undefined cover
undefined cover
#61 Sandrine Laplace, une chercheuse dédiée à la transition écologique cover
#61 Sandrine Laplace, une chercheuse dédiée à la transition écologique cover
Entrelacs - grandir, s'épanouir et se réjouir - le podcast de la transition écologique et sociétale

#61 Sandrine Laplace, une chercheuse dédiée à la transition écologique

#61 Sandrine Laplace, une chercheuse dédiée à la transition écologique

55min |03/11/2024
Play
undefined cover
undefined cover
#61 Sandrine Laplace, une chercheuse dédiée à la transition écologique cover
#61 Sandrine Laplace, une chercheuse dédiée à la transition écologique cover
Entrelacs - grandir, s'épanouir et se réjouir - le podcast de la transition écologique et sociétale

#61 Sandrine Laplace, une chercheuse dédiée à la transition écologique

#61 Sandrine Laplace, une chercheuse dédiée à la transition écologique

55min |03/11/2024
Play

Description

🎤Aujourd’hui, je vous invite à rencontrer Sandrine Laplace pour parler de la place des chercheurs, des scientifiques dans la transition écologique. Comment peuvent-ils nous aider à agir pour protéger le vivant, la biodiversité, à vivre de façon bien plus écologique ?

🌏️Sandrine Laplace a été chargée de recherche en physique des particules. Elle a, entre autres, travaillé au CERN, à Genève. Elle a contribué à la découverte du Boson de Higgs. Puis, poussée par le constat que la planète brûle et que son travail de scientifique ne suffisait pas à changer quoi que ce soit, elle a démissionné, cofondé un éco-lieu, créé des ateliers pour changer de regard sur le monde et mieux agir.

🫧Vous verrez, c’est une conversation intime, dans laquelle Sandrine a accepté de partager son cheminement avec énormément d’humanité, d’humilité, en lien avec l’humus, la terre.

🎧️Bonne écoute !

🎵🎶Musique : Tella, Amel Brahim Djelloul, 2083, Grand Corps Malade, Vivre, Michel Berger, avec l’autorisation de la SACEM.

🔎Comme tous les autres, cet épisode est disponible gratuitement sur toutes les plateformes de podcast, sur entrelacs.org et sur YouTube.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Soyez toutes et tous les bienvenus sur Entre-Las, le podcast qui utilise les liens pour réconcilier les humains avec les vivants en eux, autour d'eux, qu'ils soient humains ou non-humains. Si les ressources terrestres sont limitées, il existe cependant des espaces sans limites, une immensité à portée de cœur et de main. L'infinie richesse est dans nos liens. C'est cette richesse-là, cette immensité-là que j'ai envie de révéler et de partager avec vous. Bonjour Sandrine, je te remercie beaucoup d'être avec nous sur le podcast Entre-Las aujourd'hui. On va discuter ensemble de comment est-ce que la recherche peut avoir de l'impact et comment tu peux passer de la recherche à d'autres formes d'action pour avoir plus d'impact sur les choses qui étaient importantes pour toi. Avant qu'on se lance dans le détail et le global de tous ces beaux sujets, est-ce que tu veux te présenter d'une manière qu'on fasse tous connaissance ?

  • Speaker #1

    Oui, et bien bonjour Gaëlle et merci pour ton invitation. Me présenter, alors je suis donc Sandrine Laplace, j'ai 47 ans, je suis maman d'une jeune adolescente de 13 ans et professionnellement parlant, je suis physicienne de formation et j'ai été chercheuse au CNRS pendant 16 ans jusqu'en 2018-2019. Je travaillais dans le domaine de la physique des particules, donc auprès d'un grand accélérateur au CERN à Genève. Et j'ai participé avec des milliers de collègues à la découverte d'une particule qui s'appelle le boson de Higgs, dont on a beaucoup parlé en 2012. Et puis, au fil du temps, j'ai ressenti le besoin de changer de métier pour des tas de raisons. Mais une des raisons principales, c'est vraiment par inquiétude pour le monde, par éco-anxiété. la sensation que la planète brûle et que je ne suis pas au bon endroit pour agir. Et donc, j'ai démissionné du CNRS en 2019 pour partir dans un écolieu de formation. Peut-être qu'on en parlera un petit peu plus en détail après, dans le Jura. C'est une aventure collective qui a duré quatre ans, qui s'est terminée pour des raisons humaines il y a deux ans de ça. Et puis depuis… J'ai créé une association qui s'appelle 7e Génération, au sein de laquelle on propose des ateliers à la fois pour les particuliers et pour les entreprises. Moi, j'aime bien dire pour se retourner le cerveau, pour voir les choses sous un autre angle vis-à-vis de la situation environnementale. Voilà, donc c'est ce que je fais aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Alors effectivement, tu as fait cette bifurcation. Ça m'intéresse beaucoup de savoir... Comment tu as fait cette bise sur Casson ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé en toi ? Si je comprends bien, tu faisais de la recherche qui te révélait un certain nombre de choses. Et puis, qu'est-ce qui s'est passé ? Raconte-nous. Oui,

  • Speaker #1

    eh bien, ça remonte peut-être même encore avant ça, peut-être pour donner, je pense, la source de ce qui a décidé ça à un moment dans ma vie. Moi, je crois que j'ai assez rapidement, dans l'adolescence, au moment où on se construit pour devenir adulte et qu'on cherche un peu sa place dans le monde, Moi, je suis tout de suite tombée dans des grandes questions métaphysiques, en regardant les étoiles et en me disant Mon Dieu, on est tellement petit dans cet univers, et moi-même, je suis tellement petite sur cette planète, et du coup, ça rime à quoi tout ça ? Et je crois que cette question-là de Qu'est-ce qu'on fait là, au tréfonds de l'univers, et qu'est-ce que moi, je fais là sur cette planète ? elle m'a habitée très tôt, et je suis devenue scientifique, je pense, pour essayer d'avoir des réponses par la science. de comment ça marche tout ça. Et donc, je suis allée dans un domaine scientifique qui était vraiment de la physique fondamentale. J'étudiais l'infiniment petit, qui est en fait très lié à l'infiniment grand. C'est en fait étudier les mêmes choses sous un angle différent. Mais c'est très rapporté à, finalement, l'univers et comment ça fonctionne. Et pendant toutes ces années de recherche, j'ai adoré ça parce que j'ai vraiment plongé Tu vois, mon domaine de recherche, c'était très lié à la mécanique quantique, par exemple, où c'est une façon de réfléchir qui est complètement différente de la façon qu'on peut avoir dans notre quotidien, avec des choses qui sont complètement contre-intuitives, des choses qui sont paradoxales. Et ça, ça venait vraiment nourrir ma réflexion de comment ça marche le monde. Et en même temps, j'ai petit à petit pris conscience aussi de ce qui était en train de se passer dans le monde. Donc au début, c'était assez doux. C'est-à-dire que je me suis rendue compte que ce que je mettais dans mon caddie, ce n'était pas top ni pour moi ni pour la planète. Donc je me suis mise à acheter bio, à faire du zéro déchet, à fabriquer mes propres produits de beauté plutôt que de les acheter tout fait, des choses comme ça. Mais au fur et à mesure que je... que je rentrais dans ce Ausha, de me poser des questions très concrètes sur comment fonctionne notre monde, pas à l'échelle des particules ni de l'univers, mais vraiment notre monde d'humains. Je suis de plus en plus tombée de ma chaise, en fait, en soulevant le tapis et en voyant la quantité de poussière qu'il y avait là-dessous, que je n'avais pas vue jusqu'ici. Et au fil des années, c'est devenu hyper inquiétant. J'ai vraiment... Je suis devenue... hyper éco-anxieuse, en fait, de réaliser, surtout qu'avec mon approche scientifique, je pense que je comprenais particulièrement vite la profondeur du truc, c'est-à-dire vraiment à quel point c'est la merde. Et donc, il y a un moment où j'ai eu cette dissonance que beaucoup de gens connaissent, où je me lève le matin pour aller faire quelque chose qui, certes, me passionne, mais qui, en fait, ne contribue en rien à... à la situation que j'observe par ailleurs, qui est la planète est en train de cramer. Donc à un moment, ça n'a plus fait de sens. Et puis j'en parlais à mes amis, à mes collègues, à ma famille, et tout le monde haussait les épaules en disant ça va, c'est pas si pire Donc je ne me sentais pas du tout entourée de personnes qui comprenaient ce que j'étais en train de vivre. Oui,

  • Speaker #0

    c'est pas comme si tu avais bossé dans une industrie qui était délétère. Pour eux, tu n'es pas en train de détruire, donc c'était moins grave peut-être.

  • Speaker #1

    Oui, je n'avais pas une activité si destructrice que ça, effectivement. Quoique le domaine de science dans lequel je travaillais est assez énergivore quand même. L'accélérateur de particules à Genève est une grosse machine qui mobilise quand même beaucoup d'énergie. Je ne peux pas dire que j'étais dans une entreprise... très polluante, mais je n'étais pas non plus dans une activité très douce pour la planète. Mais ce n'est pas tant mon activité qui était le problème, c'était le problème au sens où je n'avais simplement pas la main sur ce qui était en train de se passer. Et à l'époque, ce n'était pas du tout encore commun que les scientifiques prennent la parole, comme ça peut être aujourd'hui. Donc moi, je me sentais juste seule avec mon angoisse et donc j'avais besoin d'agir. C'est assez classique quand on est… éco-anxieux que la clé c'est quand même de reprendre un certain pouvoir à travers l'action. Donc à un moment, c'est devenu insupportable de continuer à vivre mon quotidien sans changer quelque chose. Et c'est ça qui a enclenché ce changement radical.

  • Speaker #0

    Et alors qu'est-ce que tu as fait à ce moment-là ? Tu as osé démissionner, qui n'était pas rien j'imagine au bout d'un certain nombre d'années.

  • Speaker #1

    En effet, ce qui s'est présenté à moi, c'est les hasards de la vie. On fait qu'un jour, je pense que j'étais mûre à tout point de vue, c'est-à-dire que ça devenait suffisamment insupportable dans mon quotidien pour que j'aie mes antennes dirigées vers ce que je vais pouvoir faire d'autre dans ce monde pour me sentir un petit peu plus utile vis-à-vis de cette situation. Et un jour, mes antennes ont détecté un projet de tiers-lieu qui était en train de se monter dans le Jura. Donc moi j'habitais Paris mais j'allais très régulièrement à Genève, donc je faisais souvent ce trajet avec un TGV qui passait au pied du Jura, en particulier du plateau de Rotor qui est à une heure de Genève, mais en France. Et il y a un certain nombre de personnes que je ne connaissais pas, que j'ai rencontrées par hasard, qui étaient en train de monter un écolieu. Ça a vraiment été hyper intuitif en moi. C'est-à-dire, j'avais comme des petites antennes déployées et là, mes antennes, elles ont fait zzzz avec ce truc-là en me disant ok, c'est là qu'il faut que j'aille Ce n'était pas raisonnable, c'était complètement intuitif en fait. Ça venait répondre en fait… Il y avait deux mots qui étaient super importants pour moi à l'époque. Je me souviens, avant de bouger du CNRS, il y avait deux mots qui tournaient en boucle dans ma tête. Le premier mot, c'était communauté C'est-à-dire, j'avais envie de faire des choses avec d'autres personnes avec qui je pouvais parler de ça. sans filtre et je me sentirais en connivence et entendue en tout cas sur ces sujets qui me préoccupaient. Et puis le deuxième mot, c'était nature. C'était vraiment... Pourtant, je passais beaucoup de temps en nature déjà. J'avais plein d'activités de loisirs. de pleine nature, mais j'avais l'intuition qu'il y avait quelque chose d'autre à faire en lien avec le vivant que je n'avais pas encore rencontré. Je ne savais pas trop ce que c'était, mais j'avais cette intuition-là. Et donc ce projet d'écolieux Ausha ces deux cases-là. C'était un projet en collectif avec un mode de gouvernance partagée, de coopération. Et puis c'était un lieu en pleine nature. avec clairement une dimension de nature sauvage autour hyper chouette et la raison d'être du lieu était très liée à se relier à notre paysage et aux vivants qui étaient autour de nous. Donc ça a fait bingo dans ma tête et j'ai mis un an pour quitter le CNRS. J'étais à mi-temps au CNRS et à mi-temps sur cet écolieu. pendant une année pour terminer les dossiers du CNRS proprement, pour m'organiser au niveau familial, à tous les niveaux. Et puis un an plus tard, j'avais démissionné du CNRS, ce qui était effectivement assez radical. Il y a peu de gens qui expérimentent autre chose au CNRS, et généralement les gens font ça en se mettant en disponibilité, c'est-à-dire en gardant toujours la porte ouverte de pouvoir reprendre leur métier à un moment. Et moi, j'ai eu besoin de se faire ce pas radical de vraiment démissionner. Parce qu'en fait, j'en avais un petit peu marre que mes collègues me disent Bah, quand t'auras fini de faire joujou pendant un an ou deux avec tes trucs écolos, tu reviendras. Et en fait, j'en avais tellement marre qu'on me dise ça qu'à un moment, je me suis dit Bah non, pour moi, c'est un aller sans retour. Et j'ai carrément démissionné.

  • Speaker #0

    On va déjà parler des actions que tu as entreprises pour avoir cet impact. Et puis après, j'aimerais bien aussi que tu nous racontes l'histoire que tu as vécue avec ton écolieu. Ce que j'ai compris aussi, c'est que... Pendant que tu faisais de la recherche, et peut-être ça a fait le lien avec l'action, tu faisais de la recherche, mais tu faisais aussi un peu de vulgarisation et de prise de parole. Tu as fait quelques émissions, je crois, avec Hubert Reeves, avec Étienne Klein, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, alors effectivement, ça a toujours été important pour moi que la science se relie à la société, justement. Parce que comme pour moi, le fait que je devienne scientifique, ça partait vraiment de ces questions. métaphysique dont je t'ai parlé au début, de voilà qu'est-ce qu'on fait là. J'avais besoin que ce que je faisais dans mon laboratoire, ça puisse se raccrocher à ces questions-là. Et la meilleure façon de raccrocher mes sujets de recherche à ces grandes questions de société, c'était du coup de parler de ma recherche au grand public, d'essayer d'expliquer ce que je faisais, pour qu'en retour on me pose des questions qui viennent un peu challenger. ce que je faisais, c'est-à-dire ça sert à quoi le boson de Higgs ? Quelle implication philosophique ça peut avoir ? Et donc moi, j'adorais ce contact-là de vulgarisation, de tenter d'expliquer ces choses-là, justement parce que ça m'obligeait à réfléchir aux conséquences sociétales de notre recherche. Et effectivement, j'ai eu la chance, comme on a fait une grande découverte au CERM en 2012 de cette particule du boson de Higgs, j'ai eu la chance d'être beaucoup sollicitée dès qu'on commence à mettre un petit peu le... le doigt dans l'engrenage de la communication. Après, j'ai vraiment été prise dans ce flot d'être régulièrement invitée à la radio ou dans des conférences aux côtés d'autres scientifiques extraordinaires, comme Étienne Klein ou Hubert Reeves ou tant d'autres. Et ça, ça m'a profondément nourrie parce que ça m'a vraiment permis de dézoomer. Quand on est chercheur, on est quand même pas mal le nez dans le guidon. C'est hyper technique ce qu'on fait. Donc, ça m'a permis de dézoomer et de réfléchir aux implications profondes de tout ça. Et je pense que ça a contribué, je me suis retrouvée à cette époque-là aussi, à faire des choses en lien avec les arts. J'ai été sollicitée à l'époque par Marie-Odile Monchicourt, qui était une journaliste scientifique. qui a fait beaucoup de chroniques sur France Culture par exemple, et qui a monté un projet qui s'appelait les Laborigines à l'époque, qui rassemblait tout un panel de scientifiques et d'artistes pour réfléchir à nos origines. Alors il y a plein d'origines dont on peut parler, il y a l'origine de l'univers, l'origine de la matière, l'origine de l'humain, on peut prendre le problème des origines à plein de niveaux différents. Et elle montait des spectacles qui mêlaient les arts et les sciences. Et je me souviens qu'elle m'a fait intervenir dans un spectacle qui parlait du vide quantique et dans lequel elle m'a invité à vraiment sauter dans le vide et décrire qu'est-ce que ça faisait de me retrouver dans le vide quantique. Donc c'était une tentative d'expliquer de manière vraiment émotionnelle et corporelle des notions de physique un peu inaccessibles par ailleurs. et elle se plaît beaucoup à dire, Marie-Odile, aujourd'hui que probablement le fait de m'avoir demandé de sauter dans le vide à cette époque-là ça a sûrement contribué à ce que je saute dans le vide aussi dans ma vie concrètement et je pense qu'elle a réussi ça t'a préparé alors donc,

  • Speaker #0

    tu as fait le saut dans le vide tu as démissionné du CNRS et... Qu'est-ce que tu as tenté ? Qu'est-ce qui a marché ? Qu'est-ce que tu fais aujourd'hui ? Comment est-ce que tu réussis à avoir l'impact que tu cherchais tant à avoir ?

  • Speaker #1

    Il y a eu vraiment des phases. Tu voulais qu'on parle de l'éconu après, mais peut-être que c'est plus logique d'en parler d'abord. Alors,

  • Speaker #0

    tu peux en parler maintenant. Vraiment, comme tu veux.

  • Speaker #1

    Je pense qu'en tout cas, l'un a préparé la suite. L'éconu a préparé la suite. Alors,

  • Speaker #0

    vas-y, dans le sens qu'il y a.

  • Speaker #1

    Voilà. Le sens le plus juste, c'est que pour moi, mon premier mouvement, ça a été de… Ça a été très personnel, j'ai envie de dire égoïste, pas forcément au sens négatif du terme, mais j'ai d'abord besoin de prendre soin de ce qui se passe en moi avant de trouver comment je peux avoir un impact. Et donc, prendre soin de ce qui se passe en moi, ça a été d'ouvrir vraiment cette grande boîte sans fond, qui est la boîte de la peine que ça peut générer de réaliser ce qui est en train de se passer sur la planète. C'est difficile d'aller dans les émotions que ça génère, mais j'ai senti que c'était une étape incontournable, c'est dans laquelle je devais aller. Et là, j'ai rencontré quelque chose que tu connais, qui s'appelle le travail qui relie, qui n'est pas facile à décrire, je trouve, et qui d'ailleurs n'est pas très joli. Le travail qui relie, ce n'est pas un nom qui fait très envie, mais en gros, c'est un processus qui permet de vraiment oser honorer nos peines pour le monde comme une étape incontournable pour pouvoir véritablement changer de regard, changer ces lunettes qu'on peut avoir sur le monde et passer à l'action d'une manière adaptée.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, j'ai fait une lecture qui est l'un des épisodes du podcast. Je mettrai le lien en dessous pour les gens qui veulent avoir un premier extrait, une première impression de ce qui est ce travail de Johanna Massil.

  • Speaker #1

    J'ai rencontré ça dès que je suis arrivée dans cet écolieu. Ça a été une des premières choses que j'ai rencontrées. Ça m'a permis d'exprimer toute ma colère, toute ma tristesse que je pouvais avoir, que j'avais accumulée pendant des années, qui ne trouvait aucune résonance dans mon entourage. De pouvoir enfin l'exprimer avec des personnes qui ressentaient des choses similaires. J'ai trouvé ça extraordinaire comme processus de laisser sortir ces émotions et de faire... résonance avec un groupe d'humains. J'ai trouvé ça extrêmement puissant et j'ai senti que c'était presque une condition préalable à toute action. Donc j'ai commencé par ça. Et c'est sans fin parce que je vois que c'est cyclique. C'est-à-dire que régulièrement j'ai besoin de revenir à ça, j'ai besoin de pleurer à nouveau, j'ai besoin d'exprimer ma colère à nouveau. Et une fois que c'est fait, de l'autre côté de ce gouffre-là, il y a un monde un petit peu nettoyé et un petit peu plus clair de comment agir. Donc, la première chose, ça a été ça, en parallèle de l'organisation de cet écolieu. Et mon mouvement à cette époque-là, ça a été le monde est fou, donc j'ai besoin de me créer une sorte de bulle dans laquelle on sera un peu moins fou C'était un peu ça. Il y avait vraiment de la fuite, moi, dans cet élan-là, la fuite de la société que je trouvais insupportable, dans laquelle je n'arrivais plus à trouver du sens. Donc, il y avait clairement un grand mouvement de fuite. Et toutes ces années d'écolieux, je dis ça parce que ça a été à la fois un salvateur pour moi, puis à la fois, je ne sais pas si c'est le mot erreur, mais en tout cas, ce n'est pas une solution de fuir. Mais c'est ça que j'ai eu besoin de vivre à ce moment-là. Et donc, l'idée, c'est qu'on a construit un projet. qui était quand même ancrée dans son territoire. On était accueillis au sein d'un village, on essayait de faire des choses vraiment en lien avec notre territoire. Et en même temps, c'était quand même une sorte de bulle au sein de laquelle on accueillait des gens qui venaient faire des formations sur des savoirs un peu alternatifs qui nous semblaient aller dans la bonne direction pour construire un monde désirable et soutenable. Donc, mieux se connaître, mieux coopérer les uns avec les autres, mieux... coopérer avec le vivant, on faisait des stages de méditation, de permaculture, de coopération, etc. Et pour moi, ça a été l'occasion de faire tous ces apprentissages-là, parce qu'en fait, principalement, on faisait venir des formateurs sur notre lieu, avec des groupes, et puis du coup, on pouvait, nous aussi, finalement, apprendre de ces formations-là. Pour moi, ces années d'école-lieu, ça a été des années un peu bulles, un peu de déconstruction complète de qui j'étais, qui j'étais quand j'étais plus physicienne. qui j'étais quand je n'étais plus non plus, parce qu'au début j'étais directrice générale du projet, donc c'était encore un titre qui me servait dans mes interactions sociales. Puis à un moment, j'ai même arrêté ça, c'est-à-dire que je suis devenue simple bénévole dans le projet. Et j'avais vraiment envie de savoir qui je suis quand je ne suis plus tous ces titres-là, qui je suis au milieu des autres, qui je suis avec la forêt qui m'entoure. Ça a été l'occasion de passer beaucoup de temps dans la nature à nourrir. Il y a eu cette première partie de communauté, comment on fait communauté ensemble et comment on coopère ensemble pour faire ce projet d'écolieux. Et puis toute la partie de nature qui était nourrie par la redécouverte, la découverte de qu'est-ce que c'est d'être vraiment au milieu de la nature sans simplement la traverser. Tu vois, avant, je faisais des footings dans la nature, je la traversais, je m'en nourrissais, c'était beau. Mais finalement, je l'utilisais comme un terrain de sport, la nature. Et là, j'ai appris à vraiment m'insérer. à l'intérieur de cette nature à y aller en réduisant ma bulle de nuisance, le bruit que je pouvais faire, les mouvements que je pouvais avoir et de réduire ça et puis d'augmenter ma bulle d'attention, c'est-à-dire de vraiment réouvrir tous mes sens, réouvrir mes oreilles à des tas de sons que je n'entendais plus, voir des choses que je ne voyais plus et ça m'a permis de rentrer en contact avec la nature comme je ne l'avais jamais. connues jusqu'ici, de rencontrer des renards, de rencontrer des animaux vraiment d'égal à égal. Ça a été assez bouleversant pour moi.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant ce que tu dis. Je pense que je mettrai un petit extrait musical après pour que chacun puisse méditer là-dessus, parce que c'est tout à fait autre chose d'être dans la nature comme dans un paysage. Je mets juste l'accent, ce n'est pas pour toi, c'est pour les gens qui nous écoutent. C'est tout à fait autre chose que d'être là. L'équivalence, comme tu dis, en s'étant débarrassé de tous ces titres, de tout ce qui fait notre identité, pour voir qui on est en tant que vivant. C'est comme ça que je comprends ce que tu dis. C'est revenir à ce qu'on est au plus simple, à l'essentiel, à l'essence en tant que vivant. Et du coup, être capable de se mettre en lien vraiment profond avec la nature, avec le vivant. Et à ce moment-là, j'ai l'impression que c'est ce que tu as vécu quand on est dans cette qualité de lien-là, quand on n'est plus qui on est dans toute notre identité, dans toute notre apparaît, dans toute la dimension sociale. Mais quand on n'est plus là en tant que vivant, il se passe quelque chose, il se passe une rencontre avec le vivant qui fait qu'on se met à voir. En tout cas, moi, ce qui m'est arrivé, l'expérience que j'ai faite, c'est que je me suis mise à voir autrement. Je me suis mise à voir des choses que je ne voyais pas. C'est comme si les lumières, les couleurs... prenait des tonalités avec à la fois plus d'intensité mais aussi plus de richesse, plus d'avant et d'après que je ne voyais pas, comme des sons que je n'entendais pas avant. Et il y a aussi des rencontres qui se sont faites. Je me souviens d'un moment donné où j'étais avec mes chiens en forêt, un peu comme toi, je cours dans les champs, mais quand j'arrive en forêt, j'ai l'impression d'arriver dans une cathédrale, c'est impossible de courir. Je me suis fait en alerte, en attention. Et il y a un jour, j'étais avec mes chiens et j'ai rencontré un sanglier avec ses petits. Et on s'est tous regardés comme ça un moment. elle n'a pas bougé, elle est restée là, ils sont restés tout proches, alors qu'il y avait des chiens avec moi, on est restés comme ça, je ne sais pas combien de minutes, je n'avais rien pour enregistrer le temps, mais quelques minutes comme ça, et ça paraît complètement étrange qu'un animal sauvage soit resté comme ça en face de chiens, personne ne bougeait, tout le monde se regardait comme ça, avec presque de la compassion et de l'attention, alors que les chiens étaient un petit peu plus qu'elles, mais en tout cas, il aurait pu y avoir de la peur de part et d'autre, il n'y a rien eu de tout ça. Il y a eu une rencontre, et quand la rencontre a eu lieu, quand il s'était dit dans... pas avec des mots ni du bruit en fait, mais il y avait comme quelque chose qui s'est dit quand même. Et quand ça a eu lieu, elle est partie avec ses petits et voilà.

  • Speaker #2

    Je ne te connais pas encore, je suis ton petit-fils. Je t'écris depuis l'année 2083. Te passe ce message afin que ton époque réagisse, ici la planète va mal, il faut absolument que tu me crois. Jakarta, Lagos, New York ont disparu sous la mer, mais aussi Venise, Londres et un tiers des Pays-Bas. Tombouctou et le Nord Mali ensevelissent une baiser, et le fleuve Niger n'a plus une seule goutte d'eau dans ses bras. Les villes côtières qui luttent pour la montée des zones, ont beau construire des diniques, des parages et des murailles, elles ne pèsent pas bien lourd et éclatent vite en morceaux, quand les cyclones et ouragans viennent finir le travail. Dans plusieurs pays d'Afrique et d'Asie du Sud-Est, mais aussi à Athènes, Auker et quelques autres élues. Il fait souvent 60 degrés chaque été par test, où les riches vivent sous l'acclime et les pauvres ne vivent plus.

  • Speaker #1

    Oui, ça me parle de monde. J'ai eu pas mal de rencontres comme ça aussi. Et oui, c'est bouleversant. En fait, ce qui est intéressant, c'est... Là où j'avais avant une idée de certains concepts, comme l'interdépendance qu'on peut avoir avec le vivant, j'avais compris déjà ces concepts-là dans ma tête, mais toutes ces expériences-là, c'est comme si ça avait fait passer ces concepts qui restent quand même théoriques, le lien qu'on peut avoir aux générations futures, quand on parle de quel monde on veut laisser pour les générations futures, c'est des choses qu'on se dit avec des mots dans notre tête, mais en fait, dans notre cœur et dans notre corps, ça représente quoi ? Toutes ces expériences que j'ai vécues pendant ces années d'écolieux, j'ai eu la sensation de faire tomber ces concepts de ma tête à mon corps et d'avoir une compréhension plus corporelle et émotionnelle de ce que ça veut dire, qui est presque indescriptible avec des mots. Et souvent, même quand on en parle, je trouve que c'est vite glissant parce qu'on passe vite pour des personnes un peu perchées, un peu new-age. La rencontre avec la nature, c'est vraiment… C'est l'envers des perchées, c'est tellement bas. En vrai, je trouve que c'est hyper ancré. Mais souvent, quand on en parle, c'est Blanche-Neige est au milieu de ces petits animaux, ces gentillets, mais le monde, ce n'est pas ça. En tout cas, j'ai découvert ça avec surprise. Ça a révolutionné ma vision du monde d'avoir ces contacts-là avec le vivant. Et je me suis rendue compte qu'en en parlant à l'extérieur, c'était souvent inaudible. Je trouvais que c'était incroyable, effectivement. C'est ce grand écart qu'il peut y avoir entre l'expérience directe qu'on peut avoir des choses, qui est en fait irracontable quasiment, et la tentative qu'on peut faire de le raconter et qui est un peu galvaudée aujourd'hui. Quand on parle de connexion au vivant, tout le monde fait ouais, bon ok, moi aussi je suis connectée au vivant Mais ce n'est pas simple. Et c'est un peu au cœur, quand tu parlais après de ce que ça a été, mes modes d'action, comment j'ai essayé d'agir. C'est qu'au début, je me suis dit, en fait, moi, ce que j'ai envie de faire, c'est que les gens vivent ces expériences-là, qu'ils le vivent non pas avec la tête, mais avec leur corps, avec leur cœur. Donc, moi, j'avais envie d'emmener les gens dans la nature, ce que j'ai fait, pas mal, et ça avait vraiment de l'impact. Mais j'ai vu qu'en fait, quand je voulais drainer des personnes à faire ces expériences-là, finalement, j'emmenais des personnes qui étaient déjà convaincues de ce qui était en train de se passer. J'avais l'impression que mon impact, il était finalement assez restreint, parce que... Ces personnes-là, elles avaient déjà cliqué quelque chose dans leur compréhension, dans leur vie, etc. Et moi, je pouvais offrir des espaces qui leur permettaient d'aller plus loin, des espaces où elles pouvaient vivre leurs émotions. Pour moi, c'était super important. Ces cercles de résonance émotionnelle, ça reste quelque chose de super important pour moi. Mais je me suis rendue compte que ça touche 1%, pour ne pas dire 1 pour 1 000, de la population de la France ou de la population même mondiale. Et qu'en fait, le reste… à l'air de s'en fiche, en fait, de tout ça. Et je me suis dit, mais waouh, en fait, c'est merveilleux ce que je suis en train de découvrir, mais je ne peux pas du tout le mettre à l'échelle. Ce n'est pas demain que je vais entraîner tous les Français à aller écouter les oiseaux dans la forêt. Ça ne va juste pas marcher.

