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Alain Bashung : l'artiste et sa quête musicale (2008) cover
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Entretiens avec des auteurs, compositeurs, éditeurs Sacem

Alain Bashung : l'artiste et sa quête musicale (2008)

Alain Bashung : l'artiste et sa quête musicale (2008)

37min |12/03/2019
Play
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Entretiens avec des auteurs, compositeurs, éditeurs Sacem

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37min |12/03/2019
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Description

Le 24 mars 2008 sortait Bleu pétrole, le douzième album d'Alain Bashung. 

Quelques semaines avant la sortie, Philippe Barbot le rencontre dans une brasserie des Abbesses. Un Bashung amaigri par la maladie, le crâne dissimulé par une petite casquette, mais toujours cordial et disert. 

Une interview, la toute dernière hélas, choisie parmi une dizaine d’autres accordées au fil de sa carrière, parce que sans doute la plus complète et, évidemment, la plus émouvante...


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les grands entretiens du musée de la Sacem avec Philippe Barbot.

  • Speaker #1

    Le 24 mars 2008 était publié le douzième album d'Alain Bashung intitulé Bleu Pétrole. Pour la première fois, Alain avait décidé de n'en être que l'interprète, confiant l'écriture des chansons à d'autres artistes, Gaëtan Roussel, Gérard Manset, mais aussi Joseph Danvers et Armand Méliès. Un album de reprise donc, même si Bashung, comme à son habitude, y avait quand même mis son grain de sel, adaptant le texte d'une chanson sur la musique d'une autre et vice versa. Prétexte, quelques semaines avant la sortie du disque, à aller cuisiner le responsable, sur fond de bruit de vaisselle, puisque l'interview se déroula dans une brasserie de la rue des Abesses. Un Bashung amaigri par la maladie. Le crâne dissimulé par une petite casquette, mais toujours cordial et disert. Une interview, la toute dernière hélas, choisie parmi une dizaine d'autres accordées au fil de sa carrière, parce que sans doute la plus complète et, évidemment, la plus émouvante. Que ce soit avec Boris Bergman ou Jean Fauque, ces deux auteurs attitrés, Bashung a toujours cultivé un penchant pour le mystère, jusque dans les paroles de ses chansons. préférant les images au sens prosaïque. Une propension à l'énigme littéraire qui a toujours fait de lui, contre beaucoup d'autres choses, un artiste à part. Pourtant, il l'avoue lui-même, il est très loin de détester la chanson populaire.

  • Speaker #0

    J'avais envie de chanter un peu, parce que ça faisait un bout de temps que je n'avais pas chanter. Sur l'imprudence, il y avait toutes ces lignes que tu ne peux pas chanter à pleine voix. Sinon c'est grandiloquent et tout ça. Et puis pas forcément être plus... Peut-être m'exprimer plus directement. Comme, je sais pas, tout me paraissait confus ou surenchaire de slogans ou de trucs. Et puis dire en trois lignes ce que tu penses vraiment, ce qui est compréhensible. Je voulais pas rajouter de la brume sur de la confusion et qu'il y a une espèce de chose plus dans l'émotion aussi. Et ça, c'est des écritures que je ne domine pas vraiment. Je me suis fait aider plus que d'habitude. Je n'ai pas confiance en des phrases qui disent clairement quelque chose. Je dis ça, c'est clair, c'est simple, mais est-ce que c'est juste, est-ce que ce n'est pas machiavélique ou dominateur, je ne sais pas, il y a toujours cette arrière-pensée. Et ça, c'est une vieille approche de la musique anglo-saxonne, presque. Quand je n'écoutais pratiquement que ça, je ne comprenais pas tout immédiatement. J'ai découvert après, quand je lisais des petites partitions qui te vendent dans des soundbooks. Mais pas tout de suite. Pour moi, c'était d'abord un son qu'ils entendent à la radio, avec du « wouiouiouioui » et tout ça. Et il y avait une espèce de... Alors tu te dis « putain, c'est excitant, mais je comprends pas tout, mais pourtant, ça me fait quelque chose » . Et pourtant, j'admire les gens qui peuvent raconter des choses assez simplement, mais où il se passe quelque chose de fort, y compris chez Brel. Il n'y a pas d'ambiguïté tellement. Il n'y a pas beaucoup d'images. Mais par contre, d'une ligne à l'autre, c'est... Aznavour aussi, les belles chansons, c'est imparable. Ça dure, c'est sûr. Le jour, on était ici, il y avait un banquet de vieilles dames qui avaient travaillé à la Samaritaine, je crois, et qui allaient chanter des vieilles chansons. C'était marrant parce que personne n'était capable de trouver les titres des chansons. Et comme c'est des chansons qui sont reprises dans des pubs, on se disait « Ah ben ça c'est le crédit lyonnais ! » Alors que c'était le dimanche au bord de l'eau, tu sais. Et tu te dis « Ouais, mais voilà, ils sont contents d'être ensemble, ils chantent des lignes. » Et ma voisine en face, elle est un peu émue parce qu'elle lui rappelle une balade en barque un dimanche avec son copain de l'époque, après la guerre. C'était toutes des dames avec des mises en pli un peu bleutées, comme ça, voilà. Il y avait un accordioniste, tout, qui jouait bien. Je ne l'ai jamais cherché tellement au départ. Je crois qu'au départ, c'était plus une démarche égoïste. Enfin, bon, égoïste, j'avais tellement mis de temps à essayer de trouver comment je pouvais m'exprimer. Le fait d'être content de m'être exprimé d'une certaine manière, ça me suffisait largement. Dites en grand temps, je vois quelqu'un qui me chante deux, trois lignes comme ça, d'une, deux chansons, mais ça s'arrête là. Mais c'est jamais un couplet en entier. Quand je vois que ça existe encore dans les radios, je me dis tiens, bon ben voilà, ça fait des bornes dans ma petite histoire.

  • Speaker #1

    Le dernier album publié de son vivant, Bleu Pétrole, donc, donnait la part belle aux chansons des autres. Un album qui leur a mis plus de cinq années à peaufiner, après moult recherches, essais, tâtonnements. Car travailler avec Bashung, quand on est auteur ou compositeur, n'a jamais été une sinecure, tant l'artiste était exigeant, remettant sans cesse l'ouvrage sur l'établi, changeant une strophe, rectifiant une mesure, amassant prototypes et maquettes jusqu'à satisfaction. C'est aussi cette exigence d'artisans obstinés qui permit, par exemple, la publication posthume de l'album en amont, près de dix ans après sa disparition.

  • Speaker #0

    Il m'est arrivé aussi d'avoir une ou deux belles chansons de Dominica et je n'ai jamais réussi à trouver comment l'habiller, parce que ce n'est pas des choses que tu peux marteler avec un tempo de batterie très marqué, sinon tu l'alourdies. En plus, si jamais il y a un sens un peu grave ou un peu profond, c'est tout juste, on ne fait pas une marche militaire en fait, c'est casse-gueule tous ces trucs. Alors comment ? Des fois, je n'y arrive pas. Les trucs qui sont restés sur le disque, c'est que j'étais à peu près content de l'équilibre entre le décor musical et ce que ça racontait, et puis la cohérence du tout. Non, j'ai simplement des fois accentué des trucs, mais c'est en les essayant. Mais en fait, je ne cherchais pas une écriture qui ressemble à ce que je faisais avant. C'était au contraire pour prendre un peu l'air. Je suis passé par d'autres idées avant. J'avais envie, comme tout le monde, de faire des reprises. J'avais cherché des trucs. Et puis des trucs que je trouvais formidables, mais qui me paraissaient inchantables. Et les miens doivent être inchantables pour d'autres aussi. Et puis des choses aussi où je me disais, mais attends, c'est les chansons qui ont l'air d'être belles qui sont des recherches de nouvelles écritures comme ça, mais ça ne ressemble pas à une vraie chanson. C'était presque trop intelligent. Et je me disais, merde, je ne vais pas chanter mes trucs où je retrouve mes propres travers ou mes propres tics, pour trouver les chansons qui soient à la fois simples et qui te concernent un peu, où tu te dis, tiens, j'ai une raison de... J'avais beaucoup de mal et puis bon, voilà... Puis comme il y avait parallèlement des artistes avec qui j'avais envie de faire un bout de chemin, comme Gérard Manset, que je ne connaissais pas bien. Là, je ne veux pas dire que je le connais mieux, mais on s'est frotté l'un à l'autre. Ça, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. C'est plutôt que je découvre à un moment donné la façon dont je peux raconter quelque chose. Il vaut mieux que je le fasse avec mes moyens. Je ne vais pas utiliser les moyens de quelqu'un d'autre. C'est plutôt quand j'arrive pas à me l'accaparer, que ça reste en dehors de moi. Je me dis, c'est très beau, mais je ne sais pas comment faire. Curieusement, c'est-à-dire que là, les artistes avec qui j'ai travaillé, en fait, c'est aussi des interprètes, c'est aussi des chanteurs, et pas des mauvais chanteurs. Manset, il a un beau timbre de voix, une espèce de magie comme ça, lointaine. Donc, je faisais un essai, des fois, je le faisais écouter. La première fois, je lui fais écouter "Comme un égo", comme ça, je voulais lui faire écouter en entier, il me dit « Oh là là, non, juste 4 lignes, c'est très bien, c'est très bien » . Je comprends, comme c'est assez long, je pensais couper quelque chose, et puis finalement, non, j'ai tout gardé.

  • Speaker #1

    Sur l'album Bleu Pétrole, parmi les chansons de Manset ou de Roussel, une véritable reprise, celle d'un classique de Léonard Cohen, « Suzanne » , adapté en français par le néo-zélandais francophone Graham Allwright. Un choix un peu surprenant dont il s'explique ici.

  • Speaker #0

    D'abord, j'aimais bien sa traduction. C'était très proche de l'écriture de Cohen. La manière d'amener ces images un peu sous-entendues. J'en avais d'autres aussi, mais celle-ci était très bien écrite. Elle était belle. C'était une chanson où je pensais à ce pharaon avec les années 60-70. Ça m'a toujours étonné que ce type intéresse un jeune public, parce que c'était un truc, ça faisait adulte un peu quand même, ça faisait pas chanteur de teenager. Donc il racontait les choses avec une espèce de gravité, mais c'était très beau en même temps. Donc tout ça a été dans des mots finalement assez simples, mais tellement bien agencés, puis il a influencé des tas de gens. C'était pour marquer un peu ce parallèle, mais même... « Solitaire » de Manset, c'était une des premières réussites un peu pop, écrite à la main française.

  • Speaker #1

    Outre un artiste singulier et original, Alain Bashung, on l'a peut-être oublié, était un formidable chanteur. Même s'il mit plusieurs années, voire décennies, à trouver véritablement son style, lui qui passa du registre de crooneurs de variété le long d'une douzaine de 45 tours, sans succès dans les années 60-70, à celui de rocker punk et fantaisiste à l'orée des années 80, avant de se forger une identité bien à lui, desperado, solitaire, mais toujours bien entouré.

  • Speaker #0

    Quand je suis en train de chanter, ça va. Quand j'écoute de loin, c'est autre chose. Tiens, ça me dit quelque chose, mais après, bon... Mais sur le moment, quand je chante en concert, c'est que ça va plutôt bien, je suis heureux. Mais ça a souvent été le problème, parce que je mettais le sens avant les possibilités vocales. Ça me paraissait plus important de raconter quelque chose que de faire une performance vocale. J'ai souvent eu beaucoup de mal à trouver des mots comme ça qui arrivaient à résonner dans ma bouche. Ce n'est pas de la prétention, c'est une histoire de pointure. J'ai mis avant, j'ai mis le sens avant, je dis je ne vais pas y arriver là. Parce que je suis passé par des phases, j'avais par exemple la période Blue White Soul. Alors je m'intéressais à tous les chanteurs qui essayaient de chanter comme des blacks et qui des fois assuraient, oui les blacks, Bill Medley entre autres. En Angleterre il y en avait aussi, il y avait Long John Boldry. T'avais Chris Farlow, Piana 2-3 qui ont réussi, comme Joe Cocker, Roxy Stewart. Ils ont des voix un peu voilées comme ça, mais magnifiques. Parce que je trouvais qu'ils créaient quelque chose. Les anciens avaient déjà des tics d'anciens. J'avais envie d'un type qui me montre vocalement une nouvelle voix, de modulation. Je ne parle même pas de Marvin Gaye parce que lui, c'est la perfection. Henri Orbison, lui, il fait pleurer. Même s'il fait 45 pompes, je marche quand même. Ça m'a toujours frustré, c'est de ne pas facilement trouver des mots qui ne soient pas ridicules pour pouvoir chanter un peu, se laisser aller physiquement. C'était un combat qui me paraissait inégal. Je me disais que je n'arriverais jamais à faire sonner vraiment comme je veux, avec à la fois un peu de puissance, un peu de timbre, quelque chose qui soit... avec un sens intéressant, avec des nuances comme ça, ou alors ça se rapprochait trop de quelqu'un qui existe déjà. Ça, ça a été des recherches, plus des tentatives foireuses ou des trucs... Mais ça ne m'a pas frustré sur le coup, parce que je trouvais que c'était assez important de raconter quelque chose, même si c'est au détriment de prouesse vocale. Ça ne me paraissait pas frustrant. Et bizarrement, c'était plus emmerdant pour enregistrer des fois, parce que je ne connaissais pas encore bien la chanson. Mais sur scène, parfois, il m'arrive d'en faire quelque chose. Même si au départ, c'est des lignes un peu linéaires comme ça, mais au bout d'un moment, je m'accroche à des syllabes. Il me faut du temps pour que la chanson devienne physique à un moment donné.

  • Speaker #1

    En mai 68, Bashung vit à Boulogne-Billancourt, sa ville natale où il est retourné après avoir passé son enfance en Alsace chez ses grands-parents. De Boulogne à Paris, il n'y a que quelques encablures, qu'Alain franchit avec la nonchalance d'un promeneur curieux, mais pas dupe, entre deux jets de grenades lacrymogènes et trois revendications estudiantines.

  • Speaker #0

    J'avais 20 ans, écoute. Oui, oui, j'étais à Boulogne. J'allais à pied, parce qu'à 20 ans, une bombe lacrymogène, alors on changeait de rue. Des trucs qui m'énervaient, puis des trucs que je trouvais... bien. Mais je voyais ces types-là qui parlaient d'écologie, c'était un truc important. Le problème, ils en parlaient devant un ministre de droite pragmatique. Les mecs leur disaient, bon, oui, d'accord, je comprends, vous ne voulez pas détruire la Terre, vous avez un dossier, combien ça va coûter ? Ah ben non, ce n'est pas notre métier. Ça fait que... Il faisait passer en quelques secondes ce mouvement pour un vague bidule de rêveurs. Alors que c'était un truc même qui était... Je ne sais pas si c'était Sauvageon... Comment il s'appelait, Sauvageon ? C'était Cohn-Bendit. Et l'autre, il avait un troisième, la petite rapubre, la... Gessmar. Voilà, Gessmar. Et au bout d'un moment, ça m'agacait quand même, parce qu'il disait, il faut virer ça, il faut virer ça. Bon, alors déjà, qu'est-ce qu'on met à la place ? Ah ben, ce n'est pas notre métier, c'est... Je voyais que le pragmatisme gagnait sur le rêve ou sur le projet de projection dans le futur.

  • Speaker #1

    Comme tous les jeunes gens de l'époque, musiciens ou pas, Alain Bashung doit affronter les affres du service militaire. Lui qui a déjà enregistré plusieurs disques a bien d'autres ambitions que de se retrouver marchand ou pas, sanglé dans un uniforme réglementaire. Écoutez-le. racontait le stratagème audacieux qu'il mise en œuvre pour arriver à ses fins, se faire à réformer.

  • Speaker #0

    J'avais déjà fait des 45 tours, je m'étais fait réformer très peu de temps avant et je ne pouvais pas vivre avec des tas de gens autour de moi. J'étais pendant un mois dans une cellule capitonnée et tout ça. Ils me droguaient, ils me filaient des petites fioles. Quand j'essayais de marcher, je tombais. Il y avait tous les jours interrogatoire et il fallait dire la même chose. C'était assez bizarre parce que je suis arrivé, j'étais, comment on appelle ça, déserteur. J'étais arrivé en retard, je n'étais pas arrivé à la convocation. Ils m'ont mis à Bordeaux dans un hôpital neuropsychiatrique et je ne savais pas quoi faire. J'avais un dossier de psychiatre. Le premier soir, je me suis dit comment je peux faire ? qu'ils prennent au sérieux. Alors j'ai fait le mur, j'étais en pyjama, au mois de janvier, j'ai fait le mur, j'avais un caban, en fait je voulais chercher un flic pour me ramener dans un truc comme ça. Alors j'ai fait le tour de Bordeaux en pleine nuit, je me suis retrouvé dans une brasserie où j'ai mangé une soupe, tant pis, et j'ai cherché pendant quelques heures, je n'ai pas trouvé de flic pour me ramener. Alors j'ai refait le mur dans l'autre sens. Et là, à un moment donné, une petite chapelle, je suis rentré dedans et j'ai joué de l'orgue. Et d'un seul coup, je vois arriver deux mecs, des malabars, en blanc. Ils m'ont dit « Bon, maintenant, t'arrêtes tes conneries » . J'avais déjà fait des disques, je ne savais pas quoi faire. C'était le désespoir. Je voyais des types qui étaient en train de faire des études de médecine ou je ne sais pas quoi. C'était chiant, quoi. Ça cachait quelque chose. Ils savaient qu'en revenant, ils ne savaient pas comment reprendre les choses. Je me suis fait réformer le matin, un mois après. Et on m'avait... On m'avait loué un petit avion privé. L'après-midi, j'avais une interview avec Denise Glaser. Oui, je me suis retrouvé réformé le matin et l'après-midi devant Denise Glaser. Avec une tête après un mois de drogue. Alors, je m'en souviendrai de ce voyage. Enfin, j'étais content de me barrer, tu vois. Et d'un seul coup, sur un plateau télé, oui, ça fait des contrastes.

  • Speaker #1

    En juin 1967, un Bashung débutant, au patronyme encore orthographié avec un C, se retrouvent à l'affiche de ce qu'on appelait alors un festival pop. Un grand raout organisé au Palais des Sports avec des musiciens internationaux et déjà célèbres comme le groupe Cream d'Eric Clapton, mais aussi Jimmy Cliff, les Pretty Things ou les Trogs. Une véritable épreuve du feu pour celui qui n'a alors joué qu'aux terrasses des cafés ou dans d'obscures MJC. Souvenir, souvenir.

