- Speaker #0
Soyez toutes et tous les bienvenus sur Entre-Las, le podcast qui utilise les liens pour réconcilier les humains avec les vivants en eux, autour d'eux. Si les ressources terrestres sont limitées, il existe cependant des espaces sans limite, une immensité à portée de cœur et de main. L'infinie richesse est dans nos liens. C'est cette richesse-là, cette immensité-là que j'ai envie de révéler et de partager avec vous. Comment changer vraiment ? Comment changer enfin ? Comment passer dans un monde qui prend soin et régénère le vivant ? En hybridant les manières de faire et en associant les réponses, propose Élise Levenson. Élise est ingénieure, diplômée de l'école d'agronomie Paris Tech. Elle est aussi chercheuse, artiste, facilitatrice, coach par l'écriture et la création. Elle a fait sa thèse sur la facilitation stratégique au service de la gestion des vivants. Élise baigne dans la complexité. Elle ne la refuse pas, elle la contemple. Elle rentre dedans. Elle imbrique, elle hybride. Elle regarde ce qui se passe entre nous, en nous. Elle conjugue approche scientifique et regard sensible sur ce qui nous échappe pour mettre en mouvement les individus, les collectifs, et pour réussir à passer à l'échelle. C'est une conversation sensible, riche, qui, vous l'avez compris, mêlent les manières de faire et d'être pour en tirer le meilleur. Chère auditrice, cher auditeur, cet épisode et ce podcast sont pour toi. Bonne écoute entre là. Bonjour Élise, je te remercie d'être avec moi et avec nous aujourd'hui pour le podcast entre là. Je suis ravie qu'on puisse échanger ensemble. On va parler... cette fois je dis encore parce qu'on en a déjà parlé pas mal sur ce podcast et sur plein d'autres lieux c'est une question qui nous taraude un peu tous c'est comment est-ce qu'on va enfin réussir à changer à faire cette transition écologique il y a sans doute plein de voies en fonction des gens des moments des sensibilités et puis de comment le collectif arrive à bouger aussi et donc cette question qu'on a déjà explorée un peu j'ai envie de continuer à l'explorer avec toi tu as un parcours dont tu vas nous parler je fais juste un petit teaser un petit mélange de d'ingénieurs agronomes, artistes, poètes, etc. Donc, on va voir comment tu hybrides et que tu relis tout ça et comment ça peut nous aider à changer et comment toi, tu œuvres dans cette grande transition qu'on a vraiment, vraiment intérêt à faire tous ensemble. Est-ce qu'à ce moment où on démarre, tu veux te présenter rapidement d'une manière qui te convient pour qu'on fasse connaissance ?
- Speaker #1
Oui, bonjour Gaëlle. Merci beaucoup pour cet espace d'expression. Dans ton podcast, je m'appelle Élise Levinçon. Effectivement, je suis ingénieure du vivant, agro-paritech, de formation initiale. Et ces 15 dernières années, j'ai œuvré à l'accompagnement des transitions dans les territoires ruraux par l'accompagnement de la coopération entre une diversité, une variété d'acteurs, en particulier sur des sujets agricoles, alimentaires, écologiques. Et donc j'ai fait ça en tant que facilitatrice stratégique, qui est un métier un peu particulier auquel j'ai consacré ma thèse, qualifié cette pratique-là. Et en fait, au cours de ces 15 années, où j'ai aussi accompagné des facilitateurs dans leur propre pratique professionnelle, des facilitateurs et des facilitatrices ancrées dans les territoires, j'ai petit à petit fait le constat qu'en fait on avait tendance à aborder les questions des transitions écologiques sous des aspects principalement scientifiques. technique, organisationnel, opérationnel, et que ça a constitué une limite si on ne tenait pas compte également de tous les aspects plus sensibles, plus poétiques, qui sont très présents dans les relations entre les personnes et dans les relations avec le vivant. Et donc j'ouvre aujourd'hui un deuxième chapitre de ma vie professionnelle dans lequel je fais beaucoup plus de place à cette part artistique finalement, à la fois moi dans mes propres activités, j'ai aussi un projet artistique sous le pseudonyme Hybrida Folia, et puis dans les accompagnements que je propose aussi auprès des acteurs et des actrices du vivant. par des méthodes un peu nouvelles, notamment celle de l'écriture créative. On pourra en reparler si ça t'intéresse. Voilà, toujours plusieurs casquettes de l'accompagnement, de la création, et aussi toujours de la recherche, puisqu'il me semble qu'il y a un enjeu important, notamment en termes méthodologiques, de qualifier ces méthodes d'accompagnement et de voir quels effets elles ont effectivement sur les transitions.
- Speaker #0
C'est vrai qu'on avait parlé un peu de poésie avec Amélie Nacquinte, qui fait de l'agroécologie, qui est chercheuse aussi, et qui me disait comment elle utilisait la poésie, et comment elle l'avait utilisée déjà dans sa thèse, pour montrer, à la fois sensibiliser le public, puis montrer qu'on l'utilisait déjà, il y a 3000 ans, pour donner des recettes en agro-biologie. Et puis, effectivement, il y a bien cette idée que ce qui nous met en mouvement, c'est les émotions, ce qui nous fait bouger tous depuis des millénaires, c'est le récit. On avait parlé avec Bruno Bachim aussi. Mais on n'a jamais fini de comprendre bien ça et comment ça marche et comment ça s'hybride aussi en nous. Et comment à un moment donné, quelque chose va nous mettre en mouvement l'un ou l'autre. Alors que peut-être que pour un autre, il ne se passera rien. Ou plus tard, peut-être qu'on a semé une graine et puis qu'à un moment donné, ça va pousser. Au moment où on ne s'y attend pas forcément. Parfois, on a l'impression de faire des choses qui n'ont pas d'impact. Puis en fait, quelqu'un plusieurs mois après nous dit mais tu vois, je t'ai entendu et en fait, il s'est passé ça derrière, mais on n'en a eu aucune idée sur le coup C'est vrai que ça doit être rudement complexe à mesurer tellement ça ne pousse pas forcément au moment où on l'attend et pas de la manière dont on l'attend non plus.
