- Florence Gault
Le saviez-vous ? En ville, le transport routier est la principale source d'émissions de gaz à effet de serre. Il représente 34% des émissions selon des chiffres du Shift Project. une association spécialisée dans la décarbonation de l'économie. Parmi ces trajets, de nombreux déplacements professionnels. Un grand nombre de Français se sont mis au vélo au moment de la crise du Covid-19 pour réaliser leur trajet domicile-travail. Certaines entreprises ou artisans ont décidé d'aller plus loin en abandonnant leur camionnette. Il a fallu lever certains freins et dépasser quelques barrières psychologiques. Mais loin d'un phénomène de mode, la pratique du vélo semble s'enraciner. notamment à Lyon et dans sa métropole, je suis allée à la rencontre de ceux qui ont osé sauter le pas.
- Ghislain Varin
J'ai approvisionné tout le matériel. J'ai dû faire une vingtaine d'allers-retours dans les escaliers. La journée, elle est cramée. La douleur, ce n'est pas les déplacements à vélo. C'est toute la manipulation des outils, des matériaux. Après, le vélo, c'est de la rigolade à côté. Je m'appelle Guislain Varin, je suis artisan. Je fais principalement des rénovations de salles de bain, j'installe des chaudières, des chauffe-eau. Ça fait 13 ans que je suis artisan, sur un format assez classique au début avec une camionnette. Et puis, dès le départ, j'ai quand même utilisé un petit peu le vélo pour aller faire les devis, faire les SAV, des choses comme ça. Ou une fois que le matériel était sur le chantier. Et puis au fur et à mesure que je me suis aguerri, j'ai pris de l'expérience, j'ai pu faire beaucoup plus de déplacements à vélo.
- Florence Gault
C'était une envie ? C'était parce que le vélo c'était un truc qui vous plaisait déjà pour vous déplacer dans la vie de tous les jours ?
- Ghislain Varin
J'ai toujours utilisé le vélo pour me déplacer, j'ai toujours été citadin, donc pour moi ça a toujours été un moyen de transport efficace et amusant. Au fur et à mesure, j'ai de plus en plus utilisé le vélo, je me suis équipé avec des sacoches à l'arrière, j'ai essayé une remorque bricolée à partir d'un siège enfant, on essaye des choses. Et puis on s'aperçoit que c'est quand même super efficace et surtout hyper plaisant de faire du vélo. Et que c'est toujours plus plaisant de faire du vélo que d'être derrière un volant sur un camion qui n'avance pas dans les embouteillages.
- Florence Gault
Et donc la bascule, elle se fait à quel moment ?
- Ghislain Varin
La bascule 100% vélo, elle se fait au moment du Covid, où en fait la ville était vide. Et comme je suis artisan, j'étais autorisé à travailler. Et du coup, ça m'a permis d'essayer des choses avec ma randonneuse. Une petite remorque, plus de poids sur le vélo, des choses comme ça. Et là, je me suis aperçu qu'en fait, il ne me manquait quasiment rien pour être 100% à vélo. Je ne sais pas, avec la randonneuse, je suis peut-être à 80% de mes déplacements à vélo. Et évidemment, les 20%, les derniers 20%, pour aller les chercher, il faut s'équiper. C'est là où je suis passé au cargo. Par l'intermédiaire des boîtes à vélo, qui est une association qui essaie de faire la promotion des déplacements professionnels à vélo. J'ai pu comme ça être un peu conseillé, orienté sur quel type de cargo pourrait correspondre à ma façon de travailler, à ma façon de me déplacer. Du coup, j'ai fait l'acquisition d'un vélo cargo. Ça s'appelle un... un biporteur avec l'arrière du vélo, on va dire que c'est un vélo classique et puis l'avant c'est une sorte de plateau avec une roue déportée qui est actionnée par un mécanisme de câble et puis sur ce plateau on a une caisse qui est posée une grosse caisse en aluminium donc c'est assez léger
- Florence Gault
Vraiment léger ? Ou c'est une façon de parler ?
- Ghislain Varin
Ouais, c'est léger pour une caisse quoi. Parce qu'on a quand même un volume important. L'ouverture de la caisse, elle est... Le couvercle coulisse vers l'avant. Et c'est un couvercle plat. qui a son importance. Parce que... A l'intérieur on met en général de l'outillage, des caisses, le perfo, la visseuse, la meuleuse... Voilà, et sur le dessus, comme c'est plat, on peut mettre soit un chauffe-eau...
