Description
Lettres de Jean Eudes aux religieuses Notre-Dame de Charité
Lettre 26
Adressée à : la Mère Patin
À propos : Nouvelles instances pour la déterminer à fournir à M. Boniface l'argent dont il avait besoin
Date : Mars 1662
Tiré de : OC 10, 309-310
Lu par Claudine Bainard , associée eudiste de France
Texte : MA TRÈS CHÈRE ET BONNE MÈRE
La divine Volonté soit notre conduite en toutes choses.
Je rends grâces infinies à Notre-Seigneur et à sa très sainte Mère de votre meilleure santé, et
les supplie de vous la conserver et fortifier, et de vous rendre toute saine et toute sainte pour leur gloire et pour la sanctification de la très chère maison de leur divine Charité.
Je vous rends aussi mille grâces, ma très chère Mère, de la consolation que vous me donnez en m'écrivant que vous avez reçu ma petite nièce; mais je m étonne de ce que je n'ai point su plus tôt, par vous ou par d'autres, une chose que je désirais il y a si longtemps.
Vous me consolez en ceci, mais permettez-moi de vous dire, ma très chère Mère, que vous
m'affligez bien de voir que vous abandonniez votre affaire de Rome en si beau chemin. J'ai encore reçu une lettre cette semaine de M. Boniface, qui m'écrit qu'elle est en fort bon état. Vous me mandez que vous ne pouvez pas envoyer d'argent, qu'on ne vous donne assurance que la chose réussira. Est-il possible que la Mère Patin, qui est si vertueuse et si raisonnable, fasse une telle proposition ? Voulez-vous traiter M. Boniface, qui a fait un si long voyage et qui prend tant de peines pour vous, par pure charité, comme un banquier ? Est-ce que vous voulez qu'il vous rende ce qu'il aura employé pour ses nécessités en vous servant ? S'il vous servait en qualité de valet, vous ne pourriez l'obliger à cela.
N'est-ce point assez qu'il vous promette de vous rendre un fidèle compte de sa dépense ?
Vous dites que je vous ai écrit que la divine Providence y pourvoirait. Il est vrai; mais est-ce
que vous prétendez que je sois obligé par ces paroles à fournir l'argent qui est nécessaire? Si j'en avais, je l'avancerais volontiers pour cela; mais j'y ai mis tout ce que j'avais, et par delà, en ayant beaucoup emprunté pour ce sujet; car il est très vrai que j'y ai employé plus de six cents livres, tant de ce que j'avais, que de ce que j'ai emprunté. Si néanmoins vous m'assuriez de me le rendre, j'en chercherais encore et tâcherais d'en trouver. Mais il faudrait me l'écrire et m'en envoyer une assurance par la poste de jeudi ou de vendredi au plus tard; car Dieu aidant, je partirai bientôt; mais je ne serai pas sitôt à Caen, car je tarderai quelques jours à Rouen et à Lisieux. Et si vous me laissez partir d'ici sans donner ordre à cette affaire, que deviendra-t-elle ? Et que fera M. Boniface, à qui je serai obligé d'écrire, avant que départir, que vous ne voulez plus lui rien envoyer, sinon de quitter tout là et de s'en revenir ? Et qu'est-ce qui répondra à Notre-Seigneur et à sa très sainte Mère d'avoir ainsi abandonné leur affaire, et une affaire si importante à leur service et au salut des âmes ?
N'en rejetez pas la faute sur autrui, ma très chère Mère, car je suis très certain que cela dépend de vous.
Au nom de Dieu, ma bonne chère Mère, n'épargnez point l'argent pour une chose qui est le
fondement de la maison de Notre-Dame de Charité, pour laquelle vous avez tant travaillé et souffert jusqu'à présent, et sans laquelle elle serait dans un péril évident d'être renversée. Si vous n'en avez point, envoyez-moi un écrit par lequel vous m'assuriez de me le rendre, et je ferai tout ce que je pourrai pour en trouver.
Je salue très cordialement toutes nos chères Soeurs, qui suis de tout mon coeur, ma très chère et bonne Mère,
Tout vôtre,
JEAN EUDES Prêtre Missionnaire
[P. S.]--Je recommande à vos prières et de vos chères Filles, Mgr de Bayeux qui sera sacré
dimanche.




