... petite exception parce que j'ai donc été journaliste au sein d'une rédaction de Radio Nationale pendant une dizaine d'années jusqu'à ce que pendant le confinement, je m'interroge au moment de toute la réflexion autour du monde d'après sur quel allait être mon rôle, ma place de journaliste dans ce fameux monde d'après. J'ai donc décidé de quitter cette radio-là et de me dire, bon, ben, OK, je prends un temps pour moi pour réfléchir à ce que je vais faire après. Et puis, évidemment, vous venez juste de me le dire, c'est marrant, avant qu'on débute l'interview, ça se voit que je viens du monde de la radio. Et donc, le son a été absolument une évidence pour moi et de passer par la réalisation d'un podcast. Et j'en parle à mon filleul qui était âgé de 12 ans à ce moment-là. en lui disant je vais faire un podcast sur l'écologie pour expliquer aux gens pourquoi il ne faut pas détruire la planète Et on marchait au bord de la plage, dans le Var d'où je suis originaire, et il se retourne vers moi et me dit et tu n'oublieras pas de parler des solutions Et là je me suis dit mais il a tellement raison, du haut de ses 12 ans, et c'est lui qui m'a mis sur le chemin du journalisme de solutions que j'avais déjà côtoyé dans mon parcours sans y mettre un mot. Mais j'ai trouvé ça assez exceptionnel qu'un enfant de 12 ans, à ce moment-là, m'incite à ne pas regarder que les difficultés et qu'informer, ça passait aussi par la mise en lumière d'initiatives de celles et ceux qui agissent. Et évidemment... Ça a forcément fait écho en moi quand j'ai lu votre livre. On va avoir l'occasion d'en reparler. Ou quand j'ai vu votre documentaire Bigger than us Vous-même, il y a 7 ans, votre fils vous interpelle.

  • Voix off qui lit

    Et toi maman, tu fais quoi ? Pardon ? Je fais quoi moi ? Oui, tu fais quoi toi pour que la planète ne meure pas ? Je suis renvoyée dans les cordes. Ma fille n'en loupe pas une miette. Eh bien tu vois, j'écris des livres, des films, sur la corruption, le dessous des cartes, notre façon de vivre, pour que les gens comprennent et changent. D'un haussement d'épaule, il balaie 15 années de travail. Non mais maman, sérieusement, tu fais quoi ? Ma fille me protège toujours, je cherche un peu d'aide, son regard, il m'intime, rame maman, rame. C'est que, on prend le train, on n'a pas de voiture, on évite l'avion, on mange bio. Les yeux au ciel, mon fils soupire. Bon, pour la dernière fois, tu fais quoi pour que la planète ne meure pas ?

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là dans votre tête ?

  • Flore Vasseur

    Clairement, je crois que c'est un des moments pivots de ma vie. Je dirais même que... Le reste de ma vie s'est joué là. J'avais deux façons de réagir, qui étaient de balancer sa question aux orties, parce qu'elle me dérangeait. Et réagir avec presque surplomb, sarcasme, cynisme, et dire ne t'inquiète pas, il ne se passe rien, c'est quoi cette question ? Tu es trop petit, tu comprendras plus tard Entre parenthèses, tu comprendras plus tard c'est une phrase qu'on m'a beaucoup dite quand j'étais enfant. Et c'est peut-être pour ça que j'ai fait de ma vie d'adulte... un prétexte pour comprendre, je crois. Mais en tout cas, je me suis bien dit toute ma vie de maman que jamais je dirais ça à mes enfants. Donc, le tu comprendras plus tard n'était pas une option. Donc, ça voulait dire qu'il fallait que j'y aille et que je lui réponde de façon... Enfin, comme une maman, quoi. Et une maman, elle répond pas en sachant. Elle répond en disant comment j'aide mon enfant à vivre ? Et donc, cette conversation a duré une heure et demie. Il me disait encore hier soir, parce qu'on en reparlait, qu'il ne se souvenait même pas de cette discussion. Les enfants, ça vous apprend à rester humble. J'en ai fait toute ma vie, mais lui ne se souvient pas de cette question. Soit. Heureusement, il y avait ma fille et elle, elle se souvient très bien. Mais c'était une discussion qui a duré une heure et demie et dans laquelle j'ai compris beaucoup de choses. La première chose, c'est que tout ce que j'avais fait jusqu'à présent ne servait strictement à rien. Ça faisait 15 ans que j'essayais d'alerter tout le monde sur la façon dont le capitalisme était en train de nous enterrer vivants. Et ça ne marchait pas. Avec mon enfant, j'ai compris que ça ne marchait pas. Parce qu'en fait, lui, il s'en fichait de toutes les théories, de tous les experts, de toutes les courbes du GIEC, etc. Ce qu'il voulait, c'était savoir comment vivre. Et donc je me suis rendue compte que j'étais incapable de lui répondre. que je n'avais pas la solution, que tout ce que j'avais fait jusqu'à présent, et c'était de la gnognotte par rapport à ce qu'il y avait à faire, que à l'endroit de la génération qui arrivait, il n'y avait personne qui se cognait cette explication, autrement que par des discours faciles qui vont flatter le quant à soi, le repli sur soi, la haine de l'autre et du différent, et de l'aventure et du demain. Et donc, ça m'a mis en route.

  • Florence Gault

    Et donc c'est comme ça que naît l'idée de ce documentaire, Bigger Than Us. On découvre le parcours de sept jeunes dans sept pays différents, des jeunes qui se bougent. On a Melati et sa sœur Isabelle, connues pour avoir mobilisé la population contre la pollution plastique des plages de Bali. Melati est d'ailleurs le personnage central du film. C'est elle qui va à la rencontre des acteurs du changement en Ouganda, au Brésil, au Malawi. Mais Maury qui lutte contre les mariages forcés de jeunes filles au Malawi, qui a réussi à rehausser la majorité de 15 à 18 ans dans son pays. Ou bien encore René qui se bat contre les inégalités, les préjugés dont souffrent les communautés des favelas de Rio de Janeiro au Brésil. Des jeunes donc qui s'engagent pour quelque chose de plus grand que, bigger than us en anglais. J'ai vu ce documentaire il y a deux ans, je l'ai trouvé plein d'espoir, malgré la gravité. des sujets abordés. Et pourtant, quand je les regardais avec des amis, pour certains, ça venait vraiment bousculer au plus profond d'eux.

  • Flore Vasseur

    Oui, alors je ne sais pas bien pourquoi. Très honnêtement, j'ai l'impression que c'est un millefeuille, ce film. Il y a des personnes qui sortent de là tristes, pas souvent tristes, mais en tout cas tordues de culpabilité. Je crois que ce n'est pas de la tristesse, c'est de la culpabilité. Et en général, c'est les personnes les plus usagées. Il y a des personnes qui sortent en colère, il y a des personnes qui se sentent ragaillardies, comment dire, restaurées dans leur envie de vivre et dans leur envie d'y croire, et renforcées en fait, voilà. J'ai la peur, la culpabilité, la colère, la honte, tout ce que vous voulez. Ce que j'ai rarement, c'est effectivement l'indifférence. Et c'est là où je me dis que...

  • Florence Gault

    C'est mission réussie.

  • Flore Vasseur

    Oui, parce que je pense que c'est le problème. On s'est mis des couches de fond de teint, de carapace, de masque, tout ce que vous voulez, entre la réalité et nous, pour ne pas avoir à se dire que ça nous concerne, c'est-à-dire que ça nous implique, c'est-à-dire que ça nous appelle. Donc on s'est mis toute une série de barrières, en fait, pour tenir, parce qu'il y a un côté affolant qui est... dans la question de mon fils en fait. Quand mon fils me dit Maman, ça veut dire quoi ? La planète va mourir ? Sa deuxième question, c'est Comment je fais, moi, pour ne pas mourir ? Un enfant de 7 ans qui vous parle de sa mort, quand 90% de la population, voire des adultes, passent leur temps à nier leur propre mort, c'est très dérangeant en fait. C'est abyssal. Et voilà, donc je suis d'accord que ça sécrète beaucoup d'émotions, mais que c'est fait pour. Parce que l'indifférence nous tue. Vraiment, plus que le capitalisme. plus que la pollution, plus qu'elle est en train de nous installer dans une posture d'acceptation et de renoncement qui rend tout possible et surtout le pire. Donc voilà, je suis hyper contente quand on me dit qu'on n'est pas d'accord avec moi. Parce que...

  • Florence Gault

    Ça vient faire bouger des choses.

  • Flore Vasseur

    Bah oui, et puis c'est pas comme si, au-delà de ma personne, il n'y a pas de... de position, quelque part il n'y a pas de position juste, il y a juste la sienne. Et le fait d'en avoir une et de l'affirmer, donc de sortir du masque, ça permet un échange, ça permet une conversation, ça permet une rencontre, ça permet de dire, enfin voilà, de bouger en soi. Et voilà pourquoi les émotions sont importantes.

  • Florence Gault

    Et vous en ce moment, ils en ont pensé quoi de ce film ?

  • Flore Vasseur

    Alors c'est plus qu'un film, parce que c'est devenu mon occupation, comme dirait les Américains au quotidien, je fais que ça. D'abord j'ai imaginé le film, après j'ai fabriqué le film, après j'ai porté le film, et puis là on repart pour faire un autre film. Donc, c'est une espèce de mouvement perpétuel où on apprend et où tout change tous les jours, tout le temps, parce que c'est une matière vivante, parce que c'est des personnes réelles, parce que notre monde est en pleine implosion avec des bonnes et des mauvaises nouvelles, tout le temps. Donc, ce qu'ils ont vu, c'est un tourbillon. Peut-être qu'il y a...... Au moment où on vous parle, je ne veux surtout pas vous montrer les images, mais je peux vous décrire. On est dans mon appartement, on vient de fêter les 18 ans de ma fille et il y a des photos de mes enfants partout. Donc au moment où je vous parle au-dessus de vous, je les vois petits et à chaque moment, ça a été une pulsion de vie énorme. Mais je crois que j'ai mis les bouchées doubles depuis la question de mon fils, en fait, à vouloir toujours reparler de la vie, la vie possible, partout, tout le temps. mais comme vous l'avez dit vous-même avec un discours qui peut faire mal parfois parce que c'est celui de la vérité je vous ai un peu reprise tout à l'heure quand vous parliez de votre métier sur le journalisme des solutions, le risque c'est de pas comprendre pourquoi elles existent en fait et j'ai un peu peur de la complaisance quand on dit journalisme de solution, je pense qu'il faut qu'on fasse attention de toujours comprendre L'espoir, c'est une matière qui est extrêmement sensible.

  • Florence Gault

    Oui, parce que tout dépend de comment on l'utilise, dans quel but.

  • Flore Vasseur

    Exactement. Et moi, mon espoir, c'est que les personnes qui me font l'honneur de regarder mon travail, effectivement, se saisissent de ces sujets, de ces propositions, mais aussi de cette lecture du monde et donc de ces chiffres aussi terribles et de cette réalité, en fait. On ne peut pas faire regarder que la victoire. Non. Et je pense que ça, ça a été un des sujets. Tout est dans tout. Dans ce qu'on fait, dans ce qu'on travaille, les victoires sont rares, les avancées sont rares. Surtout en ce moment, il ne faut pas trop qu'on se gargarise. Parce que là, on est quand même en train de perdre de façon massive. Et donc, il y a une remise en cause à faire sur est-ce qu'on a mal communiqué là-dessus ? Est-ce qu'on a mal raconté l'histoire ? Précisément, quelle est l'histoire qu'on raconte ?

  • Florence Gault

    Je pense qu'aujourd'hui, effectivement, et en tout cas, c'est une des dérives, alors là, pour parler du journalisme de solution, mais d'entrer dans une approche un peu bisounours, ou quelque chose qui viendrait nous faire un peu du bien, pour, ah ben en fait, il y a des choses qui se passent, donc tout va bien, et de se conforter dans un truc un peu ouaté, exactement. Et en fait, effectivement, en tout cas, moi, je crois beaucoup que c'est aujourd'hui à la fois montrer... les problèmes et ne pas faire comme s'il n'y avait pas le problème à l'origine et de bien montrer Comment ça peut venir se répondre ? Comment effectivement mettre en avant le problème de manière systémique ? On n'est pas là pour juste faire ni un journal des bonnes nouvelles, ni pour effectivement se gargariser de quelques petites initiatives qui fonctionnent et qui font du bien. Et c'est là où le mot journalisme devient extrêmement important de pouvoir... étayer de faits et de montrer en fait l'histoire dans sa globalité.

  • Flore Vasseur

    C'est ça et moi j'ai l'impression que notre devoir aujourd'hui c'est d'équiper les gens avec une c'est pour ça que le journalisme est hyper important parce que voilà il y a beaucoup d'opinions puis après il y a des faits il y a des chiffres il y a des enquêtes, il y a des choses qui sont documentées donc il ne faut jamais oublier ça et je pense qu'il faut montrer cette face là et aussi le fait de dire bon Mais voilà qui et comment a pu faire quelque chose, en fait. Et voilà un chemin possible pour vous. En fait, je pense qu'il ne faut pas faire la leçon, mais il faut donner des clés. Et à nouveau, la tendance pourrait être de faire, entre guillemets, un business. Des solutions, des trucs. Mais là, on n'est complètement pas du tout en train d'aider, je pense. Et cette génération qui arrive, elle est assez intraitable sur le sujet. Elle voit le truc au scalpel, en fait, étonnamment. Mais je voulais aussi revenir sur quelque chose, je pense qu'on sait, et on le paye assez cher, je crois, on sait collectivement tromper dans la façon de raconter l'histoire quand on a, et je l'ai beaucoup, beaucoup fait, en tout cas, moi, je me suis trompée, je vais plutôt dire ça, et je suis beaucoup plus heureuse maintenant, et à mon avis, utile aux autres maintenant que j'ai passé à autre chose. J'ai écrit quatre livres qui sont des livres de dénonciation, où je vais taper sur tous les lobbies de la terre, le pouvoir de la finance, la collusion politique média-finance, le pouvoir de la technologie, les complots, les trucs, les machins. Je l'ai fait, j'ai compris, tout cela est vrai, mais so what ? So what ? Ça sert à quoi en fait ? Donc c'est une partie du chemin qui m'a amenée à comprendre. Mais moi, je me suis rendue compte que tous ces travaux-là, un, ils ne me rendaient pas plus heureuse. Deux, ils n'aidaient pas du tout mon fils à vivre. Trois, j'étais en train de remettre à chaque fois une pièce dans le système. Parce qu'on est dans un monde, dans un système capitaliste qui se nourrit de sa critique. Tant que vous parlez de lui, il est content. C'est un champ de force en fait. Et il vous retourne. C'est-à-dire que physiquement, cette matière noire que vous envoyez sur lui, il vous la renvoie à la figure. Et je me suis rendu compte que j'étais beaucoup plus heureuse depuis que, en restant, il y a cette phrase américaine, dur avec les problèmes, doux avec les personnes Et bien en restant dur avec les problèmes, mais en étant douce avec les personnes, c'est-à-dire les personnes qui essayent de proposer quelque chose en se disant toi je vais t'aider, ce que tu fais c'est beau, je veux juste montrer la beauté en fait Et bien là-dessus, c'est là que j'ai découvert la joie en fait. C'est là que j'ai découvert qu'il y avait toute une histoire énorme de cette humanité qui a compris que ça ne servait à rien d'essayer de démolir le truc. Là, il va s'effondrer de lui-même. La question, c'est ce qui nous emporte complètement. Mais il y a à côté de ça toute une humanité qui veut vivre, qui est dans la dignité et qui lutte pour. Donc ma bascule, moi, c'était de passer du lutter contre au lutter pour. Et j'ai l'impression qu'en termes... d'écologie en tout cas, on a beaucoup, et c'est une étape et peut-être que c'est aussi nécessaire, on a beaucoup lutté contre. Mais résultat des courses, on a instillé, en fait on a souscrit à la logique du système en place, qui est de faire des séparations supplémentaires, on a mis l'écologie face, contre les autres causes déjà, on n'a pas fait de lien systémique dont vous parliez tout à l'heure, on a dit que l'écologie c'était plus important que le reste. Trois, on a réduit le sujet de l'écologie à la question du climat, voire à la question du CO2. Quatre, on a ouvert du coup la porte à tous ceux qui voulaient nous critiquer en disant Ah ben, vous êtes des amiches, vous voulez nous faire perdre, vous voulez qu'on vive moins bien, etc. En fait, on n'a pas su parler de la joie, on n'a pas su parler de la libération, on n'a pas su parler de l'émulation, de la fraternité, de la solidarité. du sentiment merveilleux d'être utile pour d'autres qui sont là et qui sont juste des êtres humains comme vous, qui essayent juste de faire de leur mieux en fait. Et je crois qu'on le paye très très cher.

  • Florence Gault

    Flore Vasseur, vous savez, il y a les fameux 5 W en journalisme. Who, what, where, when, why, qui, quoi, où, quand, pourquoi. En journalisme de solution, on rajoute un sixième W qui est le and now what Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Et maintenant, que faisons-nous ? C'est le titre du livre que vous venez de publier en octobre dernier. En fait, l'idée, c'était de pouvoir aller bien plus loin, puisque Bigger Than Us, vous nous l'expliquiez, en fait, ça va bien au-delà du film. C'est des rencontres. Votre site Internet est une mine de ressources pour les gens qui cherchent des outils, et notamment des outils pédagogiques. Allez-y, c'est une vraie source d'inspiration. C'est vrai, il y a vraiment beaucoup de ressources à disposition. Parce que le but du jeu, c'est qu'en fait, ce documentaire, ce soit que le début de la discussion, en fait.

  • Flore Vasseur

    Oui, alors je n'étais pas partie pour ça, mais c'est la beauté, vous savez, quand vous écrivez, vous êtes là-dedans aussi, vous posez une intention quelque part et puis la vie vous amène, c'est comme lancer un fil de canne à pêche, sauf que là, c'est la pêche miraculeuse, si vous vous accrochez, parce qu'il y a vraiment la tentation de mettre plein de fils de canne à pêche et de voir qui mord le plus. Là, pour moi, c'était tellement... en fait, comment dire...

  • Florence Gault

    Plusieurs fils à la même canne. Oui,

  • Flore Vasseur

    et puis pour moi, c'est tellement... Je crois que je n'ai jamais eu d'arme aussi puissante, en fait. Et je parle de ça. Parce que moi, je suis dans une bataille comme vous, je crois, assez spécifique, qui est la bataille culturelle. Je suis convaincue, pour reparler de cela, que toutes les solutions à nos problèmes existent. Déjà, si on change, si on adapte la comptabilité qui a été faite, je ne sais pas quand, pour un monde dans lequel il n'y avait que des usines. à la réalité d'aujourd'hui et donc à une comptabilité qui intègre le coût social et écologique de tout ce qu'on fabrique.

  • Florence Gault

    On en parlait avec Yannick Roudaut il y a quelques semaines.

