- Speaker #0
Soyez toutes et tous les bienvenus sur Entre-Las, le podcast qui utilise les liens pour réconcilier les humains avec les vivants, en eux, autour d'eux. Si les ressources terrestres sont limitées, il existe cependant des espaces sans limite, une immensité à portée de cœur et de main. L'infinie richesse est dans nos liens. C'est cette richesse-là, cette immensité-là que j'ai envie de révéler et de partager avec vous. L'alimentation n'est jamais neutre, elle nous remplit, et elle est pleine de culture, d'injonctions, de diktats, de domination, d'émotion, de plaisir aussi. Nous nous définissons par elle autant que nous nous construisons avec elle. Comment la cuisine parle-t-elle des rapports de domination entre les régions du monde, entre les genres ? Comment raconte-t-elle notre histoire, nos histoires ? Et comment ce rapport à la cuisine contribue-t-il à la transition écologique ? Voilà tout ce que nous explorons aujourd'hui avec Amaya Castoren, qui était professeure d'histoire et de géographie, qui est maintenant chef privé et conférencière. Chères auditrices, chers auditeurs, cet épisode et ce podcast d'Entre-Las sont pour toi. Bonne écoute, Entre-Las ! Bonjour Amaya, je suis ravie d'échanger avec toi aujourd'hui pour le podcast Entre-Las. On va parler ensemble d'histoire de géographie et de cuisine, et de comment ces différents domaines, registres, communiquent entre eux, les liens qu'il y a entre la géographie, la cuisine, le genre. C'est un thème dont on n'entend pas forcément souvent parler, donc je suis d'autant plus intriguée, curieuse, quand on a discuté ensemble, quand on s'est rencontré dans ta région Pays Basque. Est-ce qu'avant qu'on se lance dans ces sujets, tu veux te présenter rapidement pour qu'on fasse connaissance ?
- Speaker #1
Très bien, alors merci à toi Gaëlle de m'avoir invité sur ton podcast, je suis très contente de participer. Pour me présenter brièvement, je m'appelle Amalia Castorène, je vis au Pays Basque. De formation initiale, je suis professeure d'histoire-géographie, mais ça fait quand même quelques années que j'ai une passion particulière, je m'intéresse à l'alimentation et je pense que quelque part mes études et ma curiosité d'historienne-géographe m'ont menée à m'interroger sur comment s'est construit notre rapport à l'alimentation, aussi les différences dans les différentes régions du monde, mais aussi comment notre… Notre origine sociale, notre genre, notre bagage culturel peut influer sur notre façon de nous nourrir, de consommer. Et je pense que plein de choses sont liées. Il y a aussi des relations de pouvoir, de domination. Et je trouve que le fait de se nourrir permet vraiment de creuser un peu et de voir qu'il y a plusieurs strates dans quelque chose qu'on pense naturel, je dirais même intuitif. quelque chose qui n'est pas intellectualisé, alors que c'est une construction sociale.
- Speaker #0
Oui, c'est intéressant parce que la nourriture, l'alimentation, le goût, les parfums, les odeurs, ce sont des choses qu'on intègre en soi très très jeunes, qui s'imprègnent beaucoup en nous. Donc on a l'impression qu'il y a quelque chose de l'ordre de l'inné, un peu d'animal, puis en même temps il y a beaucoup d'acquis et de construit, effectivement, on va voir ça ensemble. Alors comment toi tu relis la cuisine, l'histoire et la géographie ?
- Speaker #1
Alors, j'ai dit que j'étais prof d'histoire-géographie et ça fait... Du coup, j'avais commencé à vouloir me former sur le sujet. J'adore cuisiner. J'avais fait un CAP pâtisserie. Et après, vraiment pour moi, le fait de…
- Speaker #0
Pendant tes études d'histoire géo, c'est ça ? Ou après, ou avant ?
- Speaker #1
Après mes études d'histoire géo, oui. Je ne sais pas, 7-8 ans après. Après avoir commencé à enseigner. J'avais besoin aussi, je pense, de me remettre sur les bancs de l'école. C'est toujours agréable d'apprendre. et puis d'élargir un peu son champ de compétences. Et puis je m'étais rendue compte que ce n'était pas forcément le fait de répéter des gestes de cuisine qui me plaisaient. Je me suis formée après, j'ai fait une formation en région parisienne sur la psychologie de l'alimentation, l'alimentation et les émotions. Et de fil en aiguille, j'ai commencé à donner des cours de cuisine et à réaliser des chroniques radio et télé autour de l'alimentation. et autour de la cuisine. Donc maintenant, je vis... presque uniquement de cette activité-là. Et au début, ce n'était pas quelque chose de réfléchi, mais c'était quelque chose qui était vraiment ancré en moi. Je pense que c'est un héritage aussi familial, le fait d'accorder une importance particulière à comment on se nourrit. J'ai toujours eu des produits de qualité à la maison, on avait un jardin, il y avait un petit courant de résistance aussi autour de ça parce que je suis la génération supermarché des années 90. Donc... Sans vraiment avoir réfléchi à la chose, c'est devenu mon métier, même si ce métier est difficile à définir parce que je ne cuisine pas dans un restaurant. Mais je suis chef privé, je donne des cours de cuisine. Et à côté, j'ai aussi l'occasion de creuser des sujets comme ceux dont on a parlé en introduction, lors des émissions de télé et radio. Mais en plus, grâce à ma formation, je me rends compte que la plupart des gens qui font appel à moi pour des cours de cuisine, ils ne veulent pas juste apprendre à cuisiner, ils ont vraiment des questions, ils recherchent des réponses, ils ont des fois des relations conflictuelles avec l'alimentation, donc je n'essaie pas de leur donner des réponses, mais au moins de pointer du doigt ce sur quoi ils devraient travailler pour avoir une relation plus apaisée à l'alimentation, pour comprendre pourquoi certaines choses ne sont pas aussi faciles dans leur relation à l'alimentation.