- Speaker #1
Oui, il y a une question de rythme, effectivement, de moment et de rencontre. Il me semble que c'est là le point intéressant sur lequel il y a une recherche à poursuivre et peut-être, encore une fois, des pratiques à approfondir et à expérimenter. C'est précisément dans la rencontre entre ces différentes formes d'intelligence. J'ai tendance à les présenter de façon un peu dichotomique, mais elles sont beaucoup plus imbriquées que par cette formulation-là. Mais effectivement, des intelligences qui sont de l'ordre de l'héritage des Lumières et du cartésianisme, cette capacité à découper le monde en petites briques élémentaires pour mieux le comprendre, pour l'analyser, pour créer des outils ou des réponses spécifiques à un problème, un problème égal une solution. des approches comme ça très analytiques et très rationnelles des choses, et comment est-ce que ça rencontre effectivement des intelligences et des fonctionnements qui sont plus complexes, qui sont plus immatériels, qui sont plus difficiles à percevoir, plus invisibles aussi, en nous, mais aussi autour de nous, et comment ça se rencontre en fait, effectivement, la poésie et le discours technique, par exemple. comment est-ce que ça se rencontre et qu'est-ce que ça opère finalement dans cette rencontre. Et aussi effectivement tout le volet émotionnel, relationnel. En fait, il me semble que sur cet espace-là de jonction entre une approche analytique des choses et une approche véritablement complexe, on a encore peu de visibilité, peu de compréhension de ce qui s'opère, que ce soit en nous. en tant qu'être vivant, être humain, que ce soit entre nous, dans des collectifs ou dans des groupes, ou que ce soit dans nos relations avec le vivant. Puisque finalement, ça existe aussi dans le vivant de façon générale. Le visible et l'invisible coexistent. Et on peine encore aujourd'hui, me semble, à voir où ça se rend compte et comment y avoir accès.
- Speaker #0
En plus, dans le vivant, ce qui est visible ou invisible pour les uns n'est pas visible ou invisible pour les autres. On n'a pas tous les mêmes sens. On ne voit pas les choses pareilles. peut-être que pour comprendre ça explorer ça ensemble peut-être commencer le commencement de définition c'est quoi pour toi l'écologie et comment est-ce que tu vois la possibilité d'une action collective qui soit écologique alors
- Speaker #1
j'aime utiliser la définition de l'écologie qui consiste à dire que c'est une science des interactions une science des systèmes vivants Ça m'intéresse parce qu'en fait, cette définition porte en elle ce paradoxe et ce défi de rencontre entre ces différentes formes d'intelligence dont je parlais tout à l'heure, puisque si on qualifie l'écologie comme une science, ça charrie ce terme-là de science en bac, une approche cartésienne reproductible avec des protocoles transférables. que l'on peut répéter, qui produisent avec les mêmes causes les mêmes effets. Donc il y a quelque chose qui est de l'ordre de la capacité à analyser un phénomène, des phénomènes. Ça fait partie de l'écologie si on la définit comme ça, comme une science. Et en même temps c'est une science des interactions et de la complexité, des systèmes complexes. C'est-à-dire que c'est une science qui va regarder tout autant les éléments d'un système que la façon dont il rentre en relation. de ce qui se passe en fait dans les interactions entre, de ce qui se passe entre. Et ça, c'est quelque chose où là justement, l'invisible, l'imperceptible, le mystère s'invitent. Donc l'écologie, quand on la définit comme ça, finalement, porte en elle ce paradoxe-là et cette richesse aussi de conjugaison de à la fois une approche scientifique des choses et à la fois un regard porté, une attention portée à ce qui parfois nous échappe en fait. Ensuite, si je tire le fil de ta question sur l'action écologique, et en particulier l'action collective écologique, là tout de suite ça ouvre en fait tout un champ d'autres questions, de nouvelles questions. Puisque la question de l'action écologique déjà est un champ de recherche et d'investigation en tant que tel, puisqu'on voit bien aujourd'hui... le gap qui existe entre la connaissance et l'action, avec tout ce qui se pose comme question dans le passage de la connaissance par de l'information, de la recherche, de la sensibilisation, du partage d'informations, etc., à véritablement une mise en mouvement où on passe à l'action individuellement, collectivement, etc. Et là, il y a quelque chose qui aujourd'hui... il me semble, nous échappent. C'est-à-dire que la connaissance ne suffit pas au passage à l'action, d'autres conditions sont nécessaires et on a un petit peu du mal à les identifier aujourd'hui et à les réunir. En tout cas, pour des changements d'ampleur ou de suffisamment grande ampleur.
- Speaker #0
C'est vrai que l'information ne suffit pas. On le sait, on l'a vu largement pour tout puisqu'on est déjà informé depuis les années 70 que tout va dans ce sens. Et le passage à l'acte, finalement, il est assez individuel. Il est parfois lié à des chocs, à quelque chose qui nous met en mouvement et on ne le maîtrise pas encore très, très bien.
- Speaker #1
Oui, effectivement. Et il y a la question aussi du passage à l'échelle, c'est-à-dire qu'on en est, j'ai l'impression en tout cas, à l'échelle sociétale, dans notre passage à l'action, on est à la phase de l'émergence et de l'existence et de la mise en… de la poursuite d'un ensemble d'initiatives qui sont toutes particulières, qui tiennent à des conditions particulières, des conditions territoriales, des conditions humaines, des questions de volonté, d'investissement personnel des uns, des unes et des autres. Et on est à ce moment où on se pose la question de savoir comment on passe à l'échelle, c'est-à-dire comment on passe d'une somme d'actions ou d'initiatives qui pour la plupart sont très intéressantes, passionnantes et tout à fait pertinentes, et en même temps qui reste singulière, comment est-ce qu'on passe à un changement de système, un changement systémique dans une échelle plus macro ? Et donc c'est là que se pose la question de l'action collective que tu m'adressais. Ce qui me semble intéressant, il me semble, c'est de voir à quel niveau se joue le collectif. ou l'action collective. On a tendance à considérer que l'action collective est l'action d'un ensemble de personnes qui se réunissent autour d'un projet. Évidemment, il y a cette forme d'action collective qui existe et qui pose d'ailleurs tout un tas de questions dans la capacité de coopération au sein d'un collectif, de la maturité coopérative, si je reprends les termes de l'Institut des Territoires Coopératifs, comment les gens font ensemble, opèrent ensemble des transitions. Donc là, on est sur un niveau groupe, finalement. Il y a une échelle qui est plus macro, qui est encore une fois celle des systèmes, où on va être à la fois dans du collectif, mais on peut aussi être dans des choses plus ouvertes, dans des choses qui sont de l'ordre de l'action commune, que personnellement je distingue. Action collective, action commune, on pourra y revenir si tu trouves ça intéressant. Et il me semble qu'il y a aussi le niveau qu'on qualifie d'individuel. et qu'on a, il me semble, trop tendance à considérer comme étant individuel, c'est-à-dire où les individus sont une unité, une entité, comme si c'était un un, une unité parfaitement stable dans le temps. et qualifiable en tant que tel. Alors qu'en fait, nous sommes nous-mêmes, chacun et chacune, des collectifs. On a chacun en nous un ensemble de dynamiques, un ensemble de sous-personnalités, certains utilisent ce terme-là, un ensemble de parties, aussi un ensemble de pensées, de sensations, d'émotions qui cohabitent, qui ont parfois du mal à cohabiter.
