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Maurane : l’héritage musical et l’amitié avec Nougaro (2009) cover
Maurane : l’héritage musical et l’amitié avec Nougaro (2009) cover
Entretiens avec des auteurs, compositeurs, éditeurs Sacem

Maurane : l’héritage musical et l’amitié avec Nougaro (2009)

Maurane : l’héritage musical et l’amitié avec Nougaro (2009)

23min |05/10/2018
Play
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23min |05/10/2018
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Description

Le 7 mai 2018, Maurane s'en est allée, alors qu'elle travaillait sur un album de reprises de Jacques Brel. 

En mai 2009, quatre mois avant la sortie d'un autre disque consacré à Claude Nougaro, qui la considérait comme sa digne héritière, Philippe Barbot s'installe en sa compagnie dans le salon d'un hôtel parisien. 

S'il est évidemment question du truculent poète toulousain et de leur admiration réciproque, même s'il n'a jamais écrit pour elle, l'échange est aussi l'occasion pour la « voix d'or de la chanson francophone » de parler d'elle.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode des Grands Entretiens. Quand elle nous a quittés le 7 mai 2018 à l'âge de 57 ans, Maurane préparait un album de reprise de chansons de Jacques Brel. Un hommage musical qu'elle avait déjà rendu à un autre artiste il y a une dizaine d'années. Ça s'intitulait "Nougaro... où l'espérance en l'homme", tribu au poète toulousain disparu en 2004. Un album de reprise ou plutôt de surprise, comme un panorama amoureux de la carrière du grand Nougaro, revu et caressé par celle qu'il considérait comme sa digne héritière. Nous sommes en mai 2009, quatre mois avant la sortie de l'album en question, prétexte à un rencontré Maurane dans le cadre d'un hôtel parisien du 8e arrondissement, là où elle aimait donner ses interviews. Un entretien censé porter sur sa passion et son amitié pour l'auteur de Paris-Mer, Armstrong et autres quatre boules de cuir. Une évocation de son ami, son maître, mais dans laquelle elle parle aussi beaucoup d'elle-même. Quand Claudine chante Claude, c'est comme un mariage musical entre rocaille et velours. Mais d'abord, qu'est-ce qui lui avait donné envie de faire ce disque ?

  • Speaker #1

    Ce qui m'a fait accepter, c'est que je savais que Claude était d'accord. Claude était d'accord et il a dit plusieurs fois, c'était ma digne héritière, je sais qu'il le pensait. Il me l'a dit aussi, donc je pense qu'il était pour ... Moi je sais que c'était un homme tendre il se cachait beaucoup, des fois il se volait la face, il jouait un peu les taureaux mais il pouvait être super... d'ailleurs il a écrit une chanson qui s'appelle Tendre et je pense qu' il y a de la tendresse, il y a beaucoup d'amour dans ces chansons il y a beaucoup de velours dans ces chansons. Après lui, c'est aussi le côté rocailleux, c'est son accent toulousain aussi, je pense. Moi, je n'appuie pas le e muet, parce que je ne suis pas toulousaine non plus. Donc lui, tout ce qui est la guitare, la musique, déjà moi je dis la guitare, la musique, il y a déjà ça qui est différent. Et puis on n'a pas forcément la même chanson, la même façon de chanter, mais justement ce qui est intéressant. J'ai envie de lui rendre un vrai hommage, mais d'y mettre ma couleur, ma patte.

  • Speaker #0

    Choisir quelques chansons dans le vaste répertoire de Nougaro ne fut point chose facile. Il fallait à la fois que les titres sélectionnés soient chantables par une femme et représentatifs des différentes époques. Avec évidemment des incontournables comme Danser sur moi, La pluie, Tu verras ou Bidonville, mais aussi des perles moins connues.

  • Speaker #1

    Il y a déjà un paquet de chansons qui ne sont pas fortement connues, parce qu'au départ on avait demandé à Hélène s'il n'y avait pas des inédits, il n'y en a pas. Par contre, il y a vraiment pas mal de chansons que personne ne connaît, notamment L'Espérance en l'homme, qui est une perle à mon avis. Allez débrouillard, qui est une chanson magnifique. Non, parce qu'il y a vraiment des chansons, il y a « Grimpe-moi la tête » qui est une chanson vraiment rigolote que j'ai mise. Qu'est-ce qu'il y a comme chanson pas connue ? Il y a La danse qui est une merveille, mais vraiment une merveille, où il parle justement de la discipline qu'implique la danse quand on est petit rat à l'opéra. Alors il part de là, et à la fin il parle de la danse sous toutes ses formes dans le monde entier. Alors ça passe par le Brésil, ça passe par l'Afrique. Oui mais c'est un casse-tête, il y a encore des frustrations. On se dit, pourquoi pas les mots, pourquoi pas Marilyn, pourquoi pas Blanche-Neige ? Parce qu'il faut bien à un moment donné se faire de la violence. Je vais essayer de faire en fonction des époques, qui est un peu de toutes les époques. Il y a des albums qui n'y sont pas, comme L'Enfant-Sar, Vive-Violence, ça n'y est pas. On ne peut pas tout faire. Et puis surtout en fonction de ce qui était chantable par une femme. Par exemple, je pourrais pas chanter Cécile, elle voulait un enfant, moi je n'en voulais pas. Il y a des trucs comme je voulais... J'aurais rêvé de faire le bourron d'eau à la tuque, mais c'est un polar ce truc-là, c'est vraiment une chanson de mec. Et puis s'il fallait commencer à traficoter dans les « il » , « elle » , « lui » , j'avais pas envie de commencer à mettre des coups de ciseaux dans les... échanger des mots et tout ça. On enregistrait 17. Mais sur l'album qui va sortir, il y en aura quoi ? 13, 12, 13, et puis ils vont sortir des bonus. Ils ne sont pas idiots. Oui, ce que je peux vous dire aussi, c'est que je suis en général motivée quand il s'agit de faire un nouvel album. Je pense que je n'ai jamais été aussi motivée que sur cet album. D'ailleurs, le cours de temps, les machins, je me sens investie.

  • Speaker #0

    L'amitié entre Maurane et Nougaro, une belle histoire. Une histoire de copains, de frangins même, comme elle la décrit elle-même, mais qui curieusement n'a jamais abouti à une vraie collaboration musicale. Car les circonstances ont fait que Nougaro n'a jamais écrit pour Maurane.

  • Speaker #1

    Oui, mais non, on s'est raté, on s'est trouvé sur plein de trucs, c'est-à-dire plein d'affinités, plein de points communs. On a fait des virées, mais des virées où je ne savais pas si j'étais l'homme, la femme. J'ai l'impression qu'on était du même sexe, que c'était la virée entre frangins. La virée des potes, vraiment. C'était vraiment quelqu'un dont j'étais proche. Mais quand je dis, on s'est raté, c'est qu'il a failli 20 fois m'écrire des chansons. Et ça n'a jamais été fait. Sur le dernier album qu'il a fait, Blue Note, il y a une chanson qui s'appelle L'espérance en l'homme. je devais chanter en duo avec lui il est parti avant mais je le chante parce qu'on ne chante pas du tout dans la même tonalité il y aurait eu si on l'avait fait je pense qu'il y aurait eu déjà que ça fluctue beaucoup mais ça n'aurait pas été facile je pense et puis on a chanté une fois en duo pour une télé, Armstrong on est toujours resté en contact c'est une présence, c'est une voix, c'est une personnalité charismatique vraiment c'est quelqu'un qui m'a toujours j'ai rarement été bluffé comme ça. Oui, c'est le swing, c'est les mots, c'est les jeux de mots, c'est le côté ludique. Mais je crois que j'aime beaucoup le fait que ce soit un personnage complètement habité, un Claude.

  • Speaker #0

    Morane avait à peine une dizaine d'années quand elle tomba littéralement amoureuse d'une chanson de Nougaro entendue à la radio. Une chanson pas facile pourtant, intitulée La Mutation, sorte d'ode aux yin et aux yang, évocation de la fusion d'un couple. Plus tard, à l'occasion de concerts bruxellois, l'adolescente, auteur-compositeur en herbe, réussit à faire passer au maître des cassettes de ses chansons. En retour, le maestro lui écrivit une lettre, dans laquelle il détaillait avec sa verve légendaire les travers dont lui semblaient souffrir les premiers essais de la future Maurane. Aujourd'hui encore, celle-ci peut en réciter par cœur de larges extraits.

  • Speaker #1

    J'avais une dizaine d'années, et en plus je chantais une chanson pas facile, je chantais La Mutation. J'avais une dizaine d'années, un peu plus, un peu moins, je ne sais pas. Et je me souviens, j'avais un post de télé en noir et blanc encore. Donc quand même le texte, c'est « Je te connaîtrai une nuit petite » . Ça tient, ça rejoint un peu ce que je viens de vous dire. Sous le ciel plein de satellites, j'aurai les cheveux en queue de cheval. Tu me tiendras dans tes bras cerclés de métal, tu seras l'homme. et moi la femme, ce sera la mutation. Là, je suis en train de vous dire que c'était un peu comme de mes copains de filles. Et moi, du haut de mes... Je ne sais pas quel âge j'avais, 10-11 ans ? J'étais stupéfiée. Alors, j'étais incapable de dire si j'aimais, mais j'étais, en tout cas, j'étais attirée. Puis, il faut dire aussi que moi, j'ai été très très fan de Michel Fuguain, je le suis encore d'ailleurs, et j'avais lu que Nougaro était le chanteur préféré de Fuguain. Alors ça a fait son chemin aussi quelque part, c'était aussi pour ça je pense. Finalement, parce que je passais en coulisses quand il était en spectacle à Bruxelles, je ne sais pas comment, je lui donnais des dessins, des cassettes, des cadeaux, des boîtes de biscuits, n'importe quoi, complètement groupie, je le dis. J'avais été le voir à 15 ans quand il faisait les Beaux-Arts à Bruxelles, c'était la première fois que je le voyais sur scène, c'était quand j'avais débarqué avec un petit dessin, une cassette, enfin mon père. Puis ça a encore pris des années, et finalement, mon père étant directeur du Conservatoire de Musique de Verviers, il passait au Grand Théâtre de Verviers, qui était juste à côté. J'ai supplié mon père, j'ai dit, je t'en supplie, remets-lui cette cassette, dis-lui, que c'est mes compositions. C'est vrai qu'à l'époque c'était un peu maniéré, c'était esthétisant, ça se voulait joli. Il y a quelques temps après ça, j'ai reçu une lettre de lui, qui dit « Le reproche majeur que je puis faire à vos compositions tient à votre jeunesse elle-même qui pêche par un excès d'ambition formelle, poétique, rythmique, alors que ni la vraie mélodie, ni le véritable swing ne sont atteints. d'où un sentiment de précieusité, d'affaîterie, de tarabiscotage complaisant qui fait que l'auditeur ne marche pas vraiment et que votre sincérité pourtant réelle ne l'aime pas ou pas assez. Vos dons et le véritable amour qu'on sent percer pour l'expressivité musicale et verbale devraient vous permettre de vous dégager de ces défauts et de vous donner les forces critiques et créatrices où votre « je » rejoigne le « nous » d'un autre. Avec toute ma sympathie et mon salut amical, en votre paix. Et j'ai reçu ça, j'avais... J'avais... J'étais pas bien vieille. Je devrais avoir 17 ans. Ça fait bizarre. Ah ouais. Donc j'étais heureuse et remuée parce qu'il y va, il ménage pas non plus.

