- Speaker #0
Hors série d'encore, hors série, encore. Bonjour Sylvie.
- Speaker #1
Bonjour Claire.
- Speaker #0
J'adore quand ça commence avec une joie pareille dans la voix.
- Speaker #1
Ouais, j'ai beaucoup de joie à être ici et à pouvoir partager ce sujet qui est un sujet qui m'anime beaucoup.
- Speaker #0
Bon, on y va tout de suite. Aujourd'hui, je te reçois Sylvie en tant qu'ethnologue, avec une spécialité, parce que tu es anthropologue, ethnologue dans l'entreprise. Et donc, c'est aussi avec cette casquette-là que tu viens dans ce hors-série. Alors, tu sais que chez Encore, on parle de la vieillesse, on parle de ce que c'est vieillir, on parle de ce que ça représente. Et là, tu vas nous aider aujourd'hui à comprendre ce que c'est le vieillissement dans l'entreprise, parce que tu les as étudiés de près. Et on va pouvoir étudier tout ça avec ton regard d'experte.
- Speaker #1
Ça te va ? Avec plaisir, oui.
- Speaker #0
Avant qu'on commence, est-ce que tu veux nous dire quelques mots sur toi, si tu as envie de partager quelque chose ? personnel ou pas personnel, le qui tu es, pour que les auditeurs et auditrices puissent savoir aussi un peu qui est derrière le micro.
- Speaker #1
Oui, avec plaisir. Alors, pour faire simple, en fait, moi, je suis ethnologue de formation, enfin psychologue, j'ai une licence en psychologie, puis j'ai fait de l'ethnologie, qui est une passion, qui l'est toujours d'ailleurs. J'ai beaucoup exercé en tant que qualitativiste, études qualitatives. À un moment, j'ai eu la chance, 2005-2006, d'écrire des carnets de tendance sociétale, donc au plaisir absolu, puisque là, je suis revenue à mes premiers amours. J'ai eu la chance de faire ça avec ma grande amie Geneviève Reynaud, avec qui j'ai travaillé chez BVA, non, chez Research International, excuse-moi, à l'époque ça s'appelait Research International, on a monté le département ID Architect, et puis donc ethnologue, études qualitatives, tendance sociétale, et on a rajouté, je dis on parce qu'il y avait Geneviève et d'autres compères dans cette aventure formidable, on s'est formé à la créativité d'idées, et on a associer tout ça pour accompagner les entreprises en leur expliquant dans quel monde on évoluait, l'évolution des comportements et des besoins. Et on finissait très souvent par des workshops d'innovation, produits et services. Donc ça a été tout à fait extraordinaire, très varié, parce qu'on a travaillé dans des secteurs très différents, mais toujours avec une méthodologie qui était d'une grande ouverture grâce à ces différentes compétences qu'on avait.
- Speaker #0
Donc plutôt début de carrière à observer les tendances, mais pas forcément livrer, livrés, enfin c'était des carnets de... Des choses livrées à tous ceux qui voulaient le découvrir ?
- Speaker #1
En fait, oui, on les livrait parce que très vite, on faisait à l'époque, quand j'y pense, ça ne pourrait plus être possible aujourd'hui, on faisait des présentations de 4 heures. Alors, il faut dire que ça correspondait à l'arrivée du digital, évidemment. Grande tsunami de notre époque dans laquelle on est. Ce qui est fabuleux, c'est qu'aujourd'hui, j'ai l'âge suffisant pour me rendre compte de ce qu'on a écrit il y a 20 ans. et qui est aujourd'hui présent. On parlait du temps de la machine et on parlait de la révolution digitale et de tout ce que ça allait changer.
- Speaker #0
Tu faisais de la prospective à l'époque ?
- Speaker #1
Alors, j'ai fait aussi de la prospective. Ah, prospectiviste ! Je suis un peu tout feu, tout flamme. J'ai fait aussi de la prospective. D'ailleurs, aujourd'hui, on a du mal à en faire. On est dans une telle accélération du monde qu'on fait des scénarios, mais on n'a plus vraiment de certitude sur grand-chose. Donc pour te répondre, effectivement, on écrivait des carnets. Alors on avait des clients à l'époque qui les demandaient, parce que la méthodologie classique des études qualitatives, qui est d'interroger, de faire des interviews et des focus groupes, ne suffisait plus, parce que les personnes qu'on interrogeait elles-mêmes ne voyaient pas ce qui arrivait. Il fallait prendre un regard hélicoptère, il fallait monter un peu plus haut pour comprendre tout ce qui arrivait. Donc là, moi, je suis retournée à mes amours, c'est-à-dire les personnes qui écrivaient, que ce soit des sociologues, des historiens, des... des ethnologues, des philosophes qui voyaient beaucoup plus loin et qui écrivaient des choses sur le monde qui arrivaient donc à la prospective.
- Speaker #0
Concrètement, quand tu as travaillé dans des entreprises, où là tu étais embauchée en tant qu'ethnologue pour l'entreprise ? Oui,
- Speaker #1
on était à l'époque plus études. Tu sais, l'ethnologue d'entreprise, ça a toujours été un peu difficile à faire passer au niveau des clients parce qu'ils se demandent un petit peu ce que c'est. Donc en fait, c'est un regard un peu différent, mais les études qualitatives, c'est de l'exploration terrain. Donc en fait, on fait des études qualitatives qui étaient bien identifiées, et en même temps avec un regard anthropologique, qu'on valorisait ou pas en fonction des circonstances.
- Speaker #0
Parce que l'anthropologie, comme on l'aperçoit plus facilement, c'est l'anthropologie plutôt l'étude des hommes ? Ou je me trompe ?
- Speaker #1
L'anthropologie, si tu veux, moi ce que je dis, c'est que l'anthropologie, c'est une science sociale extraordinaire. franchement parce que c'est celle qui nous fait comprendre l'altérité absolue c'est à dire que moi je l'ai vécu en allant sur un terrain on va quelque part et rien n'est pareil mais les codes le langage la culture, on est dans Tu vois, on comprend l'altérité radicale et on comprend donc notre propre société, nos propres codes, nos propres certitudes s'il en est. Tout ça est absolument, je ne veux pas dire aléatoire, mais construit. Et c'est là qu'on comprend que tout peut être remis en cause. D'où mon regard de martienne que j'ai encore sur le monde. C'est-à-dire que tout pourrait être autrement, tout peut être interrogé, tout peut être réinterrogé. Et on le voit bien, si on a la profondeur historique, on voit bien à quel point les bascules de société peuvent se faire assez rapidement, d'ailleurs.