  • Speaker #0

    Oui, Jimmy Cliff, Dave Dozie, Mickey McIntitch, John Walker, les Trogs, Pretty Sings, vous voyez, il y en avait. Je les ai revus à Cité de la Musique, Pretty Sings, j'aurais montré l'affiche. Ils sont toujours impeccables avec le costume noir, la petite cravate, chemise blanche. Il y avait un directeur artistique de l'export, enfin de l'import-export, qui m'avait dit, écoute, tu vas passer au palais du sport dans 3-4 jours. Il y avait un groupe, il m'avait suivi un groupe qui faisait toutes les séances de Ronnie Bird et tout ça. Noël des Champs, les Sharks. On a répété vite fait, puis je me suis retrouvé. Il y avait Ronnie Bird aussi, les seuls Français. C'était incroyable parce que je voyais des trucs, des flashs. Déjà un nuage dans les loges. J'étais gamin, je ne connaissais pas. Un nuage bleu, tu vois. Et je vois le batteur de Cream, J.J. Baker, dans un état d'ébriété. Il était à la vodka. Il ne tenait pas debout. Et je vois deux membres qui le prennent par les bras. Il le pose sur son tabouret et ça démarre. Et d'un seul coup, il sait exactement ce qu'il fait. Il tape et c'est tout. Là, j'ai pris quand même une première leçon. Ils l'ont ramené après, tu vois. Mais quand il jouait, c'était d'une précision et d'une force incroyable. Et là, je voyais Clapton, la première fois, je voyais une pédale. D'où il sort que ce son ? C'est la première pédale que je voyais. Et il y avait Jacques Brousse, une super voix, une grande voix. Parce qu'il y avait une solo pourrie, là. Donc, pour avoir quelque chose en son, il fallait être très fort. Il fallait envoyer pour entendre quelque chose. Donc, j'ai un souvenir un petit peu farfelu et impressionnant de ce programme. Oui, je voyais le directeur artistique, il me dit, « Ben, regarde dehors, là, il y a une affiche. » Je regarde et puis, en face, il y avait un grand drapeau anglais avec tous les noms, là, dont le mien. Je crois qu'il y avait encore le C. C'était de la musique, quelqu'un a retrouvé l'affiche sur internet ou un truc comme ça, et il y avait le C encore. C'était une scène, c'était assez bizarre à l'époque, parce qu'on sortait d'une interdiction totale de concerts pop, vu qu'il y avait eu des bagarres, c'était chaque fois des violences, donc ils avaient interdit les concerts carrément, concerts pop.

  • Speaker #1

    Désormais à la mode en France, les comédies musicales n'ont pas toujours été couronnées de succès. Pourtant, dès 1973, un spectacle intitulé « La Révolution française » , écrit par Claude-Michel Schoenberg et pompeusement affublé du titre d'opéra rock, obtint sinon un triomphe, du moins une certaine reconnaissance publique, puisqu'il fit même l'objet d'un double album. Au générique de cette reconstitution entre sans-culottes, et jabot de dentelle, outre le chanteur Antoine, le groupe Martin Circus et une partie des Charlots, Alain Bashung lui-même, dans le double rôle de Robespierre et de Fouquet-Tinville. Manquait plus qu'il interprète Nini Potchien à la Bastille.

  • Speaker #0

    Les gens venaient de province, mais au mini-car, c'était un peu ce qu'a fait plus tard Robert Hossein, comme des tableaux historiques, bon, ça s'appelait un opéra rock, bon ben voilà, j'avais plusieurs trucs, j'étais en cardinal aussi à un moment donné, ou en évêque, et puis à un moment donné on était tous, c'était un jury, je crois, un jury pour forcément, oui, pour Marat et toute la bande. Charlotte Corday. Et puis, il y avait un masque. Et le masque était très lourd. On était assis, il fallait se lever et dire « à mort » . « À mort » , quelque chose comme ça. Et à un moment donné, ils disent mon nom. Et en fait, je m'étais endormi. Et un mec qui m'a poussé, c'était gai.

  • Speaker #1

    Chanteur persévérant, mais sans trop de succès. Alain va pourtant connaître un intense apprentissage musical. par l'entremise d'un autre artiste, Dick Rivers, à l'époque échappé en solo des Chats Sauvages. Celui-ci réclame des chansons à ce jeune débutant, en qui il a flairé un talent certain, et va même jusqu'à lui confier la réalisation de certains de ses disques. Une période, entre 72 et 74, que Bashung mettra à profit pour s'initier aux techniques de studio, du son jusqu'aux arrangements, même s'il se heurtera parfois à la mauvaise volonté de certains musiciens.

  • Speaker #0

    Oui, oui, voilà, ça m'a fait un coup de bien, c'était assez sympa à faire. Parce que moi je voyais que ça bricolait, ou que j'arrivais pas à formuler, ou être avec des gens que ça amusait, en fait, bon, c'était toujours très compliqué tout ça. Et Dick Rivers me propose de... Il voulait y chercher des chansons. Je lui amène quelques chansons comme ça. Et puis, on sympathise. Et puis, à un moment donné, il me dit, écoute, si tu veux, tu peux me donner un coup de main pour mes disques. Et on s'est retrouvé en studio. Ça a duré trois ans, dans ce réseau-là. On est allé à Londres, on a enregistré à Toulouse. Là, j'ai vu d'un seul coup que... Parce qu'on était dans une période où il y avait des arrangeurs. On appelait un arrangeur et puis il écrivait une rythmique. "Ratintintin" avec la reprise, la basse. Et je voyais que quand tu avais quatre mecs en face de toi, des mecs, des rockers ou des gens de la pop, tu pouvais communiquer, leur insuffler un petit peu ce que tu veux. Il fallait que le mec ait une bonne technique et un son. J'étais juste un virtuose, il y avait parfois des jazzmen. La première séance, je me suis retrouvé en ce studio, putain, j'ai failli les tuer. Je voyais arriver, il y avait 20 ou 25 cordes qui venaient de l'opéra pour faire un... pour faire des cordes sur une rythmique, sur 2-3 rythmiques. Donc c'était des séances 9h à 12h, des séances de 3h. La première fois, je me suis presque retrouvé en studio et responsable de l'enregistrement. Il était 12h45 ou un truc comme ça et je dis au mec, on va en essayer encore une, on va essayer encore une prise, ça pourrait être un petit peu mieux. Alors les mecs, ils jouent et pendant qu'ils jouent, j'entends un truc bizarre quand même. Et à la fin du truc, je m'aperçois que... Il y en avait deux qui s'étaient légèrement désaccordés pour pouvoir être repayés pour les trois prochaines heures après. Et moi, j'avais un budget très serré quand même. C'est ça la musique, la pop-musique en France. Je vais à Londres, je vais en Belgique. J'ai boycotté Paris parce que c'était... Mais attends, il ne faisait pas ça qu'avec moi, il faisait ça avec Gainsbourg, il avait envie de les tuer. Mais la première séance, tu vois que les mecs se désaccordent exprès pour jouer trois heures plus tard. J'avais envie de tuer. Après, j'en ai eu marre. J'entendais des musiciens. J'allais à Londres. Je voyais des mecs. Je voyais Alberti. Un seul coup, ça joue. Ça ne fait pas semblant. Il y a un vrai son. Je me dis, ça existe. Je voyais que des tas de choses étaient possibles. Mais à l'époque, c'était une petite production. Ça, ce n'était pas gigantesque. Il y avait quand même pas mal d'artistes qui allaient. Paul Nareff, c'était Jimmy Page qui faisait beaucoup de guitare, ou Big Joe Sullivan avec Michel, qui étaient des musiciens extraordinaires, mais tu pouvais leur faire jouer quelque chose qui était établi un peu. Ils le faisaient très bien, mais bavarder avec eux pour changer des choses, construire avec eux, c'était une autre histoire. La communication était quand même mieux avec des Français, et pour avoir un son fort et authentique, c'était des anglo-saxons. Comment faire pour avoir les deux ? C'est pour ça que mes disques sont parfois mixtes.

  • Speaker #1

    À la fin de 1980, sans crier gare, Alain Bashung décroche soudain un énorme tube, publié à l'origine uniquement en 45 tours. Une chanson d'abord baptisée Max Amphibie, car inspirée par l'éditeur Max Amphoux, mais plus connue du grand public sous le nom de Gabi. Une chanson qui va lui coller des années à la peau, un peu comme le célèbre bout de scotch du Capitaine Haddock. Question existentielle : Gabi, au fait, c'est un garçon ou une fille ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, c'était Max Amphoux, oui, parce que c'était un visiteur à l'époque. Et on le taquinait un peu, tu vois, parce que je le voyais en train de boire son whisky. Moi, j'avais mon pétard. Il me regardait de travers parce que je fumais des pétards. Et puis, moi, je lui disais, écoute, toi, tu bois. Alors, c'est pour ça que j'ai fait après, je n'ai plus le temps d'oublier que tu bois. Au départ, pour moi, c'était plutôt un mec. Enfin, c'est Mondino qui appelait certains homos des Gabis. Avec Gabi, ça irait bien parce que je faisais le truc en lavabo et je faisais « Oh, get it, get it, get it » . Et puis après, Gabi, c'est un prénom démodé. Avant, il y avait Gabi Morley. Ce n'était plus à la mode, ce prénom. J'avais beaucoup à cœur de remettre, comment dire, de redorer le blason d'une ancienne expression, d'une ancienne star.

  • Speaker #1

    En 1982, Alain Bashung, qui a déjà publié trois albums et décroché au moins deux tubes, abandonne un temps son alter-ego Boris Bergman pour s'acoquiner avec un autre auteur. S'acoquiner, c'est le mot puisqu'il s'agit de Serge Gainsbourg. Un mariage singulier qui accouchera de l'album « Play blessure » , disque plutôt inhabituel dans le paysage de la chanson française, boudé par le public à l'époque mais aujourd'hui considéré comme un classique. Collaboration turbulente, marquée aussi par les frasques souvent éthiliques du futur Gainsbourg.

  • Speaker #0

    On avait un tel plaisir à faire ce qu'on avait envie de faire. Il y avait Serge qui était là, Serge Gainsbourg. Il était content et en même temps un peu… Ça leur devait pas mal ce qu'il faut, il faut que je m'accroche. Il faisait ça avec quand même… C'était sérieux. Puis je débarquais en studio. C'est Travelo, il s'amusait comme il pouvait. Il m'emmenait dans des boîtes de striptease plus que moyennes. C'était pour boire du mauvais champagne. Et puis il insultait les touristes. Il voyait un mec et une nana, il me dit « qu'est-ce que tu fous avec un boudin comme ça ? » Et l'autre, il est grave. On s'est fait insulter par Gainsbourg. Je m'attendais à ce qu'un jour un mec lui casse la tête. Ça lui est arrivé. Après, il disait que c'était un militaire qui voulait se venger, mais c'est un mec qui lui a carrément... Alors, il y a quelqu'un qui a rencontré la dame qui nous avait pris un jour. Et elle avait dit à un mec qui me l'a rapporté après, « Oui, oui, j'ai raccompagné un soir M. Gainsbourg et M. Bashung. Ils ont vomi dans mon taxi. » Mais après, c'était devenu une médaille.

  • Speaker #1

    Après Play blessure, suivra une période plutôt noire et destroy pour Bashung, cherchant obstinément à se démarquer de l'image de chanteur populaire que lui ont apporté des tubes comme Gabi ou Vertiges de l'amour, transformant ses concerts en démonstrations punk, passant outre l'incompréhension d'un public familial, surtout venu pour les succès qu'il a entendus à la radio.

  • Speaker #0

    Je sais que la maison de disques me regardait comme un truc à abattre, une erreur de la nature. Donc ça ne fait pas... Quand tu sais qu'en même temps, tu leur apportes du pognon, et que ce n'est pas facile à vivre, alors il fallait oublier, il fallait passer une bonne nuit de temps en temps. Non, il y avait un concert sur deux où je voyais qu'à peu près, ça dépendait des villes, ou de la salle et tout ça. Donc je voyais que c'était pris pour ce que c'était, l'album avec l'aspect musical. Et l'autre, j'étais en décalage total avec... J'ai deux tubes précédents où la famille venait avec des enfants pour montrer. C'était dur à gérer. En plus, ça se passait sur six mois. On enregistrait tous les ans. Il y avait un disque par an avec tournée et tout ça. Il y a un moment donné où il ne fallait pas que ce soit le truc qui t'empêche d'avancer.

  • Speaker #1

    Chanteur, compositeur, Alain Bashung fut aussi comédien. A son actif, une vingtaine de films, de Nestor Burma en 1980 à J'ai toujours rêvé d'être un gangster en 2007. Même s'il en composa certaines des musiques, il n'avait jamais réellement rêvé d'être un acteur. Tout ça parce qu'un certain Fernando Arabal lui confia un jour le rôle de Jésus de Nazareth, dans un film aussi obscur que culte intitulé « Le cimetière des voitures » .

  • Speaker #0

    La première fois, je ne l'ai pas voulu du tout. C'était vraiment... C'était Arabal, oui. Et puis ça ne m'avait pas... J'étais excité parce qu'il y avait cette musique à faire. On m'a dit, tiens, c'est la musique. Donc je pensais beaucoup à la musique. Alors faire Jésus dans un truc, ça me paraissait blasphématoire. Ou je ne sais pas, complètement... J'avais la musique à faire, donc ça me prenait plus la tête. Je ne me disais pas, tiens, je vais faire un truc là-dedans. Et puis, il y avait régulièrement, comme ça, il y a encore des scénarios qui m'arrivent régulièrement. Et puis des trucs, des fois, qui ne sont pas mal. Et puis d'autres, j'ai bien fait de m'abstenir. Il y a beaucoup de trucs. Il y a parfois des histoires intéressantes avec des cinéastes intéressants, mais il y a un tout petit pourcentage. C'est des films d'auteurs ça les gros trucs il y a une dizaine d'énormes trucs où il y a beaucoup de blé mais qui sont 80% très lourds alors il n'y a plus rien au milieu au milieu c'est difficile tu vois les metteurs en scène première chose que tu vois ils sont malheureux ils souffrent je suis subjugué par l'histoire et tout mais c'est vrai que des fois j'appelais mon agent pour lui dire t'as pas un truc là parce que Je sors de tournée, j'ai une tête qui va mal, je ne peux pas me retrouver sur une plage. T'as pas un truc. Des fois, j'allais en Chine ou au Mexique faire un truc. Mais l'un dans l'autre, ça m'a fait du bien quand même. Et puis des fois, je voyais une espèce de bateau, un équipage. Il faut faire un peu de temps. quelque chose d'impossible. Ce n'est pas souvent des vrais metteurs en scène. C'est souvent des mecs qui ont écrit un scénar. Beaucoup ont écrit un scénar. Et puis, l'aspect cinématographique, je ne sais pas trop. Et puis, la plupart font quelque chose qui est tout à fait normal. Ils ne vont pas perdre du temps à aider un acteur à faire quelque chose. Pour eux, c'est un mec qui connaît son boulot. Essaye ça, essaye ça. D'autres, ils le font. avec toute sa technique et tout ça. C'était bizarre ces derniers temps, j'ai fait beaucoup de scénarios, de pièces de théâtre. Écoute, alors ça, j'ai quand même eu peur. Moi, je ne suis pas un malade d'apprendre des tonnes de textes comme ça. Je ne sais pas, mais un jour, peut-être que ça me dira. Tant que je travaille, tant que je travaille dix fois plus que quelqu'un d'autre.

  • Speaker #1

    Nous sommes donc en 2008, moins d'un an avant sa disparition, et dix ans avant l'avènement de ce qu'il est convenu d'appeler la crise des gilets jaunes. Mais que viennent donc faire les occupants des ronds-points dans une interview d'Alain Bashung ? C'est que l'extrait qui va suivre résonne étrangement, comme si Alain pressentait déjà la crise sociale de 2018 et 2019. Après tout, un grand artiste, c'est forcément aussi un peu un visionnaire.

  • Speaker #0

    Personne ne raconte comment ça pourrait se passer, comment on pourrait vivre dans quelques années. C'est quand même curieux ce silence. Mais à ce point-là, on n'a jamais été aussi peu bavard. Les réformes, c'est souvent des restrictions, des sacrifices ou des libertés enlevées. C'est un non sens quand même. Pour respecter les gens, depuis que je suis gamin, on me dit qu'il faut se serrer la ceinture, déjà que le bol est ouvert à la fin du tunnel. C'est vieux ça, ça a toujours été ça. Tu es prêt à faire un sacrifice, à modifier ton comportement, en échange de quelque chose, une perspective possible, vivable. Mais quand on te dit rien, c'est assez... Quand tu réfléchis, c'est quand même violent et vulgaire. Mais ce n'est pas ça, en plus, qui aide à dynamiser cette France qui... qui demanderait à avoir des séances d'acupuncture, parce qu'il y a plein de gens qui ont envie de faire mes choses, qui ont des bonnes volontés, ou qui sont... Les gens sont plutôt positifs. Ceux qui tiennent debout et qui ont un petit potentiel de quelque chose à faire, il ne faut pas la ruiner la tête. Je n'arrive pas à saisir pourquoi... Parce que tout ça, cette espèce d'agitation, ça aurait pu être fait pour... Pour montrer que, regardez, il faut être dynamique, il faut être positif, il faut avancer, tout ça. Oui, mais bizarrement, ça n'entraîne pas, ça ne pousse pas la roue spécialement. Donc, il y a quelque chose de niche là-dedans. Mais par contre, il y a parfois des gens qui s'assemblent face à telle ou telle situation, même pour des histoires de pouvoir d'achat ou des choses comme ça. Je crois plus en ça, mais par contre, il y en a beaucoup moins pour exprimer des choses purement politiques, parce que je crois qu'ils y croient plus, ils croient plus en une action citoyenne pour tel ou tel problème. Bon, ça, c'est déjà positif. Mais l'État, il ne faut pas qu'il fasse sans arrêt ce truc. C'est-à-dire, ils le font eux-mêmes. Bon, on peut aller en vacances. Bon, ils l'ont déjà fait pour pas mal de trucs. Sinon, les gens, ils le font. Bon, voilà.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode consacré à Alain Bashung. Et à la prochaine fois.

Chapters

  • Introduction à l'interview d'Alain Bashung

    00:00

  • Le nouvel album 'Bleu Pétrole' et ses choix artistiques

    00:07

  • Un artiste à part : le mystère dans les paroles de Bashung

    00:41

  • Réflexions sur l'expression musicale et l'émotion

    01:44

  • La création et l'exigence dans le processus artistique

    05:27

  • Les inspirations et adaptations musicales dans son œuvre

    09:04

  • Les défis de la performance vocale et de l'interprétation

    10:52

  • Souvenirs de jeunesse et engagement personnel

    13:39

  • Les débuts sur scène et l'apprentissage musical

    17:33

  • Collaboration avec Gainsbourg et l'album 'Plais blessure'

    22:04

  • La recherche d'une identité artistique et les concerts punk

    29:25

  • Bashung, compositeur et acteur : un parcours diversifié

    30:39

  • Réflexions sur la société et l'avenir en 2008

    33:55

Description

Le 24 mars 2008 sortait Bleu pétrole, le douzième album d'Alain Bashung. 