  • Flore Vasseur

    Voilà, toutes ces histoires de comptabilité, toutes ces histoires de constitution, les droits de la nature. Pourquoi aujourd'hui le monde entier tourne autour d'un droit qui est basé sur une personne qui n'existe même pas, c'est le droit des affaires. Pourquoi les droits des affaires sont en train d'être plus importants que le... la vie en fait. Pourquoi on a laissé s'installer ça ? Donc il y a beaucoup de solutions pour recadrer, réorienter, reposer un sens des priorités qui ne met pas, enfin qui mettrait la vie au-dessus de tout. La vie et sa préservation, je ne parle pas que de la nature, de la biodiversité. Je parle de notre vie, de notre vie psychique, de la vie de nos enfants, de la santé mentale, du vivre ensemble, de la capacité à rester une humanité en fait. Donc tout ça, ces solutions elles sont... juridiques, comptables, politiques, attitudinales, tout ce que vous voulez, il y a un truc qui manque, c'est la culture. C'est le système de valeurs qui va faire qu'on va être OK de les adopter. Et c'est pour ça que ça ne marche pas. Pour l'instant, on reste coincé dans notre croyance que la liberté s'est consommée. que les droits se battent pour ses droits, c'est se battre pour un prix le plus bas. Je schématise, mais on en est là. Quand vous avez des gouvernements successifs qui, depuis 30-40 ans, font de la croissance du PIB l'objectif national, vous êtes cuit. Vous êtes cuit. Il n'y a pas de diva possible. En face de vous, vous avez des gens qui, quand vous commencez à mettre en doute ça, vous disent mais quoi, tu veux toucher à nos emplois et comment on va faire ? Donc on est complètement dans une emprise sectaire quasi.

  • Florence Gault

    D'ailleurs, on le voit bien avec notamment, je trouve, l'étude sur le climato-scepticisme de Parlons Climat qui a été publiée il y a quelques semaines et qui montre la variété des profils. de ce qu'on nomme le climato-sceptique. Et en fait, on se rend compte, au travers de cette étude, que finalement, le plus gros frein aujourd'hui, c'est tout ce qui touche aux valeurs, au mode de vie. Le fait de devoir abandonner, on l'évoquait tout à l'heure, le confort. Et donc, c'est là que les choses se jouent.

  • Flore Vasseur

    Alors, je ne sais pas si je mettrais... confort et valeur sur le même plan, mais en tout cas, le refus de céder à son confort, pour moi, c'est le sujet. Et au-delà de ça, et on va arriver jusqu'aux valeurs, le confort... C'est une promesse qu'on nous fait depuis, finalement, la Seconde Guerre mondiale. C'est là que, de toute façon, tout s'est énormément accéléré. Avec l'American Way of Life, on avait tous les droits, plus de limites. Et puis, c'était tenu à un moment, parce qu'il y avait l'opposition des deux blocs. Mais voilà, fin de l'histoire, au moment de la chute du mur de Berlin. Enfin, toutes ces balivernes, en fait, qu'on nous a racontées. Et après, avec un espèce de truc où, vraiment, plus aucun frein à ce règne. Plus aucune limite, si ce n'est la nôtre. La vie, en fait. Et donc, le confort, c'est cette... C'est la... Comment dire ? L'actualisation, aujourd'hui, la matérialisation d'une croyance qui est qu'on aurait tous les droits. Qu'on serait au-dessus de la nature. Qu'on serait au-dessus des lois du temps, même. Vous voyez, tous ces gens qui veulent aller dans l'espace. Tous ces gens, en tout cas, ces gens qu'on garde et qui ont la main, aujourd'hui, sur les médias, L'arme nucléaire, enfin voilà, je veux dire, c'est terrifiant. On est géré par des personnes qui, on va être géré, pardon, d'ailleurs, ils gèrent. C'est un mot horrible. Mais par des personnes qui n'ont qu'un seul intérêt, c'est qu'on soit des bonnes petites capacités de transaction, en fait. Parce qu'on a décidé que notre confort, c'était ça la priorité. Et aussi, ce qu'on nous a beaucoup raconté, c'était qu'on vivait dans une société dans laquelle on pouvait tout maîtriser. Donc c'était sans risque. Donc quand les gens disent je m'accroche à mon confort, ils disent je m'accroche à mon sentiment de sécurité. Et ça c'est vraiment une tartufferie énorme. Parce que 1, qui on est pour croire qu'on maîtrise quoi que ce soit ? Enfin on se le prend très très régulièrement dans la figure. Ça fait des siècles que ça dure. Et 2, on est tous sauf en sécurité. De toute façon on est une humanité balancée sur un caillou qui avance à... une vitesse folle dans un vide intersidéral. Donc moi, je ne sais pas trop quel sentiment de sécurité on peut avoir là-dedans, mais c'est quand même une folie. Et cette croyance, tout ce système de valeurs, en fait, il est lié à une croyance qui est facile à dégommer, en tout cas qui est très fléchable, qui est, en fait, c'est René Descartes qui l'a posée. L'homme est supérieur à la nature. On peut s'en rendre maître et possesseur. Ça fait quatre siècles. Ça, ça a déclenché toute une série de... Alors, le secte des lumières, le progrès technique, etc. Soit. Ça a aussi déclenché le fait que tout à coup, on s'est dit, comme on est supérieur à la nature, on peut la maîtriser, on peut en faire ce qu'on veut, on ne la respecte pas, on l'exploite jusqu'à plus soif, de toute façon, elle est illimitée. Et on a commencé à mettre des clôtures sur des champs. Ça s'appelle le mouvement des enclosures, c'est le début du capitalisme. Et puis, quand on n'avait plus assez de trucs chez nous, on est allé prendre les ressources dans les autres pays. Ça s'appelle le... le colonialisme. On a fait la même chose avec... On a dominé la terre, on a dominé les autres peuples, on a dominé les femmes. Voilà. Ce système-là, c'est au nom de notre confort. Et c'est terrible parce que... Et on voit que cette logique gagne aujourd'hui. Parce que cette logique de confort, elle va jusqu'à, effectivement, nier les problèmes climatiques, mais nier aussi l'autre, le différent. Regardez ce qui se passe avec les poussées. Enfin, c'est pas une poussée, c'est une... triomphe des idées extrémistes. Mais ça, pourquoi ça marche ? Parce que c'est du confort. C'est tellement plus facile de dire que la faute, c'est l'autre. Que la faute, c'est celle du différent, c'est celle de celui qui arrive, etc. C'est tellement plus difficile de rejeter loin de soi toute idée que peut-être on serait tombé, que peut-être on n'aurait pas tout juste, que peut-être on aurait une histoire, un rôle à jouer là-dedans. C'est tellement plus confortable, que voilà, pour moi cette poussée extrémiste, elle est l'incarnation totale de cette logique de confort et de cette utilisation par des politiques qui savent très bien ce qu'ils font de cette fragilité qui est ontologique et qui est aussi narcissique. Parce que quand vous dites à tout le monde, toute la journée, qu'ils n'ont de valeur que parce qu'ils portent telle ou telle marque, ben vous en faites des narcisses fragiles, quoi.

  • Florence Gault

    Et vous en faites des personnes faibles qui vont être éminemment manipulables. Et on en est là. Vous allez à la rencontre de collégiens, de lycéens, vous organisez des projections suivies de débats. Dans votre livre Et maintenant, que faisons-nous ? vous restituez tous ces échanges. Comment va la jeunesse aujourd'hui ?

  • Flore Vasseur

    Merci de parler de mon livre. Effectivement, le film n'était qu'un prétexte pour moi me lier à mon fils, c'est clair, à mes enfants. tous ces enfants que je vois sur ces photos-là qui vivent autour de nous, d'essayer de faire ma part, en fait. Et puis, ça allait beaucoup plus loin que ça, aussi. Je fais ma part aussi avec les protagonistes, je vous raconterai, mais... Et la surprise, parce que je n'étais pas partie pour ça, vous l'avez mentionné, on a fait un gros site parce qu'on s'est dit, on ne va pas pouvoir être derrière toutes les projections et il faut absolument que les gens, après l'émotion qu'ils se sont pris dans la figure, parce que c'est vrai que le film, quelque part, est violent. mais dans le bon sens du terme, c'est-à-dire ça se coud. Il fallait un endroit pour atterrir. Voilà pourquoi on a fait le site. Mais jamais j'ai imaginé que ça prendrait trois ans de ma vie, non seulement de fabriquer le film, mais trois ans de ma vie sur la route, à l'accompagner partout, à devenir troubadour et à rencontrer... Je crois que j'ai fait 600 débats en trois ans.

  • Florence Gault

    Énorme.

  • Flore Vasseur

    Avec 80% d'enfants. Donc, votre question est fondée. À savoir, comment va la jeunesse ? Donc c'est un ressenti. Moi, je ne suis pas scientifique, je ne suis pas sociologue, mais c'est vrai que c'est un retour terrain. Moi, je comprends qu'elle dévisse, vraiment. Parce que, pas à cause de l'accumulation des mauvaises nouvelles, et il y en a beaucoup, mais parce qu'il y a un profond sentiment de solitude. Ça, c'est la première chose que je vais dire. Ce que j'entends beaucoup, c'est que pour parler de ces sujets, il y a quelques profs courageux, qui sont d'ailleurs ceux qui organisent les projections. quelques assos courageuses et sinon il y a les influenceurs, les marques et les parties d'extrême les parents sont pas là et il y a trop d'enfants qui me disent madame je vous remercie parce que dans ma famille je suis tout seul face à ça donc l'éco-anxiété c'est le silence des adultes dans sa propre famille on se sent isolé donc logique de séparation à nouveau... C'est triste, mais c'est aussi une très bonne nouvelle. C'est-à-dire que c'est entre nos mains. On peut forcer la discussion dans nos familles. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il y a plein d'outils. Il y a des livres, il y a des films, il n'y a pas que le mien qui servent de prétexte à déclencher la conversation. À nouveau, je ne voudrais certainement pas dire que mon film a toutes les solutions, c'est la glorieule, etc. Ce n'est pas ce sujet. déclenche des trucs. Il déclenche une conversation, vous avez le droit de lui taper dessus, dire que vous n'avez pas aimé. Et en fait, je m'en fiche. La question, c'est sortir du silence. Donc, utilisez-le et il y en a d'autres. La deuxième chose, c'est que je vois un profond désir de vivre. La même chose que chez mon fils, en fait. Mais il faut qu'on soit plus nombreux. Vraiment. On n'est pas assez nombreux à aller dans ce sens-là. En face de nous, on a une horrible... industrie qui vise à dire tout l'inverse en fait parce que à nouveau le fait d'avoir peur le fait d'être en dépression le fait de se sentir seule ça vous rend tout à fait manipulable pour consommer, pour vous rassurer avec des choses faciles type consommation, type dom... pas mine des réseaux. Voilà, le brain rot dont vient de parler l'université d'Oxford, mais c'est juste de la volonté de fuir en fait. C'est de se planquer en fait. C'est rentrer en soi pour disparaître en fait. C'est pas rentrer en soi pour aller chercher de la force. C'est vraiment se cacher. Donc on a en face de nous une industrie qui est absolument diabolique, qui a qu'un intérêt, c'est de transformer nos enfants et nous-mêmes en zombies parce que ça va nous rendre. Ça va nous faire accepter tout ce qu'ils veulent nous faire accepter, à commencer par continuer à détruire le monde, en fait. Ce qu'ils font, eux, parce que ça leur est rentable. Aujourd'hui, on est devenus très efficaces, très performants, etc. Effectivement, à se détruire. Donc, il y a vraiment une réflexion sur le progrès qui a complètement disparu parce qu'on a dit mais non, mais comme ça, je serais plus confortable Vous voyez, c'est à nouveau, je ne dénonce pas, enfin, je ne dénonce rien d'ailleurs, mais je veux dire, René Descartes a fait ce qu'il a pu. C'est ce qu'on en a fait, nous, de ça. C'est la façon dont on s'est rassuré sans se remettre en cause jamais, sans penser, etc. Donc, un, il y a un vrai rôle à jouer pour tous les adultes et notamment les parents. Deux, il y a un puissant envie de vivre. Trois, il faut qu'on soit plus nombreux. Quatre, je vois une intelligence de situation. Enfin, vos questions sont très très bonnes. En tant que journaliste, non, non, mais c'est rare. Je suis interviewée par des journalistes, mais je me dis, mais c'est pas possible, quoi. Enfin, je suis effrayée, en fait, par le niveau des questions, surtout après avoir fait 600 débats avec des jeunes. qu'on dit soi-disant décérébrés, irresponsables, déconnectés de la réalité. Mais moi, je ne vois que de l'intelligence en barre, mais en barre en fait. Mais il faut créer des espaces de sécurité pour qu'ils se sentent légitimes à en parler, pour qu'ils se sentent légitimes à s'exprimer sans jugement. Et c'est vrai qu'on est dans une société dans laquelle on ne valorise pas ça. Il faut être conforme, il ne faut pas faire de vagues, il ne faut pas se faire remarquer. Il faut être lisse, imprenable. Et donc l'exercice que moi je vis avec le film, c'est finalement, le prétexte c'est le film, la réalité c'est un espace de sécurité pour parler. Après avoir vécu pendant 1h36 la même émotion, et c'est ça qui fait qu'on peut se parler derrière, c'est que tout à coup, les personnes ont oublié qu'elles étaient en 5ème avec tel problème, ou CEO de telle boîte. Il y a un moment, l'émotion est telle qu'on est tous une humanité la même au bord de l'abysse et que du coup ça parle parce qu'il faut se resserrer. Et donc je sens ça et je sens aussi qu'ils se sentent abandonnés par les adultes et ils ont raison.

  • Florence Gault

    Et je trouve qu'il y a une... Une difficulté pour eux, j'interviens beaucoup moi, quand je fais des ateliers d'éducation aux médias, à 90% j'interviens en quartier populaire. Et donc justement, on aborde ces enjeux de transition écologique et sociale qui au départ leur semblent, on peut avoir la sensation qu'ils s'en fichent, que ce n'est pas leur préoccupation. Et puis en fait, quand on creuse, quand justement on crée cet espace de discussion, de dialogue, et en fait on se rend compte qu'ils sont pris en étau. Entre à la fois le bon sens, et quand on évoque les problèmes aujourd'hui, les difficultés rencontrées, ce qu'on pourrait faire, il y a quelque chose de très logique qui apparaît, et ils en conviennent. Et en même temps, il y a ce tiraillement avec l'hyperconsommation, le fait de devoir être dans le même moule, sinon on est mis à l'écart, particulièrement au moment de l'adolescence, qui débute de plus en plus jeune, et donc ça devient de plus en plus difficile. D'ailleurs, dans votre livre, vous racontez que vous vous faites interpeller par une dame qui vous demande et vous, votre gamin, comment il va ? Et vous vous rendez compte, vous vous retrouvez à lui dire que vos enfants aussi, par moments, se retrouvent pris dans cet état-là, alors qu'ils ont une maman engagée qui bosse sur le sujet. Et donc, ça montre bien que ce n'est pas si simple. pauvres et que si on les accompagne pas,

  • Flore Vasseur

    si on crée pas le cadre et l'espace pour ça peut être vraiment difficile mais c'est pour ça qu'on a vraiment un problème de système de représentation, c'est à dire que tout ce qui se prenne toute la journée c'est si tu n'as pas la bonne paire de baskets, si tu n'as pas le bon blouson si tu n'as pas tant de followers etc tu n'appartiens pas à cette société parce que ça veut dire que t'as pas les codes en fait... Et les codes, c'est les codes de la consommation, c'est les codes de la célébrité, c'est les codes du confort. Et donc, à nouveau, il y a une machine monstrueuse pour alimenter ça. Et en face, on est vraiment avec nos petites fléchettes et notre grand cœur à essayer de dire, mais non, ce n'est pas ça la vie. Je te jure, ce n'est pas ça, ça ne va pas te rendre heureux. Mais c'est vrai que je le vis moi-même. Et c'est tout, pour être très honnête, c'est tout là. Comment dire ? Le désarroi dans lequel je suis, c'est que je peux être cette maman engagée. Tout à l'heure, un enfant me disait mais comment vos enfants font avec une maman aussi puissante ? C'était gentil ! Je me demande si je ne joue pas à contre. C'est horrible, mais pour être très franche, ça ne suffit pas. Ça ne suffit pas. Parce qu'on n'est pas assez nombreux à dire, ça c'est des gros ringards. Vouloir être riche, vouloir péter le monde et aller à Dubaï ou je ne sais pas quoi, c'est un comportement de décérébré. C'est un comportement mortel. Pour paraphraser Olivier Hamann, Pour tous ces riches qui rêvent de se faire des îles désertes pour échapper à je ne sais pas quoi, ou des bunkers, c'est des cercueils. Il y a toute une culture de société qui refuse d'adresser ça parce qu'il y a le pouvoir économique derrière. Et c'est ça le nerf de la guerre. C'est vraiment ça le nerf de la guerre. On est prisonnier d'un narratif qui a tellement de moyens financiers, tellement de moyens technologiques. que nous, là, on est effectivement avec nos... Enfin, on fait comme on peut pour retenir nos enfants, loin de ça, et en face, c'est diabolique.

  • Florence Gault

    Et même les jeunes le reconnaissent. Quand on discute, notamment sur la place des réseaux sociaux, etc., régulièrement, moi, ils me disent, je sais, là, je comprends ce qu'on est en train d'expliquer, d'échanger, ce qu'on vit pendant X heures. Ils disent, mais vraiment, je ne sais pas. pas faire autrement.

  • Flore Vasseur

    Mais bien sûr. C'est de l'emprise. Vous savez, je disais tout à l'heure, c'est de l'emprise sectaire. Mais non seulement c'est de l'emprise, mais la chaîne, elle est physique. Elle est physique. Ça y est. C'est plus seulement de la croyance. C'est-à-dire que là, le cadenas, il est là, en fait.

  • Florence Gault

    On vit greffé au téléphone, à la main.

  • Flore Vasseur

    Et d'ailleurs, téléphone donné par les parents. Donc, parfois par confort. Ou par... peur de décevoir ses propres enfants ou peur que leurs propres enfants ne soient pas intégrés, etc. Donc, on est dans un...

  • Florence Gault

    Parce que oui, on ne sait pas nécessairement comment s'y prendre. Lors d'un atelier parents-enfants sur les réseaux sociaux, pareil, quartier populaire, je fais remplir un petit questionnaire aux enfants et on imagine 10 ans, 10-11 ans. Et je leur dis, qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place ? Là, c'est vous qui imaginez. Qu'est-ce qui vous permettrait de décrocher de temps en temps, le but étant de ne pas forcément diaboliser l'usage des réseaux sociaux, mais de dire qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place ? Les enfants répondent, alors ils voulaient un panier de jeux, de jeux de société, dans le salon, à disposition pour pouvoir jouer. Et l'un d'entre eux m'a même répondu, mais moi j'aimerais bien que mes parents me punissent. Ah, T'as envie que tes parents te punissent, t'interdisent. Du coup, ce serait plus facile, en fait, s'ils m'interdisaient. Au moins, je serais obligée de faire autrement. Et donc, deux heures plus tard, on discute avec les parents. Je fais ce retour-là et en fait, eux sont restés complètement étonnés, abasourdis en disant, mais mon gamin vous a dit ça. Je dis, oui, oui, il y a quelques heures plus tôt, oui, votre enfant était prêt à se faire punir. pour pouvoir décrocher un peu du téléphone.