- Speaker #0
J'ai envie de te poser des milliards de questions. On va essayer de se concentrer quand même sur le sujet qui est la vieillesse et les transmissions entre générations. Il y a quand même quelque chose qui m'intéresse avec ce que tu viens de dire. L'étude, c'est quoi le cadre ? Est-ce que tu vas, quand tu étudies pour les entreprises ou pour d'autres demandes ou quand tu fais des études, Le point de comparaison, c'est sur les sociétés telles qu'elles sont en tant que pays, en tant que société. Par exemple, tu pourrais comparer deux villes et deux villes ont un traitement complètement différent. C'est quoi le terrain de jeu ?
- Speaker #1
Alors, merci de me poser la question. À chaque fois, il y a une question. Une entreprise a une problématique. Donc, on nous pose toujours la question. Il y a une problématique, il y a un problème, qu'il soit humain ou qu'il soit...
- Speaker #0
Ça part forcément quand on parle d'ethnologie, d'anthropologie. en entreprise, la demande part forcément d'un problème ?
- Speaker #1
Alors, pas forcément, mais moi, ce que j'ai connu, c'est que ça part toujours d'un problème.
- Speaker #0
Genre, on n'arrive pas à... C'est quoi ? C'est interne ? C'est externe ? Oui,
- Speaker #1
il y a un absentéisme qui s'accentue. Voilà. Qu'est-ce qui se passe sur le terrain ? Pourquoi ? Donc, les indicateurs RH montrent que quelque chose ne va pas, mais... C'est un constat. Il faut aller plus loin pour essayer de comprendre sur le terrain quelles sont les causes. Les causes de la problématique. Et bien sûr, c'est ce que je fais maintenant immédiatement. Les leviers aussi, pour essayer d'améliorer les situations.
- Speaker #0
Ok. Donc tu viens avec une loupe et tu regardes tout ce qui se passe.
- Speaker #1
C'est une loupe. L'intérêt, c'est que justement, c'est du 360. Tu vois, on prend la globalité de la situation. Donc on découvre des choses presque invisibles aux indicateurs et aux chiffres. On va découvrir des choses qui sont parfois encore... auxquelles on n'aurait jamais pensé. Et c'est l'intérêt, donc c'est systémique, c'est un regard systémique global et c'est un regard qui absorbe tout en même temps, qui englobe tout, de la plus petite chose du macro au micro. C'est ce regard global et sans a priori aussi, qui est intéressant.
- Speaker #0
Quand on étudie les hommes, les cultures, est-ce que t'arrives à vivre sans ces filtres-là de ta formation, de ta propre formation ? Maintenant, tu te balades et en fait, tu as un peu un scanner qui...
- Speaker #1
C'est permanent. Je suis dans une forme d'hypervigilance permanente. Hypervigilance et aussi, comme je te disais, ce regard de martienne. Ce qui fait que très souvent, il faut d'ailleurs que je contrôle mes émotions parce que j'ai une forme d'hypersensibilité à certaines choses. Parce que je sais que ça pourrait être autrement et que bien souvent, on creuse des sillons qui sont faux. alors qu'il y aurait vraiment le moyen de faire un pas de côté et de voir les choses autrement. Donc c'est vrai que je suis assez, non seulement impliquée, engagée, mais je ne sais pas quel terme utiliser, mais un peu, tu vois, en hypersensibilité permanente par rapport aux affaires du monde que j'écoute. Je ne peux pas m'empêcher, si tu veux. On dit parfois aujourd'hui qu'il vaut mieux ne pas trop écouter, mais... Moi, je ne peux pas m'empêcher d'écouter. À la fois, je suis passionnée par ce qui se passe et à la fois, évidemment, très souvent, choquée. Effrayée. Oui, je ne vais pas dire que je ne suis pas effrayée, surtout en ce moment, mais j'essaye en même temps de me dire que l'homme a une capacité d'adaptation tellement incroyable qu'on traversera probablement.
- Speaker #0
Dans les choses qui t'effraient potentiellement ou qui te questionnent, rentrons dans le vif du sujet, sur la partie démographique, par exemple, parce que... Peut-être que tu étudies des choses qui, au regard de ton expertise, quand tu vois peut-être des difficultés de certaines entreprises ou des tendances très claires aujourd'hui de difficultés de recrutement,
- Speaker #1
ou...
- Speaker #0
Et parlons aussi d'autres choses, des personnes de 50 et plus qui se retrouvent au chômage. Il y a des choses aujourd'hui liées à l'âge qui se passent. Ça, est-ce que c'est un critère qui fait partie de tes études et qui est important, le critère de l'âge ? Est-ce que tu l'étudies ? Si oui, comment ?
- Speaker #1
Alors évidemment, déjà, il faut que je dise que moi, je suis directement personnellement concernée, puisque je suis une jeune senior, comme on dit. Alors, est-ce que je l'étudie ? Oui. J'ai effectivement fait assez récemment une étude pour la beauté. Des seniors.
- Speaker #0
Tu le dis avec des guillemets dans tes yeux, pourquoi ?
- Speaker #1
Je dis ça parce que, bon, pourquoi pas, mais parce que, tu sais, on parle de la silver economy, les femmes de 50 et plus ont un pouvoir d'achat, voilà, je veux dire, la réalité du monde, elle est très économique. Donc, on fait des études, et donc j'ai fait une étude qui était passionnante, effectivement, sur les 60-70, et sur le ressenti du vieillissement chez ces femmes, avec derrière, évidemment, le but, c'était d'essayer de comprendre les besoins et les attentes pour proposer... des produits qui leur correspondent. C'est la réalité du monde, je ne vais pas la nier. Et puis l'économie, c'est aussi un moteur extraordinaire d'évolution. Pour te répondre directement, puisqu'on parle de l'entreprise, évidemment, il y a un gros problème en entreprise parce qu'on sait qu'à partir de 50 ans, les CV, on les écarte quand même. Même s'il y a un petit retour, une prise de conscience, un retour en arrière. J'ai quelques chiffres d'ailleurs qui sont peut-être intéressants à donner. Dans l'entreprise, voilà. plus de 50 ans sont laissés à la porte. On sait que la moyenne de licenciement, c'est 55-57 ans. Et on sait que la retraite aujourd'hui est à 64 ans. Donc, il y a 9 ans où des gens sont sans emploi, ils n'en trouvent pas. Une personne sur 5 entre 55 et 61 ans n'a ni emploi, ni retraite. Ça, c'est un chiffre initié tout à fait récent que j'ai trouvé dans un article du Monde récemment. En 2025, on a seulement 45% des 60-64 ans en France qui travaillent. Et les 60-64 ans, ce sont les seniors très dynamiques et très rayonnants dont je te parlais, dont je fais partie. Alors que 45% en France, c'est 65% en Allemagne et 55% au UK. Enfin, on a le taux le plus bas. Donc ça, c'est la mort sociale, si tu veux, qui vient s'ajouter à ce sentiment du jour au lendemain d'être inutile. C'est une rupture très violente.