  • Speaker #0

    C'est vraiment une question qui est complexe parce qu'effectivement, comme toi, il y a un certain nombre de scientifiques aujourd'hui qui essayent de prendre la parole d'une manière moins mesurée. pouvoir alerter davantage et ça les effets que ça a. Il y a aussi eu des tentatives qui ont été faites comme la convention des entreprises pour le climat qui est une super initiative qui a été faite vraiment, moi je ne l'ai pas suivie, mais dans ce que j'ai compris, dans ce qu'on m'a partagé, qui a été faite vraiment pour mettre en lien tête-coeur-corps avec une gradation, différents ateliers, quelque chose qui me semble extrêmement bien construit. Et les dirigeants que j'ai rencontrés qui l'ont vécu, et c'est ce que m'ont dit aussi d'autres, personnes qui connaissaient des personnes qui avaient vécu cette expérience-là. Ils ont trouvé ça touchant, ça les a remis bouleversés. Mais qu'est-ce qui s'est passé après ? Ils ont continué à aller à l'île Maurice en avion, à aller faire du shopping dans les grandes capitales mondiales, à aller rouler en voiture dans Paris. Enfin, tu vois, pas d'impact. Donc, je voulais juste dire avant que tu poursuives, à quel point c'était compliqué cette question de l'impact. parce qu'il y a l'information, globalement aujourd'hui tout le monde l'a, enfin tous ceux qui veulent l'ont et ceux qui ne l'ont pas ne veulent vraiment pas, on peut dire, peut-être. Et beaucoup de gens sont bouleversés, mais passer du levier des touchés ou bouleversés à vraiment agir concrètement, individuellement, collectivement, au niveau d'un pays, au niveau d'une société, c'est encore autre chose, c'est vraiment pas simple. Donc j'ai d'autant plus envie de t'écouter sur ce que tu as pu faire, mais je trouve que la question est vraiment, vraiment complexe en fait. Cette question du passage à l'acte et encore plus du passage à l'échelle, elle est bigrement compliquée en fait. Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait. Et ce qui s'est passé, tu vois, quand je suis partie dans cet écolieu, je... L'air de rien, dans ma tête, je choisissais le camp du bien. C'est-à-dire, je me suis dit, allez, moi je vais être parmi ceux qui agissent.

  • Speaker #0

    Je vais être dans le camp du bien, de ceux qui auront fait quelque chose. J'étais redevenue maman depuis peu de temps. Quand j'imaginais le monde dans lequel ma fille va vivre, ça me mettait en panique totale et je me disais, je dois agir. Et moi, on ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir agi. Donc, je me suis engagée, entre guillemets, et aujourd'hui, je le décrirais comme dans une croisade pour le bien. Et je me suis rendue compte, en fait, que… En partant en croisade pour le bien, j'avais défini le mal aussi. Dans la catégorie du mal, je mettais plein de choses. Je mettais en premier lieu les entreprises, je mettais les politiciens, je mettais même mes collègues du CNRS qui, eux, n'avaient pas quitté le CNRS. Je mettais beaucoup de choses, en fait, dans le camp du mal J'utilise ce mot fort et sion. Je ne le disais pas aussi fort, mais en tout cas, voilà. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Et... Et puis même, du coup, les gens de ma famille ne me comprenaient pas, mes amis ne me comprenaient pas. Et je me suis rendue compte, au bout d'un certain nombre d'années, qu'en fait, quand on part en croisade pour le bien, on part en guerre quand même. Et on se met à faire des choses qu'on défend. Moi, ce que je veux, c'est vivre en paix, c'est être en lien avec les autres, c'est être en lien d'amour. Mais quand je pars en croisade aussi, aussi noble puisse être la cause, je pars quand même en guerre contre des gens qui ne sont pas dans ma cause. Et donc, ça, ça me fait rentrer dans une sorte d'entre-soi, tu vois, où du coup, ma bulle, c'est devenu tous ceux qui sont dans ma croisade. Et tous les autres, c'est entre guillemets les méchants. Et ça, évidemment, c'est complètement contre-productif. J'ai mis du temps à m'en rendre compte. Au-delà de l'impact, tu vois, c'est vraiment un état d'esprit où, finalement, On fait l'inverse de ce qu'on veut. On commence à définir...

  • Speaker #1

    Et puis en plus, on n'est pas audibles, parce que si on porte ça en soi, quand on va voir des gens qui n'ont pas les mêmes idées, on n'est pas audibles, en fait, ils le sentent.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Donc pendant un certain nombre d'années, j'ai évité d'aller voir des gens qui n'avaient pas les mêmes idées. Et puis au bout d'un moment, je me suis dit... Tu vois, quand je parlais de l'impact tout à l'heure, en me disant que je ne pourrais pas emmener tout le monde écouter les oiseaux dans la forêt, et en plus, au fond de mon cœur, je porte effectivement ce truc de... Les autres ne font pas ce qu'il faut. Et ça, c'est évidemment une posture qui est une des postures à la source de ce qui est en train de se passer. C'est-à-dire qu'on s'accuse mutuellement qui est responsable, qui est coupable, qui fait assez, qui ne fait pas assez. Même à l'intérieur des écolos, en fait, on va encore se battre sur, oui, mais est-ce qu'il faut faire du militantisme ? Est-ce qu'il faut faire de la méditation ? Ou alors, est-ce qu'il faut faire des écoles alternatives ? Ou alors, on trouve encore le moyen de se battre alors qu'on est dans le même…

  • Speaker #1

    Oui, à la pointe de l'économie, mais tu as raison, ça demande une vraie prise de conscience. que d'arrêter ça, en fait. Parce que c'est tellement la société dans laquelle on a grandi, l'éducation qu'on a reçue, le fait d'avoir raison, tout ça, il faut arriver à lâcher tout ça. Et c'est un vrai travail que tu as fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, je me suis rendue compte que là où je pensais être une bonne personne qui faisait le bien, en pratique, dans mon cœur, je portais ces trucs-là de rejet des autres. En pratique, au niveau familial, je me suis organisée d'une manière où je me suis retrouvée à vivre à 500 kilomètres de ma fille pendant plusieurs années. C'est-à-dire, finalement, je faisais cet écolieu pour ma fille, pour lui construire un monde meilleur. Et en fait, en pratique, ce que je faisais, c'était être loin de ma fille et la voir très peu. Donc, le jour où j'ai réalisé qu'en fait, en pensant faire le bien, je faisais aussi beaucoup de mal, d'une certaine manière. Et encore une fois, je fais exprès d'utiliser des mots forts. Évidemment, c'est plus nuancé que ça. Mais en tout cas, un jour, ça m'est tombé dessus. Comme ça que j'ai réalisé qu'en voulant faire le bien, je faisais aussi beaucoup de mal. Et d'un coup, ça a dégonflé un truc en moi de Oh là là, je me suis complètement plantée. En vrai, on est tous capables du pire et du meilleur. En vrai, on est tous quelqu'un à la fois de bon et de mauvais. Et du coup, ça a renversé ma propre perspective sur… sur ce qu'il y a à faire dans le monde. Je me suis rendue compte que ce que j'avais à faire, c'était commencer par me pardonner des affaires que j'avais faites de bancale toutes ces années. Par exemple, pendant toutes ces années, j'ai dit que j'étais loin de ma fille. C'est assez bancal quand même, et j'ai eu du mal à me le pardonner. Dans ce projet de coopération dans l'écolieu, à la fin, ce projet s'est terminé pour des raisons humaines, où on est rentré. comme dans beaucoup de projets collectifs, en fait, en conflit, sur nos valeurs, sur nos visions, etc. Et on a arrêté ce projet-là au bout de quatre ans. Et j'ai réalisé que là où je pensais avoir été super, dans l'esprit de coopération, etc., à la fin, j'ai réalisé qu'en fait, non, j'avais, comme tout le monde, contribué à ce qu'à plein de moments, j'alimente une certaine violence, j'alimente une posture qui n'était pas du tout constructive. Le jour où j'ai réalisé tout ça, J'ai regardé le monde d'une autre manière. Je me suis dit, bon, en fait, là où je pensais que c'est de la faute des politiciens, c'est de la faute des entreprises, c'est de la faute de machin, c'était plus ça, en fait, le point. Et donc, aujourd'hui, mon chemin, il est plutôt dans cette… essayer de dégonfler ce truc-là pour moi-même et autour de moi, parce que c'est tellement d'énergie perdue, en fait, ces énergies de… de s'accuser mutuellement. Et aujourd'hui, j'ai plutôt envie de partir véritablement à la rencontre des autres, véritablement, par exemple, à la rencontre des entreprises et d'essayer de vraiment comprendre comment ça marche, en fait, et de remettre mes lunettes de chercheuse, tu vois, que je pouvais avoir quand je faisais de la science, en me disant, OK, comment ça marche, ce truc-là ? L'entreprise, comment ça marche, vraiment ? Quelles sont les personnes qui y travaillent ? Quels sont leurs contraintes ? Quelles sont leurs ambitions ? Pourquoi ça se passe comme ça ? Et aujourd'hui, c'est plus ça, mon mouvement. et de remettre tout ensemble, c'est-à-dire de remettre à la fois ma casquette de scientifique qui a un certain esprit de synthèse et analytique sur des situations, ma casquette d'écolo limite un peu perchée à certains moments, mais j'assume, qui a une certaine sensibilité, ma casquette d'écolieu, de coopératrice qui a beaucoup appris principalement par les erreurs. Et de mettre tout ça ensemble pour vraiment partir à la rencontre de l'autre et essayer de prendre un petit peu de ce qu'il a à ma portée. Donc, moi, je vois bien qu'en partant à la rencontre des gens en entreprise, j'apprends plein de choses, en fait, sur les actions concrètes qu'on peut mener dans le monde. Là où, moi, je peux avoir tendance à faire des choses un petit peu déconnectées du monde, je vois à quel point les entrepreneurs sont hyper concrets et on a besoin de ça aussi. Et en échange, leur apporter les petites graines que je peux planter. Mais d'une manière où maintenant, je considère qu'on est d'égal à égal. C'est-à-dire que j'ai autant à apprendre d'eux qu'ils ont à apprendre de moi. En fermant les yeux très fort, vibre,

  • Speaker #1

    très beau je sens, j'ai tout vrai le bon chemin, et je me sens mieux dehors, le pire, les fleurs et les animaux. C'est tous un peu ma famille, on est tous partis de rien.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui,

  • Speaker #1

    c'est là que l'échange est possible et qu'il se passe des choses. Et ce que tu dis, cette démarche, ça me fait penser aussi à ce que disait Marshall Rosenberg. Moi, je m'étais formée à la communication non-violente il y a une vingtaine d'années et j'avais été touchée aussi par ce qu'il avait dit quand on... Il a quand même beaucoup agi pour la paix entre Israël et la Palestine, entre autres, etc. Et quand on lui avait dit mais c'est quoi ? Donc vous êtes le plus fier. Qu'est-ce qui a été aussi le plus compliqué ? Je ne sais plus si c'était la première ou la deuxième question, mais je crois que c'était ce qui a été le plus difficile. En tout cas, il avait répondu que ça avait été le travail de paix en lui. C'est un peu ce que je comprends dans ce que tu expliques. Je l'avais aussi partagé, cette idée. Donc, qu'est-ce qui fait qu'on change dans un article et dans un autre épisode ? C'est que je crois que quand on est vraiment avec les autres, comme ils sont sans aucun jugement, sans aucune recherche de quoi que ce soit d'autre que de comprendre avec. avec curiosité la richesse de qui ils sont. Quand on est capable de regarder ce qu'il y a de plus beau en eux, il y a quelque chose qui purifie dans le regard. Et en tout cas, on permet à la personne en face de s'asseoir dans ce qu'elle est, de manière inconditionnelle. Et j'ai été touchée de voir que plein de fois, alors que je cherchais juste rien d'autre qu'être avec les gens et les écouter, et les comprendre vraiment, il s'est passé un retournement. Et le retournement qui ne se produisait pas quand on le cherchait, il se passait là parce que juste les personnes avaient pu être qui elles étaient complètement, se poser en elles. Et à ce moment-là, elles pouvaient se mettre en mouvement. Mais avant, quand elles ne pouvaient pas se poser en elles et qu'elles n'étaient pas comprises comme elles étaient dans toute la richesse de ce qu'elles étaient, elles ne pouvaient pas bouger. Le mouvement était figé. En fait, c'était toujours en défensif. Et ça, c'est quand même quelque chose d'assez étonnant et qui peut se produire, je crois, que quand on est parfaitement sincère. Si on le fait comme une... forme de pratique un peu manipulatoire. Ça ne marche pas parce qu'on n'est pas dans cette ouverture totale à l'autre.

  • Speaker #0

    Je te rejoins dans tout ça. Merci.

  • Speaker #1

    Alors aujourd'hui, qu'est-ce que tu as envie de nous dire encore de ce que tu fais, peut-être une action qui t'a porté particulièrement ou peut-être dont tu es particulièrement fière, quelque chose dont tu aurais envie de nous parler encore ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a une chose dont j'ai envie de parler encore, je crois. Tu vois, cette éco-anxiété, je l'ai encore beaucoup régulièrement. C'est vraiment par vagues. Tu vois, ce matin, je te partageais juste avant qu'on commence l'enregistrement la peine que j'avais avec ce qui s'est passé, des inondations à Valence et comment ça me replonge dans la colère et la tristesse. Et ça, je crois que ce sera éternellement là, à chaque fois que des événements climatiques vont se produire, à chaque fois que ce qu'on a anticipé depuis des années et des années se matérialise vraiment. C'est hyper dur. Et moi, je vois aujourd'hui que pour ne pas sombrer… Là,

  • Speaker #1

    tu pensais notamment à ce qui se passe à Valence en ce moment, dont tu me parlais tout à l'heure en introduction.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Pour ne pas sombrer complètement dans le désespoir, parce que je pense vraiment qu'on va en devant de moments de plus en plus difficiles et de chaos. Je suis persuadée que malheureusement, on n'ira jamais assez vite, vu au rythme où ça va aujourd'hui, pour infléchir la direction dans un temps qui nous permette d'éviter les catastrophes. Elles sont déjà là. Il y a une certaine inertie, même si on arrêtait du jour au lendemain de faire des choses, l'inertie climatique, elle est là. L'inertie de l'extinction des espèces, elle est là aussi. Tout est là et on va forcément en payer les frais dans les prochaines années. Et ça m'attriste vraiment. Je ne sais pas si ma fille, elle va écouter ce podcast, mais j'essaye de ne pas trop être cash avec elle. Mais au fond de mon cœur, c'est sûr que je sais que la fin de ma vie et sa vie à elle va être compliquée. qu'il y aura des guerres, qu'il y aura des maladies, qu'il y aura un tas de choses qui vont être vraiment difficiles à vivre. Donc, pour essayer de ne pas sombrer dans le désespoir avec tout ça, vraiment, ce qui me touche le plus en ce moment, c'est de revenir à de la légèreté régulièrement et à de l'humour et d'arriver à rire de ça. Évidemment que le rire, ça ne va pas changer le cours de l'histoire, mais ça permet juste de supporter ce qui est en train de se passer. Et... et aujourd'hui je vois que c'est ce qui me nourrit le plus les quelques opportunités que j'ai pu avoir de rentrer dans déjà dans pouvoir raconter mon histoire par exemple en pouvant en rire c'est à dire des endroits que j'ai pu évoquer là un peu rapidement mais qui en fait ont été douloureux pour moi de me rendre compte que j'avais fait des choses aussi qui avaient pu faire du mal autour de moi de pouvoir arriver à raconter ça avec humour je vois à quel point c'est transformateur et puis de se mettre ensemble. Tu vois, il n'y a pas longtemps, il y a eu ce festival, c'était le Festival Atmosphère, qui est un festival engagé qui existe depuis plus de 14 ans à Courbevoie, festival de cinéma, d'art et de science, où on s'est mis ensemble à plusieurs scientifiques. Là, j'ai repris ma casquette de scientifique, ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Et on s'est mis ensemble avec une troupe d'impro, d'improvisation théâtrale, et avec Guillaume Meurice qui orchestrait tout ça. Et on a passé deux heures à faire une anticonférence. pour parler science tout en mettant de l'humour. Et même si la base, c'était plutôt parler de... Le thème, c'était le hasard. Donc, c'était pas mal ancré sur la physique, mais aussi l'évolution. Et on a raccroché quand même régulièrement aux thèmes environnementaux. Et je sens que pour moi, il y a une énorme là, personnelle et collective, d'alterner entre des moments de gravité, des moments de profondeur, des moments de peine, et de pouvoir en rire juste après. Et ça pour moi c'est un élément culturel qu'on cultive pas mal dans notre société et dans laquelle j'ai vraiment envie de m'engager plus. Pour moi c'est un élément culturel qui est aussi issu des peuples natifs, parmi tous les éléments culturels qu'ils peuvent avoir sans idéaliser ces peuples-là, mais simplement en étant pragmatiques et en voyant quels éléments culturels ils ont eux dans leur culture qui leur permettent de… d'être pleinement réalisés, de faire communauté dans la paix, d'être connectés à leur environnement. Il y a quand même plein de choses à réapprendre de ces peuples natifs. Et un des éléments culturels, tu vois, quand il y a un événement traumatisant qui se passe dans la journée pour une des personnes du groupe, le soir, tu vois, il y a une veillée et on reprend cet élément traumatisant avec humour. Donc, il y a des personnes qui vont jouer, qui vont rejouer cet élément-là. pour que la personne qui a vécu ce traumatisme, à la fin, au début, elle rit jaune de cet humour-là. Et puis à la fin, on enfonce le clou de l'humour jusqu'à ce qu'on rit vraiment de bon cœur et que ça y est, il y a un truc qui s'est décristallisé à l'intérieur de notre corps, de ce traumatisme-là. Et moi, je vois bien que quand je me réveille le matin, que je vois que j'entends à la radio cet homme qui décrit qu'il a vu mourir des gens dans leur voiture, au pied de son immeuble, dans ces inondations à Valence et qu'il n'a rien pu faire. évidemment, ça me donne envie de pleurer. Je sens que ça cristallise un truc à l'intérieur de moi, ça me serre le cœur. Et je vois bien que la seule chose que je peux faire, c'est pleurer. Et puis après, c'est de rire. C'est-à-dire, j'aimerais qu'il y ait quelqu'un qui vienne ce soir à l'Avelier, et qui me raconte cette histoire dix fois, d'une manière drôle, pour qu'à la fin, j'arrive à en rire, et ça y est, c'est passé. Et pour moi, là, il y a une vraie clé. de résilience individuelle et collective, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, quand je t'entends, je me dis que cette envie d'agir, qu'on est nombreux à avoir, puisqu'on a toutes les informations depuis les années 70 et avant, et qu'on aurait pu agir à ce moment-là. En plus, on avait les organisations qu'il fallait. Là, je suis en train de lire le petit livre Perdre la terre qui est prenant à ce niveau-là. Donc, on avait toutes les informations, on avait toutes les possibilités d'action, on avait déjà les organisations qu'il fallait, et on n'a rien fait. Donc là, on se dit que ça fait 40 ans qu'on n'a rien fait, alors qu'on aurait dû agir. Donc on est nombreux à avoir cette urgence en nous, à se dire qu'il faut agir. Il y en a qui disent qu'il faut y aller avec violence, parce que la non-violence, ça n'a pas marché. Donc il faut y aller d'une manière brutale, parce que les autres, les antagonismes sont brutaux. Je ne suis pas convaincue de ça, je ne suis pas à l'aise avec cette idée. Et en t'écoutant, je me dis que le problème, c'est que ça va aller lentement, parce qu'il faut faire toute cette traversée que tu as faite, qu'on est plusieurs à avoir fait. Et seulement là, quand on sait aussi déposséder de ces attributs, de ces statuts dont tu parlais tout à l'heure, On peut se dire, j'ai besoin de beaucoup moins. On peut passer du jour au lendemain de directeur d'une équipe à maraîcher. Ça ne changera pas qui on est. Il faut avoir fait un certain chemin avant d'en arriver là. Et on ne peut pas obliger les gens à faire ce chemin-là plus vite que nous, autrement qu'à leur rythme à eux.

  • Speaker #0

    Oui, oui, en fait, ça c'est… Tu vois, quand je me suis dit comment je peux aider maintenant, particulièrement en entreprise, tu vois, comment je peux proposer mes ateliers, voilà. comme la marche du temps profond, comme des choses comme ça qui permettent de changer de regard sur ce qui est en train de se passer de manière à la fois douce et à la fois quand même hyper impactante, sans culpabilisation, mais quand même, voilà, on y va, on dit les choses franchement. J'ai bien vu qu'effectivement, si les personnes en face ne voient pas le problème, c'est difficile de leur dire, mais tenez, on va regarder ensemble le problème, mais ça ne colle pas parce qu'elles ne voient pas le problème, donc elles n'ont pas envie de regarder un problème qu'elles ne voient pas. Au début, ça m'a beaucoup perturbée. Je me suis dit, mais attends, par quelle porte on rentre du coup ? Donc, j'en suis revenue à proposer mes choses plutôt sous l'angle, aujourd'hui, je propose mes choses plutôt sous l'angle de la cohésion d'équipe, ce qui est pour moi une sorte de rétrogradation assez forte de mon ambition initiale. Mais j'ai réalisé qu'en fait, j'avais plus d'impact en rentrant par une petite porte. qui est l'air de rien, venez, on va marcher en forêt, c'est juste pour passer un bon moment. Et là, je sème des graines et plac, tu vois, je peux prendre les gens l'air de rien au passage et en retourner quelques-uns. Et j'ai l'impression que j'ai besoin de finter aujourd'hui pour arriver à faire ça. Et ça, c'est la première chose, sur la rapidité des choses. Moi, j'ai eu l'impression que mon chemin, effectivement, il était long et en même temps, je... Je ne suis pas non plus convaincue que tout le monde a besoin de passer par un chemin aussi long. J'ai cet espoir que, pour certains, ça prend une seconde. J'exagère un peu parce que la déconstruction, elle est quand même musclée. Mais moi, j'y crois quand même pas mal à cette idée du point de bascule. C'est-à-dire que pour les premiers, c'est long, c'est fastidieux.

  • Speaker #1

    Oui, après, on dit à la fois.

  • Speaker #0

    À un moment, il y a des gens pour qui ça t'a pris 10 ans et pour quelqu'un, ça va lui prendre une minute.

  • Speaker #1

    Puis on voit globalement que les choses par lesquelles on passe, c'est des accélérateurs pour les autres. Il y a quelque chose après qui, effectivement, devient dans l'air. Donc, c'est bien possible. Et c'est vrai aussi que les graines qu'on sème, comme tu dis, on ne sait pas quand elles vont prendre. Moi, je me souviens en écho à ce que tu dis, la toute première action de coaching que j'ai faite, à un moment donné où j'avais pas mal été engagée. contre les violences faites aux enfants, je m'étais dit à un moment donné, il faut que je retourne en entreprise, puisque c'est aussi là qu'est le secret, puisque les gens défoulent sur leurs enfants des choses qu'ils ont vécues en entreprise. Et donc, quand je suis réintervenue, une des premières actions que j'ai fait en entreprise, il y a une femme qui est arrivée le matin en disant, ouais, moi, ces trucs sur la non-violence, etc., ça me saoule, c'est des conneries. Je lui ai dit, c'est vrai que très souvent, on utilise les mots quand les choses n'existent pas. Voyez un peu, si ça vous dit, restez là une heure ou deux, et puis si ça ne vous plaît pas, vous partez, il n'y a aucun problème. Elle est évidemment restée toute la journée, elle pleurait le soir. Elle m'a appelée dix jours après en me disant je ne suis plus la même mère avec mes enfants Aucun moment, je n'ai parlé de parentalité dans cette journée. J'avais ça en moi, mais à aucun moment, j'ai dit ces mots-là. Et qu'elle m'appelle dix jours après en me disant je ne suis plus la même mère avec mes enfants et puis en m'expliquant ce qui s'était passé pour elle, je me suis dit mais en fait, elle a réalisé mon rêve Et j'ai trouvé ça fabuleux. On ne pouvait pas me faire un plus grand compliment. Et donc, on peut avoir effectivement un impact très fort par des actions qui paraissent extrêmement petites et en laissant toujours les gens, enfin en tout cas pour moi, pleinement libres de faire comme ils veulent.

  • Speaker #0

    Exactement. Et tu vois, c'est un des ateliers que je préfère aujourd'hui, c'est la marge du temps profond. à raconter l'histoire de la Terre en marchant, en transformant le temps de 4,6 milliards d'années d'évolution de vie sur Terre en 4,6 kilomètres. C'est l'air de rien, c'est raconter une histoire, ça se raccroche à beaucoup de choses scientifiques, donc c'est très rassurant pour notre cerveau qui a besoin de se raccrocher à des choses connues. Et en même temps, on vit plein d'autres choses dans cette marche-là que tu connais, où il y a quand même beaucoup de connexions. entre les participants. Et tout ça, c'est l'air de rien. Et c'est vrai que moi, j'ai vécu ce que tu décris là, où on part pour trois heures ou quatre heures de marche, qui est toute simple, c'est une activité tellement simple. Et les gens ressortent de là, pour certains, ça me témoigne, après, qu'il y a eu un avant et un après dans leur vie, de prise de conscience, et c'est des prises de conscience très personnelles, chacun y trouve sa propre résonance. Pour moi, c'est ça le plus puissant. C'est tendre une perche qui va être attrapée à n'importe quel endroit, à des endroits inattendus, en douceur. Ça n'empêche pas que moi, à l'intérieur, je reste, comme ce matin, complètement révoltée et qu'il y a des jours où j'aurais envie d'attraper tout le monde par les cheveux et de secouer tout le monde. Mais j'ai encore ce truc-là en moi régulièrement. Mais je vois bien que le plus réaliste et le plus efficace, c'est d'y aller avec quelque chose qui donne envie et qui déclenche aussi de l'émerveillement. Raconter l'histoire du vivant, je trouve que ça déclenche beaucoup d'émerveillement. Ça remet en lien aussi. La gratitude et l'émerveillement, c'est vraiment la bouée qui permet d'accepter de se lancer dans le grand bain. pour accepter la contrepartie qui est l'horreur de ce qui est en train de se passer. Moi, je termine toujours la marche du temps profond. Évidemment, on se prend une grosse claque à la fin quand on voit l'accélération créée par l'humain aujourd'hui. Mais j'aime bien rappeler ces deux côtés de la pièce pour voir qu'on est vraiment une espèce extrêmement puissante, à la fois dans ce qu'on peut faire de pire et de meilleur. Il y a vraiment les deux et on a besoin de rappeler ces deux choses-là. pour accepter d'aller dans le pire, de voir le pire en face, il faut aussi se raccrocher à la beauté du monde.

  • Speaker #1

    Ça nous fait une très belle conclusion. On arrive à la fin de notre épisode, de notre interview. Est-ce qu'il y a quelque chose d'autre que tu aimerais dire, que tu n'as pas encore pu dire ?

  • Speaker #0

    Non, je crois que j'ai fait le tour de la question. Je te remercie Gaëlle. C'était vraiment agréable d'échanger avec toi.