Quelques semaines avant la sortie, Philippe Barbot le rencontre dans une brasserie des Abbesses. Un Bashung amaigri par la maladie, le crâne dissimulé par une petite casquette, mais toujours cordial et disert. 

Une interview, la toute dernière hélas, choisie parmi une dizaine d’autres accordées au fil de sa carrière, parce que sans doute la plus complète et, évidemment, la plus émouvante...


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Transcription

  • Speaker #0

    Les grands entretiens du musée de la Sacem avec Philippe Barbot.

  • Speaker #1

    Le 24 mars 2008 était publié le douzième album d'Alain Bashung intitulé Bleu Pétrole. Pour la première fois, Alain avait décidé de n'en être que l'interprète, confiant l'écriture des chansons à d'autres artistes, Gaëtan Roussel, Gérard Manset, mais aussi Joseph Danvers et Armand Méliès. Un album de reprise donc, même si Bashung, comme à son habitude, y avait quand même mis son grain de sel, adaptant le texte d'une chanson sur la musique d'une autre et vice versa. Prétexte, quelques semaines avant la sortie du disque, à aller cuisiner le responsable, sur fond de bruit de vaisselle, puisque l'interview se déroula dans une brasserie de la rue des Abesses. Un Bashung amaigri par la maladie. Le crâne dissimulé par une petite casquette, mais toujours cordial et disert. Une interview, la toute dernière hélas, choisie parmi une dizaine d'autres accordées au fil de sa carrière, parce que sans doute la plus complète et, évidemment, la plus émouvante. Que ce soit avec Boris Bergman ou Jean Fauque, ces deux auteurs attitrés, Bashung a toujours cultivé un penchant pour le mystère, jusque dans les paroles de ses chansons. préférant les images au sens prosaïque. Une propension à l'énigme littéraire qui a toujours fait de lui, contre beaucoup d'autres choses, un artiste à part. Pourtant, il l'avoue lui-même, il est très loin de détester la chanson populaire.

  • Speaker #0

    J'avais envie de chanter un peu, parce que ça faisait un bout de temps que je n'avais pas chanter. Sur l'imprudence, il y avait toutes ces lignes que tu ne peux pas chanter à pleine voix. Sinon c'est grandiloquent et tout ça. Et puis pas forcément être plus... Peut-être m'exprimer plus directement. Comme, je sais pas, tout me paraissait confus ou surenchaire de slogans ou de trucs. Et puis dire en trois lignes ce que tu penses vraiment, ce qui est compréhensible. Je voulais pas rajouter de la brume sur de la confusion et qu'il y a une espèce de chose plus dans l'émotion aussi. Et ça, c'est des écritures que je ne domine pas vraiment. Je me suis fait aider plus que d'habitude. Je n'ai pas confiance en des phrases qui disent clairement quelque chose. Je dis ça, c'est clair, c'est simple, mais est-ce que c'est juste, est-ce que ce n'est pas machiavélique ou dominateur, je ne sais pas, il y a toujours cette arrière-pensée. Et ça, c'est une vieille approche de la musique anglo-saxonne, presque. Quand je n'écoutais pratiquement que ça, je ne comprenais pas tout immédiatement. J'ai découvert après, quand je lisais des petites partitions qui te vendent dans des soundbooks. Mais pas tout de suite. Pour moi, c'était d'abord un son qu'ils entendent à la radio, avec du « wouiouiouioui » et tout ça. Et il y avait une espèce de... Alors tu te dis « putain, c'est excitant, mais je comprends pas tout, mais pourtant, ça me fait quelque chose » . Et pourtant, j'admire les gens qui peuvent raconter des choses assez simplement, mais où il se passe quelque chose de fort, y compris chez Brel. Il n'y a pas d'ambiguïté tellement. Il n'y a pas beaucoup d'images. Mais par contre, d'une ligne à l'autre, c'est... Aznavour aussi, les belles chansons, c'est imparable. Ça dure, c'est sûr. Le jour, on était ici, il y avait un banquet de vieilles dames qui avaient travaillé à la Samaritaine, je crois, et qui allaient chanter des vieilles chansons. C'était marrant parce que personne n'était capable de trouver les titres des chansons. Et comme c'est des chansons qui sont reprises dans des pubs, on se disait « Ah ben ça c'est le crédit lyonnais ! » Alors que c'était le dimanche au bord de l'eau, tu sais. Et tu te dis « Ouais, mais voilà, ils sont contents d'être ensemble, ils chantent des lignes. » Et ma voisine en face, elle est un peu émue parce qu'elle lui rappelle une balade en barque un dimanche avec son copain de l'époque, après la guerre. C'était toutes des dames avec des mises en pli un peu bleutées, comme ça, voilà. Il y avait un accordioniste, tout, qui jouait bien. Je ne l'ai jamais cherché tellement au départ. Je crois qu'au départ, c'était plus une démarche égoïste. Enfin, bon, égoïste, j'avais tellement mis de temps à essayer de trouver comment je pouvais m'exprimer. Le fait d'être content de m'être exprimé d'une certaine manière, ça me suffisait largement. Dites en grand temps, je vois quelqu'un qui me chante deux, trois lignes comme ça, d'une, deux chansons, mais ça s'arrête là. Mais c'est jamais un couplet en entier. Quand je vois que ça existe encore dans les radios, je me dis tiens, bon ben voilà, ça fait des bornes dans ma petite histoire.

  • Speaker #1

    Le dernier album publié de son vivant, Bleu Pétrole, donc, donnait la part belle aux chansons des autres. Un album qui leur a mis plus de cinq années à peaufiner, après moult recherches, essais, tâtonnements. Car travailler avec Bashung, quand on est auteur ou compositeur, n'a jamais été une sinecure, tant l'artiste était exigeant, remettant sans cesse l'ouvrage sur l'établi, changeant une strophe, rectifiant une mesure, amassant prototypes et maquettes jusqu'à satisfaction. C'est aussi cette exigence d'artisans obstinés qui permit, par exemple, la publication posthume de l'album en amont, près de dix ans après sa disparition.

  • Speaker #0

    Il m'est arrivé aussi d'avoir une ou deux belles chansons de Dominica et je n'ai jamais réussi à trouver comment l'habiller, parce que ce n'est pas des choses que tu peux marteler avec un tempo de batterie très marqué, sinon tu l'alourdies. En plus, si jamais il y a un sens un peu grave ou un peu profond, c'est tout juste, on ne fait pas une marche militaire en fait, c'est casse-gueule tous ces trucs. Alors comment ? Des fois, je n'y arrive pas. Les trucs qui sont restés sur le disque, c'est que j'étais à peu près content de l'équilibre entre le décor musical et ce que ça racontait, et puis la cohérence du tout. Non, j'ai simplement des fois accentué des trucs, mais c'est en les essayant. Mais en fait, je ne cherchais pas une écriture qui ressemble à ce que je faisais avant. C'était au contraire pour prendre un peu l'air. Je suis passé par d'autres idées avant. J'avais envie, comme tout le monde, de faire des reprises. J'avais cherché des trucs. Et puis des trucs que je trouvais formidables, mais qui me paraissaient inchantables. Et les miens doivent être inchantables pour d'autres aussi. Et puis des choses aussi où je me disais, mais attends, c'est les chansons qui ont l'air d'être belles qui sont des recherches de nouvelles écritures comme ça, mais ça ne ressemble pas à une vraie chanson. C'était presque trop intelligent. Et je me disais, merde, je ne vais pas chanter mes trucs où je retrouve mes propres travers ou mes propres tics, pour trouver les chansons qui soient à la fois simples et qui te concernent un peu, où tu te dis, tiens, j'ai une raison de... J'avais beaucoup de mal et puis bon, voilà... Puis comme il y avait parallèlement des artistes avec qui j'avais envie de faire un bout de chemin, comme Gérard Manset, que je ne connaissais pas bien. Là, je ne veux pas dire que je le connais mieux, mais on s'est frotté l'un à l'autre. Ça, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. C'est plutôt que je découvre à un moment donné la façon dont je peux raconter quelque chose. Il vaut mieux que je le fasse avec mes moyens. Je ne vais pas utiliser les moyens de quelqu'un d'autre. C'est plutôt quand j'arrive pas à me l'accaparer, que ça reste en dehors de moi. Je me dis, c'est très beau, mais je ne sais pas comment faire. Curieusement, c'est-à-dire que là, les artistes avec qui j'ai travaillé, en fait, c'est aussi des interprètes, c'est aussi des chanteurs, et pas des mauvais chanteurs. Manset, il a un beau timbre de voix, une espèce de magie comme ça, lointaine. Donc, je faisais un essai, des fois, je le faisais écouter. La première fois, je lui fais écouter "Comme un égo", comme ça, je voulais lui faire écouter en entier, il me dit « Oh là là, non, juste 4 lignes, c'est très bien, c'est très bien » . Je comprends, comme c'est assez long, je pensais couper quelque chose, et puis finalement, non, j'ai tout gardé.

  • Speaker #1

    Sur l'album Bleu Pétrole, parmi les chansons de Manset ou de Roussel, une véritable reprise, celle d'un classique de Léonard Cohen, « Suzanne » , adapté en français par le néo-zélandais francophone Graham Allwright. Un choix un peu surprenant dont il s'explique ici.

  • Speaker #0

    D'abord, j'aimais bien sa traduction. C'était très proche de l'écriture de Cohen. La manière d'amener ces images un peu sous-entendues. J'en avais d'autres aussi, mais celle-ci était très bien écrite. Elle était belle. C'était une chanson où je pensais à ce pharaon avec les années 60-70. Ça m'a toujours étonné que ce type intéresse un jeune public, parce que c'était un truc, ça faisait adulte un peu quand même, ça faisait pas chanteur de teenager. Donc il racontait les choses avec une espèce de gravité, mais c'était très beau en même temps. Donc tout ça a été dans des mots finalement assez simples, mais tellement bien agencés, puis il a influencé des tas de gens. C'était pour marquer un peu ce parallèle, mais même... « Solitaire » de Manset, c'était une des premières réussites un peu pop, écrite à la main française.

  • Speaker #1

    Outre un artiste singulier et original, Alain Bashung, on l'a peut-être oublié, était un formidable chanteur. Même s'il mit plusieurs années, voire décennies, à trouver véritablement son style, lui qui passa du registre de crooneurs de variété le long d'une douzaine de 45 tours, sans succès dans les années 60-70, à celui de rocker punk et fantaisiste à l'orée des années 80, avant de se forger une identité bien à lui, desperado, solitaire, mais toujours bien entouré.

  • Speaker #0

    Quand je suis en train de chanter, ça va. Quand j'écoute de loin, c'est autre chose. Tiens, ça me dit quelque chose, mais après, bon... Mais sur le moment, quand je chante en concert, c'est que ça va plutôt bien, je suis heureux. Mais ça a souvent été le problème, parce que je mettais le sens avant les possibilités vocales. Ça me paraissait plus important de raconter quelque chose que de faire une performance vocale. J'ai souvent eu beaucoup de mal à trouver des mots comme ça qui arrivaient à résonner dans ma bouche. Ce n'est pas de la prétention, c'est une histoire de pointure. J'ai mis avant, j'ai mis le sens avant, je dis je ne vais pas y arriver là. Parce que je suis passé par des phases, j'avais par exemple la période Blue White Soul. Alors je m'intéressais à tous les chanteurs qui essayaient de chanter comme des blacks et qui des fois assuraient, oui les blacks, Bill Medley entre autres. En Angleterre il y en avait aussi, il y avait Long John Boldry. T'avais Chris Farlow, Piana 2-3 qui ont réussi, comme Joe Cocker, Roxy Stewart. Ils ont des voix un peu voilées comme ça, mais magnifiques. Parce que je trouvais qu'ils créaient quelque chose. Les anciens avaient déjà des tics d'anciens. J'avais envie d'un type qui me montre vocalement une nouvelle voix, de modulation. Je ne parle même pas de Marvin Gaye parce que lui, c'est la perfection. Henri Orbison, lui, il fait pleurer. Même s'il fait 45 pompes, je marche quand même. Ça m'a toujours frustré, c'est de ne pas facilement trouver des mots qui ne soient pas ridicules pour pouvoir chanter un peu, se laisser aller physiquement. C'était un combat qui me paraissait inégal. Je me disais que je n'arriverais jamais à faire sonner vraiment comme je veux, avec à la fois un peu de puissance, un peu de timbre, quelque chose qui soit... avec un sens intéressant, avec des nuances comme ça, ou alors ça se rapprochait trop de quelqu'un qui existe déjà. Ça, ça a été des recherches, plus des tentatives foireuses ou des trucs... Mais ça ne m'a pas frustré sur le coup, parce que je trouvais que c'était assez important de raconter quelque chose, même si c'est au détriment de prouesse vocale. Ça ne me paraissait pas frustrant. Et bizarrement, c'était plus emmerdant pour enregistrer des fois, parce que je ne connaissais pas encore bien la chanson. Mais sur scène, parfois, il m'arrive d'en faire quelque chose. Même si au départ, c'est des lignes un peu linéaires comme ça, mais au bout d'un moment, je m'accroche à des syllabes. Il me faut du temps pour que la chanson devienne physique à un moment donné.

  • Speaker #1

    En mai 68, Bashung vit à Boulogne-Billancourt, sa ville natale où il est retourné après avoir passé son enfance en Alsace chez ses grands-parents. De Boulogne à Paris, il n'y a que quelques encablures, qu'Alain franchit avec la nonchalance d'un promeneur curieux, mais pas dupe, entre deux jets de grenades lacrymogènes et trois revendications estudiantines.

  • Speaker #0

    J'avais 20 ans, écoute. Oui, oui, j'étais à Boulogne. J'allais à pied, parce qu'à 20 ans, une bombe lacrymogène, alors on changeait de rue. Des trucs qui m'énervaient, puis des trucs que je trouvais... bien. Mais je voyais ces types-là qui parlaient d'écologie, c'était un truc important. Le problème, ils en parlaient devant un ministre de droite pragmatique. Les mecs leur disaient, bon, oui, d'accord, je comprends, vous ne voulez pas détruire la Terre, vous avez un dossier, combien ça va coûter ? Ah ben non, ce n'est pas notre métier. Ça fait que... Il faisait passer en quelques secondes ce mouvement pour un vague bidule de rêveurs. Alors que c'était un truc même qui était... Je ne sais pas si c'était Sauvageon... Comment il s'appelait, Sauvageon ? C'était Cohn-Bendit. Et l'autre, il avait un troisième, la petite rapubre, la... Gessmar. Voilà, Gessmar. Et au bout d'un moment, ça m'agacait quand même, parce qu'il disait, il faut virer ça, il faut virer ça. Bon, alors déjà, qu'est-ce qu'on met à la place ? Ah ben, ce n'est pas notre métier, c'est... Je voyais que le pragmatisme gagnait sur le rêve ou sur le projet de projection dans le futur.

  • Speaker #1

    Comme tous les jeunes gens de l'époque, musiciens ou pas, Alain Bashung doit affronter les affres du service militaire. Lui qui a déjà enregistré plusieurs disques a bien d'autres ambitions que de se retrouver marchand ou pas, sanglé dans un uniforme réglementaire. Écoutez-le. racontait le stratagème audacieux qu'il mise en œuvre pour arriver à ses fins, se faire à réformer.

  • Speaker #0

    J'avais déjà fait des 45 tours, je m'étais fait réformer très peu de temps avant et je ne pouvais pas vivre avec des tas de gens autour de moi. J'étais pendant un mois dans une cellule capitonnée et tout ça. Ils me droguaient, ils me filaient des petites fioles. Quand j'essayais de marcher, je tombais. Il y avait tous les jours interrogatoire et il fallait dire la même chose. C'était assez bizarre parce que je suis arrivé, j'étais, comment on appelle ça, déserteur. J'étais arrivé en retard, je n'étais pas arrivé à la convocation. Ils m'ont mis à Bordeaux dans un hôpital neuropsychiatrique et je ne savais pas quoi faire. J'avais un dossier de psychiatre. Le premier soir, je me suis dit comment je peux faire ? qu'ils prennent au sérieux. Alors j'ai fait le mur, j'étais en pyjama, au mois de janvier, j'ai fait le mur, j'avais un caban, en fait je voulais chercher un flic pour me ramener dans un truc comme ça. Alors j'ai fait le tour de Bordeaux en pleine nuit, je me suis retrouvé dans une brasserie où j'ai mangé une soupe, tant pis, et j'ai cherché pendant quelques heures, je n'ai pas trouvé de flic pour me ramener. Alors j'ai refait le mur dans l'autre sens. Et là, à un moment donné, une petite chapelle, je suis rentré dedans et j'ai joué de l'orgue. Et d'un seul coup, je vois arriver deux mecs, des malabars, en blanc. Ils m'ont dit « Bon, maintenant, t'arrêtes tes conneries » . J'avais déjà fait des disques, je ne savais pas quoi faire. C'était le désespoir. Je voyais des types qui étaient en train de faire des études de médecine ou je ne sais pas quoi. C'était chiant, quoi. Ça cachait quelque chose. Ils savaient qu'en revenant, ils ne savaient pas comment reprendre les choses. Je me suis fait réformer le matin, un mois après. Et on m'avait... On m'avait loué un petit avion privé. L'après-midi, j'avais une interview avec Denise Glaser. Oui, je me suis retrouvé réformé le matin et l'après-midi devant Denise Glaser. Avec une tête après un mois de drogue. Alors, je m'en souviendrai de ce voyage. Enfin, j'étais content de me barrer, tu vois. Et d'un seul coup, sur un plateau télé, oui, ça fait des contrastes.

  • Speaker #1

    En juin 1967, un Bashung débutant, au patronyme encore orthographié avec un C, se retrouvent à l'affiche de ce qu'on appelait alors un festival pop. Un grand raout organisé au Palais des Sports avec des musiciens internationaux et déjà célèbres comme le groupe Cream d'Eric Clapton, mais aussi Jimmy Cliff, les Pretty Things ou les Trogs. Une véritable épreuve du feu pour celui qui n'a alors joué qu'aux terrasses des cafés ou dans d'obscures MJC. Souvenir, souvenir.