- Speaker #0
Ils peuvent nous mettre à faire les uns enceintes ou dans un autre, selon les moments ou les heures de la journée.
- Speaker #1
C'est ça.
- Speaker #0
Ou les gens avec lesquels on est.
- Speaker #1
Tout un tas de facteurs d'influence, aussi des choses qui viennent de nous, dans des envies, dans des désirs ou dans des vulnérabilités qui s'expriment à certains moments, qui font référence aussi à nos propres histoires personnelles, familiales, nos transmissions, etc. Et donc, en fait, quelque part, il y a déjà à prendre soin et à accompagner nos propres collectifs intérieurs dans l'interaction avec les collectifs dans lesquels on se... place et là aussi il y a une multitude d'échelles. On est déjà dans un collectif au niveau de ses relations amicales, familiales, de son couple si on est en couple, des choses à petite échelle, de son foyer et puis encore une fois les collectifs de travail, les collectifs associatifs, les collectifs organisationnels et puis de plus en plus de taille de plus en plus importante, on va vers des choses plus institutionnalisées et plus macro. C'était juste pour... pointer le fait que l'action collective, en fait, est elle-même multiniveau, multiechelle et multidimensionnelle, selon moi. Oui,
- Speaker #0
ce qui ne simplifie pas les choses, mais en même temps, il y a qu'en comprenant cette complexité-là qu'on peut comprendre comment agir, sinon on va se bourrer. Oui,
- Speaker #1
il me semble. On va avoir du mal à un moment donné à faire l'économie de ce travail-là, oui.
- Speaker #0
Et à partir de cette compréhension-là, toi, qu'est-ce que tu conclus ? Quelle est ta réflexion ? sur les modes d'action, ce qui peut fonctionner, et puis qu'est-ce que tu étudies de ton côté, qu'est-ce que tu as peut-être pu déjà analyser, comprendre ?
- Speaker #1
Ce qui me semble, c'est qu'il y a une complémentarité, en fait, à la fois dans la réflexion et dans l'action, une complémentarité de ces différentes strates, si je réutilise les termes de Gilles Deleuze et Félix Guattari, une complémentarité... entre ces différentes strates et une complémentarité encore une fois dans ce qui s'y exprime en fait, les multiplicités qui vont s'y exprimer. Et il me semble que là, il y a plusieurs enjeux. C'est déjà l'accueil, la compréhension, la perception en fait, vraiment en conscience de ce qui s'y passe. Donc là, ça renvoie à tout un champ qui me paraît extrêmement intéressant, le champ de la pleine conscience que l'on aborde souvent sous l'angle du développement personnel, de la méditation pour gagner en sérénité, en calme. En réalité, il me semble que l'enjeu n'est pas tellement là. L'enjeu, il est de comprendre en fait ce qui se passe en soi, véritablement dans la richesse et la diversité de ces dynamiques, de ces fonctionnements, de ces pensées, de ces émotions, de ces ressentis, de ces désirs. et de voir comment est-ce que ça, comprendre comment est-ce que ça rentre en interaction avec, encore une fois, les groupes ou les relations dans lesquelles on s'insère. Donc il y a pour moi un enjeu vraiment de compréhension, de porter attention, de se mettre à l'écoute de ça, à l'écoute pas seulement l'écoute auditive, mais véritablement la perception sensible et multidimensionnelle de ces fonctionnements-là et de ces interactions-là, puisque finalement... quand on comprend les choses, on les a quasiment résolues, en fait.
- Speaker #0
Oui, si on ne les comprend pas si on est intellectuellement, tu veux dire. C'est ça.
- Speaker #1
C'est plus de l'ordre du vécu, de l'accueil et de la compréhension fine et sensible de ce qui se passe, y compris dans un collectif, 90% du boulot, avant de résoudre les problèmes relationnels entre les gens, par exemple. Consiste à comprendre finement ce qui se passe, comment est-ce que chacun, chacune vit une situation ou un conflit ou une tension s'il y en a, avant de pouvoir appliquer une réponse, entre guillemets, et parfois même la réponse n'est pas nécessaire. La simple compréhension, l'écoute, l'accueil de ce qui se passe suffit à débloquer la situation. Autrement dit, on a besoin de développer nos capacités, nos compétences d'écoute et d'accueil sans jugement. en finesse et en complexité de ce qui se passe aujourd'hui dans nos phénomènes vivants, qu'ils soient humains ou non-humains. Et c'est évidemment déclinable au fonctionnement du vivant. La compréhension fine et l'accueil fin de ce qui se passe dans les phénomènes écologiques, les phénomènes des milieux naturels, etc. est quelque chose à développer, pas uniquement avec des approches, encore une fois, scientifique et technique mais plus plus ouvertes, plus multidimensionnelles. Et puis, ensuite, il y a quelque chose qui est de l'ordre pour poser la question du passage à l'action et de finalement quelle piste ouvrir au-delà de l'écoute et de la compréhension. Je reviens sur ce que je disais tout à l'heure, c'est-à-dire comment est-ce qu'on hybride finalement une variété de formes de réponses possibles. Comment est-ce que concrètement, quelles méthodes on déploie, quels outils on déploie, où est-ce que ça se passe, dans quel espace de rencontre, dans quel espace de travail, est-ce que l'on peut mobiliser à la fois des approches de l'ordre de la solution, de l'ordre de la technique et des approches sensibles ? Et ça aujourd'hui, il me semble qu'on manque de ces espaces-là. de ces outils et de ces méthodes et qu'on gagnerait à les développer, à les déployer, à leur faire de la place finalement.
- Speaker #0
En plus, ces outils-là, différentes approches, tu les as explorées pour toi, si j'ai bien compris, puisque tu as fait une école d'agronomie, oui, mais tu écris, tu dessines, tu peins. Et donc, toi, tu as eu aussi un cheminement intérieur, un cheminement personnel, je veux dire, qui t'a permis d'explorer à la fois, de développer tes talents, puis d'explorer les liens multiples. qu'il y avait entre l'agronomie, l'intelligence rationnelle, la poésie, l'amour de la nature, l'émerveillement. Est-ce que tu veux nous parler un petit peu de ton cheminement à toi ? Ça nous permettra peut-être aussi de comprendre comment tout ça se peut cheminer en chacun, en chacun.