- Speaker #0
Tu peux décrire la mort sociale ?
- Speaker #1
La mort sociale, c'est ça. c'est je suis hyper compétente j'ai envie de transmettre en plus parce qu'il y a un âge où on a envie de transmettre j'ai envie de transmettre, je suis hyper compétente je suis hyper active et puis j'ai l'impression que en fait on ne me répond pas parce que j'ai plus de 60 ans ça c'est très dur, notamment pour les femmes et beaucoup qui ne se définissent plus uniquement comme mère ou comme épouse donc ça c'est très violent dans nos sociétés mais
- Speaker #0
Surtout qu'avec les chiffres que tu viens de montrer et qui sont vraiment hallucinants, c'est pas le sujet, le sujet n'est pas politique aujourd'hui, mais il est un petit peu aussi, parce que là on parle de démographie, avec une chute drastique des naissances, ça va être de pire en pire. Et cet allongement de l'âge de la retraite, avec du coup de moins en moins de populations jeunes qui seront amenées à travailler. Pour autant, tu nous l'as dit, il y a un taux assez hallucinant de licenciements à partir de 50, 55 et plus. Quand tu vois ces chiffres et quand tu vois les entreprises aujourd'hui, est-ce qu'il y a, en faisant un peu de prospective, des solutions concrètes pour pallier à ça ? Pour dire, attendez, en fait, on peut essayer de gommer ça, on peut essayer de gommer ces chômages longue durée pour les seniors, on peut essayer de gommer cette mort sociale. Qu'est-ce qui pourrait être fait aujourd'hui pour arrêter cette tendance ?
- Speaker #1
Alors, je pense qu'un des effets positifs de la réforme des retraites, ça va être justement de maintenir les gens un peu plus dans l'emploi. Mais là, on est dans... On est dans un passage difficile. Ce n'est pas ma génération qui va en bénéficier tout de suite. C'est ceux qui viennent après. Après, il y a aussi une chose que je veux dire, c'est qu'il y a quatre âges de la vieillesse. On a 60 ans, on a 70 ans, on a 80 ans, 90 ans, 100 ans. Donc, il y a presque 50 ans.
- Speaker #0
60, c'est le démarrage pour toi ?
- Speaker #1
Je dirais que ça peut même être avant, puisque 50 ans, 55 ans, on est senior en entreprise. Mais après, on peut vivre jusqu'à 100 ans.
- Speaker #0
Donc tu vois,
- Speaker #1
on est vieux très longtemps.
- Speaker #0
Est-ce qu'on n'est pas vieux à partir du premier jour au long de nez ?
- Speaker #1
Non, je pense que c'est un regard social. Justement, on devient vieux chez les femmes quand on perd la beauté, quand le corps se transforme. Il y a des stigmates physiques qui d'emblée te mettent dans une case grise et qui gomment d'ailleurs toutes les spécificités personnelles qui mettent tout le monde dans le même sac, si j'ose dire. Et ça, c'est dur aussi. C'est tellement puissant que ça en vient à gommer les spécificités de chacun. Je noircis peut-être un tout petit peu le tableau, je caricature un tout petit peu, mais je pense qu'on est quand même dans une tendance de cet ordre-là. Alors, je veux bien te remettre des chiffres, parce que tu parles de la démographie. C'est sûr que là, prospective démographie, je vais te donner quelques chiffres qui sont quand même intéressants. En 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans. Donc tu vois, dans 5 ans. Pour la première fois de notre histoire, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans. Tu vois, si tu compares à la démographie de l'Afrique, c'est l'inverse. Une démographie, voilà, donc on est un pays vieillissant.
- Speaker #0
Tout le continent d'ailleurs, ouais.
- Speaker #1
Donc tu vois, toutes les conséquences que ça a, on le voit sur les retraites. Et puis on le voit effectivement sur les politiques migratoires qui sont en train un peu de changer et de devenir plus des... des politiques avec projets de travail comme le Canada le fait depuis longtemps par exemple. Donc évidemment qu'il va se passer des choses. Et j'en reviens aussi à une chose qui me touche. Qui me touche après, je n'ai pas de... Les jeunes, j'ai vu les dernières tendances prospectives, une nouvelle tendance, un risque, parce qu'il y a les risques. Un risque, c'est que les jeunes ne font plus d'enfants. Pas tous. Mais il y a une baisse de la natalité qui est une vraie problématique aussi pour les pays occidentaux. Et ça me concerne également parce que j'ai deux enfants en âge d'enfer et qui jusqu'à présent n'en parlent pas. Je ne suis pas la seule.
- Speaker #0
Ça fait écho pour toi, c'est personnel, ça veut dire que tu aimerais être grand-mère ?
- Speaker #1
Non, justement, moi je peux l'imaginer. Je ne peux pas être grand-mère. Ce n'est pas une attente, non, pas du tout. Mais je le constate avec mes propres enfants. comme je te dis, moi je passe toujours
- Speaker #0
par mois.
- Speaker #1
Et après, j'élargis et je sais que ce que je vis, moi, c'est un chiffre assez général, puisque ça devient un risque pour les prospectivistes concernant l'Occident.
- Speaker #0
Est-ce que c'est... Non, on va aller trop loin, mais est-ce que c'est pas finalement un moment ce qui est souhaitable pour la planète, qui est moins de naissance ?
- Speaker #1
Alors, tu as raison, parce que certains écologistes disent que la meilleure chose qu'on peut faire, c'est de ne pas faire des enfants. En même temps, tu vois les problématiques que ça pose quand même, en termes de... de sens, parce que là, on part sur des sujets philosophiques, tu vois.
- Speaker #0
Mais l'essence et la vieillesse, finalement, on ne tire pas un fil rouge entre les deux ? C'est-à-dire que les populations, elles se renouvellent moins ? Est-ce que déjà les générations entre elles cohabitent bien, selon toi, dans les sociétés que tu étudies ?
- Speaker #1
Je vais faire un petit détour par l'Afrique. Je voulais faire un petit détour par l'anthropologie.
- Speaker #0
J'adore voyager, en plus.