- Florence Gault
Un chauffe-eau ? Ouais. Un chauffe-eau au rhum ?
- Ghislain Varin
On a essayé avec un chauffe-eau de 200 litres, on a réussi à en mettre un dessus. La légende dit que je suis le premier à avoir sorti un chauffe-eau de 200 litres à vélo, vélo musculaire s'il vous plaît, chez mon fournisseur Richardson pour pas le nommer.
- Florence Gault
Est-ce qu'on arrive à pédaler ensuite ?
- Ghislain Varin
On arrive à pédaler ensuite, il vaut mieux que les gens se poussent. Et grosso modo, dans ma caisse, plus le dessus, j'arrive à faire une demi-journée de boulot, parce que j'ai quasiment tout pour bosser. Et puis après, sur des chantiers un peu plus longs, soit je fais un aller-retour le midi, parce que comme je travaille localement, ça ne me pénalise pas de faire un aller-retour, soit je viens le matin avec... Le vélo chargé, plus du matériel dans la remorque. C'est vrai que ce n'est pas tout à fait la même façon de travailler qu'avec un camion. Il faut un petit peu prévoir un peu plus ses chantiers, il faut un peu anticiper, poser des questions aux clients si on n'a pas vu le chantier. Mais les gens, quand on leur explique qu'on va venir à vélo, les gens sont tout à fait disposés à prendre des photos, à les envoyer. Il y a quand même un capital sympathie sur les plombiers à vélo. Les artistes à vélo, en général, on est plutôt bien perçus.
- Florence Gault
Justement, la réaction des gens, elle est ultra positive. Ça n'enlève rien. Ça ajoute même peut-être un petit quelque chose à la relation.
- Ghislain Varin
Oui, je pense que le fait d'arriver sur le chantier avec un vélo, ça peut surprendre. Mais bon, après, je ne communique pas sur le fait que je suis à vélo. Ce qui est important pour moi, c'est d'être reconnu pour mon professionnalisme. Je dirais que le vélo, c'est... C'est quelque chose, finalement, c'est personnel. C'est un choix. Ce n'est pas un argument marketing. Pour moi, non. Moi, c'est plutôt un acte militant. En fait, j'ai commencé à communiquer sur le vélo plus par militantisme pour transmettre cette expérience à d'autres artisans ou à d'autres personnes qui se posent la question, qui veulent travailler différemment, qui veulent se déplacer différemment. Et pour montrer que c'est possible aussi de le faire. Je pense que si un plombier est capable de travailler à vélo, ça laisse de la marche pour les autres quand même. Après je cherche pas à donner de leçons et puis c'est... Voilà, moi ce que je revendique c'est surtout le plaisir d'être à vélo, le plaisir de se déplacer vite, d'être libre en fait. Parce que le vélo c'est avant tout la liberté.
- Lucile Jacques
Bonjour, je m'appelle Lucile Jacques, je suis chargée de mission Auvergne-Rhône-Alpes pour l'association Les Boîtes à Vélo. Nous sommes actuellement au Grand Plateau, c'est un tiers-lieu qui réunit les acteurs de la mobilité active, donc beaucoup de fabricants, de revendeurs de vélos, et plusieurs de nos adhérents aux boîtes à vélo sont hébergés dans ce tiers-lieu. Donc là on est au Lavo Vélo, chez Rémi, et j'arrive pour faire nettoyer mon vélo. J'en profite !
- Rémi Hingrai
Voilà, la roue du vélo tourne sur elle-même. D'accord. Pendant que l'eau tourne sur la roue, il reste à peu près 20 secondes sur chaque position. J'identifie les 20 secondes parce que les rouleaux qui viennent frotter le vélo tournent 10 secondes dans un sens, 10 secondes dans l'autre. Je suis Rémi Ingrai, je suis le dirigeant et fondateur de LavoVélo. Nous proposons donc du lavage de vélo. L'objectif est de faciliter le nettoyage du vélo en moins de 3 minutes avec de l'eau recyclée. Et aujourd'hui, en tant que membre des boîtes à vélo, nous proposons le service aux cyclistes urbains en allant au-devant des cyclistes, en s'installant sur différentes places publiques où nous sommes accueillis. La roue arrière qui est mouillée et qui commence à être brossée, normalement elle tourne sur elle-même. Voilà, on peut maintenant éteindre la boulot avec le bouton rouge.