- Speaker #1
Oui, merci pour cette question et de plaisir. C'est quelque chose que je constate aussi autour de moi. Je vois de plus en plus de personnes qui croisent des passions ou des élans. artistique avec des élans ou des pratiques professionnelles plus sérieuses entre guillemets ou en tout cas considérées comme telles avec là aussi me semble un peu un champ de recherche en tant que telle sur comment on peut incarner en fait dans une même pratique professionnelle des actions des activités qui sont comme ça très différentes Ce qui s'est passé pour moi, en fait, c'est qu'il a toujours été présent dans ma vie le goût pour le vivant, l'amour du vivant, pour les arbres, la forêt en particulier. Toujours aussi une pratique créative sous tout un tas de formes différentes. Et puis, en fait, tout ceci au fur et à mesure de mes études scientifiques, de mes études au lycée, filière scientifique, prépa. école d'agro, tout ceci en fait petit à petit s'est réduit aux interstices de ma vie personnelle, c'est-à-dire des petits temps libres, qu'on appelle le temps libre, dans lesquels je continuais d'écrire, de peindre, de dessiner, etc., en considérant que ce que je développais d'un point de vue professionnel était complet, puisque c'est comme ça qu'on me le transmettait finalement. pour aborder les questions du vivant. Alors, je nuance quand même ce que je dis, puisque j'ai trouvé à l'agro, et notamment en année de spécialisation de master, une approche qui était résolument humaine, de sciences sociales, de sciences politiques, dans ce Ausha très technique des études d'ingénieurs, d'ingénieurs du vivant, et que là, j'ai trouvé quand même là... des choses qui étaient de l'ordre justement de la psychologie, de l'accueil des émotions, de tenir compte des aspects humains et relationnels dans une pratique d'ingénieur. Et pour autant, tous les aspects artistiques restaient en dehors de ce cadre professionnel. Ce qui m'a posé problème à l'intérieur de moi-même puisque en moi, ça coexiste. Je ne sais pas faire autrement. que d'être une seule et même personne qui conjugue tout ça en elle. Et il y a un moment où ça m'a posé problème. Concrètement, je me suis sentie coupée en deux, en fait. Donc, petit à petit, j'ai essayé d'introduire d'autres outils, d'autres méthodes. Je me suis notamment formée à une méthode qui s'appelle le journal créatif pour introduire des outils de créativité dans mes accompagnements jusqu'à un certain point, en fait. Ça a été possible jusqu'à un certain point. puisque j'ai quand même fait le constat au bout d'un moment que c'était considéré comme effectivement juste un outil innovant et original et très agréable à mobiliser. Mais le gros du sujet restait quand même, encore une fois, les aspects stratégiques, organisationnels, opérationnels. Maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Voilà. plutôt que qu'est-ce qu'on est en train de vivre ensemble, comment est-ce que ça nous active dans nos globalités en tant que personnes, dans nos globalités en tant que système, dans nos globalités en tant qu'êtres vivants parmi les vivants. Et donc c'est là où, à un moment donné, je me suis dit qu'il faut que je prenne la décision d'assumer d'être cette hybride moi-même. à la fois scientifique, rationnel, analytique. Moi aussi, j'ai besoin de cadres, moi aussi, j'ai besoin de sécurisation, moi aussi, j'ai besoin de mes petites routines, moi aussi, j'ai besoin qu'une chose en entraîne une autre et que ce soit la même chose le lendemain et le surlendemain. Et en même temps, j'ai aussi besoin de faire se rencontrer des choses et de voir ce qu'il en émerge. J'ai aussi besoin de coller ensemble des mots qui n'ont rien à voir et ça va produire quelque chose de nouveau. J'ai aussi besoin de mettre les mains dans la peinture, dans les pigments, de sentir par le geste et par le toucher ce que ça opère et de réinvestir cette part corporelle de ma vie tout simplement et de ma place dans le monde. C'est ce que j'essaye d'opérer aujourd'hui. Je vois bien que c'est un défi pour moi et pour tout un tas de ces personnes qui cherchent aussi à conjuguer comme ça leurs différentes parts et parties. Ça pose tout un tas de questions, c'est très inconfortable à plein d'endroits. Et en même temps, c'est pour moi le seul moyen de me sentir complète et moi-même dans qui je suis sur mes aspects personnels et mes aspects professionnels parce que tout ça diffuse évidemment dans l'ensemble de ma vie.
- Speaker #0
Et alors, tu en as fait un manifeste ? Tu as fait un manifeste pour une révolution relationnelle ? Est-ce que tu veux nous expliquer de quoi il s'agit ?
- Speaker #1
Oui, alors le manifeste, c'est presque le point de départ, en fait. Enfin, le point de départ. C'est un jalon, mais qui a déjà quelques années. Dans ce cheminement-là, ça m'est venu fin 2018, après avoir, comment dire, vadrouillé partout sur le territoire français, écouté 300 personnes en entretien approfondi, essayé de comprendre cette complexité du vivant, du territoire, de la... de la transition, de l'évolution, de ce qui se joue dans le changement pour les autres, d'avoir vraiment été très nourrie de tout ça, de toutes ces rencontres, de toutes ces expertises que j'avais recueillies, que j'avais fait se rencontrer, que j'avais intégrées, que j'avais accompagnées. Je me suis dit, mais moi j'ai quoi à dire sur ces sujets-là, sur ce grand sujet des transitions écologiques ?