- Speaker #1
Je voulais quand même, pour Donner un complément à ce que j'ai dit au début de la vision de la vieillesse, à travers les âges et à travers les cultures, tu vois, il y a plusieurs façons de voir la vieillesse, mais en fait, on peut la voir comme une augmentation ou comme une diminution. Il y a des sociétés quand même qui existent encore, où la vieillesse est vue positivement, l'avancée en âge est perçue comme un enrichissement de l'être. Et là, c'est des sociétés où le savoir et la transmission sont importantes. Pour nous, aux sociétés occidentales, la révolution digitale... comme je te le disais rapidement tout à l'heure, a fait qu'il y a un présupposé qui fait que les « vieux » ne comprennent plus grand-chose au digital et à l'intelligence artificielle notamment qui arrive. Donc ça, tu vois, ça a violemment perturbé l'idée de transmission et de savoir. Alors que ça, c'est un moyen de valoriser la vieillesse. Dans les sociétés africaines, on dit « un vieux qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle » . Donc tu vois que là-dessus malheureusement nous on n'est pas très fort pour valoriser la vieillesse là-dessus et je te le disais tout à l'heure même quand on a envie de transmettre et qu'on est encore complètement dans les sujets qu'on maîtrise on a du mal à se faire entendre et à trouver un endroit où on peut transmettre. Alors après il y a l'enseignement etc. mais quand même c'est compliqué. Là je te parle du monde du travail que je connais bien parce que je suis à fond dedans moi-même puisque je prospecte, je propose mon offre. Et donc, on est dans une période comme ça, un peu difficile à ce niveau-là, au niveau de transmission. Et puis, deuxièmement, la chose qui valorise la vieillesse, c'est la spiritualité aussi. Le culte des ancêtres dans certaines sociétés, tu vois, où les vieux sont perçus comme des sages, ils ont des rôles rituels, cérémoniels. On va leur demander conseil, ils transmettent un savoir-être, des tas de choses qu'on n'apprend pas à l'école. On voit bien que tout ça, aujourd'hui, chez nous, ce n'est pas très présent. Aujourd'hui, ce qui fait que le négatif de la vieillesse, c'est qu'on voit la vieillesse comme un choc d'épreuves. On a accumulé des épreuves et tout ça, ça finit par une sorte de repli sur soi. C'est un peu comme ça qu'on voit les choses. Et pire d'ailleurs, on voit l'avancée en âge comme une succession de pertes, de deuils, des capacités, des désirs, qui nous amènent à quelque chose d'assez dépressif. Et ça, c'est le modèle dominant. quand même, enfin qui est encore là. Heureusement, il y a des gens qui incarnent complètement l'inverse et c'est là qu'est la révolution d'ailleurs. C'est d'incarner l'inverse mais quand même, quelque part, je pense que dans les modèles introjectés, c'est un peu ça. C'est les deuils successifs et puis bon, il n'y a plus beaucoup de projets, plus beaucoup de choses à faire. On est mis de côté. Et la vision occidentale, donc, ne donne pas envie d'entrer dans la vieillesse d'où, à mon avis, la santé mentale des Français n'est pas merveilleuse. Je ne sais pas entre les jeunes et les vieux s'il y a des différences. Mais en tout cas, je pense qu'à partir de 50, 55 ans, s'il y a des problèmes de santé mentale, c'est aussi dû à ça.
- Speaker #0
C'est une conséquence ?
- Speaker #1
Oui, parce qu'effectivement, quand on se dit le reste, qu'est-ce qui reste devant, c'est que du deuil, de la perte, du moins. Effectivement, on peut, si on n'a pas des ressorts personnels et une espèce d'activisme, de combat, on peut effectivement sombrer dans quelque chose d'assez négatif.
- Speaker #0
C'est comme si c'était une fatalité, finalement. Ce que tu viens de nous dessiner.
- Speaker #1
C'est pas une fatalité, justement. mais ce que je veux dire c'est que c'est un peu les représentations dominantes qui sont sous-jacentes mais que toi t'as analysé,
- Speaker #0
que t'as vu et que tu perçois encore c'est vrai je parle de fatalité c'est comme si, personnellement j'ai aussi lancé ce podcast pour changer la vision sur la vieillesse parce que tu parles de représentation un peu à la limite il y en a une et c'est celle-ci quoi. Alors qu'il y a... Plein de formes de vieillesse possibles aujourd'hui.
- Speaker #1
Je parle de la représentation dominante dans nos sociétés occidentales. Il faut rajouter à ça le problème des retraites. Malgré tout, je l'ai entendu aussi parce que j'ai fait aussi des études dans des EHPAD. Le sentiment aussi, non seulement de se sentir inutile, mais en plus de coûter cher.
- Speaker #0
Avant de clôturer ce sujet et ouvrir un autre, sur cette représentation de la vieillesse, comment on peut casser ça ? Quand est-ce que ça se casse ? Quand est-ce qu'on crée un nouveau discours et des nouvelles visions de la vieillesse ? Est-ce que c'est possible pour toute une société de s'embarquer dans une vieillesserie enchantée ?
- Speaker #1
Moi, je pense que les médias, ils sont pour beaucoup. Si on fait une analyse, vraiment, je ne l'ai pas faite, ça serait intéressant.
- Speaker #0
Oh là, attention, tu vas partir avec un projet là.
- Speaker #1
Ce serait extrêmement intéressant d'analyser l'information, l'actualité, même comme je te le répète, si ce n'est pas dit directement. Dans le discours, c'est quand même les jeunes n'ont plus de retraite parce que les vieux ont des retraites élevées. Tu sais, c'est les boomers. On a quand même tout un discours assez négatif sur cette génération. Donc, les médias, ils sont pour beaucoup. Ça commence à changer, comme je te le disais. Les images de la beauté, de la cosmétique, on commence à mettre des seniors. C'est aussi l'idée, c'est ça. C'est de voir régulièrement dans des postes, je veux dire, avec une forte visibilité. et une image positive des femmes d'un certain âge. Regardons, je pense qu'il n'y en a pas énormément, des femmes d'un certain âge qui restent très médiatisées, en fait. Tu vois ?
- Speaker #0
Miraculeusement, les actrices, après 50 ans, disparaissent des écrans, sauf 4 ou 5, qu'on n'arrête pas de citer.
- Speaker #1
Donc, tu vois, je fais une différence entre les médias grands publics, puis après, il y a les médias confidentiels, où là, tu as plus de choses, il y a plus de richesses. Tu vois, ce que je te dis est assez caricatural. Mais c'est un peu... Je dirais la tendance générale, quand on ne fait pas d'efforts pour aller chercher l'information, de ce qui nous arrive. Et c'est la représentation dominante. Et pour te répondre, il y a des gens extraordinaires en province, en local. Il y a des alternatives que je salue. Je trouve qu'on devrait en parler beaucoup plus. On n'en parle pas. On n'en parle pas suffisamment. De femmes, justement, de femmes et d'hommes aussi, qui font des choses extraordinaires. Alors, tu vois, il y a... Le sentiment que j'ai, c'est qu'il y a cette idée générale dont je viens de parler, assez négative, avec invisibilité, notamment des femmes. Et puis à côté de ça, on va parler d'un monsieur de 100 ans qui a fait du vélo, qui a gagné une course. On est un peu dans le grand écart. Tout le temps. Et on ne parle pas de tous ces 60, 80 et plus qui vivent et qui font des choses formidables. On ne parle pas assez.
