#45 Sébastien Blaquière : que disent les bières artisanales de nos terroirs ? cover
#45 Sébastien Blaquière : que disent les bières artisanales de nos terroirs ? cover
Finta! L'Aveyron par ses voix

#45 Sébastien Blaquière : que disent les bières artisanales de nos terroirs ?

#45 Sébastien Blaquière : que disent les bières artisanales de nos terroirs ?

44min |10/05/2025
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#45 Sébastien Blaquière : que disent les bières artisanales de nos terroirs ? cover
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Finta! L'Aveyron par ses voix

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Description

Juillet 1998. Tous les yeux sont braqués sur Zidane et l’équipe de France, qui vient de décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du monde. En attendant le coup d’envoi, ce dimanche 12 juillet au Stade de France, la fête est partout. Dans chaque ville, sur chaque place de village, drapée de bleu-blanc-rouge. à ce même moment, dans un petit local de Saint-Geniez, il en est un qui vit ses premiers pas de brasseur. Dans l’effervescence nationale, les tout premiers fûts de la bière d’Olt coulent dans les bars du village. La Brasserie d’Olt est née, en fanfare.


Tandis que la France ne compte alors, qu’une poignée de brasseries artisanales, Sébastien Blaquière arrive avec l’âme d’un pionnier, qu’il revendique aujourd’hui, parce qu’il se souvient avoir débroussaillé le chemin à mains nues. Vingt-sept ans plus tard, plus de vingt micro-brasseries ont fleuri en Aveyron à ses côtés.


De son flair précurseur, de la concurrence locale qu’il a longtemps attendue, de son influence japonaise qui l’a poussé à aller voir du pays pour s’imprégner d’autres cultures avant de revenir entreprendre au bercail, de la difficulté de recruter à la campagne, qui n’entache pas pour autant son attachement viscéral à son village natal : dans cet entretien, nous avons cheminé entre tous ces sujets. Et puis j’ai aussi appris que l’alcool, lui, il n’y tient pas outre-mesure, que la personnalité de Marie Talabot, figure de la cité marmotte au XIXe siècle, l’accompagne depuis l’enfance, et que les Parisiens ont été les premiers à croire en son breuvage. Bonne écoute !

 

📚 Pour aller plus loin :

-          Marie Talabot, une biographie de Louis Mercadier (éditions de Borée)


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Transcription

  • Speaker #0

    Évidemment, Christian, c'était loin d'être un amateur, c'était un buveur de bière. Et quand Christian goûtait la bière de l'Aubrac à ses débuts, il disait « non, non, non, c'est pas bon » . Il ne comprenait pas du tout ce qu'il buvait.

  • Speaker #1

    Explorer les basculements d'une époque, sentir frémir des énergies, voir les ruralités se transformer avec celles et ceux qui les provoquent, les repensent et les bousculent. Finta. C'est le podcast qui nourrit des esprits, des envies d'agir et des espoirs très concrets à l'échelle locale. Finta donne à entendre l'Aveyron à travers celles et ceux qui ont choisi d'habiter, ici et maintenant, de s'engager, aujourd'hui pour demain. Je suis Lola Cross et j'arpente ce bout de campagne depuis dix ans comme journaliste. Avec Finta, je vous invite à croiser des regards, à Finter de plus près. Et ça commence tout de suite. Juillet 1998, tous les yeux sont braqués sur Zidane et l'équipe de France qui vient de décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du Monde. En attendant le coup d'envoi, ce dimanche 12 juillet au Stade de France, la fête est déjà partout, dans chaque ville, sur chaque place de village drapée de bleu, blanc, rouge. À ce même moment, dans un petit local de Saint-Genies, il en est un qui vit ses premiers pas de brasseur. Dans l'effervescence nationale, les tout premiers fûts de la bière d'Holte coulent déjà dans les bars du village. La brasserie d'Olt est née en fanfare. Tandis que la France ne compte alors qu'une poignée de brasseries artisanales, Sébastien Blaquer arrive avec l'âme d'un pionnier, qu'il revendique aujourd'hui, parce qu'il se souvient d'avoir débroussaillé le chemin à main nue. 27 ans plus tard, plus de 20 microbrasseries ont fleuri, en Aveyron, à ses côtés. De son clair précurseur, de la concurrence locale qu'il a longtemps attendue, de son influence japonaise qu'il a poussée à aller voir du pays pour s'imprégner d'autres cultures. Avant de revenir entreprendre Robert Caille, de la difficulté de recruter à la campagne, qui n'entache pas pour autant son attachement viscéral à son village natal, dans cet entretien, nous avons cheminé entre tous ces sujets. Et puis j'ai aussi appris que l'alcool, lui, il n'y tient pas outre mesure, que la personnalité de Marie Talabot, véritable figure de la cité marmotte au XIXe siècle, l'accompagne depuis l'enfance, et que les Parisiens ont été les premiers à croire en son breuvage.

  • Speaker #0

    Alors j'ai choisi de te recevoir à Saint-Geniez d'Olt, où je suis né. Non seulement je suis natif, mais en plus je suis le dernier à être né à Saint-Geniez d'Olt. Mais j'ai la chance d'être né à l'hospice, en face de la mairie de Saint-Geniez. Ma mère y travaillait et elle avait la volonté d'accoucher pour son deuxième enfant à Saint-Geniez. 4 octobre 1972, c'est l'année de l'ouverture de la maternité à l'hôpital, mais qui n'a jamais reçu personne pour avoir... Attends,

  • Speaker #1

    ça veut dire que la maternité, elle n'a jamais été en activité ?

  • Speaker #0

    Jamais été en activité, et depuis, il n'y a pas eu de naissance à Saint-Geniez par accident ou autre. Je suis vraiment le dernier du dernier du dernier à vérifier sur les registres. à la mairie, bien entendu, mais c'est bien moi. J'ai un souvenir de Jeanine Marcillac, qui était secrétaire de mairie, qui chaque fois me voyait, me disait « Sébastien, viens, toi tu es le dernier à être né à Saint-Geniez, tu as un privilège, tu passes devant les autres. »

  • Speaker #1

    D'accord, ça marche encore,

  • Speaker #0

    le privilège ? Ça ne marche plus, non, ça ne marche plus.

  • Speaker #1

    Et dans quelle famille tu as grandi ? Tu viens d'aborder ta maman ?

  • Speaker #0

    Ma maman, agent hospitalier, faisait le ménage. À l'hôpital de Saint-Geniès, mon père cuisinait, était aux cuisines. Mon père partait au travail à 5h du mat', ma mère à 5h30. Donc très seul, livré à moi-même.

  • Speaker #1

    Tu n'avais pas de frères et sœurs ?

  • Speaker #0

    Si, mais une sœur aînée qui était avec nous, et une petite sœur qui est venue plus tard, lorsque j'avais 9 ans.

  • Speaker #1

    Quels sont tes souvenirs d'enfants à Saint-Geniès alors ?

  • Speaker #0

    De très bons souvenirs, parce qu'on se régalait, on a la chance d'avoir un patrimoine architectural incroyable. Donc j'ai très tôt été intéressé par cet univers-là, cette architecture-là, son histoire. On faisait visiter le village tous les saisonniers, ceux qui venaient passer les vacances, les parisiens également. On jouait dans ces murs, on montait au clocher de l'église. On a le lot aussi qui traverse. Et puis également une particularité avec Madame Talabot, le monument de Talabot, qui très tôt m'a amené, m'a enseigné plusieurs choses. déjà la première... Cette histoire sur le parcours et la volonté de vouloir faire venir le train dans Saint-Geniez pour un développement économique et une incompréhension de la population, ça je me retrouve beaucoup dans cette valeur-là. Une dominante féminine, puisque Madame Talabot, son mausolée, est au-dessus de Saint-Geniesse, domine la ville de Saint-Geniesse, donc la femme a une importance, je pense, dans mon parcours. Et cette capacité d'aller de l'avant et de mener à bien des projets pour un territoire.