  • Speaker #0

    Oui, Jimmy Cliff, Dave Dozie, Mickey McIntitch, John Walker, les Trogs, Pretty Sings, vous voyez, il y en avait. Je les ai revus à Cité de la Musique, Pretty Sings, j'aurais montré l'affiche. Ils sont toujours impeccables avec le costume noir, la petite cravate, chemise blanche. Il y avait un directeur artistique de l'export, enfin de l'import-export, qui m'avait dit, écoute, tu vas passer au palais du sport dans 3-4 jours. Il y avait un groupe, il m'avait suivi un groupe qui faisait toutes les séances de Ronnie Bird et tout ça. Noël des Champs, les Sharks. On a répété vite fait, puis je me suis retrouvé. Il y avait Ronnie Bird aussi, les seuls Français. C'était incroyable parce que je voyais des trucs, des flashs. Déjà un nuage dans les loges. J'étais gamin, je ne connaissais pas. Un nuage bleu, tu vois. Et je vois le batteur de Cream, J.J. Baker, dans un état d'ébriété. Il était à la vodka. Il ne tenait pas debout. Et je vois deux membres qui le prennent par les bras. Il le pose sur son tabouret et ça démarre. Et d'un seul coup, il sait exactement ce qu'il fait. Il tape et c'est tout. Là, j'ai pris quand même une première leçon. Ils l'ont ramené après, tu vois. Mais quand il jouait, c'était d'une précision et d'une force incroyable. Et là, je voyais Clapton, la première fois, je voyais une pédale. D'où il sort que ce son ? C'est la première pédale que je voyais. Et il y avait Jacques Brousse, une super voix, une grande voix. Parce qu'il y avait une solo pourrie, là. Donc, pour avoir quelque chose en son, il fallait être très fort. Il fallait envoyer pour entendre quelque chose. Donc, j'ai un souvenir un petit peu farfelu et impressionnant de ce programme. Oui, je voyais le directeur artistique, il me dit, « Ben, regarde dehors, là, il y a une affiche. » Je regarde et puis, en face, il y avait un grand drapeau anglais avec tous les noms, là, dont le mien. Je crois qu'il y avait encore le C. C'était de la musique, quelqu'un a retrouvé l'affiche sur internet ou un truc comme ça, et il y avait le C encore. C'était une scène, c'était assez bizarre à l'époque, parce qu'on sortait d'une interdiction totale de concerts pop, vu qu'il y avait eu des bagarres, c'était chaque fois des violences, donc ils avaient interdit les concerts carrément, concerts pop.

  • Speaker #1

    Désormais à la mode en France, les comédies musicales n'ont pas toujours été couronnées de succès. Pourtant, dès 1973, un spectacle intitulé « La Révolution française » , écrit par Claude-Michel Schoenberg et pompeusement affublé du titre d'opéra rock, obtint sinon un triomphe, du moins une certaine reconnaissance publique, puisqu'il fit même l'objet d'un double album. Au générique de cette reconstitution entre sans-culottes, et jabot de dentelle, outre le chanteur Antoine, le groupe Martin Circus et une partie des Charlots, Alain Bashung lui-même, dans le double rôle de Robespierre et de Fouquet-Tinville. Manquait plus qu'il interprète Nini Potchien à la Bastille.

  • Speaker #0

    Les gens venaient de province, mais au mini-car, c'était un peu ce qu'a fait plus tard Robert Hossein, comme des tableaux historiques, bon, ça s'appelait un opéra rock, bon ben voilà, j'avais plusieurs trucs, j'étais en cardinal aussi à un moment donné, ou en évêque, et puis à un moment donné on était tous, c'était un jury, je crois, un jury pour forcément, oui, pour Marat et toute la bande. Charlotte Corday. Et puis, il y avait un masque. Et le masque était très lourd. On était assis, il fallait se lever et dire « à mort » . « À mort » , quelque chose comme ça. Et à un moment donné, ils disent mon nom. Et en fait, je m'étais endormi. Et un mec qui m'a poussé, c'était gai.

  • Speaker #1

    Chanteur persévérant, mais sans trop de succès. Alain va pourtant connaître un intense apprentissage musical. par l'entremise d'un autre artiste, Dick Rivers, à l'époque échappé en solo des Chats Sauvages. Celui-ci réclame des chansons à ce jeune débutant, en qui il a flairé un talent certain, et va même jusqu'à lui confier la réalisation de certains de ses disques. Une période, entre 72 et 74, que Bashung mettra à profit pour s'initier aux techniques de studio, du son jusqu'aux arrangements, même s'il se heurtera parfois à la mauvaise volonté de certains musiciens.

  • Speaker #0

    Oui, oui, voilà, ça m'a fait un coup de bien, c'était assez sympa à faire. Parce que moi je voyais que ça bricolait, ou que j'arrivais pas à formuler, ou être avec des gens que ça amusait, en fait, bon, c'était toujours très compliqué tout ça. Et Dick Rivers me propose de... Il voulait y chercher des chansons. Je lui amène quelques chansons comme ça. Et puis, on sympathise. Et puis, à un moment donné, il me dit, écoute, si tu veux, tu peux me donner un coup de main pour mes disques. Et on s'est retrouvé en studio. Ça a duré trois ans, dans ce réseau-là. On est allé à Londres, on a enregistré à Toulouse. Là, j'ai vu d'un seul coup que... Parce qu'on était dans une période où il y avait des arrangeurs. On appelait un arrangeur et puis il écrivait une rythmique. "Ratintintin" avec la reprise, la basse. Et je voyais que quand tu avais quatre mecs en face de toi, des mecs, des rockers ou des gens de la pop, tu pouvais communiquer, leur insuffler un petit peu ce que tu veux. Il fallait que le mec ait une bonne technique et un son. J'étais juste un virtuose, il y avait parfois des jazzmen. La première séance, je me suis retrouvé en ce studio, putain, j'ai failli les tuer. Je voyais arriver, il y avait 20 ou 25 cordes qui venaient de l'opéra pour faire un... pour faire des cordes sur une rythmique, sur 2-3 rythmiques. Donc c'était des séances 9h à 12h, des séances de 3h. La première fois, je me suis presque retrouvé en studio et responsable de l'enregistrement. Il était 12h45 ou un truc comme ça et je dis au mec, on va en essayer encore une, on va essayer encore une prise, ça pourrait être un petit peu mieux. Alors les mecs, ils jouent et pendant qu'ils jouent, j'entends un truc bizarre quand même. Et à la fin du truc, je m'aperçois que... Il y en avait deux qui s'étaient légèrement désaccordés pour pouvoir être repayés pour les trois prochaines heures après. Et moi, j'avais un budget très serré quand même. C'est ça la musique, la pop-musique en France. Je vais à Londres, je vais en Belgique. J'ai boycotté Paris parce que c'était... Mais attends, il ne faisait pas ça qu'avec moi, il faisait ça avec Gainsbourg, il avait envie de les tuer. Mais la première séance, tu vois que les mecs se désaccordent exprès pour jouer trois heures plus tard. J'avais envie de tuer. Après, j'en ai eu marre. J'entendais des musiciens. J'allais à Londres. Je voyais des mecs. Je voyais Alberti. Un seul coup, ça joue. Ça ne fait pas semblant. Il y a un vrai son. Je me dis, ça existe. Je voyais que des tas de choses étaient possibles. Mais à l'époque, c'était une petite production. Ça, ce n'était pas gigantesque. Il y avait quand même pas mal d'artistes qui allaient. Paul Nareff, c'était Jimmy Page qui faisait beaucoup de guitare, ou Big Joe Sullivan avec Michel, qui étaient des musiciens extraordinaires, mais tu pouvais leur faire jouer quelque chose qui était établi un peu. Ils le faisaient très bien, mais bavarder avec eux pour changer des choses, construire avec eux, c'était une autre histoire. La communication était quand même mieux avec des Français, et pour avoir un son fort et authentique, c'était des anglo-saxons. Comment faire pour avoir les deux ? C'est pour ça que mes disques sont parfois mixtes.

  • Speaker #1

    À la fin de 1980, sans crier gare, Alain Bashung décroche soudain un énorme tube, publié à l'origine uniquement en 45 tours. Une chanson d'abord baptisée Max Amphibie, car inspirée par l'éditeur Max Amphoux, mais plus connue du grand public sous le nom de Gabi. Une chanson qui va lui coller des années à la peau, un peu comme le célèbre bout de scotch du Capitaine Haddock. Question existentielle : Gabi, au fait, c'est un garçon ou une fille ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, c'était Max Amphoux, oui, parce que c'était un visiteur à l'époque. Et on le taquinait un peu, tu vois, parce que je le voyais en train de boire son whisky. Moi, j'avais mon pétard. Il me regardait de travers parce que je fumais des pétards. Et puis, moi, je lui disais, écoute, toi, tu bois. Alors, c'est pour ça que j'ai fait après, je n'ai plus le temps d'oublier que tu bois. Au départ, pour moi, c'était plutôt un mec. Enfin, c'est Mondino qui appelait certains homos des Gabis. Avec Gabi, ça irait bien parce que je faisais le truc en lavabo et je faisais « Oh, get it, get it, get it » . Et puis après, Gabi, c'est un prénom démodé. Avant, il y avait Gabi Morley. Ce n'était plus à la mode, ce prénom. J'avais beaucoup à cœur de remettre, comment dire, de redorer le blason d'une ancienne expression, d'une ancienne star.

  • Speaker #1

    En 1982, Alain Bashung, qui a déjà publié trois albums et décroché au moins deux tubes, abandonne un temps son alter-ego Boris Bergman pour s'acoquiner avec un autre auteur. S'acoquiner, c'est le mot puisqu'il s'agit de Serge Gainsbourg. Un mariage singulier qui accouchera de l'album « Play blessure » , disque plutôt inhabituel dans le paysage de la chanson française, boudé par le public à l'époque mais aujourd'hui considéré comme un classique. Collaboration turbulente, marquée aussi par les frasques souvent éthiliques du futur Gainsbourg.

  • Speaker #0

    On avait un tel plaisir à faire ce qu'on avait envie de faire. Il y avait Serge qui était là, Serge Gainsbourg. Il était content et en même temps un peu… Ça leur devait pas mal ce qu'il faut, il faut que je m'accroche. Il faisait ça avec quand même… C'était sérieux. Puis je débarquais en studio. C'est Travelo, il s'amusait comme il pouvait. Il m'emmenait dans des boîtes de striptease plus que moyennes. C'était pour boire du mauvais champagne. Et puis il insultait les touristes. Il voyait un mec et une nana, il me dit « qu'est-ce que tu fous avec un boudin comme ça ? » Et l'autre, il est grave. On s'est fait insulter par Gainsbourg. Je m'attendais à ce qu'un jour un mec lui casse la tête. Ça lui est arrivé. Après, il disait que c'était un militaire qui voulait se venger, mais c'est un mec qui lui a carrément... Alors, il y a quelqu'un qui a rencontré la dame qui nous avait pris un jour. Et elle avait dit à un mec qui me l'a rapporté après, « Oui, oui, j'ai raccompagné un soir M. Gainsbourg et M. Bashung. Ils ont vomi dans mon taxi. » Mais après, c'était devenu une médaille.

  • Speaker #1

    Après Play blessure, suivra une période plutôt noire et destroy pour Bashung, cherchant obstinément à se démarquer de l'image de chanteur populaire que lui ont apporté des tubes comme Gabi ou Vertiges de l'amour, transformant ses concerts en démonstrations punk, passant outre l'incompréhension d'un public familial, surtout venu pour les succès qu'il a entendus à la radio.

  • Speaker #0

    Je sais que la maison de disques me regardait comme un truc à abattre, une erreur de la nature. Donc ça ne fait pas... Quand tu sais qu'en même temps, tu leur apportes du pognon, et que ce n'est pas facile à vivre, alors il fallait oublier, il fallait passer une bonne nuit de temps en temps. Non, il y avait un concert sur deux où je voyais qu'à peu près, ça dépendait des villes, ou de la salle et tout ça. Donc je voyais que c'était pris pour ce que c'était, l'album avec l'aspect musical. Et l'autre, j'étais en décalage total avec... J'ai deux tubes précédents où la famille venait avec des enfants pour montrer. C'était dur à gérer. En plus, ça se passait sur six mois. On enregistrait tous les ans. Il y avait un disque par an avec tournée et tout ça. Il y a un moment donné où il ne fallait pas que ce soit le truc qui t'empêche d'avancer.

  • Speaker #1

    Chanteur, compositeur, Alain Bashung fut aussi comédien. A son actif, une vingtaine de films, de Nestor Burma en 1980 à J'ai toujours rêvé d'être un gangster en 2007. Même s'il en composa certaines des musiques, il n'avait jamais réellement rêvé d'être un acteur. Tout ça parce qu'un certain Fernando Arabal lui confia un jour le rôle de Jésus de Nazareth, dans un film aussi obscur que culte intitulé « Le cimetière des voitures » .

  • Speaker #0

    La première fois, je ne l'ai pas voulu du tout. C'était vraiment... C'était Arabal, oui. Et puis ça ne m'avait pas... J'étais excité parce qu'il y avait cette musique à faire. On m'a dit, tiens, c'est la musique. Donc je pensais beaucoup à la musique. Alors faire Jésus dans un truc, ça me paraissait blasphématoire. Ou je ne sais pas, complètement... J'avais la musique à faire, donc ça me prenait plus la tête. Je ne me disais pas, tiens, je vais faire un truc là-dedans. Et puis, il y avait régulièrement, comme ça, il y a encore des scénarios qui m'arrivent régulièrement. Et puis des trucs, des fois, qui ne sont pas mal. Et puis d'autres, j'ai bien fait de m'abstenir. Il y a beaucoup de trucs. Il y a parfois des histoires intéressantes avec des cinéastes intéressants, mais il y a un tout petit pourcentage. C'est des films d'auteurs ça les gros trucs il y a une dizaine d'énormes trucs où il y a beaucoup de blé mais qui sont 80% très lourds alors il n'y a plus rien au milieu au milieu c'est difficile tu vois les metteurs en scène première chose que tu vois ils sont malheureux ils souffrent je suis subjugué par l'histoire et tout mais c'est vrai que des fois j'appelais mon agent pour lui dire t'as pas un truc là parce que Je sors de tournée, j'ai une tête qui va mal, je ne peux pas me retrouver sur une plage. T'as pas un truc. Des fois, j'allais en Chine ou au Mexique faire un truc. Mais l'un dans l'autre, ça m'a fait du bien quand même. Et puis des fois, je voyais une espèce de bateau, un équipage. Il faut faire un peu de temps. quelque chose d'impossible. Ce n'est pas souvent des vrais metteurs en scène. C'est souvent des mecs qui ont écrit un scénar. Beaucoup ont écrit un scénar. Et puis, l'aspect cinématographique, je ne sais pas trop. Et puis, la plupart font quelque chose qui est tout à fait normal. Ils ne vont pas perdre du temps à aider un acteur à faire quelque chose. Pour eux, c'est un mec qui connaît son boulot. Essaye ça, essaye ça. D'autres, ils le font. avec toute sa technique et tout ça. C'était bizarre ces derniers temps, j'ai fait beaucoup de scénarios, de pièces de théâtre. Écoute, alors ça, j'ai quand même eu peur. Moi, je ne suis pas un malade d'apprendre des tonnes de textes comme ça. Je ne sais pas, mais un jour, peut-être que ça me dira. Tant que je travaille, tant que je travaille dix fois plus que quelqu'un d'autre.

  • Speaker #1

    Nous sommes donc en 2008, moins d'un an avant sa disparition, et dix ans avant l'avènement de ce qu'il est convenu d'appeler la crise des gilets jaunes. Mais que viennent donc faire les occupants des ronds-points dans une interview d'Alain Bashung ? C'est que l'extrait qui va suivre résonne étrangement, comme si Alain pressentait déjà la crise sociale de 2018 et 2019. Après tout, un grand artiste, c'est forcément aussi un peu un visionnaire.

  • Speaker #0

    Personne ne raconte comment ça pourrait se passer, comment on pourrait vivre dans quelques années. C'est quand même curieux ce silence. Mais à ce point-là, on n'a jamais été aussi peu bavard. Les réformes, c'est souvent des restrictions, des sacrifices ou des libertés enlevées. C'est un non sens quand même. Pour respecter les gens, depuis que je suis gamin, on me dit qu'il faut se serrer la ceinture, déjà que le bol est ouvert à la fin du tunnel. C'est vieux ça, ça a toujours été ça. Tu es prêt à faire un sacrifice, à modifier ton comportement, en échange de quelque chose, une perspective possible, vivable. Mais quand on te dit rien, c'est assez... Quand tu réfléchis, c'est quand même violent et vulgaire. Mais ce n'est pas ça, en plus, qui aide à dynamiser cette France qui... qui demanderait à avoir des séances d'acupuncture, parce qu'il y a plein de gens qui ont envie de faire mes choses, qui ont des bonnes volontés, ou qui sont... Les gens sont plutôt positifs. Ceux qui tiennent debout et qui ont un petit potentiel de quelque chose à faire, il ne faut pas la ruiner la tête. Je n'arrive pas à saisir pourquoi... Parce que tout ça, cette espèce d'agitation, ça aurait pu être fait pour... Pour montrer que, regardez, il faut être dynamique, il faut être positif, il faut avancer, tout ça. Oui, mais bizarrement, ça n'entraîne pas, ça ne pousse pas la roue spécialement. Donc, il y a quelque chose de niche là-dedans. Mais par contre, il y a parfois des gens qui s'assemblent face à telle ou telle situation, même pour des histoires de pouvoir d'achat ou des choses comme ça. Je crois plus en ça, mais par contre, il y en a beaucoup moins pour exprimer des choses purement politiques, parce que je crois qu'ils y croient plus, ils croient plus en une action citoyenne pour tel ou tel problème. Bon, ça, c'est déjà positif. Mais l'État, il ne faut pas qu'il fasse sans arrêt ce truc. C'est-à-dire, ils le font eux-mêmes. Bon, on peut aller en vacances. Bon, ils l'ont déjà fait pour pas mal de trucs. Sinon, les gens, ils le font. Bon, voilà.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode consacré à Alain Bashung. Et à la prochaine fois.

Chapters

  • Introduction à l'interview d'Alain Bashung

    00:00

  • Le nouvel album 'Bleu Pétrole' et ses choix artistiques

    00:07

  • Un artiste à part : le mystère dans les paroles de Bashung

    00:41

  • Réflexions sur l'expression musicale et l'émotion

    01:44

  • La création et l'exigence dans le processus artistique

    05:27

  • Les inspirations et adaptations musicales dans son œuvre

    09:04

  • Les défis de la performance vocale et de l'interprétation

    10:52

  • Souvenirs de jeunesse et engagement personnel

    13:39

  • Les débuts sur scène et l'apprentissage musical

    17:33

  • Collaboration avec Gainsbourg et l'album 'Plais blessure'

    22:04

  • La recherche d'une identité artistique et les concerts punk

    29:25

  • Bashung, compositeur et acteur : un parcours diversifié

    30:39

  • Réflexions sur la société et l'avenir en 2008

    33:55

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Description

Le 24 mars 2008 sortait Bleu pétrole, le douzième album d'Alain Bashung. 