- Speaker #0
Et ordinaires.
- Speaker #1
Et ordinaires,
- Speaker #0
oui. l'extraordinaire feu C'est super, tu vas avoir le contenu, en effet, le marathonien à 95 ans ou la marathonienne à 80. Ça, c'est du contenu qu'on voit souvent. D'ailleurs, on m'envoie souvent des articles sur Instagram en disant, regarde Relais. C'est toujours des choses qui sont extraordinaires, mais il y a plein de formes de vieillesse complètement différentes. On peut à un moment avoir quelque chose de difficile à 60 ans et se sentir un peu plus vieux à 60 ans. Et finalement, on retrouve un regain à 70 ou 80. En fait, à tout âge, peu importe, on peut avoir... Un ressenti différent sur sa propre vieillesse, mais parfois aussi, il y a aussi une représentation de ce que l'autre et la société nous fait percevoir de qui on est. Parce que ça, c'est aussi une dichotomie entre ce qu'on ressent chez soi, en soi, et ce que la société va nous faire percevoir de ce qu'on doit être à l'âge qu'on a.
- Speaker #1
Complètement. Et là, on est bien au croisement entre le ressenti existentiel et puis le regard extérieur qui malheureusement nous... qui contaminent à un moment ou à un autre. Et tu vois, en t'entendant, je me disais, mais finalement, la solution serait de considérer que le vieux est un jeune comme un autre. Et c'est vrai en plus, parce que les critères du... Au Japon, par exemple, il y a des études qui ont été faites. Pourquoi les Japonais vivent vieux ? Ils ont des liens sociaux, ils ont un rôle social important. Ils exercent des activités comme le tissage qui est très... En fait, ils continuent à avoir une vie remplie, pleine de projets jusqu'à la fin. C'est ça l'idéal, en fait. Donc, il faut donner, faire de la place, enfin, donner de la place. Et en plus, ils ont une place. Mais il y a aussi une chose dont je me souviens dans l'étude que j'avais faite sur les boomers. C'est, tu vois, on ne parle pas assez de la transmission. de l'importance des générations, et là on en revient à ta question peut-être de l'intergénérationnel, dans les familles ça se fait, enfin pas dans toutes, mais tu vois, de la richesse de la transmission des gens qui ont un certain âge. Tu vois, et on n'en parle pas assez de ça, de cette richesse-là, de cette opportunité d'avoir... Moi je le fais, tu vois, je l'incarne complètement aujourd'hui, c'est amusant parce que je suis coach aussi depuis deux ans. tellement, je me rends compte tellement de tout ce que je n'ai pas entendu moi à l'âge où j'aurais voulu l'entendre que je transmets, je transmets d'abord à mes enfants, mais pas que. Dès que je rencontre des gens plus jeunes, et je fréquente beaucoup de gens plus jeunes, j'ai envie de leur transmettre des tas de choses que j'ai apprises. Je suis vraiment, tu vois, enthousiaste et j'ai ce besoin de transmettre des choses que j'ai apprises à mes dépens, bien souvent, et de leur dire, et d'ailleurs c'est ce que je dis, tu vas gagner du temps. Oui,
- Speaker #0
et puis parfois, et ça nous permet une magnifique transition justement dans l'entreprise, une entreprise saine où les générations sont représentées, où l'entreprise fait de la performance. Est-ce que tu en as déjà vu ? Est-ce que tu en as déjà étudié de près où en fait, tu te dis c'est quand même une société idéale où tout se passe super bien ? Est-ce que tu en as déjà vu ?
- Speaker #1
Alors, il faut quand même que je dise que moi, j'ai travaillé dans des sociétés, des grandes sociétés. Donc, j'ai un regard, bien sûr, restreint. Première chose. Et pour te répondre, non.
- Speaker #0
Il y a toujours quelque chose qui a été amélioré ?
- Speaker #1
En fait, dans l'entreprise, c'est entre 30 et 45, quoi, en gros.
- Speaker #0
C'est du Golden Age. Oui, c'est ça.
- Speaker #1
Et puis, par contre, une petite anecdote. Il y a quelques années, comme moi, je suis vraiment compétente en analyse de contenu, c'est mon cœur de métier, j'ai proposé... d'aller former des jeunes dans les entreprises. Parce que moi, quand je suis rentrée dans le métier, il y avait une tradition qui faisait que les juniors, on les accompagnait pendant un an, tu vois, dans les études, on les aidait un peu, tu vois, jusqu'à la rédaction de rapports, parce qu'on écrivait des rapports longs à l'époque. Donc, il y avait une transmission de senior à junior qui ne se fait plus aujourd'hui, parce qu'on n'a pas le temps, parce que tout va vite. Et en gros, alors je caricature, je vais peut-être me faire, pas des ennemis, mais... moi c'est ce que j'ai vu, avec les limites de ce que j'ai vu moi, il y a peut-être autre chose ailleurs mais les jeunes, ils arrivent, bien sûr bien capés, parce qu'en général ils ont fait des études brillantes, et puis on les met voilà, ils sont seuls et ils écrivent des rapports ils font du quali, ils écrivent des rapports
- Speaker #0
Déjà, ce que je veux dire, c'est qu'ils sont toujours brillants. Donc, au niveau de la forme, ils s'en sortent. Ils s'en sortent toujours plus ou moins. Mais j'ai lu une étude aussi qui disait qu'il y avait beaucoup de burn-out chez les jeunes. Il y a beaucoup de burn-out chez les jeunes. Parce qu'au bout d'un moment, ils s'en sortent toujours, mais ils ne savent pas ce qu'ils font, en fait. Parce qu'on ne leur a pas appris le métier. Parce que l'analyse qualitative, c'est des vraies compétences. Et donc, pour te dire que moi, j'ai proposé, voilà, je vais jusqu'au bout, j'ai proposé une offre et vraiment j'avais envie de le faire j'appelais ça coaching métier à l'époque C'était d'être avec les jeunes et de faire avec eux un certain temps pour qu'ils se sentent à l'aise. Et on m'a répondu avec beaucoup d'authenticité. On m'a dit, ouais, c'est une super idée, mais on ne veut pas payer pour ça. Et ce qui est intéressant, c'est que j'ai vu récemment que le burn-out des jeunes était dû au manque de séniorité. Parce qu'on les lâche dans la nature.
- Speaker #1
Manque de sens sur le métier, mais manque de...