- Speaker #0
J'avais dit des choses dans ma thèse sur ce métier de facilitatrice stratégique, sur tout ce que ça embarquait en termes de conviction aussi, sur la capacité à être ensemble, à faire ensemble, sur les conditions à réunir pour opérer des rencontres comme ça. Et pour autant, j'avais l'impression qu'il y avait quelque chose que je ne disais pas en fait, qu'il n'était pas exprimé. Et donc, j'ai fait ce travail-là tout à fait à ma propre initiative. Ça n'engage que moi, quelque part, ce manifeste. pour une révolution relationnelle, fait ce travail de mettre en avant ce qui me semblait véritablement un enjeu clé, en fait, pour l'évolution de notre civilisation humaine, civilisation vivante, encore une fois, parmi les vivants. Et ma clé d'entrée, en fait, le fil que j'ai tiré dans ce manifeste, c'est celui de l'écoute, au sens où je le décrivais tout à l'heure, c'est-à-dire l'enjeu à, avant, de se lancer dans les solutions, dans les réponses, dans des grandes usines de captation de CO2, de se demander mais qu'est-ce qui se passe en fait ? Qu'est-ce qui se passe ? Et à différents niveaux, qu'est-ce qui se passe en moi, là maintenant et dans ma vie, dans ma relation aux autres ? Qu'est-ce qui se passe justement dans l'interaction avec les autres, les autres humains, mais aussi les autres vivants non humains ? Et qu'est-ce qui se passe plus globalement dans ma relation à ce qui me dépasse ? La relation au monde, la relation au grand tout, diraient certains ou certaines qui vont jusqu'à avoir une approche spirituelle. Dans ces trois niveaux de relation, comment est-ce que je peux inviter ou proposer de mettre de l'écoute, de l'attention, du soin ? C'était vraiment cette question-là. que j'avais envie de mettre dans le débat à ma façon. C'est en toute humilité et vraiment de façon confidentielle, mais c'était le propos que j'avais envie de porter à ce moment-là. Le manifeste est toujours en ligne, accessible sur le site de la Révolution relationnelle. Pour autant, j'ai l'impression qu'avec cette question de l'hybridation de ces différentes formes d'intelligence, de ces différentes… part à la fois rationnelle et sensible, poétique et scientifique, etc. C'est presque l'étape d'après, en fait. Ce serait presque le moment d'écrire un second manifeste qui serait la suite du manifeste pour porter maintenant aussi cette voie-là, de cet enjeu-là, de comment est-ce qu'après avoir porté cette écoute-là, et en tout cas ça continue d'en faire partie dans le processus d'hybridation évidemment. Comment est-ce que justement on va un cran plus loin en opérant ces rencontres-là ?
- Speaker #1
Et là, tu aurais envie de dire quoi si tu l'écrivais maintenant, le deuxième manifeste ?
- Speaker #0
J'aurais envie d'inviter à prendre ce risque-là, en fait. C'est-à-dire qu'il y a quelques sentiers,
- Speaker #1
tu veux dire ? C'est ça.
- Speaker #0
D'être, comment dire, dans le… d'en plonger dans le grand bain des multiplicités. C'est-à-dire... Parce que c'est très éloigné, en fait, de ce qu'on a l'habitude de faire, d'être, et du chemin que l'on nous propose de prendre, de pouvoir accueillir le fait d'être désespéré et joyeux en même temps, par exemple. Ça, c'est quelque chose qui paraît paradoxal, alors que c'est une réalité quand on se met véritablement à l'écoute de son ressenti, surtout dans des situations de vie qui peuvent être compliquées, dans des situations de stress. On est dans une situation de stress extrême à l'échelle de notre société, chacun, chacune, individuellement, mais aussi globalement. On est dans des situations qu'on n'a jamais vécues, qui en même temps font référence à tout un tas de... de situations qu'on a vécues par le passé. On a toujours eu peur que le ciel nous tombe sur la tête. Et pour autant, là, on est dans quelque chose qu'on ne sait pas gérer, en fait. Donc, ça crée ce stress-là, ça crée une multiplicité, un foisonnement d'émotions et de vécus qui peuvent sembler paradoxaux. Et ce que j'aurais envie d'inviter à faire, c'est de… prendre le risque de les regarder, de les traverser, de les laisser nous traverser. C'est extrêmement difficile. C'est extrêmement difficile de se laisser traverser par une émotion, par exemple, en fait. Surtout quand on n'a pas appris à le faire, quand on a appris à être fort, à être dans une société de la performance, dans une société où on ne montre que ce qui va bien, que ce qui fonctionne, que ce qui réussit. C'est difficile de poser des mots sur des expériences complexes, des expériences nuancées. qui ne sont ni bien ni mal, qui sont juste ce qu'elles sont en fait dans la diversité des vécus, des ressentis. Et parfois, il suffit de dire une chose pour qu'elle passe et qu'elle se transforme. D'être aussi dans l'accueil de cette transformation, de ce caractère très éphémère des choses. On a le droit de se tromper, on a le droit de dire quelque chose et de ne plus être d'accord avec soi le lendemain. en fait,
- Speaker #1
c'est difficile à acheter de terminer tout le temps et d'être en évolution permanente c'est ça et c'est ce qui nous permet d'évoluer en fait parce que finalement si je te comprends bien, c'est pour formuler peut-être un peu différemment l'image que ça me donne c'est aussi que c'est parce qu'on va justement pouvoir formuler et déformuler qu'on va pouvoir évoluer parce que sinon on est figé et c'est vrai qu'on est toujours à donner comme on a besoin de clarté et de simplicité on va parler de casquette par exemple comme si on était différentes... différents espaces en nous qui étaient compartimentés alors qu'en fait tout est relié. On va être soit une mère, soit une femme par exemple, soit une ingénieure, soit une consultante, soit une chercheuse. Alors qu'en fait tout ça doit communiquer et c'est comme ça que c'est riche. Mais pour les autres ça devient compliqué à comprendre. Alors que finalement si on s'ouvrait à ça peut-être qu'on serait moins... On catégoriserait moins. On pourrait dire aussi que la catégorisation, c'est quelque chose qu'on fait quand on est jeune pour essayer de comprendre le monde, puis après on la dépasse. Mais c'est vrai que souvent, on ne l'a pas dépassé, puis on en est encore là dans notre compréhension du monde.
- Speaker #0
Oui, et encore une fois, peut-être qu'on a besoin aussi de cette catégorisation à certains moments de la vie. C'est aussi très efficace, ça nous fait gagner en énergie et effectivement, on a aussi besoin parfois d'avoir des repères, des jalons très clairs auxquels se raccrocher. Donc, ce n'est pas l'idée d'évacuer ça, mais encore une fois, de voir comment il y a aussi de la place pour des choses qui sont plus difficiles à appréhender, plus mouvantes, plus diffuses, plus invisibles, plus immatérielles. Et aussi, dans la rencontre avec l'autre. C'est-à-dire qu'on a quand même un enjeu, je reviens sur le collectif, on a quand même un enjeu à vivre ensemble et à faire ensemble la situation géopolitique, politique. Et quand même très inquiétant qu'aujourd'hui, il y a quand même un enjeu de pacification dans le monde d'aujourd'hui qui ne va probablement pas aller en s'arrangeant, étant donné les crises climatiques, environnementales, sociales qui nous attendent probablement, sanitaires également. On voit bien comment tout de suite ça nous... face au risque du conflit, face au risque de briser la relation. Donc face à cet enjeu-là de continuer à être ensemble, à vivre ensemble, à faire ensemble, à œuvrer ensemble, il y a véritablement la question de la rencontre. Qu'est-ce que c'est qu'une rencontre véritablement ? Et là je renvoie aux travaux de Hartmut Rosa sur la résonance, beaucoup je renvoie aux travaux de Charles Pépin. et son livre sur la philosophie de la rencontre, c'est vraiment une mise en vulnérabilité, puisque la rencontre, c'est accepter, oser en fait, se rendre disponible à ce que l'autre nous transforme, à ce que l'autre nous montre que peut-être on a tort à cet endroit-là, ou peut-être qu'on peut faire évoluer telle chose, et inversement, d'oser aller toucher l'autre là où on a quelque chose à lui apporter. Et ça... Pareil, on manque, il me semble, d'espace sécurisé, d'échange, de réflexion, de débat au sens noble du terme, où en fait on ne débat pas seulement en cherchant à se convaincre ou en cherchant à prendre le plus de place possible dans l'espace de parole, mais où on se place dans une situation aussi où on reçoit en fait, on reçoit et Oh waouh, qu'est-ce que ça me fait ? Ça, ça me fait bouger à tel endroit, ça vient me toucher là. C'est aussi… connecté à d'autres choses que j'ai vécues par le passé, ou que je suis en train de vivre en ce moment, mais par ailleurs, dans d'autres sphères de ma vie, mais qui sont quand même là, dans cet espace de rencontre de façon invisible. Tout ça, c'est très difficile, en fait. Et en même temps, tellement riche. C'est là qu'effectivement, comme tu le disais, on évolue.