- Florence Gault
Et voilà, un vélo tout beau, tout propre.
- Rémi Hingrai
En moyenne, on est à 1,5 litre d'eau. On charge le lave-vélo une première fois, et puis après, on peut passer plusieurs vélos. Et en moyenne, on arrive à 1,5 litre d'usage de l'eau.
- Florence Gault
Et on emploie du savon ?
- Rémi Hingrai
On emploie un petit peu de savon. On a sélectionné des produits biodégradables, et on en emploie très peu, de l'ordre de 10 centilitres pour 40 litres d'eau. Donc c'est vraiment très, très peu.
- Florence Gault
Alors, comment est née l'idée de Lavo Vélo ? Est-ce que vous, vous faisiez partie du monde du vélo déjà avant ? Voilà un peu votre parcours pour en arriver à la création de Lavo Vélo.
- Rémi Hingrai
Alors, j'ai un parcours multiple, mais effectivement, ça fait plus de dix ans que je suis dans le monde du vélo. Mais au départ, je me déplaçais à vélo dans mon ancien métier, qui n'était pas dans le domaine du vélo. Et j'étais amené à devoir nettoyer mon vélo, effectivement. Et là où je l'ai fait, avec des produits... non biodégradables qu'on trouvait dans le commerce à l'époque. J'ai abîmé les sols, j'ai vu que l'herbe ne repoussait plus dans le jardin de ma belle-mère, par exemple.
- Florence Gault
Donc c'est vraiment parti devant la maison, quoi.
- Rémi Hingrai
Oui, voilà. C'est un usage personnel devant la maison et qui n'était pas ma maison, parce que j'habitais en appartement, donc moi, je ne pouvais pas laver mon vélo. Donc je le faisais là où je pouvais et je me suis rendu compte que c'était problématique aussi. Donc pour résoudre ces deux questions... faciliter le lavage de vélo et pouvoir le faire en toutes circonstances en milieu urbain ou dans un milieu où il y a moins d'eau. On a développé Lavovélo en effet.
- Florence Gault
Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a de plus en plus de gens qui se tournent vers ce moyen de transport ? Est-ce que vous avez la sensation qu'il reste encore beaucoup de freins ? Comment vous vous le vivez aussi à titre de professionnel dans ce milieu-là ?
- Rémi Hingrai
Alors il y a de plus en plus de monde mais il y a effectivement pas mal de freins à lever encore. Notamment l'accès à l'espace public. Il est parfois compliqué de trouver l'accès à l'espace public. Nous avons un bon partenariat avec la ville de Lyon actuellement, mais c'est effectivement quelque chose qui est long à mettre en place. Et puis, pour pouvoir le faire sur d'autres environnements, il faut certainement pouvoir simplifier cet accès à l'espace public. On est en train en réalité de créer de nouveaux métiers qui prennent peu de place, qui sont mobiles, qui redynamisent les centres-villes. Et je pense qu'il y a une carte à jouer qui est intéressante. pour les villes et pour les professionnels qui s'installent parce qu'effectivement, on recrée l'activité là où il n'y en avait pas ou où il n'y en avait plus.
- Florence Gault
Par cyclomobilité professionnelle, on entend les artisans qui se déplacent à vélo, les professionnels qui offrent leur service à vélo et les cyclologisticiens, c'est-à-dire... ceux qui transportent et livrent les marchandises. Une filière qui se développe de plus en plus, notamment pour décarboner dans les grandes villes le fameux dernier kilomètre. C'est dans cette optique qu'a d'ailleurs été inauguré le 25 mars dernier l'hôtel logistique urbain de Lyon. Il a pour objectif de mutualiser les flux de marchandises entrant dans l'agglomération et d'organiser leur distribution grâce à des véhicules utilitaires à faible émission, y compris des vélos cargo. Pour les fabricants, il y a un vrai défi. à relever, produire du matériel solide et fiable, capable de supporter des charges lourdes. Retour au grand plateau à Villeurbanne, près de Lyon, avec Lucille Jacques qui nous retrace l'histoire des boîtes à vélo, qui a pour objectif donc d'encourager l'entrepreneuriat à vélo.