  • Speaker #1

    C'était un plaisir vraiment partagé. On se reverra bientôt et puis on pourra faire d'autres épisodes ensemble. Il y a plein d'autres choses que tu as à partager.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi. Merci beaucoup, voilà.

  • Speaker #1

    Si vous voulez en savoir davantage sur Sandrine Laplace, si vous voulez la contacter, si vous voulez participer aux ateliers qu'elle anime, vous pourrez trouver toutes les informations dans la description de cet épisode. Ce podcast n'est pas seulement le mien, c'est aussi le vôtre, c'est le nôtre. Si vous voulez contribuer, intervenir, proposer, contactez-moi. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le autour de vous, mettez des étoiles pour le noter et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains. A très bientôt !

  • Speaker #0

    Femme canfagolée

Description

🎤Aujourd’hui, je vous invite à rencontrer Sandrine Laplace pour parler de la place des chercheurs, des scientifiques dans la transition écologique. Comment peuvent-ils nous aider à agir pour protéger le vivant, la biodiversité, à vivre de façon bien plus écologique ?

🌏️Sandrine Laplace a été chargée de recherche en physique des particules. Elle a, entre autres, travaillé au CERN, à Genève. Elle a contribué à la découverte du Boson de Higgs. Puis, poussée par le constat que la planète brûle et que son travail de scientifique ne suffisait pas à changer quoi que ce soit, elle a démissionné, cofondé un éco-lieu, créé des ateliers pour changer de regard sur le monde et mieux agir.

🫧Vous verrez, c’est une conversation intime, dans laquelle Sandrine a accepté de partager son cheminement avec énormément d’humanité, d’humilité, en lien avec l’humus, la terre.

🎧️Bonne écoute !

🎵🎶Musique : Tella, Amel Brahim Djelloul, 2083, Grand Corps Malade, Vivre, Michel Berger, avec l’autorisation de la SACEM.

🔎Comme tous les autres, cet épisode est disponible gratuitement sur toutes les plateformes de podcast, sur entrelacs.org et sur YouTube.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Soyez toutes et tous les bienvenus sur Entre-Las, le podcast qui utilise les liens pour réconcilier les humains avec les vivants en eux, autour d'eux, qu'ils soient humains ou non-humains. Si les ressources terrestres sont limitées, il existe cependant des espaces sans limites, une immensité à portée de cœur et de main. L'infinie richesse est dans nos liens. C'est cette richesse-là, cette immensité-là que j'ai envie de révéler et de partager avec vous. Bonjour Sandrine, je te remercie beaucoup d'être avec nous sur le podcast Entre-Las aujourd'hui. On va discuter ensemble de comment est-ce que la recherche peut avoir de l'impact et comment tu peux passer de la recherche à d'autres formes d'action pour avoir plus d'impact sur les choses qui étaient importantes pour toi. Avant qu'on se lance dans le détail et le global de tous ces beaux sujets, est-ce que tu veux te présenter d'une manière qu'on fasse tous connaissance ?

  • Speaker #1

    Oui, et bien bonjour Gaëlle et merci pour ton invitation. Me présenter, alors je suis donc Sandrine Laplace, j'ai 47 ans, je suis maman d'une jeune adolescente de 13 ans et professionnellement parlant, je suis physicienne de formation et j'ai été chercheuse au CNRS pendant 16 ans jusqu'en 2018-2019. Je travaillais dans le domaine de la physique des particules, donc auprès d'un grand accélérateur au CERN à Genève. Et j'ai participé avec des milliers de collègues à la découverte d'une particule qui s'appelle le boson de Higgs, dont on a beaucoup parlé en 2012. Et puis, au fil du temps, j'ai ressenti le besoin de changer de métier pour des tas de raisons. Mais une des raisons principales, c'est vraiment par inquiétude pour le monde, par éco-anxiété. la sensation que la planète brûle et que je ne suis pas au bon endroit pour agir. Et donc, j'ai démissionné du CNRS en 2019 pour partir dans un écolieu de formation. Peut-être qu'on en parlera un petit peu plus en détail après, dans le Jura. C'est une aventure collective qui a duré quatre ans, qui s'est terminée pour des raisons humaines il y a deux ans de ça. Et puis depuis… J'ai créé une association qui s'appelle 7e Génération, au sein de laquelle on propose des ateliers à la fois pour les particuliers et pour les entreprises. Moi, j'aime bien dire pour se retourner le cerveau, pour voir les choses sous un autre angle vis-à-vis de la situation environnementale. Voilà, donc c'est ce que je fais aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Alors effectivement, tu as fait cette bifurcation. Ça m'intéresse beaucoup de savoir... Comment tu as fait cette bise sur Casson ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé en toi ? Si je comprends bien, tu faisais de la recherche qui te révélait un certain nombre de choses. Et puis, qu'est-ce qui s'est passé ? Raconte-nous. Oui,

  • Speaker #1

    eh bien, ça remonte peut-être même encore avant ça, peut-être pour donner, je pense, la source de ce qui a décidé ça à un moment dans ma vie. Moi, je crois que j'ai assez rapidement, dans l'adolescence, au moment où on se construit pour devenir adulte et qu'on cherche un peu sa place dans le monde, Moi, je suis tout de suite tombée dans des grandes questions métaphysiques, en regardant les étoiles et en me disant Mon Dieu, on est tellement petit dans cet univers, et moi-même, je suis tellement petite sur cette planète, et du coup, ça rime à quoi tout ça ? Et je crois que cette question-là de Qu'est-ce qu'on fait là, au tréfonds de l'univers, et qu'est-ce que moi, je fais là sur cette planète ? elle m'a habitée très tôt, et je suis devenue scientifique, je pense, pour essayer d'avoir des réponses par la science. de comment ça marche tout ça. Et donc, je suis allée dans un domaine scientifique qui était vraiment de la physique fondamentale. J'étudiais l'infiniment petit, qui est en fait très lié à l'infiniment grand. C'est en fait étudier les mêmes choses sous un angle différent. Mais c'est très rapporté à, finalement, l'univers et comment ça fonctionne. Et pendant toutes ces années de recherche, j'ai adoré ça parce que j'ai vraiment plongé Tu vois, mon domaine de recherche, c'était très lié à la mécanique quantique, par exemple, où c'est une façon de réfléchir qui est complètement différente de la façon qu'on peut avoir dans notre quotidien, avec des choses qui sont complètement contre-intuitives, des choses qui sont paradoxales. Et ça, ça venait vraiment nourrir ma réflexion de comment ça marche le monde. Et en même temps, j'ai petit à petit pris conscience aussi de ce qui était en train de se passer dans le monde. Donc au début, c'était assez doux. C'est-à-dire que je me suis rendue compte que ce que je mettais dans mon caddie, ce n'était pas top ni pour moi ni pour la planète. Donc je me suis mise à acheter bio, à faire du zéro déchet, à fabriquer mes propres produits de beauté plutôt que de les acheter tout fait, des choses comme ça. Mais au fur et à mesure que je... que je rentrais dans ce Ausha, de me poser des questions très concrètes sur comment fonctionne notre monde, pas à l'échelle des particules ni de l'univers, mais vraiment notre monde d'humains. Je suis de plus en plus tombée de ma chaise, en fait, en soulevant le tapis et en voyant la quantité de poussière qu'il y avait là-dessous, que je n'avais pas vue jusqu'ici. Et au fil des années, c'est devenu hyper inquiétant. J'ai vraiment... Je suis devenue... hyper éco-anxieuse, en fait, de réaliser, surtout qu'avec mon approche scientifique, je pense que je comprenais particulièrement vite la profondeur du truc, c'est-à-dire vraiment à quel point c'est la merde. Et donc, il y a un moment où j'ai eu cette dissonance que beaucoup de gens connaissent, où je me lève le matin pour aller faire quelque chose qui, certes, me passionne, mais qui, en fait, ne contribue en rien à... à la situation que j'observe par ailleurs, qui est la planète est en train de cramer. Donc à un moment, ça n'a plus fait de sens. Et puis j'en parlais à mes amis, à mes collègues, à ma famille, et tout le monde haussait les épaules en disant ça va, c'est pas si pire Donc je ne me sentais pas du tout entourée de personnes qui comprenaient ce que j'étais en train de vivre. Oui,

  • Speaker #0

    c'est pas comme si tu avais bossé dans une industrie qui était délétère. Pour eux, tu n'es pas en train de détruire, donc c'était moins grave peut-être.

  • Speaker #1

    Oui, je n'avais pas une activité si destructrice que ça, effectivement. Quoique le domaine de science dans lequel je travaillais est assez énergivore quand même. L'accélérateur de particules à Genève est une grosse machine qui mobilise quand même beaucoup d'énergie. Je ne peux pas dire que j'étais dans une entreprise... très polluante, mais je n'étais pas non plus dans une activité très douce pour la planète. Mais ce n'est pas tant mon activité qui était le problème, c'était le problème au sens où je n'avais simplement pas la main sur ce qui était en train de se passer. Et à l'époque, ce n'était pas du tout encore commun que les scientifiques prennent la parole, comme ça peut être aujourd'hui. Donc moi, je me sentais juste seule avec mon angoisse et donc j'avais besoin d'agir. C'est assez classique quand on est… éco-anxieux que la clé c'est quand même de reprendre un certain pouvoir à travers l'action. Donc à un moment, c'est devenu insupportable de continuer à vivre mon quotidien sans changer quelque chose. Et c'est ça qui a enclenché ce changement radical.

  • Speaker #0

    Et alors qu'est-ce que tu as fait à ce moment-là ? Tu as osé démissionner, qui n'était pas rien j'imagine au bout d'un certain nombre d'années.

  • Speaker #1

    En effet, ce qui s'est présenté à moi, c'est les hasards de la vie. On fait qu'un jour, je pense que j'étais mûre à tout point de vue, c'est-à-dire que ça devenait suffisamment insupportable dans mon quotidien pour que j'aie mes antennes dirigées vers ce que je vais pouvoir faire d'autre dans ce monde pour me sentir un petit peu plus utile vis-à-vis de cette situation. Et un jour, mes antennes ont détecté un projet de tiers-lieu qui était en train de se monter dans le Jura. Donc moi j'habitais Paris mais j'allais très régulièrement à Genève, donc je faisais souvent ce trajet avec un TGV qui passait au pied du Jura, en particulier du plateau de Rotor qui est à une heure de Genève, mais en France. Et il y a un certain nombre de personnes que je ne connaissais pas, que j'ai rencontrées par hasard, qui étaient en train de monter un écolieu. Ça a vraiment été hyper intuitif en moi. C'est-à-dire, j'avais comme des petites antennes déployées et là, mes antennes, elles ont fait zzzz avec ce truc-là en me disant ok, c'est là qu'il faut que j'aille Ce n'était pas raisonnable, c'était complètement intuitif en fait. Ça venait répondre en fait… Il y avait deux mots qui étaient super importants pour moi à l'époque. Je me souviens, avant de bouger du CNRS, il y avait deux mots qui tournaient en boucle dans ma tête. Le premier mot, c'était communauté C'est-à-dire, j'avais envie de faire des choses avec d'autres personnes avec qui je pouvais parler de ça. sans filtre et je me sentirais en connivence et entendue en tout cas sur ces sujets qui me préoccupaient. Et puis le deuxième mot, c'était nature. C'était vraiment... Pourtant, je passais beaucoup de temps en nature déjà. J'avais plein d'activités de loisirs. de pleine nature, mais j'avais l'intuition qu'il y avait quelque chose d'autre à faire en lien avec le vivant que je n'avais pas encore rencontré. Je ne savais pas trop ce que c'était, mais j'avais cette intuition-là. Et donc ce projet d'écolieux Ausha ces deux cases-là. C'était un projet en collectif avec un mode de gouvernance partagée, de coopération. Et puis c'était un lieu en pleine nature. avec clairement une dimension de nature sauvage autour hyper chouette et la raison d'être du lieu était très liée à se relier à notre paysage et aux vivants qui étaient autour de nous. Donc ça a fait bingo dans ma tête et j'ai mis un an pour quitter le CNRS. J'étais à mi-temps au CNRS et à mi-temps sur cet écolieu. pendant une année pour terminer les dossiers du CNRS proprement, pour m'organiser au niveau familial, à tous les niveaux. Et puis un an plus tard, j'avais démissionné du CNRS, ce qui était effectivement assez radical. Il y a peu de gens qui expérimentent autre chose au CNRS, et généralement les gens font ça en se mettant en disponibilité, c'est-à-dire en gardant toujours la porte ouverte de pouvoir reprendre leur métier à un moment. Et moi, j'ai eu besoin de se faire ce pas radical de vraiment démissionner. Parce qu'en fait, j'en avais un petit peu marre que mes collègues me disent Bah, quand t'auras fini de faire joujou pendant un an ou deux avec tes trucs écolos, tu reviendras. Et en fait, j'en avais tellement marre qu'on me dise ça qu'à un moment, je me suis dit Bah non, pour moi, c'est un aller sans retour. Et j'ai carrément démissionné.

  • Speaker #0

    On va déjà parler des actions que tu as entreprises pour avoir cet impact. Et puis après, j'aimerais bien aussi que tu nous racontes l'histoire que tu as vécue avec ton écolieu. Ce que j'ai compris aussi, c'est que... Pendant que tu faisais de la recherche, et peut-être ça a fait le lien avec l'action, tu faisais de la recherche, mais tu faisais aussi un peu de vulgarisation et de prise de parole. Tu as fait quelques émissions, je crois, avec Hubert Reeves, avec Étienne Klein, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, alors effectivement, ça a toujours été important pour moi que la science se relie à la société, justement. Parce que comme pour moi, le fait que je devienne scientifique, ça partait vraiment de ces questions. métaphysique dont je t'ai parlé au début, de voilà qu'est-ce qu'on fait là. J'avais besoin que ce que je faisais dans mon laboratoire, ça puisse se raccrocher à ces questions-là. Et la meilleure façon de raccrocher mes sujets de recherche à ces grandes questions de société, c'était du coup de parler de ma recherche au grand public, d'essayer d'expliquer ce que je faisais, pour qu'en retour on me pose des questions qui viennent un peu challenger. ce que je faisais, c'est-à-dire ça sert à quoi le boson de Higgs ? Quelle implication philosophique ça peut avoir ? Et donc moi, j'adorais ce contact-là de vulgarisation, de tenter d'expliquer ces choses-là, justement parce que ça m'obligeait à réfléchir aux conséquences sociétales de notre recherche. Et effectivement, j'ai eu la chance, comme on a fait une grande découverte au CERM en 2012 de cette particule du boson de Higgs, j'ai eu la chance d'être beaucoup sollicitée dès qu'on commence à mettre un petit peu le... le doigt dans l'engrenage de la communication. Après, j'ai vraiment été prise dans ce flot d'être régulièrement invitée à la radio ou dans des conférences aux côtés d'autres scientifiques extraordinaires, comme Étienne Klein ou Hubert Reeves ou tant d'autres. Et ça, ça m'a profondément nourrie parce que ça m'a vraiment permis de dézoomer. Quand on est chercheur, on est quand même pas mal le nez dans le guidon. C'est hyper technique ce qu'on fait. Donc, ça m'a permis de dézoomer et de réfléchir aux implications profondes de tout ça. Et je pense que ça a contribué, je me suis retrouvée à cette époque-là aussi, à faire des choses en lien avec les arts. J'ai été sollicitée à l'époque par Marie-Odile Monchicourt, qui était une journaliste scientifique. qui a fait beaucoup de chroniques sur France Culture par exemple, et qui a monté un projet qui s'appelait les Laborigines à l'époque, qui rassemblait tout un panel de scientifiques et d'artistes pour réfléchir à nos origines. Alors il y a plein d'origines dont on peut parler, il y a l'origine de l'univers, l'origine de la matière, l'origine de l'humain, on peut prendre le problème des origines à plein de niveaux différents. Et elle montait des spectacles qui mêlaient les arts et les sciences. Et je me souviens qu'elle m'a fait intervenir dans un spectacle qui parlait du vide quantique et dans lequel elle m'a invité à vraiment sauter dans le vide et décrire qu'est-ce que ça faisait de me retrouver dans le vide quantique. Donc c'était une tentative d'expliquer de manière vraiment émotionnelle et corporelle des notions de physique un peu inaccessibles par ailleurs. et elle se plaît beaucoup à dire, Marie-Odile, aujourd'hui que probablement le fait de m'avoir demandé de sauter dans le vide à cette époque-là ça a sûrement contribué à ce que je saute dans le vide aussi dans ma vie concrètement et je pense qu'elle a réussi ça t'a préparé alors donc,

  • Speaker #0

    tu as fait le saut dans le vide tu as démissionné du CNRS et... Qu'est-ce que tu as tenté ? Qu'est-ce qui a marché ? Qu'est-ce que tu fais aujourd'hui ? Comment est-ce que tu réussis à avoir l'impact que tu cherchais tant à avoir ?

  • Speaker #1

    Il y a eu vraiment des phases. Tu voulais qu'on parle de l'éconu après, mais peut-être que c'est plus logique d'en parler d'abord. Alors,

  • Speaker #0

    tu peux en parler maintenant. Vraiment, comme tu veux.

  • Speaker #1

    Je pense qu'en tout cas, l'un a préparé la suite. L'éconu a préparé la suite. Alors,

  • Speaker #0

    vas-y, dans le sens qu'il y a.

  • Speaker #1

    Voilà. Le sens le plus juste, c'est que pour moi, mon premier mouvement, ça a été de… Ça a été très personnel, j'ai envie de dire égoïste, pas forcément au sens négatif du terme, mais j'ai d'abord besoin de prendre soin de ce qui se passe en moi avant de trouver comment je peux avoir un impact. Et donc, prendre soin de ce qui se passe en moi, ça a été d'ouvrir vraiment cette grande boîte sans fond, qui est la boîte de la peine que ça peut générer de réaliser ce qui est en train de se passer sur la planète. C'est difficile d'aller dans les émotions que ça génère, mais j'ai senti que c'était une étape incontournable, c'est dans laquelle je devais aller. Et là, j'ai rencontré quelque chose que tu connais, qui s'appelle le travail qui relie, qui n'est pas facile à décrire, je trouve, et qui d'ailleurs n'est pas très joli. Le travail qui relie, ce n'est pas un nom qui fait très envie, mais en gros, c'est un processus qui permet de vraiment oser honorer nos peines pour le monde comme une étape incontournable pour pouvoir véritablement changer de regard, changer ces lunettes qu'on peut avoir sur le monde et passer à l'action d'une manière adaptée.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, j'ai fait une lecture qui est l'un des épisodes du podcast. Je mettrai le lien en dessous pour les gens qui veulent avoir un premier extrait, une première impression de ce qui est ce travail de Johanna Massil.

  • Speaker #1

    J'ai rencontré ça dès que je suis arrivée dans cet écolieu. Ça a été une des premières choses que j'ai rencontrées. Ça m'a permis d'exprimer toute ma colère, toute ma tristesse que je pouvais avoir, que j'avais accumulée pendant des années, qui ne trouvait aucune résonance dans mon entourage. De pouvoir enfin l'exprimer avec des personnes qui ressentaient des choses similaires. J'ai trouvé ça extraordinaire comme processus de laisser sortir ces émotions et de faire... résonance avec un groupe d'humains. J'ai trouvé ça extrêmement puissant et j'ai senti que c'était presque une condition préalable à toute action. Donc j'ai commencé par ça. Et c'est sans fin parce que je vois que c'est cyclique. C'est-à-dire que régulièrement j'ai besoin de revenir à ça, j'ai besoin de pleurer à nouveau, j'ai besoin d'exprimer ma colère à nouveau. Et une fois que c'est fait, de l'autre côté de ce gouffre-là, il y a un monde un petit peu nettoyé et un petit peu plus clair de comment agir. Donc, la première chose, ça a été ça, en parallèle de l'organisation de cet écolieu. Et mon mouvement à cette époque-là, ça a été le monde est fou, donc j'ai besoin de me créer une sorte de bulle dans laquelle on sera un peu moins fou C'était un peu ça. Il y avait vraiment de la fuite, moi, dans cet élan-là, la fuite de la société que je trouvais insupportable, dans laquelle je n'arrivais plus à trouver du sens. Donc, il y avait clairement un grand mouvement de fuite. Et toutes ces années d'écolieux, je dis ça parce que ça a été à la fois un salvateur pour moi, puis à la fois, je ne sais pas si c'est le mot erreur, mais en tout cas, ce n'est pas une solution de fuir. Mais c'est ça que j'ai eu besoin de vivre à ce moment-là. Et donc, l'idée, c'est qu'on a construit un projet. qui était quand même ancrée dans son territoire. On était accueillis au sein d'un village, on essayait de faire des choses vraiment en lien avec notre territoire. Et en même temps, c'était quand même une sorte de bulle au sein de laquelle on accueillait des gens qui venaient faire des formations sur des savoirs un peu alternatifs qui nous semblaient aller dans la bonne direction pour construire un monde désirable et soutenable. Donc, mieux se connaître, mieux coopérer les uns avec les autres, mieux... coopérer avec le vivant, on faisait des stages de méditation, de permaculture, de coopération, etc. Et pour moi, ça a été l'occasion de faire tous ces apprentissages-là, parce qu'en fait, principalement, on faisait venir des formateurs sur notre lieu, avec des groupes, et puis du coup, on pouvait, nous aussi, finalement, apprendre de ces formations-là. Pour moi, ces années d'école-lieu, ça a été des années un peu bulles, un peu de déconstruction complète de qui j'étais, qui j'étais quand j'étais plus physicienne. qui j'étais quand je n'étais plus non plus, parce qu'au début j'étais directrice générale du projet, donc c'était encore un titre qui me servait dans mes interactions sociales. Puis à un moment, j'ai même arrêté ça, c'est-à-dire que je suis devenue simple bénévole dans le projet. Et j'avais vraiment envie de savoir qui je suis quand je ne suis plus tous ces titres-là, qui je suis au milieu des autres, qui je suis avec la forêt qui m'entoure. Ça a été l'occasion de passer beaucoup de temps dans la nature à nourrir. Il y a eu cette première partie de communauté, comment on fait communauté ensemble et comment on coopère ensemble pour faire ce projet d'écolieux. Et puis toute la partie de nature qui était nourrie par la redécouverte, la découverte de qu'est-ce que c'est d'être vraiment au milieu de la nature sans simplement la traverser. Tu vois, avant, je faisais des footings dans la nature, je la traversais, je m'en nourrissais, c'était beau. Mais finalement, je l'utilisais comme un terrain de sport, la nature. Et là, j'ai appris à vraiment m'insérer. à l'intérieur de cette nature à y aller en réduisant ma bulle de nuisance, le bruit que je pouvais faire, les mouvements que je pouvais avoir et de réduire ça et puis d'augmenter ma bulle d'attention, c'est-à-dire de vraiment réouvrir tous mes sens, réouvrir mes oreilles à des tas de sons que je n'entendais plus, voir des choses que je ne voyais plus et ça m'a permis de rentrer en contact avec la nature comme je ne l'avais jamais. connues jusqu'ici, de rencontrer des renards, de rencontrer des animaux vraiment d'égal à égal. Ça a été assez bouleversant pour moi.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant ce que tu dis. Je pense que je mettrai un petit extrait musical après pour que chacun puisse méditer là-dessus, parce que c'est tout à fait autre chose d'être dans la nature comme dans un paysage. Je mets juste l'accent, ce n'est pas pour toi, c'est pour les gens qui nous écoutent. C'est tout à fait autre chose que d'être là. L'équivalence, comme tu dis, en s'étant débarrassé de tous ces titres, de tout ce qui fait notre identité, pour voir qui on est en tant que vivant. C'est comme ça que je comprends ce que tu dis. C'est revenir à ce qu'on est au plus simple, à l'essentiel, à l'essence en tant que vivant. Et du coup, être capable de se mettre en lien vraiment profond avec la nature, avec le vivant. Et à ce moment-là, j'ai l'impression que c'est ce que tu as vécu quand on est dans cette qualité de lien-là, quand on n'est plus qui on est dans toute notre identité, dans toute notre apparaît, dans toute la dimension sociale. Mais quand on n'est plus là en tant que vivant, il se passe quelque chose, il se passe une rencontre avec le vivant qui fait qu'on se met à voir. En tout cas, moi, ce qui m'est arrivé, l'expérience que j'ai faite, c'est que je me suis mise à voir autrement. Je me suis mise à voir des choses que je ne voyais pas. C'est comme si les lumières, les couleurs... prenait des tonalités avec à la fois plus d'intensité mais aussi plus de richesse, plus d'avant et d'après que je ne voyais pas, comme des sons que je n'entendais pas avant. Et il y a aussi des rencontres qui se sont faites. Je me souviens d'un moment donné où j'étais avec mes chiens en forêt, un peu comme toi, je cours dans les champs, mais quand j'arrive en forêt, j'ai l'impression d'arriver dans une cathédrale, c'est impossible de courir. Je me suis fait en alerte, en attention. Et il y a un jour, j'étais avec mes chiens et j'ai rencontré un sanglier avec ses petits. Et on s'est tous regardés comme ça un moment. elle n'a pas bougé, elle est restée là, ils sont restés tout proches, alors qu'il y avait des chiens avec moi, on est restés comme ça, je ne sais pas combien de minutes, je n'avais rien pour enregistrer le temps, mais quelques minutes comme ça, et ça paraît complètement étrange qu'un animal sauvage soit resté comme ça en face de chiens, personne ne bougeait, tout le monde se regardait comme ça, avec presque de la compassion et de l'attention, alors que les chiens étaient un petit peu plus qu'elles, mais en tout cas, il aurait pu y avoir de la peur de part et d'autre, il n'y a rien eu de tout ça. Il y a eu une rencontre, et quand la rencontre a eu lieu, quand il s'était dit dans... pas avec des mots ni du bruit en fait, mais il y avait comme quelque chose qui s'est dit quand même. Et quand ça a eu lieu, elle est partie avec ses petits et voilà.

  • Speaker #2

    Je ne te connais pas encore, je suis ton petit-fils. Je t'écris depuis l'année 2083. Te passe ce message afin que ton époque réagisse, ici la planète va mal, il faut absolument que tu me crois. Jakarta, Lagos, New York ont disparu sous la mer, mais aussi Venise, Londres et un tiers des Pays-Bas. Tombouctou et le Nord Mali ensevelissent une baiser, et le fleuve Niger n'a plus une seule goutte d'eau dans ses bras. Les villes côtières qui luttent pour la montée des zones, ont beau construire des diniques, des parages et des murailles, elles ne pèsent pas bien lourd et éclatent vite en morceaux, quand les cyclones et ouragans viennent finir le travail. Dans plusieurs pays d'Afrique et d'Asie du Sud-Est, mais aussi à Athènes, Auker et quelques autres élues. Il fait souvent 60 degrés chaque été par test, où les riches vivent sous l'acclime et les pauvres ne vivent plus.

  • Speaker #1

    Oui, ça me parle de monde. J'ai eu pas mal de rencontres comme ça aussi. Et oui, c'est bouleversant. En fait, ce qui est intéressant, c'est... Là où j'avais avant une idée de certains concepts, comme l'interdépendance qu'on peut avoir avec le vivant, j'avais compris déjà ces concepts-là dans ma tête, mais toutes ces expériences-là, c'est comme si ça avait fait passer ces concepts qui restent quand même théoriques, le lien qu'on peut avoir aux générations futures, quand on parle de quel monde on veut laisser pour les générations futures, c'est des choses qu'on se dit avec des mots dans notre tête, mais en fait, dans notre cœur et dans notre corps, ça représente quoi ? Toutes ces expériences que j'ai vécues pendant ces années d'écolieux, j'ai eu la sensation de faire tomber ces concepts de ma tête à mon corps et d'avoir une compréhension plus corporelle et émotionnelle de ce que ça veut dire, qui est presque indescriptible avec des mots. Et souvent, même quand on en parle, je trouve que c'est vite glissant parce qu'on passe vite pour des personnes un peu perchées, un peu new-age. La rencontre avec la nature, c'est vraiment… C'est l'envers des perchées, c'est tellement bas. En vrai, je trouve que c'est hyper ancré. Mais souvent, quand on en parle, c'est Blanche-Neige est au milieu de ces petits animaux, ces gentillets, mais le monde, ce n'est pas ça. En tout cas, j'ai découvert ça avec surprise. Ça a révolutionné ma vision du monde d'avoir ces contacts-là avec le vivant. Et je me suis rendue compte qu'en en parlant à l'extérieur, c'était souvent inaudible. Je trouvais que c'était incroyable, effectivement. C'est ce grand écart qu'il peut y avoir entre l'expérience directe qu'on peut avoir des choses, qui est en fait irracontable quasiment, et la tentative qu'on peut faire de le raconter et qui est un peu galvaudée aujourd'hui. Quand on parle de connexion au vivant, tout le monde fait ouais, bon ok, moi aussi je suis connectée au vivant Mais ce n'est pas simple. Et c'est un peu au cœur, quand tu parlais après de ce que ça a été, mes modes d'action, comment j'ai essayé d'agir. C'est qu'au début, je me suis dit, en fait, moi, ce que j'ai envie de faire, c'est que les gens vivent ces expériences-là, qu'ils le vivent non pas avec la tête, mais avec leur corps, avec leur cœur. Donc, moi, j'avais envie d'emmener les gens dans la nature, ce que j'ai fait, pas mal, et ça avait vraiment de l'impact. Mais j'ai vu qu'en fait, quand je voulais drainer des personnes à faire ces expériences-là, finalement, j'emmenais des personnes qui étaient déjà convaincues de ce qui était en train de se passer. J'avais l'impression que mon impact, il était finalement assez restreint, parce que... Ces personnes-là, elles avaient déjà cliqué quelque chose dans leur compréhension, dans leur vie, etc. Et moi, je pouvais offrir des espaces qui leur permettaient d'aller plus loin, des espaces où elles pouvaient vivre leurs émotions. Pour moi, c'était super important. Ces cercles de résonance émotionnelle, ça reste quelque chose de super important pour moi. Mais je me suis rendue compte que ça touche 1%, pour ne pas dire 1 pour 1 000, de la population de la France ou de la population même mondiale. Et qu'en fait, le reste… à l'air de s'en fiche, en fait, de tout ça. Et je me suis dit, mais waouh, en fait, c'est merveilleux ce que je suis en train de découvrir, mais je ne peux pas du tout le mettre à l'échelle. Ce n'est pas demain que je vais entraîner tous les Français à aller écouter les oiseaux dans la forêt. Ça ne va juste pas marcher.

