SpeakerBonjour à tous, vous êtes sur le podcast FAIM, le podcast qui décrypte les aliments de vos assiettes. Aujourd'hui, pour ce sixième épisode, on parle d'un grain sacré qui a fait le tour de la planète. Si je vous dis popcorn ou thon mayonnaise pour ma part, à quoi vous pensez ? Vous êtes censés penser au maïs, mais c'était pas super clair. Bref, aujourd'hui... Petite introduction, on va faire le tour de ce grain sacré qui a une culture planétaire et qui est absolument partout aujourd'hui. Aux origines, domestication, culture indigène et grains sacrés. Le maïs est, comme toujours, originaire d'Amérique latine. Il est né de la domestication d'une herbe sauvage qui est appelée théosante par les peuples autochtones du Mexique. Grâce à des vestiges archéologiques, on sait que cette domestication a débuté il y a environ 9000 ans dans la vallée du Rio Balsas, à l'ouest du Mexique, où pousse encore la théocynte sauvage. Je suis désolée, je dis théocynte alors que c'est théosinte, parce qu'il y a un seul S. Bref. La théocynte sauvage, c'est une mauvaise herbe à la base, qui peut provoquer jusqu'à 50% de perte de rendement. Alors comment on est passé de ça à une plante ultra nourricière ? Au fil des millénaires, les agriculteurs amérindiens ont transformé cette plante aux petits épis durs, en la céréale aux gros épis bien fournis que nous connaissons aujourd'hui. Il a été question d'un processus de sélection des grains plus gros, tendres et nutritifs. Cette évolution, patiente, a donné naissance à une incroyable diversité de variétés de maïs. Rien qu'au Mexique, on en dénombre plus de 1200 variétés locales classées en 60 races. Ces premières communautés ont aussi innové dans les techniques de préparation. Elles ont inventé la nixtamalisation, et j'ai reposté quelque chose à ce propos, c'est un post d'histoire food, qui est donc un procédé qui consiste à tremper slash tuer le maïs dans de l'eau alcaline, soit de la chaux, soit de la cendre. Cette pratique augmente la tenue en calcium et libère la niacine, qui est donc la vitamine B3, du grain, rendant le maïs beaucoup plus nutritif. C'est grâce à cette invention que le maïs a pu devenir la base de l'alimentation en Méso-Amérique, sans provoquer de carences. Là où à l'inverse, son absence en Europe causera de sérieux problèmes de santé, comme on le verra un peu plus loin. Le maïs était au cœur des civilisations amérindiennes sur le plan agricole et spirituel. Chez les Mayas, ou les de nombreux peuples autochtones, il était considéré comme une plante sacrée, et même à l'origine de l'humanité. Dans le Popol Vuh, le livre des Mayas quichés, on raconte comment les dieux ont créé les premiers êtres humains à partir de pâtes de maïs après deux essais ratés avec de la boue puis du bois. La chair et le sang des hommes étaient faits de maïs également, ce qui inscrit cette plante au cœur de la cosmogonie maya. De même, les aztèques en avaient fait leur aliment de base et l'avaient personnifié à travers plusieurs divinités représentant les étapes de croissance du maïs. Le maïs était littéralement vénéré. On retrouve des lieux du maïs dans tout le continent, des hommes de maïs des légendes mayas jusqu'au mythe de la corn mother chez certains peuples amérindiens d'Amérique du Nord. En plus du rôle mythologique, Le maïs s'intégrait à des rituels importants, par exemple les fêtes de sommeil et des récoltes, les offrandes, etc. Et avec les haricots et les courges, il formait le trio agricole des trois sœurs, garant de la sécurité alimentaire chez de nombreuses tribus nord-américaines. Sur le plan pratique, le maïs n'est cependant devenu progressivement un aliment central des régimes qu'après plusieurs millénaires de culture. Pendant longtemps, il restait un aliment parmi d'autres. jusqu'à ce qu'il prenne le statut de féculent de base en Méso-Amérique grâce à des rendements et à la nixtamilisation qui le rend