  • Flore Vasseur

    Ça veut dire protège-moi. Mais c'est toujours... De toute façon, on est tous ambivalents et les enfants aussi. Ils veulent de la protection et de l'émancipation, de l'autonomie et de la sécurité. Mais ça, c'est la vie, en fait. C'est la vie, c'est le choix permanent de la vie. Et c'est contradictoire entre le désir de liberté et le besoin de sécurité. Mais par contre, là où on s'est... où on s'est fait avoir. C'est qu'on nous a vendu que les téléphones, la console, les objets allaient nous rendre libres. Vous savez, quand on a fait le... Voilà, consommer, c'est la liberté, le combat, c'est d'avoir le prix le plus bas. Eh bien, c'est ça où on s'est fait avoir. C'est vraiment ça. Donc, l'aspiration à la liberté, elle est juste. Le besoin de sécurité, il est réel. C'est la façon... Donc c'est à quoi on associe liberté et à quoi on associe sécurité qui est déconnant.

  • Florence Gault

    Dans votre livre, vous dites chaque génération croit qu'elle va tout révolutionner. Mais voilà, on a toujours cassé la jeunesse. C'est vieux comme le monde. C'est la jeunesse qui nous sauvera.

  • Flore Vasseur

    Je pense que personne ne nous sauvera. Je ne pense pas qu'on est à sauver. Je pense qu'on est à réparer. Alors que la jeunesse ne répare, oui. Ça, j'y crois beaucoup. Mais pour revenir à cette anecdote dans le livre, enfin, ce passage du livre, tous les troublemakers, c'est toujours la jeunesse. Toutes les grandes œuvres de l'humanité, c'est Rimbaud avait 17 ans, Labo ici, on n'a jamais écrit quelque chose de mieux sur la servitude, il avait 17 ans. Regardez le nombre de personnes qui sont mortes avant 27 ans. De grands génies, quoi ! moi je crois vraiment qu'il y a cet âge d'or de l'audace, de l'intelligence le cerveau carbure à 8000 à l'heure il y a un moment où il y a une tectonique des plaques ça ne veut pas dire que tous les jeunes sont merveilleux et que tous les vieux sont has-been, ce n'est pas ce que je dis mais je dis aussi que la jeunesse a toujours été un problème pour le politique, toujours, toujours, toujours parce qu'il y avait une part, parce qu'il y avait la génération qui voulait vivre Après, moi, à l'inverse, quand je pense aux cyniques ou aux personnes, aux climato-sceptiques ou au sarcasme ou des gens qui disent à quoi bon ? Mais pourquoi je ferais ça ? De toute façon, la Chine, elle ne bouge pas, etc. Moi, je les mets dans un pack, quel que soit l'âge. Ce n'est pas un truc de génération, c'est un état d'esprit. Donc, c'est des gens qui sont prisonniers de cette croyance dans leur confort. C'est des gens qui veulent mourir tranquille. A l'inverse, il y a une génération intranquille qui veut vivre. Et elle se cogne cette masse-là, agénérationnelle, qui veut mourir tranquille. Parce que c'est confortable.

  • Florence Gault

    Dans votre livre, on s'entremêle espoir, colère, par moment de l'abattement aussi. On vous sent traversée par toutes ces émotions. Mais qu'est la vie ?

  • Flore Vasseur

    Dans la journée même, vous voyez bien, juste avant que vous arriviez, j'étais dans une colère noire. Là, on rigole. Moi, c'est 50 fois par jour.

  • Florence Gault

    Mais c'est aussi ce qui fait la vie. Et maintenant, que faisons-nous justement quand on regarde le parcours des jeunes pour reparler de Biggers Than Us ? Est-ce qu'il faut avoir... tout perdu pour se mettre à agir. Vous écrivez dans l'épreuve Quelque chose s'ouvre, la possibilité, un autrement en soi comme un nouvel horizon ne reste alors plus que l'ultra-présent, l'apropos C'est ça, il faut vivre là maintenant ?

  • Flore Vasseur

    La question c'est, qu'est-ce qu'il nous faut pour qu'on soit présent ? Parce qu'effectivement, on va reparler de cette dopamine digitale, tout est fait pour nous arracher de là. Donc, la question, c'est qu'est-ce qu'il faut pour être présent ? Et il me semble qu'effectivement, il y a des moments comme des failles spatio-temporelles, en fait, qui tout à coup vous secouent à un point que vous ne pouvez plus vous échapper. Là, il n'y a plus aucune béquille possible. Il n'y a aucun rempart derrière les écrans. Et donc, ces moments-là, c'est des épreuves. ou alors des coups de foudre. Mais paradoxalement, les épreuves nous rendent vivants en fait. Tout à coup, on est face à l'adversité, on se demande qui on est, ce qu'on va faire, comment on peut faire, qui on a envie d'être. Et c'est toujours ces moments-là. Ça n'arrive pas dans un quotidien, ah tralala, je suis à ma terrasse de café, je vais me demander... ce que je peux devenir. Non, ça, on est trop confortable. On est tous pareils. J'aimerais bien parler avec des neuropsychologues pour savoir ce qui se déclenche chimiquement, quelle hormone vient taper. Non pas un cerveau reptilien dans lequel on est. Justement, il est explosé, en fait, tellement le truc est énorme. Donc, souvent, j'ai remarqué ça chez les gens qui sont dans le deuil. Mais moi-même, pour l'avoir vécu, les moments de grande vérité, c'est les moments où je suis à terre. C'est les moments où... où j'ai plus d'espoir, où là je vais me dire mais comment je vais faire juste pour respirer le truc d'après et donc est-ce qu'il faut avoir tout perdu pour se mettre à bouger ? Un peu mais tout perdu avoir tout perdu c'est pas la même chose pour tout le monde et la bonne nouvelle c'est qu'on perd tout le temps la bonne nouvelle c'est que pour moi ce qui nous met en route c'est justement la confrontation à la réalité donc l'humiliation Donc le sentiment d'injustice, donc les épreuves, ça peut être une maladie, ça peut être une agression, ça peut être une trahison, ça peut être un deuil, ça peut être un choc, ça peut être tout ça en fait. Ça pour moi ça ouvre une lucarne, après on ne l'apprend pas tous et on ne l'apprend pas toujours. Et étonnamment, la même épreuve elle revient jusqu'à ce que... On comprenne en fait que là, il y avait un truc qui vient dire, est-ce que tu es sûr d'être à ta place ? Est-ce que tu es sûr d'être la personne que tu voulais devenir ? Est-ce que tu es sûr que tu ne pourrais pas vivre autrement, être autrement, te comporter autrement ? Moi, j'ai l'impression que c'est le rôle des épreuves.

  • Florence Gault

    À tous ces gens qui vous posent la question, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Vous répondez toujours par l'humanité versus le confort. Ça peut parfois être un peu difficile à appréhender. J'aime beaucoup la manière dont vous terminez votre livre. Vous dites, alors et vous, qu'allez-vous faire ? C'est-à-dire, qui décidez-vous d'être ? Que permettez-vous ? La peur ? Le repli sur soi ? Le cynisme ? L'égoïsme ? Le confort qui justifie tous les renoncements ? Ou l'amour ? L'aventure ? L'inconnu ? Allez-vous lutter contre ? Ou lutter pour, on en revient à ce qu'on disait au démarrage de cet entretien.

  • Flore Vasseur

    On a beaucoup parlé de confort, je crois que vous avez compris le message, mais c'est vrai que je n'ai pas équilibré avec la solution que je propose. Enfin, le guide, la direction plus que la solution. La direction qui est celle de l'humanité. Et je n'y suis pas à 100% tous les jours, vous en avez été témoin. L'humanité, c'est se dire pour eux. Toutes les actions du quotidien, en fait, c'est toujours le même choix. Je peux aller vite prendre mon train, passer très vite devant la personne à la rue ou Florina qui fait la manche en bas, lui dire que je n'ai pas le temps et filer vite prendre mon train. Confort. Je peux me dire, mon train attendra, Florina a l'air de ne pas aller très bien aujourd'hui, peut-être qu'elle a besoin de quelque chose. Est-ce que je lui amène un thé chaud ? Humanité. Dans le train, il peut y avoir mille occasions d'exprimer confort, humanité, avec vos enfants, avec vos collègues de travail, avec vos propres parents, avec vous-même en fait. Et cet arbitrage entre confort et humanité, il est aussi dans les, par exemple, je vais insister un petit peu, mais dans la consommation. Est-ce qu'on a vraiment besoin de ce cinquantième t-shirt pas cher qui va être livré par une entreprise qui est en train de massacrer l'environnement, mais aussi... des personnes ? Ou est-ce que je peux me dire que je n'en ai pas besoin ? Humanité. Est-ce que je peux choisir de me replier sur moi parce que c'est plus pratique et parce que j'ai peur de l'autre ? Ou est-ce que je peux me dire ça serait bien que je rappelle cette personne que je viens d'engueuler là et que je lui demande pardon et que j'essaie de mieux comprendre d'où venait sa peur et pourquoi. Voilà. Humanité. C'est toujours et c'est plus confortable pour moi de ne pas rappeler. C'est toujours, un, c'est jamais perdu, deux, pour moi c'est un excellent baromètre. On fait le tri sélectif, on est dans tous les actes du quotidien maintenant, je prends la décision consciente de l'amour. C'est très compliqué. C'est vraiment très compliqué. Je ne me suis pas fait tatouer pour Humanité, mais je me suis fait tatouer This too will pass qui est un peu la même idée. C'est-à-dire, quand il y a quelque chose qui vient m'agresser, ou quand je suis partie dans ma peur ou dans ma colère, pouf, ok, ça va passer, Humanité pense qu'il y a à sauver. Et c'est vrai que moi, je n'ai pas de meilleure solution. Et je... je ne sais pas si ça va changer le monde. Et d'ailleurs, il n'est pas à changer, mais ça va le réparer. Vraiment puissamment. Parce que ça commence... Parce qu'on a tous notre part. Et ce n'est pas une question de génération, ce n'est pas une question de classe sociale, de niveau d'éducation, de religion, de valeur morale, ou quoi que ce soit. Chacun de nous, quel que soit notre niveau, quel que soit notre âge, quelle que soit notre position, quel que soit notre métier, même le patron total. S'il se met à choisir l'humanité plutôt que son confort, mais c'est tectonique. Et en fait, ça revient à cette histoire de système de valeurs dont je parlais tout à l'heure. Parce qu'en fait, choisir l'amour, c'est comprendre qu'on n'est pas séparés. C'est comprendre qu'on est tous interdépendants. C'est comprendre que cette histoire de séparation de la nature, des peuples, de nous, du temps, des autres, n'existe pas. C'est une croyance, mais ce n'est pas la vérité. Ce n'est même pas une vérité scientifique. On l'a vu avec la Covid. On était tous interdépendants. Si vous étiez malade, j'étais malade. Si j'étais malade, vous étiez malade. Point barre. On a oublié. Et donc la leçon va revenir inexorablement tant qu'on ne la comprendra pas. Mais voilà, ça c'est un chemin qui fait qu'effectivement vous luttez pour défendre l'humanité chez les autres et la vôtre.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup, Flore Vasseur, pour cet échange.

  • Flore Vasseur

    Merci à vous.

  • Florence Gault

    Et maintenant, que faisons-nous à retrouver aux éditions Grasset ? Merci beaucoup. Un épisode rendu possible grâce au soutien de Gilles, Martine et Christophe.

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Description

Depuis plus de 20 ans, Flore Vasseur, réalisatrice et autrice, interroge les bouleversements de notre époque : la fin d’un monde, l’émergence d’un autre et les combats de celles et ceux qui, peut-être, bâtiront cet avenir. Réalisatrice du documentaire Bigger Than Us, elle met en lumière une jeunesse déterminée à agir pour des causes plus grandes qu’elle-même, malgré les défis colossaux qu’elle rencontre.


Aujourd’hui, Flore Vasseur poursuit ce dialogue dans son livre Et maintenant, que faisons-nous ?, publié aux éditions Grasset, fruit de trois ans de débats et de rencontres inspirées par le film.


Dans cet épisode, nous explorons :

  • Ce que signifie agir pour quelque chose de plus grand que soi (bigger than us),

  • Les espoirs et les combats d’une jeunesse engagée,

  • Cette question essentielle : Et maintenant, que faisons-nous ?


Un mois pour s'inspirer


Cet épisode fait partie de notre série spéciale de janvier, consacrée au Bonheur, à la Jeunesse et à l’Optimisme, avec trois invités exceptionnels.


🎧 Retrouvez également les autres entretiens de cette série :

  • Corinne Morel Darleux : Trouver le bonheur dans un monde en transition (sorti le 1er janvier)

  • Arthur Auboeuf : Avancer avec optimisme, le meilleur est Avenir ! (sortie prévue le 29 janvier)


Des conversations profondes et éclairantes pour commencer l’année avec inspiration et sérénité.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier



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Transcription

  • Florence Gault

    Depuis plus de 20 ans, Flore Vasseur explore les bouleversements de notre époque, la fin d'un monde, l'émergence d'un autre et les combats de celles et ceux qui peut-être feront naître cet avenir. Avec son documentaire Bigger Than Us, elle pose une question essentielle, comment agir pour quelque chose de plus grand que soi ? A travers les parcours de sept jeunes engagés, elle met en lumière une jeunesse déterminée, mais aussi les obstacles immenses auxquels elle fait face. Aujourd'hui, Flore Vasseur poursuit ce dialogue dans son livre Et maintenant, que faisons-nous ? publié aux éditions Grasset, fruit de trois ans de débats et de rencontres inspirées par le film. Pour la petite anecdote, quand je suis arrivée chez elle pour cet entretien, Flore n'avait pas franchement la tête à l'interview, encore agacée par une conversation qu'elle venait d'avoir. Mais au fil de nos échanges, cet agacement a laissé place à un autre élan. Petit à petit, nous nous sommes laissés embarquer, à rêver ensemble, à imaginer d'autres possibles. Cet épisode s'inscrit dans notre série spéciale de janvier dédiée au bonheur, à la jeunesse et à l'optimisme. Trois thématiques qui résonnent profondément avec le parcours et les engagements de Flore Vasseur. Une conversation riche, parfois bouleversante, mais toujours lumineuse. Flore Vasseur, bonjour. Bonjour. Et merci de me recevoir ici chez vous à Lyon. Alors, je n'ai pas l'habitude de débuter une interview en parlant de moi, mais je vais faire une... petite exception parce que j'ai donc été journaliste au sein d'une rédaction de Radio Nationale pendant une dizaine d'années jusqu'à ce que pendant le confinement, je m'interroge au moment de toute la réflexion autour du monde d'après sur quel allait être mon rôle, ma place de journaliste dans ce fameux monde d'après. J'ai donc décidé de quitter cette radio-là et de me dire, bon, ben, OK, je prends un temps pour moi pour réfléchir à ce que je vais faire après. Et puis, évidemment, vous venez juste de me le dire, c'est marrant, avant qu'on débute l'interview, ça se voit que je viens du monde de la radio. Et donc, le son a été absolument une évidence pour moi et de passer par la réalisation d'un podcast. Et j'en parle à mon filleul qui était âgé de 12 ans à ce moment-là. en lui disant je vais faire un podcast sur l'écologie pour expliquer aux gens pourquoi il ne faut pas détruire la planète Et on marchait au bord de la plage, dans le Var d'où je suis originaire, et il se retourne vers moi et me dit et tu n'oublieras pas de parler des solutions Et là je me suis dit mais il a tellement raison, du haut de ses 12 ans, et c'est lui qui m'a mis sur le chemin du journalisme de solutions que j'avais déjà côtoyé dans mon parcours sans y mettre un mot. Mais j'ai trouvé ça assez exceptionnel qu'un enfant de 12 ans, à ce moment-là, m'incite à ne pas regarder que les difficultés et qu'informer, ça passait aussi par la mise en lumière d'initiatives de celles et ceux qui agissent. Et évidemment... Ça a forcément fait écho en moi quand j'ai lu votre livre. On va avoir l'occasion d'en reparler. Ou quand j'ai vu votre documentaire Bigger than us Vous-même, il y a 7 ans, votre fils vous interpelle.

  • Voix off qui lit

    Et toi maman, tu fais quoi ? Pardon ? Je fais quoi moi ? Oui, tu fais quoi toi pour que la planète ne meure pas ? Je suis renvoyée dans les cordes. Ma fille n'en loupe pas une miette. Eh bien tu vois, j'écris des livres, des films, sur la corruption, le dessous des cartes, notre façon de vivre, pour que les gens comprennent et changent. D'un haussement d'épaule, il balaie 15 années de travail. Non mais maman, sérieusement, tu fais quoi ? Ma fille me protège toujours, je cherche un peu d'aide, son regard, il m'intime, rame maman, rame. C'est que, on prend le train, on n'a pas de voiture, on évite l'avion, on mange bio. Les yeux au ciel, mon fils soupire. Bon, pour la dernière fois, tu fais quoi pour que la planète ne meure pas ?

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là dans votre tête ?

  • Flore Vasseur

    Clairement, je crois que c'est un des moments pivots de ma vie. Je dirais même que... Le reste de ma vie s'est joué là. J'avais deux façons de réagir, qui étaient de balancer sa question aux orties, parce qu'elle me dérangeait. Et réagir avec presque surplomb, sarcasme, cynisme, et dire ne t'inquiète pas, il ne se passe rien, c'est quoi cette question ? Tu es trop petit, tu comprendras plus tard Entre parenthèses, tu comprendras plus tard c'est une phrase qu'on m'a beaucoup dite quand j'étais enfant. Et c'est peut-être pour ça que j'ai fait de ma vie d'adulte... un prétexte pour comprendre, je crois. Mais en tout cas, je me suis bien dit toute ma vie de maman que jamais je dirais ça à mes enfants. Donc, le tu comprendras plus tard n'était pas une option. Donc, ça voulait dire qu'il fallait que j'y aille et que je lui réponde de façon... Enfin, comme une maman, quoi. Et une maman, elle répond pas en sachant. Elle répond en disant comment j'aide mon enfant à vivre ? Et donc, cette conversation a duré une heure et demie. Il me disait encore hier soir, parce qu'on en reparlait, qu'il ne se souvenait même pas de cette discussion. Les enfants, ça vous apprend à rester humble. J'en ai fait toute ma vie, mais lui ne se souvient pas de cette question. Soit. Heureusement, il y avait ma fille et elle, elle se souvient très bien. Mais c'était une discussion qui a duré une heure et demie et dans laquelle j'ai compris beaucoup de choses. La première chose, c'est que tout ce que j'avais fait jusqu'à présent ne servait strictement à rien. Ça faisait 15 ans que j'essayais d'alerter tout le monde sur la façon dont le capitalisme était en train de nous enterrer vivants. Et ça ne marchait pas. Avec mon enfant, j'ai compris que ça ne marchait pas. Parce qu'en fait, lui, il s'en fichait de toutes les théories, de tous les experts, de toutes les courbes du GIEC, etc. Ce qu'il voulait, c'était savoir comment vivre. Et donc je me suis rendue compte que j'étais incapable de lui répondre. que je n'avais pas la solution, que tout ce que j'avais fait jusqu'à présent, et c'était de la gnognotte par rapport à ce qu'il y avait à faire, que à l'endroit de la génération qui arrivait, il n'y avait personne qui se cognait cette explication, autrement que par des discours faciles qui vont flatter le quant à soi, le repli sur soi, la haine de l'autre et du différent, et de l'aventure et du demain. Et donc, ça m'a mis en route.