  • Speaker #0

    C'est vraiment une question qui est complexe parce qu'effectivement, comme toi, il y a un certain nombre de scientifiques aujourd'hui qui essayent de prendre la parole d'une manière moins mesurée. pouvoir alerter davantage et ça les effets que ça a. Il y a aussi eu des tentatives qui ont été faites comme la convention des entreprises pour le climat qui est une super initiative qui a été faite vraiment, moi je ne l'ai pas suivie, mais dans ce que j'ai compris, dans ce qu'on m'a partagé, qui a été faite vraiment pour mettre en lien tête-coeur-corps avec une gradation, différents ateliers, quelque chose qui me semble extrêmement bien construit. Et les dirigeants que j'ai rencontrés qui l'ont vécu, et c'est ce que m'ont dit aussi d'autres, personnes qui connaissaient des personnes qui avaient vécu cette expérience-là. Ils ont trouvé ça touchant, ça les a remis bouleversés. Mais qu'est-ce qui s'est passé après ? Ils ont continué à aller à l'île Maurice en avion, à aller faire du shopping dans les grandes capitales mondiales, à aller rouler en voiture dans Paris. Enfin, tu vois, pas d'impact. Donc, je voulais juste dire avant que tu poursuives, à quel point c'était compliqué cette question de l'impact. parce qu'il y a l'information, globalement aujourd'hui tout le monde l'a, enfin tous ceux qui veulent l'ont et ceux qui ne l'ont pas ne veulent vraiment pas, on peut dire, peut-être. Et beaucoup de gens sont bouleversés, mais passer du levier des touchés ou bouleversés à vraiment agir concrètement, individuellement, collectivement, au niveau d'un pays, au niveau d'une société, c'est encore autre chose, c'est vraiment pas simple. Donc j'ai d'autant plus envie de t'écouter sur ce que tu as pu faire, mais je trouve que la question est vraiment, vraiment complexe en fait. Cette question du passage à l'acte et encore plus du passage à l'échelle, elle est bigrement compliquée en fait. Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait. Et ce qui s'est passé, tu vois, quand je suis partie dans cet écolieu, je... L'air de rien, dans ma tête, je choisissais le camp du bien. C'est-à-dire, je me suis dit, allez, moi je vais être parmi ceux qui agissent.

  • Speaker #0

    Je vais être dans le camp du bien, de ceux qui auront fait quelque chose. J'étais redevenue maman depuis peu de temps. Quand j'imaginais le monde dans lequel ma fille va vivre, ça me mettait en panique totale et je me disais, je dois agir. Et moi, on ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir agi. Donc, je me suis engagée, entre guillemets, et aujourd'hui, je le décrirais comme dans une croisade pour le bien. Et je me suis rendue compte, en fait, que… En partant en croisade pour le bien, j'avais défini le mal aussi. Dans la catégorie du mal, je mettais plein de choses. Je mettais en premier lieu les entreprises, je mettais les politiciens, je mettais même mes collègues du CNRS qui, eux, n'avaient pas quitté le CNRS. Je mettais beaucoup de choses, en fait, dans le camp du mal J'utilise ce mot fort et sion. Je ne le disais pas aussi fort, mais en tout cas, voilà. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Et... Et puis même, du coup, les gens de ma famille ne me comprenaient pas, mes amis ne me comprenaient pas. Et je me suis rendue compte, au bout d'un certain nombre d'années, qu'en fait, quand on part en croisade pour le bien, on part en guerre quand même. Et on se met à faire des choses qu'on défend. Moi, ce que je veux, c'est vivre en paix, c'est être en lien avec les autres, c'est être en lien d'amour. Mais quand je pars en croisade aussi, aussi noble puisse être la cause, je pars quand même en guerre contre des gens qui ne sont pas dans ma cause. Et donc, ça, ça me fait rentrer dans une sorte d'entre-soi, tu vois, où du coup, ma bulle, c'est devenu tous ceux qui sont dans ma croisade. Et tous les autres, c'est entre guillemets les méchants. Et ça, évidemment, c'est complètement contre-productif. J'ai mis du temps à m'en rendre compte. Au-delà de l'impact, tu vois, c'est vraiment un état d'esprit où, finalement, On fait l'inverse de ce qu'on veut. On commence à définir...

  • Speaker #1

    Et puis en plus, on n'est pas audibles, parce que si on porte ça en soi, quand on va voir des gens qui n'ont pas les mêmes idées, on n'est pas audibles, en fait, ils le sentent.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Donc pendant un certain nombre d'années, j'ai évité d'aller voir des gens qui n'avaient pas les mêmes idées. Et puis au bout d'un moment, je me suis dit... Tu vois, quand je parlais de l'impact tout à l'heure, en me disant que je ne pourrais pas emmener tout le monde écouter les oiseaux dans la forêt, et en plus, au fond de mon cœur, je porte effectivement ce truc de... Les autres ne font pas ce qu'il faut. Et ça, c'est évidemment une posture qui est une des postures à la source de ce qui est en train de se passer. C'est-à-dire qu'on s'accuse mutuellement qui est responsable, qui est coupable, qui fait assez, qui ne fait pas assez. Même à l'intérieur des écolos, en fait, on va encore se battre sur, oui, mais est-ce qu'il faut faire du militantisme ? Est-ce qu'il faut faire de la méditation ? Ou alors, est-ce qu'il faut faire des écoles alternatives ? Ou alors, on trouve encore le moyen de se battre alors qu'on est dans le même…

  • Speaker #1

    Oui, à la pointe de l'économie, mais tu as raison, ça demande une vraie prise de conscience. que d'arrêter ça, en fait. Parce que c'est tellement la société dans laquelle on a grandi, l'éducation qu'on a reçue, le fait d'avoir raison, tout ça, il faut arriver à lâcher tout ça. Et c'est un vrai travail que tu as fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, je me suis rendue compte que là où je pensais être une bonne personne qui faisait le bien, en pratique, dans mon cœur, je portais ces trucs-là de rejet des autres. En pratique, au niveau familial, je me suis organisée d'une manière où je me suis retrouvée à vivre à 500 kilomètres de ma fille pendant plusieurs années. C'est-à-dire, finalement, je faisais cet écolieu pour ma fille, pour lui construire un monde meilleur. Et en fait, en pratique, ce que je faisais, c'était être loin de ma fille et la voir très peu. Donc, le jour où j'ai réalisé qu'en fait, en pensant faire le bien, je faisais aussi beaucoup de mal, d'une certaine manière. Et encore une fois, je fais exprès d'utiliser des mots forts. Évidemment, c'est plus nuancé que ça. Mais en tout cas, un jour, ça m'est tombé dessus. Comme ça que j'ai réalisé qu'en voulant faire le bien, je faisais aussi beaucoup de mal. Et d'un coup, ça a dégonflé un truc en moi de Oh là là, je me suis complètement plantée. En vrai, on est tous capables du pire et du meilleur. En vrai, on est tous quelqu'un à la fois de bon et de mauvais. Et du coup, ça a renversé ma propre perspective sur… sur ce qu'il y a à faire dans le monde. Je me suis rendue compte que ce que j'avais à faire, c'était commencer par me pardonner des affaires que j'avais faites de bancale toutes ces années. Par exemple, pendant toutes ces années, j'ai dit que j'étais loin de ma fille. C'est assez bancal quand même, et j'ai eu du mal à me le pardonner. Dans ce projet de coopération dans l'écolieu, à la fin, ce projet s'est terminé pour des raisons humaines, où on est rentré. comme dans beaucoup de projets collectifs, en fait, en conflit, sur nos valeurs, sur nos visions, etc. Et on a arrêté ce projet-là au bout de quatre ans. Et j'ai réalisé que là où je pensais avoir été super, dans l'esprit de coopération, etc., à la fin, j'ai réalisé qu'en fait, non, j'avais, comme tout le monde, contribué à ce qu'à plein de moments, j'alimente une certaine violence, j'alimente une posture qui n'était pas du tout constructive. Le jour où j'ai réalisé tout ça, J'ai regardé le monde d'une autre manière. Je me suis dit, bon, en fait, là où je pensais que c'est de la faute des politiciens, c'est de la faute des entreprises, c'est de la faute de machin, c'était plus ça, en fait, le point. Et donc, aujourd'hui, mon chemin, il est plutôt dans cette… essayer de dégonfler ce truc-là pour moi-même et autour de moi, parce que c'est tellement d'énergie perdue, en fait, ces énergies de… de s'accuser mutuellement. Et aujourd'hui, j'ai plutôt envie de partir véritablement à la rencontre des autres, véritablement, par exemple, à la rencontre des entreprises et d'essayer de vraiment comprendre comment ça marche, en fait, et de remettre mes lunettes de chercheuse, tu vois, que je pouvais avoir quand je faisais de la science, en me disant, OK, comment ça marche, ce truc-là ? L'entreprise, comment ça marche, vraiment ? Quelles sont les personnes qui y travaillent ? Quels sont leurs contraintes ? Quelles sont leurs ambitions ? Pourquoi ça se passe comme ça ? Et aujourd'hui, c'est plus ça, mon mouvement. et de remettre tout ensemble, c'est-à-dire de remettre à la fois ma casquette de scientifique qui a un certain esprit de synthèse et analytique sur des situations, ma casquette d'écolo limite un peu perchée à certains moments, mais j'assume, qui a une certaine sensibilité, ma casquette d'écolieu, de coopératrice qui a beaucoup appris principalement par les erreurs. Et de mettre tout ça ensemble pour vraiment partir à la rencontre de l'autre et essayer de prendre un petit peu de ce qu'il a à ma portée. Donc, moi, je vois bien qu'en partant à la rencontre des gens en entreprise, j'apprends plein de choses, en fait, sur les actions concrètes qu'on peut mener dans le monde. Là où, moi, je peux avoir tendance à faire des choses un petit peu déconnectées du monde, je vois à quel point les entrepreneurs sont hyper concrets et on a besoin de ça aussi. Et en échange, leur apporter les petites graines que je peux planter. Mais d'une manière où maintenant, je considère qu'on est d'égal à égal. C'est-à-dire que j'ai autant à apprendre d'eux qu'ils ont à apprendre de moi. En fermant les yeux très fort, vibre,

  • Speaker #1

    très beau je sens, j'ai tout vrai le bon chemin, et je me sens mieux dehors, le pire, les fleurs et les animaux. C'est tous un peu ma famille, on est tous partis de rien.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui,

  • Speaker #1

    c'est là que l'échange est possible et qu'il se passe des choses. Et ce que tu dis, cette démarche, ça me fait penser aussi à ce que disait Marshall Rosenberg. Moi, je m'étais formée à la communication non-violente il y a une vingtaine d'années et j'avais été touchée aussi par ce qu'il avait dit quand on... Il a quand même beaucoup agi pour la paix entre Israël et la Palestine, entre autres, etc. Et quand on lui avait dit mais c'est quoi ? Donc vous êtes le plus fier. Qu'est-ce qui a été aussi le plus compliqué ? Je ne sais plus si c'était la première ou la deuxième question, mais je crois que c'était ce qui a été le plus difficile. En tout cas, il avait répondu que ça avait été le travail de paix en lui. C'est un peu ce que je comprends dans ce que tu expliques. Je l'avais aussi partagé, cette idée. Donc, qu'est-ce qui fait qu'on change dans un article et dans un autre épisode ? C'est que je crois que quand on est vraiment avec les autres, comme ils sont sans aucun jugement, sans aucune recherche de quoi que ce soit d'autre que de comprendre avec. avec curiosité la richesse de qui ils sont. Quand on est capable de regarder ce qu'il y a de plus beau en eux, il y a quelque chose qui purifie dans le regard. Et en tout cas, on permet à la personne en face de s'asseoir dans ce qu'elle est, de manière inconditionnelle. Et j'ai été touchée de voir que plein de fois, alors que je cherchais juste rien d'autre qu'être avec les gens et les écouter, et les comprendre vraiment, il s'est passé un retournement. Et le retournement qui ne se produisait pas quand on le cherchait, il se passait là parce que juste les personnes avaient pu être qui elles étaient complètement, se poser en elles. Et à ce moment-là, elles pouvaient se mettre en mouvement. Mais avant, quand elles ne pouvaient pas se poser en elles et qu'elles n'étaient pas comprises comme elles étaient dans toute la richesse de ce qu'elles étaient, elles ne pouvaient pas bouger. Le mouvement était figé. En fait, c'était toujours en défensif. Et ça, c'est quand même quelque chose d'assez étonnant et qui peut se produire, je crois, que quand on est parfaitement sincère. Si on le fait comme une... forme de pratique un peu manipulatoire. Ça ne marche pas parce qu'on n'est pas dans cette ouverture totale à l'autre.

  • Speaker #0

    Je te rejoins dans tout ça. Merci.

  • Speaker #1

    Alors aujourd'hui, qu'est-ce que tu as envie de nous dire encore de ce que tu fais, peut-être une action qui t'a porté particulièrement ou peut-être dont tu es particulièrement fière, quelque chose dont tu aurais envie de nous parler encore ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a une chose dont j'ai envie de parler encore, je crois. Tu vois, cette éco-anxiété, je l'ai encore beaucoup régulièrement. C'est vraiment par vagues. Tu vois, ce matin, je te partageais juste avant qu'on commence l'enregistrement la peine que j'avais avec ce qui s'est passé, des inondations à Valence et comment ça me replonge dans la colère et la tristesse. Et ça, je crois que ce sera éternellement là, à chaque fois que des événements climatiques vont se produire, à chaque fois que ce qu'on a anticipé depuis des années et des années se matérialise vraiment. C'est hyper dur. Et moi, je vois aujourd'hui que pour ne pas sombrer… Là,

  • Speaker #1

    tu pensais notamment à ce qui se passe à Valence en ce moment, dont tu me parlais tout à l'heure en introduction.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Pour ne pas sombrer complètement dans le désespoir, parce que je pense vraiment qu'on va en devant de moments de plus en plus difficiles et de chaos. Je suis persuadée que malheureusement, on n'ira jamais assez vite, vu au rythme où ça va aujourd'hui, pour infléchir la direction dans un temps qui nous permette d'éviter les catastrophes. Elles sont déjà là. Il y a une certaine inertie, même si on arrêtait du jour au lendemain de faire des choses, l'inertie climatique, elle est là. L'inertie de l'extinction des espèces, elle est là aussi. Tout est là et on va forcément en payer les frais dans les prochaines années. Et ça m'attriste vraiment. Je ne sais pas si ma fille, elle va écouter ce podcast, mais j'essaye de ne pas trop être cash avec elle. Mais au fond de mon cœur, c'est sûr que je sais que la fin de ma vie et sa vie à elle va être compliquée. qu'il y aura des guerres, qu'il y aura des maladies, qu'il y aura un tas de choses qui vont être vraiment difficiles à vivre. Donc, pour essayer de ne pas sombrer dans le désespoir avec tout ça, vraiment, ce qui me touche le plus en ce moment, c'est de revenir à de la légèreté régulièrement et à de l'humour et d'arriver à rire de ça. Évidemment que le rire, ça ne va pas changer le cours de l'histoire, mais ça permet juste de supporter ce qui est en train de se passer. Et... et aujourd'hui je vois que c'est ce qui me nourrit le plus les quelques opportunités que j'ai pu avoir de rentrer dans déjà dans pouvoir raconter mon histoire par exemple en pouvant en rire c'est à dire des endroits que j'ai pu évoquer là un peu rapidement mais qui en fait ont été douloureux pour moi de me rendre compte que j'avais fait des choses aussi qui avaient pu faire du mal autour de moi de pouvoir arriver à raconter ça avec humour je vois à quel point c'est transformateur et puis de se mettre ensemble. Tu vois, il n'y a pas longtemps, il y a eu ce festival, c'était le Festival Atmosphère, qui est un festival engagé qui existe depuis plus de 14 ans à Courbevoie, festival de cinéma, d'art et de science, où on s'est mis ensemble à plusieurs scientifiques. Là, j'ai repris ma casquette de scientifique, ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Et on s'est mis ensemble avec une troupe d'impro, d'improvisation théâtrale, et avec Guillaume Meurice qui orchestrait tout ça. Et on a passé deux heures à faire une anticonférence. pour parler science tout en mettant de l'humour. Et même si la base, c'était plutôt parler de... Le thème, c'était le hasard. Donc, c'était pas mal ancré sur la physique, mais aussi l'évolution. Et on a raccroché quand même régulièrement aux thèmes environnementaux. Et je sens que pour moi, il y a une énorme là, personnelle et collective, d'alterner entre des moments de gravité, des moments de profondeur, des moments de peine, et de pouvoir en rire juste après. Et ça pour moi c'est un élément culturel qu'on cultive pas mal dans notre société et dans laquelle j'ai vraiment envie de m'engager plus. Pour moi c'est un élément culturel qui est aussi issu des peuples natifs, parmi tous les éléments culturels qu'ils peuvent avoir sans idéaliser ces peuples-là, mais simplement en étant pragmatiques et en voyant quels éléments culturels ils ont eux dans leur culture qui leur permettent de… d'être pleinement réalisés, de faire communauté dans la paix, d'être connectés à leur environnement. Il y a quand même plein de choses à réapprendre de ces peuples natifs. Et un des éléments culturels, tu vois, quand il y a un événement traumatisant qui se passe dans la journée pour une des personnes du groupe, le soir, tu vois, il y a une veillée et on reprend cet élément traumatisant avec humour. Donc, il y a des personnes qui vont jouer, qui vont rejouer cet élément-là. pour que la personne qui a vécu ce traumatisme, à la fin, au début, elle rit jaune de cet humour-là. Et puis à la fin, on enfonce le clou de l'humour jusqu'à ce qu'on rit vraiment de bon cœur et que ça y est, il y a un truc qui s'est décristallisé à l'intérieur de notre corps, de ce traumatisme-là. Et moi, je vois bien que quand je me réveille le matin, que je vois que j'entends à la radio cet homme qui décrit qu'il a vu mourir des gens dans leur voiture, au pied de son immeuble, dans ces inondations à Valence et qu'il n'a rien pu faire. évidemment, ça me donne envie de pleurer. Je sens que ça cristallise un truc à l'intérieur de moi, ça me serre le cœur. Et je vois bien que la seule chose que je peux faire, c'est pleurer. Et puis après, c'est de rire. C'est-à-dire, j'aimerais qu'il y ait quelqu'un qui vienne ce soir à l'Avelier, et qui me raconte cette histoire dix fois, d'une manière drôle, pour qu'à la fin, j'arrive à en rire, et ça y est, c'est passé. Et pour moi, là, il y a une vraie clé. de résilience individuelle et collective, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, quand je t'entends, je me dis que cette envie d'agir, qu'on est nombreux à avoir, puisqu'on a toutes les informations depuis les années 70 et avant, et qu'on aurait pu agir à ce moment-là. En plus, on avait les organisations qu'il fallait. Là, je suis en train de lire le petit livre Perdre la terre qui est prenant à ce niveau-là. Donc, on avait toutes les informations, on avait toutes les possibilités d'action, on avait déjà les organisations qu'il fallait, et on n'a rien fait. Donc là, on se dit que ça fait 40 ans qu'on n'a rien fait, alors qu'on aurait dû agir. Donc on est nombreux à avoir cette urgence en nous, à se dire qu'il faut agir. Il y en a qui disent qu'il faut y aller avec violence, parce que la non-violence, ça n'a pas marché. Donc il faut y aller d'une manière brutale, parce que les autres, les antagonismes sont brutaux. Je ne suis pas convaincue de ça, je ne suis pas à l'aise avec cette idée. Et en t'écoutant, je me dis que le problème, c'est que ça va aller lentement, parce qu'il faut faire toute cette traversée que tu as faite, qu'on est plusieurs à avoir fait. Et seulement là, quand on sait aussi déposséder de ces attributs, de ces statuts dont tu parlais tout à l'heure, On peut se dire, j'ai besoin de beaucoup moins. On peut passer du jour au lendemain de directeur d'une équipe à maraîcher. Ça ne changera pas qui on est. Il faut avoir fait un certain chemin avant d'en arriver là. Et on ne peut pas obliger les gens à faire ce chemin-là plus vite que nous, autrement qu'à leur rythme à eux.

  • Speaker #0

    Oui, oui, en fait, ça c'est… Tu vois, quand je me suis dit comment je peux aider maintenant, particulièrement en entreprise, tu vois, comment je peux proposer mes ateliers, voilà. comme la marche du temps profond, comme des choses comme ça qui permettent de changer de regard sur ce qui est en train de se passer de manière à la fois douce et à la fois quand même hyper impactante, sans culpabilisation, mais quand même, voilà, on y va, on dit les choses franchement. J'ai bien vu qu'effectivement, si les personnes en face ne voient pas le problème, c'est difficile de leur dire, mais tenez, on va regarder ensemble le problème, mais ça ne colle pas parce qu'elles ne voient pas le problème, donc elles n'ont pas envie de regarder un problème qu'elles ne voient pas. Au début, ça m'a beaucoup perturbée. Je me suis dit, mais attends, par quelle porte on rentre du coup ? Donc, j'en suis revenue à proposer mes choses plutôt sous l'angle, aujourd'hui, je propose mes choses plutôt sous l'angle de la cohésion d'équipe, ce qui est pour moi une sorte de rétrogradation assez forte de mon ambition initiale. Mais j'ai réalisé qu'en fait, j'avais plus d'impact en rentrant par une petite porte. qui est l'air de rien, venez, on va marcher en forêt, c'est juste pour passer un bon moment. Et là, je sème des graines et plac, tu vois, je peux prendre les gens l'air de rien au passage et en retourner quelques-uns. Et j'ai l'impression que j'ai besoin de finter aujourd'hui pour arriver à faire ça. Et ça, c'est la première chose, sur la rapidité des choses. Moi, j'ai eu l'impression que mon chemin, effectivement, il était long et en même temps, je... Je ne suis pas non plus convaincue que tout le monde a besoin de passer par un chemin aussi long. J'ai cet espoir que, pour certains, ça prend une seconde. J'exagère un peu parce que la déconstruction, elle est quand même musclée. Mais moi, j'y crois quand même pas mal à cette idée du point de bascule. C'est-à-dire que pour les premiers, c'est long, c'est fastidieux.

  • Speaker #1

    Oui, après, on dit à la fois.

  • Speaker #0

    À un moment, il y a des gens pour qui ça t'a pris 10 ans et pour quelqu'un, ça va lui prendre une minute.

  • Speaker #1

    Puis on voit globalement que les choses par lesquelles on passe, c'est des accélérateurs pour les autres. Il y a quelque chose après qui, effectivement, devient dans l'air. Donc, c'est bien possible. Et c'est vrai aussi que les graines qu'on sème, comme tu dis, on ne sait pas quand elles vont prendre. Moi, je me souviens en écho à ce que tu dis, la toute première action de coaching que j'ai faite, à un moment donné où j'avais pas mal été engagée. contre les violences faites aux enfants, je m'étais dit à un moment donné, il faut que je retourne en entreprise, puisque c'est aussi là qu'est le secret, puisque les gens défoulent sur leurs enfants des choses qu'ils ont vécues en entreprise. Et donc, quand je suis réintervenue, une des premières actions que j'ai fait en entreprise, il y a une femme qui est arrivée le matin en disant, ouais, moi, ces trucs sur la non-violence, etc., ça me saoule, c'est des conneries. Je lui ai dit, c'est vrai que très souvent, on utilise les mots quand les choses n'existent pas. Voyez un peu, si ça vous dit, restez là une heure ou deux, et puis si ça ne vous plaît pas, vous partez, il n'y a aucun problème. Elle est évidemment restée toute la journée, elle pleurait le soir. Elle m'a appelée dix jours après en me disant je ne suis plus la même mère avec mes enfants Aucun moment, je n'ai parlé de parentalité dans cette journée. J'avais ça en moi, mais à aucun moment, j'ai dit ces mots-là. Et qu'elle m'appelle dix jours après en me disant je ne suis plus la même mère avec mes enfants et puis en m'expliquant ce qui s'était passé pour elle, je me suis dit mais en fait, elle a réalisé mon rêve Et j'ai trouvé ça fabuleux. On ne pouvait pas me faire un plus grand compliment. Et donc, on peut avoir effectivement un impact très fort par des actions qui paraissent extrêmement petites et en laissant toujours les gens, enfin en tout cas pour moi, pleinement libres de faire comme ils veulent.

  • Speaker #0

    Exactement. Et tu vois, c'est un des ateliers que je préfère aujourd'hui, c'est la marge du temps profond. à raconter l'histoire de la Terre en marchant, en transformant le temps de 4,6 milliards d'années d'évolution de vie sur Terre en 4,6 kilomètres. C'est l'air de rien, c'est raconter une histoire, ça se raccroche à beaucoup de choses scientifiques, donc c'est très rassurant pour notre cerveau qui a besoin de se raccrocher à des choses connues. Et en même temps, on vit plein d'autres choses dans cette marche-là que tu connais, où il y a quand même beaucoup de connexions. entre les participants. Et tout ça, c'est l'air de rien. Et c'est vrai que moi, j'ai vécu ce que tu décris là, où on part pour trois heures ou quatre heures de marche, qui est toute simple, c'est une activité tellement simple. Et les gens ressortent de là, pour certains, ça me témoigne, après, qu'il y a eu un avant et un après dans leur vie, de prise de conscience, et c'est des prises de conscience très personnelles, chacun y trouve sa propre résonance. Pour moi, c'est ça le plus puissant. C'est tendre une perche qui va être attrapée à n'importe quel endroit, à des endroits inattendus, en douceur. Ça n'empêche pas que moi, à l'intérieur, je reste, comme ce matin, complètement révoltée et qu'il y a des jours où j'aurais envie d'attraper tout le monde par les cheveux et de secouer tout le monde. Mais j'ai encore ce truc-là en moi régulièrement. Mais je vois bien que le plus réaliste et le plus efficace, c'est d'y aller avec quelque chose qui donne envie et qui déclenche aussi de l'émerveillement. Raconter l'histoire du vivant, je trouve que ça déclenche beaucoup d'émerveillement. Ça remet en lien aussi. La gratitude et l'émerveillement, c'est vraiment la bouée qui permet d'accepter de se lancer dans le grand bain. pour accepter la contrepartie qui est l'horreur de ce qui est en train de se passer. Moi, je termine toujours la marche du temps profond. Évidemment, on se prend une grosse claque à la fin quand on voit l'accélération créée par l'humain aujourd'hui. Mais j'aime bien rappeler ces deux côtés de la pièce pour voir qu'on est vraiment une espèce extrêmement puissante, à la fois dans ce qu'on peut faire de pire et de meilleur. Il y a vraiment les deux et on a besoin de rappeler ces deux choses-là. pour accepter d'aller dans le pire, de voir le pire en face, il faut aussi se raccrocher à la beauté du monde.

  • Speaker #1

    Ça nous fait une très belle conclusion. On arrive à la fin de notre épisode, de notre interview. Est-ce qu'il y a quelque chose d'autre que tu aimerais dire, que tu n'as pas encore pu dire ?

  • Speaker #0

    Non, je crois que j'ai fait le tour de la question. Je te remercie Gaëlle. C'était vraiment agréable d'échanger avec toi.

  • Speaker #1

    C'était un plaisir vraiment partagé. On se reverra bientôt et puis on pourra faire d'autres épisodes ensemble. Il y a plein d'autres choses que tu as à partager.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi. Merci beaucoup, voilà.