  • Speaker #0

    Cette critique, aussi judicieuse que peu complaisante, n'empêcha pas son auteur, un soir de 1980, de venir écouter la débutante dans un café-théâtre Montmartre et de l'inviter à faire sa première partie à l'Olympia. Le début d'une longue amitié, jamais démentie.

  • Speaker #1

    C'était pas une première partie en fait, il m'avait proposé de me faire venir au milieu de son spectacle et de chanter deux ou trois chansons. Et on a fait ça pas seulement à l'Olympia, on a fait ça au New Morning, on a fait ça en province, je me souviens à Créteil, à Aulnay-sous-Bois. J'avais 20 ans, exactement 20 ans. Mais à l'époque, du haut de mes 20 ans, je n'avais rien fait. Donc pour moi, chanter dans le spectacle de Nougaro, c'était... Je chantais pas très loin de chez lui. dans un petit café théâtre à Montmartre qui s'appelle le Tir bouchon, je pense que ça existe toujours et Claude habite l'avenue Junot à ce moment là et un jour il est venu m'écouter avec son agent à l'époque qui était Jean-Pierre Brandt qui après est devenu mon manager pendant quelques temps mais qui surtout restait un ami. Claude m'a écoutée le lendemain, conférence au sommet, et Jean-Pierre Brun, il m'a dit, voilà, on t'annonce qu'on aimerait que tu chantes quelques chansons au sein du spectacle de Claude. Moi, j'ai cru que j'allais tomber dans les pommes. Et voilà, à ce moment-là, on s'est vraiment rapprochés. Des fois, je débarquais à Paris, j'allais habiter chez lui, avenue Junot.

  • Speaker #0

    Entre la petite chanteuse bruxelloise et le grand poète toulousain, a priori, peu de points communs. Mais pourtant de troublantes similitudes. L'occasion pour Maurane d'évoquer sa laborieuse enfance musicale.

  • Speaker #1

    Nougaro, c'est-à-dire déjà issu d'une famille de musiciens. Claude, son père était chanteur d'opéra, sa mère était pianiste, moi ma maman était pianiste et mon père était directeur de conservatoire. ce qui fait que baigné depuis l'enfance dans une ambiance musicale très éclectique et je pense que du côté de Nougaro aussi c'était classique mais toujours très éclectique je pense qu'ils écoutaient du jazz aussi et de mon côté aussi c'était très ouvert c'était vraiment ça allait de Stravinsky à Charles Trenet. J'ai fait deux ans de violon pour faire plaisir à ma grand-mère parce que pour moi c'était vraiment une tare, j'aimais pas ça autant je suis liquéfiée quand j'entends des cordes violon c'est là où même plus que le violon c'est vraiment des instruments qui me touche mais je préfère les écouter que de les pratiquer parce que faut déjà avoir quelques années de métier et puis moi à l'époque où j'avais commencé à vervier quand mes parents étaient encore ensemble, j'ai déménagé dans un village en Flandres qui s'appelle Echtkuepp. C'était entre Bruxelles et Louvain en fait. Et je devais prendre deux bus pour aller à l'école, deux bus pour revenir. Alors je vous avoue que l'heure de violon, je n'avais pas une grosse envie. Donc c'était un peu laborieux.

  • Speaker #0

    Née Claudine Lupertz à Ixelles, en Belgique, la chanteuse a débuté dans la rue avant de se produire dans quelques cafés-théâtres et de changer plusieurs fois de nom d'artiste. Mais au fait, pourquoi finalement s'est-elle appelée Maurane, tout simplement ?

  • Speaker #1

    Quand j'ai commencé à chanter dans la rue, je me suis fait appeler Claudie Malva, parce que Claudie, je trouvais ça mignon, et Malva parce que c'était la grande période où on s'habillait en mauve et en rose. Et Malva, ça veut dire mauve en latin. Après ça, ma grand-mère m'a dit, tu peux t'appeler Claudie Claude, c'est très joli. Non, oui, bien sûr, voilà, Claudie Claude. Après ça, j'ai été engagée dans un spectacle sur Brel, et le metteur en scène m'a dit, « Écoute, Claudie, ça ne va pas être possible, il faut que tu te trouves un nom. » Et avec une amie agent, on était à table, et on parlait de, je ne sais plus pourquoi, d'ailleurs du metteur en scène, Francis Morin. Elle me dit, « C'est pas mal, tu as Claudie Morin, Claudie, c'est Claude Morin. » Et je me suis dit, « Ah oui, on va l'écrire, pour que ça ne passe pas le bogue Morin. » Et à partir du moment où je me suis appelée Claudie Morin, mes proches m'ont appelé Maurane c'est la même chose maintenant on m'appelle même plus Maurane mes intimes m'appellent Mo je sais pas où ça va se terminer. A l'époque je faisais tous mes spectacles avec ma guitare et au piano à l'instant j'ai jamais appris je faisais une heure et demie de spectacle comme ça dans les cafés théâtre, j'ai commencé dans la rue j'avais 14 ans et demi 15 ans on va dire, je me produisais de... tous les quartiers de Bruxelles où je faisais écumer où je me suis fait jeter des restaurants enfin comme... maintenant il me déroule le tapis rouge c'est magnifique, j'adore et vraiment on fait plus ce genre de carrière aujourd'hui bah moi je suis prête, avec ce qui se passe là je me suis dit si ça se trouve moi je vais refaire des des clubs de jazz et des machins personnellement ça ne me dérange pas du tout non plus, j'ai absolument pas peur de ça.

  • Speaker #0

    Avec sa voix hors du commun, mélange de soie et de swing, on avait l'impression que Maurane pouvait tout chanter. Jazz, opéra, pop, flamenco. La preuve, elle rêvait de faire un duo avec Sting. Donc elle pouvait tout chanter, tout sauf du rap. Question de goût, comme elle dit.

  • Speaker #1

    C'est pareil. Mais je dois dire que j'ai des goûts très éclectiques. je suis autant amoureuse de Brahms que du flamenco, du tambour, que... il y a tellement de choses qui m'intéressent je crois que la seule musique qui me parle pas vraiment c'est le rap hormis MC Solaar, quelques personnes, donc il y en a quelques-uns mais sinon j'approche pas trop je trouve que souvent les messages sont un peu réducteurs le banlieue, les flics, ta mère on est un peu on est pas le boy, quand j'entends ça avec les clips à moitié porno, avec les filles à moitié à poil. Moi j'ai aimé le jazz rock, et je l'aime toujours mais j'ai jamais été très rock en fait c'est vrai, j'aime Led Zeppelin et Pink Floyd, moi j'aime les choses à partir du moment ou c'est super riche j'adorais Genesis. Moi j'aime le rock harmonique, c'est mon rêve de chanter avec Sting. J'ai voulu faire un duo avec lui sur l'album, mais il n'a pas voulu. Je voulais chanter Danser sur moi, avec lui.EVoilà, c'est comme ça que j'aurais essayé.

  • Speaker #0

    Quand on lui demande pourquoi elle écrit si rarement des chansons, elle qui a pourtant signé des titres comme Opus en si bel homme majeur, elle répond qu'elle préfère faire appel à des auteurs professionnels, qu'elle choisit avec le soin maniaque d'un amateur de grands crus. Au générique de son avant-dernier album, « Fais-moi une fleur » en 2011, était ainsi présent, outre les fidèles Marc Esteve et Jean-Claude Vanier, l'écrivain Marine Limier, la chanteuse Juliette et on y croisait aussi Brigitte Fontaine ou François Morel. Un François Morel dont elle aimait particulièrement une chanson intitulée « Pas belle » .

  • Speaker #1

    Non, j'aime bien écrire, mais je suis tellement servie par des auteurs géniaux que j'écris peu parce que je ne veux pas passer à côté de leur chanson. Pas parce que je ne veux pas écrire, mais c'est que je crois qu'il y en a plein qui font ça tellement mieux que moi. Mais quand on commence à être bien servie par des auteurs de talent, je pense qu'il y a une équipe qui gagne. Si, on peut changer d'équipe, mais on prend la même et on recommence. à Marc Esteve et Jean-Claude Vanier, Marine Limier... Je pense à des gens comme ça, à Brigitte Fontaine. Et puis, on découvre François Morel. D'ailleurs, François, pour moi, il a une écriture un peu 19e. C'est drôle. Ça peut être, au moins, je pense, un peu mal écrit. Mon face B, c'est très tendre. J'ai l'impression que je ne le connais pas très bien, mais j'ai l'impression que c'est un écrit tendre. Et que c'est aussi un peu triste, comme beaucoup de clowns, d'ailleurs. C'est très mélancolique. J'aime beaucoup. Moi, je me suis reconnue dans cette chanson. Ça m'est arrivé combien de fois de me sentir moche, nulle, servir à rien, et les gens autour « t'as maigri, t'as grossi, t'as truc, t'as ça » . Quand vous vous sentez moche, c'est pareil pour les mecs. Cette chanson, j'ai dit « bah oui, je pleure comme si c'était pour moi » . Il le dit à la fin. C'est vrai qu'à un moment donné, on se reconnaît dans ce genre de chose.

  • Speaker #0

    À l'âge de 28 ans, la chanteuse, désormais professionnelle, découvre par hasard le français Louis Calaferte, une liaison littéraire qui se poursuivra jusqu'à la mort de l'écrivain en 1994. Louis Calaferte écrira même des chansons pour Maurane. Elle en interprétera une en 1991 sur l'album Amis ou Ennemis. Mais un bon écrivain fait-il forcément un bon auteur de chansons ?

  • Speaker #1

    Un écrivain n'est pas forcément un auteur. Un auteur n'est pas forcément un écrivain. Pourquoi ? Parce qu'une chanson... Je parlais de ça avec Bernard Wendel, avec Amélie Nothomb. Pour résumer en trois minutes, ce qu'on a écrit d'habitude en 500 pages. C'est pas évident. C'est nous qui disciplinons, c'est nous qui faut trouver des... Il y a la rime, il y a le rythme. L'écrivain, il a tout un bouquin pour s'exprimer. L'auteur de chanson, mais là, en même temps, c'est un métier auteur. Ce n'est pas donné à tout le monde. Oui, il y a la fête, il m'a écrit les chansons. Et j'en ai pu parce que c'est un gros thème. Je lui ai dit, c'est magnifique, c'est la poésie, c'est incontestable. Il m'a trouvé le moyen de mettre ça en musique. C'était beau. C'est pas une chanson de l'Océan. C'est ça, c'est que... Il faut un certain rythme, il faut de la rime, il faut un truc soutenu, il faut... Bon, bah, une chanson, c'est couper le refrain. Que ce soit Colette, Miss Major ou Louis Calafette, c'était une strophe, mais pas vraiment rythmée, donc on pourrait mettre ça en musique, mais plus sous forme d'un mini-opéra, par exemple. Ça, c'est possible. Mais là, ça s'appelle pas chanson.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast consacré à Maurane. Au revoir et à la prochaine fois.