- Speaker #2
Toujours en flamme, toujours debout, perdre l'air, perdre son fou, Quand une fois vendu par cœur, Ausha, crache tes peurs, S'enfuir jamais, m'éproutre le camp, toujours s'aimer au temps présent, Se battre encore, toujours et sort, que cet étrange être vivant, Que c'est étrange d'être vivant Sentir le vent, sentir la pluie Après les sons, une indomnie Une casse en moins, ou deux trop Pleurer de lente fleur, le piano De la musique pour les voisins De la musique toute la nuit De la musique pour les copains C'est que tout cela te guille ou tuit Que c'est étrange d'être vivant Que c'est étrange d'être vivant. Que c'est étrange d'être vivant. La Que c'est étrange d'être vivant Que c'est étrange d'être...
- Speaker #1
Et puis c'est aussi tellement simple parce que la résonance dont parle Armutroza, c'est aussi comme ça qu'on fonctionne toujours, tout le temps. C'est ce qui fait qu'à un moment donné, on fait un trajet hyper... Enfin juste très habituel et routinier et qu'on se met à voir quelque chose qu'on n'avait jamais vu, que la beauté d'un arbre ou d'un réseau dans le ciel nous émerveille. Et ça se produit même sans qu'on se soit rendu ouvert. Mais ça se produit parce que ça se produit. et que la volonté d'ouverture, on ne l'a même pas eu consciemment. En fait, ça nous prend, ça nous capte, etc. Ça, ça arrive tout le temps, depuis qu'on est nés, et peut-être un peu plus souvent aux enfants, parce qu'ils en ont peut-être un peu moins chargé, mais en tout cas, ça peut se produire même quand on ne l'a pas du tout anticipé. Et donc, il y a à la fois une ouverture, et puis à la fois la contendance de ce qui peut surgir dans nos vies. Et je crois qu'il y a beaucoup de choses aussi qui se diffusent par résonance. Quand on parle de transmission, on ne transmet pas seulement ce qu'on dit, mais plutôt ce qu'on fait et encore plus ce qu'on est. Il y a beaucoup de transmission par résonance. J'ai pas mal expérimenté et j'imagine que toi aussi. Ça, c'est aussi pour moi un espoir, parce que ça veut dire que si on est beaucoup à rayonner quelque chose, ça va diffuser aussi comme ça, sans mots. C'est vrai que pour moi, c'est difficile d'en parler, mais c'est plus facile de le vivre. Ce qui est compliqué, c'est de le mettre en mots pour arriver à faire quelque chose de bien. dédicible, mais l'expérience elle est à la fois toujours un peu magique parce qu'on ne peut pas absolument la prédire. On peut créer les conditions de la résonance, mais on n'est pas absolument sûr qu'elle va se produire et on n'est pas absolument sûr de ce qu'elle va produire derrière. C'est peut-être pas simple. Sache tout ça. Toi, comment est-ce que tu agis au quotidien ? Comment est-ce que tu interviens en alliant à la fois tes connaissances d'ingénieur ? ton savoir-faire d'artiste, l'écriture, la poésie, le dessin, la peinture. Comment tu fais ? Qu'est-ce que tu fais ? Est-ce que tu peux nous citer quelques expériences que tu as vécues avec beaucoup de joie ?