- Speaker #0
Là, quand tu parles de relation à l'alimentation, tu parles par exemple de gens qui mangent trop de sucre et qui n'arrivent pas à arrêter. Quand tu parles d'addiction alimentaire, tu penses à autre chose ?
- Speaker #1
Je pense à ça, mais je pense aussi aux gens qui sont sans cesse dans un système de privation de régime, de culpabilisation par rapport à ce qu'ils mangent, de compensation avec le sport par exemple, ou qui chassent les aliments dits néfastes pour la santé, qui sont dans une... Dans un contrôle permanent, et c'est vrai, malheureusement, même si ça change de plus en plus, mais c'est très féminin. Je pense qu'il y a des dictates sociaux vraiment présents et qui ont été transmises maintenant depuis plusieurs générations qui, malheureusement, font qu'on ne sait même plus pourquoi on est tout le temps en guerre avec le plaisir alimentaire. On ne sait même plus comment se nourrir, j'ai l'impression. Donc, c'est vraiment des gens qui, vu que je donne des cours de cuisine végétarienne, ils ont l'impression qu'ils vont Peut-être apprendre à mieux cuisiner, à mieux manger. Mais je me rends compte que ce n'est pas juste des recettes qu'il leur faut, c'est des fois se questionner sur pourquoi ils ont une relation si compliquée avec l'alimentation.
- Speaker #0
Tu voudrais nous donner deux, trois éléments sur le lien entre la psychologie et l'alimentation, juste pour sensibiliser un peu à ce sujet ?
- Speaker #1
Oui, pour schématiser vraiment la chose. En fait, notre premier rapport à l'alimentation, c'est la figure maternelle, c'est les... maternelle ou la personne qui nous a élevés, est le fait de se remplir de son lait quand on est dans ses bras, que ce soit biberon ou allaitement. Et le fait, vraiment, j'ai utilisé volontairement ce mot, de se remplir. Donc, l'amour va être assez couramment connoté comme le fait de se remplir, de manger au-delà de son besoin, en fait. Et il y a deux façons de réagir par rapport à l'amour de nos parents, c'est soit ... être en demande d'amour. Il y a des enfants qui veulent toujours être embrassés, qui veulent toujours être pris dans les bras, à qui on va démontrer notre amour à travers l'alimentation, en prenant des gâteaux, par exemple. Et ces gens-là, quand ils seront adultes, ces enfants qui avaient de grands besoins de démonstration d'amour, ils vont, dans des moments difficiles de leur vie, parfois, compenser le manque de reconnaissance, le manque d'estime de soi, par exemple, le fait d'ingérer des grandes quantités de nourriture, ça peut être de l'hyperphagie ou de la boulimie. Et à l'inverse, des enfants qui ont très tôt besoin d'indépendance, qui vont rejeter l'amour parental, rejeter, c'est un grand mot, mais qui ne vont pas avoir envie tout le temps d'embrasser leurs parents, qui vont vouloir de l'air et de l'espace par rapport à cet amour qui est des fois... vu comme envahissant, ils peuvent développer à l'âge adulte des troubles alimentaires du type anorexie. Je schématise, mais en fait, souvent, les racines de ces troubles alimentaires sont dans l'enfance et dans le fait qu'on fasse un parallèle entre l'amour et la nourriture. D'ailleurs, on montre souvent l'amour qu'on a pour les gens en cuisinant pour eux ou en leur préparant de bons petits plats. Je ne suis pas en train de me critiquer à ça, mais c'est juste que le problème qu'on a avec l'alimentation, sans aller dans les troubles extrêmes. Ce n'est pas un problème avec l'alimentation, c'est un autre problème qui va être compensé ou qu'on va essayer d'atténuer par le fait de manger.
- Speaker #0
Oui d'ailleurs souvent on dit qu'on mange nos émotions. Oui, c'est exactement ça. Le fait de manger ça fait un peu passer l'émotion qui est désagréable. Donc plutôt que de se laisser traverser par l'émotion désagréable, quand on aime bien manger quelque chose, on a tous tendance à aller chercher quelque chose de sucré ou qui nous fait du bien parce que du coup ça compense l'inconfort de l'émotion qui est désagréable.
- Speaker #1
Oui tout à fait. On place des choses sans vraiment y réfléchir avec les enfants. En associant la récompense et le sucré, par exemple, tu t'es bien comportée, tu auras des bonbons, ou tu t'es mal comportée, tu n'auras pas de dessert. Donc, il y a quelque chose vraiment qui s'ancre en nous autour de ça. Et quand on est adulte, peut-être qu'après une dure journée de travail, on va se dire, bon, j'ai le droit de manger un paquet de gâteaux. Et en fait, c'est peut-être l'estime de soi qui se matérialise dans ce paquet de gâteaux.
- Speaker #0
Oui, puis qu'après, il risque de se retrouver un peu plus... avec des traces dans le corps, donc ça va aussi jouer sur autre chose.
- Speaker #1
Voilà, et c'est un cercle vicieux, puisqu'après, on va culpabiliser, notre estime de soi va descendre, et on peut ainsi, il y a des traits favorables, bien sûr, mais tomber dans des troubles alimentaires.