hautement nutritif. Le maïs à la conquête du monde, colonisation et échange. En 1492, Christophe Colomb, encore lui, et ses hommes découvrent le maïs à Cluba et en consomment pour la première fois. Il fait sa deuxième expédition en 1493, si on peut appeler ça comme ça. Colón rapporte des épis de maïs à Haïti puis en Europe. Le maïs, cultivé à l'époque du Rio de la Plata en Argentine jusqu'au Saint-Laurent au Canada, bat franchir l'Atlantique et connaît une diffusion fulgurante. En moins de 200 ans, il sera présent sur tous les continents. Ce qui est quand même énorme quand on sait qu'il avait fallu des millénaires pour se répandre du Mexique à l'ensemble des Amériques. En Europe, le maïs est introduit dans les années 1490. Les premiers grains, d'origine caribéenne, sont plantés dans le sud de l'Espagne, puis diffusés autour de la Méditerranée. On signale des plants de maïs en Andalousie jusqu'en Italie en quelques décennies. Des fresques à Rome représentent du maïs dès 1517. Parallèlement, les explorateurs français rapportent des variétés de maïs depuis le Canada, qui seront introduites en France, plus précisément à Bayonne dès 1523, et en Europe du Nord. Ce double apport, donc variété tropicale via l'Espagne et variété plurinordique via la France, permet au maïs de s'adapter à divers climats européens. Au XVIe siècle, le maïs est cultivé un peu partout en Europe. En 1539, un botaniste allemand note qu'on en trouve dans à peu près tous les jardins. S'il reste secondaire face au blé, certaines régions en font un aliment de base. Dans le sud-ouest de la France, on répare la bouillie de maïs, le gode. En Italie, on invente la polenta, vers 1570. Et au XVIIIe siècle, le maïs devient la nourriture de base des pays des Balkans et de Roumanie, ou la mamaliga, c'est une sorte de polenta. devient le plat national. En 1670, le philosophe John Locke observe que dans le sud de la France, le maïs est devenu la nourriture des pauvres en remplacement du blé et de l'orge. Cependant, un grave écueil apparaît en Europe. En important la plante, les colons n'ont pas importé les savoir-faire qui allaient avec, comme toujours bande de couillons. Ignorant la nixtamalisation, les paysans européens qui se nourrissent quasi exclusivement de maïs, notamment en Italie, du Nord et en France, souffrent rapidement de carences en vitamine B3, entraînant une maladie redoutable appelée le pélagre. Au XVIIIe et XIXe siècle, des dizaines de milliers de paysans européens tombent malades ou meurent du pélagre après avoir adopté le maïs sans complément ni préparation adéquate. Cet épisode illustre comment l'oubli des savoir-faire autochtones, ici la préparation à caïdine du maïs, a coûté cher aux Européens. Un rappel que la colonisation ne transporte pas seulement des denrées, mais aussi souvent une vision incomplète de celle-ci. Si l'Europe a rapidement intégré le maïs, principalement pour l'alimentation animale ou comme pain du pauvre, c'est en Outre-mer que la plante a eu des impacts les plus profonds pendant la colonisation. Les empires maritimes ibériques ont joué un rôle clé. Les Portugais et les Espagnols embarquent du maïs dans leurs navires pour nourrir les équipages et les captifs, et le Seine dans leurs asciels. Dès le tout début du XVIe siècle, Les colons portugais introduisent des épis de maïs depuis le Brésil vers les côtes de l'Afrique de l'Ouest. Le maïs est établi dans les possessions portugaises du golfe de Guinée, notamment aux îles du Cap Vert dès 1490 et à Sao Tomé où il est attesté en 1534. Sur ces îles, il sert de nourriture abondante et bon marché pour les esclaves en transit avant la traversée de l'Atlantique. De là, le maïs gagne le continent africain. Il est cultivé en Angola vers 1570, se répand en Afrique de l'Ouest et au Maghreb, et atteint même la vallée du Nil pour apparaître en Éthiopie dès 1623. En Afrique australe, les colons néerlandais