- Speaker #0
Oui. Je tire le fil de la résonance parce que pour moi, c'est vraiment lié. Pendant un temps, j'exprimais les choses comme ça, avec cet enjeu d'essayer d'ouvrir des espaces de résonance. Justement, comment est-ce que je... par l'action, pardon, comment est-ce que je peux ouvrir des espaces de résonance ? Parce que ce que je constate, et en particulier à travers la pratique artistique, c'est que ça se travaille quand même, cette disponibilité, pour reprendre les termes de Rosa. Effectivement, on ne peut pas garantir la résonance. J'ai beau, il donne des exemples comme ça, prendre des billets pour aller voir un concert d'un artiste qu'il adore, peut-être que ça va faire flop, en fait, même si j'ai réuni toutes les conditions pour vibrer. à ce moment-là, peut-être que pour tout un tas de raisons, la magie ne va pas s'opérer. Et pour autant, la disponibilité à la résonance se travaille par la pleine conscience, par, encore une fois, l'écoute, par le ralentissement, mais le ralentissement, je veux dire, ce n'est pas forcément arrêter de faire, mais de créer des temps de vide. dans sa vie quotidienne, alors c'est là aussi un enjeu, et pour moi ça fait partie des sujets cruciaux que j'aime aborder et que j'aimerais continuer à aborder avec les acteurs et les actrices du vivant, celles et ceux qui œuvrent aux transitions écologiques, parce qu'il y a véritablement un défi et une nécessité à créer des espaces de vide dans les quotidiens professionnels pour être plus créatifs, pour justement capter des signaux faibles, pour… ouvrir des espaces de résonance en soi et en interaction avec ce qui est en dehors de soi. C'est pour dire qu'il y a quand même aussi une pratique, un entraînement possible à la résonance. Et pourquoi c'est important ? Parce que justement, ce sont des moments, ces moments de résonance dans lesquels on se sent véritablement vivant, vivante. connecté en fait à soi, connecté à ce qui vient nous rencontrer et qu'on avait effectivement pas forcément attendu ou pas forcément attendu là. Et là on est quelque part véritablement dans la rencontre et c'est ce que Rosa explique très bien dans son ouvrage, c'est qu'en fait la rencontre s'opère à partir du moment où déjà je me suis rendue disponible à la résonance, qu'elle se présente, que quelque chose se présente et que je l'accueille en fait. Je l'accueille et ça, ça vient activer en moi une transformation. Et en retour, ce qui est extrêmement intéressant, ce qu'il explique, c'est que ça vient activer une envie, un élan chez moi de toucher en retour. Et c'est là où, à mon avis, on touche au cœur de l'action écologique dont on parlait tout à l'heure. C'est ce moment précis où j'ai envie, moi aussi, en retour de ce que j'ai reçu, de ce qui m'a transformée, j'ai envie de proposer quelque chose, j'ai envie d'agir. Et ça me met dans une dynamique d'action. c'est quelque chose de très subtil qui peut être extrêmement furtif et donc de s'entraîner à capter ça à se connecter à ça et à agir par le désir qui émerge en soi plutôt que par la raison de ah oui c'est vrai on m'a dit il fallait que je mette la bouteille de gel douche dans l'éco-sac non ça ça fonctionne pas en fait je veux dire ça fonctionne à une euh avec un micro-effet. Ce qu'on a besoin aujourd'hui pour agir, c'est de mobiliser ce qui vient de nos tripes, de notre cœur, de notre corps, et de ce qui nous mobilise véritablement, y compris pour que ça dure dans le temps et que ce ne soit pas seulement une réponse, parce qu'à un moment donné, il y a des situations très concrètes qui le montrent. Je prends le cas des mesures agri-environnementales, par exemple. Ça fonctionne tant que c'est financé. Qu'est-ce que ça veut dire, en fait ? Ça veut dire que ça ne fonctionne pas vraiment, que c'est à condition de quelque chose d'extérieur. Oui,
- Speaker #1
il faut un secteur de motivation extrême.
- Speaker #0
Voilà, c'est ça. Alors, ça ne veut pas dire qu'il faut les arrêter, ce n'est pas ce que je dis, mais qu'il y a tout un tas d'incitations, entre guillemets, qu'il est important d'avoir, mais plutôt de voir comme des soutiens, selon moi, et des conditions à réunir pour soutenir cet élan de vie, en fait, cette envie, ce désir d'engagement. Là, on a besoin. de financer ça, on a besoin d'apporter des moyens, des méthodes de la recherche de l'information etc mais c'est pas ça qui crée l'envie en fait, ça doit être au service de l'envie et donc voilà encore une fois cet entraînement cette pratique là de s'ouvrir à la résonance de l'accueillir de la nourrir aussi dans le temps Quelque part, moi, c'est là que je me place dans mon action, dans mon propre projet artistique. C'est ça que je cherche, c'est ça qui me drive, en fait, quand je dessine ou quand je peins, je cherche à connecter ça. Que me dit, en fait, mon corps quand je trace mon trait comme ça ? Mon corps me dit c'est juste ou c'est pas juste. Il le sait, je le sens, je le sens à l'intérieur de moi. Ça m'a appris à capter, en fait, cette résonance. et à l'utiliser, entre guillemets, quelque part, comme à la fois, évidemment, ça fait du bien, on adore ça, ça nous balance tout un tas d'endorphines et de choses très agréables, mais c'est aussi que ça nous guide, en fait, dans le juste chemin. Donc, moi, je travaille ça à mon niveau à moi, et j'essaye, modestement, d'ouvrir des espaces comme ça pour les personnes que j'ai envie d'accompagner. Et là, il me semble qu'encore une fois, on a besoin de... d'expérimenter un certain nombre d'outils. Moi, j'expérimente en ce moment celui de l'écriture créative, parce que précisément, il me semble que l'écriture créative permet de marcher sur ses deux jambes,
- Speaker #1
c'est-à-dire… Tu veux nous dire en deux mots ce que c'est, pour les gens qui connaissent ?
- Speaker #0
Oui, l'écriture créative, très concrètement, c'est animer des ateliers d'écriture sur un thème, enfin avec un thème qui est préparé à l'avance, avec une trame, des étapes. dans lesquelles je guide les gens à poser des mots, à créer quelque part des textes qui sont de la fiction, qui sont de la poésie, qui ne sont pas des textes techniques ou des textes introspectifs, même si on met de soi dans de l'écriture créative, ce n'est pas l'idée d'écrire son journal intime, mais qui permettent de travailler un certain nombre de thèmes en mobilisant la richesse. du langage, la richesse de la poésie, etc. Et en fait, ce que je trouve intéressant, c'est que on a là les deux modalités de réflexion, c'est-à-dire qu'à la fois on a besoin du langage dans sa forme la plus cadrée, la plus partagée et universelle, et on a à la fois aussi la possibilité d'être dans une forme de créativité et chaque texte est nouveau, il n'y en a aucun qui se ressemble et en fait il y a quand même du singulier dans ce qui sort. Donc il y a à la fois encore une fois le pilier quelque part de la rationalité, ce mot renvoie à un champ lexical, il y a une technique de l'écriture, renvoie à un certain nombre de choses partageables qui valent pour toi, pour moi, pour tous, pour toutes et en même temps je peux être moi. inventer, innover, oser, expérimenter avec l'écriture. Donc l'idée c'est d'ouvrir ces espaces-là pour travailler différents sujets. Alors ça peut être le rapport au temps, comme je le disais tout à l'heure, qui est pour moi crucial dans la question des transitions écologiques. Ça peut être la question de l'affirmation, on en parlait à propos du manifeste. en tant que, j'en sais rien moi, ingénieur forestier, chargé de développement durable dans une collectivité territoriale, élu local en charge des questions environnementales ou autres, etc. Qu'est-ce que j'ai à dire sur ce sujet ? Après tout, c'est quoi moi ce que j'affirme dans le monde ? Quel serait mon manifeste sur ce sujet-là ?
- Speaker #1
Ça pose des convictions. Et d'ailleurs, comme tu disais qu'on est plein de multiplicité, en fait, ça permet de… d'arriver peut-être à choisir entre ces multiplicités qui sont à un moment donné, quelles actions on va choisir.