  • Speaker #1

    Si vous voulez en savoir davantage sur Sandrine Laplace, si vous voulez la contacter, si vous voulez participer aux ateliers qu'elle anime, vous pourrez trouver toutes les informations dans la description de cet épisode. Ce podcast n'est pas seulement le mien, c'est aussi le vôtre, c'est le nôtre. Si vous voulez contribuer, intervenir, proposer, contactez-moi. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le autour de vous, mettez des étoiles pour le noter et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains. A très bientôt !

  • Speaker #0

    Femme canfagolée

Share

Embed

You may also like

Description

🎤Aujourd’hui, je vous invite à rencontrer Sandrine Laplace pour parler de la place des chercheurs, des scientifiques dans la transition écologique. Comment peuvent-ils nous aider à agir pour protéger le vivant, la biodiversité, à vivre de façon bien plus écologique ?

🌏️Sandrine Laplace a été chargée de recherche en physique des particules. Elle a, entre autres, travaillé au CERN, à Genève. Elle a contribué à la découverte du Boson de Higgs. Puis, poussée par le constat que la planète brûle et que son travail de scientifique ne suffisait pas à changer quoi que ce soit, elle a démissionné, cofondé un éco-lieu, créé des ateliers pour changer de regard sur le monde et mieux agir.

🫧Vous verrez, c’est une conversation intime, dans laquelle Sandrine a accepté de partager son cheminement avec énormément d’humanité, d’humilité, en lien avec l’humus, la terre.

🎧️Bonne écoute !

🎵🎶Musique : Tella, Amel Brahim Djelloul, 2083, Grand Corps Malade, Vivre, Michel Berger, avec l’autorisation de la SACEM.

🔎Comme tous les autres, cet épisode est disponible gratuitement sur toutes les plateformes de podcast, sur entrelacs.org et sur YouTube.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Soyez toutes et tous les bienvenus sur Entre-Las, le podcast qui utilise les liens pour réconcilier les humains avec les vivants en eux, autour d'eux, qu'ils soient humains ou non-humains. Si les ressources terrestres sont limitées, il existe cependant des espaces sans limites, une immensité à portée de cœur et de main. L'infinie richesse est dans nos liens. C'est cette richesse-là, cette immensité-là que j'ai envie de révéler et de partager avec vous. Bonjour Sandrine, je te remercie beaucoup d'être avec nous sur le podcast Entre-Las aujourd'hui. On va discuter ensemble de comment est-ce que la recherche peut avoir de l'impact et comment tu peux passer de la recherche à d'autres formes d'action pour avoir plus d'impact sur les choses qui étaient importantes pour toi. Avant qu'on se lance dans le détail et le global de tous ces beaux sujets, est-ce que tu veux te présenter d'une manière qu'on fasse tous connaissance ?

  • Speaker #1

    Oui, et bien bonjour Gaëlle et merci pour ton invitation. Me présenter, alors je suis donc Sandrine Laplace, j'ai 47 ans, je suis maman d'une jeune adolescente de 13 ans et professionnellement parlant, je suis physicienne de formation et j'ai été chercheuse au CNRS pendant 16 ans jusqu'en 2018-2019. Je travaillais dans le domaine de la physique des particules, donc auprès d'un grand accélérateur au CERN à Genève. Et j'ai participé avec des milliers de collègues à la découverte d'une particule qui s'appelle le boson de Higgs, dont on a beaucoup parlé en 2012. Et puis, au fil du temps, j'ai ressenti le besoin de changer de métier pour des tas de raisons. Mais une des raisons principales, c'est vraiment par inquiétude pour le monde, par éco-anxiété. la sensation que la planète brûle et que je ne suis pas au bon endroit pour agir. Et donc, j'ai démissionné du CNRS en 2019 pour partir dans un écolieu de formation. Peut-être qu'on en parlera un petit peu plus en détail après, dans le Jura. C'est une aventure collective qui a duré quatre ans, qui s'est terminée pour des raisons humaines il y a deux ans de ça. Et puis depuis… J'ai créé une association qui s'appelle 7e Génération, au sein de laquelle on propose des ateliers à la fois pour les particuliers et pour les entreprises. Moi, j'aime bien dire pour se retourner le cerveau, pour voir les choses sous un autre angle vis-à-vis de la situation environnementale. Voilà, donc c'est ce que je fais aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Alors effectivement, tu as fait cette bifurcation. Ça m'intéresse beaucoup de savoir... Comment tu as fait cette bise sur Casson ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé en toi ? Si je comprends bien, tu faisais de la recherche qui te révélait un certain nombre de choses. Et puis, qu'est-ce qui s'est passé ? Raconte-nous. Oui,

  • Speaker #1

    eh bien, ça remonte peut-être même encore avant ça, peut-être pour donner, je pense, la source de ce qui a décidé ça à un moment dans ma vie. Moi, je crois que j'ai assez rapidement, dans l'adolescence, au moment où on se construit pour devenir adulte et qu'on cherche un peu sa place dans le monde, Moi, je suis tout de suite tombée dans des grandes questions métaphysiques, en regardant les étoiles et en me disant Mon Dieu, on est tellement petit dans cet univers, et moi-même, je suis tellement petite sur cette planète, et du coup, ça rime à quoi tout ça ? Et je crois que cette question-là de Qu'est-ce qu'on fait là, au tréfonds de l'univers, et qu'est-ce que moi, je fais là sur cette planète ? elle m'a habitée très tôt, et je suis devenue scientifique, je pense, pour essayer d'avoir des réponses par la science. de comment ça marche tout ça. Et donc, je suis allée dans un domaine scientifique qui était vraiment de la physique fondamentale. J'étudiais l'infiniment petit, qui est en fait très lié à l'infiniment grand. C'est en fait étudier les mêmes choses sous un angle différent. Mais c'est très rapporté à, finalement, l'univers et comment ça fonctionne. Et pendant toutes ces années de recherche, j'ai adoré ça parce que j'ai vraiment plongé Tu vois, mon domaine de recherche, c'était très lié à la mécanique quantique, par exemple, où c'est une façon de réfléchir qui est complètement différente de la façon qu'on peut avoir dans notre quotidien, avec des choses qui sont complètement contre-intuitives, des choses qui sont paradoxales. Et ça, ça venait vraiment nourrir ma réflexion de comment ça marche le monde. Et en même temps, j'ai petit à petit pris conscience aussi de ce qui était en train de se passer dans le monde. Donc au début, c'était assez doux. C'est-à-dire que je me suis rendue compte que ce que je mettais dans mon caddie, ce n'était pas top ni pour moi ni pour la planète. Donc je me suis mise à acheter bio, à faire du zéro déchet, à fabriquer mes propres produits de beauté plutôt que de les acheter tout fait, des choses comme ça. Mais au fur et à mesure que je... que je rentrais dans ce Ausha, de me poser des questions très concrètes sur comment fonctionne notre monde, pas à l'échelle des particules ni de l'univers, mais vraiment notre monde d'humains. Je suis de plus en plus tombée de ma chaise, en fait, en soulevant le tapis et en voyant la quantité de poussière qu'il y avait là-dessous, que je n'avais pas vue jusqu'ici. Et au fil des années, c'est devenu hyper inquiétant. J'ai vraiment... Je suis devenue... hyper éco-anxieuse, en fait, de réaliser, surtout qu'avec mon approche scientifique, je pense que je comprenais particulièrement vite la profondeur du truc, c'est-à-dire vraiment à quel point c'est la merde. Et donc, il y a un moment où j'ai eu cette dissonance que beaucoup de gens connaissent, où je me lève le matin pour aller faire quelque chose qui, certes, me passionne, mais qui, en fait, ne contribue en rien à... à la situation que j'observe par ailleurs, qui est la planète est en train de cramer. Donc à un moment, ça n'a plus fait de sens. Et puis j'en parlais à mes amis, à mes collègues, à ma famille, et tout le monde haussait les épaules en disant ça va, c'est pas si pire Donc je ne me sentais pas du tout entourée de personnes qui comprenaient ce que j'étais en train de vivre. Oui,

  • Speaker #0

    c'est pas comme si tu avais bossé dans une industrie qui était délétère. Pour eux, tu n'es pas en train de détruire, donc c'était moins grave peut-être.

  • Speaker #1

    Oui, je n'avais pas une activité si destructrice que ça, effectivement. Quoique le domaine de science dans lequel je travaillais est assez énergivore quand même. L'accélérateur de particules à Genève est une grosse machine qui mobilise quand même beaucoup d'énergie. Je ne peux pas dire que j'étais dans une entreprise... très polluante, mais je n'étais pas non plus dans une activité très douce pour la planète. Mais ce n'est pas tant mon activité qui était le problème, c'était le problème au sens où je n'avais simplement pas la main sur ce qui était en train de se passer. Et à l'époque, ce n'était pas du tout encore commun que les scientifiques prennent la parole, comme ça peut être aujourd'hui. Donc moi, je me sentais juste seule avec mon angoisse et donc j'avais besoin d'agir. C'est assez classique quand on est… éco-anxieux que la clé c'est quand même de reprendre un certain pouvoir à travers l'action. Donc à un moment, c'est devenu insupportable de continuer à vivre mon quotidien sans changer quelque chose. Et c'est ça qui a enclenché ce changement radical.

  • Speaker #0

    Et alors qu'est-ce que tu as fait à ce moment-là ? Tu as osé démissionner, qui n'était pas rien j'imagine au bout d'un certain nombre d'années.

  • Speaker #1

    En effet, ce qui s'est présenté à moi, c'est les hasards de la vie. On fait qu'un jour, je pense que j'étais mûre à tout point de vue, c'est-à-dire que ça devenait suffisamment insupportable dans mon quotidien pour que j'aie mes antennes dirigées vers ce que je vais pouvoir faire d'autre dans ce monde pour me sentir un petit peu plus utile vis-à-vis de cette situation. Et un jour, mes antennes ont détecté un projet de tiers-lieu qui était en train de se monter dans le Jura. Donc moi j'habitais Paris mais j'allais très régulièrement à Genève, donc je faisais souvent ce trajet avec un TGV qui passait au pied du Jura, en particulier du plateau de Rotor qui est à une heure de Genève, mais en France. Et il y a un certain nombre de personnes que je ne connaissais pas, que j'ai rencontrées par hasard, qui étaient en train de monter un écolieu. Ça a vraiment été hyper intuitif en moi. C'est-à-dire, j'avais comme des petites antennes déployées et là, mes antennes, elles ont fait zzzz avec ce truc-là en me disant ok, c'est là qu'il faut que j'aille Ce n'était pas raisonnable, c'était complètement intuitif en fait. Ça venait répondre en fait… Il y avait deux mots qui étaient super importants pour moi à l'époque. Je me souviens, avant de bouger du CNRS, il y avait deux mots qui tournaient en boucle dans ma tête. Le premier mot, c'était communauté C'est-à-dire, j'avais envie de faire des choses avec d'autres personnes avec qui je pouvais parler de ça. sans filtre et je me sentirais en connivence et entendue en tout cas sur ces sujets qui me préoccupaient. Et puis le deuxième mot, c'était nature. C'était vraiment... Pourtant, je passais beaucoup de temps en nature déjà. J'avais plein d'activités de loisirs. de pleine nature, mais j'avais l'intuition qu'il y avait quelque chose d'autre à faire en lien avec le vivant que je n'avais pas encore rencontré. Je ne savais pas trop ce que c'était, mais j'avais cette intuition-là. Et donc ce projet d'écolieux Ausha ces deux cases-là. C'était un projet en collectif avec un mode de gouvernance partagée, de coopération. Et puis c'était un lieu en pleine nature. avec clairement une dimension de nature sauvage autour hyper chouette et la raison d'être du lieu était très liée à se relier à notre paysage et aux vivants qui étaient autour de nous. Donc ça a fait bingo dans ma tête et j'ai mis un an pour quitter le CNRS. J'étais à mi-temps au CNRS et à mi-temps sur cet écolieu. pendant une année pour terminer les dossiers du CNRS proprement, pour m'organiser au niveau familial, à tous les niveaux. Et puis un an plus tard, j'avais démissionné du CNRS, ce qui était effectivement assez radical. Il y a peu de gens qui expérimentent autre chose au CNRS, et généralement les gens font ça en se mettant en disponibilité, c'est-à-dire en gardant toujours la porte ouverte de pouvoir reprendre leur métier à un moment. Et moi, j'ai eu besoin de se faire ce pas radical de vraiment démissionner. Parce qu'en fait, j'en avais un petit peu marre que mes collègues me disent Bah, quand t'auras fini de faire joujou pendant un an ou deux avec tes trucs écolos, tu reviendras. Et en fait, j'en avais tellement marre qu'on me dise ça qu'à un moment, je me suis dit Bah non, pour moi, c'est un aller sans retour. Et j'ai carrément démissionné.

  • Speaker #0

    On va déjà parler des actions que tu as entreprises pour avoir cet impact. Et puis après, j'aimerais bien aussi que tu nous racontes l'histoire que tu as vécue avec ton écolieu. Ce que j'ai compris aussi, c'est que... Pendant que tu faisais de la recherche, et peut-être ça a fait le lien avec l'action, tu faisais de la recherche, mais tu faisais aussi un peu de vulgarisation et de prise de parole. Tu as fait quelques émissions, je crois, avec Hubert Reeves, avec Étienne Klein, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, alors effectivement, ça a toujours été important pour moi que la science se relie à la société, justement. Parce que comme pour moi, le fait que je devienne scientifique, ça partait vraiment de ces questions. métaphysique dont je t'ai parlé au début, de voilà qu'est-ce qu'on fait là. J'avais besoin que ce que je faisais dans mon laboratoire, ça puisse se raccrocher à ces questions-là. Et la meilleure façon de raccrocher mes sujets de recherche à ces grandes questions de société, c'était du coup de parler de ma recherche au grand public, d'essayer d'expliquer ce que je faisais, pour qu'en retour on me pose des questions qui viennent un peu challenger. ce que je faisais, c'est-à-dire ça sert à quoi le boson de Higgs ? Quelle implication philosophique ça peut avoir ? Et donc moi, j'adorais ce contact-là de vulgarisation, de tenter d'expliquer ces choses-là, justement parce que ça m'obligeait à réfléchir aux conséquences sociétales de notre recherche. Et effectivement, j'ai eu la chance, comme on a fait une grande découverte au CERM en 2012 de cette particule du boson de Higgs, j'ai eu la chance d'être beaucoup sollicitée dès qu'on commence à mettre un petit peu le... le doigt dans l'engrenage de la communication. Après, j'ai vraiment été prise dans ce flot d'être régulièrement invitée à la radio ou dans des conférences aux côtés d'autres scientifiques extraordinaires, comme Étienne Klein ou Hubert Reeves ou tant d'autres. Et ça, ça m'a profondément nourrie parce que ça m'a vraiment permis de dézoomer. Quand on est chercheur, on est quand même pas mal le nez dans le guidon. C'est hyper technique ce qu'on fait. Donc, ça m'a permis de dézoomer et de réfléchir aux implications profondes de tout ça. Et je pense que ça a contribué, je me suis retrouvée à cette époque-là aussi, à faire des choses en lien avec les arts. J'ai été sollicitée à l'époque par Marie-Odile Monchicourt, qui était une journaliste scientifique. qui a fait beaucoup de chroniques sur France Culture par exemple, et qui a monté un projet qui s'appelait les Laborigines à l'époque, qui rassemblait tout un panel de scientifiques et d'artistes pour réfléchir à nos origines. Alors il y a plein d'origines dont on peut parler, il y a l'origine de l'univers, l'origine de la matière, l'origine de l'humain, on peut prendre le problème des origines à plein de niveaux différents. Et elle montait des spectacles qui mêlaient les arts et les sciences. Et je me souviens qu'elle m'a fait intervenir dans un spectacle qui parlait du vide quantique et dans lequel elle m'a invité à vraiment sauter dans le vide et décrire qu'est-ce que ça faisait de me retrouver dans le vide quantique. Donc c'était une tentative d'expliquer de manière vraiment émotionnelle et corporelle des notions de physique un peu inaccessibles par ailleurs. et elle se plaît beaucoup à dire, Marie-Odile, aujourd'hui que probablement le fait de m'avoir demandé de sauter dans le vide à cette époque-là ça a sûrement contribué à ce que je saute dans le vide aussi dans ma vie concrètement et je pense qu'elle a réussi ça t'a préparé alors donc,

  • Speaker #0

    tu as fait le saut dans le vide tu as démissionné du CNRS et... Qu'est-ce que tu as tenté ? Qu'est-ce qui a marché ? Qu'est-ce que tu fais aujourd'hui ? Comment est-ce que tu réussis à avoir l'impact que tu cherchais tant à avoir ?

  • Speaker #1

    Il y a eu vraiment des phases. Tu voulais qu'on parle de l'éconu après, mais peut-être que c'est plus logique d'en parler d'abord. Alors,

  • Speaker #0

    tu peux en parler maintenant. Vraiment, comme tu veux.

  • Speaker #1

    Je pense qu'en tout cas, l'un a préparé la suite. L'éconu a préparé la suite. Alors,

  • Speaker #0

    vas-y, dans le sens qu'il y a.

  • Speaker #1

    Voilà. Le sens le plus juste, c'est que pour moi, mon premier mouvement, ça a été de… Ça a été très personnel, j'ai envie de dire égoïste, pas forcément au sens négatif du terme, mais j'ai d'abord besoin de prendre soin de ce qui se passe en moi avant de trouver comment je peux avoir un impact. Et donc, prendre soin de ce qui se passe en moi, ça a été d'ouvrir vraiment cette grande boîte sans fond, qui est la boîte de la peine que ça peut générer de réaliser ce qui est en train de se passer sur la planète. C'est difficile d'aller dans les émotions que ça génère, mais j'ai senti que c'était une étape incontournable, c'est dans laquelle je devais aller. Et là, j'ai rencontré quelque chose que tu connais, qui s'appelle le travail qui relie, qui n'est pas facile à décrire, je trouve, et qui d'ailleurs n'est pas très joli. Le travail qui relie, ce n'est pas un nom qui fait très envie, mais en gros, c'est un processus qui permet de vraiment oser honorer nos peines pour le monde comme une étape incontournable pour pouvoir véritablement changer de regard, changer ces lunettes qu'on peut avoir sur le monde et passer à l'action d'une manière adaptée.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, j'ai fait une lecture qui est l'un des épisodes du podcast. Je mettrai le lien en dessous pour les gens qui veulent avoir un premier extrait, une première impression de ce qui est ce travail de Johanna Massil.

  • Speaker #1

    J'ai rencontré ça dès que je suis arrivée dans cet écolieu. Ça a été une des premières choses que j'ai rencontrées. Ça m'a permis d'exprimer toute ma colère, toute ma tristesse que je pouvais avoir, que j'avais accumulée pendant des années, qui ne trouvait aucune résonance dans mon entourage. De pouvoir enfin l'exprimer avec des personnes qui ressentaient des choses similaires. J'ai trouvé ça extraordinaire comme processus de laisser sortir ces émotions et de faire... résonance avec un groupe d'humains. J'ai trouvé ça extrêmement puissant et j'ai senti que c'était presque une condition préalable à toute action. Donc j'ai commencé par ça. Et c'est sans fin parce que je vois que c'est cyclique. C'est-à-dire que régulièrement j'ai besoin de revenir à ça, j'ai besoin de pleurer à nouveau, j'ai besoin d'exprimer ma colère à nouveau. Et une fois que c'est fait, de l'autre côté de ce gouffre-là, il y a un monde un petit peu nettoyé et un petit peu plus clair de comment agir. Donc, la première chose, ça a été ça, en parallèle de l'organisation de cet écolieu. Et mon mouvement à cette époque-là, ça a été le monde est fou, donc j'ai besoin de me créer une sorte de bulle dans laquelle on sera un peu moins fou C'était un peu ça. Il y avait vraiment de la fuite, moi, dans cet élan-là, la fuite de la société que je trouvais insupportable, dans laquelle je n'arrivais plus à trouver du sens. Donc, il y avait clairement un grand mouvement de fuite. Et toutes ces années d'écolieux, je dis ça parce que ça a été à la fois un salvateur pour moi, puis à la fois, je ne sais pas si c'est le mot erreur, mais en tout cas, ce n'est pas une solution de fuir. Mais c'est ça que j'ai eu besoin de vivre à ce moment-là. Et donc, l'idée, c'est qu'on a construit un projet. qui était quand même ancrée dans son territoire. On était accueillis au sein d'un village, on essayait de faire des choses vraiment en lien avec notre territoire. Et en même temps, c'était quand même une sorte de bulle au sein de laquelle on accueillait des gens qui venaient faire des formations sur des savoirs un peu alternatifs qui nous semblaient aller dans la bonne direction pour construire un monde désirable et soutenable. Donc, mieux se connaître, mieux coopérer les uns avec les autres, mieux... coopérer avec le vivant, on faisait des stages de méditation, de permaculture, de coopération, etc. Et pour moi, ça a été l'occasion de faire tous ces apprentissages-là, parce qu'en fait, principalement, on faisait venir des formateurs sur notre lieu, avec des groupes, et puis du coup, on pouvait, nous aussi, finalement, apprendre de ces formations-là. Pour moi, ces années d'école-lieu, ça a été des années un peu bulles, un peu de déconstruction complète de qui j'étais, qui j'étais quand j'étais plus physicienne. qui j'étais quand je n'étais plus non plus, parce qu'au début j'étais directrice générale du projet, donc c'était encore un titre qui me servait dans mes interactions sociales. Puis à un moment, j'ai même arrêté ça, c'est-à-dire que je suis devenue simple bénévole dans le projet. Et j'avais vraiment envie de savoir qui je suis quand je ne suis plus tous ces titres-là, qui je suis au milieu des autres, qui je suis avec la forêt qui m'entoure. Ça a été l'occasion de passer beaucoup de temps dans la nature à nourrir. Il y a eu cette première partie de communauté, comment on fait communauté ensemble et comment on coopère ensemble pour faire ce projet d'écolieux. Et puis toute la partie de nature qui était nourrie par la redécouverte, la découverte de qu'est-ce que c'est d'être vraiment au milieu de la nature sans simplement la traverser. Tu vois, avant, je faisais des footings dans la nature, je la traversais, je m'en nourrissais, c'était beau. Mais finalement, je l'utilisais comme un terrain de sport, la nature. Et là, j'ai appris à vraiment m'insérer. à l'intérieur de cette nature à y aller en réduisant ma bulle de nuisance, le bruit que je pouvais faire, les mouvements que je pouvais avoir et de réduire ça et puis d'augmenter ma bulle d'attention, c'est-à-dire de vraiment réouvrir tous mes sens, réouvrir mes oreilles à des tas de sons que je n'entendais plus, voir des choses que je ne voyais plus et ça m'a permis de rentrer en contact avec la nature comme je ne l'avais jamais. connues jusqu'ici, de rencontrer des renards, de rencontrer des animaux vraiment d'égal à égal. Ça a été assez bouleversant pour moi.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant ce que tu dis. Je pense que je mettrai un petit extrait musical après pour que chacun puisse méditer là-dessus, parce que c'est tout à fait autre chose d'être dans la nature comme dans un paysage. Je mets juste l'accent, ce n'est pas pour toi, c'est pour les gens qui nous écoutent. C'est tout à fait autre chose que d'être là. L'équivalence, comme tu dis, en s'étant débarrassé de tous ces titres, de tout ce qui fait notre identité, pour voir qui on est en tant que vivant. C'est comme ça que je comprends ce que tu dis. C'est revenir à ce qu'on est au plus simple, à l'essentiel, à l'essence en tant que vivant. Et du coup, être capable de se mettre en lien vraiment profond avec la nature, avec le vivant. Et à ce moment-là, j'ai l'impression que c'est ce que tu as vécu quand on est dans cette qualité de lien-là, quand on n'est plus qui on est dans toute notre identité, dans toute notre apparaît, dans toute la dimension sociale. Mais quand on n'est plus là en tant que vivant, il se passe quelque chose, il se passe une rencontre avec le vivant qui fait qu'on se met à voir. En tout cas, moi, ce qui m'est arrivé, l'expérience que j'ai faite, c'est que je me suis mise à voir autrement. Je me suis mise à voir des choses que je ne voyais pas. C'est comme si les lumières, les couleurs... prenait des tonalités avec à la fois plus d'intensité mais aussi plus de richesse, plus d'avant et d'après que je ne voyais pas, comme des sons que je n'entendais pas avant. Et il y a aussi des rencontres qui se sont faites. Je me souviens d'un moment donné où j'étais avec mes chiens en forêt, un peu comme toi, je cours dans les champs, mais quand j'arrive en forêt, j'ai l'impression d'arriver dans une cathédrale, c'est impossible de courir. Je me suis fait en alerte, en attention. Et il y a un jour, j'étais avec mes chiens et j'ai rencontré un sanglier avec ses petits. Et on s'est tous regardés comme ça un moment. elle n'a pas bougé, elle est restée là, ils sont restés tout proches, alors qu'il y avait des chiens avec moi, on est restés comme ça, je ne sais pas combien de minutes, je n'avais rien pour enregistrer le temps, mais quelques minutes comme ça, et ça paraît complètement étrange qu'un animal sauvage soit resté comme ça en face de chiens, personne ne bougeait, tout le monde se regardait comme ça, avec presque de la compassion et de l'attention, alors que les chiens étaient un petit peu plus qu'elles, mais en tout cas, il aurait pu y avoir de la peur de part et d'autre, il n'y a rien eu de tout ça. Il y a eu une rencontre, et quand la rencontre a eu lieu, quand il s'était dit dans... pas avec des mots ni du bruit en fait, mais il y avait comme quelque chose qui s'est dit quand même. Et quand ça a eu lieu, elle est partie avec ses petits et voilà.

  • Speaker #2

    Je ne te connais pas encore, je suis ton petit-fils. Je t'écris depuis l'année 2083. Te passe ce message afin que ton époque réagisse, ici la planète va mal, il faut absolument que tu me crois. Jakarta, Lagos, New York ont disparu sous la mer, mais aussi Venise, Londres et un tiers des Pays-Bas. Tombouctou et le Nord Mali ensevelissent une baiser, et le fleuve Niger n'a plus une seule goutte d'eau dans ses bras. Les villes côtières qui luttent pour la montée des zones, ont beau construire des diniques, des parages et des murailles, elles ne pèsent pas bien lourd et éclatent vite en morceaux, quand les cyclones et ouragans viennent finir le travail. Dans plusieurs pays d'Afrique et d'Asie du Sud-Est, mais aussi à Athènes, Auker et quelques autres élues. Il fait souvent 60 degrés chaque été par test, où les riches vivent sous l'acclime et les pauvres ne vivent plus.

  • Speaker #1

    Oui, ça me parle de monde. J'ai eu pas mal de rencontres comme ça aussi. Et oui, c'est bouleversant. En fait, ce qui est intéressant, c'est... Là où j'avais avant une idée de certains concepts, comme l'interdépendance qu'on peut avoir avec le vivant, j'avais compris déjà ces concepts-là dans ma tête, mais toutes ces expériences-là, c'est comme si ça avait fait passer ces concepts qui restent quand même théoriques, le lien qu'on peut avoir aux générations futures, quand on parle de quel monde on veut laisser pour les générations futures, c'est des choses qu'on se dit avec des mots dans notre tête, mais en fait, dans notre cœur et dans notre corps, ça représente quoi ? Toutes ces expériences que j'ai vécues pendant ces années d'écolieux, j'ai eu la sensation de faire tomber ces concepts de ma tête à mon corps et d'avoir une compréhension plus corporelle et émotionnelle de ce que ça veut dire, qui est presque indescriptible avec des mots. Et souvent, même quand on en parle, je trouve que c'est vite glissant parce qu'on passe vite pour des personnes un peu perchées, un peu new-age. La rencontre avec la nature, c'est vraiment… C'est l'envers des perchées, c'est tellement bas. En vrai, je trouve que c'est hyper ancré. Mais souvent, quand on en parle, c'est Blanche-Neige est au milieu de ces petits animaux, ces gentillets, mais le monde, ce n'est pas ça. En tout cas, j'ai découvert ça avec surprise. Ça a révolutionné ma vision du monde d'avoir ces contacts-là avec le vivant. Et je me suis rendue compte qu'en en parlant à l'extérieur, c'était souvent inaudible. Je trouvais que c'était incroyable, effectivement. C'est ce grand écart qu'il peut y avoir entre l'expérience directe qu'on peut avoir des choses, qui est en fait irracontable quasiment, et la tentative qu'on peut faire de le raconter et qui est un peu galvaudée aujourd'hui. Quand on parle de connexion au vivant, tout le monde fait ouais, bon ok, moi aussi je suis connectée au vivant Mais ce n'est pas simple. Et c'est un peu au cœur, quand tu parlais après de ce que ça a été, mes modes d'action, comment j'ai essayé d'agir. C'est qu'au début, je me suis dit, en fait, moi, ce que j'ai envie de faire, c'est que les gens vivent ces expériences-là, qu'ils le vivent non pas avec la tête, mais avec leur corps, avec leur cœur. Donc, moi, j'avais envie d'emmener les gens dans la nature, ce que j'ai fait, pas mal, et ça avait vraiment de l'impact. Mais j'ai vu qu'en fait, quand je voulais drainer des personnes à faire ces expériences-là, finalement, j'emmenais des personnes qui étaient déjà convaincues de ce qui était en train de se passer. J'avais l'impression que mon impact, il était finalement assez restreint, parce que... Ces personnes-là, elles avaient déjà cliqué quelque chose dans leur compréhension, dans leur vie, etc. Et moi, je pouvais offrir des espaces qui leur permettaient d'aller plus loin, des espaces où elles pouvaient vivre leurs émotions. Pour moi, c'était super important. Ces cercles de résonance émotionnelle, ça reste quelque chose de super important pour moi. Mais je me suis rendue compte que ça touche 1%, pour ne pas dire 1 pour 1 000, de la population de la France ou de la population même mondiale. Et qu'en fait, le reste… à l'air de s'en fiche, en fait, de tout ça. Et je me suis dit, mais waouh, en fait, c'est merveilleux ce que je suis en train de découvrir, mais je ne peux pas du tout le mettre à l'échelle. Ce n'est pas demain que je vais entraîner tous les Français à aller écouter les oiseaux dans la forêt. Ça ne va juste pas marcher.