  • Speaker #1

    Tu peux en dire un mot de Mme Talabot ? C'est vrai que je n'ai pas révisé, je n'ai pas repris mes fiches, mais est-ce que tu as l'impression que Mme Talabot a eu cette importance-là pour tout Saint-Geniesse ou c'est toi qui t'es raccroché individuellement à son histoire ?

  • Speaker #0

    Je pense que je ne suis pas le seul à me mettre rapproché de cette histoire. Peut-être qu'on est moins nombreux à avoir conscience de cela, c'est probable, mais je pense qu'elle influence Saint-Genias, oui.

  • Speaker #1

    Et en quoi ?

  • Speaker #0

    Déjà, le fait d'avoir une conviction, de se dire qu'il faut à Saint-Geniez faire venir le train pour avoir un développement économique. Donc vraiment d'avoir cette volonté et de se battre pour arriver à faire envers contre tout, puisque la population l'a banni. Donc, finalement, il n'y a pas eu de gare, mais il y a eu une pirouette en disant, écoutez, de mon vivant, vous m'avez dominé, à ma mort, je vous dominerai. Et du coup, elle a racheté le terrain sur lequel était le château de Saint-Genies pour faire ce mausolée qui domine la ville. Donc, il y a une certaine revanche. Mais là où c'est intéressant, c'est que c'est une revanche que l'on applique avec son intelligence et son produit. Ça, c'est très important. activité économique dans laquelle je suis, je me suis toujours battu avec mes produits. J'ai eu cet enseignement-là, je pense, par la présence et l'histoire de Mme Talabot.

  • Speaker #1

    Peut-être pour finir avec elle, d'où elle a tenu sa conviction, d'après toi ?

  • Speaker #0

    Native de Saint-Genies, c'est le berceau.

  • Speaker #1

    C'est ça qui a nourri tout...

  • Speaker #0

    C'est évident.

  • Speaker #1

    Et tous les hommes natifs de Saint-Geniez qui l'ont méprisé alors, qu'est-ce qu'ils ont raté, eux ?

  • Speaker #0

    C'était une autre époque. C'est sûr, mais je pense que ce qu'ils ont raté, c'est qu'ils voyaient probablement pas plus loin que leur but. Je crois que la force d'un entrepreneur, c'est aussi de savoir se projeter, de tout homme qui mène à bien un projet et de s'imaginer comment on sera dans les années à venir, comment sera notre entreprise, où on va. Et c'est cet exercice-là qui fait qu'on va prendre les décisions en fonction de la stratégie qu'on se... qu'on s'impose.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu en es parti de Saint-Geniez pour mieux revenir, toi ?

  • Speaker #0

    Parti, oui. En fait, je suis allé un petit peu sur Toulouse. Je suis également allé sur Paris, où j'ai travaillé pour des grossistes, durant trois ans, juste avant le projet de la brasserie, de 1995 à 1998. J'ai toujours su que je me réaliserais à Saint-Geniez. J'ai toujours su que je reviendrais à Saint-Geniez et j'avais besoin de partir pour découvrir le monde et confirmer cette intuition-là. Vraiment. Un peu à l'image des Japonais. Les Japonais, le peuple japonais a dû partir pour s'imprégner de ce qui se faisait dans le monde avec la volonté, c'est vraiment la volonté de revenir. Donc parfois ils sont partis sur une, deux ou trois générations, mais ils reviennent toujours, toujours au Japon.

  • Speaker #1

    Tu avais des modèles autour de toi qui ont suivi ce chemin-là, de partir pour revenir ?

  • Speaker #0

    Non, c'était vraiment une intuition. Vraiment. Non, non, j'avais vraiment... On n'en parlait pas à l'époque. Tout le monde partait. Toulouse, Montpellier, Paris. Sur 30 élèves... De l'école Sainte-Marie où j'étais, il doit y en avoir trois sur Saint-Geniez. Mais tout le monde partait, c'était le schéma classique.

  • Speaker #1

    Et toi, tu voulais d'abord être infirmier ?

  • Speaker #0

    Ce qui s'est passé, c'est très simple. Bon, dès l'âge de 15 ans, je commençais à... à travailler. J'ai issu d'une famille populaire donc je travaillais toutes les vacances scolaires. On a quand même deux univers dans lequel on est relativement bien présenté en Aveyron, qui sont d'une part la restauration et d'autre part le milieu médical. Tout simplement parce que je pense qu'on s'intéresse à l'autre, on s'intéresse aux gens. Et au-delà de l'intérêt qu'on peut leur porter, on veut vraiment leur faciliter la vie.

  • Speaker #1

    Donc tu avais entamé des études ?

  • Speaker #0

    J'ai entamé des études. J'ai surtout passé des concours pour être infirmier. J'ai été reçu à plusieurs endroits, mais j'ai dit non, non, il ne faut pas, ce n'est pas là. Je sentais que j'avais autre chose. Donc comme j'avais une sensibilité artistique, je suis parti au Beaux-Arts à Toulouse. Ce que je faisais, ça ne leur a pas trop plu, on trouvait ça un peu particulier. Je leur ai dit tout bêtement, mais écoutez, j'ai envie d'apprendre, j'ai cette sensibilité-là, et je suis là pour apprendre, donc emprenez-moi. Et ça n'a pas marché du tout. Donc j'ai rebondi, j'ai fait Histoire, Histoire de l'art, Archéologie au Mirail, et livrer à moi-même en fac, ce n'était pas une... une bonne idée mais ça m'a permis de découvrir la bière et j'ai découvert ouais j'ai découvert une bière qui s'appelle la Saint Feuillain, une bière belge et là ça a vraiment été une révélation j'ai dit mais c'est ça quoi il faut vraiment faire de la bière en Aveyron, il faut faire découvrir l'Aveyron à ceux qui aiment la bière et la bière à ceux qui aiment l'Aveyron parce qu'on avait une boisson qui était goûteuse avec du goût Ce n'était pas cher et copieux, puisque 33 centilitres. Je n'étais pas un gros, gros buveur. Je n'avais pas la carrière pour boire des quantités. Eh bien, je prenais le temps d'apprécier ce produit. Et là, ça a vraiment été une révélation.

  • Speaker #1

    Parce que tu découvres que tu as un bon palais, déjà, pour décortiquer le goût de la bière que tu as en bouche.

  • Speaker #0

    Alors, sur le palais, oui, c'est vrai, tu as raison. Parce qu'en fait, l'origine, vraiment, c'est... 15 ans, à l'âge de 15-16 ans. Je sors dans les bars de Saint-Geniez avec mes copains de l'époque, qui eux ont plus d'argent que moi pour consommer et sortir. Moi, j'ai misérablement 50 francs, alors qu'ils ont 2 ou 300 francs. Ils boivent beaucoup de bière, ils boivent beaucoup de Ricard. Moi, je n'aime pas. J'ai pas d'accroche avec un palais, en effet, un peu plus sensible, mais aussi... que mes copains de l'époque, d'ailleurs chez moi, ils avaient tendance à dire « Oh là là, Sébastien, il est délicat, sous-entendu, il ne mange rien, non ? » Je pense que j'avais en effet ce palais un peu différent qui m'a amené à aller chercher, avec un esprit de curiosité également, des produits un peu plus élaborés. Et tout ça m'a amené, oui, à me dire « Bon, il faut fabriquer de la bière, quoi. » C'est une évidence, c'est évident.

  • Speaker #1

    Parce que les Aveyronais nous...