l'adoptent au Capte à partir de 1652, et progressivement, le maïs deviendra, au XXe siècle, la plante vivrière dominante d'une grande partie de l'Afrique australe. Ainsi, en quelques siècles, Le maïs s'est intégré au système agricole africain, supplantant parfois des céréales locales comme le sorgho ou le mille, du fait de ses rendements élevés. Les effets de cette introduction du maïs en Afrique et en Asie sont ambivalents. D'un côté, le maïs accompagné du manioc et de l'arachide a offert de nouvelles ressources vivrières, favorisant une croissance démographique. En Chine, par exemple, l'historien Alfred Crosby estime que la culture du maïs introduite au XVIIe et XVIIIe siècles, a contribué à augmenter la population de 19% entre 1770 et 1900. Ça fait environ 66 millions d'habitants. Le maïs, avec la pomme de terre et la patate douce, a permis la colonisation agricole des collines autrefois impropres au riz, triplant les surfaces cultivées en Chine entre 1700 et 1850. Toutefois, cela a entraîné de graves problèmes écologiques. Érosion de sol, inondation des réserves en contrebas, Et j'en passe. Au point que les autorisés du Zhejiang tentèrent d'interdire le maïs sur les collines en 1802, puis en 1824, sans succès face aux paysans qui n'avaient pas d'autres ressources alimentaires. En Afrique, l'historiographie suggère un impact tout aussi majeur. Plusieurs chercheurs émettent l'hypothèse que l'adoption du maïs et d'autres plantes américaines a accru la population au point de faciliter la traite esclavagiste. En effet, Avec davantage de production alimentaire, les élites auraient pu vendre un plus grand nombre de captifs aux négriers européens sans craindre une pénurie chez eux. Une étude a même chiffré que la culture du maïs aurait contribué à 22% de la croissance démographique de l'Afrique entre 1500 et 1900, et indirectement à environ 6% de la traite transatlantique des esclaves de cette période. Ce paradoxe, qui est donc un aliment censé nourrir des peuples utilisés pour en exploiter davantage, illustre la phase sombre de, soi-disant, l'échange colombien. On sait que ce n'est pas un échange. puisque ça va que dans un seul sens. Et ça sert qu'à une seule partie de la population. Le maïs, enrichissant potentiellement les régimes alimentaires, a aussi été instrumentalisé comme outil de la colonisation et du, entre guillemets, commerce triangulaire. Je pense que c'est pas un bon terme, j'aimerais ne plus l'utiliser, mais je ne sais pas par quoi le remplacer. En tout cas, vous voyez ce que je veux dire. Cette diffusion expresse a été rendue possible par les routes maritimes coloniales, mais aussi par un fait qui est souvent ignoré. Les variétés de maïs amérindiennes étaient déjà très diversifiées en 1492, adaptées à des latitudes et des climats variés, puisque ça allait du Canada aux Andes. Ce qui a permis leur acclimatation rapide ailleurs. En somme, les Européens n'ont eu qu'à transférer ces variétés d'un continent à l'autre, souvent sur des latitudes similaires, profitant du long travail de sélection réalisé par les peuples autochtones. Comme le souligne l'agronome Nicolas Romignac, c'est en grande partie au lent travail de sélection des Amérindiens que les sociétés de l'Ancien Monde doivent une part de leur histoire moderne. Fin de la citation. Sans les connaissances agronomiques des peuples autochtones accumulées sur le maïs, la révolution agricole de l'Europe ou l'essor démographique de l'Asie n'auraient sans doute pas été les mêmes. Un monde de maïs, production industrielle, politique et OGM. Aujourd'hui, le maïs est l'une des cultures les plus importantes à l'échelle mondiale, tant en superficie qu'en volume. Chaque année, il s'en produit plus de 1,1 milliard de tonnes à l'échelle de la planète, ce qui en fait la céréale au plus fort tonnage devant le riz et le blé. En termes de surface cultivée, le maïs occupe environ 202 