  • Speaker #0

    C'est vraiment une question qui est complexe parce qu'effectivement, comme toi, il y a un certain nombre de scientifiques aujourd'hui qui essayent de prendre la parole d'une manière moins mesurée. pouvoir alerter davantage et ça les effets que ça a. Il y a aussi eu des tentatives qui ont été faites comme la convention des entreprises pour le climat qui est une super initiative qui a été faite vraiment, moi je ne l'ai pas suivie, mais dans ce que j'ai compris, dans ce qu'on m'a partagé, qui a été faite vraiment pour mettre en lien tête-coeur-corps avec une gradation, différents ateliers, quelque chose qui me semble extrêmement bien construit. Et les dirigeants que j'ai rencontrés qui l'ont vécu, et c'est ce que m'ont dit aussi d'autres, personnes qui connaissaient des personnes qui avaient vécu cette expérience-là. Ils ont trouvé ça touchant, ça les a remis bouleversés. Mais qu'est-ce qui s'est passé après ? Ils ont continué à aller à l'île Maurice en avion, à aller faire du shopping dans les grandes capitales mondiales, à aller rouler en voiture dans Paris. Enfin, tu vois, pas d'impact. Donc, je voulais juste dire avant que tu poursuives, à quel point c'était compliqué cette question de l'impact. parce qu'il y a l'information, globalement aujourd'hui tout le monde l'a, enfin tous ceux qui veulent l'ont et ceux qui ne l'ont pas ne veulent vraiment pas, on peut dire, peut-être. Et beaucoup de gens sont bouleversés, mais passer du levier des touchés ou bouleversés à vraiment agir concrètement, individuellement, collectivement, au niveau d'un pays, au niveau d'une société, c'est encore autre chose, c'est vraiment pas simple. Donc j'ai d'autant plus envie de t'écouter sur ce que tu as pu faire, mais je trouve que la question est vraiment, vraiment complexe en fait. Cette question du passage à l'acte et encore plus du passage à l'échelle, elle est bigrement compliquée en fait. Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait. Et ce qui s'est passé, tu vois, quand je suis partie dans cet écolieu, je... L'air de rien, dans ma tête, je choisissais le camp du bien. C'est-à-dire, je me suis dit, allez, moi je vais être parmi ceux qui agissent.

  • Speaker #0

    Je vais être dans le camp du bien, de ceux qui auront fait quelque chose. J'étais redevenue maman depuis peu de temps. Quand j'imaginais le monde dans lequel ma fille va vivre, ça me mettait en panique totale et je me disais, je dois agir. Et moi, on ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir agi. Donc, je me suis engagée, entre guillemets, et aujourd'hui, je le décrirais comme dans une croisade pour le bien. Et je me suis rendue compte, en fait, que… En partant en croisade pour le bien, j'avais défini le mal aussi. Dans la catégorie du mal, je mettais plein de choses. Je mettais en premier lieu les entreprises, je mettais les politiciens, je mettais même mes collègues du CNRS qui, eux, n'avaient pas quitté le CNRS. Je mettais beaucoup de choses, en fait, dans le camp du mal J'utilise ce mot fort et sion. Je ne le disais pas aussi fort, mais en tout cas, voilà. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Et... Et puis même, du coup, les gens de ma famille ne me comprenaient pas, mes amis ne me comprenaient pas. Et je me suis rendue compte, au bout d'un certain nombre d'années, qu'en fait, quand on part en croisade pour le bien, on part en guerre quand même. Et on se met à faire des choses qu'on défend. Moi, ce que je veux, c'est vivre en paix, c'est être en lien avec les autres, c'est être en lien d'amour. Mais quand je pars en croisade aussi, aussi noble puisse être la cause, je pars quand même en guerre contre des gens qui ne sont pas dans ma cause. Et donc, ça, ça me fait rentrer dans une sorte d'entre-soi, tu vois, où du coup, ma bulle, c'est devenu tous ceux qui sont dans ma croisade. Et tous les autres, c'est entre guillemets les méchants. Et ça, évidemment, c'est complètement contre-productif. J'ai mis du temps à m'en rendre compte. Au-delà de l'impact, tu vois, c'est vraiment un état d'esprit où, finalement, On fait l'inverse de ce qu'on veut. On commence à définir...

  • Speaker #1

    Et puis en plus, on n'est pas audibles, parce que si on porte ça en soi, quand on va voir des gens qui n'ont pas les mêmes idées, on n'est pas audibles, en fait, ils le sentent.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Donc pendant un certain nombre d'années, j'ai évité d'aller voir des gens qui n'avaient pas les mêmes idées. Et puis au bout d'un moment, je me suis dit... Tu vois, quand je parlais de l'impact tout à l'heure, en me disant que je ne pourrais pas emmener tout le monde écouter les oiseaux dans la forêt, et en plus, au fond de mon cœur, je porte effectivement ce truc de... Les autres ne font pas ce qu'il faut. Et ça, c'est évidemment une posture qui est une des postures à la source de ce qui est en train de se passer. C'est-à-dire qu'on s'accuse mutuellement qui est responsable, qui est coupable, qui fait assez, qui ne fait pas assez. Même à l'intérieur des écolos, en fait, on va encore se battre sur, oui, mais est-ce qu'il faut faire du militantisme ? Est-ce qu'il faut faire de la méditation ? Ou alors, est-ce qu'il faut faire des écoles alternatives ? Ou alors, on trouve encore le moyen de se battre alors qu'on est dans le même…

  • Speaker #1

    Oui, à la pointe de l'économie, mais tu as raison, ça demande une vraie prise de conscience. que d'arrêter ça, en fait. Parce que c'est tellement la société dans laquelle on a grandi, l'éducation qu'on a reçue, le fait d'avoir raison, tout ça, il faut arriver à lâcher tout ça. Et c'est un vrai travail que tu as fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, je me suis rendue compte que là où je pensais être une bonne personne qui faisait le bien, en pratique, dans mon cœur, je portais ces trucs-là de rejet des autres. En pratique, au niveau familial, je me suis organisée d'une manière où je me suis retrouvée à vivre à 500 kilomètres de ma fille pendant plusieurs années. C'est-à-dire, finalement, je faisais cet écolieu pour ma fille, pour lui construire un monde meilleur. Et en fait, en pratique, ce que je faisais, c'était être loin de ma fille et la voir très peu. Donc, le jour où j'ai réalisé qu'en fait, en pensant faire le bien, je faisais aussi beaucoup de mal, d'une certaine manière. Et encore une fois, je fais exprès d'utiliser des mots forts. Évidemment, c'est plus nuancé que ça. Mais en tout cas, un jour, ça m'est tombé dessus. Comme ça que j'ai réalisé qu'en voulant faire le bien, je faisais aussi beaucoup de mal. Et d'un coup, ça a dégonflé un truc en moi de Oh là là, je me suis complètement plantée. En vrai, on est tous capables du pire et du meilleur. En vrai, on est tous quelqu'un à la fois de bon et de mauvais. Et du coup, ça a renversé ma propre perspective sur… sur ce qu'il y a à faire dans le monde. Je me suis rendue compte que ce que j'avais à faire, c'était commencer par me pardonner des affaires que j'avais faites de bancale toutes ces années. Par exemple, pendant toutes ces années, j'ai dit que j'étais loin de ma fille. C'est assez bancal quand même, et j'ai eu du mal à me le pardonner. Dans ce projet de coopération dans l'écolieu, à la fin, ce projet s'est terminé pour des raisons humaines, où on est rentré. comme dans beaucoup de projets collectifs, en fait, en conflit, sur nos valeurs, sur nos visions, etc. Et on a arrêté ce projet-là au bout de quatre ans. Et j'ai réalisé que là où je pensais avoir été super, dans l'esprit de coopération, etc., à la fin, j'ai réalisé qu'en fait, non, j'avais, comme tout le monde, contribué à ce qu'à plein de moments, j'alimente une certaine violence, j'alimente une posture qui n'était pas du tout constructive. Le jour où j'ai réalisé tout ça, J'ai regardé le monde d'une autre manière. Je me suis dit, bon, en fait, là où je pensais que c'est de la faute des politiciens, c'est de la faute des entreprises, c'est de la faute de machin, c'était plus ça, en fait, le point. Et donc, aujourd'hui, mon chemin, il est plutôt dans cette… essayer de dégonfler ce truc-là pour moi-même et autour de moi, parce que c'est tellement d'énergie perdue, en fait, ces énergies de… de s'accuser mutuellement. Et aujourd'hui, j'ai plutôt envie de partir véritablement à la rencontre des autres, véritablement, par exemple, à la rencontre des entreprises et d'essayer de vraiment comprendre comment ça marche, en fait, et de remettre mes lunettes de chercheuse, tu vois, que je pouvais avoir quand je faisais de la science, en me disant, OK, comment ça marche, ce truc-là ? L'entreprise, comment ça marche, vraiment ? Quelles sont les personnes qui y travaillent ? Quels sont leurs contraintes ? Quelles sont leurs ambitions ? Pourquoi ça se passe comme ça ? Et aujourd'hui, c'est plus ça, mon mouvement. et de remettre tout ensemble, c'est-à-dire de remettre à la fois ma casquette de scientifique qui a un certain esprit de synthèse et analytique sur des situations, ma casquette d'écolo limite un peu perchée à certains moments, mais j'assume, qui a une certaine sensibilité, ma casquette d'écolieu, de coopératrice qui a beaucoup appris principalement par les erreurs. Et de mettre tout ça ensemble pour vraiment partir à la rencontre de l'autre et essayer de prendre un petit peu de ce qu'il a à ma portée. Donc, moi, je vois bien qu'en partant à la rencontre des gens en entreprise, j'apprends plein de choses, en fait, sur les actions concrètes qu'on peut mener dans le monde. Là où, moi, je peux avoir tendance à faire des choses un petit peu déconnectées du monde, je vois à quel point les entrepreneurs sont hyper concrets et on a besoin de ça aussi. Et en échange, leur apporter les petites graines que je peux planter. Mais d'une manière où maintenant, je considère qu'on est d'égal à égal. C'est-à-dire que j'ai autant à apprendre d'eux qu'ils ont à apprendre de moi. En fermant les yeux très fort, vibre,

  • Speaker #1

    très beau je sens, j'ai tout vrai le bon chemin, et je me sens mieux dehors, le pire, les fleurs et les animaux. C'est tous un peu ma famille, on est tous partis de rien.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui,

  • Speaker #1

    c'est là que l'échange est possible et qu'il se passe des choses. Et ce que tu dis, cette démarche, ça me fait penser aussi à ce que disait Marshall Rosenberg. Moi, je m'étais formée à la communication non-violente il y a une vingtaine d'années et j'avais été touchée aussi par ce qu'il avait dit quand on... Il a quand même beaucoup agi pour la paix entre Israël et la Palestine, entre autres, etc. Et quand on lui avait dit mais c'est quoi ? Donc vous êtes le plus fier. Qu'est-ce qui a été aussi le plus compliqué ? Je ne sais plus si c'était la première ou la deuxième question, mais je crois que c'était ce qui a été le plus difficile. En tout cas, il avait répondu que ça avait été le travail de paix en lui. C'est un peu ce que je comprends dans ce que tu expliques. Je l'avais aussi partagé, cette idée. Donc, qu'est-ce qui fait qu'on change dans un article et dans un autre épisode ? C'est que je crois que quand on est vraiment avec les autres, comme ils sont sans aucun jugement, sans aucune recherche de quoi que ce soit d'autre que de comprendre avec. avec curiosité la richesse de qui ils sont. Quand on est capable de regarder ce qu'il y a de plus beau en eux, il y a quelque chose qui purifie dans le regard. Et en tout cas, on permet à la personne en face de s'asseoir dans ce qu'elle est, de manière inconditionnelle. Et j'ai été touchée de voir que plein de fois, alors que je cherchais juste rien d'autre qu'être avec les gens et les écouter, et les comprendre vraiment, il s'est passé un retournement. Et le retournement qui ne se produisait pas quand on le cherchait, il se passait là parce que juste les personnes avaient pu être qui elles étaient complètement, se poser en elles. Et à ce moment-là, elles pouvaient se mettre en mouvement. Mais avant, quand elles ne pouvaient pas se poser en elles et qu'elles n'étaient pas comprises comme elles étaient dans toute la richesse de ce qu'elles étaient, elles ne pouvaient pas bouger. Le mouvement était figé. En fait, c'était toujours en défensif. Et ça, c'est quand même quelque chose d'assez étonnant et qui peut se produire, je crois, que quand on est parfaitement sincère. Si on le fait comme une... forme de pratique un peu manipulatoire. Ça ne marche pas parce qu'on n'est pas dans cette ouverture totale à l'autre.

  • Speaker #0

    Je te rejoins dans tout ça. Merci.

  • Speaker #1

    Alors aujourd'hui, qu'est-ce que tu as envie de nous dire encore de ce que tu fais, peut-être une action qui t'a porté particulièrement ou peut-être dont tu es particulièrement fière, quelque chose dont tu aurais envie de nous parler encore ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a une chose dont j'ai envie de parler encore, je crois. Tu vois, cette éco-anxiété, je l'ai encore beaucoup régulièrement. C'est vraiment par vagues. Tu vois, ce matin, je te partageais juste avant qu'on commence l'enregistrement la peine que j'avais avec ce qui s'est passé, des inondations à Valence et comment ça me replonge dans la colère et la tristesse. Et ça, je crois que ce sera éternellement là, à chaque fois que des événements climatiques vont se produire, à chaque fois que ce qu'on a anticipé depuis des années et des années se matérialise vraiment. C'est hyper dur. Et moi, je vois aujourd'hui que pour ne pas sombrer… Là,

  • Speaker #1

    tu pensais notamment à ce qui se passe à Valence en ce moment, dont tu me parlais tout à l'heure en introduction.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Pour ne pas sombrer complètement dans le désespoir, parce que je pense vraiment qu'on va en devant de moments de plus en plus difficiles et de chaos. Je suis persuadée que malheureusement, on n'ira jamais assez vite, vu au rythme où ça va aujourd'hui, pour infléchir la direction dans un temps qui nous permette d'éviter les catastrophes. Elles sont déjà là. Il y a une certaine inertie, même si on arrêtait du jour au lendemain de faire des choses, l'inertie climatique, elle est là. L'inertie de l'extinction des espèces, elle est là aussi. Tout est là et on va forcément en payer les frais dans les prochaines années. Et ça m'attriste vraiment. Je ne sais pas si ma fille, elle va écouter ce podcast, mais j'essaye de ne pas trop être cash avec elle. Mais au fond de mon cœur, c'est sûr que je sais que la fin de ma vie et sa vie à elle va être compliquée. qu'il y aura des guerres, qu'il y aura des maladies, qu'il y aura un tas de choses qui vont être vraiment difficiles à vivre. Donc, pour essayer de ne pas sombrer dans le désespoir avec tout ça, vraiment, ce qui me touche le plus en ce moment, c'est de revenir à de la légèreté régulièrement et à de l'humour et d'arriver à rire de ça. Évidemment que le rire, ça ne va pas changer le cours de l'histoire, mais ça permet juste de supporter ce qui est en train de se passer. Et... et aujourd'hui je vois que c'est ce qui me nourrit le plus les quelques opportunités que j'ai pu avoir de rentrer dans déjà dans pouvoir raconter mon histoire par exemple en pouvant en rire c'est à dire des endroits que j'ai pu évoquer là un peu rapidement mais qui en fait ont été douloureux pour moi de me rendre compte que j'avais fait des choses aussi qui avaient pu faire du mal autour de moi de pouvoir arriver à raconter ça avec humour je vois à quel point c'est transformateur et puis de se mettre ensemble. Tu vois, il n'y a pas longtemps, il y a eu ce festival, c'était le Festival Atmosphère, qui est un festival engagé qui existe depuis plus de 14 ans à Courbevoie, festival de cinéma, d'art et de science, où on s'est mis ensemble à plusieurs scientifiques. Là, j'ai repris ma casquette de scientifique, ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Et on s'est mis ensemble avec une troupe d'impro, d'improvisation théâtrale, et avec Guillaume Meurice qui orchestrait tout ça. Et on a passé deux heures à faire une anticonférence. pour parler science tout en mettant de l'humour. Et même si la base, c'était plutôt parler de... Le thème, c'était le hasard. Donc, c'était pas mal ancré sur la physique, mais aussi l'évolution. Et on a raccroché quand même régulièrement aux thèmes environnementaux. Et je sens que pour moi, il y a une énorme là, personnelle et collective, d'alterner entre des moments de gravité, des moments de profondeur, des moments de peine, et de pouvoir en rire juste après. Et ça pour moi c'est un élément culturel qu'on cultive pas mal dans notre société et dans laquelle j'ai vraiment envie de m'engager plus. Pour moi c'est un élément culturel qui est aussi issu des peuples natifs, parmi tous les éléments culturels qu'ils peuvent avoir sans idéaliser ces peuples-là, mais simplement en étant pragmatiques et en voyant quels éléments culturels ils ont eux dans leur culture qui leur permettent de… d'être pleinement réalisés, de faire communauté dans la paix, d'être connectés à leur environnement. Il y a quand même plein de choses à réapprendre de ces peuples natifs. Et un des éléments culturels, tu vois, quand il y a un événement traumatisant qui se passe dans la journée pour une des personnes du groupe, le soir, tu vois, il y a une veillée et on reprend cet élément traumatisant avec humour. Donc, il y a des personnes qui vont jouer, qui vont rejouer cet élément-là. pour que la personne qui a vécu ce traumatisme, à la fin, au début, elle rit jaune de cet humour-là. Et puis à la fin, on enfonce le clou de l'humour jusqu'à ce qu'on rit vraiment de bon cœur et que ça y est, il y a un truc qui s'est décristallisé à l'intérieur de notre corps, de ce traumatisme-là. Et moi, je vois bien que quand je me réveille le matin, que je vois que j'entends à la radio cet homme qui décrit qu'il a vu mourir des gens dans leur voiture, au pied de son immeuble, dans ces inondations à Valence et qu'il n'a rien pu faire. évidemment, ça me donne envie de pleurer. Je sens que ça cristallise un truc à l'intérieur de moi, ça me serre le cœur. Et je vois bien que la seule chose que je peux faire, c'est pleurer. Et puis après, c'est de rire. C'est-à-dire, j'aimerais qu'il y ait quelqu'un qui vienne ce soir à l'Avelier, et qui me raconte cette histoire dix fois, d'une manière drôle, pour qu'à la fin, j'arrive à en rire, et ça y est, c'est passé. Et pour moi, là, il y a une vraie clé. de résilience individuelle et collective, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, quand je t'entends, je me dis que cette envie d'agir, qu'on est nombreux à avoir, puisqu'on a toutes les informations depuis les années 70 et avant, et qu'on aurait pu agir à ce moment-là. En plus, on avait les organisations qu'il fallait. Là, je suis en train de lire le petit livre Perdre la terre qui est prenant à ce niveau-là. Donc, on avait toutes les informations, on avait toutes les possibilités d'action, on avait déjà les organisations qu'il fallait, et on n'a rien fait. Donc là, on se dit que ça fait 40 ans qu'on n'a rien fait, alors qu'on aurait dû agir. Donc on est nombreux à avoir cette urgence en nous, à se dire qu'il faut agir. Il y en a qui disent qu'il faut y aller avec violence, parce que la non-violence, ça n'a pas marché. Donc il faut y aller d'une manière brutale, parce que les autres, les antagonismes sont brutaux. Je ne suis pas convaincue de ça, je ne suis pas à l'aise avec cette idée. Et en t'écoutant, je me dis que le problème, c'est que ça va aller lentement, parce qu'il faut faire toute cette traversée que tu as faite, qu'on est plusieurs à avoir fait. Et seulement là, quand on sait aussi déposséder de ces attributs, de ces statuts dont tu parlais tout à l'heure, On peut se dire, j'ai besoin de beaucoup moins. On peut passer du jour au lendemain de directeur d'une équipe à maraîcher. Ça ne changera pas qui on est. Il faut avoir fait un certain chemin avant d'en arriver là. Et on ne peut pas obliger les gens à faire ce chemin-là plus vite que nous, autrement qu'à leur rythme à eux.

  • Speaker #0

    Oui, oui, en fait, ça c'est… Tu vois, quand je me suis dit comment je peux aider maintenant, particulièrement en entreprise, tu vois, comment je peux proposer mes ateliers, voilà. comme la marche du temps profond, comme des choses comme ça qui permettent de changer de regard sur ce qui est en train de se passer de manière à la fois douce et à la fois quand même hyper impactante, sans culpabilisation, mais quand même, voilà, on y va, on dit les choses franchement. J'ai bien vu qu'effectivement, si les personnes en face ne voient pas le problème, c'est difficile de leur dire, mais tenez, on va regarder ensemble le problème, mais ça ne colle pas parce qu'elles ne voient pas le problème, donc elles n'ont pas envie de regarder un problème qu'elles ne voient pas. Au début, ça m'a beaucoup perturbée. Je me suis dit, mais attends, par quelle porte on rentre du coup ? Donc, j'en suis revenue à proposer mes choses plutôt sous l'angle, aujourd'hui, je propose mes choses plutôt sous l'angle de la cohésion d'équipe, ce qui est pour moi une sorte de rétrogradation assez forte de mon ambition initiale. Mais j'ai réalisé qu'en fait, j'avais plus d'impact en rentrant par une petite porte. qui est l'air de rien, venez, on va marcher en forêt, c'est juste pour passer un bon moment. Et là, je sème des graines et plac, tu vois, je peux prendre les gens l'air de rien au passage et en retourner quelques-uns. Et j'ai l'impression que j'ai besoin de finter aujourd'hui pour arriver à faire ça. Et ça, c'est la première chose, sur la rapidité des choses. Moi, j'ai eu l'impression que mon chemin, effectivement, il était long et en même temps, je... Je ne suis pas non plus convaincue que tout le monde a besoin de passer par un chemin aussi long. J'ai cet espoir que, pour certains, ça prend une seconde. J'exagère un peu parce que la déconstruction, elle est quand même musclée. Mais moi, j'y crois quand même pas mal à cette idée du point de bascule. C'est-à-dire que pour les premiers, c'est long, c'est fastidieux.

  • Speaker #1

    Oui, après, on dit à la fois.

  • Speaker #0

    À un moment, il y a des gens pour qui ça t'a pris 10 ans et pour quelqu'un, ça va lui prendre une minute.

  • Speaker #1

    Puis on voit globalement que les choses par lesquelles on passe, c'est des accélérateurs pour les autres. Il y a quelque chose après qui, effectivement, devient dans l'air. Donc, c'est bien possible. Et c'est vrai aussi que les graines qu'on sème, comme tu dis, on ne sait pas quand elles vont prendre. Moi, je me souviens en écho à ce que tu dis, la toute première action de coaching que j'ai faite, à un moment donné où j'avais pas mal été engagée. contre les violences faites aux enfants, je m'étais dit à un moment donné, il faut que je retourne en entreprise, puisque c'est aussi là qu'est le secret, puisque les gens défoulent sur leurs enfants des choses qu'ils ont vécues en entreprise. Et donc, quand je suis réintervenue, une des premières actions que j'ai fait en entreprise, il y a une femme qui est arrivée le matin en disant, ouais, moi, ces trucs sur la non-violence, etc., ça me saoule, c'est des conneries. Je lui ai dit, c'est vrai que très souvent, on utilise les mots quand les choses n'existent pas. Voyez un peu, si ça vous dit, restez là une heure ou deux, et puis si ça ne vous plaît pas, vous partez, il n'y a aucun problème. Elle est évidemment restée toute la journée, elle pleurait le soir. Elle m'a appelée dix jours après en me disant je ne suis plus la même mère avec mes enfants Aucun moment, je n'ai parlé de parentalité dans cette journée. J'avais ça en moi, mais à aucun moment, j'ai dit ces mots-là. Et qu'elle m'appelle dix jours après en me disant je ne suis plus la même mère avec mes enfants et puis en m'expliquant ce qui s'était passé pour elle, je me suis dit mais en fait, elle a réalisé mon rêve Et j'ai trouvé ça fabuleux. On ne pouvait pas me faire un plus grand compliment. Et donc, on peut avoir effectivement un impact très fort par des actions qui paraissent extrêmement petites et en laissant toujours les gens, enfin en tout cas pour moi, pleinement libres de faire comme ils veulent.

  • Speaker #0

    Exactement. Et tu vois, c'est un des ateliers que je préfère aujourd'hui, c'est la marge du temps profond. à raconter l'histoire de la Terre en marchant, en transformant le temps de 4,6 milliards d'années d'évolution de vie sur Terre en 4,6 kilomètres. C'est l'air de rien, c'est raconter une histoire, ça se raccroche à beaucoup de choses scientifiques, donc c'est très rassurant pour notre cerveau qui a besoin de se raccrocher à des choses connues. Et en même temps, on vit plein d'autres choses dans cette marche-là que tu connais, où il y a quand même beaucoup de connexions. entre les participants. Et tout ça, c'est l'air de rien. Et c'est vrai que moi, j'ai vécu ce que tu décris là, où on part pour trois heures ou quatre heures de marche, qui est toute simple, c'est une activité tellement simple. Et les gens ressortent de là, pour certains, ça me témoigne, après, qu'il y a eu un avant et un après dans leur vie, de prise de conscience, et c'est des prises de conscience très personnelles, chacun y trouve sa propre résonance. Pour moi, c'est ça le plus puissant. C'est tendre une perche qui va être attrapée à n'importe quel endroit, à des endroits inattendus, en douceur. Ça n'empêche pas que moi, à l'intérieur, je reste, comme ce matin, complètement révoltée et qu'il y a des jours où j'aurais envie d'attraper tout le monde par les cheveux et de secouer tout le monde. Mais j'ai encore ce truc-là en moi régulièrement. Mais je vois bien que le plus réaliste et le plus efficace, c'est d'y aller avec quelque chose qui donne envie et qui déclenche aussi de l'émerveillement. Raconter l'histoire du vivant, je trouve que ça déclenche beaucoup d'émerveillement. Ça remet en lien aussi. La gratitude et l'émerveillement, c'est vraiment la bouée qui permet d'accepter de se lancer dans le grand bain. pour accepter la contrepartie qui est l'horreur de ce qui est en train de se passer. Moi, je termine toujours la marche du temps profond. Évidemment, on se prend une grosse claque à la fin quand on voit l'accélération créée par l'humain aujourd'hui. Mais j'aime bien rappeler ces deux côtés de la pièce pour voir qu'on est vraiment une espèce extrêmement puissante, à la fois dans ce qu'on peut faire de pire et de meilleur. Il y a vraiment les deux et on a besoin de rappeler ces deux choses-là. pour accepter d'aller dans le pire, de voir le pire en face, il faut aussi se raccrocher à la beauté du monde.

  • Speaker #1

    Ça nous fait une très belle conclusion. On arrive à la fin de notre épisode, de notre interview. Est-ce qu'il y a quelque chose d'autre que tu aimerais dire, que tu n'as pas encore pu dire ?

  • Speaker #0

    Non, je crois que j'ai fait le tour de la question. Je te remercie Gaëlle. C'était vraiment agréable d'échanger avec toi.

  • Speaker #1

    C'était un plaisir vraiment partagé. On se reverra bientôt et puis on pourra faire d'autres épisodes ensemble. Il y a plein d'autres choses que tu as à partager.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi. Merci beaucoup, voilà.

  • Speaker #1

    Si vous voulez en savoir davantage sur Sandrine Laplace, si vous voulez la contacter, si vous voulez participer aux ateliers qu'elle anime, vous pourrez trouver toutes les informations dans la description de cet épisode. Ce podcast n'est pas seulement le mien, c'est aussi le vôtre, c'est le nôtre. Si vous voulez contribuer, intervenir, proposer, contactez-moi. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le autour de vous, mettez des étoiles pour le noter et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains. A très bientôt !