- Speaker #0
Alors, sans aller dans les troubles alimentaires, et puis si on élargit la psychologie au champ culturel, quand on avait échangé ensemble, tu faisais un lien dont je n'avais pas entendu parler tellement, et qui m'a vraiment beaucoup intriguée, et qui m'a donné envie qu'on échange ensemble. Sur la cuisine avec la géographie, tu m'avais dit qu'il y a une histoire de genre. On a beaucoup assimilé la viande rouge avec la virilité. C'était ce qu'on donnait aux hommes avant de faire la guerre. Il y a plein de régions du monde où la viande était d'abord pour les hommes parce qu'ils en avaient besoin pour se battre. Donc, il y a de la nourriture avec du genre. Puis, il y a aussi la valorisation de la nourriture en fonction de l'origine culinaire des plats qu'on mange. Est-ce que tu veux nous parler un peu de tout ça ? Comment ça s'imbrique ?
- Speaker #1
Je pense que… Bon, la nourriture est vraiment présente dans l'histoire de l'espèce humaine. En fait, quand on dit le mot « histoire » , justement, c'est l'histoire depuis que les hommes ou les humains écrivent. C'est-à-dire qu'avant d'écrire, ils se nourrissaient et ils devaient survivre. Le fait d'écrire, déjà, c'est quand on se détache un peu de ses besoins primaires, on a le temps pour d'autres choses, et entre autres, inventer un moyen de communication. pérenne mais aussi le fait de... En fait, l'écrire ça a été impulsé par le fait qu'on avait des récoltes abondantes et donc on commençait à vendre, à acheter et on devait garder une trace de tout ça. Donc c'est vraiment lié à l'alimentation et au fait de se nourrir. Plein de choses sont liées à l'alimentation, à l'agriculture je veux dire, parce que le fait de devenir agriculteur et sédentaire va aussi pousser les hommes à créer des frontières. à composer des nations et donc des guerres et des conflits entre différents peuples ou différentes nations. Donc je pense que plein de choses sont liées à l'alimentation, au fait de pouvoir se nourrir et le fait de posséder la terre. Tu as parlé d'abord de relations entre alimentation et genre, mais comme tu le disais, le fait de consommer de la viande vraiment je pense symbolise ce fait de domination de l'homme sur la femme. qui en fait n'est pas du tout fondée. Si on réfléchit, l'homme n'a pas besoin de plus de viande que la femme. D'ailleurs, la femme a besoin de plus de fer que l'homme. Mais c'est une idée de, voilà, le muscle, la viande qui est du muscle, va me donner ou va me fournir du muscle. Donc, va permettre à ce corps de dominer aussi physiquement l'autre genre, le sexe faible, que les hommes, depuis la nuit des temps, ont voulu dominer. D'ailleurs, certains... certains historiens disent que les femmes ont mangé moins pendant des milliers d'années et c'est pour ça que leurs corps sont plus frêles. Aujourd'hui, on voit que cette idée de la viande rouge perdure jusqu'à nos jours. Dans la publicité, par exemple, la publicité qui vend de la viande rouge est presque exclusivement tournée vers les hommes. C'est des hommes barbus, très virils. Je pense à un joueur de rugby très connu qui incarne ces personnages de publicité qui veulent vendre de la viande rouge. Donc, il y a une question de muscle, de virilité, d'affirmation de sa masculinité qui est véhiculée par ça. Et par contre, les publicités qui sont orientées vers les femmes vont plutôt communiquer sur des valeurs qui sont dites féminines, c'est-à-dire ce à quoi une femme doit ressembler pour être valorisée dans la société. Donc, la légèreté, la pureté, la discrétion, le fait de faire attention à son apparence physique. Souvent, tous les produits minceurs, produits 0%, produits laitiers, etc., c'est souvent des femmes qui sont les personnages principaux. Et on est dans un univers très blanc, immaculé, des femmes qui mangent un yaourt et qui s'envolent dans les nuages tellement elles sont légères. Donc, nous, notre but… sur cette terre, c'est juste d'être belle physiquement, légère, et de ne pas prendre trop de place, d'être discrète. Et après, c'est... Si on s'intéresse toujours à la publicité, je trouve que c'est vraiment très révélateur de notre société. On se rend compte que les marques vont inventer des personnages, des personnages masculins ou féminins, pour que les gens s'identifient. Par exemple, Ducrot, Ducrot qui se décarcasse, c'est un homme, c'est un chef cuisinier, il a une capacité, il a une connaissance, c'est lui qui va sélectionner les meilleures épices, etc. C'est pareil pour... certaines marques de café qui vont mettre en avant un explorateur qui va dans les contrées lointaines sélectionner le meilleur café, donc il a une connaissance. Et par contre, toutes les marques féminines comme Bonne Maman, Maminova, etc., c'est juste la figure maternelle qui va être mise en avant, donc le fait de procréer, de s'occuper des enfants, de rester à la maison. C'est très rare d'avoir une marque avec un personnage féminin qui met en avant une profession, une capacité, je ne sais pas moi. quelconque, intellectuelle, etc. C'est souvent juste la figure de grand-mère, de maman qui va être mise en avant. Donc je pense que là, il y a quelque chose, vraiment un message subliminal qui est lancé aux femmes, aux hommes. C'est que le fait de se nourrir d'une façon ou d'une autre va pouvoir ancrer notre position dans cette société. C'est très difficile pour un homme de dire qu'il est végétarien. Souvent, les réunions masculines au restaurant vont être... Dans des restaurants, on vend de la viande ou on vend de l'alcool. Le fait de ne pas boire d'alcool aussi. En fait, le fait de faire attention à ce qu'on mange, peut-être se soucier de sa santé, c'est dévalorisant pour un homme parce qu'un homme doit transgresser les règles, doit être un bon vivant, c'est même valorisé. Alors que cette posture pour une femme serait critiquée et ça serait une femme qui ne fait pas attention à elle, qui ne prend pas soin d'elle, qui est masculine. Donc... Je pense que dans les messages publicitaires, il y a quelque chose de plus profond qui se joue.