millions d'hectares, c'est une info qui date de 2020, soit la deuxième place mondiale derrière le blé. Autrefois base de l'alimentation humaine dans les peuples américains, il est désormais cultivé sur tous les continents, des plaines de l'Iowa, aux steppes d'Ukraine, des hauts plateaux du Mexique, aux savannes africaines, et constitue un véritable pilier de l'agriculture industrielle mondiale. Vous vous dites probablement qu'autant de maïs et pourtant on n'en consomme pas tant, et bien c'est parce que la majeure partie du maïs récolté aujourd'hui ne finit pas directement dans notre assiette. sous forme de torsilla ou de polenta, et quand seront deux tiers de la production mondiale du maïs, sert à l'alimentation animale, surtout dans les pays industrialisés. Le maïs est la base de l'engraissement intensif. Pour les volailles, les porcs ou encore les bovins, la plupart des animaux d'élevage sont nourris au maïs ou au soja. Dans les pays comme les Etats-Unis, cette situation est telle que les chercheurs ont pu dire de façon imagée, je cite, Nous, Nord-Américains. ressemblons à des chips de maïs sur pâte. C'est un peu vrai. Car même la viande que nous consommons est en réalité du maïs transformé, puisque les animaux sont nourris au maïs. Tout comme une foule de produits industriels dérivés du maïs. On a des sirops de maïs, l'anis en modifié, et j'en passe. Pour vous la faire courte, vous pensez peut-être ne pas consommer de maïs si souvent que ça, alors qu'il est caché dans une bonne partie de ce que nous mangeons. Ainsi, plus du tout. du quart des 45 000 produits alimentaires d'un supermarché américain contiennent du maïs d'une forme ou d'une autre. Des sodas aux nuggets de poulet, littéralement maïs sur maïs, entre le poulet nourri au maïs, la panure de maïs, l'huile de maïs pour la friture, sans parler des additifs dérivés. Ce phénomène poussé par l'abondance du maïs de bon marché a façonné les régimes modernes et pose des questions de santé publique, sur consommation de sirop de maïs, alimentation déséquilibrée, etc. Outre l'engraissement du bétail, l'autre grande débouchée du maïs est l'industrie. Une part croissante sert à produire des agrocarburants, notamment l'éthanol, utilisé comme additif aux essences. Aux Etats-Unis, premier producteur mondial de maïs, environ 40% de la récolte de maïs est aujourd'hui consacrée à la fabrication d'éthanol carburant. Cette orientation, encouragée par les politiques publiques, mandat d'incorporation de biocarburant dans l'essence depuis 2005, a suscité des controverses. En période de sécheresse ou de pénurie, les éleveurs américains dénoncent le fait qu'une énorme portion de maïs disparaisse dans les réservoirs plutôt que de servir à l'alimentation humaine ou animale. En 2012, par exemple, face à une sécheresse historique, les producteurs de Zand ont demandé la suspension de l'obligation d'éthanol, arguant que la compétition entre carburant et fourrage faisait flamber les prix du maïs. Ce débat, nourrir ou remplir le réservoir, illustre comment le maïs est devenu un enjeu géopolitique et économique. Il ne s'agit plus seulement d'une plante vitrière, mais d'une matière première stratégique, subventionnée et échangée à l'échelle globale. Les politiques agricoles ont en effet largement façonné la production de maïs contemporaine. Aux Etats-Unis, depuis le XXe siècle, le maïs est une culture reine soutenue par des généreuses subventions fédérales, ce qui a encouragé la surproduction et la baisse des prix. Si vous voulez en savoir plus sur ces mécanismes entre pression économique et prix, je vous invite d'ailleurs à lire l'ouvrage de Nora Boisonni, Mangez les riches, qui est... explique très bien ce sujet. Pour en revenir à notre sujet, ce soutien massif a mené des excédents chroniques qui ont été écoulés via l'exportation, parfois à des prix de dumping, et via le développement de nouveaux débouchés, nourrir