Quelques semaines avant la sortie, Philippe Barbot le rencontre dans une brasserie des Abbesses. Un Bashung amaigri par la maladie, le crâne dissimulé par une petite casquette, mais toujours cordial et disert. 

Une interview, la toute dernière hélas, choisie parmi une dizaine d’autres accordées au fil de sa carrière, parce que sans doute la plus complète et, évidemment, la plus émouvante...


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les grands entretiens du musée de la Sacem avec Philippe Barbot.

  • Speaker #1

    Le 24 mars 2008 était publié le douzième album d'Alain Bashung intitulé Bleu Pétrole. Pour la première fois, Alain avait décidé de n'en être que l'interprète, confiant l'écriture des chansons à d'autres artistes, Gaëtan Roussel, Gérard Manset, mais aussi Joseph Danvers et Armand Méliès. Un album de reprise donc, même si Bashung, comme à son habitude, y avait quand même mis son grain de sel, adaptant le texte d'une chanson sur la musique d'une autre et vice versa. Prétexte, quelques semaines avant la sortie du disque, à aller cuisiner le responsable, sur fond de bruit de vaisselle, puisque l'interview se déroula dans une brasserie de la rue des Abesses. Un Bashung amaigri par la maladie. Le crâne dissimulé par une petite casquette, mais toujours cordial et disert. Une interview, la toute dernière hélas, choisie parmi une dizaine d'autres accordées au fil de sa carrière, parce que sans doute la plus complète et, évidemment, la plus émouvante. Que ce soit avec Boris Bergman ou Jean Fauque, ces deux auteurs attitrés, Bashung a toujours cultivé un penchant pour le mystère, jusque dans les paroles de ses chansons. préférant les images au sens prosaïque. Une propension à l'énigme littéraire qui a toujours fait de lui, contre beaucoup d'autres choses, un artiste à part. Pourtant, il l'avoue lui-même, il est très loin de détester la chanson populaire.

  • Speaker #0

    J'avais envie de chanter un peu, parce que ça faisait un bout de temps que je n'avais pas chanter. Sur l'imprudence, il y avait toutes ces lignes que tu ne peux pas chanter à pleine voix. Sinon c'est grandiloquent et tout ça. Et puis pas forcément être plus... Peut-être m'exprimer plus directement. Comme, je sais pas, tout me paraissait confus ou surenchaire de slogans ou de trucs. Et puis dire en trois lignes ce que tu penses vraiment, ce qui est compréhensible. Je voulais pas rajouter de la brume sur de la confusion et qu'il y a une espèce de chose plus dans l'émotion aussi. Et ça, c'est des écritures que je ne domine pas vraiment. Je me suis fait aider plus que d'habitude. Je n'ai pas confiance en des phrases qui disent clairement quelque chose. Je dis ça, c'est clair, c'est simple, mais est-ce que c'est juste, est-ce que ce n'est pas machiavélique ou dominateur, je ne sais pas, il y a toujours cette arrière-pensée. Et ça, c'est une vieille approche de la musique anglo-saxonne, presque. Quand je n'écoutais pratiquement que ça, je ne comprenais pas tout immédiatement. J'ai découvert après, quand je lisais des petites partitions qui te vendent dans des soundbooks. Mais pas tout de suite. Pour moi, c'était d'abord un son qu'ils entendent à la radio, avec du « wouiouiouioui » et tout ça. Et il y avait une espèce de... Alors tu te dis « putain, c'est excitant, mais je comprends pas tout, mais pourtant, ça me fait quelque chose » . Et pourtant, j'admire les gens qui peuvent raconter des choses assez simplement, mais où il se passe quelque chose de fort, y compris chez Brel. Il n'y a pas d'ambiguïté tellement. Il n'y a pas beaucoup d'images. Mais par contre, d'une ligne à l'autre, c'est... Aznavour aussi, les belles chansons, c'est imparable. Ça dure, c'est sûr. Le jour, on était ici, il y avait un banquet de vieilles dames qui avaient travaillé à la Samaritaine, je crois, et qui allaient chanter des vieilles chansons. C'était marrant parce que personne n'était capable de trouver les titres des chansons. Et comme c'est des chansons qui sont reprises dans des pubs, on se disait « Ah ben ça c'est le crédit lyonnais ! » Alors que c'était le dimanche au bord de l'eau, tu sais. Et tu te dis « Ouais, mais voilà, ils sont contents d'être ensemble, ils chantent des lignes. » Et ma voisine en face, elle est un peu émue parce qu'elle lui rappelle une balade en barque un dimanche avec son copain de l'époque, après la guerre. C'était toutes des dames avec des mises en pli un peu bleutées, comme ça, voilà. Il y avait un accordioniste, tout, qui jouait bien. Je ne l'ai jamais cherché tellement au départ. Je crois qu'au départ, c'était plus une démarche égoïste. Enfin, bon, égoïste, j'avais tellement mis de temps à essayer de trouver comment je pouvais m'exprimer. Le fait d'être content de m'être exprimé d'une certaine manière, ça me suffisait largement. Dites en grand temps, je vois quelqu'un qui me chante deux, trois lignes comme ça, d'une, deux chansons, mais ça s'arrête là. Mais c'est jamais un couplet en entier. Quand je vois que ça existe encore dans les radios, je me dis tiens, bon ben voilà, ça fait des bornes dans ma petite histoire.

  • Speaker #1

    Le dernier album publié de son vivant, Bleu Pétrole, donc, donnait la part belle aux chansons des autres. Un album qui leur a mis plus de cinq années à peaufiner, après moult recherches, essais, tâtonnements. Car travailler avec Bashung, quand on est auteur ou compositeur, n'a jamais été une sinecure, tant l'artiste était exigeant, remettant sans cesse l'ouvrage sur l'établi, changeant une strophe, rectifiant une mesure, amassant prototypes et maquettes jusqu'à satisfaction. C'est aussi cette exigence d'artisans obstinés qui permit, par exemple, la publication posthume de l'album en amont, près de dix ans après sa disparition.

  • Speaker #0

    Il m'est arrivé aussi d'avoir une ou deux belles chansons de Dominica et je n'ai jamais réussi à trouver comment l'habiller, parce que ce n'est pas des choses que tu peux marteler avec un tempo de batterie très marqué, sinon tu l'alourdies. En plus, si jamais il y a un sens un peu grave ou un peu profond, c'est tout juste, on ne fait pas une marche militaire en fait, c'est casse-gueule tous ces trucs. Alors comment ? Des fois, je n'y arrive pas. Les trucs qui sont restés sur le disque, c'est que j'étais à peu près content de l'équilibre entre le décor musical et ce que ça racontait, et puis la cohérence du tout. Non, j'ai simplement des fois accentué des trucs, mais c'est en les essayant. Mais en fait, je ne cherchais pas une écriture qui ressemble à ce que je faisais avant. C'était au contraire pour prendre un peu l'air. Je suis passé par d'autres idées avant. J'avais envie, comme tout le monde, de faire des reprises. J'avais cherché des trucs. Et puis des trucs que je trouvais formidables, mais qui me paraissaient inchantables. Et les miens doivent être inchantables pour d'autres aussi. Et puis des choses aussi où je me disais, mais attends, c'est les chansons qui ont l'air d'être belles qui sont des recherches de nouvelles écritures comme ça, mais ça ne ressemble pas à une vraie chanson. C'était presque trop intelligent. Et je me disais, merde, je ne vais pas chanter mes trucs où je retrouve mes propres travers ou mes propres tics, pour trouver les chansons qui soient à la fois simples et qui te concernent un peu, où tu te dis, tiens, j'ai une raison de... J'avais beaucoup de mal et puis bon, voilà... Puis comme il y avait parallèlement des artistes avec qui j'avais envie de faire un bout de chemin, comme Gérard Manset, que je ne connaissais pas bien. Là, je ne veux pas dire que je le connais mieux, mais on s'est frotté l'un à l'autre. Ça, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. C'est plutôt que je découvre à un moment donné la façon dont je peux raconter quelque chose. Il vaut mieux que je le fasse avec mes moyens. Je ne vais pas utiliser les moyens de quelqu'un d'autre. C'est plutôt quand j'arrive pas à me l'accaparer, que ça reste en dehors de moi. Je me dis, c'est très beau, mais je ne sais pas comment faire. Curieusement, c'est-à-dire que là, les artistes avec qui j'ai travaillé, en fait, c'est aussi des interprètes, c'est aussi des chanteurs, et pas des mauvais chanteurs. Manset, il a un beau timbre de voix, une espèce de magie comme ça, lointaine. Donc, je faisais un essai, des fois, je le faisais écouter. La première fois, je lui fais écouter "Comme un égo", comme ça, je voulais lui faire écouter en entier, il me dit « Oh là là, non, juste 4 lignes, c'est très bien, c'est très bien » . Je comprends, comme c'est assez long, je pensais couper quelque chose, et puis finalement, non, j'ai tout gardé.

  • Speaker #1

    Sur l'album Bleu Pétrole, parmi les chansons de Manset ou de Roussel, une véritable reprise, celle d'un classique de Léonard Cohen, « Suzanne » , adapté en français par le néo-zélandais francophone Graham Allwright. Un choix un peu surprenant dont il s'explique ici.

  • Speaker #0

    D'abord, j'aimais bien sa traduction. C'était très proche de l'écriture de Cohen. La manière d'amener ces images un peu sous-entendues. J'en avais d'autres aussi, mais celle-ci était très bien écrite. Elle était belle. C'était une chanson où je pensais à ce pharaon avec les années 60-70. Ça m'a toujours étonné que ce type intéresse un jeune public, parce que c'était un truc, ça faisait adulte un peu quand même, ça faisait pas chanteur de teenager. Donc il racontait les choses avec une espèce de gravité, mais c'était très beau en même temps. Donc tout ça a été dans des mots finalement assez simples, mais tellement bien agencés, puis il a influencé des tas de gens. C'était pour marquer un peu ce parallèle, mais même... « Solitaire » de Manset, c'était une des premières réussites un peu pop, écrite à la main française.

  • Speaker #1

    Outre un artiste singulier et original, Alain Bashung, on l'a peut-être oublié, était un formidable chanteur. Même s'il mit plusieurs années, voire décennies, à trouver véritablement son style, lui qui passa du registre de crooneurs de variété le long d'une douzaine de 45 tours, sans succès dans les années 60-70, à celui de rocker punk et fantaisiste à l'orée des années 80, avant de se forger une identité bien à lui, desperado, solitaire, mais toujours bien entouré.

  • Speaker #0

    Quand je suis en train de chanter, ça va. Quand j'écoute de loin, c'est autre chose. Tiens, ça me dit quelque chose, mais après, bon... Mais sur le moment, quand je chante en concert, c'est que ça va plutôt bien, je suis heureux. Mais ça a souvent été le problème, parce que je mettais le sens avant les possibilités vocales. Ça me paraissait plus important de raconter quelque chose que de faire une performance vocale. J'ai souvent eu beaucoup de mal à trouver des mots comme ça qui arrivaient à résonner dans ma bouche. Ce n'est pas de la prétention, c'est une histoire de pointure. J'ai mis avant, j'ai mis le sens avant, je dis je ne vais pas y arriver là. Parce que je suis passé par des phases, j'avais par exemple la période Blue White Soul. Alors je m'intéressais à tous les chanteurs qui essayaient de chanter comme des blacks et qui des fois assuraient, oui les blacks, Bill Medley entre autres. En Angleterre il y en avait aussi, il y avait Long John Boldry. T'avais Chris Farlow, Piana 2-3 qui ont réussi, comme Joe Cocker, Roxy Stewart. Ils ont des voix un peu voilées comme ça, mais magnifiques. Parce que je trouvais qu'ils créaient quelque chose. Les anciens avaient déjà des tics d'anciens. J'avais envie d'un type qui me montre vocalement une nouvelle voix, de modulation. Je ne parle même pas de Marvin Gaye parce que lui, c'est la perfection. Henri Orbison, lui, il fait pleurer. Même s'il fait 45 pompes, je marche quand même. Ça m'a toujours frustré, c'est de ne pas facilement trouver des mots qui ne soient pas ridicules pour pouvoir chanter un peu, se laisser aller physiquement. C'était un combat qui me paraissait inégal. Je me disais que je n'arriverais jamais à faire sonner vraiment comme je veux, avec à la fois un peu de puissance, un peu de timbre, quelque chose qui soit... avec un sens intéressant, avec des nuances comme ça, ou alors ça se rapprochait trop de quelqu'un qui existe déjà. Ça, ça a été des recherches, plus des tentatives foireuses ou des trucs... Mais ça ne m'a pas frustré sur le coup, parce que je trouvais que c'était assez important de raconter quelque chose, même si c'est au détriment de prouesse vocale. Ça ne me paraissait pas frustrant. Et bizarrement, c'était plus emmerdant pour enregistrer des fois, parce que je ne connaissais pas encore bien la chanson. Mais sur scène, parfois, il m'arrive d'en faire quelque chose. Même si au départ, c'est des lignes un peu linéaires comme ça, mais au bout d'un moment, je m'accroche à des syllabes. Il me faut du temps pour que la chanson devienne physique à un moment donné.

  • Speaker #1

    En mai 68, Bashung vit à Boulogne-Billancourt, sa ville natale où il est retourné après avoir passé son enfance en Alsace chez ses grands-parents. De Boulogne à Paris, il n'y a que quelques encablures, qu'Alain franchit avec la nonchalance d'un promeneur curieux, mais pas dupe, entre deux jets de grenades lacrymogènes et trois revendications estudiantines.

  • Speaker #0

    J'avais 20 ans, écoute. Oui, oui, j'étais à Boulogne. J'allais à pied, parce qu'à 20 ans, une bombe lacrymogène, alors on changeait de rue. Des trucs qui m'énervaient, puis des trucs que je trouvais... bien. Mais je voyais ces types-là qui parlaient d'écologie, c'était un truc important. Le problème, ils en parlaient devant un ministre de droite pragmatique. Les mecs leur disaient, bon, oui, d'accord, je comprends, vous ne voulez pas détruire la Terre, vous avez un dossier, combien ça va coûter ? Ah ben non, ce n'est pas notre métier. Ça fait que... Il faisait passer en quelques secondes ce mouvement pour un vague bidule de rêveurs. Alors que c'était un truc même qui était... Je ne sais pas si c'était Sauvageon... Comment il s'appelait, Sauvageon ? C'était Cohn-Bendit. Et l'autre, il avait un troisième, la petite rapubre, la... Gessmar. Voilà, Gessmar. Et au bout d'un moment, ça m'agacait quand même, parce qu'il disait, il faut virer ça, il faut virer ça. Bon, alors déjà, qu'est-ce qu'on met à la place ? Ah ben, ce n'est pas notre métier, c'est... Je voyais que le pragmatisme gagnait sur le rêve ou sur le projet de projection dans le futur.

  • Speaker #1

    Comme tous les jeunes gens de l'époque, musiciens ou pas, Alain Bashung doit affronter les affres du service militaire. Lui qui a déjà enregistré plusieurs disques a bien d'autres ambitions que de se retrouver marchand ou pas, sanglé dans un uniforme réglementaire. Écoutez-le. racontait le stratagème audacieux qu'il mise en œuvre pour arriver à ses fins, se faire à réformer.

  • Speaker #0

    J'avais déjà fait des 45 tours, je m'étais fait réformer très peu de temps avant et je ne pouvais pas vivre avec des tas de gens autour de moi. J'étais pendant un mois dans une cellule capitonnée et tout ça. Ils me droguaient, ils me filaient des petites fioles. Quand j'essayais de marcher, je tombais. Il y avait tous les jours interrogatoire et il fallait dire la même chose. C'était assez bizarre parce que je suis arrivé, j'étais, comment on appelle ça, déserteur. J'étais arrivé en retard, je n'étais pas arrivé à la convocation. Ils m'ont mis à Bordeaux dans un hôpital neuropsychiatrique et je ne savais pas quoi faire. J'avais un dossier de psychiatre. Le premier soir, je me suis dit comment je peux faire ? qu'ils prennent au sérieux. Alors j'ai fait le mur, j'étais en pyjama, au mois de janvier, j'ai fait le mur, j'avais un caban, en fait je voulais chercher un flic pour me ramener dans un truc comme ça. Alors j'ai fait le tour de Bordeaux en pleine nuit, je me suis retrouvé dans une brasserie où j'ai mangé une soupe, tant pis, et j'ai cherché pendant quelques heures, je n'ai pas trouvé de flic pour me ramener. Alors j'ai refait le mur dans l'autre sens. Et là, à un moment donné, une petite chapelle, je suis rentré dedans et j'ai joué de l'orgue. Et d'un seul coup, je vois arriver deux mecs, des malabars, en blanc. Ils m'ont dit « Bon, maintenant, t'arrêtes tes conneries » . J'avais déjà fait des disques, je ne savais pas quoi faire. C'était le désespoir. Je voyais des types qui étaient en train de faire des études de médecine ou je ne sais pas quoi. C'était chiant, quoi. Ça cachait quelque chose. Ils savaient qu'en revenant, ils ne savaient pas comment reprendre les choses. Je me suis fait réformer le matin, un mois après. Et on m'avait... On m'avait loué un petit avion privé. L'après-midi, j'avais une interview avec Denise Glaser. Oui, je me suis retrouvé réformé le matin et l'après-midi devant Denise Glaser. Avec une tête après un mois de drogue. Alors, je m'en souviendrai de ce voyage. Enfin, j'étais content de me barrer, tu vois. Et d'un seul coup, sur un plateau télé, oui, ça fait des contrastes.

  • Speaker #1

    En juin 1967, un Bashung débutant, au patronyme encore orthographié avec un C, se retrouvent à l'affiche de ce qu'on appelait alors un festival pop. Un grand raout organisé au Palais des Sports avec des musiciens internationaux et déjà célèbres comme le groupe Cream d'Eric Clapton, mais aussi Jimmy Cliff, les Pretty Things ou les Trogs. Une véritable épreuve du feu pour celui qui n'a alors joué qu'aux terrasses des cafés ou dans d'obscures MJC. Souvenir, souvenir.