- Speaker #0
Oui, puis ça, ça n'a pas évolué. C'est ça que tu nous dis, parce qu'autant il y a eu des changements. Je me souviens, quand j'étais enfant, on avait des publicités qui étaient francièrement racistes, qu'on ne pourrait plus du tout voir aujourd'hui sur le chocolat, le bananier, les trucs comme ça. Par contre, pour ce qui est du genre, ça n'a pas changé.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. En fait, c'est une question de manque à gagner. Il y a plein de strates dans la domination. La domination… raciale, elle est vivement contestée. Et je pense qu'il y a des choses qui nous choquent aujourd'hui, mais on ne voit pas toujours le sexisme là où il est. Et parce que je pense que même nous, les femmes, on ne se rend pas compte des dictates sous lesquelles on vit. Des fois, il faut... Même des personnes conscientisées reproduisent des schémas parce que c'est vraiment ancré en nous depuis plusieurs générations, que c'est presque dans notre éducation, en fait. Là, j'ai parlé de la publicité, mais si on voit... si on parle des régimes par exemple beaucoup plus de femmes font des régimes que les hommes alors que les hommes sont plus en surpoids que les femmes donc c'est pas lié à une réalité à 30 ans il y a 50% des femmes qui ont déjà fait un régime pourtant les hommes ont plus de problèmes de poids si on s'intéresse aux enfants il y a des statistiques qui montrent qu'il y a 2 fois plus de parents qui recherchent sur Google est-ce que ma fille est en surpoids ? que mon fils est en surpoids, alors que les garçons sont plus en surpoids que les filles. Et il y a deux fois plus de personnes qui recherchent sur Internet « est-ce que mon fils est surdoué ? » que « est-ce que ma fille est surdouée ? » alors qu'il n'y a pas du tout de... Oui, de lien de genre. Voilà, donc ce qui est valorisé chez les filles ou ce qui est source d'inquiétude, c'est « est-ce que son apparence physique est un problème ? » Et en fait, on nous demande juste d'être jolie et de nous taire le plus souvent. Et c'est vraiment... dans la publicité, dans les films, dans les séries. C'est ce genre de personnage qui est mis en avant, qui est intégré. C'est ce genre de fille qui sent les filles cool dans les séries. Les autres, celles qui ne correspondent pas aux normes, elles sont souvent mises de côté. Donc petit à petit, un enfant, un adolescent, il intègre ça. Et lui, il n'a pas envie d'être mis de côté. Donc il va s'adapter aux normes sociales, aux dictates sociaux.
- Speaker #0
Ça met l'huile de beauté fatale de Mona Chouelet. Et c'est impressionnant de voir à quel point, effectivement, ça vient s'imprégner dans des tas de petits détails. qu'on ne voit pas si on n'en a pas conscience.
- Speaker #1
C'est vrai que ça n'avait pas changé que la publicité continue à véhiculer des stéréotypes sexistes. Tellement qu'en fait, on ne se rend même plus compte que certaines choses sont naturelles et on ne peut rien faire contre. Par exemple, les publicités qui vantent de faire disparaître la cellulite, etc. Mais la cellulite, il y a 95% des femmes qui ont de la cellulite. On ne peut presque pas y échapper. C'est comme ça, c'est génétique. Donc, on nous apprend à se battre contre des choses. C'est des guerres qui sont déjà perdues d'avance. Mais le seul but, c'est de nous vendre des produits. Et en fait, ça rapporte des milliards et des milliards, soit aux firmes... agroalimentaire mais aussi à la pharmacie et à la cosmétique donc je pense que tant qu'on sera insatisfaites de notre corps mais il ya beaucoup de de marques qui pourront faire de l'argent sur notre dos
- Speaker #2
You saw me standing alone Without a dream in my heart Without a love of my own Blue moon You knew just what I was there for You heard me say Pray for Someone I really couldn't care for Without the love of my own Ouh, you saw me standing alone Without a dream in my heart Without a love of my own Without a dream of my own Without a love, I'm blue, blue moon
- Speaker #0
Au-delà du genre, il y a aussi toute la question des cultures, de l'origine des plats qu'on mange. Tu me faisais remarquer que même si on regarde juste le prix, il y a des plats qui sont forcément moins chers parce que ce n'est pas de la cuve gastronomique française, mais ça va être plutôt de telle ou telle région du monde. Est-ce que tu veux nous parler de tout ça maintenant, du rapport entre l'alimentation, l'origine géographique des mets, comment est-ce qu'on les valorise ?