Chapters

  • Introduction et hommage à Maurane

    00:08

  • L'héritage de Claude Nougaro et la passion de Maurane

    01:11

  • Choix des chansons pour l'album de reprises

    02:42

  • Amitié entre Maurane et Nougaro

    05:50

  • Débuts musicaux de Maurane et son parcours

    13:14

  • Préférences musicales et collaboration avec des auteurs

    18:42

  • Conclusion et remerciements

    22:57

Description

Le 7 mai 2018, Maurane s'en est allée, alors qu'elle travaillait sur un album de reprises de Jacques Brel. 

En mai 2009, quatre mois avant la sortie d'un autre disque consacré à Claude Nougaro, qui la considérait comme sa digne héritière, Philippe Barbot s'installe en sa compagnie dans le salon d'un hôtel parisien. 

S'il est évidemment question du truculent poète toulousain et de leur admiration réciproque, même s'il n'a jamais écrit pour elle, l'échange est aussi l'occasion pour la « voix d'or de la chanson francophone » de parler d'elle.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode des Grands Entretiens. Quand elle nous a quittés le 7 mai 2018 à l'âge de 57 ans, Maurane préparait un album de reprise de chansons de Jacques Brel. Un hommage musical qu'elle avait déjà rendu à un autre artiste il y a une dizaine d'années. Ça s'intitulait "Nougaro... où l'espérance en l'homme", tribu au poète toulousain disparu en 2004. Un album de reprise ou plutôt de surprise, comme un panorama amoureux de la carrière du grand Nougaro, revu et caressé par celle qu'il considérait comme sa digne héritière. Nous sommes en mai 2009, quatre mois avant la sortie de l'album en question, prétexte à un rencontré Maurane dans le cadre d'un hôtel parisien du 8e arrondissement, là où elle aimait donner ses interviews. Un entretien censé porter sur sa passion et son amitié pour l'auteur de Paris-Mer, Armstrong et autres quatre boules de cuir. Une évocation de son ami, son maître, mais dans laquelle elle parle aussi beaucoup d'elle-même. Quand Claudine chante Claude, c'est comme un mariage musical entre rocaille et velours. Mais d'abord, qu'est-ce qui lui avait donné envie de faire ce disque ?

  • Speaker #1

    Ce qui m'a fait accepter, c'est que je savais que Claude était d'accord. Claude était d'accord et il a dit plusieurs fois, c'était ma digne héritière, je sais qu'il le pensait. Il me l'a dit aussi, donc je pense qu'il était pour ... Moi je sais que c'était un homme tendre il se cachait beaucoup, des fois il se volait la face, il jouait un peu les taureaux mais il pouvait être super... d'ailleurs il a écrit une chanson qui s'appelle Tendre et je pense qu' il y a de la tendresse, il y a beaucoup d'amour dans ces chansons il y a beaucoup de velours dans ces chansons. Après lui, c'est aussi le côté rocailleux, c'est son accent toulousain aussi, je pense. Moi, je n'appuie pas le e muet, parce que je ne suis pas toulousaine non plus. Donc lui, tout ce qui est la guitare, la musique, déjà moi je dis la guitare, la musique, il y a déjà ça qui est différent. Et puis on n'a pas forcément la même chanson, la même façon de chanter, mais justement ce qui est intéressant. J'ai envie de lui rendre un vrai hommage, mais d'y mettre ma couleur, ma patte.

  • Speaker #0

    Choisir quelques chansons dans le vaste répertoire de Nougaro ne fut point chose facile. Il fallait à la fois que les titres sélectionnés soient chantables par une femme et représentatifs des différentes époques. Avec évidemment des incontournables comme Danser sur moi, La pluie, Tu verras ou Bidonville, mais aussi des perles moins connues.

  • Speaker #1

    Il y a déjà un paquet de chansons qui ne sont pas fortement connues, parce qu'au départ on avait demandé à Hélène s'il n'y avait pas des inédits, il n'y en a pas. Par contre, il y a vraiment pas mal de chansons que personne ne connaît, notamment L'Espérance en l'homme, qui est une perle à mon avis. Allez débrouillard, qui est une chanson magnifique. Non, parce qu'il y a vraiment des chansons, il y a « Grimpe-moi la tête » qui est une chanson vraiment rigolote que j'ai mise. Qu'est-ce qu'il y a comme chanson pas connue ? Il y a La danse qui est une merveille, mais vraiment une merveille, où il parle justement de la discipline qu'implique la danse quand on est petit rat à l'opéra. Alors il part de là, et à la fin il parle de la danse sous toutes ses formes dans le monde entier. Alors ça passe par le Brésil, ça passe par l'Afrique. Oui mais c'est un casse-tête, il y a encore des frustrations. On se dit, pourquoi pas les mots, pourquoi pas Marilyn, pourquoi pas Blanche-Neige ? Parce qu'il faut bien à un moment donné se faire de la violence. Je vais essayer de faire en fonction des époques, qui est un peu de toutes les époques. Il y a des albums qui n'y sont pas, comme L'Enfant-Sar, Vive-Violence, ça n'y est pas. On ne peut pas tout faire. Et puis surtout en fonction de ce qui était chantable par une femme. Par exemple, je pourrais pas chanter Cécile, elle voulait un enfant, moi je n'en voulais pas. Il y a des trucs comme je voulais... J'aurais rêvé de faire le bourron d'eau à la tuque, mais c'est un polar ce truc-là, c'est vraiment une chanson de mec. Et puis s'il fallait commencer à traficoter dans les « il » , « elle » , « lui » , j'avais pas envie de commencer à mettre des coups de ciseaux dans les... échanger des mots et tout ça. On enregistrait 17. Mais sur l'album qui va sortir, il y en aura quoi ? 13, 12, 13, et puis ils vont sortir des bonus. Ils ne sont pas idiots. Oui, ce que je peux vous dire aussi, c'est que je suis en général motivée quand il s'agit de faire un nouvel album. Je pense que je n'ai jamais été aussi motivée que sur cet album. D'ailleurs, le cours de temps, les machins, je me sens investie.

  • Speaker #0

    L'amitié entre Maurane et Nougaro, une belle histoire. Une histoire de copains, de frangins même, comme elle la décrit elle-même, mais qui curieusement n'a jamais abouti à une vraie collaboration musicale. Car les circonstances ont fait que Nougaro n'a jamais écrit pour Maurane.

  • Speaker #1

    Oui, mais non, on s'est raté, on s'est trouvé sur plein de trucs, c'est-à-dire plein d'affinités, plein de points communs. On a fait des virées, mais des virées où je ne savais pas si j'étais l'homme, la femme. J'ai l'impression qu'on était du même sexe, que c'était la virée entre frangins. La virée des potes, vraiment. C'était vraiment quelqu'un dont j'étais proche. Mais quand je dis, on s'est raté, c'est qu'il a failli 20 fois m'écrire des chansons. Et ça n'a jamais été fait. Sur le dernier album qu'il a fait, Blue Note, il y a une chanson qui s'appelle L'espérance en l'homme. je devais chanter en duo avec lui il est parti avant mais je le chante parce qu'on ne chante pas du tout dans la même tonalité il y aurait eu si on l'avait fait je pense qu'il y aurait eu déjà que ça fluctue beaucoup mais ça n'aurait pas été facile je pense et puis on a chanté une fois en duo pour une télé, Armstrong on est toujours resté en contact c'est une présence, c'est une voix, c'est une personnalité charismatique vraiment c'est quelqu'un qui m'a toujours j'ai rarement été bluffé comme ça. Oui, c'est le swing, c'est les mots, c'est les jeux de mots, c'est le côté ludique. Mais je crois que j'aime beaucoup le fait que ce soit un personnage complètement habité, un Claude.

  • Speaker #0

    Morane avait à peine une dizaine d'années quand elle tomba littéralement amoureuse d'une chanson de Nougaro entendue à la radio. Une chanson pas facile pourtant, intitulée La Mutation, sorte d'ode aux yin et aux yang, évocation de la fusion d'un couple. Plus tard, à l'occasion de concerts bruxellois, l'adolescente, auteur-compositeur en herbe, réussit à faire passer au maître des cassettes de ses chansons. En retour, le maestro lui écrivit une lettre, dans laquelle il détaillait avec sa verve légendaire les travers dont lui semblaient souffrir les premiers essais de la future Maurane. Aujourd'hui encore, celle-ci peut en réciter par cœur de larges extraits.

  • Speaker #1

    J'avais une dizaine d'années, et en plus je chantais une chanson pas facile, je chantais La Mutation. J'avais une dizaine d'années, un peu plus, un peu moins, je ne sais pas. Et je me souviens, j'avais un post de télé en noir et blanc encore. Donc quand même le texte, c'est « Je te connaîtrai une nuit petite » . Ça tient, ça rejoint un peu ce que je viens de vous dire. Sous le ciel plein de satellites, j'aurai les cheveux en queue de cheval. Tu me tiendras dans tes bras cerclés de métal, tu seras l'homme. et moi la femme, ce sera la mutation. Là, je suis en train de vous dire que c'était un peu comme de mes copains de filles. Et moi, du haut de mes... Je ne sais pas quel âge j'avais, 10-11 ans ? J'étais stupéfiée. Alors, j'étais incapable de dire si j'aimais, mais j'étais, en tout cas, j'étais attirée. Puis, il faut dire aussi que moi, j'ai été très très fan de Michel Fuguain, je le suis encore d'ailleurs, et j'avais lu que Nougaro était le chanteur préféré de Fuguain. Alors ça a fait son chemin aussi quelque part, c'était aussi pour ça je pense. Finalement, parce que je passais en coulisses quand il était en spectacle à Bruxelles, je ne sais pas comment, je lui donnais des dessins, des cassettes, des cadeaux, des boîtes de biscuits, n'importe quoi, complètement groupie, je le dis. J'avais été le voir à 15 ans quand il faisait les Beaux-Arts à Bruxelles, c'était la première fois que je le voyais sur scène, c'était quand j'avais débarqué avec un petit dessin, une cassette, enfin mon père. Puis ça a encore pris des années, et finalement, mon père étant directeur du Conservatoire de Musique de Verviers, il passait au Grand Théâtre de Verviers, qui était juste à côté. J'ai supplié mon père, j'ai dit, je t'en supplie, remets-lui cette cassette, dis-lui, que c'est mes compositions. C'est vrai qu'à l'époque c'était un peu maniéré, c'était esthétisant, ça se voulait joli. Il y a quelques temps après ça, j'ai reçu une lettre de lui, qui dit « Le reproche majeur que je puis faire à vos compositions tient à votre jeunesse elle-même qui pêche par un excès d'ambition formelle, poétique, rythmique, alors que ni la vraie mélodie, ni le véritable swing ne sont atteints. d'où un sentiment de précieusité, d'affaîterie, de tarabiscotage complaisant qui fait que l'auditeur ne marche pas vraiment et que votre sincérité pourtant réelle ne l'aime pas ou pas assez. Vos dons et le véritable amour qu'on sent percer pour l'expressivité musicale et verbale devraient vous permettre de vous dégager de ces défauts et de vous donner les forces critiques et créatrices où votre « je » rejoigne le « nous » d'un autre. Avec toute ma sympathie et mon salut amical, en votre paix. Et j'ai reçu ça, j'avais... J'avais... J'étais pas bien vieille. Je devrais avoir 17 ans. Ça fait bizarre. Ah ouais. Donc j'étais heureuse et remuée parce qu'il y va, il ménage pas non plus.