  • Speaker #0

    Femme canfagolée

Description

🎤Aujourd’hui, je vous invite à rencontrer Sandrine Laplace pour parler de la place des chercheurs, des scientifiques dans la transition écologique. Comment peuvent-ils nous aider à agir pour protéger le vivant, la biodiversité, à vivre de façon bien plus écologique ?

🌏️Sandrine Laplace a été chargée de recherche en physique des particules. Elle a, entre autres, travaillé au CERN, à Genève. Elle a contribué à la découverte du Boson de Higgs. Puis, poussée par le constat que la planète brûle et que son travail de scientifique ne suffisait pas à changer quoi que ce soit, elle a démissionné, cofondé un éco-lieu, créé des ateliers pour changer de regard sur le monde et mieux agir.

🫧Vous verrez, c’est une conversation intime, dans laquelle Sandrine a accepté de partager son cheminement avec énormément d’humanité, d’humilité, en lien avec l’humus, la terre.

🎧️Bonne écoute !

🎵🎶Musique : Tella, Amel Brahim Djelloul, 2083, Grand Corps Malade, Vivre, Michel Berger, avec l’autorisation de la SACEM.

🔎Comme tous les autres, cet épisode est disponible gratuitement sur toutes les plateformes de podcast, sur entrelacs.org et sur YouTube.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Soyez toutes et tous les bienvenus sur Entre-Las, le podcast qui utilise les liens pour réconcilier les humains avec les vivants en eux, autour d'eux, qu'ils soient humains ou non-humains. Si les ressources terrestres sont limitées, il existe cependant des espaces sans limites, une immensité à portée de cœur et de main. L'infinie richesse est dans nos liens. C'est cette richesse-là, cette immensité-là que j'ai envie de révéler et de partager avec vous. Bonjour Sandrine, je te remercie beaucoup d'être avec nous sur le podcast Entre-Las aujourd'hui. On va discuter ensemble de comment est-ce que la recherche peut avoir de l'impact et comment tu peux passer de la recherche à d'autres formes d'action pour avoir plus d'impact sur les choses qui étaient importantes pour toi. Avant qu'on se lance dans le détail et le global de tous ces beaux sujets, est-ce que tu veux te présenter d'une manière qu'on fasse tous connaissance ?

  • Speaker #1

    Oui, et bien bonjour Gaëlle et merci pour ton invitation. Me présenter, alors je suis donc Sandrine Laplace, j'ai 47 ans, je suis maman d'une jeune adolescente de 13 ans et professionnellement parlant, je suis physicienne de formation et j'ai été chercheuse au CNRS pendant 16 ans jusqu'en 2018-2019. Je travaillais dans le domaine de la physique des particules, donc auprès d'un grand accélérateur au CERN à Genève. Et j'ai participé avec des milliers de collègues à la découverte d'une particule qui s'appelle le boson de Higgs, dont on a beaucoup parlé en 2012. Et puis, au fil du temps, j'ai ressenti le besoin de changer de métier pour des tas de raisons. Mais une des raisons principales, c'est vraiment par inquiétude pour le monde, par éco-anxiété. la sensation que la planète brûle et que je ne suis pas au bon endroit pour agir. Et donc, j'ai démissionné du CNRS en 2019 pour partir dans un écolieu de formation. Peut-être qu'on en parlera un petit peu plus en détail après, dans le Jura. C'est une aventure collective qui a duré quatre ans, qui s'est terminée pour des raisons humaines il y a deux ans de ça. Et puis depuis… J'ai créé une association qui s'appelle 7e Génération, au sein de laquelle on propose des ateliers à la fois pour les particuliers et pour les entreprises. Moi, j'aime bien dire pour se retourner le cerveau, pour voir les choses sous un autre angle vis-à-vis de la situation environnementale. Voilà, donc c'est ce que je fais aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Alors effectivement, tu as fait cette bifurcation. Ça m'intéresse beaucoup de savoir... Comment tu as fait cette bise sur Casson ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé en toi ? Si je comprends bien, tu faisais de la recherche qui te révélait un certain nombre de choses. Et puis, qu'est-ce qui s'est passé ? Raconte-nous. Oui,

  • Speaker #1

    eh bien, ça remonte peut-être même encore avant ça, peut-être pour donner, je pense, la source de ce qui a décidé ça à un moment dans ma vie. Moi, je crois que j'ai assez rapidement, dans l'adolescence, au moment où on se construit pour devenir adulte et qu'on cherche un peu sa place dans le monde, Moi, je suis tout de suite tombée dans des grandes questions métaphysiques, en regardant les étoiles et en me disant Mon Dieu, on est tellement petit dans cet univers, et moi-même, je suis tellement petite sur cette planète, et du coup, ça rime à quoi tout ça ? Et je crois que cette question-là de Qu'est-ce qu'on fait là, au tréfonds de l'univers, et qu'est-ce que moi, je fais là sur cette planète ? elle m'a habitée très tôt, et je suis devenue scientifique, je pense, pour essayer d'avoir des réponses par la science. de comment ça marche tout ça. Et donc, je suis allée dans un domaine scientifique qui était vraiment de la physique fondamentale. J'étudiais l'infiniment petit, qui est en fait très lié à l'infiniment grand. C'est en fait étudier les mêmes choses sous un angle différent. Mais c'est très rapporté à, finalement, l'univers et comment ça fonctionne. Et pendant toutes ces années de recherche, j'ai adoré ça parce que j'ai vraiment plongé Tu vois, mon domaine de recherche, c'était très lié à la mécanique quantique, par exemple, où c'est une façon de réfléchir qui est complètement différente de la façon qu'on peut avoir dans notre quotidien, avec des choses qui sont complètement contre-intuitives, des choses qui sont paradoxales. Et ça, ça venait vraiment nourrir ma réflexion de comment ça marche le monde. Et en même temps, j'ai petit à petit pris conscience aussi de ce qui était en train de se passer dans le monde. Donc au début, c'était assez doux. C'est-à-dire que je me suis rendue compte que ce que je mettais dans mon caddie, ce n'était pas top ni pour moi ni pour la planète. Donc je me suis mise à acheter bio, à faire du zéro déchet, à fabriquer mes propres produits de beauté plutôt que de les acheter tout fait, des choses comme ça. Mais au fur et à mesure que je... que je rentrais dans ce Ausha, de me poser des questions très concrètes sur comment fonctionne notre monde, pas à l'échelle des particules ni de l'univers, mais vraiment notre monde d'humains. Je suis de plus en plus tombée de ma chaise, en fait, en soulevant le tapis et en voyant la quantité de poussière qu'il y avait là-dessous, que je n'avais pas vue jusqu'ici. Et au fil des années, c'est devenu hyper inquiétant. J'ai vraiment... Je suis devenue... hyper éco-anxieuse, en fait, de réaliser, surtout qu'avec mon approche scientifique, je pense que je comprenais particulièrement vite la profondeur du truc, c'est-à-dire vraiment à quel point c'est la merde. Et donc, il y a un moment où j'ai eu cette dissonance que beaucoup de gens connaissent, où je me lève le matin pour aller faire quelque chose qui, certes, me passionne, mais qui, en fait, ne contribue en rien à... à la situation que j'observe par ailleurs, qui est la planète est en train de cramer. Donc à un moment, ça n'a plus fait de sens. Et puis j'en parlais à mes amis, à mes collègues, à ma famille, et tout le monde haussait les épaules en disant ça va, c'est pas si pire Donc je ne me sentais pas du tout entourée de personnes qui comprenaient ce que j'étais en train de vivre. Oui,

  • Speaker #0

    c'est pas comme si tu avais bossé dans une industrie qui était délétère. Pour eux, tu n'es pas en train de détruire, donc c'était moins grave peut-être.

  • Speaker #1

    Oui, je n'avais pas une activité si destructrice que ça, effectivement. Quoique le domaine de science dans lequel je travaillais est assez énergivore quand même. L'accélérateur de particules à Genève est une grosse machine qui mobilise quand même beaucoup d'énergie. Je ne peux pas dire que j'étais dans une entreprise... très polluante, mais je n'étais pas non plus dans une activité très douce pour la planète. Mais ce n'est pas tant mon activité qui était le problème, c'était le problème au sens où je n'avais simplement pas la main sur ce qui était en train de se passer. Et à l'époque, ce n'était pas du tout encore commun que les scientifiques prennent la parole, comme ça peut être aujourd'hui. Donc moi, je me sentais juste seule avec mon angoisse et donc j'avais besoin d'agir. C'est assez classique quand on est… éco-anxieux que la clé c'est quand même de reprendre un certain pouvoir à travers l'action. Donc à un moment, c'est devenu insupportable de continuer à vivre mon quotidien sans changer quelque chose. Et c'est ça qui a enclenché ce changement radical.

  • Speaker #0

    Et alors qu'est-ce que tu as fait à ce moment-là ? Tu as osé démissionner, qui n'était pas rien j'imagine au bout d'un certain nombre d'années.

  • Speaker #1

    En effet, ce qui s'est présenté à moi, c'est les hasards de la vie. On fait qu'un jour, je pense que j'étais mûre à tout point de vue, c'est-à-dire que ça devenait suffisamment insupportable dans mon quotidien pour que j'aie mes antennes dirigées vers ce que je vais pouvoir faire d'autre dans ce monde pour me sentir un petit peu plus utile vis-à-vis de cette situation. Et un jour, mes antennes ont détecté un projet de tiers-lieu qui était en train de se monter dans le Jura. Donc moi j'habitais Paris mais j'allais très régulièrement à Genève, donc je faisais souvent ce trajet avec un TGV qui passait au pied du Jura, en particulier du plateau de Rotor qui est à une heure de Genève, mais en France. Et il y a un certain nombre de personnes que je ne connaissais pas, que j'ai rencontrées par hasard, qui étaient en train de monter un écolieu. Ça a vraiment été hyper intuitif en moi. C'est-à-dire, j'avais comme des petites antennes déployées et là, mes antennes, elles ont fait zzzz avec ce truc-là en me disant ok, c'est là qu'il faut que j'aille Ce n'était pas raisonnable, c'était complètement intuitif en fait. Ça venait répondre en fait… Il y avait deux mots qui étaient super importants pour moi à l'époque. Je me souviens, avant de bouger du CNRS, il y avait deux mots qui tournaient en boucle dans ma tête. Le premier mot, c'était communauté C'est-à-dire, j'avais envie de faire des choses avec d'autres personnes avec qui je pouvais parler de ça. sans filtre et je me sentirais en connivence et entendue en tout cas sur ces sujets qui me préoccupaient. Et puis le deuxième mot, c'était nature. C'était vraiment... Pourtant, je passais beaucoup de temps en nature déjà. J'avais plein d'activités de loisirs. de pleine nature, mais j'avais l'intuition qu'il y avait quelque chose d'autre à faire en lien avec le vivant que je n'avais pas encore rencontré. Je ne savais pas trop ce que c'était, mais j'avais cette intuition-là. Et donc ce projet d'écolieux Ausha ces deux cases-là. C'était un projet en collectif avec un mode de gouvernance partagée, de coopération. Et puis c'était un lieu en pleine nature. avec clairement une dimension de nature sauvage autour hyper chouette et la raison d'être du lieu était très liée à se relier à notre paysage et aux vivants qui étaient autour de nous. Donc ça a fait bingo dans ma tête et j'ai mis un an pour quitter le CNRS. J'étais à mi-temps au CNRS et à mi-temps sur cet écolieu. pendant une année pour terminer les dossiers du CNRS proprement, pour m'organiser au niveau familial, à tous les niveaux. Et puis un an plus tard, j'avais démissionné du CNRS, ce qui était effectivement assez radical. Il y a peu de gens qui expérimentent autre chose au CNRS, et généralement les gens font ça en se mettant en disponibilité, c'est-à-dire en gardant toujours la porte ouverte de pouvoir reprendre leur métier à un moment. Et moi, j'ai eu besoin de se faire ce pas radical de vraiment démissionner. Parce qu'en fait, j'en avais un petit peu marre que mes collègues me disent Bah, quand t'auras fini de faire joujou pendant un an ou deux avec tes trucs écolos, tu reviendras. Et en fait, j'en avais tellement marre qu'on me dise ça qu'à un moment, je me suis dit Bah non, pour moi, c'est un aller sans retour. Et j'ai carrément démissionné.

  • Speaker #0

    On va déjà parler des actions que tu as entreprises pour avoir cet impact. Et puis après, j'aimerais bien aussi que tu nous racontes l'histoire que tu as vécue avec ton écolieu. Ce que j'ai compris aussi, c'est que... Pendant que tu faisais de la recherche, et peut-être ça a fait le lien avec l'action, tu faisais de la recherche, mais tu faisais aussi un peu de vulgarisation et de prise de parole. Tu as fait quelques émissions, je crois, avec Hubert Reeves, avec Étienne Klein, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Oui, alors effectivement, ça a toujours été important pour moi que la science se relie à la société, justement. Parce que comme pour moi, le fait que je devienne scientifique, ça partait vraiment de ces questions. métaphysique dont je t'ai parlé au début, de voilà qu'est-ce qu'on fait là. J'avais besoin que ce que je faisais dans mon laboratoire, ça puisse se raccrocher à ces questions-là. Et la meilleure façon de raccrocher mes sujets de recherche à ces grandes questions de société, c'était du coup de parler de ma recherche au grand public, d'essayer d'expliquer ce que je faisais, pour qu'en retour on me pose des questions qui viennent un peu challenger. ce que je faisais, c'est-à-dire ça sert à quoi le boson de Higgs ? Quelle implication philosophique ça peut avoir ? Et donc moi, j'adorais ce contact-là de vulgarisation, de tenter d'expliquer ces choses-là, justement parce que ça m'obligeait à réfléchir aux conséquences sociétales de notre recherche. Et effectivement, j'ai eu la chance, comme on a fait une grande découverte au CERM en 2012 de cette particule du boson de Higgs, j'ai eu la chance d'être beaucoup sollicitée dès qu'on commence à mettre un petit peu le... le doigt dans l'engrenage de la communication. Après, j'ai vraiment été prise dans ce flot d'être régulièrement invitée à la radio ou dans des conférences aux côtés d'autres scientifiques extraordinaires, comme Étienne Klein ou Hubert Reeves ou tant d'autres. Et ça, ça m'a profondément nourrie parce que ça m'a vraiment permis de dézoomer. Quand on est chercheur, on est quand même pas mal le nez dans le guidon. C'est hyper technique ce qu'on fait. Donc, ça m'a permis de dézoomer et de réfléchir aux implications profondes de tout ça. Et je pense que ça a contribué, je me suis retrouvée à cette époque-là aussi, à faire des choses en lien avec les arts. J'ai été sollicitée à l'époque par Marie-Odile Monchicourt, qui était une journaliste scientifique. qui a fait beaucoup de chroniques sur France Culture par exemple, et qui a monté un projet qui s'appelait les Laborigines à l'époque, qui rassemblait tout un panel de scientifiques et d'artistes pour réfléchir à nos origines. Alors il y a plein d'origines dont on peut parler, il y a l'origine de l'univers, l'origine de la matière, l'origine de l'humain, on peut prendre le problème des origines à plein de niveaux différents. Et elle montait des spectacles qui mêlaient les arts et les sciences. Et je me souviens qu'elle m'a fait intervenir dans un spectacle qui parlait du vide quantique et dans lequel elle m'a invité à vraiment sauter dans le vide et décrire qu'est-ce que ça faisait de me retrouver dans le vide quantique. Donc c'était une tentative d'expliquer de manière vraiment émotionnelle et corporelle des notions de physique un peu inaccessibles par ailleurs. et elle se plaît beaucoup à dire, Marie-Odile, aujourd'hui que probablement le fait de m'avoir demandé de sauter dans le vide à cette époque-là ça a sûrement contribué à ce que je saute dans le vide aussi dans ma vie concrètement et je pense qu'elle a réussi ça t'a préparé alors donc,

  • Speaker #0

    tu as fait le saut dans le vide tu as démissionné du CNRS et... Qu'est-ce que tu as tenté ? Qu'est-ce qui a marché ? Qu'est-ce que tu fais aujourd'hui ? Comment est-ce que tu réussis à avoir l'impact que tu cherchais tant à avoir ?

  • Speaker #1

    Il y a eu vraiment des phases. Tu voulais qu'on parle de l'éconu après, mais peut-être que c'est plus logique d'en parler d'abord. Alors,

  • Speaker #0

    tu peux en parler maintenant. Vraiment, comme tu veux.

  • Speaker #1

    Je pense qu'en tout cas, l'un a préparé la suite. L'éconu a préparé la suite. Alors,

  • Speaker #0

    vas-y, dans le sens qu'il y a.

  • Speaker #1

    Voilà. Le sens le plus juste, c'est que pour moi, mon premier mouvement, ça a été de… Ça a été très personnel, j'ai envie de dire égoïste, pas forcément au sens négatif du terme, mais j'ai d'abord besoin de prendre soin de ce qui se passe en moi avant de trouver comment je peux avoir un impact. Et donc, prendre soin de ce qui se passe en moi, ça a été d'ouvrir vraiment cette grande boîte sans fond, qui est la boîte de la peine que ça peut générer de réaliser ce qui est en train de se passer sur la planète. C'est difficile d'aller dans les émotions que ça génère, mais j'ai senti que c'était une étape incontournable, c'est dans laquelle je devais aller. Et là, j'ai rencontré quelque chose que tu connais, qui s'appelle le travail qui relie, qui n'est pas facile à décrire, je trouve, et qui d'ailleurs n'est pas très joli. Le travail qui relie, ce n'est pas un nom qui fait très envie, mais en gros, c'est un processus qui permet de vraiment oser honorer nos peines pour le monde comme une étape incontournable pour pouvoir véritablement changer de regard, changer ces lunettes qu'on peut avoir sur le monde et passer à l'action d'une manière adaptée.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, j'ai fait une lecture qui est l'un des épisodes du podcast. Je mettrai le lien en dessous pour les gens qui veulent avoir un premier extrait, une première impression de ce qui est ce travail de Johanna Massil.

  • Speaker #1

    J'ai rencontré ça dès que je suis arrivée dans cet écolieu. Ça a été une des premières choses que j'ai rencontrées. Ça m'a permis d'exprimer toute ma colère, toute ma tristesse que je pouvais avoir, que j'avais accumulée pendant des années, qui ne trouvait aucune résonance dans mon entourage. De pouvoir enfin l'exprimer avec des personnes qui ressentaient des choses similaires. J'ai trouvé ça extraordinaire comme processus de laisser sortir ces émotions et de faire... résonance avec un groupe d'humains. J'ai trouvé ça extrêmement puissant et j'ai senti que c'était presque une condition préalable à toute action. Donc j'ai commencé par ça. Et c'est sans fin parce que je vois que c'est cyclique. C'est-à-dire que régulièrement j'ai besoin de revenir à ça, j'ai besoin de pleurer à nouveau, j'ai besoin d'exprimer ma colère à nouveau. Et une fois que c'est fait, de l'autre côté de ce gouffre-là, il y a un monde un petit peu nettoyé et un petit peu plus clair de comment agir. Donc, la première chose, ça a été ça, en parallèle de l'organisation de cet écolieu. Et mon mouvement à cette époque-là, ça a été le monde est fou, donc j'ai besoin de me créer une sorte de bulle dans laquelle on sera un peu moins fou C'était un peu ça. Il y avait vraiment de la fuite, moi, dans cet élan-là, la fuite de la société que je trouvais insupportable, dans laquelle je n'arrivais plus à trouver du sens. Donc, il y avait clairement un grand mouvement de fuite. Et toutes ces années d'écolieux, je dis ça parce que ça a été à la fois un salvateur pour moi, puis à la fois, je ne sais pas si c'est le mot erreur, mais en tout cas, ce n'est pas une solution de fuir. Mais c'est ça que j'ai eu besoin de vivre à ce moment-là. Et donc, l'idée, c'est qu'on a construit un projet. qui était quand même ancrée dans son territoire. On était accueillis au sein d'un village, on essayait de faire des choses vraiment en lien avec notre territoire. Et en même temps, c'était quand même une sorte de bulle au sein de laquelle on accueillait des gens qui venaient faire des formations sur des savoirs un peu alternatifs qui nous semblaient aller dans la bonne direction pour construire un monde désirable et soutenable. Donc, mieux se connaître, mieux coopérer les uns avec les autres, mieux... coopérer avec le vivant, on faisait des stages de méditation, de permaculture, de coopération, etc. Et pour moi, ça a été l'occasion de faire tous ces apprentissages-là, parce qu'en fait, principalement, on faisait venir des formateurs sur notre lieu, avec des groupes, et puis du coup, on pouvait, nous aussi, finalement, apprendre de ces formations-là. Pour moi, ces années d'école-lieu, ça a été des années un peu bulles, un peu de déconstruction complète de qui j'étais, qui j'étais quand j'étais plus physicienne. qui j'étais quand je n'étais plus non plus, parce qu'au début j'étais directrice générale du projet, donc c'était encore un titre qui me servait dans mes interactions sociales. Puis à un moment, j'ai même arrêté ça, c'est-à-dire que je suis devenue simple bénévole dans le projet. Et j'avais vraiment envie de savoir qui je suis quand je ne suis plus tous ces titres-là, qui je suis au milieu des autres, qui je suis avec la forêt qui m'entoure. Ça a été l'occasion de passer beaucoup de temps dans la nature à nourrir. Il y a eu cette première partie de communauté, comment on fait communauté ensemble et comment on coopère ensemble pour faire ce projet d'écolieux. Et puis toute la partie de nature qui était nourrie par la redécouverte, la découverte de qu'est-ce que c'est d'être vraiment au milieu de la nature sans simplement la traverser. Tu vois, avant, je faisais des footings dans la nature, je la traversais, je m'en nourrissais, c'était beau. Mais finalement, je l'utilisais comme un terrain de sport, la nature. Et là, j'ai appris à vraiment m'insérer. à l'intérieur de cette nature à y aller en réduisant ma bulle de nuisance, le bruit que je pouvais faire, les mouvements que je pouvais avoir et de réduire ça et puis d'augmenter ma bulle d'attention, c'est-à-dire de vraiment réouvrir tous mes sens, réouvrir mes oreilles à des tas de sons que je n'entendais plus, voir des choses que je ne voyais plus et ça m'a permis de rentrer en contact avec la nature comme je ne l'avais jamais. connues jusqu'ici, de rencontrer des renards, de rencontrer des animaux vraiment d'égal à égal. Ça a été assez bouleversant pour moi.

  • Speaker #0

    C'est très intéressant ce que tu dis. Je pense que je mettrai un petit extrait musical après pour que chacun puisse méditer là-dessus, parce que c'est tout à fait autre chose d'être dans la nature comme dans un paysage. Je mets juste l'accent, ce n'est pas pour toi, c'est pour les gens qui nous écoutent. C'est tout à fait autre chose que d'être là. L'équivalence, comme tu dis, en s'étant débarrassé de tous ces titres, de tout ce qui fait notre identité, pour voir qui on est en tant que vivant. C'est comme ça que je comprends ce que tu dis. C'est revenir à ce qu'on est au plus simple, à l'essentiel, à l'essence en tant que vivant. Et du coup, être capable de se mettre en lien vraiment profond avec la nature, avec le vivant. Et à ce moment-là, j'ai l'impression que c'est ce que tu as vécu quand on est dans cette qualité de lien-là, quand on n'est plus qui on est dans toute notre identité, dans toute notre apparaît, dans toute la dimension sociale. Mais quand on n'est plus là en tant que vivant, il se passe quelque chose, il se passe une rencontre avec le vivant qui fait qu'on se met à voir. En tout cas, moi, ce qui m'est arrivé, l'expérience que j'ai faite, c'est que je me suis mise à voir autrement. Je me suis mise à voir des choses que je ne voyais pas. C'est comme si les lumières, les couleurs... prenait des tonalités avec à la fois plus d'intensité mais aussi plus de richesse, plus d'avant et d'après que je ne voyais pas, comme des sons que je n'entendais pas avant. Et il y a aussi des rencontres qui se sont faites. Je me souviens d'un moment donné où j'étais avec mes chiens en forêt, un peu comme toi, je cours dans les champs, mais quand j'arrive en forêt, j'ai l'impression d'arriver dans une cathédrale, c'est impossible de courir. Je me suis fait en alerte, en attention. Et il y a un jour, j'étais avec mes chiens et j'ai rencontré un sanglier avec ses petits. Et on s'est tous regardés comme ça un moment. elle n'a pas bougé, elle est restée là, ils sont restés tout proches, alors qu'il y avait des chiens avec moi, on est restés comme ça, je ne sais pas combien de minutes, je n'avais rien pour enregistrer le temps, mais quelques minutes comme ça, et ça paraît complètement étrange qu'un animal sauvage soit resté comme ça en face de chiens, personne ne bougeait, tout le monde se regardait comme ça, avec presque de la compassion et de l'attention, alors que les chiens étaient un petit peu plus qu'elles, mais en tout cas, il aurait pu y avoir de la peur de part et d'autre, il n'y a rien eu de tout ça. Il y a eu une rencontre, et quand la rencontre a eu lieu, quand il s'était dit dans... pas avec des mots ni du bruit en fait, mais il y avait comme quelque chose qui s'est dit quand même. Et quand ça a eu lieu, elle est partie avec ses petits et voilà.

  • Speaker #2

    Je ne te connais pas encore, je suis ton petit-fils. Je t'écris depuis l'année 2083. Te passe ce message afin que ton époque réagisse, ici la planète va mal, il faut absolument que tu me crois. Jakarta, Lagos, New York ont disparu sous la mer, mais aussi Venise, Londres et un tiers des Pays-Bas. Tombouctou et le Nord Mali ensevelissent une baiser, et le fleuve Niger n'a plus une seule goutte d'eau dans ses bras. Les villes côtières qui luttent pour la montée des zones, ont beau construire des diniques, des parages et des murailles, elles ne pèsent pas bien lourd et éclatent vite en morceaux, quand les cyclones et ouragans viennent finir le travail. Dans plusieurs pays d'Afrique et d'Asie du Sud-Est, mais aussi à Athènes, Auker et quelques autres élues. Il fait souvent 60 degrés chaque été par test, où les riches vivent sous l'acclime et les pauvres ne vivent plus.

  • Speaker #1

    Oui, ça me parle de monde. J'ai eu pas mal de rencontres comme ça aussi. Et oui, c'est bouleversant. En fait, ce qui est intéressant, c'est... Là où j'avais avant une idée de certains concepts, comme l'interdépendance qu'on peut avoir avec le vivant, j'avais compris déjà ces concepts-là dans ma tête, mais toutes ces expériences-là, c'est comme si ça avait fait passer ces concepts qui restent quand même théoriques, le lien qu'on peut avoir aux générations futures, quand on parle de quel monde on veut laisser pour les générations futures, c'est des choses qu'on se dit avec des mots dans notre tête, mais en fait, dans notre cœur et dans notre corps, ça représente quoi ? Toutes ces expériences que j'ai vécues pendant ces années d'écolieux, j'ai eu la sensation de faire tomber ces concepts de ma tête à mon corps et d'avoir une compréhension plus corporelle et émotionnelle de ce que ça veut dire, qui est presque indescriptible avec des mots. Et souvent, même quand on en parle, je trouve que c'est vite glissant parce qu'on passe vite pour des personnes un peu perchées, un peu new-age. La rencontre avec la nature, c'est vraiment… C'est l'envers des perchées, c'est tellement bas. En vrai, je trouve que c'est hyper ancré. Mais souvent, quand on en parle, c'est Blanche-Neige est au milieu de ces petits animaux, ces gentillets, mais le monde, ce n'est pas ça. En tout cas, j'ai découvert ça avec surprise. Ça a révolutionné ma vision du monde d'avoir ces contacts-là avec le vivant. Et je me suis rendue compte qu'en en parlant à l'extérieur, c'était souvent inaudible. Je trouvais que c'était incroyable, effectivement. C'est ce grand écart qu'il peut y avoir entre l'expérience directe qu'on peut avoir des choses, qui est en fait irracontable quasiment, et la tentative qu'on peut faire de le raconter et qui est un peu galvaudée aujourd'hui. Quand on parle de connexion au vivant, tout le monde fait ouais, bon ok, moi aussi je suis connectée au vivant Mais ce n'est pas simple. Et c'est un peu au cœur, quand tu parlais après de ce que ça a été, mes modes d'action, comment j'ai essayé d'agir. C'est qu'au début, je me suis dit, en fait, moi, ce que j'ai envie de faire, c'est que les gens vivent ces expériences-là, qu'ils le vivent non pas avec la tête, mais avec leur corps, avec leur cœur. Donc, moi, j'avais envie d'emmener les gens dans la nature, ce que j'ai fait, pas mal, et ça avait vraiment de l'impact. Mais j'ai vu qu'en fait, quand je voulais drainer des personnes à faire ces expériences-là, finalement, j'emmenais des personnes qui étaient déjà convaincues de ce qui était en train de se passer. J'avais l'impression que mon impact, il était finalement assez restreint, parce que... Ces personnes-là, elles avaient déjà cliqué quelque chose dans leur compréhension, dans leur vie, etc. Et moi, je pouvais offrir des espaces qui leur permettaient d'aller plus loin, des espaces où elles pouvaient vivre leurs émotions. Pour moi, c'était super important. Ces cercles de résonance émotionnelle, ça reste quelque chose de super important pour moi. Mais je me suis rendue compte que ça touche 1%, pour ne pas dire 1 pour 1 000, de la population de la France ou de la population même mondiale. Et qu'en fait, le reste… à l'air de s'en fiche, en fait, de tout ça. Et je me suis dit, mais waouh, en fait, c'est merveilleux ce que je suis en train de découvrir, mais je ne peux pas du tout le mettre à l'échelle. Ce n'est pas demain que je vais entraîner tous les Français à aller écouter les oiseaux dans la forêt. Ça ne va juste pas marcher.