plus d'animaux, produire des biocarburants, inventer des nouveaux produits dérivés comme le HFCS, qui est un sirop de maïs à haute teneur en fructose pour l'industrie agroalimentaire, etc. En clair, le maïs est au cœur du modèle agro-industriel nord-américain. Des immenses monocultures mécanisées, corn belt, soutenues par l'État, intégrées à une chaîne qui va des champs de maïs jusqu'au fast-food. En Europe, le maïs occupe une place un peu moins centrale. Les climats tempérés humides favorisent traditionnellement le blé ou l'orge, mais certaines régions européennes en cultivent beaucoup. Par exemple, c'est le cas de la France, de l'Ukraine ou encore de la Hongrie. L'Europe s'est mise au maïs à partir du XVIIIe siècle pour l'alimentation animale surtout, et aujourd'hui encore, l'Union européenne produit du maïs principalement pour nourrir le bétail ou pour l'amidon industriel. Des enjeux existent également sur l'irrigation, puisque le maïs est une plante gourmande en eau, et notamment en France où son arrosage en a été suscite des tensions environnementales. Les politiques agricoles communes, PAC, ont encadré les volumes et subventionné indirectement cette culture. contribuant à faire de l'Europe un acteur du marché du maïs et ses produits dérivés comme la viande à l'hygiène mondiale. Un autre aspect crucial du maïs modem, c'est l'essor des biotechnologies et des OGM, organismes génétiquement modifiés, vous n'êtes pas sans le savoir. Le maïs a été l'une des premières plantes à avoir des variétés génétiquement modifiées, commercialisées, dès les années 1990. On a le maïs bété, qui est résistant aux insectes, ou encore du maïs tolérant aux herbicides. Aujourd'hui, le maïs transgénique est monnaie courante dans les Amériques. Aux Etats-Unis, plus de 90% du maïs cultivé est génétiquement modifié. Et pour vous donner des chiffres récents, en 2024, environ 90% des champs de maïs étaient en OGM, résistant aux herbicides. Cela signifie que la quasi-totalité du maïs américain, qu'il serve à faire du sirop, nourrir des poulets ou produire de l'éthanol, provient des variétés biotech brevetées par quelques firmes. comme Monsanto, Bayer, Dupont, etc. Il en va de même dans des pays comme le Brésil ou l'Argentine qui sont des grands producteurs où le maïs OGM a largement été adopté. A l'échelle mondiale, les surfaces de maïs OGM représentaient plus de 69 millions d'hectares en 2019. C'est la deuxième plante OGM derrière le soja, comme par hasard ce qu'on donne aux bétails. Et le continent américain regroupe plus de 85% de ces cultures transgéniques. En revanche, d'autres régions du monde sont beaucoup plus réservées. L'Union européenne, par exemple, n'autorise que quelques variétés de maïs génétiquement modifiées et de nombreux pays, comme la France, l'Allemagne, interdisent de fait la culture de maïs transgénique sur leur sol. Ce qui fait qu'en Union européenne, les OGM représentent moins de 0,1% des terres agricoles. Cette divergence de politique a provoqué des frictions commerciales, mais reflète aussi des choix de société quant au modèle agricole souhaité. Enfin bon, ça c'est sans compter les politiques économiques européennes vis-à-vis de l'agriculture. Mais c'est un autre sujet. La question des OGM de maïs est souvent analysée comme une nouvelle forme de domination économique et culturelle. Les paysans autochtones, qui ont créé des centaines de variétés sur des millénaires, se voient confrontés à des semences industrielles uniformisées, protégées par des brevets internationaux. Il y a plein de cas comme ça, où des gens locaux créent des variétés et du coup les font pousser. Et les Américains arrivent, ils passent des brevets et maintenant c'est comme si c'était à eux et c'est la galère pour tout le monde. Enfin pour tout le monde, en tout cas pour les paysans des pays. Au Mexique, berceau historique du maïs, le débat est particulièrement