  • Speaker #0

    Oui, Jimmy Cliff, Dave Dozie, Mickey McIntitch, John Walker, les Trogs, Pretty Sings, vous voyez, il y en avait. Je les ai revus à Cité de la Musique, Pretty Sings, j'aurais montré l'affiche. Ils sont toujours impeccables avec le costume noir, la petite cravate, chemise blanche. Il y avait un directeur artistique de l'export, enfin de l'import-export, qui m'avait dit, écoute, tu vas passer au palais du sport dans 3-4 jours. Il y avait un groupe, il m'avait suivi un groupe qui faisait toutes les séances de Ronnie Bird et tout ça. Noël des Champs, les Sharks. On a répété vite fait, puis je me suis retrouvé. Il y avait Ronnie Bird aussi, les seuls Français. C'était incroyable parce que je voyais des trucs, des flashs. Déjà un nuage dans les loges. J'étais gamin, je ne connaissais pas. Un nuage bleu, tu vois. Et je vois le batteur de Cream, J.J. Baker, dans un état d'ébriété. Il était à la vodka. Il ne tenait pas debout. Et je vois deux membres qui le prennent par les bras. Il le pose sur son tabouret et ça démarre. Et d'un seul coup, il sait exactement ce qu'il fait. Il tape et c'est tout. Là, j'ai pris quand même une première leçon. Ils l'ont ramené après, tu vois. Mais quand il jouait, c'était d'une précision et d'une force incroyable. Et là, je voyais Clapton, la première fois, je voyais une pédale. D'où il sort que ce son ? C'est la première pédale que je voyais. Et il y avait Jacques Brousse, une super voix, une grande voix. Parce qu'il y avait une solo pourrie, là. Donc, pour avoir quelque chose en son, il fallait être très fort. Il fallait envoyer pour entendre quelque chose. Donc, j'ai un souvenir un petit peu farfelu et impressionnant de ce programme. Oui, je voyais le directeur artistique, il me dit, « Ben, regarde dehors, là, il y a une affiche. » Je regarde et puis, en face, il y avait un grand drapeau anglais avec tous les noms, là, dont le mien. Je crois qu'il y avait encore le C. C'était de la musique, quelqu'un a retrouvé l'affiche sur internet ou un truc comme ça, et il y avait le C encore. C'était une scène, c'était assez bizarre à l'époque, parce qu'on sortait d'une interdiction totale de concerts pop, vu qu'il y avait eu des bagarres, c'était chaque fois des violences, donc ils avaient interdit les concerts carrément, concerts pop.

  • Speaker #1

    Désormais à la mode en France, les comédies musicales n'ont pas toujours été couronnées de succès. Pourtant, dès 1973, un spectacle intitulé « La Révolution française » , écrit par Claude-Michel Schoenberg et pompeusement affublé du titre d'opéra rock, obtint sinon un triomphe, du moins une certaine reconnaissance publique, puisqu'il fit même l'objet d'un double album. Au générique de cette reconstitution entre sans-culottes, et jabot de dentelle, outre le chanteur Antoine, le groupe Martin Circus et une partie des Charlots, Alain Bashung lui-même, dans le double rôle de Robespierre et de Fouquet-Tinville. Manquait plus qu'il interprète Nini Potchien à la Bastille.

  • Speaker #0

    Les gens venaient de province, mais au mini-car, c'était un peu ce qu'a fait plus tard Robert Hossein, comme des tableaux historiques, bon, ça s'appelait un opéra rock, bon ben voilà, j'avais plusieurs trucs, j'étais en cardinal aussi à un moment donné, ou en évêque, et puis à un moment donné on était tous, c'était un jury, je crois, un jury pour forcément, oui, pour Marat et toute la bande. Charlotte Corday. Et puis, il y avait un masque. Et le masque était très lourd. On était assis, il fallait se lever et dire « à mort » . « À mort » , quelque chose comme ça. Et à un moment donné, ils disent mon nom. Et en fait, je m'étais endormi. Et un mec qui m'a poussé, c'était gai.

  • Speaker #1

    Chanteur persévérant, mais sans trop de succès. Alain va pourtant connaître un intense apprentissage musical. par l'entremise d'un autre artiste, Dick Rivers, à l'époque échappé en solo des Chats Sauvages. Celui-ci réclame des chansons à ce jeune débutant, en qui il a flairé un talent certain, et va même jusqu'à lui confier la réalisation de certains de ses disques. Une période, entre 72 et 74, que Bashung mettra à profit pour s'initier aux techniques de studio, du son jusqu'aux arrangements, même s'il se heurtera parfois à la mauvaise volonté de certains musiciens.

  • Speaker #0

    Oui, oui, voilà, ça m'a fait un coup de bien, c'était assez sympa à faire. Parce que moi je voyais que ça bricolait, ou que j'arrivais pas à formuler, ou être avec des gens que ça amusait, en fait, bon, c'était toujours très compliqué tout ça. Et Dick Rivers me propose de... Il voulait y chercher des chansons. Je lui amène quelques chansons comme ça. Et puis, on sympathise. Et puis, à un moment donné, il me dit, écoute, si tu veux, tu peux me donner un coup de main pour mes disques. Et on s'est retrouvé en studio. Ça a duré trois ans, dans ce réseau-là. On est allé à Londres, on a enregistré à Toulouse. Là, j'ai vu d'un seul coup que... Parce qu'on était dans une période où il y avait des arrangeurs. On appelait un arrangeur et puis il écrivait une rythmique. "Ratintintin" avec la reprise, la basse. Et je voyais que quand tu avais quatre mecs en face de toi, des mecs, des rockers ou des gens de la pop, tu pouvais communiquer, leur insuffler un petit peu ce que tu veux. Il fallait que le mec ait une bonne technique et un son. J'étais juste un virtuose, il y avait parfois des jazzmen. La première séance, je me suis retrouvé en ce studio, putain, j'ai failli les tuer. Je voyais arriver, il y avait 20 ou 25 cordes qui venaient de l'opéra pour faire un... pour faire des cordes sur une rythmique, sur 2-3 rythmiques. Donc c'était des séances 9h à 12h, des séances de 3h. La première fois, je me suis presque retrouvé en studio et responsable de l'enregistrement. Il était 12h45 ou un truc comme ça et je dis au mec, on va en essayer encore une, on va essayer encore une prise, ça pourrait être un petit peu mieux. Alors les mecs, ils jouent et pendant qu'ils jouent, j'entends un truc bizarre quand même. Et à la fin du truc, je m'aperçois que... Il y en avait deux qui s'étaient légèrement désaccordés pour pouvoir être repayés pour les trois prochaines heures après. Et moi, j'avais un budget très serré quand même. C'est ça la musique, la pop-musique en France. Je vais à Londres, je vais en Belgique. J'ai boycotté Paris parce que c'était... Mais attends, il ne faisait pas ça qu'avec moi, il faisait ça avec Gainsbourg, il avait envie de les tuer. Mais la première séance, tu vois que les mecs se désaccordent exprès pour jouer trois heures plus tard. J'avais envie de tuer. Après, j'en ai eu marre. J'entendais des musiciens. J'allais à Londres. Je voyais des mecs. Je voyais Alberti. Un seul coup, ça joue. Ça ne fait pas semblant. Il y a un vrai son. Je me dis, ça existe. Je voyais que des tas de choses étaient possibles. Mais à l'époque, c'était une petite production. Ça, ce n'était pas gigantesque. Il y avait quand même pas mal d'artistes qui allaient. Paul Nareff, c'était Jimmy Page qui faisait beaucoup de guitare, ou Big Joe Sullivan avec Michel, qui étaient des musiciens extraordinaires, mais tu pouvais leur faire jouer quelque chose qui était établi un peu. Ils le faisaient très bien, mais bavarder avec eux pour changer des choses, construire avec eux, c'était une autre histoire. La communication était quand même mieux avec des Français, et pour avoir un son fort et authentique, c'était des anglo-saxons. Comment faire pour avoir les deux ? C'est pour ça que mes disques sont parfois mixtes.

  • Speaker #1

    À la fin de 1980, sans crier gare, Alain Bashung décroche soudain un énorme tube, publié à l'origine uniquement en 45 tours. Une chanson d'abord baptisée Max Amphibie, car inspirée par l'éditeur Max Amphoux, mais plus connue du grand public sous le nom de Gabi. Une chanson qui va lui coller des années à la peau, un peu comme le célèbre bout de scotch du Capitaine Haddock. Question existentielle : Gabi, au fait, c'est un garçon ou une fille ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, c'était Max Amphoux, oui, parce que c'était un visiteur à l'époque. Et on le taquinait un peu, tu vois, parce que je le voyais en train de boire son whisky. Moi, j'avais mon pétard. Il me regardait de travers parce que je fumais des pétards. Et puis, moi, je lui disais, écoute, toi, tu bois. Alors, c'est pour ça que j'ai fait après, je n'ai plus le temps d'oublier que tu bois. Au départ, pour moi, c'était plutôt un mec. Enfin, c'est Mondino qui appelait certains homos des Gabis. Avec Gabi, ça irait bien parce que je faisais le truc en lavabo et je faisais « Oh, get it, get it, get it » . Et puis après, Gabi, c'est un prénom démodé. Avant, il y avait Gabi Morley. Ce n'était plus à la mode, ce prénom. J'avais beaucoup à cœur de remettre, comment dire, de redorer le blason d'une ancienne expression, d'une ancienne star.

  • Speaker #1

    En 1982, Alain Bashung, qui a déjà publié trois albums et décroché au moins deux tubes, abandonne un temps son alter-ego Boris Bergman pour s'acoquiner avec un autre auteur. S'acoquiner, c'est le mot puisqu'il s'agit de Serge Gainsbourg. Un mariage singulier qui accouchera de l'album « Play blessure » , disque plutôt inhabituel dans le paysage de la chanson française, boudé par le public à l'époque mais aujourd'hui considéré comme un classique. Collaboration turbulente, marquée aussi par les frasques souvent éthiliques du futur Gainsbourg.

  • Speaker #0

    On avait un tel plaisir à faire ce qu'on avait envie de faire. Il y avait Serge qui était là, Serge Gainsbourg. Il était content et en même temps un peu… Ça leur devait pas mal ce qu'il faut, il faut que je m'accroche. Il faisait ça avec quand même… C'était sérieux. Puis je débarquais en studio. C'est Travelo, il s'amusait comme il pouvait. Il m'emmenait dans des boîtes de striptease plus que moyennes. C'était pour boire du mauvais champagne. Et puis il insultait les touristes. Il voyait un mec et une nana, il me dit « qu'est-ce que tu fous avec un boudin comme ça ? » Et l'autre, il est grave. On s'est fait insulter par Gainsbourg. Je m'attendais à ce qu'un jour un mec lui casse la tête. Ça lui est arrivé. Après, il disait que c'était un militaire qui voulait se venger, mais c'est un mec qui lui a carrément... Alors, il y a quelqu'un qui a rencontré la dame qui nous avait pris un jour. Et elle avait dit à un mec qui me l'a rapporté après, « Oui, oui, j'ai raccompagné un soir M. Gainsbourg et M. Bashung. Ils ont vomi dans mon taxi. » Mais après, c'était devenu une médaille.

  • Speaker #1

    Après Play blessure, suivra une période plutôt noire et destroy pour Bashung, cherchant obstinément à se démarquer de l'image de chanteur populaire que lui ont apporté des tubes comme Gabi ou Vertiges de l'amour, transformant ses concerts en démonstrations punk, passant outre l'incompréhension d'un public familial, surtout venu pour les succès qu'il a entendus à la radio.

  • Speaker #0

    Je sais que la maison de disques me regardait comme un truc à abattre, une erreur de la nature. Donc ça ne fait pas... Quand tu sais qu'en même temps, tu leur apportes du pognon, et que ce n'est pas facile à vivre, alors il fallait oublier, il fallait passer une bonne nuit de temps en temps. Non, il y avait un concert sur deux où je voyais qu'à peu près, ça dépendait des villes, ou de la salle et tout ça. Donc je voyais que c'était pris pour ce que c'était, l'album avec l'aspect musical. Et l'autre, j'étais en décalage total avec... J'ai deux tubes précédents où la famille venait avec des enfants pour montrer. C'était dur à gérer. En plus, ça se passait sur six mois. On enregistrait tous les ans. Il y avait un disque par an avec tournée et tout ça. Il y a un moment donné où il ne fallait pas que ce soit le truc qui t'empêche d'avancer.

  • Speaker #1

    Chanteur, compositeur, Alain Bashung fut aussi comédien. A son actif, une vingtaine de films, de Nestor Burma en 1980 à J'ai toujours rêvé d'être un gangster en 2007. Même s'il en composa certaines des musiques, il n'avait jamais réellement rêvé d'être un acteur. Tout ça parce qu'un certain Fernando Arabal lui confia un jour le rôle de Jésus de Nazareth, dans un film aussi obscur que culte intitulé « Le cimetière des voitures » .

  • Speaker #0

    La première fois, je ne l'ai pas voulu du tout. C'était vraiment... C'était Arabal, oui. Et puis ça ne m'avait pas... J'étais excité parce qu'il y avait cette musique à faire. On m'a dit, tiens, c'est la musique. Donc je pensais beaucoup à la musique. Alors faire Jésus dans un truc, ça me paraissait blasphématoire. Ou je ne sais pas, complètement... J'avais la musique à faire, donc ça me prenait plus la tête. Je ne me disais pas, tiens, je vais faire un truc là-dedans. Et puis, il y avait régulièrement, comme ça, il y a encore des scénarios qui m'arrivent régulièrement. Et puis des trucs, des fois, qui ne sont pas mal. Et puis d'autres, j'ai bien fait de m'abstenir. Il y a beaucoup de trucs. Il y a parfois des histoires intéressantes avec des cinéastes intéressants, mais il y a un tout petit pourcentage. C'est des films d'auteurs ça les gros trucs il y a une dizaine d'énormes trucs où il y a beaucoup de blé mais qui sont 80% très lourds alors il n'y a plus rien au milieu au milieu c'est difficile tu vois les metteurs en scène première chose que tu vois ils sont malheureux ils souffrent je suis subjugué par l'histoire et tout mais c'est vrai que des fois j'appelais mon agent pour lui dire t'as pas un truc là parce que Je sors de tournée, j'ai une tête qui va mal, je ne peux pas me retrouver sur une plage. T'as pas un truc. Des fois, j'allais en Chine ou au Mexique faire un truc. Mais l'un dans l'autre, ça m'a fait du bien quand même. Et puis des fois, je voyais une espèce de bateau, un équipage. Il faut faire un peu de temps. quelque chose d'impossible. Ce n'est pas souvent des vrais metteurs en scène. C'est souvent des mecs qui ont écrit un scénar. Beaucoup ont écrit un scénar. Et puis, l'aspect cinématographique, je ne sais pas trop. Et puis, la plupart font quelque chose qui est tout à fait normal. Ils ne vont pas perdre du temps à aider un acteur à faire quelque chose. Pour eux, c'est un mec qui connaît son boulot. Essaye ça, essaye ça. D'autres, ils le font. avec toute sa technique et tout ça. C'était bizarre ces derniers temps, j'ai fait beaucoup de scénarios, de pièces de théâtre. Écoute, alors ça, j'ai quand même eu peur. Moi, je ne suis pas un malade d'apprendre des tonnes de textes comme ça. Je ne sais pas, mais un jour, peut-être que ça me dira. Tant que je travaille, tant que je travaille dix fois plus que quelqu'un d'autre.

  • Speaker #1

    Nous sommes donc en 2008, moins d'un an avant sa disparition, et dix ans avant l'avènement de ce qu'il est convenu d'appeler la crise des gilets jaunes. Mais que viennent donc faire les occupants des ronds-points dans une interview d'Alain Bashung ? C'est que l'extrait qui va suivre résonne étrangement, comme si Alain pressentait déjà la crise sociale de 2018 et 2019. Après tout, un grand artiste, c'est forcément aussi un peu un visionnaire.

  • Speaker #0

    Personne ne raconte comment ça pourrait se passer, comment on pourrait vivre dans quelques années. C'est quand même curieux ce silence. Mais à ce point-là, on n'a jamais été aussi peu bavard. Les réformes, c'est souvent des restrictions, des sacrifices ou des libertés enlevées. C'est un non sens quand même. Pour respecter les gens, depuis que je suis gamin, on me dit qu'il faut se serrer la ceinture, déjà que le bol est ouvert à la fin du tunnel. C'est vieux ça, ça a toujours été ça. Tu es prêt à faire un sacrifice, à modifier ton comportement, en échange de quelque chose, une perspective possible, vivable. Mais quand on te dit rien, c'est assez... Quand tu réfléchis, c'est quand même violent et vulgaire. Mais ce n'est pas ça, en plus, qui aide à dynamiser cette France qui... qui demanderait à avoir des séances d'acupuncture, parce qu'il y a plein de gens qui ont envie de faire mes choses, qui ont des bonnes volontés, ou qui sont... Les gens sont plutôt positifs. Ceux qui tiennent debout et qui ont un petit potentiel de quelque chose à faire, il ne faut pas la ruiner la tête. Je n'arrive pas à saisir pourquoi... Parce que tout ça, cette espèce d'agitation, ça aurait pu être fait pour... Pour montrer que, regardez, il faut être dynamique, il faut être positif, il faut avancer, tout ça. Oui, mais bizarrement, ça n'entraîne pas, ça ne pousse pas la roue spécialement. Donc, il y a quelque chose de niche là-dedans. Mais par contre, il y a parfois des gens qui s'assemblent face à telle ou telle situation, même pour des histoires de pouvoir d'achat ou des choses comme ça. Je crois plus en ça, mais par contre, il y en a beaucoup moins pour exprimer des choses purement politiques, parce que je crois qu'ils y croient plus, ils croient plus en une action citoyenne pour tel ou tel problème. Bon, ça, c'est déjà positif. Mais l'État, il ne faut pas qu'il fasse sans arrêt ce truc. C'est-à-dire, ils le font eux-mêmes. Bon, on peut aller en vacances. Bon, ils l'ont déjà fait pour pas mal de trucs. Sinon, les gens, ils le font. Bon, voilà.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode consacré à Alain Bashung. Et à la prochaine fois.

Chapters

  • Introduction à l'interview d'Alain Bashung

    00:00

  • Le nouvel album 'Bleu Pétrole' et ses choix artistiques

    00:07

  • Un artiste à part : le mystère dans les paroles de Bashung

    00:41

  • Réflexions sur l'expression musicale et l'émotion

    01:44

  • La création et l'exigence dans le processus artistique

    05:27

  • Les inspirations et adaptations musicales dans son œuvre

    09:04

  • Les défis de la performance vocale et de l'interprétation

    10:52

  • Souvenirs de jeunesse et engagement personnel

    13:39

  • Les débuts sur scène et l'apprentissage musical

    17:33

  • Collaboration avec Gainsbourg et l'album 'Plais blessure'

    22:04

  • La recherche d'une identité artistique et les concerts punk

    29:25

  • Bashung, compositeur et acteur : un parcours diversifié

    30:39

  • Réflexions sur la société et l'avenir en 2008

    33:55

Description

Le 24 mars 2008 sortait Bleu pétrole, le douzième album d'Alain Bashung. 