- Speaker #0
Manque de transmission. Ok. manque de contextualisation ils sont extrêmement brillants sur plein de choses mais le contexte, l'histoire, l'historique la contextualisation c'est un peu les seniors qui le peuvent la richesse c'est vraiment l'intergénérationnel c'est les deux ensemble c'est vraiment ça la richesse et c'est ce qu'il faut faire et pourquoi c'est la richesse ?
- Speaker #1
qu'est-ce qui te permet de le dire ?
- Speaker #0
il y a une complémentarité formidable Parce que c'est vrai que même moi, je vais te dire, bon, je me suis toujours accrochée. Tu sais, moi, je suis de la génération. Je racontais ça à des étudiants il y a quelques années, ça les a rires. Moi aussi, ça me fait rire. Mais mon premier mémoire, je l'ai écrit sur une machine à écrire. Donc, tu vois, toutes les évolutions technologiques qu'on s'est pris dans la figure, on s'est accrochées, accrochées. On a avancé avec tout ça. Moi aussi, moi, je suis toujours, moi, je suis une intelligence artificielle à fond en ce moment. mais tu vois comment on a dû s'accrocher Et donc, c'est vrai que les jeunes, ils ont, je le reconnais, des capacités, je pense, une façon de penser qu'on n'a pas nous, même si on s'est accrochés au techno. Donc, il n'y a pas que ça, d'ailleurs, qu'ils ont un regard sur le monde. Puis eux, ils sont très, moi, je trouve qu'ils sont très déconstruits. Donc ça, c'est super aussi, tu vois, des certitudes qu'on peut avoir. Eux, ils te déconstruisent ça avec une facilité, voilà. Puis ils ont une créativité aussi.
- Speaker #1
Est-ce qu'on n'a pas été ces personnes-là, à l'âge de ces jeunes-là, non ?
- Speaker #0
Moi, je pense que non, parce qu'on n'avait pas les outils. Quand je vois les outils extraordinaires que j'utilise un peu, même j'ai ma fille qui compose de la musique, c'est un hobby. Elle compose de la musique. On a aujourd'hui, sur son ordinateur, des applications incroyables. On peut faire des films. Il y a une palette d'outils créatifs aujourd'hui qu'on met dans les mains des jeunes, même je pense que maintenant à 10 ans, ils ont tout ça dans les mains. Donc, ils ont une créativité incroyable. Enfin, ça a libéré leur créativité. Ça ne veut pas dire que nous, nous ne l'étions pas, mais on ne pouvait pas la libérer, on ne pouvait pas aller aussi loin. Donc aujourd'hui, moi, les jeunes, je trouve qu'ils ont une créativité incroyable. Ils ont une facilité, évidemment, avec la machine. Puis, tac, tac, tac, leur esprit, tu vois, faire trois choses en même temps, tout ça. Leur cerveau, effectivement, on n'a pas tout à fait le même. Donc moi, je crois vraiment, je pense qu'on a besoin les uns des autres. Mais j'en suis profondément persuadée. Et c'est ça qu'il faudrait restaurer, en fait. Tu vois, des gens jusqu'à 64 et plus dans l'entreprise, et puis des jeunes qu'on accueille en stage, dès les stages, tu sais... Mais oui, moi,
- Speaker #1
cette semaine, alors, il n'est pas là, mais j'ai eu mon neveu en stage, il est en seconde. C'est génial.
- Speaker #0
Mais c'est super, c'est une richesse incroyable. Mais tu vois, ça demande de décloisonner. Ça demande un petit effort, puis ça demande une ouverture. Une ouverture d'esprit que beaucoup de gens ont, mais que l'entreprise n'a peut-être pas. si tu veux, parce que l'entreprise, c'est des process. Ça processe tout. Là, il faut un peu sortir des process et du connu. Donc, c'est compliqué.
- Speaker #1
Mais les entreprises aujourd'hui qui se mettent dans ce contexte d'interjet et de se dire, on va peut-être mener une politique RH, en tout cas de recrutement ou aussi de sauvegarde de l'emploi, parce qu'il y a le recrutement aussi d'être attentif à n'importe quel CV qui arrive et en fonction des compétences souhaitées, de ne pas jeter tel ou tel CV. par rapport à un critère d'âge ou à un critère d'école. Il y a plein de critères aujourd'hui qui passent entre les mains de certaines personnes. Et il y a de la discrimination partout aujourd'hui. Mais sur l'âge, de favoriser ça, ça permettrait d'avoir une entreprise beaucoup plus curieuse et plus performante finalement, s'il y avait tous ces âges, comme tu dis.
- Speaker #0
Tout à fait. Alors moi, ce que je découvre, je le savais encore un peu, mais je le redécouvre chaque jour, si tu veux, c'est que d'abord, les RH n'ont pas énormément de pouvoir. On leur demande énormément. Ils sont d'ailleurs assez souvent en souffrance eux-mêmes. On parle de la souffrance au travail, mais eux, des fois, c'est pas facile non plus. On les monte du doigt dès que quelque chose ne va pas, sans leur donner forcément les moyens de décider, d'agir. Et puis, l'entreprise aujourd'hui, elle est très contrainte économiquement aussi, tu vois. Donc, on est dans l'urgence. Là, c'est aussi une problématique de notre époque, c'est le tout de suite maintenant. Le temps court et on n'a pas beaucoup de moyens. Donc, tu vois, on gère les urgences. Donc, l'idéal que tu viens de décrire, ça demande de pouvoir se poser et de voir un moyen terme. Et c'est rare, en fait. Alors, à part, moi, ce que je vois, c'est certaines entreprises qui se fondent sur ces principes-là, donc qui se créent sur des nouveaux principes.
- Speaker #1
Mais ça peut demain devenir une norme et devenir quelque chose de plus courant ?
- Speaker #0
Moi, je le souhaite de tout mon cœur et de façon paradoxale, mais je le dis, je pense que la situation n'est déjà pas très belle aujourd'hui. Enfin, je veux dire, les chiffres ne sont pas très bons. Les chiffres du désengagement, de l'absentéisme, des burn-out, etc. La santé mentale, enfin, il n'y a pas que moi qui le dis. Et malheureusement, parce que je l'ai vu dans d'autres entreprises, il faudra peut-être attendre que ça s'aggrave encore pour qu'à un moment, il y ait quelque chose qui se fasse. L'entreprise a beaucoup de mal à anticiper, en fait.
- Speaker #1
Ça me fait encore une belle transition pour te demander quels sont tes rêves et tes désirs ?