- Lucile Jacques
L'association a été créée officiellement en 2019, mais dès 2012, il y avait déjà des rassemblements de professionnels à vélo, par exemple à Nantes, à Grenoble, qui ont du coup, in fine, créé l'association nationale. Aujourd'hui, on compte 300 adhérents, donc professionnels à vélo. On a 14 associations locales. Moi, du coup, en région Auvergne-Rhône-Alpes, on a une association locale à Lyon et une autre à Grenoble. Et après, on a des adhérents un petit peu parsemés dans la région. Et voilà, comme tu l'as dit, le but, c'est vraiment de fédérer les acteurs. de professionnaliser un petit peu le secteur qui est vraiment en développement. Et donc en fait, l'association représente tout type de professionnels à vélo, de différents secteurs, des services, des commerces, des vélorestos, beaucoup dans la logistique aussi, donc la cyclologistique et beaucoup d'artisans, notamment Guylain qui est plombier à vélo. On a même des charpentiers à vélo. En fait, le but, c'est de montrer vraiment la diversité des métiers qui peuvent se faire à vélo.
- Florence Gault
Effectivement, on a pu le voir. en début d'épisode avec Guylain, qu'il est possible de transporter un chauffe-eau de 200 litres sur un vélo cargo, ce qu'on n'aurait pas forcément imaginé. Est-ce que c'est à la fois pour montrer que oui, le vélo, c'est possible et qu'il y a d'autres manières de faire, mais c'est quelque chose d'encore un peu symbolique ? Ou est-ce qu'on peut vraiment changer d'échelle dans nos mobilités aujourd'hui ?
- Lucile Jacques
Je pense qu'il y a un petit peu des deux. Il faut savoir que ça peut aussi être une opportunité de modèle économique, entre guillemets, mais en tout cas de manière de travailler. Parce qu'aujourd'hui, on voit en centre-ville, il y a beaucoup de circulation. Donc, nous, on a des chiffres comme quoi le vélo, ça fait gagner beaucoup de temps pour un même trajet. Je ne sais plus le nombre de kilomètres, mais par exemple, 30 minutes en voiture où on est un peu dans les bouchons. On met 12 minutes à vélo pour faire la même distance, par exemple. Donc, c'est vrai, il y a des avantages à ce niveau-là, des avantages aussi économiques. parce qu'on ne dépense pas d'argent pour le carburant, pour le stationnement. Ça fait aussi faire du sport, donc c'est bon pour la santé. C'est bon aussi pour l'image de l'entreprise parce que quand on arrive chez un client et qu'on est à vélo, ça donne toujours une image quand même sympathique, une image aussi plus respectueuse de l'environnement tout simplement.
- Florence Gault
Mais il y a encore de nombreux freins pour ce passage à vélo. On le voit à titre individuel, mais aussi à titre professionnel. Quels sont les freins qu'on constate le plus ? Ils sont...
- Lucile Jacques
Alors les freins qui sont souvent remontés, c'est déjà la peur un petit peu de rouler en pleine circulation. Selon les pratiques, ça peut faire un petit peu peur, notamment en centre-ville, en heure de pointe. Après, c'est vraiment la pratique qui permet de ne plus avoir peur, en fait, parce qu'on apprend à circuler. Ça dépend aussi des infrastructures cyclables de chaque ville. C'est pour ça que nous, on travaille sur des actions plaidoyées en lien avec les métropoles et les villes pour améliorer en fait ces infrastructures et qu'elles soient plus cohérentes avec les nouvelles pratiques. C'est-à-dire créer plus de pistes cyclables, ne pas avoir de décrochage entre les différents. Piste cyclable, des choses comme ça. Après, il y a un autre frein qui est la météo, qui revient souvent et qui fait peur aux personnes qui ne sont vraiment pas initiées. Et ça, nous, on dit souvent qu'en fait, il n'y a pas de mauvaise météo, il n'y a qu'un mauvais matériel, un mauvais équipement. Et si on est bien équipé, ça ne dérange pas. La neige, c'est encore différent. Mais en tout cas, la pluie et le froid, ça se compense vraiment avec les équipements.