  • Speaker #0

    C'est vraiment une question qui est complexe parce qu'effectivement, comme toi, il y a un certain nombre de scientifiques aujourd'hui qui essayent de prendre la parole d'une manière moins mesurée. pouvoir alerter davantage et ça les effets que ça a. Il y a aussi eu des tentatives qui ont été faites comme la convention des entreprises pour le climat qui est une super initiative qui a été faite vraiment, moi je ne l'ai pas suivie, mais dans ce que j'ai compris, dans ce qu'on m'a partagé, qui a été faite vraiment pour mettre en lien tête-coeur-corps avec une gradation, différents ateliers, quelque chose qui me semble extrêmement bien construit. Et les dirigeants que j'ai rencontrés qui l'ont vécu, et c'est ce que m'ont dit aussi d'autres, personnes qui connaissaient des personnes qui avaient vécu cette expérience-là. Ils ont trouvé ça touchant, ça les a remis bouleversés. Mais qu'est-ce qui s'est passé après ? Ils ont continué à aller à l'île Maurice en avion, à aller faire du shopping dans les grandes capitales mondiales, à aller rouler en voiture dans Paris. Enfin, tu vois, pas d'impact. Donc, je voulais juste dire avant que tu poursuives, à quel point c'était compliqué cette question de l'impact. parce qu'il y a l'information, globalement aujourd'hui tout le monde l'a, enfin tous ceux qui veulent l'ont et ceux qui ne l'ont pas ne veulent vraiment pas, on peut dire, peut-être. Et beaucoup de gens sont bouleversés, mais passer du levier des touchés ou bouleversés à vraiment agir concrètement, individuellement, collectivement, au niveau d'un pays, au niveau d'une société, c'est encore autre chose, c'est vraiment pas simple. Donc j'ai d'autant plus envie de t'écouter sur ce que tu as pu faire, mais je trouve que la question est vraiment, vraiment complexe en fait. Cette question du passage à l'acte et encore plus du passage à l'échelle, elle est bigrement compliquée en fait. Oui,

  • Speaker #1

    tout à fait. Et ce qui s'est passé, tu vois, quand je suis partie dans cet écolieu, je... L'air de rien, dans ma tête, je choisissais le camp du bien. C'est-à-dire, je me suis dit, allez, moi je vais être parmi ceux qui agissent.

  • Speaker #0

    Je vais être dans le camp du bien, de ceux qui auront fait quelque chose. J'étais redevenue maman depuis peu de temps. Quand j'imaginais le monde dans lequel ma fille va vivre, ça me mettait en panique totale et je me disais, je dois agir. Et moi, on ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir agi. Donc, je me suis engagée, entre guillemets, et aujourd'hui, je le décrirais comme dans une croisade pour le bien. Et je me suis rendue compte, en fait, que… En partant en croisade pour le bien, j'avais défini le mal aussi. Dans la catégorie du mal, je mettais plein de choses. Je mettais en premier lieu les entreprises, je mettais les politiciens, je mettais même mes collègues du CNRS qui, eux, n'avaient pas quitté le CNRS. Je mettais beaucoup de choses, en fait, dans le camp du mal J'utilise ce mot fort et sion. Je ne le disais pas aussi fort, mais en tout cas, voilà. Oui,

  • Speaker #1

    bien sûr.

  • Speaker #0

    Et... Et puis même, du coup, les gens de ma famille ne me comprenaient pas, mes amis ne me comprenaient pas. Et je me suis rendue compte, au bout d'un certain nombre d'années, qu'en fait, quand on part en croisade pour le bien, on part en guerre quand même. Et on se met à faire des choses qu'on défend. Moi, ce que je veux, c'est vivre en paix, c'est être en lien avec les autres, c'est être en lien d'amour. Mais quand je pars en croisade aussi, aussi noble puisse être la cause, je pars quand même en guerre contre des gens qui ne sont pas dans ma cause. Et donc, ça, ça me fait rentrer dans une sorte d'entre-soi, tu vois, où du coup, ma bulle, c'est devenu tous ceux qui sont dans ma croisade. Et tous les autres, c'est entre guillemets les méchants. Et ça, évidemment, c'est complètement contre-productif. J'ai mis du temps à m'en rendre compte. Au-delà de l'impact, tu vois, c'est vraiment un état d'esprit où, finalement, On fait l'inverse de ce qu'on veut. On commence à définir...

  • Speaker #1

    Et puis en plus, on n'est pas audibles, parce que si on porte ça en soi, quand on va voir des gens qui n'ont pas les mêmes idées, on n'est pas audibles, en fait, ils le sentent.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Donc pendant un certain nombre d'années, j'ai évité d'aller voir des gens qui n'avaient pas les mêmes idées. Et puis au bout d'un moment, je me suis dit... Tu vois, quand je parlais de l'impact tout à l'heure, en me disant que je ne pourrais pas emmener tout le monde écouter les oiseaux dans la forêt, et en plus, au fond de mon cœur, je porte effectivement ce truc de... Les autres ne font pas ce qu'il faut. Et ça, c'est évidemment une posture qui est une des postures à la source de ce qui est en train de se passer. C'est-à-dire qu'on s'accuse mutuellement qui est responsable, qui est coupable, qui fait assez, qui ne fait pas assez. Même à l'intérieur des écolos, en fait, on va encore se battre sur, oui, mais est-ce qu'il faut faire du militantisme ? Est-ce qu'il faut faire de la méditation ? Ou alors, est-ce qu'il faut faire des écoles alternatives ? Ou alors, on trouve encore le moyen de se battre alors qu'on est dans le même…

  • Speaker #1

    Oui, à la pointe de l'économie, mais tu as raison, ça demande une vraie prise de conscience. que d'arrêter ça, en fait. Parce que c'est tellement la société dans laquelle on a grandi, l'éducation qu'on a reçue, le fait d'avoir raison, tout ça, il faut arriver à lâcher tout ça. Et c'est un vrai travail que tu as fait.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, je me suis rendue compte que là où je pensais être une bonne personne qui faisait le bien, en pratique, dans mon cœur, je portais ces trucs-là de rejet des autres. En pratique, au niveau familial, je me suis organisée d'une manière où je me suis retrouvée à vivre à 500 kilomètres de ma fille pendant plusieurs années. C'est-à-dire, finalement, je faisais cet écolieu pour ma fille, pour lui construire un monde meilleur. Et en fait, en pratique, ce que je faisais, c'était être loin de ma fille et la voir très peu. Donc, le jour où j'ai réalisé qu'en fait, en pensant faire le bien, je faisais aussi beaucoup de mal, d'une certaine manière. Et encore une fois, je fais exprès d'utiliser des mots forts. Évidemment, c'est plus nuancé que ça. Mais en tout cas, un jour, ça m'est tombé dessus. Comme ça que j'ai réalisé qu'en voulant faire le bien, je faisais aussi beaucoup de mal. Et d'un coup, ça a dégonflé un truc en moi de Oh là là, je me suis complètement plantée. En vrai, on est tous capables du pire et du meilleur. En vrai, on est tous quelqu'un à la fois de bon et de mauvais. Et du coup, ça a renversé ma propre perspective sur… sur ce qu'il y a à faire dans le monde. Je me suis rendue compte que ce que j'avais à faire, c'était commencer par me pardonner des affaires que j'avais faites de bancale toutes ces années. Par exemple, pendant toutes ces années, j'ai dit que j'étais loin de ma fille. C'est assez bancal quand même, et j'ai eu du mal à me le pardonner. Dans ce projet de coopération dans l'écolieu, à la fin, ce projet s'est terminé pour des raisons humaines, où on est rentré. comme dans beaucoup de projets collectifs, en fait, en conflit, sur nos valeurs, sur nos visions, etc. Et on a arrêté ce projet-là au bout de quatre ans. Et j'ai réalisé que là où je pensais avoir été super, dans l'esprit de coopération, etc., à la fin, j'ai réalisé qu'en fait, non, j'avais, comme tout le monde, contribué à ce qu'à plein de moments, j'alimente une certaine violence, j'alimente une posture qui n'était pas du tout constructive. Le jour où j'ai réalisé tout ça, J'ai regardé le monde d'une autre manière. Je me suis dit, bon, en fait, là où je pensais que c'est de la faute des politiciens, c'est de la faute des entreprises, c'est de la faute de machin, c'était plus ça, en fait, le point. Et donc, aujourd'hui, mon chemin, il est plutôt dans cette… essayer de dégonfler ce truc-là pour moi-même et autour de moi, parce que c'est tellement d'énergie perdue, en fait, ces énergies de… de s'accuser mutuellement. Et aujourd'hui, j'ai plutôt envie de partir véritablement à la rencontre des autres, véritablement, par exemple, à la rencontre des entreprises et d'essayer de vraiment comprendre comment ça marche, en fait, et de remettre mes lunettes de chercheuse, tu vois, que je pouvais avoir quand je faisais de la science, en me disant, OK, comment ça marche, ce truc-là ? L'entreprise, comment ça marche, vraiment ? Quelles sont les personnes qui y travaillent ? Quels sont leurs contraintes ? Quelles sont leurs ambitions ? Pourquoi ça se passe comme ça ? Et aujourd'hui, c'est plus ça, mon mouvement. et de remettre tout ensemble, c'est-à-dire de remettre à la fois ma casquette de scientifique qui a un certain esprit de synthèse et analytique sur des situations, ma casquette d'écolo limite un peu perchée à certains moments, mais j'assume, qui a une certaine sensibilité, ma casquette d'écolieu, de coopératrice qui a beaucoup appris principalement par les erreurs. Et de mettre tout ça ensemble pour vraiment partir à la rencontre de l'autre et essayer de prendre un petit peu de ce qu'il a à ma portée. Donc, moi, je vois bien qu'en partant à la rencontre des gens en entreprise, j'apprends plein de choses, en fait, sur les actions concrètes qu'on peut mener dans le monde. Là où, moi, je peux avoir tendance à faire des choses un petit peu déconnectées du monde, je vois à quel point les entrepreneurs sont hyper concrets et on a besoin de ça aussi. Et en échange, leur apporter les petites graines que je peux planter. Mais d'une manière où maintenant, je considère qu'on est d'égal à égal. C'est-à-dire que j'ai autant à apprendre d'eux qu'ils ont à apprendre de moi. En fermant les yeux très fort, vibre,

  • Speaker #1

    très beau je sens, j'ai tout vrai le bon chemin, et je me sens mieux dehors, le pire, les fleurs et les animaux. C'est tous un peu ma famille, on est tous partis de rien.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui,

  • Speaker #1

    c'est là que l'échange est possible et qu'il se passe des choses. Et ce que tu dis, cette démarche, ça me fait penser aussi à ce que disait Marshall Rosenberg. Moi, je m'étais formée à la communication non-violente il y a une vingtaine d'années et j'avais été touchée aussi par ce qu'il avait dit quand on... Il a quand même beaucoup agi pour la paix entre Israël et la Palestine, entre autres, etc. Et quand on lui avait dit mais c'est quoi ? Donc vous êtes le plus fier. Qu'est-ce qui a été aussi le plus compliqué ? Je ne sais plus si c'était la première ou la deuxième question, mais je crois que c'était ce qui a été le plus difficile. En tout cas, il avait répondu que ça avait été le travail de paix en lui. C'est un peu ce que je comprends dans ce que tu expliques. Je l'avais aussi partagé, cette idée. Donc, qu'est-ce qui fait qu'on change dans un article et dans un autre épisode ? C'est que je crois que quand on est vraiment avec les autres, comme ils sont sans aucun jugement, sans aucune recherche de quoi que ce soit d'autre que de comprendre avec. avec curiosité la richesse de qui ils sont. Quand on est capable de regarder ce qu'il y a de plus beau en eux, il y a quelque chose qui purifie dans le regard. Et en tout cas, on permet à la personne en face de s'asseoir dans ce qu'elle est, de manière inconditionnelle. Et j'ai été touchée de voir que plein de fois, alors que je cherchais juste rien d'autre qu'être avec les gens et les écouter, et les comprendre vraiment, il s'est passé un retournement. Et le retournement qui ne se produisait pas quand on le cherchait, il se passait là parce que juste les personnes avaient pu être qui elles étaient complètement, se poser en elles. Et à ce moment-là, elles pouvaient se mettre en mouvement. Mais avant, quand elles ne pouvaient pas se poser en elles et qu'elles n'étaient pas comprises comme elles étaient dans toute la richesse de ce qu'elles étaient, elles ne pouvaient pas bouger. Le mouvement était figé. En fait, c'était toujours en défensif. Et ça, c'est quand même quelque chose d'assez étonnant et qui peut se produire, je crois, que quand on est parfaitement sincère. Si on le fait comme une... forme de pratique un peu manipulatoire. Ça ne marche pas parce qu'on n'est pas dans cette ouverture totale à l'autre.

  • Speaker #0

    Je te rejoins dans tout ça. Merci.

  • Speaker #1

    Alors aujourd'hui, qu'est-ce que tu as envie de nous dire encore de ce que tu fais, peut-être une action qui t'a porté particulièrement ou peut-être dont tu es particulièrement fière, quelque chose dont tu aurais envie de nous parler encore ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a une chose dont j'ai envie de parler encore, je crois. Tu vois, cette éco-anxiété, je l'ai encore beaucoup régulièrement. C'est vraiment par vagues. Tu vois, ce matin, je te partageais juste avant qu'on commence l'enregistrement la peine que j'avais avec ce qui s'est passé, des inondations à Valence et comment ça me replonge dans la colère et la tristesse. Et ça, je crois que ce sera éternellement là, à chaque fois que des événements climatiques vont se produire, à chaque fois que ce qu'on a anticipé depuis des années et des années se matérialise vraiment. C'est hyper dur. Et moi, je vois aujourd'hui que pour ne pas sombrer… Là,

  • Speaker #1

    tu pensais notamment à ce qui se passe à Valence en ce moment, dont tu me parlais tout à l'heure en introduction.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Pour ne pas sombrer complètement dans le désespoir, parce que je pense vraiment qu'on va en devant de moments de plus en plus difficiles et de chaos. Je suis persuadée que malheureusement, on n'ira jamais assez vite, vu au rythme où ça va aujourd'hui, pour infléchir la direction dans un temps qui nous permette d'éviter les catastrophes. Elles sont déjà là. Il y a une certaine inertie, même si on arrêtait du jour au lendemain de faire des choses, l'inertie climatique, elle est là. L'inertie de l'extinction des espèces, elle est là aussi. Tout est là et on va forcément en payer les frais dans les prochaines années. Et ça m'attriste vraiment. Je ne sais pas si ma fille, elle va écouter ce podcast, mais j'essaye de ne pas trop être cash avec elle. Mais au fond de mon cœur, c'est sûr que je sais que la fin de ma vie et sa vie à elle va être compliquée. qu'il y aura des guerres, qu'il y aura des maladies, qu'il y aura un tas de choses qui vont être vraiment difficiles à vivre. Donc, pour essayer de ne pas sombrer dans le désespoir avec tout ça, vraiment, ce qui me touche le plus en ce moment, c'est de revenir à de la légèreté régulièrement et à de l'humour et d'arriver à rire de ça. Évidemment que le rire, ça ne va pas changer le cours de l'histoire, mais ça permet juste de supporter ce qui est en train de se passer. Et... et aujourd'hui je vois que c'est ce qui me nourrit le plus les quelques opportunités que j'ai pu avoir de rentrer dans déjà dans pouvoir raconter mon histoire par exemple en pouvant en rire c'est à dire des endroits que j'ai pu évoquer là un peu rapidement mais qui en fait ont été douloureux pour moi de me rendre compte que j'avais fait des choses aussi qui avaient pu faire du mal autour de moi de pouvoir arriver à raconter ça avec humour je vois à quel point c'est transformateur et puis de se mettre ensemble. Tu vois, il n'y a pas longtemps, il y a eu ce festival, c'était le Festival Atmosphère, qui est un festival engagé qui existe depuis plus de 14 ans à Courbevoie, festival de cinéma, d'art et de science, où on s'est mis ensemble à plusieurs scientifiques. Là, j'ai repris ma casquette de scientifique, ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Et on s'est mis ensemble avec une troupe d'impro, d'improvisation théâtrale, et avec Guillaume Meurice qui orchestrait tout ça. Et on a passé deux heures à faire une anticonférence. pour parler science tout en mettant de l'humour. Et même si la base, c'était plutôt parler de... Le thème, c'était le hasard. Donc, c'était pas mal ancré sur la physique, mais aussi l'évolution. Et on a raccroché quand même régulièrement aux thèmes environnementaux. Et je sens que pour moi, il y a une énorme là, personnelle et collective, d'alterner entre des moments de gravité, des moments de profondeur, des moments de peine, et de pouvoir en rire juste après. Et ça pour moi c'est un élément culturel qu'on cultive pas mal dans notre société et dans laquelle j'ai vraiment envie de m'engager plus. Pour moi c'est un élément culturel qui est aussi issu des peuples natifs, parmi tous les éléments culturels qu'ils peuvent avoir sans idéaliser ces peuples-là, mais simplement en étant pragmatiques et en voyant quels éléments culturels ils ont eux dans leur culture qui leur permettent de… d'être pleinement réalisés, de faire communauté dans la paix, d'être connectés à leur environnement. Il y a quand même plein de choses à réapprendre de ces peuples natifs. Et un des éléments culturels, tu vois, quand il y a un événement traumatisant qui se passe dans la journée pour une des personnes du groupe, le soir, tu vois, il y a une veillée et on reprend cet élément traumatisant avec humour. Donc, il y a des personnes qui vont jouer, qui vont rejouer cet élément-là. pour que la personne qui a vécu ce traumatisme, à la fin, au début, elle rit jaune de cet humour-là. Et puis à la fin, on enfonce le clou de l'humour jusqu'à ce qu'on rit vraiment de bon cœur et que ça y est, il y a un truc qui s'est décristallisé à l'intérieur de notre corps, de ce traumatisme-là. Et moi, je vois bien que quand je me réveille le matin, que je vois que j'entends à la radio cet homme qui décrit qu'il a vu mourir des gens dans leur voiture, au pied de son immeuble, dans ces inondations à Valence et qu'il n'a rien pu faire. évidemment, ça me donne envie de pleurer. Je sens que ça cristallise un truc à l'intérieur de moi, ça me serre le cœur. Et je vois bien que la seule chose que je peux faire, c'est pleurer. Et puis après, c'est de rire. C'est-à-dire, j'aimerais qu'il y ait quelqu'un qui vienne ce soir à l'Avelier, et qui me raconte cette histoire dix fois, d'une manière drôle, pour qu'à la fin, j'arrive à en rire, et ça y est, c'est passé. Et pour moi, là, il y a une vraie clé. de résilience individuelle et collective, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, quand je t'entends, je me dis que cette envie d'agir, qu'on est nombreux à avoir, puisqu'on a toutes les informations depuis les années 70 et avant, et qu'on aurait pu agir à ce moment-là. En plus, on avait les organisations qu'il fallait. Là, je suis en train de lire le petit livre Perdre la terre qui est prenant à ce niveau-là. Donc, on avait toutes les informations, on avait toutes les possibilités d'action, on avait déjà les organisations qu'il fallait, et on n'a rien fait. Donc là, on se dit que ça fait 40 ans qu'on n'a rien fait, alors qu'on aurait dû agir. Donc on est nombreux à avoir cette urgence en nous, à se dire qu'il faut agir. Il y en a qui disent qu'il faut y aller avec violence, parce que la non-violence, ça n'a pas marché. Donc il faut y aller d'une manière brutale, parce que les autres, les antagonismes sont brutaux. Je ne suis pas convaincue de ça, je ne suis pas à l'aise avec cette idée. Et en t'écoutant, je me dis que le problème, c'est que ça va aller lentement, parce qu'il faut faire toute cette traversée que tu as faite, qu'on est plusieurs à avoir fait. Et seulement là, quand on sait aussi déposséder de ces attributs, de ces statuts dont tu parlais tout à l'heure, On peut se dire, j'ai besoin de beaucoup moins. On peut passer du jour au lendemain de directeur d'une équipe à maraîcher. Ça ne changera pas qui on est. Il faut avoir fait un certain chemin avant d'en arriver là. Et on ne peut pas obliger les gens à faire ce chemin-là plus vite que nous, autrement qu'à leur rythme à eux.

  • Speaker #0

    Oui, oui, en fait, ça c'est… Tu vois, quand je me suis dit comment je peux aider maintenant, particulièrement en entreprise, tu vois, comment je peux proposer mes ateliers, voilà. comme la marche du temps profond, comme des choses comme ça qui permettent de changer de regard sur ce qui est en train de se passer de manière à la fois douce et à la fois quand même hyper impactante, sans culpabilisation, mais quand même, voilà, on y va, on dit les choses franchement. J'ai bien vu qu'effectivement, si les personnes en face ne voient pas le problème, c'est difficile de leur dire, mais tenez, on va regarder ensemble le problème, mais ça ne colle pas parce qu'elles ne voient pas le problème, donc elles n'ont pas envie de regarder un problème qu'elles ne voient pas. Au début, ça m'a beaucoup perturbée. Je me suis dit, mais attends, par quelle porte on rentre du coup ? Donc, j'en suis revenue à proposer mes choses plutôt sous l'angle, aujourd'hui, je propose mes choses plutôt sous l'angle de la cohésion d'équipe, ce qui est pour moi une sorte de rétrogradation assez forte de mon ambition initiale. Mais j'ai réalisé qu'en fait, j'avais plus d'impact en rentrant par une petite porte. qui est l'air de rien, venez, on va marcher en forêt, c'est juste pour passer un bon moment. Et là, je sème des graines et plac, tu vois, je peux prendre les gens l'air de rien au passage et en retourner quelques-uns. Et j'ai l'impression que j'ai besoin de finter aujourd'hui pour arriver à faire ça. Et ça, c'est la première chose, sur la rapidité des choses. Moi, j'ai eu l'impression que mon chemin, effectivement, il était long et en même temps, je... Je ne suis pas non plus convaincue que tout le monde a besoin de passer par un chemin aussi long. J'ai cet espoir que, pour certains, ça prend une seconde. J'exagère un peu parce que la déconstruction, elle est quand même musclée. Mais moi, j'y crois quand même pas mal à cette idée du point de bascule. C'est-à-dire que pour les premiers, c'est long, c'est fastidieux.

  • Speaker #1

    Oui, après, on dit à la fois.

  • Speaker #0

    À un moment, il y a des gens pour qui ça t'a pris 10 ans et pour quelqu'un, ça va lui prendre une minute.

  • Speaker #1

    Puis on voit globalement que les choses par lesquelles on passe, c'est des accélérateurs pour les autres. Il y a quelque chose après qui, effectivement, devient dans l'air. Donc, c'est bien possible. Et c'est vrai aussi que les graines qu'on sème, comme tu dis, on ne sait pas quand elles vont prendre. Moi, je me souviens en écho à ce que tu dis, la toute première action de coaching que j'ai faite, à un moment donné où j'avais pas mal été engagée. contre les violences faites aux enfants, je m'étais dit à un moment donné, il faut que je retourne en entreprise, puisque c'est aussi là qu'est le secret, puisque les gens défoulent sur leurs enfants des choses qu'ils ont vécues en entreprise. Et donc, quand je suis réintervenue, une des premières actions que j'ai fait en entreprise, il y a une femme qui est arrivée le matin en disant, ouais, moi, ces trucs sur la non-violence, etc., ça me saoule, c'est des conneries. Je lui ai dit, c'est vrai que très souvent, on utilise les mots quand les choses n'existent pas. Voyez un peu, si ça vous dit, restez là une heure ou deux, et puis si ça ne vous plaît pas, vous partez, il n'y a aucun problème. Elle est évidemment restée toute la journée, elle pleurait le soir. Elle m'a appelée dix jours après en me disant je ne suis plus la même mère avec mes enfants Aucun moment, je n'ai parlé de parentalité dans cette journée. J'avais ça en moi, mais à aucun moment, j'ai dit ces mots-là. Et qu'elle m'appelle dix jours après en me disant je ne suis plus la même mère avec mes enfants et puis en m'expliquant ce qui s'était passé pour elle, je me suis dit mais en fait, elle a réalisé mon rêve Et j'ai trouvé ça fabuleux. On ne pouvait pas me faire un plus grand compliment. Et donc, on peut avoir effectivement un impact très fort par des actions qui paraissent extrêmement petites et en laissant toujours les gens, enfin en tout cas pour moi, pleinement libres de faire comme ils veulent.

  • Speaker #0

    Exactement. Et tu vois, c'est un des ateliers que je préfère aujourd'hui, c'est la marge du temps profond. à raconter l'histoire de la Terre en marchant, en transformant le temps de 4,6 milliards d'années d'évolution de vie sur Terre en 4,6 kilomètres. C'est l'air de rien, c'est raconter une histoire, ça se raccroche à beaucoup de choses scientifiques, donc c'est très rassurant pour notre cerveau qui a besoin de se raccrocher à des choses connues. Et en même temps, on vit plein d'autres choses dans cette marche-là que tu connais, où il y a quand même beaucoup de connexions. entre les participants. Et tout ça, c'est l'air de rien. Et c'est vrai que moi, j'ai vécu ce que tu décris là, où on part pour trois heures ou quatre heures de marche, qui est toute simple, c'est une activité tellement simple. Et les gens ressortent de là, pour certains, ça me témoigne, après, qu'il y a eu un avant et un après dans leur vie, de prise de conscience, et c'est des prises de conscience très personnelles, chacun y trouve sa propre résonance. Pour moi, c'est ça le plus puissant. C'est tendre une perche qui va être attrapée à n'importe quel endroit, à des endroits inattendus, en douceur. Ça n'empêche pas que moi, à l'intérieur, je reste, comme ce matin, complètement révoltée et qu'il y a des jours où j'aurais envie d'attraper tout le monde par les cheveux et de secouer tout le monde. Mais j'ai encore ce truc-là en moi régulièrement. Mais je vois bien que le plus réaliste et le plus efficace, c'est d'y aller avec quelque chose qui donne envie et qui déclenche aussi de l'émerveillement. Raconter l'histoire du vivant, je trouve que ça déclenche beaucoup d'émerveillement. Ça remet en lien aussi. La gratitude et l'émerveillement, c'est vraiment la bouée qui permet d'accepter de se lancer dans le grand bain. pour accepter la contrepartie qui est l'horreur de ce qui est en train de se passer. Moi, je termine toujours la marche du temps profond. Évidemment, on se prend une grosse claque à la fin quand on voit l'accélération créée par l'humain aujourd'hui. Mais j'aime bien rappeler ces deux côtés de la pièce pour voir qu'on est vraiment une espèce extrêmement puissante, à la fois dans ce qu'on peut faire de pire et de meilleur. Il y a vraiment les deux et on a besoin de rappeler ces deux choses-là. pour accepter d'aller dans le pire, de voir le pire en face, il faut aussi se raccrocher à la beauté du monde.

  • Speaker #1

    Ça nous fait une très belle conclusion. On arrive à la fin de notre épisode, de notre interview. Est-ce qu'il y a quelque chose d'autre que tu aimerais dire, que tu n'as pas encore pu dire ?

  • Speaker #0

    Non, je crois que j'ai fait le tour de la question. Je te remercie Gaëlle. C'était vraiment agréable d'échanger avec toi.

  • Speaker #1

    C'était un plaisir vraiment partagé. On se reverra bientôt et puis on pourra faire d'autres épisodes ensemble. Il y a plein d'autres choses que tu as à partager.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup à toi. Merci beaucoup, voilà.

  • Speaker #1

    Si vous voulez en savoir davantage sur Sandrine Laplace, si vous voulez la contacter, si vous voulez participer aux ateliers qu'elle anime, vous pourrez trouver toutes les informations dans la description de cet épisode. Ce podcast n'est pas seulement le mien, c'est aussi le vôtre, c'est le nôtre. Si vous voulez contribuer, intervenir, proposer, contactez-moi. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le autour de vous, mettez des étoiles pour le noter et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains. A très bientôt !

  • Speaker #0

    Femme canfagolée

Share

Embed

You may also like