- Speaker #0
Oui, ça peut permettre de choisir aussi, effectivement, de poser des choix à un moment donné, dans la multiplicité de qui on est, de ce qu'on pourrait faire, de quelles sont les associations de compétences qu'on a envie de faire ou pas, ou qu'on pourrait faire ou pas. Voilà, on peut travailler plein de sujets, en fait, par l'écriture créative. celui de l'engagement aussi me tient particulièrement à cœur avec ce qu'on disait tout à l'heure autour de la résonance, où se situe le désir d'agir pour les personnes et pour les collectifs. Donc ça, ça peut donner lieu à la production de textes qui sont partageables, qui peuvent être lus, sur lesquels aussi on peut échanger, on peut voir comment les uns et les autres sont touchés par les textes des autres personnes. Donc c'est aussi des livrables, entre guillemets, qui peuvent être aidants aussi pour les personnes dans leurs propres engagements professionnels et parfois personnels, parce qu'il y a aussi des choses qui diffusent sur des aspects plus personnels. Donc, il y a cette action-là. Donc, je reviens, il y a la création artistique, l'action par l'animation d'ateliers d'écriture créative, d'ateliers créatifs pour les acteurs et les actrices du vivant. Et puis, encore une fois, il y a l'axe pour moi d'action qui est celui de la recherche pour essayer de qualifier ces méthodes-là, à quel endroit est-ce que ça fonctionne, est-ce que véritablement ça permet d'ouvrir des espaces de résonance, quels effets ça peut avoir pour les personnes, pour leur engagement, pour leur action et puis du coup en ricochet pour le vivant, pour les territoires, pour les projets qui sont effectivement menés, les initiatives. Voilà, donc j'ai ces trois axes de travail en fait.
- Speaker #1
Et sur la recherche, comment est-ce que tu travailles ?
- Speaker #0
Alors, sur la recherche, là, j'en suis à une phase où j'ai quelque part posé ma question de recherche, ma problématique. Donc, ce qui est déjà un gros morceau quand on engage une recherche. Donc, ce que je formule comme ça aujourd'hui, c'est comment est-ce que passer par la trace, la trace au sens, la trace et la ligne, la ligne écrite, la ligne dessinée, la trace… poser sur le papier, comment est-ce que passer par là permet d'avancer dans cette hybridation entre ces différentes formes d'intelligence dont je veux parler tout à l'heure, permet d'être à la fois dans des approches scientifiques, rationnelles, des questions écologiques et dans des approches sensibles et poétiques, comment est-ce que ça se rencontre en fait et ça s'hybride grâce à une pratique d'écriture, une pratique de dessin, etc. Et comment est-ce que ça peut être proposé à des acteurs et des actrices du vivant qui ont été largement formés pour la plupart et encouragés à avoir une approche rationnelle et scientifique des choses ? Qu'est-ce que ça opère de leur faire faire ce détour par une pratique plus artistique et plus créative, même si ce n'est pas l'idée qu'ils deviennent des artistes, mais qui mobilise ça dans certains... temps dans certains processus accompagnés qu'est ce que ça opère dans leur métier dans leur qualité de vie au travail aussi parce qu'il ya cette question là pour moi je vois beaucoup de gens qui sont en souffrance en fait d'être eux aussi coupé en deux sans forcément s'en rendre compte et est encore une fois là on en avale qu'est ce que ça opère sur sur nos nos Donc, capacité d'action collective sur les enjeux écologiques. Donc, ça, c'est ma problématique de recherche. Je l'ai posée, je l'ai écrite, elle est claire pour moi maintenant. Et là, j'en suis à une phase d'exploration bibliographique. très concrètement pour voir quel est le corpus de référence qui existe, faire un état de l'art finalement sur cette question-là.
- Speaker #1
Tu verras à quelle méthode tu envoies.
- Speaker #0
Voilà. En fait, je le fais en parallèle, c'est-à-dire que d'animer des ateliers d'écriture créative, j'ai commencé à le faire là, je le fais en coaching individuel, je commence à le faire en atelier, en groupe, mais là plus… on va dire, dans quelque chose d'un peu confidentiel avec des personnes que je connais. Et j'aimerais, sur l'année 2025, pouvoir le déployer plus largement auprès de collectivités, d'associations, d'acteurs qui sont en particulier dans mon territoire de vie actuel, qui est la Lorraine, autour de Nancy, Metz, ces espaces-là, pour alimenter la recherche, en fait, vraiment, par la pratique, la recherche sur cette méthode.
- Speaker #1
Merci beaucoup pour tout ça. Est-ce qu'il y a quelque chose dont on n'a pas encore parlé que tu voudrais dire avant qu'on conclue notre discussion ?
- Speaker #0
Je ne crois pas, ça me paraît riche tout ce qu'on s'est dit. Peut-être en résumé pour une phrase, parce que je réalisais ça l'autre jour en me faisant à moi-même un temps d'écriture automatique, que ce qui me porte, ce qui me passionne, c'est d'explorer la complexité. et accompagner les personnes à explorer la complexité. La complexité, comme on l'a défini tout à l'heure, c'est multiplicité, c'est différentes strates, c'est différentes échelles, cette coexistence de tout un tas de choses et leurs contraires, ces paradoxes, ces ambivalences. oser explorer ça et oser l'accompagner, accompagner cette exploration. Et une fois qu'on a plongé là-dedans, essayer d'identifier quels sont les fils conducteurs, quels sont encore une fois les chemins, les traces que l'on peut dessiner, qui créent du sens là-dedans et qui permettent de ne pas juste être dans un état de panique face à la complexité, mais de se raccrocher comme ça à des… à des jalons un peu comme les oasis dans le désert, qui nous permettent de poser des points, et puis on trace des chemins qui peuvent évoluer avec le temps, mais qui ont eu le mérite d'exister à un moment donné, et qui font qu'on n'est pas paralysé,
- Speaker #1
mais qu'on agit pas à pas, en faisant le premier pas, on est ouvert au fait que le deuxième ne soit pas exactement celui qu'on avait anticipé, mais peut-être quelque chose d'encore plus grand, différent, et puis de progressement. Oui,
- Speaker #0
le chemin se trace aussi en marchant, effectivement.
- Speaker #1
Ce qui nous permet de ne pas être en panique devant l'inconnu, l'incertitude et le vertige. Bon, c'est un beau programme et on pourra échanger à nouveau ensemble dès qu'il le souhaitera, quand ça va avancer dans ton travail de recherche.
- Speaker #0
Avec plaisir.
- Speaker #2
Si vous voulez en savoir davantage sur Elise, vous trouverez comme d'habitude toutes les informations qu'il donne à la description de cet épisode. Ce podcast n'est pas seulement le mien, c'est aussi le vôtre, c'est le nôtre. Si vous voulez contribuer, intervenir, proposer, contactez-moi. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le autour de vous. mettez des étoiles pour le noter et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains à très bientôt