- Florence Gault
Et puis, un des freins, c'est évidemment après le volume, on ne pourrait pas absolument tout transporter. avec un vélo cargo, évidemment.
- Lucile Jacques
Oui, bien sûr, on n'est vraiment pas là pour dire tout le monde peut travailler à vélo, mettez tout dans un vélo, parce qu'on parle vraiment de vélo cargo. Il y a différents types de vélo cargo. C'est beaucoup des bi-porteurs, donc avec une charge à l'avant. On reste sur deux roues. Et non, évidemment, ce n'est pas ce qu'on dit. Il faut savoir, surtout dans les métiers de l'artisanat, que ça nécessite toujours une réorganisation du travail. Et en effet, il y a des métiers qui ne peuvent pas se faire à vélo et c'est OK, mais c'est juste que tout ce qui... Peut se faire à vélo au lieu d'utiliser un camion ou une camionnette, pardon, un utilitaire et du coup réduire les émissions, notamment en centre-ville, en lien avec les ZFE, tout ça, c'est important. Moi, je ne l'ai pas précisé, mais du coup, mon poste est conventionné par l'ADEME sur une feuille de route qualité de l'air. Donc, en fait, nous, le but de nos actions, c'est de faire passer le plus de monde au vélo dans le cadre de ses activités professionnelles pour diminuer les émissions de CO2.
- Florence Gault
Quel conseil tu donnerais à quelqu'un qui a une entreprise et qui se dit pourquoi pas, mais ?
- Lucile Jacques
Pourquoi pas, mais ? Déjà, c'est échanger avec lui pour comprendre les freins. Ce qui est très important quand tu dis une entreprise, c'est que ça soit fait en collaboration avec les salariés. Parce qu'on voit souvent, ça vient souvent des managers. Mais il faut être sûr que les salariés soient prêts à aller dans cette démarche. Ou en tout cas... les initiés leur en parler, leur donner envie. A l'inverse aussi, l'envie peut venir des salariés, et dans ce cas-là, c'est au manager d'écouter et de faire en sorte que ça soit possible. Mais donc quand on me dit j'aimerais c'est déjà y aller petit à petit, faire les choses pas à pas, rencontrer des gens qui font la même chose. Après, souvent aussi, on nous appelle, typiquement des questions d'assurance, ça revient souvent et c'est très important, parce qu'actuellement, c'est tellement un secteur qui est nouveau, qui est en développement. Il n'y a pas forcément les offres qui sont corrélées. C'est tout un travail de structuration, mais je pense qu'on va dans le bon sens et tout le monde voit qu'il y a vraiment un potentiel à ce niveau-là.
- Florence Gault
Je crois qu'au niveau des assurances, il y a encore des freins à assurer les déplacements à vélo, ce qui peut poser, évidemment, quand on est une entreprise ou un artisan, un certain nombre de problèmes. Vous pouvez aller travailler avec les assurances pour faire évoluer un peu les choses ?
- Lucile Jacques
Oui, tout à fait, ça fait partie de nos missions. Là, il y a un travail qui a été fait justement de recensement de quelles assurances, et on va même plus loin, c'est quelles personnes dans ces assurances peuvent proposer des assurances pour les vélos cargo dans les activités professionnelles. On peut travailler ces sujets, donc là, on a une liste de quelques assureurs. Pour l'instant, il n'y en a pas beaucoup, mais en tout cas, on travaille à l'enrichir, à la développer. Là, il y a un autre sujet, par exemple, de réglementation en lien avec le ministère. Pour définir en fait, quelle réglementation en termes de largeur, de longueur, de charge transportée, parce que ça pose des problèmes en fait avec les autres utilisateurs des voies cyclables pour que tout le monde ait une place en fait.
- Florence Gault
Je vais emmener les auditeurs visiter un peu le grand plateau. Juste pour finir, toi quand tu te trouves dans un tiers lieu comme ça dédié à la mobilité et que tu regardes autour de toi, qu'est-ce que ça t'inspire ?