  • Speaker #0

    Vous ne connaissez pas ? Non, j'ai des clients qui écrivaient bière avec deux R, BIE, deux R, E, bière de l'Aveyron, lorsqu'ils l'avaient référencée dans leur établissement. Quand je leur disais, vous avez des bières de spécialité ? Ah oui, ils me disaient, oui, on a la Desperados, qui est un très bon produit, bien entendu, mais qui n'est pas du tout une bière de spécialité. Et lorsque j'arrivais à les convaincre, ils me disaient toujours, bon, mais... Donnez-moi des échantillons et je la ferai goûter à Christian. C'est un amateur, il boit 30 bières par jour. Alors évidemment, Christian, c'était loin d'être un amateur, c'était un buveur de bières. Et quand Christian goûtait la bière de l'Aubrac à ses débuts, il disait non, non, non, c'est pas bon. Il ne comprenait pas du tout ce qu'il buvait, bien entendu. Donc du coup, assez rapidement, je me suis tourné vers Paris, où j'avais encore pas mal de contacts. Et j'ai démarché. Et je montais en camion pour livrer Paris directement de l'Aveyron. Pour la petite histoire, j'avais comme budget de quoi monter à Paris par la nationale. Je ne prenais pas l'autoroute, je ne pouvais pas me payer le péage. Et quand j'arrivais, je repartais, au retour, je prenais le péage parce que j'avais récupéré, en vendant ma bière, un peu d'argent.

  • Speaker #1

    Donc la Brasserie d'Holte, tu l'as créée en 1998. Et là, quand tu parles de tes premiers voyages à Paris, c'est immédiat, c'est dans les premiers mois ?

  • Speaker #0

    Non, non, c'est 2001, 2000, 2001, deux, trois ans après.

  • Speaker #1

    Quelles ont été les premières étapes alors de la création ?

  • Speaker #0

    Les premières étapes, j'ai ouvert la brasserie officiellement le 10 juillet 1998. Le vendredi soir, après avoir mis en bouteille à la main et étiqueté avec de la colle à tapisserie et marqué des numéros de l'eau au stylo, je suis... Passer dans tous les bars de Saint-Genies pour prendre les commandes. Tout le monde a joué le jeu, tout le monde m'a commandé. J'ai livré le samedi. Le dimanche, il y avait la coupe du monde, la finale de la coupe du monde. Le dimanche soir, j'ai pu relivrer certains. Le lundi, je n'avais déjà plus rien. Donc la première amenée, ça a été vraiment quelque chose d'extraordinaire. Après, il a fallu fabriquer. Évidemment, trois semaines pour fabriquer de la bière. Donc disponible du coup. que début août, donc on a loupé le mois de juillet. Et puis j'ai profité de l'hiver pour remettre à jour le stock. Et petit à petit, j'ai su m'encadrer et faire évoluer à la fois mon outil de production, mais aussi mon équipe.

  • Speaker #1

    Vous étiez combien au début ? Seul, tout seul. Et quel a été l'accueil des Aveyronés dans les premières années ?

  • Speaker #0

    Plutôt bien. Les gens étaient curieux. Beaucoup n'y croyaient pas, bien entendu. Je pense que j'étais un peu seul, c'est évident. Mais je pense que c'est par mes connaissances marché. d'un potentiel et puis de mes capacités peut-être d'entrepreneur. Mais c'est vrai qu'on a eu dix ans d'avance, vraiment. Pour combler, au lieu d'attendre que le territoire soit prêt à me recevoir, je suis allé là où le territoire était déjà prêt pour me recevoir.

  • Speaker #1

    Donc Paris.

  • Speaker #0

    Paris.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'elle a de particulier, ta bière, aujourd'hui, après 25 ans ?

  • Speaker #0

    Alors... Ce qui est très représentatif des bières que nous fabriquons, c'est cette harmonie entre l'image que l'on véhicule et le produit que l'on a à l'intérieur. J'ai toujours été convaincu que l'on pouvait faire de la quantité et de la qualité. J'ai toujours pensé qu'on ne pouvait pas dénigrer la qualité d'un produit pour en faire de la quantité. Nous aujourd'hui... On est vraiment sur cette démarche-là. Et finalement, les recettes, par rapport au début, elles n'ont quasiment pas changé. En tout cas, au niveau des intrants et tout, c'est toujours la même chose. Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Les brasseries artisanales n'existaient pas. Le matériel n'existait pas. J'ai dû fabriquer du matériel pour pouvoir élaborer une bière. Donc, c'était vraiment la genèse de cet univers-là. Aujourd'hui, on a des outils qui permettent de faire ce que l'on veut, comme on veut, sans échouer du tout, avec une garantie d'avoir 100%. Donc, il faut bien définir l'image et l'essence du produit que l'on veut avoir pour donner à nos consommateurs. Dans la continuité, le consommateur que l'on a, il est identitaire à ce que nous sommes et ce que nous pensons. Ça, c'est incroyable. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on a la clientèle qui correspond à notre philosophie. Voilà, ça c'est... Au niveau du territoire aussi, en Aveyron, on attire une clientèle touristique qui s'intéresse à la randonnée, au sport de nature en général, le vélo, le cheval, le kayak, parce qu'on a un territoire qui est prédestiné à cette clientèle-là. Donc du coup, ça matche.

  • Speaker #1

    Ils viennent d'où tes ingrédients à toi ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on travaille à la Malterie Occitane, dans le Tarn, où on a des orges français. C'est l'essentiel de notre matière première. Les houblons proviennent du nord, de l'est de la France, mais aussi d'Angleterre, des Etats-Unis, de Nouvelle-Zélande. En fait, le houblon est une plante aromatique identitaire qui va nous permettre de donner une orientation à notre bière. Et c'est ça qui est important. chez nous. Le principal, c'est le produit final. Qu'est-ce qu'on veut donner à nos consommateurs ? On va aller chercher les matières là où on considère qu'elles sont les meilleures. Si on peut avoir des matières premières locales, c'est fabuleux, c'est très bien. Mais on ne va pas utiliser des matières premières locales pour dire qu'on fabrique une bière avec des matières premières locales. Parce qu'on ne veut pas l'orienter par rapport à ça. On veut l'orienter par rapport au goût final, aux saveurs finales.

  • Speaker #1

    Ça veut dire que du houblon, aujourd'hui en France, on en trouve dans le Nord ?

  • Speaker #0

    On en trouve de plus en plus, si, si. Maintenant, on en trouve de plus en plus, parce que des coopératives se mettent à fabriquer du houblon un petit peu partout en France. Et je suis très optimiste pour les années à venir, bien entendu, où on arrivera à trouver l'essentiel des variétés qu'aujourd'hui on importe sur le territoire français.

  • Speaker #1

    Et puis, il y a cette eau de l'Aubrac, toujours ?

  • Speaker #0

    Toujours. 98% d'eau dans la bière, ça rassure en général. Je dis ça lors des visites de la brasserie que j'organise l'été. 98% d'eau, c'est l'eau du réseau de Saint-Genies. Le réseau de Saint-Genies est alimenté en partie par les monts de l'eau braque. Mais l'eau, c'est l'identité. de la bière. C'est vraiment la matière première qui va avoir un impact sur le produit final. Donc cette eau est filtrée, elle est optimisée pour la production de la bière, on va la déclorer et on va la prendre en part entière comme un ingrédient principal de nos recettes. On utilise 8 litres d'eau pour la production d'un litre de bière. Alors chez nous, c'est un petit peu moins, on est autour des 6 litres. C'est le volume que l'on utilise pour fabriquer un litre de bière.

  • Speaker #1

    Donc tu es le plus gros consommateur d'eau de Saint-Geniesse a priori ?

  • Speaker #0

    Je pense que oui.

  • Speaker #1

    C'est donc toi. Un point sur les chiffres, avant de te rencontrer, j'ai regardé un peu ce que représente le marché de la bière en France, qui a complètement explosé, c'est ce que tu disais ces 20 dernières années. Juste à titre comparatif, en 2006 on comptait 250 brasseries en France. On en compte aujourd'hui 10 fois plus. On est à peu près à 2500 en 2024, dont 90% de micro-brasseries. La France est le 8e producteur mondial de bière, mais le dernier consommateur d'Europe avec 33 litres par an et par habitant. Ce sont les moyennes relevées par le syndicat des brasseurs. Et ce qui est intéressant, c'est quand même que 70% des bières consommées en France sont fabriquées en France. Ce chiffre-là, il m'a quand même beaucoup surprise, peut-être naïvement. Quel regard tu portes, toi, sur toutes les microbrasseries qui fleurissent partout en France et en Aveyron, largement ? Je crois en avoir comptabilisé une vingtaine aujourd'hui en Aveyron.

