Description
Lettres de Jean Eudes
Lettre 22
Adressée à : M. Manchon, Supérieur du Séminaire de Lisieux
À propos : Sur la mort de la Soeur Marie des Vallées.
Date : De Caen, ce 2 mars 1656
Tiré de : OC 10, 225-227
Lu par Claudine Bainard , associée eudiste de France
Texte : MON TRES CHER FRERE,
Jésus, le très saint Coeur de Marie, soit notre consolation pour jamais.
Il a plu à Dieu nous ôter ce que nous avions de plus cher au monde, qui était notre très chère
Soeur Marie. Elle trépassa vendredi dernier, 25e de février, à douze heures et un quart.
Notre plus grande douleur est qu'on nous a ôté son corps, pour l'enterrer à Saint-Nicolas.
Presque tous les chanoines la voulaient mettre dans l'église cathédrale. Quelques autres personnes voulaient qu'on l'inhumât aux Jacobins, en la chapelle du Saint Rosaire. Mais M. de la Foulerie, qui a fondé une chapelle de Saint Joseph en l'église de Saint-Nicolas, a fait en sorte, par le moyen de M. d'Urville, n'ayant pas voulu agir par lui-même, qu'elle fût enterrée en cette chapelle. Si bien que nous voilà privés de ce trésor, ce qui cause une grande affliction à tous nos frères de Coutances, et à tous nos amis, tant de cette ville-là que de celle-ci. Mme de Saint-Simon et Mme de Malherbe, jadis Mlle de Pleimaret, ont fait tout ce qu'elles ont pu à cette occasion, mais en vain. M. le Grand-Prévot s'offrit même pour faire prendre le saint corps par ses gens et le faire porter dans notre église: mais nous le remerçiâmes, craignant de faire du bruit. Cette même raison nous a empêchés de prendre le coeur qu'il nous était très facile d'avoir, de quoi nous sommes maintenant très fâchés. Mais c'est Dieu qui en a ainsi disposé, pour des raisons que nous ne connaissons pas.
Depuis trois mois, cette mort était figurée et prédite en plusieurs manières. Elle est décédée
dans une grande paix intérieure et extérieure, sans aucun trouble intérieur, sans aucun effort ni
violence extérieure.
La maladie dont elle est morte n'a duré que vingt heures, durant lesquelles elle a eu, presque
jusqu'à la fin, l'usage de son esprit. Durant ce temps, elle a peu parlé, ne disant autre chose que oui, non ou ainsi-soit-il, aux choses dont-on lui parlait, et le saint nom de Jésus qui sortait quasi continuellement de sa bouche. Elle a reçu tous les sacrements, et nos frères de Coutances et moi ne l'avons point quittée durant ces dernières vingt-quatre heures, et tous étaient présents à sa mort, autour de son lit, la chambre étant pleine de monde.
Je n'ai pas oublié, mon très cher frère, de vous bien recommander à elle, avant sa mort,
comme aussi tous nos autres frères, et elle m'a bien assuré qu'elle aura soin de vous et ne vous délaissera point. Je l'ai confessée trois fois en ses derniers huit jours, et ai recherché et examiné soigneusement sa vie, mais je puis assurer avec vérité que je n'ai pas trouvé le moindre péché vénieldans une vie de soixante-sept ans. Il ne faut pas laisser néanmoins de faire pour elle les prières ordinaires, selon l'ordre de l'Église. On a récité chez nous tout l'Office des morts et chanté trois messes, à savoir: du Saint-Esprit, de Beata et de Reguiem. Nous ferons ici tout de même; je vous prie d'en faire autant. Outre cela, il nous faut dire, en chacune de nos maisons, soixante-sept messes pour les fins suivantes, à savoir: à l'honneur de tous les desseins de Dieu sur la Soeur Marie, et de tout ce qu'il est en elle; en actions de grâces de toutes les faveurs qu'il lui a faites et qu'il nous a faites par elle; en satisfaction et réparation de tous les manquements que nous avons commis à ce sujet; pour l'accomplissement de toutes les volontés de Dieu en cet ouvrage; 5. pour demander à sa divine Majesté qu'il nous donne part à son esprit, qui est un esprit de haine extrême contre le péché, d'amour très pur vers Dieu, de dégagement entier de soi-même et de toutes choses, de soumission totale à la très adorable volonté de Dieu, ...
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