- Lucile Jacques
Je vois déjà beaucoup de vélos, ça m'inspire qu'il y a vraiment... Toute activité professionnelle, toute personne a un vélo qui lui est propre, qui lui est adapté. Donc ça c'est super important de prendre le temps de réfléchir à quelle activité, quel besoin et quel vélo. Et c'est vrai que ce lieu ça donne de l'espoir. On se dit qu'il y a vraiment une mouvance qui va dans le bon sens à ce niveau là. Et que là du coup par ce tiers lieu on a voulu aider les acteurs à se développer et on les soutient. Et ça c'est déjà un bon message.
- Florence Gault
Eh bien, merci, Lucie. Allez, c'est parti. On va visiter le Grand Plateau.
- Anne-Gaëlle Clot
Anne-Gaëlle Clot, je suis la directrice du Grand Plateau. On se trouve au Grand Plateau, qui est un tiers-lieu de production qui accueille des acteurs du monde du vélo et de la micromobilité.
- Florence Gault
Alors, c'est un tiers-lieu qui est assez récent, qui s'est installé il n'y a pas si longtemps à Villeurbanne. Tu nous racontes un peu... L'histoire de ce lieu, comment est née l'idée de mettre tous les professionnels du vélo à un même endroit ?
- Anne-Gaëlle Clot
En fait, c'est un lieu qui a été créé par et pour les entrepreneurs du vélo. Donc, c'est vraiment une initiative qui est née des entrepreneurs. Il y a eu vrai sur la métropole de Lyon avec cette envie de créer un lieu totem à leur image pour se rassembler et coopérer ensemble. Le lieu a ouvert en juin 2022. On en arrive maintenant à 18 mois d'exploitation. Et de jolies coopérations.
- Florence Gault
Alors, écoute, je propose qu'on découvre ça ensemble. Tu nous fais visiter.
- Anne-Gaëlle Clot
C'est parti. On arrive dans la partie atelier, qui est composée de plusieurs petits boxes dans lesquels les entreprises font leur activité. On vient de passer devant chez Adbike, qui font des vélos cargo professionnels et particuliers. On a vu également Afon Gaston, qui fait de l'électrification de vélos. On a Rutile, qui fait du reconditionnement de vélos électriques plutôt haut de gamme et moyenne gamme. Il y a 28 résidents sur le grand plateau actuellement, pour environ 150 emplois sur site. Là, on a de la chance, il nous reste encore un peu de place, mais c'est vrai qu'on va commencer à devoir pousser les murs, puisqu'on est quand même un site de 8000 mètres carrés. Pour l'instant, on en occupe à peu près 85% et normalement, à l'été, on sera complet.
- Florence Gault
Donc, c'est plutôt bon signe, ça veut dire qu'il y a en tout cas un engouement, qu'il y a des métiers qui se développent aussi autour du vélo.
- Anne-Gaëlle Clot
Oui, on voit une belle dynamique déjà sur Lyon et en général sur la filière vélo d'entrepreneurs. qui ont envie de changer les mobilités et bien sûr d'agir pour l'écologie. Et bien là, je vous propose d'aller faire un petit tour dans l'usine à vélo, qui est le plus gros locataire du Grand Plateau et qui est une coopérative d'assemblage de vélos.
- Florence Gault
Et là, comment tu analyses un peu la dynamique aujourd'hui qui existe autour du vélo, sur le plan professionnel, que ce soit dans les déplacements entre le domicile et le travail, ou tel qu'on voit toutes ces entreprises aujourd'hui qui se montent, tu vois un essor clairement prendre. Est-ce que ce tiers-lieu aurait pu voir le jour il y a 20 ans ?
- Anne-Gaëlle Clot
C'est une bonne question. Est-ce que ce tiers-lieu aurait pu voir le jour il y a 20 ans ? Je pense que... Clairement, le tiers-lieu et toute la dynamique qu'il y a autour de la coopération au niveau de la filière se fait aussi parce que c'est une filière qui est en essor, qui est en train d'essayer de se structurer, de s'organiser sur des entreprises qui ont besoin de se développer. Donc en fait, c'est parce qu'à un moment donné, il y a une fragilité, qu'il y a aussi coopération et développement de ce type d'initiatives, que ce soit le grand plateau ou l'usine à vélo. Les entreprises, elles ont des... à mon sens, un bel avenir devant elle. Encore plus si demain, on arrive enfin à prendre en compte les impacts sociaux, environnementaux et de santé, et des économies qui ont été faites sur la santé. Il faudra quand même le vérifier, mais c'est Olivier Schneider qui a annoncé dans une interview il n'y a pas longtemps que c'est déjà 5 milliards d'euros d'économies sur la partie santé des usagers de la bicyclette. Si à un moment donné, l'économie ne... Du vélo, on pouvait prendre en compte aussi tous ces impacts et externalités positives. On serait une filière, mais tellement rentable, ça serait absolument canon. Je te propose d'aller sur le niveau zéro du grand plateau, qui est un peu un espace sous-sol et un peu plus calme que ce plateau d'activité. Donc nous voici au plateau Zé.