  • Speaker #0

    C'est très bien, je trouve que c'est très intéressant. Il faut amener de la diversité. C'est ce qui est important. Il faut amener le consommateur dans l'univers de la bière. C'est évident. Quand j'ai commencé, 60 brasseries en France. 1998, en Belgique, il y avait 220 brasseries. C'est vrai qu'on a tous, surtout en France, comme pays de prédilection, la Belgique. Quand je montais en Belgique, j'allais dans les bars, je goûtais des bières, et puis... Merci. Je rentrais dans un bar, ils me donnaient la carte, il y avait 200, 300 bières. C'était toujours la même, quoi. Toujours les mêmes choses. Duvel, Orval, Chimay, Maritzus. On leur disait, mais... Je leur disais, mais... Vous n'avez pas de... Des nouveautés ? Vous n'avez pas des choses qui changent un peu ? qui sortent de l'ordinaire. Alors ils me répondent, avec 220 bières, c'est passé quand même. Je dis, si oui, mais qu'est-ce qu'il y a de nouveau ? Il n'y a vraiment rien de nouveau. Avec l'émergence des brassiques artisanales, on a fait... exploser les différents types de bières. Donc du coup, on a amené de la nouveauté dans un milieu vieillissant. Mais au bout d'un moment, on se rend compte que finalement, tout le monde fait un peu pareil. Si vous prenez la bière blonde de toutes nos brasseries à Véronèse, très peu vont se démarquer par quelque chose d'incroyable, de différent, si on fait vraiment abstraction du marketing. C'est ce que je trouve un peu dommage. On n'a pas réussi en France à trouver une identité française de la bière. Ça, je trouve que c'est dommage. On s'est très contenté à fabriquer des... typicités de bières, comme il en existe, les IPA, les Stout, les double IPA, on a tous ce genre de produit, mais avoir un produit identitaire, inclassable, c'est très compliqué. Nous, on en a une dans la gamme. Sur 12 bières, on n'en a qu'une qui a une identité propre et qui est inclassable. C'est celle qui n'a aucune médaille, bien entendu. puisqu'elle est inclassable. Et c'est, je pense, à mes yeux, la meilleure, parce qu'elle est inclassable. C'est la Sabetz que leu. La Sabetz que leu est une bière blonde, bien houblonnée, avec des saveurs de litchi, fruit de la passion mangue, qui proviennent des variétés de houblon que l'on utilise pour sa fabrication, et qui revendiquent un petit peu cette appartenance à un territoire. à une communauté, la communauté occitane, la langue et les valeurs que tout cela peut transmettre. C'est très réussi aussi de ce point de vue-là, en toute modestie, parce que... on a vraiment un produit qui colle à l'image et à son histoire. « Sabetz que leu » C'est une expression que me disait mon grand-père lorsque j'étais enfant, un peu turbulent. Il se pinçait le béret et il me disait « Sabe-t-ce qu'elle est ? » On ne savait pas ce que ça voulait dire, mais on savait qu'il fallait se taire. Ça veut dire que bientôt, sous-entendu, il y en a une qui va tomber. Si tu continues, tu vas t'en prendre une. Mais c'était une menace jamais mise en exécution. Et nous, la Sabetz, c'est un peu ça. C'est même complètement ça. Elle est forte, elle fait 7 degrés. On dit, attention, Mephis a té, tu vas t'en prendre une. Mais au bout de trois, en général, le consommateur s'arrête. Il est bien et tout se passe pour le mieux. Ça lui permet d'y revenir le lendemain.

  • Speaker #1

    Justement, par rapport à toutes ces microbrasseries, comment toi tu te positionnes après des années à avoir défriché le chemin ? Maintenant que vous êtes de plus en plus d'acteurs, comment toi, pionnier, tu te repositionnes sur ce paysage-là ? Il y a la sagesse de l'ancien ?

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que ça a toujours été le cas. Encore une fois, nous, on se bat avec nos convictions. qui concerne le produit, lié au produit, à notre réactivité. Et aujourd'hui, on continue à le faire. J'ai longtemps regretté de ne pas avoir de concurrent. La concurrence dans les affaires, c'est positif. C'est très positif, c'est stimulant. C'est comme l'opposition en politique. Évidemment qu'il en faut. Il faut absolument qu'on ait sur le territoire des gens qui nous amènent à ça. Je pense que j'ai toujours agi en considérant, même lorsqu'il n'y avait pas de concurrence, qu'il y avait une concurrence. C'est ce qui, je pense, fait aussi que je suis encore là, 27 ans après.

  • Speaker #1

    Tu te sens l'âme d'un pionnier ?

  • Speaker #0

    Ah oui, complètement, oui. Bien sûr. On a inventé une machine pour fabriquer de la bière. Quand j'ai rencontré Philippe Starck, que je lui ai raconté mon parcours, je lui ai expliqué qu'on soudait des coudes à 45 degrés au lieu de 4. 90 degrés, qu'on mettait des variateurs pour démarrer les pompes, on-off, de manière à ce que la pompe, elle ne fasse pas on-off bêtement, mais qu'elle démarre doucement, et qu'elle s'arrête doucement, en ayant conscience que ça a apporté quelque chose au produit le nombre de passages en pop la taille des cuves la forme des cuves si c'est une cuve verticale horizontale moi je suis convaincu de cela bien entendu et lorsqu'en 2012 on a acheté une salle à brasser on l'a achetée d'abord manuelle et on a participé à son élaboration pour qu'elle corresponde à ce que l'on voulait vraiment oui oui vraiment on a été des pionniers à 200%

  • Speaker #1

    Donc tu évoques Philippe Stark, le designer avec qui vous avez collaboré au mi-temps des années 2000 ? 2014-15 ?

  • Speaker #0

    Oui, 2015-16.

  • Speaker #1

    2015-16 plutôt. Aujourd'hui, la production de la brasserie Dolt, on est sur combien d'hectolitres par an ?

  • Speaker #0

    On fait un peu plus de 10 000 hectolitres par an.

  • Speaker #1

    Donc ça fait un million de litres.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est un million de litres.

  • Speaker #1

    Un million de litres par an ?

  • Speaker #0

    Un peu plus. Ok. Un peu plus d'un million de litres par an.

  • Speaker #1

    Donc sur une dizaine de bières différentes, et tu comptes aussi les sodas, les softs ?

  • Speaker #0

    Ah non, ça c'est uniquement la bière.

  • Speaker #1

    Que de la bière, ok. Qu'est-ce que représentent les sans-alcool dans ta production ?

  • Speaker #0

    En 2009, j'ai eu la volonté de compléter la gamme de nos bières par une gamme de limonades. Limonade aromatisée, parce que déjà à l'époque on avait conscience que l'alcool, il fallait en consommer de moins en moins. En tout cas il fallait avoir une approche différente face à sa consommation d'alcool. Et là je m'y retrouve à 200%. Comme je le disais tout à l'heure, quand j'étais jeune, je ne buvais pas d'alcool par goût. L'alcool, qu'est-ce qu'il apporte finalement dans un produit ? C'est un exhausteur de goût, bien entendu, ça donne du corps. Mais je pense qu'on peut faire beaucoup de produits sans cette molécule-là et tout aussi intéressant.

  • Speaker #1

    Et en termes de volume ?

  • Speaker #0

    De volumes qui sont de plus en plus importants. ça reste très marginal, bien entendu, dans notre gamme. de produits, mais je pense que c'est des volumes qui... Au-delà des volumes, je pense qu'on a encore beaucoup de boissons à inventer. Je pense que le défi des décennies à venir, c'est d'inventer une boisson qui va substituer le vin et la bière. C'est clair. C'est évident.

  • Speaker #1

    T'es sur les rails ?

  • Speaker #0

    pour les monter ?