  • Speaker #0

    Cette critique, aussi judicieuse que peu complaisante, n'empêcha pas son auteur, un soir de 1980, de venir écouter la débutante dans un café-théâtre Montmartre et de l'inviter à faire sa première partie à l'Olympia. Le début d'une longue amitié, jamais démentie.

  • Speaker #1

    C'était pas une première partie en fait, il m'avait proposé de me faire venir au milieu de son spectacle et de chanter deux ou trois chansons. Et on a fait ça pas seulement à l'Olympia, on a fait ça au New Morning, on a fait ça en province, je me souviens à Créteil, à Aulnay-sous-Bois. J'avais 20 ans, exactement 20 ans. Mais à l'époque, du haut de mes 20 ans, je n'avais rien fait. Donc pour moi, chanter dans le spectacle de Nougaro, c'était... Je chantais pas très loin de chez lui. dans un petit café théâtre à Montmartre qui s'appelle le Tir bouchon, je pense que ça existe toujours et Claude habite l'avenue Junot à ce moment là et un jour il est venu m'écouter avec son agent à l'époque qui était Jean-Pierre Brandt qui après est devenu mon manager pendant quelques temps mais qui surtout restait un ami. Claude m'a écoutée le lendemain, conférence au sommet, et Jean-Pierre Brun, il m'a dit, voilà, on t'annonce qu'on aimerait que tu chantes quelques chansons au sein du spectacle de Claude. Moi, j'ai cru que j'allais tomber dans les pommes. Et voilà, à ce moment-là, on s'est vraiment rapprochés. Des fois, je débarquais à Paris, j'allais habiter chez lui, avenue Junot.

  • Speaker #0

    Entre la petite chanteuse bruxelloise et le grand poète toulousain, a priori, peu de points communs. Mais pourtant de troublantes similitudes. L'occasion pour Maurane d'évoquer sa laborieuse enfance musicale.

  • Speaker #1

    Nougaro, c'est-à-dire déjà issu d'une famille de musiciens. Claude, son père était chanteur d'opéra, sa mère était pianiste, moi ma maman était pianiste et mon père était directeur de conservatoire. ce qui fait que baigné depuis l'enfance dans une ambiance musicale très éclectique et je pense que du côté de Nougaro aussi c'était classique mais toujours très éclectique je pense qu'ils écoutaient du jazz aussi et de mon côté aussi c'était très ouvert c'était vraiment ça allait de Stravinsky à Charles Trenet. J'ai fait deux ans de violon pour faire plaisir à ma grand-mère parce que pour moi c'était vraiment une tare, j'aimais pas ça autant je suis liquéfiée quand j'entends des cordes violon c'est là où même plus que le violon c'est vraiment des instruments qui me touche mais je préfère les écouter que de les pratiquer parce que faut déjà avoir quelques années de métier et puis moi à l'époque où j'avais commencé à vervier quand mes parents étaient encore ensemble, j'ai déménagé dans un village en Flandres qui s'appelle Echtkuepp. C'était entre Bruxelles et Louvain en fait. Et je devais prendre deux bus pour aller à l'école, deux bus pour revenir. Alors je vous avoue que l'heure de violon, je n'avais pas une grosse envie. Donc c'était un peu laborieux.

  • Speaker #0

    Née Claudine Lupertz à Ixelles, en Belgique, la chanteuse a débuté dans la rue avant de se produire dans quelques cafés-théâtres et de changer plusieurs fois de nom d'artiste. Mais au fait, pourquoi finalement s'est-elle appelée Maurane, tout simplement ?

  • Speaker #1

    Quand j'ai commencé à chanter dans la rue, je me suis fait appeler Claudie Malva, parce que Claudie, je trouvais ça mignon, et Malva parce que c'était la grande période où on s'habillait en mauve et en rose. Et Malva, ça veut dire mauve en latin. Après ça, ma grand-mère m'a dit, tu peux t'appeler Claudie Claude, c'est très joli. Non, oui, bien sûr, voilà, Claudie Claude. Après ça, j'ai été engagée dans un spectacle sur Brel, et le metteur en scène m'a dit, « Écoute, Claudie, ça ne va pas être possible, il faut que tu te trouves un nom. » Et avec une amie agent, on était à table, et on parlait de, je ne sais plus pourquoi, d'ailleurs du metteur en scène, Francis Morin. Elle me dit, « C'est pas mal, tu as Claudie Morin, Claudie, c'est Claude Morin. » Et je me suis dit, « Ah oui, on va l'écrire, pour que ça ne passe pas le bogue Morin. » Et à partir du moment où je me suis appelée Claudie Morin, mes proches m'ont appelé Maurane c'est la même chose maintenant on m'appelle même plus Maurane mes intimes m'appellent Mo je sais pas où ça va se terminer. A l'époque je faisais tous mes spectacles avec ma guitare et au piano à l'instant j'ai jamais appris je faisais une heure et demie de spectacle comme ça dans les cafés théâtre, j'ai commencé dans la rue j'avais 14 ans et demi 15 ans on va dire, je me produisais de... tous les quartiers de Bruxelles où je faisais écumer où je me suis fait jeter des restaurants enfin comme... maintenant il me déroule le tapis rouge c'est magnifique, j'adore et vraiment on fait plus ce genre de carrière aujourd'hui bah moi je suis prête, avec ce qui se passe là je me suis dit si ça se trouve moi je vais refaire des des clubs de jazz et des machins personnellement ça ne me dérange pas du tout non plus, j'ai absolument pas peur de ça.

  • Speaker #0

    Avec sa voix hors du commun, mélange de soie et de swing, on avait l'impression que Maurane pouvait tout chanter. Jazz, opéra, pop, flamenco. La preuve, elle rêvait de faire un duo avec Sting. Donc elle pouvait tout chanter, tout sauf du rap. Question de goût, comme elle dit.

  • Speaker #1

    C'est pareil. Mais je dois dire que j'ai des goûts très éclectiques. je suis autant amoureuse de Brahms que du flamenco, du tambour, que... il y a tellement de choses qui m'intéressent je crois que la seule musique qui me parle pas vraiment c'est le rap hormis MC Solaar, quelques personnes, donc il y en a quelques-uns mais sinon j'approche pas trop je trouve que souvent les messages sont un peu réducteurs le banlieue, les flics, ta mère on est un peu on est pas le boy, quand j'entends ça avec les clips à moitié porno, avec les filles à moitié à poil. Moi j'ai aimé le jazz rock, et je l'aime toujours mais j'ai jamais été très rock en fait c'est vrai, j'aime Led Zeppelin et Pink Floyd, moi j'aime les choses à partir du moment ou c'est super riche j'adorais Genesis. Moi j'aime le rock harmonique, c'est mon rêve de chanter avec Sting. J'ai voulu faire un duo avec lui sur l'album, mais il n'a pas voulu. Je voulais chanter Danser sur moi, avec lui.EVoilà, c'est comme ça que j'aurais essayé.

  • Speaker #0

    Quand on lui demande pourquoi elle écrit si rarement des chansons, elle qui a pourtant signé des titres comme Opus en si bel homme majeur, elle répond qu'elle préfère faire appel à des auteurs professionnels, qu'elle choisit avec le soin maniaque d'un amateur de grands crus. Au générique de son avant-dernier album, « Fais-moi une fleur » en 2011, était ainsi présent, outre les fidèles Marc Esteve et Jean-Claude Vanier, l'écrivain Marine Limier, la chanteuse Juliette et on y croisait aussi Brigitte Fontaine ou François Morel. Un François Morel dont elle aimait particulièrement une chanson intitulée « Pas belle » .

  • Speaker #1

    Non, j'aime bien écrire, mais je suis tellement servie par des auteurs géniaux que j'écris peu parce que je ne veux pas passer à côté de leur chanson. Pas parce que je ne veux pas écrire, mais c'est que je crois qu'il y en a plein qui font ça tellement mieux que moi. Mais quand on commence à être bien servie par des auteurs de talent, je pense qu'il y a une équipe qui gagne. Si, on peut changer d'équipe, mais on prend la même et on recommence. à Marc Esteve et Jean-Claude Vanier, Marine Limier... Je pense à des gens comme ça, à Brigitte Fontaine. Et puis, on découvre François Morel. D'ailleurs, François, pour moi, il a une écriture un peu 19e. C'est drôle. Ça peut être, au moins, je pense, un peu mal écrit. Mon face B, c'est très tendre. J'ai l'impression que je ne le connais pas très bien, mais j'ai l'impression que c'est un écrit tendre. Et que c'est aussi un peu triste, comme beaucoup de clowns, d'ailleurs. C'est très mélancolique. J'aime beaucoup. Moi, je me suis reconnue dans cette chanson. Ça m'est arrivé combien de fois de me sentir moche, nulle, servir à rien, et les gens autour « t'as maigri, t'as grossi, t'as truc, t'as ça » . Quand vous vous sentez moche, c'est pareil pour les mecs. Cette chanson, j'ai dit « bah oui, je pleure comme si c'était pour moi » . Il le dit à la fin. C'est vrai qu'à un moment donné, on se reconnaît dans ce genre de chose.

  • Speaker #0

    À l'âge de 28 ans, la chanteuse, désormais professionnelle, découvre par hasard le français Louis Calaferte, une liaison littéraire qui se poursuivra jusqu'à la mort de l'écrivain en 1994. Louis Calaferte écrira même des chansons pour Maurane. Elle en interprétera une en 1991 sur l'album Amis ou Ennemis. Mais un bon écrivain fait-il forcément un bon auteur de chansons ?

  • Speaker #1

    Un écrivain n'est pas forcément un auteur. Un auteur n'est pas forcément un écrivain. Pourquoi ? Parce qu'une chanson... Je parlais de ça avec Bernard Wendel, avec Amélie Nothomb. Pour résumer en trois minutes, ce qu'on a écrit d'habitude en 500 pages. C'est pas évident. C'est nous qui disciplinons, c'est nous qui faut trouver des... Il y a la rime, il y a le rythme. L'écrivain, il a tout un bouquin pour s'exprimer. L'auteur de chanson, mais là, en même temps, c'est un métier auteur. Ce n'est pas donné à tout le monde. Oui, il y a la fête, il m'a écrit les chansons. Et j'en ai pu parce que c'est un gros thème. Je lui ai dit, c'est magnifique, c'est la poésie, c'est incontestable. Il m'a trouvé le moyen de mettre ça en musique. C'était beau. C'est pas une chanson de l'Océan. C'est ça, c'est que... Il faut un certain rythme, il faut de la rime, il faut un truc soutenu, il faut... Bon, bah, une chanson, c'est couper le refrain. Que ce soit Colette, Miss Major ou Louis Calafette, c'était une strophe, mais pas vraiment rythmée, donc on pourrait mettre ça en musique, mais plus sous forme d'un mini-opéra, par exemple. Ça, c'est possible. Mais là, ça s'appelle pas chanson.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast consacré à Maurane. Au revoir et à la prochaine fois.