- Florence Gault
Alors là, nous avons un passage d'un monsieur à vélo.
Et oui, c'est aussi l'enjeu du tiers-lieu,
- Anne-Gaëlle Clot
c'est que comme on vient produire, conditionner des vélos, à un moment donné, ces vélos, il faut les tester. Donc nous avons effectivement du passage de vélo, parfois, dans les couloirs. Voilà, donc là, nous nous situons devant l'espace de la Vauvélo,
- Florence Gault
qu'on est allé voir tout à l'heure.
- Anne-Gaëlle Clot
À côté, nous avons Stop Bike, qui fabrique. du mobilier de stationnement est là juste devant nous, donc Jog. Donc là on se trouve dans le showroom et dans l'atelier de Jog qui est un lieu plutôt rénové et plutôt sympa, ils ont bien bossé. Donc là ils exposent leur équipement qui va de la remorque au biporteur, donc tout ce qu'il faut pour équiper un cyclologisticien ou un artisan à vélo. Hop ! Mais moi, je suis presque persuadée. Je ne sais pas si c'est très positif tout ça, mais je suis de plus en plus persuadée que si la filière vélo est aujourd'hui hyper coopérative et hyper collaborative, c'est aussi parce que la filière vélo est en devenir et n'est pas encore consolidée. Et c'est ce que disait Diane Dupré-Latour, que je suis beaucoup au niveau des cantines, et qu'anime des écosystèmes comme celui-ci, mais plutôt au niveau de particuliers. En fait, là où il y a des fragilités, il y a de la coopération. Sinon, il y a de la performance et de la compétition. Et en fait, on en arrive à avoir plus de coopération finalement sur une filière qui se situe avec des petits acteurs qui ont besoin de se consolider que sur des acteurs qui finalement ont un business model tout établi, avec une bonne rentabilité, qui avancent, qui avancent, qui avancent, et qui finalement n'ont pas besoin des autres pour avancer.
- Florence Gault
Donc, est-ce que ça voudrait dire que dans 10 ans, 20 ans, quand la filière sera extrêmement bien développée ? Peut-être qu'on perdra un peu de cette coopération.
- Anne-Gaëlle Clot
C'est le risque. Après, moi, j'ai un peu confiance quand même en nos entrepreneurs, parce que ça reste quand même des entrepreneurs du changement qui ont cette idée et cette envie de faire différemment. Mais soyons vigilants. Ça, c'est un engage que moi. Voilà, on retourne dans la zone d'accueil.
- Florence Gault
Merci, Anne-Gaëlle, pour cette visite.
- Anne-Gaëlle Clot
Merci beaucoup Florence d'être venue nous voir.
- Florence Gault
En 2050, ce sont près de 100 000 emplois supplémentaires qui sont attendus sur la filière vélo. La cyclomobilité professionnelle est donc en plein essor avec à la fois l'émergence de nouveaux métiers, mais aussi le développement du marché des vélos aidé par les aides financières à l'achat ou à la conversion. Un succès qui n'a toutefois pas que des points positifs. La multiplication des vélos entraîne aussi des problèmes de sécurité liés notamment au manque de pistes cyclables. hors agglomération et aux pistes saturées dans les grandes villes. La filière veut en tout cas montrer que travailler à vélo est possible. Il faut désormais accompagner les professionnels car chaque métier a une organisation différente à vélo-cargo. Il y a aussi des aspects réglementaires et fiscaux à revoir pour faciliter leurs conditions d'exercice. Le gouvernement a d'ailleurs lancé un plan vélo 2023-2027 avec pour objectif d'investir 2 milliards d'euros sur les 4 ans pour développer. la pratique du vélo, les infrastructures ainsi que la filière économique.