  • Speaker #1

    10 ans d'avance, mais pas un siècle d'avance. Je pense aux générations futures, mais quand même.

  • Speaker #0

    Donne-leur des idées. Là encore, sur les chiffres, combien de salariés aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    14.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu te considères encore comme un fabricant artisanal ? Qu'est-ce qu'il reste d'artisanal dans une production quand elle prend ces proportions-là ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, bien sûr, plus que jamais, puisque c'est le choix des matières premières qui fait que nous allons avoir une démarche artisanale. Donc d'abord le choix de ces matières, la provenance, mais surtout leur qualité. Ça, c'est vraiment quelque chose de très, très important. La méthode de fabrication, on a un outil à échelle humaine pour augmenter la capacité. Il me suffit juste de rajouter des cuves de fermentation, de garde, tout simplement. Mais l'outil qui permet la fabrication de la bière reste le même. On va avoir une logique d'optimisation par rapport à notre activité, mais c'est une logique d'entrepreneur que je suis, qui va permettre de développer tout en maintenant cet aspect artisanal, bien entendu.

  • Speaker #0

    Ou un étude de l'export ? Je m'étais arrêté au Japon, l'Italie et la Grèce, est-ce que je dis des bêtises ?

  • Speaker #1

    Non, non, pas du tout, et Danemark, Suède et d'autres pays. Aujourd'hui, c'est évidemment terminé parce que... au niveau de la planète, a fait prendre conscience qu'il fallait travailler local. On a fait de l'export lorsque c'était l'émergence de la microbrasserie. Pour reprendre l'exemple du Japon, le Japon était un peu moins en avance que la France pour ce sujet-là. Et du coup, on a suscité l'intérêt de bières artisanales. Du coup, ils se sont tournés vers le monde entier pour voir ce qui se faisait dans le monde entier. il y avait une vraie tendance. Aujourd'hui, on le voit à l'échelle de la France, on importe, je présume, très peu de bière. Je n'ai pas les chiffres, mais je pense qu'on importe très peu de bière parce que le marché français se suffit à lui-même. Donc,

  • Speaker #0

    c'est-à-dire que vraiment, tu recentres sur ton ancrage et c'est là qu'on revient peut-être à Sainte-Geniesse. Donc, toi, tu as toujours eu à cœur de t'implanter ici et de faire vivre le tissu local. Ça veut dire aussi que toutes tes stratégies marketing et commerciales aujourd'hui se recentrent sur la France ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, elle se recentre surtout sur le produit. Je crée des univers produits et j'associe une clientèle à cet univers produit. Mon identité, elle est vraiment là. Je ne fais pas un produit qui correspond à un marché. Ça, je me l'interdis. Prenons l'exemple sur la limonade à la figue. Il n'y a pas de marché pour la limonade à la figue. Ça n'existe pas, on n'en trouve pas. Et personne ne dit, dis-donc, si on fabrique de la limonade à la figue, La figue, on va en vendre dans le monde entier. Non, je suis fanat de figue, j'adore ça, et je pensais qu'il y avait vraiment quelque chose à faire avec ce fruit-là. Et la limonade à la frigue est une de mes limonades qui fonctionne le moins, mais dont je suis le plus fier, parce qu'elle est juste parfaite. Elle a le nez de la figue, elle a le goût de la figue, elle se marie super bien en restauration, elle accompagne très bien. Quand on a une fois gras, mais pas que, et on prend beaucoup de plaisir à consommer ce produit-là. Je ne l'arrêterai jamais, jamais. C'est vraiment quelque chose dont on est fier à la brasserie, de faire des produits qui correspondent à nos convictions.

  • Speaker #0

    Et sur le fait de rester à Saint-Genest donc ?

  • Speaker #1

    Saint-Genest, c'est vraiment là où il faut être. Honnêtement, sur un produit comme le nôtre, il faut absolument être dans un univers rural. Ça, c'est très important, ça a du sens. On a la proximité de grandes villes, on a cet accès-là. Là où c'est plus embêtant, c'est séduire des profils pour venir travailler. Là, c'est là que le bas blesse. Jusqu'à maintenant, on rencontrait des jeunes qui venaient apprendre un métier, qui allaient s'investir à nos côtés, 2-3 ans. Une fois qu'ils avaient appris, ils partaient. dans leur ville ou département d'origine. Puis on a eu un creux où il y avait tellement de brasseries partout que ceux qui partaient pour découvrir un métier n'ont plus besoin de partir. Ils restaient chez eux. Donc du coup, on carence un peu. Aujourd'hui, on commence à avoir des jeunes qui cherchent vraiment des entreprises dans lesquelles ils vont pouvoir s'épanouir d'un point de vue professionnel. Et nous, on offre ça. Et on commence à séduire vraiment des profils très intéressants qui sont tournés sur l'apprentissage et comment ils peuvent se réaliser à l'intérieur d'une structure comme la mienne.

  • Speaker #0

    Tu me le disais hors micro, tu crois beaucoup à la part qu'ont à prendre les campagnes dans le redressement du pays, carrément.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Et même, je vais plus loin, parce que ce territoire... permet à des gens de se réaliser sans avoir forcément les moyens d'eux. Ça veut dire qu'on ouvre la possibilité à un plus grand nombre de s'épanouir.

  • Speaker #0

    Quels sont les freins qu'il reste à lever ?

  • Speaker #1

    Le frein en main.

  • Speaker #0

    D'abord ?

  • Speaker #1

    D'abord, celui-là, il faut le desserrer, il faut le lâcher. Le frein principal, je pense, c'est que nous ne sommes pas assez nombreux à nous réunir pour amener des solutions. On a tous les mêmes problématiques. Tous les entrepreneurs du département ont la même problématique. Il faut vraiment se réunir parce que nous avons chacun un maillon de la chaîne qui va permettre la réussite. à Laiol ils en ont un, à Millau, à Rodez, à Saint-Genies, etc. On a tous un maillon et de se réunir pour assembler les maillons et amener des solutions ferait qu'on lèverait tous les freins, bien sûr.

  • Speaker #0

    Donc ça veut dire de la coopération territoriale, entre collectivités ? Quand tu parles de réussite, est-ce que toi, ta réussite, elle passe par le toujours plus ? Est-ce que l'objectif c'est de produire ? Plus demain ou est-ce que tes réflexions vont ailleurs ?

  • Speaker #1

    Non, mes réflexions vont ailleurs depuis 2019. Nous sommes en position de stand-by. On observe un petit peu le marché. On est en augmentation tous les ans. On a clôturé au 30 septembre notre dernier exercice qui a été un exercice très compliqué, beaucoup de pluie. La vente de bière dépend beaucoup du temps. mais aussi un marasme économique dans ce secteur d'activité-là. Il faut courber les chines, continuer à structurer. C'est l'essentiel de mon activité aujourd'hui, notamment au niveau du personnel, arriver à constituer l'équipe qui va permettre de traverser le temps. C'est vrai qu'à titre personnel, je suis... convaincu encore aujourd'hui que mon avenir est devant. Je suis optimiste, non ? Moi, j'ai plutôt tendance à voir tout ce qu'on n'a pas pu faire par rapport à tout ce qui a été fait. Bien que tout ce qui a été fait, bien sûr, est très bien, très sympathique. Mais il y a beaucoup plus qui n'a pas été fait qu'aurait pu être fait.

  • Speaker #0

    Tu n'es pas si optimiste, finalement.

  • Speaker #1

    Non, c'est ça. Je n'ai qu'à vivre.

  • Speaker #0

    Donc, si je ne te demande pas quelle est ta plus grande fierté, quel est ton plus grand regret, alors ? C'est quoi que t'as pas pu faire ?