- Speaker #1
Oui, alors ce dont tu viens de parler, c'est très intéressant. C'est vrai que je m'en suis rendue compte très récemment. Il y a un type de gastronomie, une cuisine qui est valorisée internationalement. Mais bon, quand je dis internationalement, c'est surtout le regard occidental qui s'impose, même dans d'autres régions du monde, parce qu'on est dans un néocolonialisme quand même aujourd'hui, où le mode de vie américain, européen est celui vers lequel il faut tendre, que c'est celui... qui est entre guillemets celui des populations civilisées pour les populations développées. On fait croire aussi au continent africain ou asiatique que c'est la seule voie de développement. Donc c'est vrai que la gastronomie française est renommée à travers le monde, mais il y a d'autres gastronomies comme la gastronomie italienne par exemple, qui a aussi je pense une grande place dans l'estime mondiale. Mais par contre d'autres gastronomies comme la turque, ou la... arabe, etc., va être connotée comme plus populaire, moins valorisée, peut-être moins travaillée, alors que ce n'est pas du tout vrai. Et du coup, on est prêt à mettre un prix faramineux dans une certaine gastronomie, la française, par exemple, ou l'italienne, mais pas du tout pour un kebab ou pour, je ne sais pas, une cuisine moyenne orientale. Donc, ça montre bien qu'il y a un rapport de domination parce qu'on peut... aussi faire une gastronomie peut-être turque, mais avec des très bons produits, avec un prix d'achat des matières premières assez élevé et donc pouvoir la valoriser comme une cuisine française. Mais c'est très rare d'avoir un restaurant gastronomique de cuisine. Je donne l'exemple turc, mais je trouve que c'est très parlant parce qu'on n'est pas prêt à mettre ce prix-là. Et même, on critiquerait un restaurateur qui met un prix trop élevé pour cette cuisine-là. Pareil pour les Chinois, etc. C'est une cuisine qui est... connoté comme simple, rapide, de qualité médiocre. Il y a une gastronomie qui a réussi à s'échapper un peu du groupe des parias, c'est la gastronomie japonaise qui pendant longtemps a été vue aussi comme une gastronomie de seconde classe, mais qui aujourd'hui est un peu élevée au niveau de l'art. On parle des chefs japonais, les couteaux japonais se vendent à prix d'or, donc c'est possible de sortir de cette vision-là, mais on se rend compte que c'est quand même parce que c'est un pays développé. Donc, est-ce qu'on ne ferait pas inconsciemment le lien entre, peut-être, pays en développement, pays pauvres, et qualité de leur gastronomie ? Je pense qu'il y a une question de domination derrière ça. Et d'ailleurs, c'est intéressant de voir comment sont classées les choses dans les supermarchés. On a la cuisine du monde, où on a tout ce genre de cuisine, donc asiatique, turque, etc. Et par contre, on va trouver Coca-Cola... pain hamburger, etc., dans des rayons, je dirais, classiques. Donc, ça veut dire, alors qu'on sait très bien que c'est de la qualité assez médiocre, mais c'est comment on classe les choses. Donc, ces cuisines-là sont étrangères, sont particulières, sont bizarres. On les met dans un rayon à part, cuisine du monde ou cuisine exotique. Mais par contre, ce qu'on considère comme évolué, j'utilise volontairement des mots… assez forain, va s'emplacer dans ce qui est consommable tous les jours.
- Speaker #0
Et ceci dit, tu disais que ça a évolué avec le Japon, sans doute parce que pays très très développé, qui fait envie aussi sur d'autres plans. Est-ce qu'il y a un lien entre la valorisation de la cuisine, tous les mangas, les animés japonais ? Est-ce que c'est relié tout ça ? C'est des sujets de la culture, de la cuisine, de la valeur ?
- Speaker #1
Oui, c'est sûr, c'est certain. En fait, La cuisine fait partie d'un bagage culturel et il est transmis par le cinéma, les séries, les mangas, etc. Il suffit de voir comment le mode de vie américain s'est diffusé en Europe. Après la Seconde Guerre mondiale, le plan Marshall, entre autres, avait une clause qui était imposée aux pays qui acceptaient cet état d'économie, c'était de diffuser un certain pourcentage de films hollywoodiens dans les cinémas. Ce n'est pas juste pour vendre des films américains en Europe, ce n'est pas au prix du ticket que ça rapporte des millions, mais c'était plus pour véhiculer ou pour transmettre une façon de vivre à l'américaine qui après va donner envie à ces populations-là de vivre comme ça, de consommer comme ça. Consommer, c'est la seule façon qu'on a d'imiter une autre culture, un autre peuple. Donc, mâcher des chewing-gums, porter des gin-levis, mais aussi boire du Coca-Cola, manger des hamburgers, des pizzas. Je pense que très peu de gens dans les années 40, je ne sais pas, je tiens, en Bretagne avaient mangé une pizza. Donc, c'est vraiment par le biais de ces films américains qu'une façon de se nourrir aussi a été diffusée. Et les supermarchés sont venus depuis Outre-Atlantique après la Deuxième Guerre mondiale. C'est une autre façon de consommer et qui est très américanisée. Et je pense qu'aujourd'hui, on consomme et on se nourrit comme des Américains. Même si... En Europe, les choses sont plus nuancées, mais c'est quand même le modèle dominant.
- Speaker #0
Dans l'histoire, dans le temps, si on regarde juste en France, dans nos régions, l'alimentation a pas mal changé puisque d'abord elle s'est américanisée, comme tu le dis, puis elle s'est un petit peu plus internationalisée. Est-ce qu'il y a d'autres choses que tu vois dans l'histoire de la cuisine ? Il y a aussi des choses qui sont liées à l'intégration d'aliments qui venaient de loin, qui sont aussi une forme de colonialisme qui ne s'est pas arrêté après la décolonisation. Est-ce qu'il y a des choses que tu aimerais partager avec nous sur le plan de l'histoire et de la cuisine ?
- Speaker #1
Oui, alors là, on pourrait en parler pendant des heures, mais je pense qu'aujourd'hui, si on analysait chaque région du monde, on se rendrait compte qu'on est dans un monde globalisé. Depuis la colonisation, on a imposé certaines productions à certaines régions du monde. Je pense entre autres au thé en Inde ou au Sri Lanka, alors que c'était la Chine qui était productrice de thé. et pas l'Inde, mais c'était pour avoir un producteur qui était prêt à commercer avec l'Europe, vu que l'Inde était une colonie et que la Chine a toujours resté indépendante. Et on a imposé des monocultures aussi à certaines régions, le riz, le thé, etc., le cacao en Côte d'Ivoire, pour que les métropoles, l'Europe entre autres, aient ces produits tropicaux à moindre frais. Donc aujourd'hui, on peut... On pense que ces productions-là sont...