  • Florence Gault

    Et donc c'est comme ça que naît l'idée de ce documentaire, Bigger Than Us. On découvre le parcours de sept jeunes dans sept pays différents, des jeunes qui se bougent. On a Melati et sa sœur Isabelle, connues pour avoir mobilisé la population contre la pollution plastique des plages de Bali. Melati est d'ailleurs le personnage central du film. C'est elle qui va à la rencontre des acteurs du changement en Ouganda, au Brésil, au Malawi. Mais Maury qui lutte contre les mariages forcés de jeunes filles au Malawi, qui a réussi à rehausser la majorité de 15 à 18 ans dans son pays. Ou bien encore René qui se bat contre les inégalités, les préjugés dont souffrent les communautés des favelas de Rio de Janeiro au Brésil. Des jeunes donc qui s'engagent pour quelque chose de plus grand que, bigger than us en anglais. J'ai vu ce documentaire il y a deux ans, je l'ai trouvé plein d'espoir, malgré la gravité. des sujets abordés. Et pourtant, quand je les regardais avec des amis, pour certains, ça venait vraiment bousculer au plus profond d'eux.

  • Flore Vasseur

    Oui, alors je ne sais pas bien pourquoi. Très honnêtement, j'ai l'impression que c'est un millefeuille, ce film. Il y a des personnes qui sortent de là tristes, pas souvent tristes, mais en tout cas tordues de culpabilité. Je crois que ce n'est pas de la tristesse, c'est de la culpabilité. Et en général, c'est les personnes les plus usagées. Il y a des personnes qui sortent en colère, il y a des personnes qui se sentent ragaillardies, comment dire, restaurées dans leur envie de vivre et dans leur envie d'y croire, et renforcées en fait, voilà. J'ai la peur, la culpabilité, la colère, la honte, tout ce que vous voulez. Ce que j'ai rarement, c'est effectivement l'indifférence. Et c'est là où je me dis que...

  • Florence Gault

    C'est mission réussie.

  • Flore Vasseur

    Oui, parce que je pense que c'est le problème. On s'est mis des couches de fond de teint, de carapace, de masque, tout ce que vous voulez, entre la réalité et nous, pour ne pas avoir à se dire que ça nous concerne, c'est-à-dire que ça nous implique, c'est-à-dire que ça nous appelle. Donc on s'est mis toute une série de barrières, en fait, pour tenir, parce qu'il y a un côté affolant qui est... dans la question de mon fils en fait. Quand mon fils me dit Maman, ça veut dire quoi ? La planète va mourir ? Sa deuxième question, c'est Comment je fais, moi, pour ne pas mourir ? Un enfant de 7 ans qui vous parle de sa mort, quand 90% de la population, voire des adultes, passent leur temps à nier leur propre mort, c'est très dérangeant en fait. C'est abyssal. Et voilà, donc je suis d'accord que ça sécrète beaucoup d'émotions, mais que c'est fait pour. Parce que l'indifférence nous tue. Vraiment, plus que le capitalisme. plus que la pollution, plus qu'elle est en train de nous installer dans une posture d'acceptation et de renoncement qui rend tout possible et surtout le pire. Donc voilà, je suis hyper contente quand on me dit qu'on n'est pas d'accord avec moi. Parce que...

  • Florence Gault

    Ça vient faire bouger des choses.

  • Flore Vasseur

    Bah oui, et puis c'est pas comme si, au-delà de ma personne, il n'y a pas de... de position, quelque part il n'y a pas de position juste, il y a juste la sienne. Et le fait d'en avoir une et de l'affirmer, donc de sortir du masque, ça permet un échange, ça permet une conversation, ça permet une rencontre, ça permet de dire, enfin voilà, de bouger en soi. Et voilà pourquoi les émotions sont importantes.

  • Florence Gault

    Et vous en ce moment, ils en ont pensé quoi de ce film ?

  • Flore Vasseur

    Alors c'est plus qu'un film, parce que c'est devenu mon occupation, comme dirait les Américains au quotidien, je fais que ça. D'abord j'ai imaginé le film, après j'ai fabriqué le film, après j'ai porté le film, et puis là on repart pour faire un autre film. Donc, c'est une espèce de mouvement perpétuel où on apprend et où tout change tous les jours, tout le temps, parce que c'est une matière vivante, parce que c'est des personnes réelles, parce que notre monde est en pleine implosion avec des bonnes et des mauvaises nouvelles, tout le temps. Donc, ce qu'ils ont vu, c'est un tourbillon. Peut-être qu'il y a...... Au moment où on vous parle, je ne veux surtout pas vous montrer les images, mais je peux vous décrire. On est dans mon appartement, on vient de fêter les 18 ans de ma fille et il y a des photos de mes enfants partout. Donc au moment où je vous parle au-dessus de vous, je les vois petits et à chaque moment, ça a été une pulsion de vie énorme. Mais je crois que j'ai mis les bouchées doubles depuis la question de mon fils, en fait, à vouloir toujours reparler de la vie, la vie possible, partout, tout le temps. mais comme vous l'avez dit vous-même avec un discours qui peut faire mal parfois parce que c'est celui de la vérité je vous ai un peu reprise tout à l'heure quand vous parliez de votre métier sur le journalisme des solutions, le risque c'est de pas comprendre pourquoi elles existent en fait et j'ai un peu peur de la complaisance quand on dit journalisme de solution, je pense qu'il faut qu'on fasse attention de toujours comprendre L'espoir, c'est une matière qui est extrêmement sensible.

  • Florence Gault

    Oui, parce que tout dépend de comment on l'utilise, dans quel but.

  • Flore Vasseur

    Exactement. Et moi, mon espoir, c'est que les personnes qui me font l'honneur de regarder mon travail, effectivement, se saisissent de ces sujets, de ces propositions, mais aussi de cette lecture du monde et donc de ces chiffres aussi terribles et de cette réalité, en fait. On ne peut pas faire regarder que la victoire. Non. Et je pense que ça, ça a été un des sujets. Tout est dans tout. Dans ce qu'on fait, dans ce qu'on travaille, les victoires sont rares, les avancées sont rares. Surtout en ce moment, il ne faut pas trop qu'on se gargarise. Parce que là, on est quand même en train de perdre de façon massive. Et donc, il y a une remise en cause à faire sur est-ce qu'on a mal communiqué là-dessus ? Est-ce qu'on a mal raconté l'histoire ? Précisément, quelle est l'histoire qu'on raconte ?

  • Florence Gault

    Je pense qu'aujourd'hui, effectivement, et en tout cas, c'est une des dérives, alors là, pour parler du journalisme de solution, mais d'entrer dans une approche un peu bisounours, ou quelque chose qui viendrait nous faire un peu du bien, pour, ah ben en fait, il y a des choses qui se passent, donc tout va bien, et de se conforter dans un truc un peu ouaté, exactement. Et en fait, effectivement, en tout cas, moi, je crois beaucoup que c'est aujourd'hui à la fois montrer... les problèmes et ne pas faire comme s'il n'y avait pas le problème à l'origine et de bien montrer Comment ça peut venir se répondre ? Comment effectivement mettre en avant le problème de manière systémique ? On n'est pas là pour juste faire ni un journal des bonnes nouvelles, ni pour effectivement se gargariser de quelques petites initiatives qui fonctionnent et qui font du bien. Et c'est là où le mot journalisme devient extrêmement important de pouvoir... étayer de faits et de montrer en fait l'histoire dans sa globalité.

  • Flore Vasseur

    C'est ça et moi j'ai l'impression que notre devoir aujourd'hui c'est d'équiper les gens avec une c'est pour ça que le journalisme est hyper important parce que voilà il y a beaucoup d'opinions puis après il y a des faits il y a des chiffres il y a des enquêtes, il y a des choses qui sont documentées donc il ne faut jamais oublier ça et je pense qu'il faut montrer cette face là et aussi le fait de dire bon Mais voilà qui et comment a pu faire quelque chose, en fait. Et voilà un chemin possible pour vous. En fait, je pense qu'il ne faut pas faire la leçon, mais il faut donner des clés. Et à nouveau, la tendance pourrait être de faire, entre guillemets, un business. Des solutions, des trucs. Mais là, on n'est complètement pas du tout en train d'aider, je pense. Et cette génération qui arrive, elle est assez intraitable sur le sujet. Elle voit le truc au scalpel, en fait, étonnamment. Mais je voulais aussi revenir sur quelque chose, je pense qu'on sait, et on le paye assez cher, je crois, on sait collectivement tromper dans la façon de raconter l'histoire quand on a, et je l'ai beaucoup, beaucoup fait, en tout cas, moi, je me suis trompée, je vais plutôt dire ça, et je suis beaucoup plus heureuse maintenant, et à mon avis, utile aux autres maintenant que j'ai passé à autre chose. J'ai écrit quatre livres qui sont des livres de dénonciation, où je vais taper sur tous les lobbies de la terre, le pouvoir de la finance, la collusion politique média-finance, le pouvoir de la technologie, les complots, les trucs, les machins. Je l'ai fait, j'ai compris, tout cela est vrai, mais so what ? So what ? Ça sert à quoi en fait ? Donc c'est une partie du chemin qui m'a amenée à comprendre. Mais moi, je me suis rendue compte que tous ces travaux-là, un, ils ne me rendaient pas plus heureuse. Deux, ils n'aidaient pas du tout mon fils à vivre. Trois, j'étais en train de remettre à chaque fois une pièce dans le système. Parce qu'on est dans un monde, dans un système capitaliste qui se nourrit de sa critique. Tant que vous parlez de lui, il est content. C'est un champ de force en fait. Et il vous retourne. C'est-à-dire que physiquement, cette matière noire que vous envoyez sur lui, il vous la renvoie à la figure. Et je me suis rendu compte que j'étais beaucoup plus heureuse depuis que, en restant, il y a cette phrase américaine, dur avec les problèmes, doux avec les personnes Et bien en restant dur avec les problèmes, mais en étant douce avec les personnes, c'est-à-dire les personnes qui essayent de proposer quelque chose en se disant toi je vais t'aider, ce que tu fais c'est beau, je veux juste montrer la beauté en fait Et bien là-dessus, c'est là que j'ai découvert la joie en fait. C'est là que j'ai découvert qu'il y avait toute une histoire énorme de cette humanité qui a compris que ça ne servait à rien d'essayer de démolir le truc. Là, il va s'effondrer de lui-même. La question, c'est ce qui nous emporte complètement. Mais il y a à côté de ça toute une humanité qui veut vivre, qui est dans la dignité et qui lutte pour. Donc ma bascule, moi, c'était de passer du lutter contre au lutter pour. Et j'ai l'impression qu'en termes... d'écologie en tout cas, on a beaucoup, et c'est une étape et peut-être que c'est aussi nécessaire, on a beaucoup lutté contre. Mais résultat des courses, on a instillé, en fait on a souscrit à la logique du système en place, qui est de faire des séparations supplémentaires, on a mis l'écologie face, contre les autres causes déjà, on n'a pas fait de lien systémique dont vous parliez tout à l'heure, on a dit que l'écologie c'était plus important que le reste. Trois, on a réduit le sujet de l'écologie à la question du climat, voire à la question du CO2. Quatre, on a ouvert du coup la porte à tous ceux qui voulaient nous critiquer en disant Ah ben, vous êtes des amiches, vous voulez nous faire perdre, vous voulez qu'on vive moins bien, etc. En fait, on n'a pas su parler de la joie, on n'a pas su parler de la libération, on n'a pas su parler de l'émulation, de la fraternité, de la solidarité. du sentiment merveilleux d'être utile pour d'autres qui sont là et qui sont juste des êtres humains comme vous, qui essayent juste de faire de leur mieux en fait. Et je crois qu'on le paye très très cher.

  • Florence Gault

    Flore Vasseur, vous savez, il y a les fameux 5 W en journalisme. Who, what, where, when, why, qui, quoi, où, quand, pourquoi. En journalisme de solution, on rajoute un sixième W qui est le and now what Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Et maintenant, que faisons-nous ? C'est le titre du livre que vous venez de publier en octobre dernier. En fait, l'idée, c'était de pouvoir aller bien plus loin, puisque Bigger Than Us, vous nous l'expliquiez, en fait, ça va bien au-delà du film. C'est des rencontres. Votre site Internet est une mine de ressources pour les gens qui cherchent des outils, et notamment des outils pédagogiques. Allez-y, c'est une vraie source d'inspiration. C'est vrai, il y a vraiment beaucoup de ressources à disposition. Parce que le but du jeu, c'est qu'en fait, ce documentaire, ce soit que le début de la discussion, en fait.

  • Flore Vasseur

    Oui, alors je n'étais pas partie pour ça, mais c'est la beauté, vous savez, quand vous écrivez, vous êtes là-dedans aussi, vous posez une intention quelque part et puis la vie vous amène, c'est comme lancer un fil de canne à pêche, sauf que là, c'est la pêche miraculeuse, si vous vous accrochez, parce qu'il y a vraiment la tentation de mettre plein de fils de canne à pêche et de voir qui mord le plus. Là, pour moi, c'était tellement... en fait, comment dire...

  • Florence Gault

    Plusieurs fils à la même canne. Oui,

  • Flore Vasseur

    et puis pour moi, c'est tellement... Je crois que je n'ai jamais eu d'arme aussi puissante, en fait. Et je parle de ça. Parce que moi, je suis dans une bataille comme vous, je crois, assez spécifique, qui est la bataille culturelle. Je suis convaincue, pour reparler de cela, que toutes les solutions à nos problèmes existent. Déjà, si on change, si on adapte la comptabilité qui a été faite, je ne sais pas quand, pour un monde dans lequel il n'y avait que des usines. à la réalité d'aujourd'hui et donc à une comptabilité qui intègre le coût social et écologique de tout ce qu'on fabrique.

  • Florence Gault

    On en parlait avec Yannick Roudaut il y a quelques semaines.

  • Flore Vasseur

    Voilà, toutes ces histoires de comptabilité, toutes ces histoires de constitution, les droits de la nature. Pourquoi aujourd'hui le monde entier tourne autour d'un droit qui est basé sur une personne qui n'existe même pas, c'est le droit des affaires. Pourquoi les droits des affaires sont en train d'être plus importants que le... la vie en fait. Pourquoi on a laissé s'installer ça ? Donc il y a beaucoup de solutions pour recadrer, réorienter, reposer un sens des priorités qui ne met pas, enfin qui mettrait la vie au-dessus de tout. La vie et sa préservation, je ne parle pas que de la nature, de la biodiversité. Je parle de notre vie, de notre vie psychique, de la vie de nos enfants, de la santé mentale, du vivre ensemble, de la capacité à rester une humanité en fait. Donc tout ça, ces solutions elles sont... juridiques, comptables, politiques, attitudinales, tout ce que vous voulez, il y a un truc qui manque, c'est la culture. C'est le système de valeurs qui va faire qu'on va être OK de les adopter. Et c'est pour ça que ça ne marche pas. Pour l'instant, on reste coincé dans notre croyance que la liberté s'est consommée. que les droits se battent pour ses droits, c'est se battre pour un prix le plus bas. Je schématise, mais on en est là. Quand vous avez des gouvernements successifs qui, depuis 30-40 ans, font de la croissance du PIB l'objectif national, vous êtes cuit. Vous êtes cuit. Il n'y a pas de diva possible. En face de vous, vous avez des gens qui, quand vous commencez à mettre en doute ça, vous disent mais quoi, tu veux toucher à nos emplois et comment on va faire ? Donc on est complètement dans une emprise sectaire quasi.

  • Florence Gault

    D'ailleurs, on le voit bien avec notamment, je trouve, l'étude sur le climato-scepticisme de Parlons Climat qui a été publiée il y a quelques semaines et qui montre la variété des profils. de ce qu'on nomme le climato-sceptique. Et en fait, on se rend compte, au travers de cette étude, que finalement, le plus gros frein aujourd'hui, c'est tout ce qui touche aux valeurs, au mode de vie. Le fait de devoir abandonner, on l'évoquait tout à l'heure, le confort. Et donc, c'est là que les choses se jouent.

  • Flore Vasseur

    Alors, je ne sais pas si je mettrais... confort et valeur sur le même plan, mais en tout cas, le refus de céder à son confort, pour moi, c'est le sujet. Et au-delà de ça, et on va arriver jusqu'aux valeurs, le confort... C'est une promesse qu'on nous fait depuis, finalement, la Seconde Guerre mondiale. C'est là que, de toute façon, tout s'est énormément accéléré. Avec l'American Way of Life, on avait tous les droits, plus de limites. Et puis, c'était tenu à un moment, parce qu'il y avait l'opposition des deux blocs. Mais voilà, fin de l'histoire, au moment de la chute du mur de Berlin. Enfin, toutes ces balivernes, en fait, qu'on nous a racontées. Et après, avec un espèce de truc où, vraiment, plus aucun frein à ce règne. Plus aucune limite, si ce n'est la nôtre. La vie, en fait. Et donc, le confort, c'est cette... C'est la... Comment dire ? L'actualisation, aujourd'hui, la matérialisation d'une croyance qui est qu'on aurait tous les droits. Qu'on serait au-dessus de la nature. Qu'on serait au-dessus des lois du temps, même. Vous voyez, tous ces gens qui veulent aller dans l'espace. Tous ces gens, en tout cas, ces gens qu'on garde et qui ont la main, aujourd'hui, sur les médias, L'arme nucléaire, enfin voilà, je veux dire, c'est terrifiant. On est géré par des personnes qui, on va être géré, pardon, d'ailleurs, ils gèrent. C'est un mot horrible. Mais par des personnes qui n'ont qu'un seul intérêt, c'est qu'on soit des bonnes petites capacités de transaction, en fait. Parce qu'on a décidé que notre confort, c'était ça la priorité. Et aussi, ce qu'on nous a beaucoup raconté, c'était qu'on vivait dans une société dans laquelle on pouvait tout maîtriser. Donc c'était sans risque. Donc quand les gens disent je m'accroche à mon confort, ils disent je m'accroche à mon sentiment de sécurité. Et ça c'est vraiment une tartufferie énorme. Parce que 1, qui on est pour croire qu'on maîtrise quoi que ce soit ? Enfin on se le prend très très régulièrement dans la figure. Ça fait des siècles que ça dure. Et 2, on est tous sauf en sécurité. De toute façon on est une humanité balancée sur un caillou qui avance à... une vitesse folle dans un vide intersidéral. Donc moi, je ne sais pas trop quel sentiment de sécurité on peut avoir là-dedans, mais c'est quand même une folie. Et cette croyance, tout ce système de valeurs, en fait, il est lié à une croyance qui est facile à dégommer, en tout cas qui est très fléchable, qui est, en fait, c'est René Descartes qui l'a posée. L'homme est supérieur à la nature. On peut s'en rendre maître et possesseur. Ça fait quatre siècles. Ça, ça a déclenché toute une série de... Alors, le secte des lumières, le progrès technique, etc. Soit. Ça a aussi déclenché le fait que tout à coup, on s'est dit, comme on est supérieur à la nature, on peut la maîtriser, on peut en faire ce qu'on veut, on ne la respecte pas, on l'exploite jusqu'à plus soif, de toute façon, elle est illimitée. Et on a commencé à mettre des clôtures sur des champs. Ça s'appelle le mouvement des enclosures, c'est le début du capitalisme. Et puis, quand on n'avait plus assez de trucs chez nous, on est allé prendre les ressources dans les autres pays. Ça s'appelle le... le colonialisme. On a fait la même chose avec... On a dominé la terre, on a dominé les autres peuples, on a dominé les femmes. Voilà. Ce système-là, c'est au nom de notre confort. Et c'est terrible parce que... Et on voit que cette logique gagne aujourd'hui. Parce que cette logique de confort, elle va jusqu'à, effectivement, nier les problèmes climatiques, mais nier aussi l'autre, le différent. Regardez ce qui se passe avec les poussées. Enfin, c'est pas une poussée, c'est une... triomphe des idées extrémistes. Mais ça, pourquoi ça marche ? Parce que c'est du confort. C'est tellement plus facile de dire que la faute, c'est l'autre. Que la faute, c'est celle du différent, c'est celle de celui qui arrive, etc. C'est tellement plus difficile de rejeter loin de soi toute idée que peut-être on serait tombé, que peut-être on n'aurait pas tout juste, que peut-être on aurait une histoire, un rôle à jouer là-dedans. C'est tellement plus confortable, que voilà, pour moi cette poussée extrémiste, elle est l'incarnation totale de cette logique de confort et de cette utilisation par des politiques qui savent très bien ce qu'ils font de cette fragilité qui est ontologique et qui est aussi narcissique. Parce que quand vous dites à tout le monde, toute la journée, qu'ils n'ont de valeur que parce qu'ils portent telle ou telle marque, ben vous en faites des narcisses fragiles, quoi.