Quelques semaines avant la sortie, Philippe Barbot le rencontre dans une brasserie des Abbesses. Un Bashung amaigri par la maladie, le crâne dissimulé par une petite casquette, mais toujours cordial et disert. 

Une interview, la toute dernière hélas, choisie parmi une dizaine d’autres accordées au fil de sa carrière, parce que sans doute la plus complète et, évidemment, la plus émouvante...


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les grands entretiens du musée de la Sacem avec Philippe Barbot.

  • Speaker #1

    Le 24 mars 2008 était publié le douzième album d'Alain Bashung intitulé Bleu Pétrole. Pour la première fois, Alain avait décidé de n'en être que l'interprète, confiant l'écriture des chansons à d'autres artistes, Gaëtan Roussel, Gérard Manset, mais aussi Joseph Danvers et Armand Méliès. Un album de reprise donc, même si Bashung, comme à son habitude, y avait quand même mis son grain de sel, adaptant le texte d'une chanson sur la musique d'une autre et vice versa. Prétexte, quelques semaines avant la sortie du disque, à aller cuisiner le responsable, sur fond de bruit de vaisselle, puisque l'interview se déroula dans une brasserie de la rue des Abesses. Un Bashung amaigri par la maladie. Le crâne dissimulé par une petite casquette, mais toujours cordial et disert. Une interview, la toute dernière hélas, choisie parmi une dizaine d'autres accordées au fil de sa carrière, parce que sans doute la plus complète et, évidemment, la plus émouvante. Que ce soit avec Boris Bergman ou Jean Fauque, ces deux auteurs attitrés, Bashung a toujours cultivé un penchant pour le mystère, jusque dans les paroles de ses chansons. préférant les images au sens prosaïque. Une propension à l'énigme littéraire qui a toujours fait de lui, contre beaucoup d'autres choses, un artiste à part. Pourtant, il l'avoue lui-même, il est très loin de détester la chanson populaire.

  • Speaker #0

    J'avais envie de chanter un peu, parce que ça faisait un bout de temps que je n'avais pas chanter. Sur l'imprudence, il y avait toutes ces lignes que tu ne peux pas chanter à pleine voix. Sinon c'est grandiloquent et tout ça. Et puis pas forcément être plus... Peut-être m'exprimer plus directement. Comme, je sais pas, tout me paraissait confus ou surenchaire de slogans ou de trucs. Et puis dire en trois lignes ce que tu penses vraiment, ce qui est compréhensible. Je voulais pas rajouter de la brume sur de la confusion et qu'il y a une espèce de chose plus dans l'émotion aussi. Et ça, c'est des écritures que je ne domine pas vraiment. Je me suis fait aider plus que d'habitude. Je n'ai pas confiance en des phrases qui disent clairement quelque chose. Je dis ça, c'est clair, c'est simple, mais est-ce que c'est juste, est-ce que ce n'est pas machiavélique ou dominateur, je ne sais pas, il y a toujours cette arrière-pensée. Et ça, c'est une vieille approche de la musique anglo-saxonne, presque. Quand je n'écoutais pratiquement que ça, je ne comprenais pas tout immédiatement. J'ai découvert après, quand je lisais des petites partitions qui te vendent dans des soundbooks. Mais pas tout de suite. Pour moi, c'était d'abord un son qu'ils entendent à la radio, avec du « wouiouiouioui » et tout ça. Et il y avait une espèce de... Alors tu te dis « putain, c'est excitant, mais je comprends pas tout, mais pourtant, ça me fait quelque chose » . Et pourtant, j'admire les gens qui peuvent raconter des choses assez simplement, mais où il se passe quelque chose de fort, y compris chez Brel. Il n'y a pas d'ambiguïté tellement. Il n'y a pas beaucoup d'images. Mais par contre, d'une ligne à l'autre, c'est... Aznavour aussi, les belles chansons, c'est imparable. Ça dure, c'est sûr. Le jour, on était ici, il y avait un banquet de vieilles dames qui avaient travaillé à la Samaritaine, je crois, et qui allaient chanter des vieilles chansons. C'était marrant parce que personne n'était capable de trouver les titres des chansons. Et comme c'est des chansons qui sont reprises dans des pubs, on se disait « Ah ben ça c'est le crédit lyonnais ! » Alors que c'était le dimanche au bord de l'eau, tu sais. Et tu te dis « Ouais, mais voilà, ils sont contents d'être ensemble, ils chantent des lignes. » Et ma voisine en face, elle est un peu émue parce qu'elle lui rappelle une balade en barque un dimanche avec son copain de l'époque, après la guerre. C'était toutes des dames avec des mises en pli un peu bleutées, comme ça, voilà. Il y avait un accordioniste, tout, qui jouait bien. Je ne l'ai jamais cherché tellement au départ. Je crois qu'au départ, c'était plus une démarche égoïste. Enfin, bon, égoïste, j'avais tellement mis de temps à essayer de trouver comment je pouvais m'exprimer. Le fait d'être content de m'être exprimé d'une certaine manière, ça me suffisait largement. Dites en grand temps, je vois quelqu'un qui me chante deux, trois lignes comme ça, d'une, deux chansons, mais ça s'arrête là. Mais c'est jamais un couplet en entier. Quand je vois que ça existe encore dans les radios, je me dis tiens, bon ben voilà, ça fait des bornes dans ma petite histoire.

  • Speaker #1

    Le dernier album publié de son vivant, Bleu Pétrole, donc, donnait la part belle aux chansons des autres. Un album qui leur a mis plus de cinq années à peaufiner, après moult recherches, essais, tâtonnements. Car travailler avec Bashung, quand on est auteur ou compositeur, n'a jamais été une sinecure, tant l'artiste était exigeant, remettant sans cesse l'ouvrage sur l'établi, changeant une strophe, rectifiant une mesure, amassant prototypes et maquettes jusqu'à satisfaction. C'est aussi cette exigence d'artisans obstinés qui permit, par exemple, la publication posthume de l'album en amont, près de dix ans après sa disparition.

  • Speaker #0

    Il m'est arrivé aussi d'avoir une ou deux belles chansons de Dominica et je n'ai jamais réussi à trouver comment l'habiller, parce que ce n'est pas des choses que tu peux marteler avec un tempo de batterie très marqué, sinon tu l'alourdies. En plus, si jamais il y a un sens un peu grave ou un peu profond, c'est tout juste, on ne fait pas une marche militaire en fait, c'est casse-gueule tous ces trucs. Alors comment ? Des fois, je n'y arrive pas. Les trucs qui sont restés sur le disque, c'est que j'étais à peu près content de l'équilibre entre le décor musical et ce que ça racontait, et puis la cohérence du tout. Non, j'ai simplement des fois accentué des trucs, mais c'est en les essayant. Mais en fait, je ne cherchais pas une écriture qui ressemble à ce que je faisais avant. C'était au contraire pour prendre un peu l'air. Je suis passé par d'autres idées avant. J'avais envie, comme tout le monde, de faire des reprises. J'avais cherché des trucs. Et puis des trucs que je trouvais formidables, mais qui me paraissaient inchantables. Et les miens doivent être inchantables pour d'autres aussi. Et puis des choses aussi où je me disais, mais attends, c'est les chansons qui ont l'air d'être belles qui sont des recherches de nouvelles écritures comme ça, mais ça ne ressemble pas à une vraie chanson. C'était presque trop intelligent. Et je me disais, merde, je ne vais pas chanter mes trucs où je retrouve mes propres travers ou mes propres tics, pour trouver les chansons qui soient à la fois simples et qui te concernent un peu, où tu te dis, tiens, j'ai une raison de... J'avais beaucoup de mal et puis bon, voilà... Puis comme il y avait parallèlement des artistes avec qui j'avais envie de faire un bout de chemin, comme Gérard Manset, que je ne connaissais pas bien. Là, je ne veux pas dire que je le connais mieux, mais on s'est frotté l'un à l'autre. Ça, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. C'est plutôt que je découvre à un moment donné la façon dont je peux raconter quelque chose. Il vaut mieux que je le fasse avec mes moyens. Je ne vais pas utiliser les moyens de quelqu'un d'autre. C'est plutôt quand j'arrive pas à me l'accaparer, que ça reste en dehors de moi. Je me dis, c'est très beau, mais je ne sais pas comment faire. Curieusement, c'est-à-dire que là, les artistes avec qui j'ai travaillé, en fait, c'est aussi des interprètes, c'est aussi des chanteurs, et pas des mauvais chanteurs. Manset, il a un beau timbre de voix, une espèce de magie comme ça, lointaine. Donc, je faisais un essai, des fois, je le faisais écouter. La première fois, je lui fais écouter "Comme un égo", comme ça, je voulais lui faire écouter en entier, il me dit « Oh là là, non, juste 4 lignes, c'est très bien, c'est très bien » . Je comprends, comme c'est assez long, je pensais couper quelque chose, et puis finalement, non, j'ai tout gardé.

  • Speaker #1

    Sur l'album Bleu Pétrole, parmi les chansons de Manset ou de Roussel, une véritable reprise, celle d'un classique de Léonard Cohen, « Suzanne » , adapté en français par le néo-zélandais francophone Graham Allwright. Un choix un peu surprenant dont il s'explique ici.

  • Speaker #0

    D'abord, j'aimais bien sa traduction. C'était très proche de l'écriture de Cohen. La manière d'amener ces images un peu sous-entendues. J'en avais d'autres aussi, mais celle-ci était très bien écrite. Elle était belle. C'était une chanson où je pensais à ce pharaon avec les années 60-70. Ça m'a toujours étonné que ce type intéresse un jeune public, parce que c'était un truc, ça faisait adulte un peu quand même, ça faisait pas chanteur de teenager. Donc il racontait les choses avec une espèce de gravité, mais c'était très beau en même temps. Donc tout ça a été dans des mots finalement assez simples, mais tellement bien agencés, puis il a influencé des tas de gens. C'était pour marquer un peu ce parallèle, mais même... « Solitaire » de Manset, c'était une des premières réussites un peu pop, écrite à la main française.

  • Speaker #1

    Outre un artiste singulier et original, Alain Bashung, on l'a peut-être oublié, était un formidable chanteur. Même s'il mit plusieurs années, voire décennies, à trouver véritablement son style, lui qui passa du registre de crooneurs de variété le long d'une douzaine de 45 tours, sans succès dans les années 60-70, à celui de rocker punk et fantaisiste à l'orée des années 80, avant de se forger une identité bien à lui, desperado, solitaire, mais toujours bien entouré.

  • Speaker #0

    Quand je suis en train de chanter, ça va. Quand j'écoute de loin, c'est autre chose. Tiens, ça me dit quelque chose, mais après, bon... Mais sur le moment, quand je chante en concert, c'est que ça va plutôt bien, je suis heureux. Mais ça a souvent été le problème, parce que je mettais le sens avant les possibilités vocales. Ça me paraissait plus important de raconter quelque chose que de faire une performance vocale. J'ai souvent eu beaucoup de mal à trouver des mots comme ça qui arrivaient à résonner dans ma bouche. Ce n'est pas de la prétention, c'est une histoire de pointure. J'ai mis avant, j'ai mis le sens avant, je dis je ne vais pas y arriver là. Parce que je suis passé par des phases, j'avais par exemple la période Blue White Soul. Alors je m'intéressais à tous les chanteurs qui essayaient de chanter comme des blacks et qui des fois assuraient, oui les blacks, Bill Medley entre autres. En Angleterre il y en avait aussi, il y avait Long John Boldry. T'avais Chris Farlow, Piana 2-3 qui ont réussi, comme Joe Cocker, Roxy Stewart. Ils ont des voix un peu voilées comme ça, mais magnifiques. Parce que je trouvais qu'ils créaient quelque chose. Les anciens avaient déjà des tics d'anciens. J'avais envie d'un type qui me montre vocalement une nouvelle voix, de modulation. Je ne parle même pas de Marvin Gaye parce que lui, c'est la perfection. Henri Orbison, lui, il fait pleurer. Même s'il fait 45 pompes, je marche quand même. Ça m'a toujours frustré, c'est de ne pas facilement trouver des mots qui ne soient pas ridicules pour pouvoir chanter un peu, se laisser aller physiquement. C'était un combat qui me paraissait inégal. Je me disais que je n'arriverais jamais à faire sonner vraiment comme je veux, avec à la fois un peu de puissance, un peu de timbre, quelque chose qui soit... avec un sens intéressant, avec des nuances comme ça, ou alors ça se rapprochait trop de quelqu'un qui existe déjà. Ça, ça a été des recherches, plus des tentatives foireuses ou des trucs... Mais ça ne m'a pas frustré sur le coup, parce que je trouvais que c'était assez important de raconter quelque chose, même si c'est au détriment de prouesse vocale. Ça ne me paraissait pas frustrant. Et bizarrement, c'était plus emmerdant pour enregistrer des fois, parce que je ne connaissais pas encore bien la chanson. Mais sur scène, parfois, il m'arrive d'en faire quelque chose. Même si au départ, c'est des lignes un peu linéaires comme ça, mais au bout d'un moment, je m'accroche à des syllabes. Il me faut du temps pour que la chanson devienne physique à un moment donné.

  • Speaker #1

    En mai 68, Bashung vit à Boulogne-Billancourt, sa ville natale où il est retourné après avoir passé son enfance en Alsace chez ses grands-parents. De Boulogne à Paris, il n'y a que quelques encablures, qu'Alain franchit avec la nonchalance d'un promeneur curieux, mais pas dupe, entre deux jets de grenades lacrymogènes et trois revendications estudiantines.

  • Speaker #0

    J'avais 20 ans, écoute. Oui, oui, j'étais à Boulogne. J'allais à pied, parce qu'à 20 ans, une bombe lacrymogène, alors on changeait de rue. Des trucs qui m'énervaient, puis des trucs que je trouvais... bien. Mais je voyais ces types-là qui parlaient d'écologie, c'était un truc important. Le problème, ils en parlaient devant un ministre de droite pragmatique. Les mecs leur disaient, bon, oui, d'accord, je comprends, vous ne voulez pas détruire la Terre, vous avez un dossier, combien ça va coûter ? Ah ben non, ce n'est pas notre métier. Ça fait que... Il faisait passer en quelques secondes ce mouvement pour un vague bidule de rêveurs. Alors que c'était un truc même qui était... Je ne sais pas si c'était Sauvageon... Comment il s'appelait, Sauvageon ? C'était Cohn-Bendit. Et l'autre, il avait un troisième, la petite rapubre, la... Gessmar. Voilà, Gessmar. Et au bout d'un moment, ça m'agacait quand même, parce qu'il disait, il faut virer ça, il faut virer ça. Bon, alors déjà, qu'est-ce qu'on met à la place ? Ah ben, ce n'est pas notre métier, c'est... Je voyais que le pragmatisme gagnait sur le rêve ou sur le projet de projection dans le futur.

  • Speaker #1

    Comme tous les jeunes gens de l'époque, musiciens ou pas, Alain Bashung doit affronter les affres du service militaire. Lui qui a déjà enregistré plusieurs disques a bien d'autres ambitions que de se retrouver marchand ou pas, sanglé dans un uniforme réglementaire. Écoutez-le. racontait le stratagème audacieux qu'il mise en œuvre pour arriver à ses fins, se faire à réformer.

  • Speaker #0

    J'avais déjà fait des 45 tours, je m'étais fait réformer très peu de temps avant et je ne pouvais pas vivre avec des tas de gens autour de moi. J'étais pendant un mois dans une cellule capitonnée et tout ça. Ils me droguaient, ils me filaient des petites fioles. Quand j'essayais de marcher, je tombais. Il y avait tous les jours interrogatoire et il fallait dire la même chose. C'était assez bizarre parce que je suis arrivé, j'étais, comment on appelle ça, déserteur. J'étais arrivé en retard, je n'étais pas arrivé à la convocation. Ils m'ont mis à Bordeaux dans un hôpital neuropsychiatrique et je ne savais pas quoi faire. J'avais un dossier de psychiatre. Le premier soir, je me suis dit comment je peux faire ? qu'ils prennent au sérieux. Alors j'ai fait le mur, j'étais en pyjama, au mois de janvier, j'ai fait le mur, j'avais un caban, en fait je voulais chercher un flic pour me ramener dans un truc comme ça. Alors j'ai fait le tour de Bordeaux en pleine nuit, je me suis retrouvé dans une brasserie où j'ai mangé une soupe, tant pis, et j'ai cherché pendant quelques heures, je n'ai pas trouvé de flic pour me ramener. Alors j'ai refait le mur dans l'autre sens. Et là, à un moment donné, une petite chapelle, je suis rentré dedans et j'ai joué de l'orgue. Et d'un seul coup, je vois arriver deux mecs, des malabars, en blanc. Ils m'ont dit « Bon, maintenant, t'arrêtes tes conneries » . J'avais déjà fait des disques, je ne savais pas quoi faire. C'était le désespoir. Je voyais des types qui étaient en train de faire des études de médecine ou je ne sais pas quoi. C'était chiant, quoi. Ça cachait quelque chose. Ils savaient qu'en revenant, ils ne savaient pas comment reprendre les choses. Je me suis fait réformer le matin, un mois après. Et on m'avait... On m'avait loué un petit avion privé. L'après-midi, j'avais une interview avec Denise Glaser. Oui, je me suis retrouvé réformé le matin et l'après-midi devant Denise Glaser. Avec une tête après un mois de drogue. Alors, je m'en souviendrai de ce voyage. Enfin, j'étais content de me barrer, tu vois. Et d'un seul coup, sur un plateau télé, oui, ça fait des contrastes.

  • Speaker #1

    En juin 1967, un Bashung débutant, au patronyme encore orthographié avec un C, se retrouvent à l'affiche de ce qu'on appelait alors un festival pop. Un grand raout organisé au Palais des Sports avec des musiciens internationaux et déjà célèbres comme le groupe Cream d'Eric Clapton, mais aussi Jimmy Cliff, les Pretty Things ou les Trogs. Une véritable épreuve du feu pour celui qui n'a alors joué qu'aux terrasses des cafés ou dans d'obscures MJC. Souvenir, souvenir.