- Speaker #0
J'aimerais tellement qu'on se recentre plus sur l'être humain et sur le bon sens. C'est bête ce que je dis, mais du bon sens. Du bon sens, de ne pas sacrifier le moyen terme au court terme et encore moins le long terme au court terme. de s'apercevoir, d'intégrer l'intelligence émotionnelle. Moi, je travaille là-dessus. Mais l'intelligence émotionnelle, c'est ce qui drive les motivations humaines. C'est ce qui fait qu'on a envie d'aller bosser ou pas. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui, les jeunes ont un rapport différent au travail. C'est ce qui fait aussi les problèmes de santé mentale aujourd'hui. Ce qui est bien, je trouve, à notre époque, c'est qu'on en parle de tout ça. Alors ça, je rêve de ça. Je rêve d'une fluidité émotionnelle. je rêve Bien évidemment, de contexte de travail où on a le droit à l'erreur, où on se sent soutenu et non pas sous surveillance. Et je pense que ce n'est pas complètement utopique. Il ne faut pas changer grand-chose. Enfin, quand je dis que ce n'est pas grand-chose dans les faits, mais c'est énorme parce qu'il faut changer nos façons de penser et nos façons d'être, tu vois. Des gens qui ont fonctionné d'une certaine façon dans la surveillance, parce qu'on met un masque en entreprise. à un moment leur dire non mais vous pouvez être qui vous êtes c'est pas si simple que ça les jeunes arrivent tels qu'ils sont c'est pour ça qu'il y a des chocs des chocs violents tu vois avec les plus âgés parce que eux ils sont comme ils sont comme dit McDonald's venez tels que vous êtes ils arrivent tels qu'ils sont et alors là c'est le choc alors on dit ouais ils veulent plus bosser ils sont ceux-ci, ils sont ceux-là et bien oui ils sont tels qu'ils sont et il y a un gros choc c'est pas le même niveau mais c'est pas loin ce que tu disais tout à l'heure on fait des choses qui sont...
- Speaker #1
pas très difficiles à actionner ?
- Speaker #0
Les changements de représentation, c'est pas facile. On dit qu'il faut 10 ans pour changer une représentation. Moi, je pense que ça va se mettre en place avec les plus jeunes. Après, il faut que l'entreprise puisse leur donner la possibilité de faire changer les choses. Je suis assez pessimiste. Moi, je pense que c'est horrible ce que je vais dire, mais je fais un peu de la provoque. En plus, c'est pas gentil parce qu'il y a des vieux mecs. Moi, je pense que les vieux mecs doivent partir. C'est pas gentil parce qu'il y a des vieux mecs qui sont pas comme ça. Mais je pense sincèrement que ça se fera de façon naturelle quand les plus âgés romanettent.
- Speaker #1
Quand les hommes déconstruits seront là.
- Speaker #0
C'est ça. Je pense malheureusement que ça viendra. Parce que là, c'est pour ça que c'est très tendu. Il y a des chocs culturels violents.
- Speaker #1
Et puis, je trouve qu'il y a un regain de tension entre les hommes et les femmes.
- Speaker #0
Ce que je peux te dire, c'est que moi qui suis depuis 25 ans un peu plus comment s'appelle-t-elle, Marie Peset, que j'ai toujours admirée. C'est la première psychanalyste qui a ouvert une consultation de souffrance au travail quand on n'en parlait pas encore beaucoup il y a une trentaine d'années. Je l'ai écoutée il n'y a pas très longtemps, il y a moins d'un an. Les chiffres sont mauvais. Les chiffres de la souffrance au travail sont très mauvais en France. C'est un vrai problème sociétal. C'est un vrai problème qui touche tout le monde, parce que ça touche la personne, ça touche les familles, ça touche la société toute entière. Et ça a un coût économique. pour l'entreprise, qui est très élevée également. Mais tant qu'on est dans le court terme, et tant qu'on arrive quand même à fonctionner comme ça, on fonctionne. C'est terrible, mais j'en suis à souhaiter une aggravation des choses en me disant, on va se poser, on va mettre les choses sur la table, et puis on va décider de faire bouger les choses, de faire bouger les lignes. On le fait beaucoup déjà, il ne faut pas non plus que je sois trop... Il y a une prise de conscience, puis il y a des formations des managers. on forme au savoir-être, au soft-skill. Il y a des choses, mais c'est pas suffisant.
- Speaker #1
Il y a des choses possibles, avec des exemples et des preuves. Soit chez des voisins ou même des boîtes, comme tu disais tout à l'heure, avec des gouvernances éthiques, t'as des choses qui existent aujourd'hui.
- Speaker #0
En fait, ce qu'il faut, c'est ne pas voir... C'est vraiment le problème du court terme. Il faut se projeter à deux ans, trois ans, parce que ça va faire que ça gravait. parce que les jeunes générations arrivent, et puis les alphas dont on parle, on commence à parler aussi, l'entreprise doit s'adapter. La culture d'entreprise doit bouger. Mais là, l'obstacle, c'est vraiment le court terme, le court-termisme, et puis l'économique. Mais si on calculait à moyen terme, tu vois, à 3 ans, à 5 ans, je pense que là, on aurait toutes les raisons de dire, il faut agir maintenant, investissons maintenant, avec tous les avantages que ça a aussi, en termes de marque employeur, d'image de marque employeur, parce qu'il y a le problème des recrutements aussi. Le rapport de pouvoir sur le marché du travail s'est inversé, et ça va continuer, d'ailleurs, vu ce qu'on a dit tout à l'heure sur la démographie. Donc, on a tout intérêt à avoir une image d'entreprise qui donne envie d'aller travailler.
- Speaker #1
Et de grandir et de vieillir dans l'entreprise.
- Speaker #0
Exactement. Et puis, même si on zappe, parce que les jeunes sont zappeurs, mais dans tous les cas, parce que ça, tu vois, la carrière longue... C'est fini, ça. C'est terminé. Mais ce n'est pas grave. Ils peuvent partir à un moment, puis revenir. Là aussi, on doit vraiment changer de mindset. L'entreprise doit accepter que le jeune, il restera peut-être trois ans. Des fois, c'est deux ans dans leur esprit, un, deux, trois ans. Mais que ce sera un ambassadeur de l'entreprise, et puis qu'il reviendra. C'est vraiment toute une façon de penser et d'organiser. C'est surtout ça qui doit changer. Donc, c'est énorme. Je reconnais que c'est un gros boulot.