  • Florence Gault

    Et vous en faites des personnes faibles qui vont être éminemment manipulables. Et on en est là. Vous allez à la rencontre de collégiens, de lycéens, vous organisez des projections suivies de débats. Dans votre livre Et maintenant, que faisons-nous ? vous restituez tous ces échanges. Comment va la jeunesse aujourd'hui ?

  • Flore Vasseur

    Merci de parler de mon livre. Effectivement, le film n'était qu'un prétexte pour moi me lier à mon fils, c'est clair, à mes enfants. tous ces enfants que je vois sur ces photos-là qui vivent autour de nous, d'essayer de faire ma part, en fait. Et puis, ça allait beaucoup plus loin que ça, aussi. Je fais ma part aussi avec les protagonistes, je vous raconterai, mais... Et la surprise, parce que je n'étais pas partie pour ça, vous l'avez mentionné, on a fait un gros site parce qu'on s'est dit, on ne va pas pouvoir être derrière toutes les projections et il faut absolument que les gens, après l'émotion qu'ils se sont pris dans la figure, parce que c'est vrai que le film, quelque part, est violent. mais dans le bon sens du terme, c'est-à-dire ça se coud. Il fallait un endroit pour atterrir. Voilà pourquoi on a fait le site. Mais jamais j'ai imaginé que ça prendrait trois ans de ma vie, non seulement de fabriquer le film, mais trois ans de ma vie sur la route, à l'accompagner partout, à devenir troubadour et à rencontrer... Je crois que j'ai fait 600 débats en trois ans.

  • Florence Gault

    Énorme.

  • Flore Vasseur

    Avec 80% d'enfants. Donc, votre question est fondée. À savoir, comment va la jeunesse ? Donc c'est un ressenti. Moi, je ne suis pas scientifique, je ne suis pas sociologue, mais c'est vrai que c'est un retour terrain. Moi, je comprends qu'elle dévisse, vraiment. Parce que, pas à cause de l'accumulation des mauvaises nouvelles, et il y en a beaucoup, mais parce qu'il y a un profond sentiment de solitude. Ça, c'est la première chose que je vais dire. Ce que j'entends beaucoup, c'est que pour parler de ces sujets, il y a quelques profs courageux, qui sont d'ailleurs ceux qui organisent les projections. quelques assos courageuses et sinon il y a les influenceurs, les marques et les parties d'extrême les parents sont pas là et il y a trop d'enfants qui me disent madame je vous remercie parce que dans ma famille je suis tout seul face à ça donc l'éco-anxiété c'est le silence des adultes dans sa propre famille on se sent isolé donc logique de séparation à nouveau... C'est triste, mais c'est aussi une très bonne nouvelle. C'est-à-dire que c'est entre nos mains. On peut forcer la discussion dans nos familles. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il y a plein d'outils. Il y a des livres, il y a des films, il n'y a pas que le mien qui servent de prétexte à déclencher la conversation. À nouveau, je ne voudrais certainement pas dire que mon film a toutes les solutions, c'est la glorieule, etc. Ce n'est pas ce sujet. déclenche des trucs. Il déclenche une conversation, vous avez le droit de lui taper dessus, dire que vous n'avez pas aimé. Et en fait, je m'en fiche. La question, c'est sortir du silence. Donc, utilisez-le et il y en a d'autres. La deuxième chose, c'est que je vois un profond désir de vivre. La même chose que chez mon fils, en fait. Mais il faut qu'on soit plus nombreux. Vraiment. On n'est pas assez nombreux à aller dans ce sens-là. En face de nous, on a une horrible... industrie qui vise à dire tout l'inverse en fait parce que à nouveau le fait d'avoir peur le fait d'être en dépression le fait de se sentir seule ça vous rend tout à fait manipulable pour consommer, pour vous rassurer avec des choses faciles type consommation, type dom... pas mine des réseaux. Voilà, le brain rot dont vient de parler l'université d'Oxford, mais c'est juste de la volonté de fuir en fait. C'est de se planquer en fait. C'est rentrer en soi pour disparaître en fait. C'est pas rentrer en soi pour aller chercher de la force. C'est vraiment se cacher. Donc on a en face de nous une industrie qui est absolument diabolique, qui a qu'un intérêt, c'est de transformer nos enfants et nous-mêmes en zombies parce que ça va nous rendre. Ça va nous faire accepter tout ce qu'ils veulent nous faire accepter, à commencer par continuer à détruire le monde, en fait. Ce qu'ils font, eux, parce que ça leur est rentable. Aujourd'hui, on est devenus très efficaces, très performants, etc. Effectivement, à se détruire. Donc, il y a vraiment une réflexion sur le progrès qui a complètement disparu parce qu'on a dit mais non, mais comme ça, je serais plus confortable Vous voyez, c'est à nouveau, je ne dénonce pas, enfin, je ne dénonce rien d'ailleurs, mais je veux dire, René Descartes a fait ce qu'il a pu. C'est ce qu'on en a fait, nous, de ça. C'est la façon dont on s'est rassuré sans se remettre en cause jamais, sans penser, etc. Donc, un, il y a un vrai rôle à jouer pour tous les adultes et notamment les parents. Deux, il y a un puissant envie de vivre. Trois, il faut qu'on soit plus nombreux. Quatre, je vois une intelligence de situation. Enfin, vos questions sont très très bonnes. En tant que journaliste, non, non, mais c'est rare. Je suis interviewée par des journalistes, mais je me dis, mais c'est pas possible, quoi. Enfin, je suis effrayée, en fait, par le niveau des questions, surtout après avoir fait 600 débats avec des jeunes. qu'on dit soi-disant décérébrés, irresponsables, déconnectés de la réalité. Mais moi, je ne vois que de l'intelligence en barre, mais en barre en fait. Mais il faut créer des espaces de sécurité pour qu'ils se sentent légitimes à en parler, pour qu'ils se sentent légitimes à s'exprimer sans jugement. Et c'est vrai qu'on est dans une société dans laquelle on ne valorise pas ça. Il faut être conforme, il ne faut pas faire de vagues, il ne faut pas se faire remarquer. Il faut être lisse, imprenable. Et donc l'exercice que moi je vis avec le film, c'est finalement, le prétexte c'est le film, la réalité c'est un espace de sécurité pour parler. Après avoir vécu pendant 1h36 la même émotion, et c'est ça qui fait qu'on peut se parler derrière, c'est que tout à coup, les personnes ont oublié qu'elles étaient en 5ème avec tel problème, ou CEO de telle boîte. Il y a un moment, l'émotion est telle qu'on est tous une humanité la même au bord de l'abysse et que du coup ça parle parce qu'il faut se resserrer. Et donc je sens ça et je sens aussi qu'ils se sentent abandonnés par les adultes et ils ont raison.

  • Florence Gault

    Et je trouve qu'il y a une... Une difficulté pour eux, j'interviens beaucoup moi, quand je fais des ateliers d'éducation aux médias, à 90% j'interviens en quartier populaire. Et donc justement, on aborde ces enjeux de transition écologique et sociale qui au départ leur semblent, on peut avoir la sensation qu'ils s'en fichent, que ce n'est pas leur préoccupation. Et puis en fait, quand on creuse, quand justement on crée cet espace de discussion, de dialogue, et en fait on se rend compte qu'ils sont pris en étau. Entre à la fois le bon sens, et quand on évoque les problèmes aujourd'hui, les difficultés rencontrées, ce qu'on pourrait faire, il y a quelque chose de très logique qui apparaît, et ils en conviennent. Et en même temps, il y a ce tiraillement avec l'hyperconsommation, le fait de devoir être dans le même moule, sinon on est mis à l'écart, particulièrement au moment de l'adolescence, qui débute de plus en plus jeune, et donc ça devient de plus en plus difficile. D'ailleurs, dans votre livre, vous racontez que vous vous faites interpeller par une dame qui vous demande et vous, votre gamin, comment il va ? Et vous vous rendez compte, vous vous retrouvez à lui dire que vos enfants aussi, par moments, se retrouvent pris dans cet état-là, alors qu'ils ont une maman engagée qui bosse sur le sujet. Et donc, ça montre bien que ce n'est pas si simple. pauvres et que si on les accompagne pas,

  • Flore Vasseur

    si on crée pas le cadre et l'espace pour ça peut être vraiment difficile mais c'est pour ça qu'on a vraiment un problème de système de représentation, c'est à dire que tout ce qui se prenne toute la journée c'est si tu n'as pas la bonne paire de baskets, si tu n'as pas le bon blouson si tu n'as pas tant de followers etc tu n'appartiens pas à cette société parce que ça veut dire que t'as pas les codes en fait... Et les codes, c'est les codes de la consommation, c'est les codes de la célébrité, c'est les codes du confort. Et donc, à nouveau, il y a une machine monstrueuse pour alimenter ça. Et en face, on est vraiment avec nos petites fléchettes et notre grand cœur à essayer de dire, mais non, ce n'est pas ça la vie. Je te jure, ce n'est pas ça, ça ne va pas te rendre heureux. Mais c'est vrai que je le vis moi-même. Et c'est tout, pour être très honnête, c'est tout là. Comment dire ? Le désarroi dans lequel je suis, c'est que je peux être cette maman engagée. Tout à l'heure, un enfant me disait mais comment vos enfants font avec une maman aussi puissante ? C'était gentil ! Je me demande si je ne joue pas à contre. C'est horrible, mais pour être très franche, ça ne suffit pas. Ça ne suffit pas. Parce qu'on n'est pas assez nombreux à dire, ça c'est des gros ringards. Vouloir être riche, vouloir péter le monde et aller à Dubaï ou je ne sais pas quoi, c'est un comportement de décérébré. C'est un comportement mortel. Pour paraphraser Olivier Hamann, Pour tous ces riches qui rêvent de se faire des îles désertes pour échapper à je ne sais pas quoi, ou des bunkers, c'est des cercueils. Il y a toute une culture de société qui refuse d'adresser ça parce qu'il y a le pouvoir économique derrière. Et c'est ça le nerf de la guerre. C'est vraiment ça le nerf de la guerre. On est prisonnier d'un narratif qui a tellement de moyens financiers, tellement de moyens technologiques. que nous, là, on est effectivement avec nos... Enfin, on fait comme on peut pour retenir nos enfants, loin de ça, et en face, c'est diabolique.

  • Florence Gault

    Et même les jeunes le reconnaissent. Quand on discute, notamment sur la place des réseaux sociaux, etc., régulièrement, moi, ils me disent, je sais, là, je comprends ce qu'on est en train d'expliquer, d'échanger, ce qu'on vit pendant X heures. Ils disent, mais vraiment, je ne sais pas. pas faire autrement.

  • Flore Vasseur

    Mais bien sûr. C'est de l'emprise. Vous savez, je disais tout à l'heure, c'est de l'emprise sectaire. Mais non seulement c'est de l'emprise, mais la chaîne, elle est physique. Elle est physique. Ça y est. C'est plus seulement de la croyance. C'est-à-dire que là, le cadenas, il est là, en fait.

  • Florence Gault

    On vit greffé au téléphone, à la main.

  • Flore Vasseur

    Et d'ailleurs, téléphone donné par les parents. Donc, parfois par confort. Ou par... peur de décevoir ses propres enfants ou peur que leurs propres enfants ne soient pas intégrés, etc. Donc, on est dans un...

  • Florence Gault

    Parce que oui, on ne sait pas nécessairement comment s'y prendre. Lors d'un atelier parents-enfants sur les réseaux sociaux, pareil, quartier populaire, je fais remplir un petit questionnaire aux enfants et on imagine 10 ans, 10-11 ans. Et je leur dis, qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place ? Là, c'est vous qui imaginez. Qu'est-ce qui vous permettrait de décrocher de temps en temps, le but étant de ne pas forcément diaboliser l'usage des réseaux sociaux, mais de dire qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place ? Les enfants répondent, alors ils voulaient un panier de jeux, de jeux de société, dans le salon, à disposition pour pouvoir jouer. Et l'un d'entre eux m'a même répondu, mais moi j'aimerais bien que mes parents me punissent. Ah, T'as envie que tes parents te punissent, t'interdisent. Du coup, ce serait plus facile, en fait, s'ils m'interdisaient. Au moins, je serais obligée de faire autrement. Et donc, deux heures plus tard, on discute avec les parents. Je fais ce retour-là et en fait, eux sont restés complètement étonnés, abasourdis en disant, mais mon gamin vous a dit ça. Je dis, oui, oui, il y a quelques heures plus tôt, oui, votre enfant était prêt à se faire punir. pour pouvoir décrocher un peu du téléphone.

  • Flore Vasseur

    Ça veut dire protège-moi. Mais c'est toujours... De toute façon, on est tous ambivalents et les enfants aussi. Ils veulent de la protection et de l'émancipation, de l'autonomie et de la sécurité. Mais ça, c'est la vie, en fait. C'est la vie, c'est le choix permanent de la vie. Et c'est contradictoire entre le désir de liberté et le besoin de sécurité. Mais par contre, là où on s'est... où on s'est fait avoir. C'est qu'on nous a vendu que les téléphones, la console, les objets allaient nous rendre libres. Vous savez, quand on a fait le... Voilà, consommer, c'est la liberté, le combat, c'est d'avoir le prix le plus bas. Eh bien, c'est ça où on s'est fait avoir. C'est vraiment ça. Donc, l'aspiration à la liberté, elle est juste. Le besoin de sécurité, il est réel. C'est la façon... Donc c'est à quoi on associe liberté et à quoi on associe sécurité qui est déconnant.

  • Florence Gault

    Dans votre livre, vous dites chaque génération croit qu'elle va tout révolutionner. Mais voilà, on a toujours cassé la jeunesse. C'est vieux comme le monde. C'est la jeunesse qui nous sauvera.

  • Flore Vasseur

    Je pense que personne ne nous sauvera. Je ne pense pas qu'on est à sauver. Je pense qu'on est à réparer. Alors que la jeunesse ne répare, oui. Ça, j'y crois beaucoup. Mais pour revenir à cette anecdote dans le livre, enfin, ce passage du livre, tous les troublemakers, c'est toujours la jeunesse. Toutes les grandes œuvres de l'humanité, c'est Rimbaud avait 17 ans, Labo ici, on n'a jamais écrit quelque chose de mieux sur la servitude, il avait 17 ans. Regardez le nombre de personnes qui sont mortes avant 27 ans. De grands génies, quoi ! moi je crois vraiment qu'il y a cet âge d'or de l'audace, de l'intelligence le cerveau carbure à 8000 à l'heure il y a un moment où il y a une tectonique des plaques ça ne veut pas dire que tous les jeunes sont merveilleux et que tous les vieux sont has-been, ce n'est pas ce que je dis mais je dis aussi que la jeunesse a toujours été un problème pour le politique, toujours, toujours, toujours parce qu'il y avait une part, parce qu'il y avait la génération qui voulait vivre Après, moi, à l'inverse, quand je pense aux cyniques ou aux personnes, aux climato-sceptiques ou au sarcasme ou des gens qui disent à quoi bon ? Mais pourquoi je ferais ça ? De toute façon, la Chine, elle ne bouge pas, etc. Moi, je les mets dans un pack, quel que soit l'âge. Ce n'est pas un truc de génération, c'est un état d'esprit. Donc, c'est des gens qui sont prisonniers de cette croyance dans leur confort. C'est des gens qui veulent mourir tranquille. A l'inverse, il y a une génération intranquille qui veut vivre. Et elle se cogne cette masse-là, agénérationnelle, qui veut mourir tranquille. Parce que c'est confortable.

  • Florence Gault

    Dans votre livre, on s'entremêle espoir, colère, par moment de l'abattement aussi. On vous sent traversée par toutes ces émotions. Mais qu'est la vie ?

  • Flore Vasseur

    Dans la journée même, vous voyez bien, juste avant que vous arriviez, j'étais dans une colère noire. Là, on rigole. Moi, c'est 50 fois par jour.

  • Florence Gault

    Mais c'est aussi ce qui fait la vie. Et maintenant, que faisons-nous justement quand on regarde le parcours des jeunes pour reparler de Biggers Than Us ? Est-ce qu'il faut avoir... tout perdu pour se mettre à agir. Vous écrivez dans l'épreuve Quelque chose s'ouvre, la possibilité, un autrement en soi comme un nouvel horizon ne reste alors plus que l'ultra-présent, l'apropos C'est ça, il faut vivre là maintenant ?

  • Flore Vasseur

    La question c'est, qu'est-ce qu'il nous faut pour qu'on soit présent ? Parce qu'effectivement, on va reparler de cette dopamine digitale, tout est fait pour nous arracher de là. Donc, la question, c'est qu'est-ce qu'il faut pour être présent ? Et il me semble qu'effectivement, il y a des moments comme des failles spatio-temporelles, en fait, qui tout à coup vous secouent à un point que vous ne pouvez plus vous échapper. Là, il n'y a plus aucune béquille possible. Il n'y a aucun rempart derrière les écrans. Et donc, ces moments-là, c'est des épreuves. ou alors des coups de foudre. Mais paradoxalement, les épreuves nous rendent vivants en fait. Tout à coup, on est face à l'adversité, on se demande qui on est, ce qu'on va faire, comment on peut faire, qui on a envie d'être. Et c'est toujours ces moments-là. Ça n'arrive pas dans un quotidien, ah tralala, je suis à ma terrasse de café, je vais me demander... ce que je peux devenir. Non, ça, on est trop confortable. On est tous pareils. J'aimerais bien parler avec des neuropsychologues pour savoir ce qui se déclenche chimiquement, quelle hormone vient taper. Non pas un cerveau reptilien dans lequel on est. Justement, il est explosé, en fait, tellement le truc est énorme. Donc, souvent, j'ai remarqué ça chez les gens qui sont dans le deuil. Mais moi-même, pour l'avoir vécu, les moments de grande vérité, c'est les moments où je suis à terre. C'est les moments où... où j'ai plus d'espoir, où là je vais me dire mais comment je vais faire juste pour respirer le truc d'après et donc est-ce qu'il faut avoir tout perdu pour se mettre à bouger ? Un peu mais tout perdu avoir tout perdu c'est pas la même chose pour tout le monde et la bonne nouvelle c'est qu'on perd tout le temps la bonne nouvelle c'est que pour moi ce qui nous met en route c'est justement la confrontation à la réalité donc l'humiliation Donc le sentiment d'injustice, donc les épreuves, ça peut être une maladie, ça peut être une agression, ça peut être une trahison, ça peut être un deuil, ça peut être un choc, ça peut être tout ça en fait. Ça pour moi ça ouvre une lucarne, après on ne l'apprend pas tous et on ne l'apprend pas toujours. Et étonnamment, la même épreuve elle revient jusqu'à ce que... On comprenne en fait que là, il y avait un truc qui vient dire, est-ce que tu es sûr d'être à ta place ? Est-ce que tu es sûr d'être la personne que tu voulais devenir ? Est-ce que tu es sûr que tu ne pourrais pas vivre autrement, être autrement, te comporter autrement ? Moi, j'ai l'impression que c'est le rôle des épreuves.