- Speaker #0
endémiques de ces régions-là, mais pas du tout, elles sont fruit d'une histoire et fruit d'une histoire de domination le plus souvent. Et à l'envers, il y a certaines régions du monde qui ont intégré à leur gastronomie traditionnelle des plats qui, ces populations pensent que ça a été comme ça depuis toujours, qu'on a consommé ça depuis toujours, mais qui sont aussi les fruits de la colonisation et d'une domination, je pense entre autres à la nourriture créole, aux acras de Morue dans les Antilles françaises. il n'y a pas de morue dans les Cahaybes. Donc c'est très bizarre que ce soit le plan emblématique de la Martinique ou de la Guadeloupe. Et en fait, c'est les maîtres des plantations qui étaient amis avec les marchands et les négociants européens et qui pouvaient acheter à moindre frais la morue qui était de mauvaise qualité, qui avait voyagé des mois en soute des bateaux. Et ils nourrissaient leurs esclaves comme ça, en dépensant très peu d'argent. Donc les successeurs des esclaves ont intégré ça comme si c'était quelque chose de traditionnel, mais c'est le reflet d'une histoire de domination raciale.
- Speaker #1
C'est intéressant de se rendre compte de ça. Il y a beaucoup d'épices aussi qui ne sont pas du tout originaires de là où elles poussent aujourd'hui. Il y en a beaucoup qui poussent en Inde, je crois, qui viennent d'ailleurs, et en versement. Quand on pense aussi au riz qui est beaucoup consommé en Afrique, Je pense qu'il ne vient pas de là.
- Speaker #0
Tout à fait. Et justement, ça crée des rapports de dépendance. Je te parlais tout à l'heure du fait de véhiculer un modèle de vie occidental et le fait de faire croire que c'est le seul modèle de développement possible. En Afrique occidentale, on consomme du pain ou du riz. Mais le pain, c'est quelque chose qui te fait ressembler aux Européens. Et le pain, en Afrique occidentale, il est importé. Donc, ça crée une dépendance et une balance négative des importations. Parce que dès que la population acquiert un certain niveau de vie, je parle de classe sociale un peu plus aisée, elle va vouloir consommer comme des Européens, comme des Occidentaux. Et donc, consommer du pain, manger une entrée en plein dessert. Alors qu'il y a certaines régions du monde, je pense à l'Asie, où le sucré, le goût sucré est très peu présent. Le dessert, tel que nous le connaissons, le gâteau, ce n'est pas quelque chose de traditionnel. On voit que la Chine, par exemple, aujourd'hui, fait venir les plus grands pâtissiers français pour ouvrir des boutiques parce que la bourgeoisie est une classe sociale qui se développe de plus en plus avec l'essor économique et industriel. de consommer des produits type occidentaux, montre qu'on a réussi, qu'on est riche et qu'on est sorti de la pauvreté. C'est une façon aussi de se démarquer d'une population qui n'a pas encore pu bénéficier des retombées économiques. Mais bon, ça c'est classique et ça s'est passé aussi en Europe. On parlait de la viande au début de cette discussion. Le fait de manger de la viande tous les jours, c'est aussi un marqueur social de différenciation avec les classes populaires. qui ne peuvent pas se payer de la viande tous les jours. Et aujourd'hui, on a l'impression que c'est un acquis, que c'est comme ça depuis toujours, que c'est même essentiel à notre survie de manger de la viande deux fois par jour, mais ça ne fait même pas 100 ans qu'on le fait.
- Speaker #1
Et au niveau des cuisines régionales, si on prend juste les différentes régions de France et ta région peut-être en particulier, est-ce qu'il y a comme ça des choses à dire sur les écarts, à la valorisation, à des logiques de domination, quelles qu'elles soient ?
- Speaker #0
Alors moi, si je m'intéresse à ma région, c'est vrai que j'ai un grand questionnement parce que la gastronomie basque repose beaucoup sur des produits américains. Je m'explique, c'est la tomate, le piment, le maïs, donc des produits qui n'étaient pas connus jusqu'au, je dirais, 16e, 17e siècle. Donc je m'interroge vraiment sur ce que mangeaient les Basques avant le 17e siècle. Parce qu'en fait, quand on parle de cuisine traditionnelle ici, on parle surtout de ça. Tout est à base de piment, de maïs ou de tomate. Donc, je ne sais pas. J'ai l'impression qu'il y a un grand flou derrière les cuisines régionales avant cette époque-là. En tout cas, ici, dans le Sud surtout. Moi, je trouve intéressant les deux. de réfléchir à ce qu'on produisait avant dans chaque région, parce que je pense que c'était des choses qui étaient beaucoup plus adaptées au climat ou à l'hydrométrie locale. Et je me rends compte que quand on voyage un petit peu en France l'été, il y a beaucoup de cultures irriguées. Je pense au maïs dans les Landes, par exemple. Même en temps de canicule, on obtient des dérogations pour irriguer le maïs. Je trouve que c'est assez problématique de vouloir produire n'importe quoi, n'importe où. sans prendre en considération les caractéristiques du terroir.
- Speaker #1
Il y a plein de choses aujourd'hui qu'on a dans nos cuisines qu'on pense de la région qu'ils ne le sont pas. On voit dans les vêtements aussi, j'avais regardé à un moment donné, en discutant avec une historienne, des vêtements qu'on pensait typiquement cabiles. Et puis finalement, c'était plein plein de galons qui avaient été importés par des religieuses pendant la colonisation. Puis c'est devenu typique, mais récemment, et on a plein de choses qui sont devenues typiques, mais ce typisme-là... Il peut avoir 20 ans, 50 ans, 100 ans, 200 ans. Donc, ça ne remonte pas à la nuit des temps. Et en fait, on ne sait pas très bien comment on se nourrissait il y a 300, 400 ans.