  • Speaker #1

    Je... Je ne sais pas si je peux dire ça, mais je ne regrette pas. Je ne regrette pas parce que je pense que j'ai fait ce que je devais faire au moment où je l'ai fait. Regretter, c'est se dire « j'aurais dû faire ça » . Non, je ne pense pas. Je pense que j'ai pris conscience de tout ce que je faisais. Donc je ne regrette pas. Je trouve juste dommageable que l'on n'arrive pas à mettre en place tous les éléments pour que la réussite professionnelle dans nos... que nos villages, dans nos communes à Véronèse, ne soient pas encore présentes. C'est dommage, on passe vraiment à côté, pour moi, d'un développement économique assez certain. Je suis peut-être atypique aujourd'hui parce qu'on n'est pas nombreux, mais des possibilités de faire ce que j'ai fait dans nos villages, il y en a... À défaut de dizaines, il y en a au moins cinq ou six qui pourraient être faites. Et là, je ne serais plus atypique, je serais un parmi d'autres.

  • Speaker #0

    Tu as déjà voulu faire de la politique ? Tu en as fait un peu ?

  • Speaker #1

    Non, non, non, non. Je ne peux pas dire que j'ai fait de la politique.

  • Speaker #0

    Tu as été dans un conseil mondial ?

  • Speaker #1

    Oui, mais je suis un entrepreneur. Je tiens vraiment à ça.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qu'ils peuvent apporter, les entrepreneurs, aux politiques, alors, pour le développement des villages, comme tu disais ?

  • Speaker #1

    Je pense que la... La vision des choses, le ressenti des opportunités, la gnaque, c'est... on ne lâche rien, quoi. Mais pour ça, il faut avoir une vision, il faut savoir où on va. Quand on sait où on va, c'est bien. Mais il faut avoir des convictions et aller vers ces convictions-là, s'entourer pour pouvoir mener à bien ses objectifs.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question, Sébastien, que je pose à tous les invités du podcast. C'est en quoi est-ce que tu crois ?

  • Speaker #1

    La réponse peut être un peu délicate et mal interprétée. J'espère que non, mais je crois en moi. Je suis né dans une famille catholique très pratiquante. Quand mes parents étaient au travail, j'étais chez mes grands-parents. Mon grand-père, originaire de Viorals, vivait avec sa femme, ma grand-mère, mais également avec les deux sœurs de ma grand-mère, qui n'étaient ni plus ni moins mes grandes-tantes, la tante Jeanne et la tante Thérèse, qui étaient toutes les deux des Isle of Jesus. On avait le curé tous les dimanches qui venait manger, la sœur Monique qui était au centre de soins, qui passait tous les soirs. Elle donnait quasiment tout leur argent à l'église. Et j'ai grandi dans cet univers-là. Et j'ai en tête, j'ai en mémoire la messe. J'allais à la messe tous les samedis soirs, tous les dimanches matins. Et j'ai en mémoire le curé de l'époque qui disait qu'il fallait croire en Dieu. Chez moi, ça fait un... tilt, ça a vraiment, quelque chose s'est allumé dans ma tête et je me suis dit mais pourquoi je veux croire en quelqu'un d'autre avant de croire en moi ? Et du coup, depuis ce jour-là, j'ai toujours cru en moi. C'est bizarre, c'est étonnant. Des fois dans un milieu familial qui ne croyait pas beaucoup en moi, ça n'a pas beaucoup aidé mais bon. Ça m'a peut-être permis d'être ce que je suis au jour d'aujourd'hui. Ça ne veut pas dire que j'ai toujours raison, mais que j'ai la conviction que ce que je fais, je dois le faire. La foi, ça soulève des montagnes, c'est évident. Stark disait, si on n'y croit pas, il ne faut pas le faire. C'est tellement évident. Mais oui, si on n'y croit pas, il ne faut pas le faire. Moi, j'y crois et du coup, je le fais. C'est une particularité, je pense, qui me... caractérise avec un élément que j'ai découvert il n'y a pas très longtemps, il y a quelques années, c'est l'intuition. Il s'avère que j'ai de l'intuition. Je ressens. J'ai probablement cette sensibilité-là qui me permet de ressentir les choses et de savoir s'il faut y aller ou pas. L'intuition, l'intuition, elle ne nous trompe jamais, vraiment. Tout le monde a de l'intuition, plus ou moins. Il faut savoir que ça se travaille. Je ne le travaille pas, mais tes auditeurs trouveront tous les éléments pour trouver l'intuition qu'ils ont en eux. Et il faut y croire, il faut y croire à fond, parce qu'elle ne vous amène jamais là où il ne faut pas.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Sébastien.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Finta jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu, inspiré, questionné et fait voyager, peut-être. Si tu fais partie de ceux qui apprécient le podcast et qui veulent continuer à cheminer avec moi dans les contrées avéronaises, tu peux désormais soutenir financièrement le podcast. En donnant quelques euros par mois ou en faisant un don ponctuel, tu participes à renforcer l'indépendance éditoriale de Finta et tu valorises, par la même occasion, le temps que j'y consacre chaque semaine. Figure-toi que si chaque auditeur donne un euro par mois, Finta peut vivre sans publicité Dès aujourd'hui. Le lien de la cagnotte est disponible en description de cet épisode. Et d'avance, moi, je vous dis merci. Si vous souhaitez continuer la discussion, je suis toujours curieuse de vous lire et d'échanger. Je vous propose que l'on se retrouve sur Facebook, sur Instagram ou sur le site fintapodcast.fr. Vous pouvez retrouver tous les précédents épisodes de Finta gratuitement sur les applications de podcast et pour recevoir chaque nouvel épisode directement dans votre boîte mail, Vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter. Et pour que Finta vive, si vous appréciez le podcast et que vous souhaitez soutenir ce travail indépendant, partagez-le autour de vous. Consférez-le à vos amis, parlez-en. C'est le meilleur soutien que vous puissiez nous apporter. A très bientôt.

Description

Juillet 1998. Tous les yeux sont braqués sur Zidane et l’équipe de France, qui vient de décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du monde. En attendant le coup d’envoi, ce dimanche 12 juillet au Stade de France, la fête est partout. Dans chaque ville, sur chaque place de village, drapée de bleu-blanc-rouge. à ce même moment, dans un petit local de Saint-Geniez, il en est un qui vit ses premiers pas de brasseur. Dans l’effervescence nationale, les tout premiers fûts de la bière d’Olt coulent dans les bars du village. La Brasserie d’Olt est née, en fanfare.


Tandis que la France ne compte alors, qu’une poignée de brasseries artisanales, Sébastien Blaquière arrive avec l’âme d’un pionnier, qu’il revendique aujourd’hui, parce qu’il se souvient avoir débroussaillé le chemin à mains nues. Vingt-sept ans plus tard, plus de vingt micro-brasseries ont fleuri en Aveyron à ses côtés.


De son flair précurseur, de la concurrence locale qu’il a longtemps attendue, de son influence japonaise qui l’a poussé à aller voir du pays pour s’imprégner d’autres cultures avant de revenir entreprendre au bercail, de la difficulté de recruter à la campagne, qui n’entache pas pour autant son attachement viscéral à son village natal : dans cet entretien, nous avons cheminé entre tous ces sujets. Et puis j’ai aussi appris que l’alcool, lui, il n’y tient pas outre-mesure, que la personnalité de Marie Talabot, figure de la cité marmotte au XIXe siècle, l’accompagne depuis l’enfance, et que les Parisiens ont été les premiers à croire en son breuvage. Bonne écoute !

 

📚 Pour aller plus loin :

-          Marie Talabot, une biographie de Louis Mercadier (éditions de Borée)


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Transcription

  • Speaker #0

    Évidemment, Christian, c'était loin d'être un amateur, c'était un buveur de bière. Et quand Christian goûtait la bière de l'Aubrac à ses débuts, il disait « non, non, non, c'est pas bon » . Il ne comprenait pas du tout ce qu'il buvait.