  • Florence Gault

    À tous ces gens qui vous posent la question, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Vous répondez toujours par l'humanité versus le confort. Ça peut parfois être un peu difficile à appréhender. J'aime beaucoup la manière dont vous terminez votre livre. Vous dites, alors et vous, qu'allez-vous faire ? C'est-à-dire, qui décidez-vous d'être ? Que permettez-vous ? La peur ? Le repli sur soi ? Le cynisme ? L'égoïsme ? Le confort qui justifie tous les renoncements ? Ou l'amour ? L'aventure ? L'inconnu ? Allez-vous lutter contre ? Ou lutter pour, on en revient à ce qu'on disait au démarrage de cet entretien.

  • Flore Vasseur

    On a beaucoup parlé de confort, je crois que vous avez compris le message, mais c'est vrai que je n'ai pas équilibré avec la solution que je propose. Enfin, le guide, la direction plus que la solution. La direction qui est celle de l'humanité. Et je n'y suis pas à 100% tous les jours, vous en avez été témoin. L'humanité, c'est se dire pour eux. Toutes les actions du quotidien, en fait, c'est toujours le même choix. Je peux aller vite prendre mon train, passer très vite devant la personne à la rue ou Florina qui fait la manche en bas, lui dire que je n'ai pas le temps et filer vite prendre mon train. Confort. Je peux me dire, mon train attendra, Florina a l'air de ne pas aller très bien aujourd'hui, peut-être qu'elle a besoin de quelque chose. Est-ce que je lui amène un thé chaud ? Humanité. Dans le train, il peut y avoir mille occasions d'exprimer confort, humanité, avec vos enfants, avec vos collègues de travail, avec vos propres parents, avec vous-même en fait. Et cet arbitrage entre confort et humanité, il est aussi dans les, par exemple, je vais insister un petit peu, mais dans la consommation. Est-ce qu'on a vraiment besoin de ce cinquantième t-shirt pas cher qui va être livré par une entreprise qui est en train de massacrer l'environnement, mais aussi... des personnes ? Ou est-ce que je peux me dire que je n'en ai pas besoin ? Humanité. Est-ce que je peux choisir de me replier sur moi parce que c'est plus pratique et parce que j'ai peur de l'autre ? Ou est-ce que je peux me dire ça serait bien que je rappelle cette personne que je viens d'engueuler là et que je lui demande pardon et que j'essaie de mieux comprendre d'où venait sa peur et pourquoi. Voilà. Humanité. C'est toujours et c'est plus confortable pour moi de ne pas rappeler. C'est toujours, un, c'est jamais perdu, deux, pour moi c'est un excellent baromètre. On fait le tri sélectif, on est dans tous les actes du quotidien maintenant, je prends la décision consciente de l'amour. C'est très compliqué. C'est vraiment très compliqué. Je ne me suis pas fait tatouer pour Humanité, mais je me suis fait tatouer This too will pass qui est un peu la même idée. C'est-à-dire, quand il y a quelque chose qui vient m'agresser, ou quand je suis partie dans ma peur ou dans ma colère, pouf, ok, ça va passer, Humanité pense qu'il y a à sauver. Et c'est vrai que moi, je n'ai pas de meilleure solution. Et je... je ne sais pas si ça va changer le monde. Et d'ailleurs, il n'est pas à changer, mais ça va le réparer. Vraiment puissamment. Parce que ça commence... Parce qu'on a tous notre part. Et ce n'est pas une question de génération, ce n'est pas une question de classe sociale, de niveau d'éducation, de religion, de valeur morale, ou quoi que ce soit. Chacun de nous, quel que soit notre niveau, quel que soit notre âge, quelle que soit notre position, quel que soit notre métier, même le patron total. S'il se met à choisir l'humanité plutôt que son confort, mais c'est tectonique. Et en fait, ça revient à cette histoire de système de valeurs dont je parlais tout à l'heure. Parce qu'en fait, choisir l'amour, c'est comprendre qu'on n'est pas séparés. C'est comprendre qu'on est tous interdépendants. C'est comprendre que cette histoire de séparation de la nature, des peuples, de nous, du temps, des autres, n'existe pas. C'est une croyance, mais ce n'est pas la vérité. Ce n'est même pas une vérité scientifique. On l'a vu avec la Covid. On était tous interdépendants. Si vous étiez malade, j'étais malade. Si j'étais malade, vous étiez malade. Point barre. On a oublié. Et donc la leçon va revenir inexorablement tant qu'on ne la comprendra pas. Mais voilà, ça c'est un chemin qui fait qu'effectivement vous luttez pour défendre l'humanité chez les autres et la vôtre.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup, Flore Vasseur, pour cet échange.

  • Flore Vasseur

    Merci à vous.

  • Florence Gault

    Et maintenant, que faisons-nous à retrouver aux éditions Grasset ? Merci beaucoup. Un épisode rendu possible grâce au soutien de Gilles, Martine et Christophe.

Description

Depuis plus de 20 ans, Flore Vasseur, réalisatrice et autrice, interroge les bouleversements de notre époque : la fin d’un monde, l’émergence d’un autre et les combats de celles et ceux qui, peut-être, bâtiront cet avenir. Réalisatrice du documentaire Bigger Than Us, elle met en lumière une jeunesse déterminée à agir pour des causes plus grandes qu’elle-même, malgré les défis colossaux qu’elle rencontre.


Aujourd’hui, Flore Vasseur poursuit ce dialogue dans son livre Et maintenant, que faisons-nous ?, publié aux éditions Grasset, fruit de trois ans de débats et de rencontres inspirées par le film.


Dans cet épisode, nous explorons :

  • Ce que signifie agir pour quelque chose de plus grand que soi (bigger than us),

  • Les espoirs et les combats d’une jeunesse engagée,

  • Cette question essentielle : Et maintenant, que faisons-nous ?


Un mois pour s'inspirer


Cet épisode fait partie de notre série spéciale de janvier, consacrée au Bonheur, à la Jeunesse et à l’Optimisme, avec trois invités exceptionnels.


🎧 Retrouvez également les autres entretiens de cette série :

  • Corinne Morel Darleux : Trouver le bonheur dans un monde en transition (sorti le 1er janvier)

  • Arthur Auboeuf : Avancer avec optimisme, le meilleur est Avenir ! (sortie prévue le 29 janvier)


Des conversations profondes et éclairantes pour commencer l’année avec inspiration et sérénité.


Bonne écoute ! 🦋

Mixage : Pascal Gauthier



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Transcription

  • Florence Gault

    Depuis plus de 20 ans, Flore Vasseur explore les bouleversements de notre époque, la fin d'un monde, l'émergence d'un autre et les combats de celles et ceux qui peut-être feront naître cet avenir. Avec son documentaire Bigger Than Us, elle pose une question essentielle, comment agir pour quelque chose de plus grand que soi ? A travers les parcours de sept jeunes engagés, elle met en lumière une jeunesse déterminée, mais aussi les obstacles immenses auxquels elle fait face. Aujourd'hui, Flore Vasseur poursuit ce dialogue dans son livre Et maintenant, que faisons-nous ? publié aux éditions Grasset, fruit de trois ans de débats et de rencontres inspirées par le film. Pour la petite anecdote, quand je suis arrivée chez elle pour cet entretien, Flore n'avait pas franchement la tête à l'interview, encore agacée par une conversation qu'elle venait d'avoir. Mais au fil de nos échanges, cet agacement a laissé place à un autre élan. Petit à petit, nous nous sommes laissés embarquer, à rêver ensemble, à imaginer d'autres possibles. Cet épisode s'inscrit dans notre série spéciale de janvier dédiée au bonheur, à la jeunesse et à l'optimisme. Trois thématiques qui résonnent profondément avec le parcours et les engagements de Flore Vasseur. Une conversation riche, parfois bouleversante, mais toujours lumineuse. Flore Vasseur, bonjour. Bonjour. Et merci de me recevoir ici chez vous à Lyon. Alors, je n'ai pas l'habitude de débuter une interview en parlant de moi, mais je vais faire une... petite exception parce que j'ai donc été journaliste au sein d'une rédaction de Radio Nationale pendant une dizaine d'années jusqu'à ce que pendant le confinement, je m'interroge au moment de toute la réflexion autour du monde d'après sur quel allait être mon rôle, ma place de journaliste dans ce fameux monde d'après. J'ai donc décidé de quitter cette radio-là et de me dire, bon, ben, OK, je prends un temps pour moi pour réfléchir à ce que je vais faire après. Et puis, évidemment, vous venez juste de me le dire, c'est marrant, avant qu'on débute l'interview, ça se voit que je viens du monde de la radio. Et donc, le son a été absolument une évidence pour moi et de passer par la réalisation d'un podcast. Et j'en parle à mon filleul qui était âgé de 12 ans à ce moment-là. en lui disant je vais faire un podcast sur l'écologie pour expliquer aux gens pourquoi il ne faut pas détruire la planète Et on marchait au bord de la plage, dans le Var d'où je suis originaire, et il se retourne vers moi et me dit et tu n'oublieras pas de parler des solutions Et là je me suis dit mais il a tellement raison, du haut de ses 12 ans, et c'est lui qui m'a mis sur le chemin du journalisme de solutions que j'avais déjà côtoyé dans mon parcours sans y mettre un mot. Mais j'ai trouvé ça assez exceptionnel qu'un enfant de 12 ans, à ce moment-là, m'incite à ne pas regarder que les difficultés et qu'informer, ça passait aussi par la mise en lumière d'initiatives de celles et ceux qui agissent. Et évidemment... Ça a forcément fait écho en moi quand j'ai lu votre livre. On va avoir l'occasion d'en reparler. Ou quand j'ai vu votre documentaire Bigger than us Vous-même, il y a 7 ans, votre fils vous interpelle.

  • Voix off qui lit

    Et toi maman, tu fais quoi ? Pardon ? Je fais quoi moi ? Oui, tu fais quoi toi pour que la planète ne meure pas ? Je suis renvoyée dans les cordes. Ma fille n'en loupe pas une miette. Eh bien tu vois, j'écris des livres, des films, sur la corruption, le dessous des cartes, notre façon de vivre, pour que les gens comprennent et changent. D'un haussement d'épaule, il balaie 15 années de travail. Non mais maman, sérieusement, tu fais quoi ? Ma fille me protège toujours, je cherche un peu d'aide, son regard, il m'intime, rame maman, rame. C'est que, on prend le train, on n'a pas de voiture, on évite l'avion, on mange bio. Les yeux au ciel, mon fils soupire. Bon, pour la dernière fois, tu fais quoi pour que la planète ne meure pas ?

  • Florence Gault

    Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là dans votre tête ?

  • Flore Vasseur

    Clairement, je crois que c'est un des moments pivots de ma vie. Je dirais même que... Le reste de ma vie s'est joué là. J'avais deux façons de réagir, qui étaient de balancer sa question aux orties, parce qu'elle me dérangeait. Et réagir avec presque surplomb, sarcasme, cynisme, et dire ne t'inquiète pas, il ne se passe rien, c'est quoi cette question ? Tu es trop petit, tu comprendras plus tard Entre parenthèses, tu comprendras plus tard c'est une phrase qu'on m'a beaucoup dite quand j'étais enfant. Et c'est peut-être pour ça que j'ai fait de ma vie d'adulte... un prétexte pour comprendre, je crois. Mais en tout cas, je me suis bien dit toute ma vie de maman que jamais je dirais ça à mes enfants. Donc, le tu comprendras plus tard n'était pas une option. Donc, ça voulait dire qu'il fallait que j'y aille et que je lui réponde de façon... Enfin, comme une maman, quoi. Et une maman, elle répond pas en sachant. Elle répond en disant comment j'aide mon enfant à vivre ? Et donc, cette conversation a duré une heure et demie. Il me disait encore hier soir, parce qu'on en reparlait, qu'il ne se souvenait même pas de cette discussion. Les enfants, ça vous apprend à rester humble. J'en ai fait toute ma vie, mais lui ne se souvient pas de cette question. Soit. Heureusement, il y avait ma fille et elle, elle se souvient très bien. Mais c'était une discussion qui a duré une heure et demie et dans laquelle j'ai compris beaucoup de choses. La première chose, c'est que tout ce que j'avais fait jusqu'à présent ne servait strictement à rien. Ça faisait 15 ans que j'essayais d'alerter tout le monde sur la façon dont le capitalisme était en train de nous enterrer vivants. Et ça ne marchait pas. Avec mon enfant, j'ai compris que ça ne marchait pas. Parce qu'en fait, lui, il s'en fichait de toutes les théories, de tous les experts, de toutes les courbes du GIEC, etc. Ce qu'il voulait, c'était savoir comment vivre. Et donc je me suis rendue compte que j'étais incapable de lui répondre. que je n'avais pas la solution, que tout ce que j'avais fait jusqu'à présent, et c'était de la gnognotte par rapport à ce qu'il y avait à faire, que à l'endroit de la génération qui arrivait, il n'y avait personne qui se cognait cette explication, autrement que par des discours faciles qui vont flatter le quant à soi, le repli sur soi, la haine de l'autre et du différent, et de l'aventure et du demain. Et donc, ça m'a mis en route.

  • Florence Gault

    Et donc c'est comme ça que naît l'idée de ce documentaire, Bigger Than Us. On découvre le parcours de sept jeunes dans sept pays différents, des jeunes qui se bougent. On a Melati et sa sœur Isabelle, connues pour avoir mobilisé la population contre la pollution plastique des plages de Bali. Melati est d'ailleurs le personnage central du film. C'est elle qui va à la rencontre des acteurs du changement en Ouganda, au Brésil, au Malawi. Mais Maury qui lutte contre les mariages forcés de jeunes filles au Malawi, qui a réussi à rehausser la majorité de 15 à 18 ans dans son pays. Ou bien encore René qui se bat contre les inégalités, les préjugés dont souffrent les communautés des favelas de Rio de Janeiro au Brésil. Des jeunes donc qui s'engagent pour quelque chose de plus grand que, bigger than us en anglais. J'ai vu ce documentaire il y a deux ans, je l'ai trouvé plein d'espoir, malgré la gravité. des sujets abordés. Et pourtant, quand je les regardais avec des amis, pour certains, ça venait vraiment bousculer au plus profond d'eux.

  • Flore Vasseur

    Oui, alors je ne sais pas bien pourquoi. Très honnêtement, j'ai l'impression que c'est un millefeuille, ce film. Il y a des personnes qui sortent de là tristes, pas souvent tristes, mais en tout cas tordues de culpabilité. Je crois que ce n'est pas de la tristesse, c'est de la culpabilité. Et en général, c'est les personnes les plus usagées. Il y a des personnes qui sortent en colère, il y a des personnes qui se sentent ragaillardies, comment dire, restaurées dans leur envie de vivre et dans leur envie d'y croire, et renforcées en fait, voilà. J'ai la peur, la culpabilité, la colère, la honte, tout ce que vous voulez. Ce que j'ai rarement, c'est effectivement l'indifférence. Et c'est là où je me dis que...

  • Florence Gault

    C'est mission réussie.

  • Flore Vasseur

    Oui, parce que je pense que c'est le problème. On s'est mis des couches de fond de teint, de carapace, de masque, tout ce que vous voulez, entre la réalité et nous, pour ne pas avoir à se dire que ça nous concerne, c'est-à-dire que ça nous implique, c'est-à-dire que ça nous appelle. Donc on s'est mis toute une série de barrières, en fait, pour tenir, parce qu'il y a un côté affolant qui est... dans la question de mon fils en fait. Quand mon fils me dit Maman, ça veut dire quoi ? La planète va mourir ? Sa deuxième question, c'est Comment je fais, moi, pour ne pas mourir ? Un enfant de 7 ans qui vous parle de sa mort, quand 90% de la population, voire des adultes, passent leur temps à nier leur propre mort, c'est très dérangeant en fait. C'est abyssal. Et voilà, donc je suis d'accord que ça sécrète beaucoup d'émotions, mais que c'est fait pour. Parce que l'indifférence nous tue. Vraiment, plus que le capitalisme. plus que la pollution, plus qu'elle est en train de nous installer dans une posture d'acceptation et de renoncement qui rend tout possible et surtout le pire. Donc voilà, je suis hyper contente quand on me dit qu'on n'est pas d'accord avec moi. Parce que...

  • Florence Gault

    Ça vient faire bouger des choses.

  • Flore Vasseur

    Bah oui, et puis c'est pas comme si, au-delà de ma personne, il n'y a pas de... de position, quelque part il n'y a pas de position juste, il y a juste la sienne. Et le fait d'en avoir une et de l'affirmer, donc de sortir du masque, ça permet un échange, ça permet une conversation, ça permet une rencontre, ça permet de dire, enfin voilà, de bouger en soi. Et voilà pourquoi les émotions sont importantes.

  • Florence Gault

    Et vous en ce moment, ils en ont pensé quoi de ce film ?

  • Flore Vasseur

    Alors c'est plus qu'un film, parce que c'est devenu mon occupation, comme dirait les Américains au quotidien, je fais que ça. D'abord j'ai imaginé le film, après j'ai fabriqué le film, après j'ai porté le film, et puis là on repart pour faire un autre film. Donc, c'est une espèce de mouvement perpétuel où on apprend et où tout change tous les jours, tout le temps, parce que c'est une matière vivante, parce que c'est des personnes réelles, parce que notre monde est en pleine implosion avec des bonnes et des mauvaises nouvelles, tout le temps. Donc, ce qu'ils ont vu, c'est un tourbillon. Peut-être qu'il y a...... Au moment où on vous parle, je ne veux surtout pas vous montrer les images, mais je peux vous décrire. On est dans mon appartement, on vient de fêter les 18 ans de ma fille et il y a des photos de mes enfants partout. Donc au moment où je vous parle au-dessus de vous, je les vois petits et à chaque moment, ça a été une pulsion de vie énorme. Mais je crois que j'ai mis les bouchées doubles depuis la question de mon fils, en fait, à vouloir toujours reparler de la vie, la vie possible, partout, tout le temps. mais comme vous l'avez dit vous-même avec un discours qui peut faire mal parfois parce que c'est celui de la vérité je vous ai un peu reprise tout à l'heure quand vous parliez de votre métier sur le journalisme des solutions, le risque c'est de pas comprendre pourquoi elles existent en fait et j'ai un peu peur de la complaisance quand on dit journalisme de solution, je pense qu'il faut qu'on fasse attention de toujours comprendre L'espoir, c'est une matière qui est extrêmement sensible.

  • Florence Gault

    Oui, parce que tout dépend de comment on l'utilise, dans quel but.