Chapters

  • Introduction et hommage à Maurane

    00:08

  • L'héritage de Claude Nougaro et la passion de Maurane

    01:11

  • Choix des chansons pour l'album de reprises

    02:42

  • Amitié entre Maurane et Nougaro

    05:50

  • Débuts musicaux de Maurane et son parcours

    13:14

  • Préférences musicales et collaboration avec des auteurs

    18:42

  • Conclusion et remerciements

    22:57

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Description

Le 7 mai 2018, Maurane s'en est allée, alors qu'elle travaillait sur un album de reprises de Jacques Brel. 

En mai 2009, quatre mois avant la sortie d'un autre disque consacré à Claude Nougaro, qui la considérait comme sa digne héritière, Philippe Barbot s'installe en sa compagnie dans le salon d'un hôtel parisien. 

S'il est évidemment question du truculent poète toulousain et de leur admiration réciproque, même s'il n'a jamais écrit pour elle, l'échange est aussi l'occasion pour la « voix d'or de la chanson francophone » de parler d'elle.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode des Grands Entretiens. Quand elle nous a quittés le 7 mai 2018 à l'âge de 57 ans, Maurane préparait un album de reprise de chansons de Jacques Brel. Un hommage musical qu'elle avait déjà rendu à un autre artiste il y a une dizaine d'années. Ça s'intitulait "Nougaro... où l'espérance en l'homme", tribu au poète toulousain disparu en 2004. Un album de reprise ou plutôt de surprise, comme un panorama amoureux de la carrière du grand Nougaro, revu et caressé par celle qu'il considérait comme sa digne héritière. Nous sommes en mai 2009, quatre mois avant la sortie de l'album en question, prétexte à un rencontré Maurane dans le cadre d'un hôtel parisien du 8e arrondissement, là où elle aimait donner ses interviews. Un entretien censé porter sur sa passion et son amitié pour l'auteur de Paris-Mer, Armstrong et autres quatre boules de cuir. Une évocation de son ami, son maître, mais dans laquelle elle parle aussi beaucoup d'elle-même. Quand Claudine chante Claude, c'est comme un mariage musical entre rocaille et velours. Mais d'abord, qu'est-ce qui lui avait donné envie de faire ce disque ?

  • Speaker #1

    Ce qui m'a fait accepter, c'est que je savais que Claude était d'accord. Claude était d'accord et il a dit plusieurs fois, c'était ma digne héritière, je sais qu'il le pensait. Il me l'a dit aussi, donc je pense qu'il était pour ... Moi je sais que c'était un homme tendre il se cachait beaucoup, des fois il se volait la face, il jouait un peu les taureaux mais il pouvait être super... d'ailleurs il a écrit une chanson qui s'appelle Tendre et je pense qu' il y a de la tendresse, il y a beaucoup d'amour dans ces chansons il y a beaucoup de velours dans ces chansons. Après lui, c'est aussi le côté rocailleux, c'est son accent toulousain aussi, je pense. Moi, je n'appuie pas le e muet, parce que je ne suis pas toulousaine non plus. Donc lui, tout ce qui est la guitare, la musique, déjà moi je dis la guitare, la musique, il y a déjà ça qui est différent. Et puis on n'a pas forcément la même chanson, la même façon de chanter, mais justement ce qui est intéressant. J'ai envie de lui rendre un vrai hommage, mais d'y mettre ma couleur, ma patte.

  • Speaker #0

    Choisir quelques chansons dans le vaste répertoire de Nougaro ne fut point chose facile. Il fallait à la fois que les titres sélectionnés soient chantables par une femme et représentatifs des différentes époques. Avec évidemment des incontournables comme Danser sur moi, La pluie, Tu verras ou Bidonville, mais aussi des perles moins connues.

  • Speaker #1

    Il y a déjà un paquet de chansons qui ne sont pas fortement connues, parce qu'au départ on avait demandé à Hélène s'il n'y avait pas des inédits, il n'y en a pas. Par contre, il y a vraiment pas mal de chansons que personne ne connaît, notamment L'Espérance en l'homme, qui est une perle à mon avis. Allez débrouillard, qui est une chanson magnifique. Non, parce qu'il y a vraiment des chansons, il y a « Grimpe-moi la tête » qui est une chanson vraiment rigolote que j'ai mise. Qu'est-ce qu'il y a comme chanson pas connue ? Il y a La danse qui est une merveille, mais vraiment une merveille, où il parle justement de la discipline qu'implique la danse quand on est petit rat à l'opéra. Alors il part de là, et à la fin il parle de la danse sous toutes ses formes dans le monde entier. Alors ça passe par le Brésil, ça passe par l'Afrique. Oui mais c'est un casse-tête, il y a encore des frustrations. On se dit, pourquoi pas les mots, pourquoi pas Marilyn, pourquoi pas Blanche-Neige ? Parce qu'il faut bien à un moment donné se faire de la violence. Je vais essayer de faire en fonction des époques, qui est un peu de toutes les époques. Il y a des albums qui n'y sont pas, comme L'Enfant-Sar, Vive-Violence, ça n'y est pas. On ne peut pas tout faire. Et puis surtout en fonction de ce qui était chantable par une femme. Par exemple, je pourrais pas chanter Cécile, elle voulait un enfant, moi je n'en voulais pas. Il y a des trucs comme je voulais... J'aurais rêvé de faire le bourron d'eau à la tuque, mais c'est un polar ce truc-là, c'est vraiment une chanson de mec. Et puis s'il fallait commencer à traficoter dans les « il » , « elle » , « lui » , j'avais pas envie de commencer à mettre des coups de ciseaux dans les... échanger des mots et tout ça. On enregistrait 17. Mais sur l'album qui va sortir, il y en aura quoi ? 13, 12, 13, et puis ils vont sortir des bonus. Ils ne sont pas idiots. Oui, ce que je peux vous dire aussi, c'est que je suis en général motivée quand il s'agit de faire un nouvel album. Je pense que je n'ai jamais été aussi motivée que sur cet album. D'ailleurs, le cours de temps, les machins, je me sens investie.

  • Speaker #0

    L'amitié entre Maurane et Nougaro, une belle histoire. Une histoire de copains, de frangins même, comme elle la décrit elle-même, mais qui curieusement n'a jamais abouti à une vraie collaboration musicale. Car les circonstances ont fait que Nougaro n'a jamais écrit pour Maurane.

  • Speaker #1

    Oui, mais non, on s'est raté, on s'est trouvé sur plein de trucs, c'est-à-dire plein d'affinités, plein de points communs. On a fait des virées, mais des virées où je ne savais pas si j'étais l'homme, la femme. J'ai l'impression qu'on était du même sexe, que c'était la virée entre frangins. La virée des potes, vraiment. C'était vraiment quelqu'un dont j'étais proche. Mais quand je dis, on s'est raté, c'est qu'il a failli 20 fois m'écrire des chansons. Et ça n'a jamais été fait. Sur le dernier album qu'il a fait, Blue Note, il y a une chanson qui s'appelle L'espérance en l'homme. je devais chanter en duo avec lui il est parti avant mais je le chante parce qu'on ne chante pas du tout dans la même tonalité il y aurait eu si on l'avait fait je pense qu'il y aurait eu déjà que ça fluctue beaucoup mais ça n'aurait pas été facile je pense et puis on a chanté une fois en duo pour une télé, Armstrong on est toujours resté en contact c'est une présence, c'est une voix, c'est une personnalité charismatique vraiment c'est quelqu'un qui m'a toujours j'ai rarement été bluffé comme ça. Oui, c'est le swing, c'est les mots, c'est les jeux de mots, c'est le côté ludique. Mais je crois que j'aime beaucoup le fait que ce soit un personnage complètement habité, un Claude.

  • Speaker #0

    Morane avait à peine une dizaine d'années quand elle tomba littéralement amoureuse d'une chanson de Nougaro entendue à la radio. Une chanson pas facile pourtant, intitulée La Mutation, sorte d'ode aux yin et aux yang, évocation de la fusion d'un couple. Plus tard, à l'occasion de concerts bruxellois, l'adolescente, auteur-compositeur en herbe, réussit à faire passer au maître des cassettes de ses chansons. En retour, le maestro lui écrivit une lettre, dans laquelle il détaillait avec sa verve légendaire les travers dont lui semblaient souffrir les premiers essais de la future Maurane. Aujourd'hui encore, celle-ci peut en réciter par cœur de larges extraits.

  • Speaker #1

    J'avais une dizaine d'années, et en plus je chantais une chanson pas facile, je chantais La Mutation. J'avais une dizaine d'années, un peu plus, un peu moins, je ne sais pas. Et je me souviens, j'avais un post de télé en noir et blanc encore. Donc quand même le texte, c'est « Je te connaîtrai une nuit petite » . Ça tient, ça rejoint un peu ce que je viens de vous dire. Sous le ciel plein de satellites, j'aurai les cheveux en queue de cheval. Tu me tiendras dans tes bras cerclés de métal, tu seras l'homme. et moi la femme, ce sera la mutation. Là, je suis en train de vous dire que c'était un peu comme de mes copains de filles. Et moi, du haut de mes... Je ne sais pas quel âge j'avais, 10-11 ans ? J'étais stupéfiée. Alors, j'étais incapable de dire si j'aimais, mais j'étais, en tout cas, j'étais attirée. Puis, il faut dire aussi que moi, j'ai été très très fan de Michel Fuguain, je le suis encore d'ailleurs, et j'avais lu que Nougaro était le chanteur préféré de Fuguain. Alors ça a fait son chemin aussi quelque part, c'était aussi pour ça je pense. Finalement, parce que je passais en coulisses quand il était en spectacle à Bruxelles, je ne sais pas comment, je lui donnais des dessins, des cassettes, des cadeaux, des boîtes de biscuits, n'importe quoi, complètement groupie, je le dis. J'avais été le voir à 15 ans quand il faisait les Beaux-Arts à Bruxelles, c'était la première fois que je le voyais sur scène, c'était quand j'avais débarqué avec un petit dessin, une cassette, enfin mon père. Puis ça a encore pris des années, et finalement, mon père étant directeur du Conservatoire de Musique de Verviers, il passait au Grand Théâtre de Verviers, qui était juste à côté. J'ai supplié mon père, j'ai dit, je t'en supplie, remets-lui cette cassette, dis-lui, que c'est mes compositions. C'est vrai qu'à l'époque c'était un peu maniéré, c'était esthétisant, ça se voulait joli. Il y a quelques temps après ça, j'ai reçu une lettre de lui, qui dit « Le reproche majeur que je puis faire à vos compositions tient à votre jeunesse elle-même qui pêche par un excès d'ambition formelle, poétique, rythmique, alors que ni la vraie mélodie, ni le véritable swing ne sont atteints. d'où un sentiment de précieusité, d'affaîterie, de tarabiscotage complaisant qui fait que l'auditeur ne marche pas vraiment et que votre sincérité pourtant réelle ne l'aime pas ou pas assez. Vos dons et le véritable amour qu'on sent percer pour l'expressivité musicale et verbale devraient vous permettre de vous dégager de ces défauts et de vous donner les forces critiques et créatrices où votre « je » rejoigne le « nous » d'un autre. Avec toute ma sympathie et mon salut amical, en votre paix. Et j'ai reçu ça, j'avais... J'avais... J'étais pas bien vieille. Je devrais avoir 17 ans. Ça fait bizarre. Ah ouais. Donc j'étais heureuse et remuée parce qu'il y va, il ménage pas non plus.