- Speaker #1
Si tu prends soin autant de l'accueil, Des collaborateurs, peu importe leur ��ge, parce que tu peux être un nouvel arrivant à 45 ans. Peu importe l'âge, le off-boarding, il est très, très bien fait, je trouve, de manière générale. Le off-boarding, c'est une catastrophe. Si demain, on met autant de soins au départ des collaborateurs, moi, je ne connais personne qui est bien parti d'une boîte, vraiment dans mon entourage. Personne. Soit tu es licencié, soit tu as une rupture conventionnelle, soit tu démissionnes, soit tu pars sur un autre projet. Rarement, on te demande, on fait des petites passations très rapides. Mais rarement on te demande, peut-être pour les six prochains mois où on fait un truc spécial, les trois prochains mois tu restes là mais tu confies tout ce que tu as compris de la voix, tu fais un roadshow avec l'écolab, il n'y a pas ça, ça n'existe pas. Le off-boarding c'est le parent pauvre alors que ça pourrait vraiment, je trouve, en parler de transmission, tu fais un bon off-boarding de quelqu'un qui part à la retraite mais ça peut faire gagner des points à tellement de gens.
- Speaker #0
Mais tout à fait. Alors, il y en a plein, des gens intelligents, je veux dire, qui ont vu la problématique et qui ont des outils pour intervenir. Il y en a plein. Le off-boarding ? Non, ce que je veux dire, c'est que tu vois, il y a des offres de conseil, de management. On parle d'expérience collaborateur aujourd'hui. C'est ce que tu évoques, en fait. C'est pour ça qu'à un moment, moi, je faisais le lien entre le consumer insight que j'ai fait toute la grande partie de ma carrière et le collaborateur insight. Ça veut dire quoi ? parcours collaborateur. On parle d'expérience collaborateur. Aujourd'hui, l'entreprise a tout intérêt à traiter son collaborateur comme un client, comme la révolution du customer center, centrique, tu sais, le client au centre. C'est fait il y a 30 ans, peut-être un peu plus, tu vois. Aujourd'hui, c'est ça, l'objectif, c'est mettre le collaborateur au centre. Et donc, c'est le parcours, c'est qu'est-ce qui vit du début de l'onboarding à l'offboarding. Et moi, quand j'interviens en ethnologue d'entreprise, c'est ça. C'est dire, mais que vit-il au global ? Quand il part de chez lui, le transport jusqu'à l'entreprise, les relations avec ses collègues, avec ses managers, où est-ce qu'il mange le midi, qu'est-ce qu'il vit, c'est sympa, c'est pas sympa, tu vois, c'est vraiment ça. Et c'est ça qui détermine aujourd'hui la motivation, l'engagement ou le contraire. On est dans un monde, si tu veux, où vraiment, c'est un client. Le collaborateur est un client de l'entreprise.
- Speaker #1
non, bon, ce serait... L'objet d'un épisode entier, Loveboard. Ah bah oui ! Ça me passionne ce sujet.
- Speaker #0
Il y a de quoi dire, hein ?
- Speaker #1
Ça va être la fin de l'épisode. Bah ouais, je sais. Mais on pourra continuer à parler, je te promets, Sylvie. La dernière question, après si t'as envie de rajouter quelque chose, mais j'ai envie de te la poser, c'est le podcast s'appelle Encore. Qu'est-ce que tu mets derrière ce mot ?
- Speaker #0
Si tu permets, ça va être un peu égocentrique, mais voilà. Moi, je suis dans le « Encore, encore, encore » , quoi. Tu vois ? Encore. Que je ne me dise pas, à l'âge que j'ai, que les années qui viennent, ça sera de la perte, mais que ça sera de l'enrichissement. Et d'ailleurs, c'est ce que je me dis. Moi, personnellement, si tu veux, mon combat, tout personnel, c'est de me dire, ça sera du plus et du plus et du plus. Et chaque jour sera du plus. C'est ma façon de combattre, si tu veux, tout ce que j'ai dit précédemment, avec les visions passéistes et dépressives qu'on a de la vieillesse, tu vois. Donc, c'est ça, du encore. Mais oui, encore, j'en veux encore. Et d'ailleurs, je veux du mieux. parce que ce que je... ce que je partage aussi là, ce que je me permets de partager, et c'est que la vie est super chouette à partir d'un certain âge. Tu vois, c'est le plus de... On a lâché tellement de choses et on est tellement au cœur, au centre de soi-même et je veux dire, on ose être soi-même comme jamais on l'a été. Et puis on a les compétences, on a le parcours et la vie est vraiment d'un... Enfin, c'est enthousiasmant, tu vois. Voilà, et c'est ça qu'on devrait dire plus. C'est une richesse, en fait, tu vois, en termes d'être, en termes de présence, en termes de compréhension du monde. C'est assez extraordinaire, tu vois. C'est ça qu'il faut diffuser.
- Speaker #1
Et bien, ce sera le mot de la fin, sauf si tu veux rajouter quelque chose.
- Speaker #0
Je crois que j'ai déjà...
- Speaker #1
On a pas mal abordé.
- Speaker #0
J'ai dit le mot de la fin.
- Speaker #1
Merci, parce que franchement, moi je ressors... Alors, on a abordé des chiffres qui sont vraiment pas rigolos et des constats qui sont là. Mais t'as une énergie hyper communicative et on a envie de bouffer la vie avec toi, quoi. En disant, en fait, bah ouais, c'est peut-être pas tout le temps hyper drôle. Tu parles avec du vécu, tu parles aussi avec ton regard de choses que tu as observées. ... Mais il y a des choses aujourd'hui qui demandent des tout petits réglages et qui pourraient peut-être modifier une trajectoire si on s'inspirait d'autres modèles un peu plus bénéfiques pour tout le monde. Parce que finalement, là, en fait, on parle un peu d'humanité. Qu'est-ce qui peut demain être plus vivable pour chaque personne sur Terre, dans la société, dans l'entreprise ? C'est juste un critère.
- Speaker #0
Tu sais, juste un petit mot de la fin. Tu me fais penser à une chose. Moi, je me le disais récemment, mais je pense qu'aujourd'hui, il n'y a qu'une seule posture possible. et ça peut être dommage et fatigant mais c'est résister Il faut être des résistants.
- Speaker #1
Il y a un très beau livre de Salomé Sacké.
- Speaker #0
Tout à fait.
- Speaker #1
Résistez.
- Speaker #0
Parce que sinon, on ne va pas dans le bon sens.
- Speaker #1
On va aller bouffer du lion. Pas au sens littéral.
- Speaker #0
Et puis un petit mot de la fin pour toi Claire. Parce que je trouve, j'aurais pu le dire avant quand même, ton initiative de podcast est merveilleuse. Et c'est justement une résistance. Tu vois une résistance riche, créative et c'est ça qu'il faut faire quoi. Résistante non violente, mais tellement pertinente.
- Speaker #1
C'est gentil. Résistons ensemble. Merci Sylvie.
- Speaker #0
Merci Claire. A bientôt. Merci beaucoup.
- Speaker #1
Hors série d'encore, hors série.