  • Flore Vasseur

    Exactement. Et moi, mon espoir, c'est que les personnes qui me font l'honneur de regarder mon travail, effectivement, se saisissent de ces sujets, de ces propositions, mais aussi de cette lecture du monde et donc de ces chiffres aussi terribles et de cette réalité, en fait. On ne peut pas faire regarder que la victoire. Non. Et je pense que ça, ça a été un des sujets. Tout est dans tout. Dans ce qu'on fait, dans ce qu'on travaille, les victoires sont rares, les avancées sont rares. Surtout en ce moment, il ne faut pas trop qu'on se gargarise. Parce que là, on est quand même en train de perdre de façon massive. Et donc, il y a une remise en cause à faire sur est-ce qu'on a mal communiqué là-dessus ? Est-ce qu'on a mal raconté l'histoire ? Précisément, quelle est l'histoire qu'on raconte ?

  • Florence Gault

    Je pense qu'aujourd'hui, effectivement, et en tout cas, c'est une des dérives, alors là, pour parler du journalisme de solution, mais d'entrer dans une approche un peu bisounours, ou quelque chose qui viendrait nous faire un peu du bien, pour, ah ben en fait, il y a des choses qui se passent, donc tout va bien, et de se conforter dans un truc un peu ouaté, exactement. Et en fait, effectivement, en tout cas, moi, je crois beaucoup que c'est aujourd'hui à la fois montrer... les problèmes et ne pas faire comme s'il n'y avait pas le problème à l'origine et de bien montrer Comment ça peut venir se répondre ? Comment effectivement mettre en avant le problème de manière systémique ? On n'est pas là pour juste faire ni un journal des bonnes nouvelles, ni pour effectivement se gargariser de quelques petites initiatives qui fonctionnent et qui font du bien. Et c'est là où le mot journalisme devient extrêmement important de pouvoir... étayer de faits et de montrer en fait l'histoire dans sa globalité.

  • Flore Vasseur

    C'est ça et moi j'ai l'impression que notre devoir aujourd'hui c'est d'équiper les gens avec une c'est pour ça que le journalisme est hyper important parce que voilà il y a beaucoup d'opinions puis après il y a des faits il y a des chiffres il y a des enquêtes, il y a des choses qui sont documentées donc il ne faut jamais oublier ça et je pense qu'il faut montrer cette face là et aussi le fait de dire bon Mais voilà qui et comment a pu faire quelque chose, en fait. Et voilà un chemin possible pour vous. En fait, je pense qu'il ne faut pas faire la leçon, mais il faut donner des clés. Et à nouveau, la tendance pourrait être de faire, entre guillemets, un business. Des solutions, des trucs. Mais là, on n'est complètement pas du tout en train d'aider, je pense. Et cette génération qui arrive, elle est assez intraitable sur le sujet. Elle voit le truc au scalpel, en fait, étonnamment. Mais je voulais aussi revenir sur quelque chose, je pense qu'on sait, et on le paye assez cher, je crois, on sait collectivement tromper dans la façon de raconter l'histoire quand on a, et je l'ai beaucoup, beaucoup fait, en tout cas, moi, je me suis trompée, je vais plutôt dire ça, et je suis beaucoup plus heureuse maintenant, et à mon avis, utile aux autres maintenant que j'ai passé à autre chose. J'ai écrit quatre livres qui sont des livres de dénonciation, où je vais taper sur tous les lobbies de la terre, le pouvoir de la finance, la collusion politique média-finance, le pouvoir de la technologie, les complots, les trucs, les machins. Je l'ai fait, j'ai compris, tout cela est vrai, mais so what ? So what ? Ça sert à quoi en fait ? Donc c'est une partie du chemin qui m'a amenée à comprendre. Mais moi, je me suis rendue compte que tous ces travaux-là, un, ils ne me rendaient pas plus heureuse. Deux, ils n'aidaient pas du tout mon fils à vivre. Trois, j'étais en train de remettre à chaque fois une pièce dans le système. Parce qu'on est dans un monde, dans un système capitaliste qui se nourrit de sa critique. Tant que vous parlez de lui, il est content. C'est un champ de force en fait. Et il vous retourne. C'est-à-dire que physiquement, cette matière noire que vous envoyez sur lui, il vous la renvoie à la figure. Et je me suis rendu compte que j'étais beaucoup plus heureuse depuis que, en restant, il y a cette phrase américaine, dur avec les problèmes, doux avec les personnes Et bien en restant dur avec les problèmes, mais en étant douce avec les personnes, c'est-à-dire les personnes qui essayent de proposer quelque chose en se disant toi je vais t'aider, ce que tu fais c'est beau, je veux juste montrer la beauté en fait Et bien là-dessus, c'est là que j'ai découvert la joie en fait. C'est là que j'ai découvert qu'il y avait toute une histoire énorme de cette humanité qui a compris que ça ne servait à rien d'essayer de démolir le truc. Là, il va s'effondrer de lui-même. La question, c'est ce qui nous emporte complètement. Mais il y a à côté de ça toute une humanité qui veut vivre, qui est dans la dignité et qui lutte pour. Donc ma bascule, moi, c'était de passer du lutter contre au lutter pour. Et j'ai l'impression qu'en termes... d'écologie en tout cas, on a beaucoup, et c'est une étape et peut-être que c'est aussi nécessaire, on a beaucoup lutté contre. Mais résultat des courses, on a instillé, en fait on a souscrit à la logique du système en place, qui est de faire des séparations supplémentaires, on a mis l'écologie face, contre les autres causes déjà, on n'a pas fait de lien systémique dont vous parliez tout à l'heure, on a dit que l'écologie c'était plus important que le reste. Trois, on a réduit le sujet de l'écologie à la question du climat, voire à la question du CO2. Quatre, on a ouvert du coup la porte à tous ceux qui voulaient nous critiquer en disant Ah ben, vous êtes des amiches, vous voulez nous faire perdre, vous voulez qu'on vive moins bien, etc. En fait, on n'a pas su parler de la joie, on n'a pas su parler de la libération, on n'a pas su parler de l'émulation, de la fraternité, de la solidarité. du sentiment merveilleux d'être utile pour d'autres qui sont là et qui sont juste des êtres humains comme vous, qui essayent juste de faire de leur mieux en fait. Et je crois qu'on le paye très très cher.

  • Florence Gault

    Flore Vasseur, vous savez, il y a les fameux 5 W en journalisme. Who, what, where, when, why, qui, quoi, où, quand, pourquoi. En journalisme de solution, on rajoute un sixième W qui est le and now what Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Et maintenant, que faisons-nous ? C'est le titre du livre que vous venez de publier en octobre dernier. En fait, l'idée, c'était de pouvoir aller bien plus loin, puisque Bigger Than Us, vous nous l'expliquiez, en fait, ça va bien au-delà du film. C'est des rencontres. Votre site Internet est une mine de ressources pour les gens qui cherchent des outils, et notamment des outils pédagogiques. Allez-y, c'est une vraie source d'inspiration. C'est vrai, il y a vraiment beaucoup de ressources à disposition. Parce que le but du jeu, c'est qu'en fait, ce documentaire, ce soit que le début de la discussion, en fait.

  • Flore Vasseur

    Oui, alors je n'étais pas partie pour ça, mais c'est la beauté, vous savez, quand vous écrivez, vous êtes là-dedans aussi, vous posez une intention quelque part et puis la vie vous amène, c'est comme lancer un fil de canne à pêche, sauf que là, c'est la pêche miraculeuse, si vous vous accrochez, parce qu'il y a vraiment la tentation de mettre plein de fils de canne à pêche et de voir qui mord le plus. Là, pour moi, c'était tellement... en fait, comment dire...

  • Florence Gault

    Plusieurs fils à la même canne. Oui,

  • Flore Vasseur

    et puis pour moi, c'est tellement... Je crois que je n'ai jamais eu d'arme aussi puissante, en fait. Et je parle de ça. Parce que moi, je suis dans une bataille comme vous, je crois, assez spécifique, qui est la bataille culturelle. Je suis convaincue, pour reparler de cela, que toutes les solutions à nos problèmes existent. Déjà, si on change, si on adapte la comptabilité qui a été faite, je ne sais pas quand, pour un monde dans lequel il n'y avait que des usines. à la réalité d'aujourd'hui et donc à une comptabilité qui intègre le coût social et écologique de tout ce qu'on fabrique.

  • Florence Gault

    On en parlait avec Yannick Roudaut il y a quelques semaines.

  • Flore Vasseur

    Voilà, toutes ces histoires de comptabilité, toutes ces histoires de constitution, les droits de la nature. Pourquoi aujourd'hui le monde entier tourne autour d'un droit qui est basé sur une personne qui n'existe même pas, c'est le droit des affaires. Pourquoi les droits des affaires sont en train d'être plus importants que le... la vie en fait. Pourquoi on a laissé s'installer ça ? Donc il y a beaucoup de solutions pour recadrer, réorienter, reposer un sens des priorités qui ne met pas, enfin qui mettrait la vie au-dessus de tout. La vie et sa préservation, je ne parle pas que de la nature, de la biodiversité. Je parle de notre vie, de notre vie psychique, de la vie de nos enfants, de la santé mentale, du vivre ensemble, de la capacité à rester une humanité en fait. Donc tout ça, ces solutions elles sont... juridiques, comptables, politiques, attitudinales, tout ce que vous voulez, il y a un truc qui manque, c'est la culture. C'est le système de valeurs qui va faire qu'on va être OK de les adopter. Et c'est pour ça que ça ne marche pas. Pour l'instant, on reste coincé dans notre croyance que la liberté s'est consommée. que les droits se battent pour ses droits, c'est se battre pour un prix le plus bas. Je schématise, mais on en est là. Quand vous avez des gouvernements successifs qui, depuis 30-40 ans, font de la croissance du PIB l'objectif national, vous êtes cuit. Vous êtes cuit. Il n'y a pas de diva possible. En face de vous, vous avez des gens qui, quand vous commencez à mettre en doute ça, vous disent mais quoi, tu veux toucher à nos emplois et comment on va faire ? Donc on est complètement dans une emprise sectaire quasi.

  • Florence Gault

    D'ailleurs, on le voit bien avec notamment, je trouve, l'étude sur le climato-scepticisme de Parlons Climat qui a été publiée il y a quelques semaines et qui montre la variété des profils. de ce qu'on nomme le climato-sceptique. Et en fait, on se rend compte, au travers de cette étude, que finalement, le plus gros frein aujourd'hui, c'est tout ce qui touche aux valeurs, au mode de vie. Le fait de devoir abandonner, on l'évoquait tout à l'heure, le confort. Et donc, c'est là que les choses se jouent.

  • Flore Vasseur

    Alors, je ne sais pas si je mettrais... confort et valeur sur le même plan, mais en tout cas, le refus de céder à son confort, pour moi, c'est le sujet. Et au-delà de ça, et on va arriver jusqu'aux valeurs, le confort... C'est une promesse qu'on nous fait depuis, finalement, la Seconde Guerre mondiale. C'est là que, de toute façon, tout s'est énormément accéléré. Avec l'American Way of Life, on avait tous les droits, plus de limites. Et puis, c'était tenu à un moment, parce qu'il y avait l'opposition des deux blocs. Mais voilà, fin de l'histoire, au moment de la chute du mur de Berlin. Enfin, toutes ces balivernes, en fait, qu'on nous a racontées. Et après, avec un espèce de truc où, vraiment, plus aucun frein à ce règne. Plus aucune limite, si ce n'est la nôtre. La vie, en fait. Et donc, le confort, c'est cette... C'est la... Comment dire ? L'actualisation, aujourd'hui, la matérialisation d'une croyance qui est qu'on aurait tous les droits. Qu'on serait au-dessus de la nature. Qu'on serait au-dessus des lois du temps, même. Vous voyez, tous ces gens qui veulent aller dans l'espace. Tous ces gens, en tout cas, ces gens qu'on garde et qui ont la main, aujourd'hui, sur les médias, L'arme nucléaire, enfin voilà, je veux dire, c'est terrifiant. On est géré par des personnes qui, on va être géré, pardon, d'ailleurs, ils gèrent. C'est un mot horrible. Mais par des personnes qui n'ont qu'un seul intérêt, c'est qu'on soit des bonnes petites capacités de transaction, en fait. Parce qu'on a décidé que notre confort, c'était ça la priorité. Et aussi, ce qu'on nous a beaucoup raconté, c'était qu'on vivait dans une société dans laquelle on pouvait tout maîtriser. Donc c'était sans risque. Donc quand les gens disent je m'accroche à mon confort, ils disent je m'accroche à mon sentiment de sécurité. Et ça c'est vraiment une tartufferie énorme. Parce que 1, qui on est pour croire qu'on maîtrise quoi que ce soit ? Enfin on se le prend très très régulièrement dans la figure. Ça fait des siècles que ça dure. Et 2, on est tous sauf en sécurité. De toute façon on est une humanité balancée sur un caillou qui avance à... une vitesse folle dans un vide intersidéral. Donc moi, je ne sais pas trop quel sentiment de sécurité on peut avoir là-dedans, mais c'est quand même une folie. Et cette croyance, tout ce système de valeurs, en fait, il est lié à une croyance qui est facile à dégommer, en tout cas qui est très fléchable, qui est, en fait, c'est René Descartes qui l'a posée. L'homme est supérieur à la nature. On peut s'en rendre maître et possesseur. Ça fait quatre siècles. Ça, ça a déclenché toute une série de... Alors, le secte des lumières, le progrès technique, etc. Soit. Ça a aussi déclenché le fait que tout à coup, on s'est dit, comme on est supérieur à la nature, on peut la maîtriser, on peut en faire ce qu'on veut, on ne la respecte pas, on l'exploite jusqu'à plus soif, de toute façon, elle est illimitée. Et on a commencé à mettre des clôtures sur des champs. Ça s'appelle le mouvement des enclosures, c'est le début du capitalisme. Et puis, quand on n'avait plus assez de trucs chez nous, on est allé prendre les ressources dans les autres pays. Ça s'appelle le... le colonialisme. On a fait la même chose avec... On a dominé la terre, on a dominé les autres peuples, on a dominé les femmes. Voilà. Ce système-là, c'est au nom de notre confort. Et c'est terrible parce que... Et on voit que cette logique gagne aujourd'hui. Parce que cette logique de confort, elle va jusqu'à, effectivement, nier les problèmes climatiques, mais nier aussi l'autre, le différent. Regardez ce qui se passe avec les poussées. Enfin, c'est pas une poussée, c'est une... triomphe des idées extrémistes. Mais ça, pourquoi ça marche ? Parce que c'est du confort. C'est tellement plus facile de dire que la faute, c'est l'autre. Que la faute, c'est celle du différent, c'est celle de celui qui arrive, etc. C'est tellement plus difficile de rejeter loin de soi toute idée que peut-être on serait tombé, que peut-être on n'aurait pas tout juste, que peut-être on aurait une histoire, un rôle à jouer là-dedans. C'est tellement plus confortable, que voilà, pour moi cette poussée extrémiste, elle est l'incarnation totale de cette logique de confort et de cette utilisation par des politiques qui savent très bien ce qu'ils font de cette fragilité qui est ontologique et qui est aussi narcissique. Parce que quand vous dites à tout le monde, toute la journée, qu'ils n'ont de valeur que parce qu'ils portent telle ou telle marque, ben vous en faites des narcisses fragiles, quoi.

  • Florence Gault

    Et vous en faites des personnes faibles qui vont être éminemment manipulables. Et on en est là. Vous allez à la rencontre de collégiens, de lycéens, vous organisez des projections suivies de débats. Dans votre livre Et maintenant, que faisons-nous ? vous restituez tous ces échanges. Comment va la jeunesse aujourd'hui ?

  • Flore Vasseur

    Merci de parler de mon livre. Effectivement, le film n'était qu'un prétexte pour moi me lier à mon fils, c'est clair, à mes enfants. tous ces enfants que je vois sur ces photos-là qui vivent autour de nous, d'essayer de faire ma part, en fait. Et puis, ça allait beaucoup plus loin que ça, aussi. Je fais ma part aussi avec les protagonistes, je vous raconterai, mais... Et la surprise, parce que je n'étais pas partie pour ça, vous l'avez mentionné, on a fait un gros site parce qu'on s'est dit, on ne va pas pouvoir être derrière toutes les projections et il faut absolument que les gens, après l'émotion qu'ils se sont pris dans la figure, parce que c'est vrai que le film, quelque part, est violent. mais dans le bon sens du terme, c'est-à-dire ça se coud. Il fallait un endroit pour atterrir. Voilà pourquoi on a fait le site. Mais jamais j'ai imaginé que ça prendrait trois ans de ma vie, non seulement de fabriquer le film, mais trois ans de ma vie sur la route, à l'accompagner partout, à devenir troubadour et à rencontrer... Je crois que j'ai fait 600 débats en trois ans.

  • Florence Gault

    Énorme.

  • Flore Vasseur

    Avec 80% d'enfants. Donc, votre question est fondée. À savoir, comment va la jeunesse ? Donc c'est un ressenti. Moi, je ne suis pas scientifique, je ne suis pas sociologue, mais c'est vrai que c'est un retour terrain. Moi, je comprends qu'elle dévisse, vraiment. Parce que, pas à cause de l'accumulation des mauvaises nouvelles, et il y en a beaucoup, mais parce qu'il y a un profond sentiment de solitude. Ça, c'est la première chose que je vais dire. Ce que j'entends beaucoup, c'est que pour parler de ces sujets, il y a quelques profs courageux, qui sont d'ailleurs ceux qui organisent les projections. quelques assos courageuses et sinon il y a les influenceurs, les marques et les parties d'extrême les parents sont pas là et il y a trop d'enfants qui me disent madame je vous remercie parce que dans ma famille je suis tout seul face à ça donc l'éco-anxiété c'est le silence des adultes dans sa propre famille on se sent isolé donc logique de séparation à nouveau... C'est triste, mais c'est aussi une très bonne nouvelle. C'est-à-dire que c'est entre nos mains. On peut forcer la discussion dans nos familles. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il y a plein d'outils. Il y a des livres, il y a des films, il n'y a pas que le mien qui servent de prétexte à déclencher la conversation. À nouveau, je ne voudrais certainement pas dire que mon film a toutes les solutions, c'est la glorieule, etc. Ce n'est pas ce sujet. déclenche des trucs. Il déclenche une conversation, vous avez le droit de lui taper dessus, dire que vous n'avez pas aimé. Et en fait, je m'en fiche. La question, c'est sortir du silence. Donc, utilisez-le et il y en a d'autres. La deuxième chose, c'est que je vois un profond désir de vivre. La même chose que chez mon fils, en fait. Mais il faut qu'on soit plus nombreux. Vraiment. On n'est pas assez nombreux à aller dans ce sens-là. En face de nous, on a une horrible... industrie qui vise à dire tout l'inverse en fait parce que à nouveau le fait d'avoir peur le fait d'être en dépression le fait de se sentir seule ça vous rend tout à fait manipulable pour consommer, pour vous rassurer avec des choses faciles type consommation, type dom... pas mine des réseaux. Voilà, le brain rot dont vient de parler l'université d'Oxford, mais c'est juste de la volonté de fuir en fait. C'est de se planquer en fait. C'est rentrer en soi pour disparaître en fait. C'est pas rentrer en soi pour aller chercher de la force. C'est vraiment se cacher. Donc on a en face de nous une industrie qui est absolument diabolique, qui a qu'un intérêt, c'est de transformer nos enfants et nous-mêmes en zombies parce que ça va nous rendre. Ça va nous faire accepter tout ce qu'ils veulent nous faire accepter, à commencer par continuer à détruire le monde, en fait. Ce qu'ils font, eux, parce que ça leur est rentable. Aujourd'hui, on est devenus très efficaces, très performants, etc. Effectivement, à se détruire. Donc, il y a vraiment une réflexion sur le progrès qui a complètement disparu parce qu'on a dit mais non, mais comme ça, je serais plus confortable Vous voyez, c'est à nouveau, je ne dénonce pas, enfin, je ne dénonce rien d'ailleurs, mais je veux dire, René Descartes a fait ce qu'il a pu. C'est ce qu'on en a fait, nous, de ça. C'est la façon dont on s'est rassuré sans se remettre en cause jamais, sans penser, etc. Donc, un, il y a un vrai rôle à jouer pour tous les adultes et notamment les parents. Deux, il y a un puissant envie de vivre. Trois, il faut qu'on soit plus nombreux. Quatre, je vois une intelligence de situation. Enfin, vos questions sont très très bonnes. En tant que journaliste, non, non, mais c'est rare. Je suis interviewée par des journalistes, mais je me dis, mais c'est pas possible, quoi. Enfin, je suis effrayée, en fait, par le niveau des questions, surtout après avoir fait 600 débats avec des jeunes. qu'on dit soi-disant décérébrés, irresponsables, déconnectés de la réalité. Mais moi, je ne vois que de l'intelligence en barre, mais en barre en fait. Mais il faut créer des espaces de sécurité pour qu'ils se sentent légitimes à en parler, pour qu'ils se sentent légitimes à s'exprimer sans jugement. Et c'est vrai qu'on est dans une société dans laquelle on ne valorise pas ça. Il faut être conforme, il ne faut pas faire de vagues, il ne faut pas se faire remarquer. Il faut être lisse, imprenable. Et donc l'exercice que moi je vis avec le film, c'est finalement, le prétexte c'est le film, la réalité c'est un espace de sécurité pour parler. Après avoir vécu pendant 1h36 la même émotion, et c'est ça qui fait qu'on peut se parler derrière, c'est que tout à coup, les personnes ont oublié qu'elles étaient en 5ème avec tel problème, ou CEO de telle boîte. Il y a un moment, l'émotion est telle qu'on est tous une humanité la même au bord de l'abysse et que du coup ça parle parce qu'il faut se resserrer. Et donc je sens ça et je sens aussi qu'ils se sentent abandonnés par les adultes et ils ont raison.