  • Speaker #0

    Cette critique, aussi judicieuse que peu complaisante, n'empêcha pas son auteur, un soir de 1980, de venir écouter la débutante dans un café-théâtre Montmartre et de l'inviter à faire sa première partie à l'Olympia. Le début d'une longue amitié, jamais démentie.

  • Speaker #1

    C'était pas une première partie en fait, il m'avait proposé de me faire venir au milieu de son spectacle et de chanter deux ou trois chansons. Et on a fait ça pas seulement à l'Olympia, on a fait ça au New Morning, on a fait ça en province, je me souviens à Créteil, à Aulnay-sous-Bois. J'avais 20 ans, exactement 20 ans. Mais à l'époque, du haut de mes 20 ans, je n'avais rien fait. Donc pour moi, chanter dans le spectacle de Nougaro, c'était... Je chantais pas très loin de chez lui. dans un petit café théâtre à Montmartre qui s'appelle le Tir bouchon, je pense que ça existe toujours et Claude habite l'avenue Junot à ce moment là et un jour il est venu m'écouter avec son agent à l'époque qui était Jean-Pierre Brandt qui après est devenu mon manager pendant quelques temps mais qui surtout restait un ami. Claude m'a écoutée le lendemain, conférence au sommet, et Jean-Pierre Brun, il m'a dit, voilà, on t'annonce qu'on aimerait que tu chantes quelques chansons au sein du spectacle de Claude. Moi, j'ai cru que j'allais tomber dans les pommes. Et voilà, à ce moment-là, on s'est vraiment rapprochés. Des fois, je débarquais à Paris, j'allais habiter chez lui, avenue Junot.

  • Speaker #0

    Entre la petite chanteuse bruxelloise et le grand poète toulousain, a priori, peu de points communs. Mais pourtant de troublantes similitudes. L'occasion pour Maurane d'évoquer sa laborieuse enfance musicale.

  • Speaker #1

    Nougaro, c'est-à-dire déjà issu d'une famille de musiciens. Claude, son père était chanteur d'opéra, sa mère était pianiste, moi ma maman était pianiste et mon père était directeur de conservatoire. ce qui fait que baigné depuis l'enfance dans une ambiance musicale très éclectique et je pense que du côté de Nougaro aussi c'était classique mais toujours très éclectique je pense qu'ils écoutaient du jazz aussi et de mon côté aussi c'était très ouvert c'était vraiment ça allait de Stravinsky à Charles Trenet. J'ai fait deux ans de violon pour faire plaisir à ma grand-mère parce que pour moi c'était vraiment une tare, j'aimais pas ça autant je suis liquéfiée quand j'entends des cordes violon c'est là où même plus que le violon c'est vraiment des instruments qui me touche mais je préfère les écouter que de les pratiquer parce que faut déjà avoir quelques années de métier et puis moi à l'époque où j'avais commencé à vervier quand mes parents étaient encore ensemble, j'ai déménagé dans un village en Flandres qui s'appelle Echtkuepp. C'était entre Bruxelles et Louvain en fait. Et je devais prendre deux bus pour aller à l'école, deux bus pour revenir. Alors je vous avoue que l'heure de violon, je n'avais pas une grosse envie. Donc c'était un peu laborieux.

  • Speaker #0

    Née Claudine Lupertz à Ixelles, en Belgique, la chanteuse a débuté dans la rue avant de se produire dans quelques cafés-théâtres et de changer plusieurs fois de nom d'artiste. Mais au fait, pourquoi finalement s'est-elle appelée Maurane, tout simplement ?

  • Speaker #1

    Quand j'ai commencé à chanter dans la rue, je me suis fait appeler Claudie Malva, parce que Claudie, je trouvais ça mignon, et Malva parce que c'était la grande période où on s'habillait en mauve et en rose. Et Malva, ça veut dire mauve en latin. Après ça, ma grand-mère m'a dit, tu peux t'appeler Claudie Claude, c'est très joli. Non, oui, bien sûr, voilà, Claudie Claude. Après ça, j'ai été engagée dans un spectacle sur Brel, et le metteur en scène m'a dit, « Écoute, Claudie, ça ne va pas être possible, il faut que tu te trouves un nom. » Et avec une amie agent, on était à table, et on parlait de, je ne sais plus pourquoi, d'ailleurs du metteur en scène, Francis Morin. Elle me dit, « C'est pas mal, tu as Claudie Morin, Claudie, c'est Claude Morin. » Et je me suis dit, « Ah oui, on va l'écrire, pour que ça ne passe pas le bogue Morin. » Et à partir du moment où je me suis appelée Claudie Morin, mes proches m'ont appelé Maurane c'est la même chose maintenant on m'appelle même plus Maurane mes intimes m'appellent Mo je sais pas où ça va se terminer. A l'époque je faisais tous mes spectacles avec ma guitare et au piano à l'instant j'ai jamais appris je faisais une heure et demie de spectacle comme ça dans les cafés théâtre, j'ai commencé dans la rue j'avais 14 ans et demi 15 ans on va dire, je me produisais de... tous les quartiers de Bruxelles où je faisais écumer où je me suis fait jeter des restaurants enfin comme... maintenant il me déroule le tapis rouge c'est magnifique, j'adore et vraiment on fait plus ce genre de carrière aujourd'hui bah moi je suis prête, avec ce qui se passe là je me suis dit si ça se trouve moi je vais refaire des des clubs de jazz et des machins personnellement ça ne me dérange pas du tout non plus, j'ai absolument pas peur de ça.

  • Speaker #0

    Avec sa voix hors du commun, mélange de soie et de swing, on avait l'impression que Maurane pouvait tout chanter. Jazz, opéra, pop, flamenco. La preuve, elle rêvait de faire un duo avec Sting. Donc elle pouvait tout chanter, tout sauf du rap. Question de goût, comme elle dit.

  • Speaker #1

    C'est pareil. Mais je dois dire que j'ai des goûts très éclectiques. je suis autant amoureuse de Brahms que du flamenco, du tambour, que... il y a tellement de choses qui m'intéressent je crois que la seule musique qui me parle pas vraiment c'est le rap hormis MC Solaar, quelques personnes, donc il y en a quelques-uns mais sinon j'approche pas trop je trouve que souvent les messages sont un peu réducteurs le banlieue, les flics, ta mère on est un peu on est pas le boy, quand j'entends ça avec les clips à moitié porno, avec les filles à moitié à poil. Moi j'ai aimé le jazz rock, et je l'aime toujours mais j'ai jamais été très rock en fait c'est vrai, j'aime Led Zeppelin et Pink Floyd, moi j'aime les choses à partir du moment ou c'est super riche j'adorais Genesis. Moi j'aime le rock harmonique, c'est mon rêve de chanter avec Sting. J'ai voulu faire un duo avec lui sur l'album, mais il n'a pas voulu. Je voulais chanter Danser sur moi, avec lui.EVoilà, c'est comme ça que j'aurais essayé.

  • Speaker #0

    Quand on lui demande pourquoi elle écrit si rarement des chansons, elle qui a pourtant signé des titres comme Opus en si bel homme majeur, elle répond qu'elle préfère faire appel à des auteurs professionnels, qu'elle choisit avec le soin maniaque d'un amateur de grands crus. Au générique de son avant-dernier album, « Fais-moi une fleur » en 2011, était ainsi présent, outre les fidèles Marc Esteve et Jean-Claude Vanier, l'écrivain Marine Limier, la chanteuse Juliette et on y croisait aussi Brigitte Fontaine ou François Morel. Un François Morel dont elle aimait particulièrement une chanson intitulée « Pas belle » .

  • Speaker #1

    Non, j'aime bien écrire, mais je suis tellement servie par des auteurs géniaux que j'écris peu parce que je ne veux pas passer à côté de leur chanson. Pas parce que je ne veux pas écrire, mais c'est que je crois qu'il y en a plein qui font ça tellement mieux que moi. Mais quand on commence à être bien servie par des auteurs de talent, je pense qu'il y a une équipe qui gagne. Si, on peut changer d'équipe, mais on prend la même et on recommence. à Marc Esteve et Jean-Claude Vanier, Marine Limier... Je pense à des gens comme ça, à Brigitte Fontaine. Et puis, on découvre François Morel. D'ailleurs, François, pour moi, il a une écriture un peu 19e. C'est drôle. Ça peut être, au moins, je pense, un peu mal écrit. Mon face B, c'est très tendre. J'ai l'impression que je ne le connais pas très bien, mais j'ai l'impression que c'est un écrit tendre. Et que c'est aussi un peu triste, comme beaucoup de clowns, d'ailleurs. C'est très mélancolique. J'aime beaucoup. Moi, je me suis reconnue dans cette chanson. Ça m'est arrivé combien de fois de me sentir moche, nulle, servir à rien, et les gens autour « t'as maigri, t'as grossi, t'as truc, t'as ça » . Quand vous vous sentez moche, c'est pareil pour les mecs. Cette chanson, j'ai dit « bah oui, je pleure comme si c'était pour moi » . Il le dit à la fin. C'est vrai qu'à un moment donné, on se reconnaît dans ce genre de chose.

  • Speaker #0

    À l'âge de 28 ans, la chanteuse, désormais professionnelle, découvre par hasard le français Louis Calaferte, une liaison littéraire qui se poursuivra jusqu'à la mort de l'écrivain en 1994. Louis Calaferte écrira même des chansons pour Maurane. Elle en interprétera une en 1991 sur l'album Amis ou Ennemis. Mais un bon écrivain fait-il forcément un bon auteur de chansons ?

  • Speaker #1

    Un écrivain n'est pas forcément un auteur. Un auteur n'est pas forcément un écrivain. Pourquoi ? Parce qu'une chanson... Je parlais de ça avec Bernard Wendel, avec Amélie Nothomb. Pour résumer en trois minutes, ce qu'on a écrit d'habitude en 500 pages. C'est pas évident. C'est nous qui disciplinons, c'est nous qui faut trouver des... Il y a la rime, il y a le rythme. L'écrivain, il a tout un bouquin pour s'exprimer. L'auteur de chanson, mais là, en même temps, c'est un métier auteur. Ce n'est pas donné à tout le monde. Oui, il y a la fête, il m'a écrit les chansons. Et j'en ai pu parce que c'est un gros thème. Je lui ai dit, c'est magnifique, c'est la poésie, c'est incontestable. Il m'a trouvé le moyen de mettre ça en musique. C'était beau. C'est pas une chanson de l'Océan. C'est ça, c'est que... Il faut un certain rythme, il faut de la rime, il faut un truc soutenu, il faut... Bon, bah, une chanson, c'est couper le refrain. Que ce soit Colette, Miss Major ou Louis Calafette, c'était une strophe, mais pas vraiment rythmée, donc on pourrait mettre ça en musique, mais plus sous forme d'un mini-opéra, par exemple. Ça, c'est possible. Mais là, ça s'appelle pas chanson.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast consacré à Maurane. Au revoir et à la prochaine fois.

Chapters

  • Introduction et hommage à Maurane

    00:08

  • L'héritage de Claude Nougaro et la passion de Maurane

    01:11

  • Choix des chansons pour l'album de reprises

    02:42

  • Amitié entre Maurane et Nougaro

    05:50

  • Débuts musicaux de Maurane et son parcours

    13:14

  • Préférences musicales et collaboration avec des auteurs

    18:42

  • Conclusion et remerciements

    22:57

Description

Le 7 mai 2018, Maurane s'en est allée, alors qu'elle travaillait sur un album de reprises de Jacques Brel. 