  • Speaker #1

    Explorer les basculements d'une époque, sentir frémir des énergies, voir les ruralités se transformer avec celles et ceux qui les provoquent, les repensent et les bousculent. Finta. C'est le podcast qui nourrit des esprits, des envies d'agir et des espoirs très concrets à l'échelle locale. Finta donne à entendre l'Aveyron à travers celles et ceux qui ont choisi d'habiter, ici et maintenant, de s'engager, aujourd'hui pour demain. Je suis Lola Cross et j'arpente ce bout de campagne depuis dix ans comme journaliste. Avec Finta, je vous invite à croiser des regards, à Finter de plus près. Et ça commence tout de suite. Juillet 1998, tous les yeux sont braqués sur Zidane et l'équipe de France qui vient de décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du Monde. En attendant le coup d'envoi, ce dimanche 12 juillet au Stade de France, la fête est déjà partout, dans chaque ville, sur chaque place de village drapée de bleu, blanc, rouge. À ce même moment, dans un petit local de Saint-Genies, il en est un qui vit ses premiers pas de brasseur. Dans l'effervescence nationale, les tout premiers fûts de la bière d'Holte coulent déjà dans les bars du village. La brasserie d'Olt est née en fanfare. Tandis que la France ne compte alors qu'une poignée de brasseries artisanales, Sébastien Blaquer arrive avec l'âme d'un pionnier, qu'il revendique aujourd'hui, parce qu'il se souvient d'avoir débroussaillé le chemin à main nue. 27 ans plus tard, plus de 20 microbrasseries ont fleuri, en Aveyron, à ses côtés. De son clair précurseur, de la concurrence locale qu'il a longtemps attendue, de son influence japonaise qu'il a poussée à aller voir du pays pour s'imprégner d'autres cultures. Avant de revenir entreprendre Robert Caille, de la difficulté de recruter à la campagne, qui n'entache pas pour autant son attachement viscéral à son village natal, dans cet entretien, nous avons cheminé entre tous ces sujets. Et puis j'ai aussi appris que l'alcool, lui, il n'y tient pas outre mesure, que la personnalité de Marie Talabot, véritable figure de la cité marmotte au XIXe siècle, l'accompagne depuis l'enfance, et que les Parisiens ont été les premiers à croire en son breuvage.

  • Speaker #0

    Alors j'ai choisi de te recevoir à Saint-Geniez d'Olt, où je suis né. Non seulement je suis natif, mais en plus je suis le dernier à être né à Saint-Geniez d'Olt. Mais j'ai la chance d'être né à l'hospice, en face de la mairie de Saint-Geniez. Ma mère y travaillait et elle avait la volonté d'accoucher pour son deuxième enfant à Saint-Geniez. 4 octobre 1972, c'est l'année de l'ouverture de la maternité à l'hôpital, mais qui n'a jamais reçu personne pour avoir... Attends,

  • Speaker #1

    ça veut dire que la maternité, elle n'a jamais été en activité ?

  • Speaker #0

    Jamais été en activité, et depuis, il n'y a pas eu de naissance à Saint-Geniez par accident ou autre. Je suis vraiment le dernier du dernier du dernier à vérifier sur les registres. à la mairie, bien entendu, mais c'est bien moi. J'ai un souvenir de Jeanine Marcillac, qui était secrétaire de mairie, qui chaque fois me voyait, me disait « Sébastien, viens, toi tu es le dernier à être né à Saint-Geniez, tu as un privilège, tu passes devant les autres. »

  • Speaker #1

    D'accord, ça marche encore,

  • Speaker #0

    le privilège ? Ça ne marche plus, non, ça ne marche plus.

  • Speaker #1

    Et dans quelle famille tu as grandi ? Tu viens d'aborder ta maman ?

  • Speaker #0

    Ma maman, agent hospitalier, faisait le ménage. À l'hôpital de Saint-Geniès, mon père cuisinait, était aux cuisines. Mon père partait au travail à 5h du mat', ma mère à 5h30. Donc très seul, livré à moi-même.

  • Speaker #1

    Tu n'avais pas de frères et sœurs ?

  • Speaker #0

    Si, mais une sœur aînée qui était avec nous, et une petite sœur qui est venue plus tard, lorsque j'avais 9 ans.

  • Speaker #1

    Quels sont tes souvenirs d'enfants à Saint-Geniès alors ?

  • Speaker #0

    De très bons souvenirs, parce qu'on se régalait, on a la chance d'avoir un patrimoine architectural incroyable. Donc j'ai très tôt été intéressé par cet univers-là, cette architecture-là, son histoire. On faisait visiter le village tous les saisonniers, ceux qui venaient passer les vacances, les parisiens également. On jouait dans ces murs, on montait au clocher de l'église. On a le lot aussi qui traverse. Et puis également une particularité avec Madame Talabot, le monument de Talabot, qui très tôt m'a amené, m'a enseigné plusieurs choses. déjà la première... Cette histoire sur le parcours et la volonté de vouloir faire venir le train dans Saint-Geniez pour un développement économique et une incompréhension de la population, ça je me retrouve beaucoup dans cette valeur-là. Une dominante féminine, puisque Madame Talabot, son mausolée, est au-dessus de Saint-Geniesse, domine la ville de Saint-Geniesse, donc la femme a une importance, je pense, dans mon parcours. Et cette capacité d'aller de l'avant et de mener à bien des projets pour un territoire.

  • Speaker #1

    Tu peux en dire un mot de Mme Talabot ? C'est vrai que je n'ai pas révisé, je n'ai pas repris mes fiches, mais est-ce que tu as l'impression que Mme Talabot a eu cette importance-là pour tout Saint-Geniesse ou c'est toi qui t'es raccroché individuellement à son histoire ?

  • Speaker #0

    Je pense que je ne suis pas le seul à me mettre rapproché de cette histoire. Peut-être qu'on est moins nombreux à avoir conscience de cela, c'est probable, mais je pense qu'elle influence Saint-Genias, oui.

  • Speaker #1

    Et en quoi ?

  • Speaker #0

    Déjà, le fait d'avoir une conviction, de se dire qu'il faut à Saint-Geniez faire venir le train pour avoir un développement économique. Donc vraiment d'avoir cette volonté et de se battre pour arriver à faire envers contre tout, puisque la population l'a banni. Donc, finalement, il n'y a pas eu de gare, mais il y a eu une pirouette en disant, écoutez, de mon vivant, vous m'avez dominé, à ma mort, je vous dominerai. Et du coup, elle a racheté le terrain sur lequel était le château de Saint-Genies pour faire ce mausolée qui domine la ville. Donc, il y a une certaine revanche. Mais là où c'est intéressant, c'est que c'est une revanche que l'on applique avec son intelligence et son produit. Ça, c'est très important. activité économique dans laquelle je suis, je me suis toujours battu avec mes produits. J'ai eu cet enseignement-là, je pense, par la présence et l'histoire de Mme Talabot.

  • Speaker #1

    Peut-être pour finir avec elle, d'où elle a tenu sa conviction, d'après toi ?

  • Speaker #0

    Native de Saint-Genies, c'est le berceau.

  • Speaker #1

    C'est ça qui a nourri tout...

  • Speaker #0

    C'est évident.

  • Speaker #1

    Et tous les hommes natifs de Saint-Geniez qui l'ont méprisé alors, qu'est-ce qu'ils ont raté, eux ?

  • Speaker #0

    C'était une autre époque. C'est sûr, mais je pense que ce qu'ils ont raté, c'est qu'ils voyaient probablement pas plus loin que leur but. Je crois que la force d'un entrepreneur, c'est aussi de savoir se projeter, de tout homme qui mène à bien un projet et de s'imaginer comment on sera dans les années à venir, comment sera notre entreprise, où on va. Et c'est cet exercice-là qui fait qu'on va prendre les décisions en fonction de la stratégie qu'on se... qu'on s'impose.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu en es parti de Saint-Geniez pour mieux revenir, toi ?