  • Speaker #0

    Oui, Jimmy Cliff, Dave Dozie, Mickey McIntitch, John Walker, les Trogs, Pretty Sings, vous voyez, il y en avait. Je les ai revus à Cité de la Musique, Pretty Sings, j'aurais montré l'affiche. Ils sont toujours impeccables avec le costume noir, la petite cravate, chemise blanche. Il y avait un directeur artistique de l'export, enfin de l'import-export, qui m'avait dit, écoute, tu vas passer au palais du sport dans 3-4 jours. Il y avait un groupe, il m'avait suivi un groupe qui faisait toutes les séances de Ronnie Bird et tout ça. Noël des Champs, les Sharks. On a répété vite fait, puis je me suis retrouvé. Il y avait Ronnie Bird aussi, les seuls Français. C'était incroyable parce que je voyais des trucs, des flashs. Déjà un nuage dans les loges. J'étais gamin, je ne connaissais pas. Un nuage bleu, tu vois. Et je vois le batteur de Cream, J.J. Baker, dans un état d'ébriété. Il était à la vodka. Il ne tenait pas debout. Et je vois deux membres qui le prennent par les bras. Il le pose sur son tabouret et ça démarre. Et d'un seul coup, il sait exactement ce qu'il fait. Il tape et c'est tout. Là, j'ai pris quand même une première leçon. Ils l'ont ramené après, tu vois. Mais quand il jouait, c'était d'une précision et d'une force incroyable. Et là, je voyais Clapton, la première fois, je voyais une pédale. D'où il sort que ce son ? C'est la première pédale que je voyais. Et il y avait Jacques Brousse, une super voix, une grande voix. Parce qu'il y avait une solo pourrie, là. Donc, pour avoir quelque chose en son, il fallait être très fort. Il fallait envoyer pour entendre quelque chose. Donc, j'ai un souvenir un petit peu farfelu et impressionnant de ce programme. Oui, je voyais le directeur artistique, il me dit, « Ben, regarde dehors, là, il y a une affiche. » Je regarde et puis, en face, il y avait un grand drapeau anglais avec tous les noms, là, dont le mien. Je crois qu'il y avait encore le C. C'était de la musique, quelqu'un a retrouvé l'affiche sur internet ou un truc comme ça, et il y avait le C encore. C'était une scène, c'était assez bizarre à l'époque, parce qu'on sortait d'une interdiction totale de concerts pop, vu qu'il y avait eu des bagarres, c'était chaque fois des violences, donc ils avaient interdit les concerts carrément, concerts pop.

  • Speaker #1

    Désormais à la mode en France, les comédies musicales n'ont pas toujours été couronnées de succès. Pourtant, dès 1973, un spectacle intitulé « La Révolution française » , écrit par Claude-Michel Schoenberg et pompeusement affublé du titre d'opéra rock, obtint sinon un triomphe, du moins une certaine reconnaissance publique, puisqu'il fit même l'objet d'un double album. Au générique de cette reconstitution entre sans-culottes, et jabot de dentelle, outre le chanteur Antoine, le groupe Martin Circus et une partie des Charlots, Alain Bashung lui-même, dans le double rôle de Robespierre et de Fouquet-Tinville. Manquait plus qu'il interprète Nini Potchien à la Bastille.

  • Speaker #0

    Les gens venaient de province, mais au mini-car, c'était un peu ce qu'a fait plus tard Robert Hossein, comme des tableaux historiques, bon, ça s'appelait un opéra rock, bon ben voilà, j'avais plusieurs trucs, j'étais en cardinal aussi à un moment donné, ou en évêque, et puis à un moment donné on était tous, c'était un jury, je crois, un jury pour forcément, oui, pour Marat et toute la bande. Charlotte Corday. Et puis, il y avait un masque. Et le masque était très lourd. On était assis, il fallait se lever et dire « à mort » . « À mort » , quelque chose comme ça. Et à un moment donné, ils disent mon nom. Et en fait, je m'étais endormi. Et un mec qui m'a poussé, c'était gai.

  • Speaker #1

    Chanteur persévérant, mais sans trop de succès. Alain va pourtant connaître un intense apprentissage musical. par l'entremise d'un autre artiste, Dick Rivers, à l'époque échappé en solo des Chats Sauvages. Celui-ci réclame des chansons à ce jeune débutant, en qui il a flairé un talent certain, et va même jusqu'à lui confier la réalisation de certains de ses disques. Une période, entre 72 et 74, que Bashung mettra à profit pour s'initier aux techniques de studio, du son jusqu'aux arrangements, même s'il se heurtera parfois à la mauvaise volonté de certains musiciens.

  • Speaker #0

    Oui, oui, voilà, ça m'a fait un coup de bien, c'était assez sympa à faire. Parce que moi je voyais que ça bricolait, ou que j'arrivais pas à formuler, ou être avec des gens que ça amusait, en fait, bon, c'était toujours très compliqué tout ça. Et Dick Rivers me propose de... Il voulait y chercher des chansons. Je lui amène quelques chansons comme ça. Et puis, on sympathise. Et puis, à un moment donné, il me dit, écoute, si tu veux, tu peux me donner un coup de main pour mes disques. Et on s'est retrouvé en studio. Ça a duré trois ans, dans ce réseau-là. On est allé à Londres, on a enregistré à Toulouse. Là, j'ai vu d'un seul coup que... Parce qu'on était dans une période où il y avait des arrangeurs. On appelait un arrangeur et puis il écrivait une rythmique. "Ratintintin" avec la reprise, la basse. Et je voyais que quand tu avais quatre mecs en face de toi, des mecs, des rockers ou des gens de la pop, tu pouvais communiquer, leur insuffler un petit peu ce que tu veux. Il fallait que le mec ait une bonne technique et un son. J'étais juste un virtuose, il y avait parfois des jazzmen. La première séance, je me suis retrouvé en ce studio, putain, j'ai failli les tuer. Je voyais arriver, il y avait 20 ou 25 cordes qui venaient de l'opéra pour faire un... pour faire des cordes sur une rythmique, sur 2-3 rythmiques. Donc c'était des séances 9h à 12h, des séances de 3h. La première fois, je me suis presque retrouvé en studio et responsable de l'enregistrement. Il était 12h45 ou un truc comme ça et je dis au mec, on va en essayer encore une, on va essayer encore une prise, ça pourrait être un petit peu mieux. Alors les mecs, ils jouent et pendant qu'ils jouent, j'entends un truc bizarre quand même. Et à la fin du truc, je m'aperçois que... Il y en avait deux qui s'étaient légèrement désaccordés pour pouvoir être repayés pour les trois prochaines heures après. Et moi, j'avais un budget très serré quand même. C'est ça la musique, la pop-musique en France. Je vais à Londres, je vais en Belgique. J'ai boycotté Paris parce que c'était... Mais attends, il ne faisait pas ça qu'avec moi, il faisait ça avec Gainsbourg, il avait envie de les tuer. Mais la première séance, tu vois que les mecs se désaccordent exprès pour jouer trois heures plus tard. J'avais envie de tuer. Après, j'en ai eu marre. J'entendais des musiciens. J'allais à Londres. Je voyais des mecs. Je voyais Alberti. Un seul coup, ça joue. Ça ne fait pas semblant. Il y a un vrai son. Je me dis, ça existe. Je voyais que des tas de choses étaient possibles. Mais à l'époque, c'était une petite production. Ça, ce n'était pas gigantesque. Il y avait quand même pas mal d'artistes qui allaient. Paul Nareff, c'était Jimmy Page qui faisait beaucoup de guitare, ou Big Joe Sullivan avec Michel, qui étaient des musiciens extraordinaires, mais tu pouvais leur faire jouer quelque chose qui était établi un peu. Ils le faisaient très bien, mais bavarder avec eux pour changer des choses, construire avec eux, c'était une autre histoire. La communication était quand même mieux avec des Français, et pour avoir un son fort et authentique, c'était des anglo-saxons. Comment faire pour avoir les deux ? C'est pour ça que mes disques sont parfois mixtes.

  • Speaker #1

    À la fin de 1980, sans crier gare, Alain Bashung décroche soudain un énorme tube, publié à l'origine uniquement en 45 tours. Une chanson d'abord baptisée Max Amphibie, car inspirée par l'éditeur Max Amphoux, mais plus connue du grand public sous le nom de Gabi. Une chanson qui va lui coller des années à la peau, un peu comme le célèbre bout de scotch du Capitaine Haddock. Question existentielle : Gabi, au fait, c'est un garçon ou une fille ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, c'était Max Amphoux, oui, parce que c'était un visiteur à l'époque. Et on le taquinait un peu, tu vois, parce que je le voyais en train de boire son whisky. Moi, j'avais mon pétard. Il me regardait de travers parce que je fumais des pétards. Et puis, moi, je lui disais, écoute, toi, tu bois. Alors, c'est pour ça que j'ai fait après, je n'ai plus le temps d'oublier que tu bois. Au départ, pour moi, c'était plutôt un mec. Enfin, c'est Mondino qui appelait certains homos des Gabis. Avec Gabi, ça irait bien parce que je faisais le truc en lavabo et je faisais « Oh, get it, get it, get it » . Et puis après, Gabi, c'est un prénom démodé. Avant, il y avait Gabi Morley. Ce n'était plus à la mode, ce prénom. J'avais beaucoup à cœur de remettre, comment dire, de redorer le blason d'une ancienne expression, d'une ancienne star.

  • Speaker #1

    En 1982, Alain Bashung, qui a déjà publié trois albums et décroché au moins deux tubes, abandonne un temps son alter-ego Boris Bergman pour s'acoquiner avec un autre auteur. S'acoquiner, c'est le mot puisqu'il s'agit de Serge Gainsbourg. Un mariage singulier qui accouchera de l'album « Play blessure » , disque plutôt inhabituel dans le paysage de la chanson française, boudé par le public à l'époque mais aujourd'hui considéré comme un classique. Collaboration turbulente, marquée aussi par les frasques souvent éthiliques du futur Gainsbourg.

  • Speaker #0

    On avait un tel plaisir à faire ce qu'on avait envie de faire. Il y avait Serge qui était là, Serge Gainsbourg. Il était content et en même temps un peu… Ça leur devait pas mal ce qu'il faut, il faut que je m'accroche. Il faisait ça avec quand même… C'était sérieux. Puis je débarquais en studio. C'est Travelo, il s'amusait comme il pouvait. Il m'emmenait dans des boîtes de striptease plus que moyennes. C'était pour boire du mauvais champagne. Et puis il insultait les touristes. Il voyait un mec et une nana, il me dit « qu'est-ce que tu fous avec un boudin comme ça ? » Et l'autre, il est grave. On s'est fait insulter par Gainsbourg. Je m'attendais à ce qu'un jour un mec lui casse la tête. Ça lui est arrivé. Après, il disait que c'était un militaire qui voulait se venger, mais c'est un mec qui lui a carrément... Alors, il y a quelqu'un qui a rencontré la dame qui nous avait pris un jour. Et elle avait dit à un mec qui me l'a rapporté après, « Oui, oui, j'ai raccompagné un soir M. Gainsbourg et M. Bashung. Ils ont vomi dans mon taxi. » Mais après, c'était devenu une médaille.

  • Speaker #1

    Après Play blessure, suivra une période plutôt noire et destroy pour Bashung, cherchant obstinément à se démarquer de l'image de chanteur populaire que lui ont apporté des tubes comme Gabi ou Vertiges de l'amour, transformant ses concerts en démonstrations punk, passant outre l'incompréhension d'un public familial, surtout venu pour les succès qu'il a entendus à la radio.

  • Speaker #0

    Je sais que la maison de disques me regardait comme un truc à abattre, une erreur de la nature. Donc ça ne fait pas... Quand tu sais qu'en même temps, tu leur apportes du pognon, et que ce n'est pas facile à vivre, alors il fallait oublier, il fallait passer une bonne nuit de temps en temps. Non, il y avait un concert sur deux où je voyais qu'à peu près, ça dépendait des villes, ou de la salle et tout ça. Donc je voyais que c'était pris pour ce que c'était, l'album avec l'aspect musical. Et l'autre, j'étais en décalage total avec... J'ai deux tubes précédents où la famille venait avec des enfants pour montrer. C'était dur à gérer. En plus, ça se passait sur six mois. On enregistrait tous les ans. Il y avait un disque par an avec tournée et tout ça. Il y a un moment donné où il ne fallait pas que ce soit le truc qui t'empêche d'avancer.

  • Speaker #1

    Chanteur, compositeur, Alain Bashung fut aussi comédien. A son actif, une vingtaine de films, de Nestor Burma en 1980 à J'ai toujours rêvé d'être un gangster en 2007. Même s'il en composa certaines des musiques, il n'avait jamais réellement rêvé d'être un acteur. Tout ça parce qu'un certain Fernando Arabal lui confia un jour le rôle de Jésus de Nazareth, dans un film aussi obscur que culte intitulé « Le cimetière des voitures » .

  • Speaker #0

    La première fois, je ne l'ai pas voulu du tout. C'était vraiment... C'était Arabal, oui. Et puis ça ne m'avait pas... J'étais excité parce qu'il y avait cette musique à faire. On m'a dit, tiens, c'est la musique. Donc je pensais beaucoup à la musique. Alors faire Jésus dans un truc, ça me paraissait blasphématoire. Ou je ne sais pas, complètement... J'avais la musique à faire, donc ça me prenait plus la tête. Je ne me disais pas, tiens, je vais faire un truc là-dedans. Et puis, il y avait régulièrement, comme ça, il y a encore des scénarios qui m'arrivent régulièrement. Et puis des trucs, des fois, qui ne sont pas mal. Et puis d'autres, j'ai bien fait de m'abstenir. Il y a beaucoup de trucs. Il y a parfois des histoires intéressantes avec des cinéastes intéressants, mais il y a un tout petit pourcentage. C'est des films d'auteurs ça les gros trucs il y a une dizaine d'énormes trucs où il y a beaucoup de blé mais qui sont 80% très lourds alors il n'y a plus rien au milieu au milieu c'est difficile tu vois les metteurs en scène première chose que tu vois ils sont malheureux ils souffrent je suis subjugué par l'histoire et tout mais c'est vrai que des fois j'appelais mon agent pour lui dire t'as pas un truc là parce que Je sors de tournée, j'ai une tête qui va mal, je ne peux pas me retrouver sur une plage. T'as pas un truc. Des fois, j'allais en Chine ou au Mexique faire un truc. Mais l'un dans l'autre, ça m'a fait du bien quand même. Et puis des fois, je voyais une espèce de bateau, un équipage. Il faut faire un peu de temps. quelque chose d'impossible. Ce n'est pas souvent des vrais metteurs en scène. C'est souvent des mecs qui ont écrit un scénar. Beaucoup ont écrit un scénar. Et puis, l'aspect cinématographique, je ne sais pas trop. Et puis, la plupart font quelque chose qui est tout à fait normal. Ils ne vont pas perdre du temps à aider un acteur à faire quelque chose. Pour eux, c'est un mec qui connaît son boulot. Essaye ça, essaye ça. D'autres, ils le font. avec toute sa technique et tout ça. C'était bizarre ces derniers temps, j'ai fait beaucoup de scénarios, de pièces de théâtre. Écoute, alors ça, j'ai quand même eu peur. Moi, je ne suis pas un malade d'apprendre des tonnes de textes comme ça. Je ne sais pas, mais un jour, peut-être que ça me dira. Tant que je travaille, tant que je travaille dix fois plus que quelqu'un d'autre.

  • Speaker #1

    Nous sommes donc en 2008, moins d'un an avant sa disparition, et dix ans avant l'avènement de ce qu'il est convenu d'appeler la crise des gilets jaunes. Mais que viennent donc faire les occupants des ronds-points dans une interview d'Alain Bashung ? C'est que l'extrait qui va suivre résonne étrangement, comme si Alain pressentait déjà la crise sociale de 2018 et 2019. Après tout, un grand artiste, c'est forcément aussi un peu un visionnaire.

  • Speaker #0

    Personne ne raconte comment ça pourrait se passer, comment on pourrait vivre dans quelques années. C'est quand même curieux ce silence. Mais à ce point-là, on n'a jamais été aussi peu bavard. Les réformes, c'est souvent des restrictions, des sacrifices ou des libertés enlevées. C'est un non sens quand même. Pour respecter les gens, depuis que je suis gamin, on me dit qu'il faut se serrer la ceinture, déjà que le bol est ouvert à la fin du tunnel. C'est vieux ça, ça a toujours été ça. Tu es prêt à faire un sacrifice, à modifier ton comportement, en échange de quelque chose, une perspective possible, vivable. Mais quand on te dit rien, c'est assez... Quand tu réfléchis, c'est quand même violent et vulgaire. Mais ce n'est pas ça, en plus, qui aide à dynamiser cette France qui... qui demanderait à avoir des séances d'acupuncture, parce qu'il y a plein de gens qui ont envie de faire mes choses, qui ont des bonnes volontés, ou qui sont... Les gens sont plutôt positifs. Ceux qui tiennent debout et qui ont un petit potentiel de quelque chose à faire, il ne faut pas la ruiner la tête. Je n'arrive pas à saisir pourquoi... Parce que tout ça, cette espèce d'agitation, ça aurait pu être fait pour... Pour montrer que, regardez, il faut être dynamique, il faut être positif, il faut avancer, tout ça. Oui, mais bizarrement, ça n'entraîne pas, ça ne pousse pas la roue spécialement. Donc, il y a quelque chose de niche là-dedans. Mais par contre, il y a parfois des gens qui s'assemblent face à telle ou telle situation, même pour des histoires de pouvoir d'achat ou des choses comme ça. Je crois plus en ça, mais par contre, il y en a beaucoup moins pour exprimer des choses purement politiques, parce que je crois qu'ils y croient plus, ils croient plus en une action citoyenne pour tel ou tel problème. Bon, ça, c'est déjà positif. Mais l'État, il ne faut pas qu'il fasse sans arrêt ce truc. C'est-à-dire, ils le font eux-mêmes. Bon, on peut aller en vacances. Bon, ils l'ont déjà fait pour pas mal de trucs. Sinon, les gens, ils le font. Bon, voilà.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode consacré à Alain Bashung. Et à la prochaine fois.

Chapters

  • Introduction à l'interview d'Alain Bashung

    00:00

  • Le nouvel album 'Bleu Pétrole' et ses choix artistiques

    00:07

  • Un artiste à part : le mystère dans les paroles de Bashung

    00:41

  • Réflexions sur l'expression musicale et l'émotion

    01:44

  • La création et l'exigence dans le processus artistique

    05:27

  • Les inspirations et adaptations musicales dans son œuvre

    09:04

  • Les défis de la performance vocale et de l'interprétation

    10:52

  • Souvenirs de jeunesse et engagement personnel

    13:39

  • Les débuts sur scène et l'apprentissage musical

    17:33

  • Collaboration avec Gainsbourg et l'album 'Plais blessure'

    22:04

  • La recherche d'une identité artistique et les concerts punk

    29:25

  • Bashung, compositeur et acteur : un parcours diversifié

    30:39

  • Réflexions sur la société et l'avenir en 2008

    33:55

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