  • Florence Gault

    Et je trouve qu'il y a une... Une difficulté pour eux, j'interviens beaucoup moi, quand je fais des ateliers d'éducation aux médias, à 90% j'interviens en quartier populaire. Et donc justement, on aborde ces enjeux de transition écologique et sociale qui au départ leur semblent, on peut avoir la sensation qu'ils s'en fichent, que ce n'est pas leur préoccupation. Et puis en fait, quand on creuse, quand justement on crée cet espace de discussion, de dialogue, et en fait on se rend compte qu'ils sont pris en étau. Entre à la fois le bon sens, et quand on évoque les problèmes aujourd'hui, les difficultés rencontrées, ce qu'on pourrait faire, il y a quelque chose de très logique qui apparaît, et ils en conviennent. Et en même temps, il y a ce tiraillement avec l'hyperconsommation, le fait de devoir être dans le même moule, sinon on est mis à l'écart, particulièrement au moment de l'adolescence, qui débute de plus en plus jeune, et donc ça devient de plus en plus difficile. D'ailleurs, dans votre livre, vous racontez que vous vous faites interpeller par une dame qui vous demande et vous, votre gamin, comment il va ? Et vous vous rendez compte, vous vous retrouvez à lui dire que vos enfants aussi, par moments, se retrouvent pris dans cet état-là, alors qu'ils ont une maman engagée qui bosse sur le sujet. Et donc, ça montre bien que ce n'est pas si simple. pauvres et que si on les accompagne pas,

  • Flore Vasseur

    si on crée pas le cadre et l'espace pour ça peut être vraiment difficile mais c'est pour ça qu'on a vraiment un problème de système de représentation, c'est à dire que tout ce qui se prenne toute la journée c'est si tu n'as pas la bonne paire de baskets, si tu n'as pas le bon blouson si tu n'as pas tant de followers etc tu n'appartiens pas à cette société parce que ça veut dire que t'as pas les codes en fait... Et les codes, c'est les codes de la consommation, c'est les codes de la célébrité, c'est les codes du confort. Et donc, à nouveau, il y a une machine monstrueuse pour alimenter ça. Et en face, on est vraiment avec nos petites fléchettes et notre grand cœur à essayer de dire, mais non, ce n'est pas ça la vie. Je te jure, ce n'est pas ça, ça ne va pas te rendre heureux. Mais c'est vrai que je le vis moi-même. Et c'est tout, pour être très honnête, c'est tout là. Comment dire ? Le désarroi dans lequel je suis, c'est que je peux être cette maman engagée. Tout à l'heure, un enfant me disait mais comment vos enfants font avec une maman aussi puissante ? C'était gentil ! Je me demande si je ne joue pas à contre. C'est horrible, mais pour être très franche, ça ne suffit pas. Ça ne suffit pas. Parce qu'on n'est pas assez nombreux à dire, ça c'est des gros ringards. Vouloir être riche, vouloir péter le monde et aller à Dubaï ou je ne sais pas quoi, c'est un comportement de décérébré. C'est un comportement mortel. Pour paraphraser Olivier Hamann, Pour tous ces riches qui rêvent de se faire des îles désertes pour échapper à je ne sais pas quoi, ou des bunkers, c'est des cercueils. Il y a toute une culture de société qui refuse d'adresser ça parce qu'il y a le pouvoir économique derrière. Et c'est ça le nerf de la guerre. C'est vraiment ça le nerf de la guerre. On est prisonnier d'un narratif qui a tellement de moyens financiers, tellement de moyens technologiques. que nous, là, on est effectivement avec nos... Enfin, on fait comme on peut pour retenir nos enfants, loin de ça, et en face, c'est diabolique.

  • Florence Gault

    Et même les jeunes le reconnaissent. Quand on discute, notamment sur la place des réseaux sociaux, etc., régulièrement, moi, ils me disent, je sais, là, je comprends ce qu'on est en train d'expliquer, d'échanger, ce qu'on vit pendant X heures. Ils disent, mais vraiment, je ne sais pas. pas faire autrement.

  • Flore Vasseur

    Mais bien sûr. C'est de l'emprise. Vous savez, je disais tout à l'heure, c'est de l'emprise sectaire. Mais non seulement c'est de l'emprise, mais la chaîne, elle est physique. Elle est physique. Ça y est. C'est plus seulement de la croyance. C'est-à-dire que là, le cadenas, il est là, en fait.

  • Florence Gault

    On vit greffé au téléphone, à la main.

  • Flore Vasseur

    Et d'ailleurs, téléphone donné par les parents. Donc, parfois par confort. Ou par... peur de décevoir ses propres enfants ou peur que leurs propres enfants ne soient pas intégrés, etc. Donc, on est dans un...

  • Florence Gault

    Parce que oui, on ne sait pas nécessairement comment s'y prendre. Lors d'un atelier parents-enfants sur les réseaux sociaux, pareil, quartier populaire, je fais remplir un petit questionnaire aux enfants et on imagine 10 ans, 10-11 ans. Et je leur dis, qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place ? Là, c'est vous qui imaginez. Qu'est-ce qui vous permettrait de décrocher de temps en temps, le but étant de ne pas forcément diaboliser l'usage des réseaux sociaux, mais de dire qu'est-ce qu'on pourrait mettre en place ? Les enfants répondent, alors ils voulaient un panier de jeux, de jeux de société, dans le salon, à disposition pour pouvoir jouer. Et l'un d'entre eux m'a même répondu, mais moi j'aimerais bien que mes parents me punissent. Ah, T'as envie que tes parents te punissent, t'interdisent. Du coup, ce serait plus facile, en fait, s'ils m'interdisaient. Au moins, je serais obligée de faire autrement. Et donc, deux heures plus tard, on discute avec les parents. Je fais ce retour-là et en fait, eux sont restés complètement étonnés, abasourdis en disant, mais mon gamin vous a dit ça. Je dis, oui, oui, il y a quelques heures plus tôt, oui, votre enfant était prêt à se faire punir. pour pouvoir décrocher un peu du téléphone.

  • Flore Vasseur

    Ça veut dire protège-moi. Mais c'est toujours... De toute façon, on est tous ambivalents et les enfants aussi. Ils veulent de la protection et de l'émancipation, de l'autonomie et de la sécurité. Mais ça, c'est la vie, en fait. C'est la vie, c'est le choix permanent de la vie. Et c'est contradictoire entre le désir de liberté et le besoin de sécurité. Mais par contre, là où on s'est... où on s'est fait avoir. C'est qu'on nous a vendu que les téléphones, la console, les objets allaient nous rendre libres. Vous savez, quand on a fait le... Voilà, consommer, c'est la liberté, le combat, c'est d'avoir le prix le plus bas. Eh bien, c'est ça où on s'est fait avoir. C'est vraiment ça. Donc, l'aspiration à la liberté, elle est juste. Le besoin de sécurité, il est réel. C'est la façon... Donc c'est à quoi on associe liberté et à quoi on associe sécurité qui est déconnant.

  • Florence Gault

    Dans votre livre, vous dites chaque génération croit qu'elle va tout révolutionner. Mais voilà, on a toujours cassé la jeunesse. C'est vieux comme le monde. C'est la jeunesse qui nous sauvera.

  • Flore Vasseur

    Je pense que personne ne nous sauvera. Je ne pense pas qu'on est à sauver. Je pense qu'on est à réparer. Alors que la jeunesse ne répare, oui. Ça, j'y crois beaucoup. Mais pour revenir à cette anecdote dans le livre, enfin, ce passage du livre, tous les troublemakers, c'est toujours la jeunesse. Toutes les grandes œuvres de l'humanité, c'est Rimbaud avait 17 ans, Labo ici, on n'a jamais écrit quelque chose de mieux sur la servitude, il avait 17 ans. Regardez le nombre de personnes qui sont mortes avant 27 ans. De grands génies, quoi ! moi je crois vraiment qu'il y a cet âge d'or de l'audace, de l'intelligence le cerveau carbure à 8000 à l'heure il y a un moment où il y a une tectonique des plaques ça ne veut pas dire que tous les jeunes sont merveilleux et que tous les vieux sont has-been, ce n'est pas ce que je dis mais je dis aussi que la jeunesse a toujours été un problème pour le politique, toujours, toujours, toujours parce qu'il y avait une part, parce qu'il y avait la génération qui voulait vivre Après, moi, à l'inverse, quand je pense aux cyniques ou aux personnes, aux climato-sceptiques ou au sarcasme ou des gens qui disent à quoi bon ? Mais pourquoi je ferais ça ? De toute façon, la Chine, elle ne bouge pas, etc. Moi, je les mets dans un pack, quel que soit l'âge. Ce n'est pas un truc de génération, c'est un état d'esprit. Donc, c'est des gens qui sont prisonniers de cette croyance dans leur confort. C'est des gens qui veulent mourir tranquille. A l'inverse, il y a une génération intranquille qui veut vivre. Et elle se cogne cette masse-là, agénérationnelle, qui veut mourir tranquille. Parce que c'est confortable.

  • Florence Gault

    Dans votre livre, on s'entremêle espoir, colère, par moment de l'abattement aussi. On vous sent traversée par toutes ces émotions. Mais qu'est la vie ?

  • Flore Vasseur

    Dans la journée même, vous voyez bien, juste avant que vous arriviez, j'étais dans une colère noire. Là, on rigole. Moi, c'est 50 fois par jour.

  • Florence Gault

    Mais c'est aussi ce qui fait la vie. Et maintenant, que faisons-nous justement quand on regarde le parcours des jeunes pour reparler de Biggers Than Us ? Est-ce qu'il faut avoir... tout perdu pour se mettre à agir. Vous écrivez dans l'épreuve Quelque chose s'ouvre, la possibilité, un autrement en soi comme un nouvel horizon ne reste alors plus que l'ultra-présent, l'apropos C'est ça, il faut vivre là maintenant ?

  • Flore Vasseur

    La question c'est, qu'est-ce qu'il nous faut pour qu'on soit présent ? Parce qu'effectivement, on va reparler de cette dopamine digitale, tout est fait pour nous arracher de là. Donc, la question, c'est qu'est-ce qu'il faut pour être présent ? Et il me semble qu'effectivement, il y a des moments comme des failles spatio-temporelles, en fait, qui tout à coup vous secouent à un point que vous ne pouvez plus vous échapper. Là, il n'y a plus aucune béquille possible. Il n'y a aucun rempart derrière les écrans. Et donc, ces moments-là, c'est des épreuves. ou alors des coups de foudre. Mais paradoxalement, les épreuves nous rendent vivants en fait. Tout à coup, on est face à l'adversité, on se demande qui on est, ce qu'on va faire, comment on peut faire, qui on a envie d'être. Et c'est toujours ces moments-là. Ça n'arrive pas dans un quotidien, ah tralala, je suis à ma terrasse de café, je vais me demander... ce que je peux devenir. Non, ça, on est trop confortable. On est tous pareils. J'aimerais bien parler avec des neuropsychologues pour savoir ce qui se déclenche chimiquement, quelle hormone vient taper. Non pas un cerveau reptilien dans lequel on est. Justement, il est explosé, en fait, tellement le truc est énorme. Donc, souvent, j'ai remarqué ça chez les gens qui sont dans le deuil. Mais moi-même, pour l'avoir vécu, les moments de grande vérité, c'est les moments où je suis à terre. C'est les moments où... où j'ai plus d'espoir, où là je vais me dire mais comment je vais faire juste pour respirer le truc d'après et donc est-ce qu'il faut avoir tout perdu pour se mettre à bouger ? Un peu mais tout perdu avoir tout perdu c'est pas la même chose pour tout le monde et la bonne nouvelle c'est qu'on perd tout le temps la bonne nouvelle c'est que pour moi ce qui nous met en route c'est justement la confrontation à la réalité donc l'humiliation Donc le sentiment d'injustice, donc les épreuves, ça peut être une maladie, ça peut être une agression, ça peut être une trahison, ça peut être un deuil, ça peut être un choc, ça peut être tout ça en fait. Ça pour moi ça ouvre une lucarne, après on ne l'apprend pas tous et on ne l'apprend pas toujours. Et étonnamment, la même épreuve elle revient jusqu'à ce que... On comprenne en fait que là, il y avait un truc qui vient dire, est-ce que tu es sûr d'être à ta place ? Est-ce que tu es sûr d'être la personne que tu voulais devenir ? Est-ce que tu es sûr que tu ne pourrais pas vivre autrement, être autrement, te comporter autrement ? Moi, j'ai l'impression que c'est le rôle des épreuves.

  • Florence Gault

    À tous ces gens qui vous posent la question, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Vous répondez toujours par l'humanité versus le confort. Ça peut parfois être un peu difficile à appréhender. J'aime beaucoup la manière dont vous terminez votre livre. Vous dites, alors et vous, qu'allez-vous faire ? C'est-à-dire, qui décidez-vous d'être ? Que permettez-vous ? La peur ? Le repli sur soi ? Le cynisme ? L'égoïsme ? Le confort qui justifie tous les renoncements ? Ou l'amour ? L'aventure ? L'inconnu ? Allez-vous lutter contre ? Ou lutter pour, on en revient à ce qu'on disait au démarrage de cet entretien.

  • Flore Vasseur

    On a beaucoup parlé de confort, je crois que vous avez compris le message, mais c'est vrai que je n'ai pas équilibré avec la solution que je propose. Enfin, le guide, la direction plus que la solution. La direction qui est celle de l'humanité. Et je n'y suis pas à 100% tous les jours, vous en avez été témoin. L'humanité, c'est se dire pour eux. Toutes les actions du quotidien, en fait, c'est toujours le même choix. Je peux aller vite prendre mon train, passer très vite devant la personne à la rue ou Florina qui fait la manche en bas, lui dire que je n'ai pas le temps et filer vite prendre mon train. Confort. Je peux me dire, mon train attendra, Florina a l'air de ne pas aller très bien aujourd'hui, peut-être qu'elle a besoin de quelque chose. Est-ce que je lui amène un thé chaud ? Humanité. Dans le train, il peut y avoir mille occasions d'exprimer confort, humanité, avec vos enfants, avec vos collègues de travail, avec vos propres parents, avec vous-même en fait. Et cet arbitrage entre confort et humanité, il est aussi dans les, par exemple, je vais insister un petit peu, mais dans la consommation. Est-ce qu'on a vraiment besoin de ce cinquantième t-shirt pas cher qui va être livré par une entreprise qui est en train de massacrer l'environnement, mais aussi... des personnes ? Ou est-ce que je peux me dire que je n'en ai pas besoin ? Humanité. Est-ce que je peux choisir de me replier sur moi parce que c'est plus pratique et parce que j'ai peur de l'autre ? Ou est-ce que je peux me dire ça serait bien que je rappelle cette personne que je viens d'engueuler là et que je lui demande pardon et que j'essaie de mieux comprendre d'où venait sa peur et pourquoi. Voilà. Humanité. C'est toujours et c'est plus confortable pour moi de ne pas rappeler. C'est toujours, un, c'est jamais perdu, deux, pour moi c'est un excellent baromètre. On fait le tri sélectif, on est dans tous les actes du quotidien maintenant, je prends la décision consciente de l'amour. C'est très compliqué. C'est vraiment très compliqué. Je ne me suis pas fait tatouer pour Humanité, mais je me suis fait tatouer This too will pass qui est un peu la même idée. C'est-à-dire, quand il y a quelque chose qui vient m'agresser, ou quand je suis partie dans ma peur ou dans ma colère, pouf, ok, ça va passer, Humanité pense qu'il y a à sauver. Et c'est vrai que moi, je n'ai pas de meilleure solution. Et je... je ne sais pas si ça va changer le monde. Et d'ailleurs, il n'est pas à changer, mais ça va le réparer. Vraiment puissamment. Parce que ça commence... Parce qu'on a tous notre part. Et ce n'est pas une question de génération, ce n'est pas une question de classe sociale, de niveau d'éducation, de religion, de valeur morale, ou quoi que ce soit. Chacun de nous, quel que soit notre niveau, quel que soit notre âge, quelle que soit notre position, quel que soit notre métier, même le patron total. S'il se met à choisir l'humanité plutôt que son confort, mais c'est tectonique. Et en fait, ça revient à cette histoire de système de valeurs dont je parlais tout à l'heure. Parce qu'en fait, choisir l'amour, c'est comprendre qu'on n'est pas séparés. C'est comprendre qu'on est tous interdépendants. C'est comprendre que cette histoire de séparation de la nature, des peuples, de nous, du temps, des autres, n'existe pas. C'est une croyance, mais ce n'est pas la vérité. Ce n'est même pas une vérité scientifique. On l'a vu avec la Covid. On était tous interdépendants. Si vous étiez malade, j'étais malade. Si j'étais malade, vous étiez malade. Point barre. On a oublié. Et donc la leçon va revenir inexorablement tant qu'on ne la comprendra pas. Mais voilà, ça c'est un chemin qui fait qu'effectivement vous luttez pour défendre l'humanité chez les autres et la vôtre.

  • Florence Gault

    Merci beaucoup, Flore Vasseur, pour cet échange.

  • Flore Vasseur

    Merci à vous.

  • Florence Gault

    Et maintenant, que faisons-nous à retrouver aux éditions Grasset ? Merci beaucoup. Un épisode rendu possible grâce au soutien de Gilles, Martine et Christophe.

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