vif. Les paysans et militants dénoncent l'arrivée du maïs transgénique, légal ou illégal, qui pourrait contaminer des variétés natives, menaçant ainsi un patrimoine biologique et culturel unique. Le gouvernement mexicain a d'ailleurs pris de fortes mesures. Dès 1998, le Mexique avait un moratoire sur la culture de maïs génétiquement modifiée et récemment, en février 2025, une réforme constitutionnelle a été... approuvée pour interdire la plantation du maïs OGM sur tout le territoire mexicain. La nouvelle présidente, Claudia Sheinbaum, a fait inscrire le maïs natif comme élément d'identité nationale, actant qu'aucun maïs transgénique ne pourra être semé au Mexique afin de protéger les variétés indigènes et le biopatrimoine du pays. Cette décision s'est prise malgré les pressions des partenaires commerciaux, puisque les Etats-Unis exportent massivement du maïs OGM vers le Mexique. et malgré un panel commercial nord-américain défavorable. Le Mexique envoie ainsi un signal fort. La souveraineté alimentaire et la préservation de la diversité génétique priment sur les intérêts des multinationales et du commerce dans le pays même où le maïs est né. C'est une démarche de décolonisation agricole pour reprendre le contrôle de la semence, de la symbolique et de l'usage d'une plante qui, après avoir été offerte au monde par les peuples indigènes, leur a parfois été... confisquée par des logiques industrielles. Du Mexique précolombien au champ de l'Iowa, du rôle d'outil de colonisation au statut de matière première mondialisée, le maïs a parcouru un chemin exceptionnel. Parti intégrant des mythes fondateurs et des rituels des premières civilisations américaines, il a ensuite été diffusé à la planète entière via la colonisation européenne, apportant avec lui des révolutions agricoles, mais aussi des nouveaux déséquilibres. Aliment miracle qui sauvait des populations de la famine, il fut aussi instrumentalisé pour exploiter ces mêmes populations, par l'esclavage ou encore la dépendance économique. Aujourd'hui, le maïs est omniprésent. Il remplit nos assiettes de façon directe ou indirecte, alimente nos animaux, nos voitures et même nos industries chimiques. Son histoire incarne les dynamiques de pouvoir, appropriation des ressources, uniformisation versus diversité, savoir-faire traditionnel face aux technologies modernes. Apprendre l'histoire du maïs, c'est aussi redonner la voix au peuple qui l'ont créé et qui continue de le faire vivre dans sa diversité. C'est rappeler que sans les agriculteurs autochtones méso-américains, le reste du monde n'aurait pas bénéficié de cette plante au mille usages. C'est aussi interroger les conséquences de la diffusion coloniale sur les sociétés qui ont adopté le maïs, qu'il s'agisse de l'essor démographique ou des dépendances alimentaires créées. Enfin, c'est mettre en lumière les combats actuels pour la souveraineté autour du maïs, de la préservation des semences créoles face aux EGM, aux revendications pour un modèle agricole plus durable et équitable. En racontant l'épopée du maïs de façon critique, on comprend que cette humble céréale est bien plus qu'une simple denrée. C'est un symbole des échanges inégaux du passé, mais aussi un terrain de lutte et d'innovation pour l'avenir. La prochaine fois que vous grignoterez du popcorn ou dégusterez une galette de maïs, Souvenez-vous que derrière ce goût se cache une histoire millénaire faite d'ingéniosité humaine, de conquête, de résistance et d'adaptation. Le maïs, grain sacré d'hier, grain mondialisé aujourd'hui, continue d'être au cœur de nos défis contemporains, en nourrissant la planète sans la servir. Et en cela, connaître son histoire nous aide à mieux cultiver notre propre regard critique du monde. Merci d'avoir écouté cet épisode. N'hésitez pas à me faire vos commentaires. Et enfin, retrouvez-moi sur Instagram, sur le compte fin-du-bas, le podcast. Bisous !