En mai 2009, quatre mois avant la sortie d'un autre disque consacré à Claude Nougaro, qui la considérait comme sa digne héritière, Philippe Barbot s'installe en sa compagnie dans le salon d'un hôtel parisien. 

S'il est évidemment question du truculent poète toulousain et de leur admiration réciproque, même s'il n'a jamais écrit pour elle, l'échange est aussi l'occasion pour la « voix d'or de la chanson francophone » de parler d'elle.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode des Grands Entretiens. Quand elle nous a quittés le 7 mai 2018 à l'âge de 57 ans, Maurane préparait un album de reprise de chansons de Jacques Brel. Un hommage musical qu'elle avait déjà rendu à un autre artiste il y a une dizaine d'années. Ça s'intitulait "Nougaro... où l'espérance en l'homme", tribu au poète toulousain disparu en 2004. Un album de reprise ou plutôt de surprise, comme un panorama amoureux de la carrière du grand Nougaro, revu et caressé par celle qu'il considérait comme sa digne héritière. Nous sommes en mai 2009, quatre mois avant la sortie de l'album en question, prétexte à un rencontré Maurane dans le cadre d'un hôtel parisien du 8e arrondissement, là où elle aimait donner ses interviews. Un entretien censé porter sur sa passion et son amitié pour l'auteur de Paris-Mer, Armstrong et autres quatre boules de cuir. Une évocation de son ami, son maître, mais dans laquelle elle parle aussi beaucoup d'elle-même. Quand Claudine chante Claude, c'est comme un mariage musical entre rocaille et velours. Mais d'abord, qu'est-ce qui lui avait donné envie de faire ce disque ?

  • Speaker #1

    Ce qui m'a fait accepter, c'est que je savais que Claude était d'accord. Claude était d'accord et il a dit plusieurs fois, c'était ma digne héritière, je sais qu'il le pensait. Il me l'a dit aussi, donc je pense qu'il était pour ... Moi je sais que c'était un homme tendre il se cachait beaucoup, des fois il se volait la face, il jouait un peu les taureaux mais il pouvait être super... d'ailleurs il a écrit une chanson qui s'appelle Tendre et je pense qu' il y a de la tendresse, il y a beaucoup d'amour dans ces chansons il y a beaucoup de velours dans ces chansons. Après lui, c'est aussi le côté rocailleux, c'est son accent toulousain aussi, je pense. Moi, je n'appuie pas le e muet, parce que je ne suis pas toulousaine non plus. Donc lui, tout ce qui est la guitare, la musique, déjà moi je dis la guitare, la musique, il y a déjà ça qui est différent. Et puis on n'a pas forcément la même chanson, la même façon de chanter, mais justement ce qui est intéressant. J'ai envie de lui rendre un vrai hommage, mais d'y mettre ma couleur, ma patte.

  • Speaker #0

    Choisir quelques chansons dans le vaste répertoire de Nougaro ne fut point chose facile. Il fallait à la fois que les titres sélectionnés soient chantables par une femme et représentatifs des différentes époques. Avec évidemment des incontournables comme Danser sur moi, La pluie, Tu verras ou Bidonville, mais aussi des perles moins connues.

  • Speaker #1

    Il y a déjà un paquet de chansons qui ne sont pas fortement connues, parce qu'au départ on avait demandé à Hélène s'il n'y avait pas des inédits, il n'y en a pas. Par contre, il y a vraiment pas mal de chansons que personne ne connaît, notamment L'Espérance en l'homme, qui est une perle à mon avis. Allez débrouillard, qui est une chanson magnifique. Non, parce qu'il y a vraiment des chansons, il y a « Grimpe-moi la tête » qui est une chanson vraiment rigolote que j'ai mise. Qu'est-ce qu'il y a comme chanson pas connue ? Il y a La danse qui est une merveille, mais vraiment une merveille, où il parle justement de la discipline qu'implique la danse quand on est petit rat à l'opéra. Alors il part de là, et à la fin il parle de la danse sous toutes ses formes dans le monde entier. Alors ça passe par le Brésil, ça passe par l'Afrique. Oui mais c'est un casse-tête, il y a encore des frustrations. On se dit, pourquoi pas les mots, pourquoi pas Marilyn, pourquoi pas Blanche-Neige ? Parce qu'il faut bien à un moment donné se faire de la violence. Je vais essayer de faire en fonction des époques, qui est un peu de toutes les époques. Il y a des albums qui n'y sont pas, comme L'Enfant-Sar, Vive-Violence, ça n'y est pas. On ne peut pas tout faire. Et puis surtout en fonction de ce qui était chantable par une femme. Par exemple, je pourrais pas chanter Cécile, elle voulait un enfant, moi je n'en voulais pas. Il y a des trucs comme je voulais... J'aurais rêvé de faire le bourron d'eau à la tuque, mais c'est un polar ce truc-là, c'est vraiment une chanson de mec. Et puis s'il fallait commencer à traficoter dans les « il » , « elle » , « lui » , j'avais pas envie de commencer à mettre des coups de ciseaux dans les... échanger des mots et tout ça. On enregistrait 17. Mais sur l'album qui va sortir, il y en aura quoi ? 13, 12, 13, et puis ils vont sortir des bonus. Ils ne sont pas idiots. Oui, ce que je peux vous dire aussi, c'est que je suis en général motivée quand il s'agit de faire un nouvel album. Je pense que je n'ai jamais été aussi motivée que sur cet album. D'ailleurs, le cours de temps, les machins, je me sens investie.

  • Speaker #0

    L'amitié entre Maurane et Nougaro, une belle histoire. Une histoire de copains, de frangins même, comme elle la décrit elle-même, mais qui curieusement n'a jamais abouti à une vraie collaboration musicale. Car les circonstances ont fait que Nougaro n'a jamais écrit pour Maurane.

  • Speaker #1

    Oui, mais non, on s'est raté, on s'est trouvé sur plein de trucs, c'est-à-dire plein d'affinités, plein de points communs. On a fait des virées, mais des virées où je ne savais pas si j'étais l'homme, la femme. J'ai l'impression qu'on était du même sexe, que c'était la virée entre frangins. La virée des potes, vraiment. C'était vraiment quelqu'un dont j'étais proche. Mais quand je dis, on s'est raté, c'est qu'il a failli 20 fois m'écrire des chansons. Et ça n'a jamais été fait. Sur le dernier album qu'il a fait, Blue Note, il y a une chanson qui s'appelle L'espérance en l'homme. je devais chanter en duo avec lui il est parti avant mais je le chante parce qu'on ne chante pas du tout dans la même tonalité il y aurait eu si on l'avait fait je pense qu'il y aurait eu déjà que ça fluctue beaucoup mais ça n'aurait pas été facile je pense et puis on a chanté une fois en duo pour une télé, Armstrong on est toujours resté en contact c'est une présence, c'est une voix, c'est une personnalité charismatique vraiment c'est quelqu'un qui m'a toujours j'ai rarement été bluffé comme ça. Oui, c'est le swing, c'est les mots, c'est les jeux de mots, c'est le côté ludique. Mais je crois que j'aime beaucoup le fait que ce soit un personnage complètement habité, un Claude.

  • Speaker #0

    Morane avait à peine une dizaine d'années quand elle tomba littéralement amoureuse d'une chanson de Nougaro entendue à la radio. Une chanson pas facile pourtant, intitulée La Mutation, sorte d'ode aux yin et aux yang, évocation de la fusion d'un couple. Plus tard, à l'occasion de concerts bruxellois, l'adolescente, auteur-compositeur en herbe, réussit à faire passer au maître des cassettes de ses chansons. En retour, le maestro lui écrivit une lettre, dans laquelle il détaillait avec sa verve légendaire les travers dont lui semblaient souffrir les premiers essais de la future Maurane. Aujourd'hui encore, celle-ci peut en réciter par cœur de larges extraits.

  • Speaker #1

    J'avais une dizaine d'années, et en plus je chantais une chanson pas facile, je chantais La Mutation. J'avais une dizaine d'années, un peu plus, un peu moins, je ne sais pas. Et je me souviens, j'avais un post de télé en noir et blanc encore. Donc quand même le texte, c'est « Je te connaîtrai une nuit petite » . Ça tient, ça rejoint un peu ce que je viens de vous dire. Sous le ciel plein de satellites, j'aurai les cheveux en queue de cheval. Tu me tiendras dans tes bras cerclés de métal, tu seras l'homme. et moi la femme, ce sera la mutation. Là, je suis en train de vous dire que c'était un peu comme de mes copains de filles. Et moi, du haut de mes... Je ne sais pas quel âge j'avais, 10-11 ans ? J'étais stupéfiée. Alors, j'étais incapable de dire si j'aimais, mais j'étais, en tout cas, j'étais attirée. Puis, il faut dire aussi que moi, j'ai été très très fan de Michel Fuguain, je le suis encore d'ailleurs, et j'avais lu que Nougaro était le chanteur préféré de Fuguain. Alors ça a fait son chemin aussi quelque part, c'était aussi pour ça je pense. Finalement, parce que je passais en coulisses quand il était en spectacle à Bruxelles, je ne sais pas comment, je lui donnais des dessins, des cassettes, des cadeaux, des boîtes de biscuits, n'importe quoi, complètement groupie, je le dis. J'avais été le voir à 15 ans quand il faisait les Beaux-Arts à Bruxelles, c'était la première fois que je le voyais sur scène, c'était quand j'avais débarqué avec un petit dessin, une cassette, enfin mon père. Puis ça a encore pris des années, et finalement, mon père étant directeur du Conservatoire de Musique de Verviers, il passait au Grand Théâtre de Verviers, qui était juste à côté. J'ai supplié mon père, j'ai dit, je t'en supplie, remets-lui cette cassette, dis-lui, que c'est mes compositions. C'est vrai qu'à l'époque c'était un peu maniéré, c'était esthétisant, ça se voulait joli. Il y a quelques temps après ça, j'ai reçu une lettre de lui, qui dit « Le reproche majeur que je puis faire à vos compositions tient à votre jeunesse elle-même qui pêche par un excès d'ambition formelle, poétique, rythmique, alors que ni la vraie mélodie, ni le véritable swing ne sont atteints. d'où un sentiment de précieusité, d'affaîterie, de tarabiscotage complaisant qui fait que l'auditeur ne marche pas vraiment et que votre sincérité pourtant réelle ne l'aime pas ou pas assez. Vos dons et le véritable amour qu'on sent percer pour l'expressivité musicale et verbale devraient vous permettre de vous dégager de ces défauts et de vous donner les forces critiques et créatrices où votre « je » rejoigne le « nous » d'un autre. Avec toute ma sympathie et mon salut amical, en votre paix. Et j'ai reçu ça, j'avais... J'avais... J'étais pas bien vieille. Je devrais avoir 17 ans. Ça fait bizarre. Ah ouais. Donc j'étais heureuse et remuée parce qu'il y va, il ménage pas non plus.