- Speaker #0
Oui, c'est sûr. C'est un peu compliqué parce que je pense qu'il y a eu aussi… Là aussi, il y a une question de domination. Tout ce qui est régional, tout ce qui est petit, était considéré comme pas important, anecdotique. Et souvent, quand on demande à nos grands-mères de raconter… Des moules. par exemple des traditions qui étaient très locales, etc., ils ne comprennent même pas pourquoi on leur demande, parce que c'est la petite histoire. Et j'ai l'impression que beaucoup de choses se sont perdues dans ce fait qu'on a vraiment intériorisé des rapports de domination, qu'ils soient de la métropole envers la colonie, mais aussi d'un pays quand même très centralisé comme la France, où Paris a dominé toutes les autres régions, et à travers la langue aussi, on impose une façon de transmettre. Donc, en fait... Au Pays Basque, très peu de personnes parlaient le français jusqu'au début du XXe siècle. Donc peut-être que cette transmission ne s'est pas faite parce qu'elle n'était possible qu'en langue basque. Donc peu de gens ont pensé que c'était important, peu de gens l'ont écrit. Et si ça a été fait, ça a été fait dans une autre langue. Donc je pense qu'au Pays Basque, comme dans d'autres régions de France ou d'Europe, il y a plein de choses qui se sont perdues à cause des relations de domination et l'intériorisation du fait que ce qui est local n'est pas important.
- Speaker #1
Vous arrière-grand-mère, vous pouvez se dire, oublie tout ça et puis va plutôt vers quelque chose qui va te faire grandir socialement.
- Speaker #2
Voilà, exactement. mercat ari averti et que merck et d'eau cario héros stendit uste mouler pour rien d'ailleurs et sur l'eau raquette à et sur et envers la commune et au maire et qui alors ce cas tout au bout du tout sans et envers la commune et au maire et qui alors ce cas tout au bout du tout Il s'en va.
- Speaker #1
Quand tu écris justement ton métier de chef, si j'ai bien compris, ce sont des gens qui t'invitent, enfin qui t'invitent, qui t'appellent pour que tu viennes faire la cuisine chez eux ou tu arrives avec des plats en partie faits que tu finis chez eux ou tu ne sais pas comment ça se passe ?
- Speaker #0
Alors la plupart du temps, quand je suis chef privé, c'est comme tu l'as décrit, je définis avec la personne ou avec le groupe quels sont leurs besoins. Je m'adapte, ça peut être… Un repas du soir, un repas emporté, un pique-nique à emporter à la montagne, etc. Je cuisine sur place. Je cuisine en amont, évidemment. Mais je viens sur place une ou deux heures avant, finir de préparer le repas. Je sers le repas. Et ce qui est agréable, c'est que c'est souvent des petits groupes de moins de 15 personnes. Et il y a un moment d'échange. Et je trouve que c'est intéressant. Et surtout que vraiment, le travail de chef privé permet… de coller au plus près aux exigences ou aux demandes du groupe. Chaque travail ou chaque mission est particulière et unique. On crée à chaque fois quelque chose sur mesure pour ce groupe-là. C'est ça qui est intéressant. Et après, souvent, je trouve que la cuisine et le fait de manger, c'est un moment convivial, c'est un moment de transmission. Et les gens, en tout cas en France, adorent parler de nourriture. Et ça crée du bonheur. J'aime beaucoup ces moments-là d'échange après avec le groupe de personnes pour qui j'ai cuisiné.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a des choses que tu as particulièrement mémorisées, qui t'ont touchée, qui se sont produites ?
- Speaker #0
Là, tu m'as posé des questions sur ma région. C'est vrai que j'ai cuisiné pendant une semaine pour un groupe il y a quelques années maintenant. Et puis finalement, en cuisinant pendant plusieurs jours de suite avec le même groupe, on parle de plein, plein de choses et c'était des Parisiens. Et il m'avait demandé de parler de ma culture. Moi, je suis du Pays Basque, je suis Basque, je parle en Basque, je vis en Basque, je suis très impliquée dans la culture de mon pays. Et c'est vrai qu'il ne connaissait pas du tout l'existence et le fait que cette culture soit vivante, surtout. Et le père de famille, c'était une famille, a pleuré. Il était... très ému par ce que je lui racontais. Je pense que ça a fait écho à une histoire familiale, peut-être d'une autre région. Et j'ai trouvé que c'était très beau de toucher des émotions comme ça, juste en étant vrai, en échangeant des choses avec de la sincérité, en fait.
- Speaker #1
Oui, il y a quelque chose de notre enracinement que je comprends en t'écoutant. La source derrière nous, nos ancêtres, d'où on vient, où on trouve nos points d'appui.
- Speaker #0
Oui, et après, dans ma cuisine, vraiment, je veux refléter ça. Je cuisine presque exclusivement avec des produits locaux, sauf le chocolat et le sucre, évidemment. Mais 90% de mes produits sont locaux. Je sais à qui je les achète. Je connais le maraîcher. Ça nous arrive d'aller les aider. Tout ce que j'utilise a un sens. Et l'argent que je dépense pour acheter des matières premières, je sais à qui il va et c'est une économie que je soutiens. Et je pense que... C'est très important que de faire... Enfin, notre plus grand pouvoir aujourd'hui, c'est notre pouvoir de consommateur. Et le fait de choisir à qui on donne l'argent qu'on dépense et qu'est-ce qu'on veut subventionner, je pense que c'est l'acte le plus puissant qu'on puisse faire aujourd'hui. Et pouvoir transmettre ça, je sais que ce n'est pas aussi facile dans des milieux urbains. Bon, je crois que c'est un message d'espoir aussi par rapport à l'avenir, quand on voit... comment on est déconnecté de la nature, de nos producteurs, des gens qui nous nourrissent. Je veux montrer que c'est possible de faire autrement. Et même si c'est une semaine pour certaines personnes, je suis contente de pouvoir transmettre notre mode de vie.