  • Speaker #0

    Cette critique, aussi judicieuse que peu complaisante, n'empêcha pas son auteur, un soir de 1980, de venir écouter la débutante dans un café-théâtre Montmartre et de l'inviter à faire sa première partie à l'Olympia. Le début d'une longue amitié, jamais démentie.

  • Speaker #1

    C'était pas une première partie en fait, il m'avait proposé de me faire venir au milieu de son spectacle et de chanter deux ou trois chansons. Et on a fait ça pas seulement à l'Olympia, on a fait ça au New Morning, on a fait ça en province, je me souviens à Créteil, à Aulnay-sous-Bois. J'avais 20 ans, exactement 20 ans. Mais à l'époque, du haut de mes 20 ans, je n'avais rien fait. Donc pour moi, chanter dans le spectacle de Nougaro, c'était... Je chantais pas très loin de chez lui. dans un petit café théâtre à Montmartre qui s'appelle le Tir bouchon, je pense que ça existe toujours et Claude habite l'avenue Junot à ce moment là et un jour il est venu m'écouter avec son agent à l'époque qui était Jean-Pierre Brandt qui après est devenu mon manager pendant quelques temps mais qui surtout restait un ami. Claude m'a écoutée le lendemain, conférence au sommet, et Jean-Pierre Brun, il m'a dit, voilà, on t'annonce qu'on aimerait que tu chantes quelques chansons au sein du spectacle de Claude. Moi, j'ai cru que j'allais tomber dans les pommes. Et voilà, à ce moment-là, on s'est vraiment rapprochés. Des fois, je débarquais à Paris, j'allais habiter chez lui, avenue Junot.

  • Speaker #0

    Entre la petite chanteuse bruxelloise et le grand poète toulousain, a priori, peu de points communs. Mais pourtant de troublantes similitudes. L'occasion pour Maurane d'évoquer sa laborieuse enfance musicale.

  • Speaker #1

    Nougaro, c'est-à-dire déjà issu d'une famille de musiciens. Claude, son père était chanteur d'opéra, sa mère était pianiste, moi ma maman était pianiste et mon père était directeur de conservatoire. ce qui fait que baigné depuis l'enfance dans une ambiance musicale très éclectique et je pense que du côté de Nougaro aussi c'était classique mais toujours très éclectique je pense qu'ils écoutaient du jazz aussi et de mon côté aussi c'était très ouvert c'était vraiment ça allait de Stravinsky à Charles Trenet. J'ai fait deux ans de violon pour faire plaisir à ma grand-mère parce que pour moi c'était vraiment une tare, j'aimais pas ça autant je suis liquéfiée quand j'entends des cordes violon c'est là où même plus que le violon c'est vraiment des instruments qui me touche mais je préfère les écouter que de les pratiquer parce que faut déjà avoir quelques années de métier et puis moi à l'époque où j'avais commencé à vervier quand mes parents étaient encore ensemble, j'ai déménagé dans un village en Flandres qui s'appelle Echtkuepp. C'était entre Bruxelles et Louvain en fait. Et je devais prendre deux bus pour aller à l'école, deux bus pour revenir. Alors je vous avoue que l'heure de violon, je n'avais pas une grosse envie. Donc c'était un peu laborieux.

  • Speaker #0

    Née Claudine Lupertz à Ixelles, en Belgique, la chanteuse a débuté dans la rue avant de se produire dans quelques cafés-théâtres et de changer plusieurs fois de nom d'artiste. Mais au fait, pourquoi finalement s'est-elle appelée Maurane, tout simplement ?

  • Speaker #1

    Quand j'ai commencé à chanter dans la rue, je me suis fait appeler Claudie Malva, parce que Claudie, je trouvais ça mignon, et Malva parce que c'était la grande période où on s'habillait en mauve et en rose. Et Malva, ça veut dire mauve en latin. Après ça, ma grand-mère m'a dit, tu peux t'appeler Claudie Claude, c'est très joli. Non, oui, bien sûr, voilà, Claudie Claude. Après ça, j'ai été engagée dans un spectacle sur Brel, et le metteur en scène m'a dit, « Écoute, Claudie, ça ne va pas être possible, il faut que tu te trouves un nom. » Et avec une amie agent, on était à table, et on parlait de, je ne sais plus pourquoi, d'ailleurs du metteur en scène, Francis Morin. Elle me dit, « C'est pas mal, tu as Claudie Morin, Claudie, c'est Claude Morin. » Et je me suis dit, « Ah oui, on va l'écrire, pour que ça ne passe pas le bogue Morin. » Et à partir du moment où je me suis appelée Claudie Morin, mes proches m'ont appelé Maurane c'est la même chose maintenant on m'appelle même plus Maurane mes intimes m'appellent Mo je sais pas où ça va se terminer. A l'époque je faisais tous mes spectacles avec ma guitare et au piano à l'instant j'ai jamais appris je faisais une heure et demie de spectacle comme ça dans les cafés théâtre, j'ai commencé dans la rue j'avais 14 ans et demi 15 ans on va dire, je me produisais de... tous les quartiers de Bruxelles où je faisais écumer où je me suis fait jeter des restaurants enfin comme... maintenant il me déroule le tapis rouge c'est magnifique, j'adore et vraiment on fait plus ce genre de carrière aujourd'hui bah moi je suis prête, avec ce qui se passe là je me suis dit si ça se trouve moi je vais refaire des des clubs de jazz et des machins personnellement ça ne me dérange pas du tout non plus, j'ai absolument pas peur de ça.

  • Speaker #0

    Avec sa voix hors du commun, mélange de soie et de swing, on avait l'impression que Maurane pouvait tout chanter. Jazz, opéra, pop, flamenco. La preuve, elle rêvait de faire un duo avec Sting. Donc elle pouvait tout chanter, tout sauf du rap. Question de goût, comme elle dit.

  • Speaker #1

    C'est pareil. Mais je dois dire que j'ai des goûts très éclectiques. je suis autant amoureuse de Brahms que du flamenco, du tambour, que... il y a tellement de choses qui m'intéressent je crois que la seule musique qui me parle pas vraiment c'est le rap hormis MC Solaar, quelques personnes, donc il y en a quelques-uns mais sinon j'approche pas trop je trouve que souvent les messages sont un peu réducteurs le banlieue, les flics, ta mère on est un peu on est pas le boy, quand j'entends ça avec les clips à moitié porno, avec les filles à moitié à poil. Moi j'ai aimé le jazz rock, et je l'aime toujours mais j'ai jamais été très rock en fait c'est vrai, j'aime Led Zeppelin et Pink Floyd, moi j'aime les choses à partir du moment ou c'est super riche j'adorais Genesis. Moi j'aime le rock harmonique, c'est mon rêve de chanter avec Sting. J'ai voulu faire un duo avec lui sur l'album, mais il n'a pas voulu. Je voulais chanter Danser sur moi, avec lui.EVoilà, c'est comme ça que j'aurais essayé.

  • Speaker #0

    Quand on lui demande pourquoi elle écrit si rarement des chansons, elle qui a pourtant signé des titres comme Opus en si bel homme majeur, elle répond qu'elle préfère faire appel à des auteurs professionnels, qu'elle choisit avec le soin maniaque d'un amateur de grands crus. Au générique de son avant-dernier album, « Fais-moi une fleur » en 2011, était ainsi présent, outre les fidèles Marc Esteve et Jean-Claude Vanier, l'écrivain Marine Limier, la chanteuse Juliette et on y croisait aussi Brigitte Fontaine ou François Morel. Un François Morel dont elle aimait particulièrement une chanson intitulée « Pas belle » .

  • Speaker #1

    Non, j'aime bien écrire, mais je suis tellement servie par des auteurs géniaux que j'écris peu parce que je ne veux pas passer à côté de leur chanson. Pas parce que je ne veux pas écrire, mais c'est que je crois qu'il y en a plein qui font ça tellement mieux que moi. Mais quand on commence à être bien servie par des auteurs de talent, je pense qu'il y a une équipe qui gagne. Si, on peut changer d'équipe, mais on prend la même et on recommence. à Marc Esteve et Jean-Claude Vanier, Marine Limier... Je pense à des gens comme ça, à Brigitte Fontaine. Et puis, on découvre François Morel. D'ailleurs, François, pour moi, il a une écriture un peu 19e. C'est drôle. Ça peut être, au moins, je pense, un peu mal écrit. Mon face B, c'est très tendre. J'ai l'impression que je ne le connais pas très bien, mais j'ai l'impression que c'est un écrit tendre. Et que c'est aussi un peu triste, comme beaucoup de clowns, d'ailleurs. C'est très mélancolique. J'aime beaucoup. Moi, je me suis reconnue dans cette chanson. Ça m'est arrivé combien de fois de me sentir moche, nulle, servir à rien, et les gens autour « t'as maigri, t'as grossi, t'as truc, t'as ça » . Quand vous vous sentez moche, c'est pareil pour les mecs. Cette chanson, j'ai dit « bah oui, je pleure comme si c'était pour moi » . Il le dit à la fin. C'est vrai qu'à un moment donné, on se reconnaît dans ce genre de chose.

  • Speaker #0

    À l'âge de 28 ans, la chanteuse, désormais professionnelle, découvre par hasard le français Louis Calaferte, une liaison littéraire qui se poursuivra jusqu'à la mort de l'écrivain en 1994. Louis Calaferte écrira même des chansons pour Maurane. Elle en interprétera une en 1991 sur l'album Amis ou Ennemis. Mais un bon écrivain fait-il forcément un bon auteur de chansons ?

  • Speaker #1

    Un écrivain n'est pas forcément un auteur. Un auteur n'est pas forcément un écrivain. Pourquoi ? Parce qu'une chanson... Je parlais de ça avec Bernard Wendel, avec Amélie Nothomb. Pour résumer en trois minutes, ce qu'on a écrit d'habitude en 500 pages. C'est pas évident. C'est nous qui disciplinons, c'est nous qui faut trouver des... Il y a la rime, il y a le rythme. L'écrivain, il a tout un bouquin pour s'exprimer. L'auteur de chanson, mais là, en même temps, c'est un métier auteur. Ce n'est pas donné à tout le monde. Oui, il y a la fête, il m'a écrit les chansons. Et j'en ai pu parce que c'est un gros thème. Je lui ai dit, c'est magnifique, c'est la poésie, c'est incontestable. Il m'a trouvé le moyen de mettre ça en musique. C'était beau. C'est pas une chanson de l'Océan. C'est ça, c'est que... Il faut un certain rythme, il faut de la rime, il faut un truc soutenu, il faut... Bon, bah, une chanson, c'est couper le refrain. Que ce soit Colette, Miss Major ou Louis Calafette, c'était une strophe, mais pas vraiment rythmée, donc on pourrait mettre ça en musique, mais plus sous forme d'un mini-opéra, par exemple. Ça, c'est possible. Mais là, ça s'appelle pas chanson.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast consacré à Maurane. Au revoir et à la prochaine fois.

Chapters

  • Introduction et hommage à Maurane

    00:08

  • L'héritage de Claude Nougaro et la passion de Maurane

    01:11

  • Choix des chansons pour l'album de reprises

    02:42

  • Amitié entre Maurane et Nougaro

    05:50

  • Débuts musicaux de Maurane et son parcours

    13:14

  • Préférences musicales et collaboration avec des auteurs

    18:42

  • Conclusion et remerciements

    22:57

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