- Speaker #1
Oui, c'est une possibilité là. On arrive à la fin de notre échange. Est-ce qu'il y a quelque chose que tu voudrais dire dont on n'a pas encore parlé ?
- Speaker #0
Quand j'ai lu tes questions, il y a quelque chose qui m'est venu et je pense que c'est le message un peu que j'aimerais transmettre. Un jour, j'ai une personne qui est venue pour... prendre un cours de cuisine, elle m'a demandé que je lui apprenne à cuisiner bien, rapidement et pas cher. Et en fait, je suis restée un peu muette parce que je me suis dit, mais en fait, c'est pas possible. Aujourd'hui, c'est pas possible. Il faut faire la croix sur un de ces trois critères. Si se nourrir, c'est vraiment un acte important, soit il faut mettre le prix, soit il faut y passer du temps. Mais en tout cas, il faut faire un sacrifice pour cet acte qui est tellement important. Parce que chaque cellule de notre corps, c'est ce qu'on ingère quand même. Donc, je pense que ça peut être un investissement sur la longue durée. Donc, je pense qu'il faut se dire qu'on ne peut pas penser dans notre société de consommation ultra rapide, où on a tout de suite que se nourrir, ça peut être un acte… qui se résout en un clic.
- Speaker #1
Dans les pays francophones, il me semble que se nourrir, c'est important. La gastronomie, ça prend de la place dans la vie. Par contre, c'est vrai que ce que tu nous dis peut-être, c'est que pour avoir cette gastronomie, il faut prendre aussi le temps de la préparer. Et la préparer, ça peut être la vivre ensemble.
- Speaker #0
C'est vrai qu'en France, il y a quand même un amour de la cuisine et qu'on parle beaucoup de cuisine et qu'il y a beaucoup de... Je me rends compte de ça parce que le Pays Basque est divisé entre la France et l'Espagne. Et je trouve que... les francophones ont une culture culinaire beaucoup plus importante quand même que les hispanophones. Donc, quand même, je me rends compte qu'il y a une sensibilité particulière au fait de bien se nourrir. Mais on est sur une pente glissante où on a de moins en moins le temps, on a de moins en moins aussi peut-être les moyens de bien se nourrir et on est quand même la deuxième ou troisième génération au supermarché donc on ne sait plus le faire. Mais je pense que, et ce que je voudrais transmettre moi, c'est qu'avec des choses toutes simples, Et en utilisant 100% de ce qu'on achète, c'est-à-dire les feuilles, les racines, le légume, etc., on peut se nourrir très bien, pas forcément très cher, mais c'est sûr qu'il faut y passer un peu de temps. Mais c'est un temps, je pense, bien investi, parce que c'est un moment de partage. On peut cuisiner avec les autres, avec les amis. On peut créer aussi des moments de convivialité ou de partage autour de ce moment de la cuisine. Mais c'est sûr que ça demande un petit sacrifice du côté du temps. Je ne parle pas de cuisiner deux heures par jour. Avec une demi-heure par jour, on peut très très bien se l'ouvrir.
- Speaker #1
C'est vrai que ça peut être l'occasion aussi de chouettes échanges, puisqu'on a un petit peu de place, en même temps c'est un petit peu resserré. On est à plusieurs au même endroit, et puis on regarde quelque chose d'autre que nous. Donc on a des conversations des fois qui vont un peu plus loin que quand on est les yeux dans les yeux devant une taise de café ou de thé. Ça peut donner l'occasion d'échanges chouettes, de partage, de transmission aux enfants. Et puis si les amis arrivent un peu plus tôt et qu'on cuisine ensemble... C'est chouette, il y a quelque chose de spontané, de partagé.
- Speaker #0
Tu parles des enfants, et je sais que la lutte perpétuelle des parents, c'est de faire manger des légumes, par exemple, aux enfants. Et je suis certaine que si on les associe à la préparation des repas, ils seront plus ouverts au fait de goûter, et ils vont valoriser le travail qu'ils ont fait. C'est sûr que c'est plus l'homme de cuisine avec les enfants, mais déjà, ils travaillent la dextérité, mais en plus, ils se rendent compte de... du travail que c'est, du temps que ça prend, ils découvrent des saveurs, des couleurs. Des fois aussi, ça leur permet d'improviser, de faire des choix autour de tel épice, tel légume. Je pense qu'associer les enfants, c'est peut-être aussi commencer à les éduquer pour mieux se nourrir.
- Speaker #1
C'est une bonne idée et une bonne conclusion. Je te remercie beaucoup, beaucoup Amaya.
- Speaker #0
C'est moi qui te remercie, merci.
- Speaker #1
Si vous voulez en savoir davantage sur Amaya Costa Rennes, Vous trouverez, comme d'habitude, toutes les informations dans la description de cet épisode. Ce podcast n'est pas seulement le mien, c'est aussi le vôtre, c'est le nôtre. Si vous voulez contribuer, intervenir, proposer, contactez-moi. Si vous avez aimé cet épisode, partagez-le autour de vous, mettez des étoiles pour le noter. Et abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains. A très bientôt !