  • Speaker #0

    Parti, oui. En fait, je suis allé un petit peu sur Toulouse. Je suis également allé sur Paris, où j'ai travaillé pour des grossistes, durant trois ans, juste avant le projet de la brasserie, de 1995 à 1998. J'ai toujours su que je me réaliserais à Saint-Geniez. J'ai toujours su que je reviendrais à Saint-Geniez et j'avais besoin de partir pour découvrir le monde et confirmer cette intuition-là. Vraiment. Un peu à l'image des Japonais. Les Japonais, le peuple japonais a dû partir pour s'imprégner de ce qui se faisait dans le monde avec la volonté, c'est vraiment la volonté de revenir. Donc parfois ils sont partis sur une, deux ou trois générations, mais ils reviennent toujours, toujours au Japon.

  • Speaker #1

    Tu avais des modèles autour de toi qui ont suivi ce chemin-là, de partir pour revenir ?

  • Speaker #0

    Non, c'était vraiment une intuition. Vraiment. Non, non, j'avais vraiment... On n'en parlait pas à l'époque. Tout le monde partait. Toulouse, Montpellier, Paris. Sur 30 élèves... De l'école Sainte-Marie où j'étais, il doit y en avoir trois sur Saint-Geniez. Mais tout le monde partait, c'était le schéma classique.

  • Speaker #1

    Et toi, tu voulais d'abord être infirmier ?

  • Speaker #0

    Ce qui s'est passé, c'est très simple. Bon, dès l'âge de 15 ans, je commençais à... à travailler. J'ai issu d'une famille populaire donc je travaillais toutes les vacances scolaires. On a quand même deux univers dans lequel on est relativement bien présenté en Aveyron, qui sont d'une part la restauration et d'autre part le milieu médical. Tout simplement parce que je pense qu'on s'intéresse à l'autre, on s'intéresse aux gens. Et au-delà de l'intérêt qu'on peut leur porter, on veut vraiment leur faciliter la vie.

  • Speaker #1

    Donc tu avais entamé des études ?

  • Speaker #0

    J'ai entamé des études. J'ai surtout passé des concours pour être infirmier. J'ai été reçu à plusieurs endroits, mais j'ai dit non, non, il ne faut pas, ce n'est pas là. Je sentais que j'avais autre chose. Donc comme j'avais une sensibilité artistique, je suis parti au Beaux-Arts à Toulouse. Ce que je faisais, ça ne leur a pas trop plu, on trouvait ça un peu particulier. Je leur ai dit tout bêtement, mais écoutez, j'ai envie d'apprendre, j'ai cette sensibilité-là, et je suis là pour apprendre, donc emprenez-moi. Et ça n'a pas marché du tout. Donc j'ai rebondi, j'ai fait Histoire, Histoire de l'art, Archéologie au Mirail, et livrer à moi-même en fac, ce n'était pas une... une bonne idée mais ça m'a permis de découvrir la bière et j'ai découvert ouais j'ai découvert une bière qui s'appelle la Saint Feuillain, une bière belge et là ça a vraiment été une révélation j'ai dit mais c'est ça quoi il faut vraiment faire de la bière en Aveyron, il faut faire découvrir l'Aveyron à ceux qui aiment la bière et la bière à ceux qui aiment l'Aveyron parce qu'on avait une boisson qui était goûteuse avec du goût Ce n'était pas cher et copieux, puisque 33 centilitres. Je n'étais pas un gros, gros buveur. Je n'avais pas la carrière pour boire des quantités. Eh bien, je prenais le temps d'apprécier ce produit. Et là, ça a vraiment été une révélation.

  • Speaker #1

    Parce que tu découvres que tu as un bon palais, déjà, pour décortiquer le goût de la bière que tu as en bouche.

  • Speaker #0

    Alors, sur le palais, oui, c'est vrai, tu as raison. Parce qu'en fait, l'origine, vraiment, c'est... 15 ans, à l'âge de 15-16 ans. Je sors dans les bars de Saint-Geniez avec mes copains de l'époque, qui eux ont plus d'argent que moi pour consommer et sortir. Moi, j'ai misérablement 50 francs, alors qu'ils ont 2 ou 300 francs. Ils boivent beaucoup de bière, ils boivent beaucoup de Ricard. Moi, je n'aime pas. J'ai pas d'accroche avec un palais, en effet, un peu plus sensible, mais aussi... que mes copains de l'époque, d'ailleurs chez moi, ils avaient tendance à dire « Oh là là, Sébastien, il est délicat, sous-entendu, il ne mange rien, non ? » Je pense que j'avais en effet ce palais un peu différent qui m'a amené à aller chercher, avec un esprit de curiosité également, des produits un peu plus élaborés. Et tout ça m'a amené, oui, à me dire « Bon, il faut fabriquer de la bière, quoi. » C'est une évidence, c'est évident.

  • Speaker #1

    Parce que les Aveyronais nous...

  • Speaker #0

    Vous ne connaissez pas ? Non, j'ai des clients qui écrivaient bière avec deux R, BIE, deux R, E, bière de l'Aveyron, lorsqu'ils l'avaient référencée dans leur établissement. Quand je leur disais, vous avez des bières de spécialité ? Ah oui, ils me disaient, oui, on a la Desperados, qui est un très bon produit, bien entendu, mais qui n'est pas du tout une bière de spécialité. Et lorsque j'arrivais à les convaincre, ils me disaient toujours, bon, mais... Donnez-moi des échantillons et je la ferai goûter à Christian. C'est un amateur, il boit 30 bières par jour. Alors évidemment, Christian, c'était loin d'être un amateur, c'était un buveur de bières. Et quand Christian goûtait la bière de l'Aubrac à ses débuts, il disait non, non, non, c'est pas bon. Il ne comprenait pas du tout ce qu'il buvait, bien entendu. Donc du coup, assez rapidement, je me suis tourné vers Paris, où j'avais encore pas mal de contacts. Et j'ai démarché. Et je montais en camion pour livrer Paris directement de l'Aveyron. Pour la petite histoire, j'avais comme budget de quoi monter à Paris par la nationale. Je ne prenais pas l'autoroute, je ne pouvais pas me payer le péage. Et quand j'arrivais, je repartais, au retour, je prenais le péage parce que j'avais récupéré, en vendant ma bière, un peu d'argent.

  • Speaker #1

    Donc la Brasserie d'Holte, tu l'as créée en 1998. Et là, quand tu parles de tes premiers voyages à Paris, c'est immédiat, c'est dans les premiers mois ?

  • Speaker #0

    Non, non, c'est 2001, 2000, 2001, deux, trois ans après.

  • Speaker #1

    Quelles ont été les premières étapes alors de la création ?

  • Speaker #0

    Les premières étapes, j'ai ouvert la brasserie officiellement le 10 juillet 1998. Le vendredi soir, après avoir mis en bouteille à la main et étiqueté avec de la colle à tapisserie et marqué des numéros de l'eau au stylo, je suis... Passer dans tous les bars de Saint-Genies pour prendre les commandes. Tout le monde a joué le jeu, tout le monde m'a commandé. J'ai livré le samedi. Le dimanche, il y avait la coupe du monde, la finale de la coupe du monde. Le dimanche soir, j'ai pu relivrer certains. Le lundi, je n'avais déjà plus rien. Donc la première amenée, ça a été vraiment quelque chose d'extraordinaire. Après, il a fallu fabriquer. Évidemment, trois semaines pour fabriquer de la bière. Donc disponible du coup. que début août, donc on a loupé le mois de juillet. Et puis j'ai profité de l'hiver pour remettre à jour le stock. Et petit à petit, j'ai su m'encadrer et faire évoluer à la fois mon outil de production, mais aussi mon équipe.

  • Speaker #1

    Vous étiez combien au début ? Seul, tout seul. Et quel a été l'accueil des Aveyronés dans les premières années ?

  • Speaker #0

    Plutôt bien. Les gens étaient curieux. Beaucoup n'y croyaient pas, bien entendu. Je pense que j'étais un peu seul, c'est évident. Mais je pense que c'est par mes connaissances marché. d'un potentiel et puis de mes capacités peut-être d'entrepreneur. Mais c'est vrai qu'on a eu dix ans d'avance, vraiment. Pour combler, au lieu d'attendre que le territoire soit prêt à me recevoir, je suis allé là où le territoire était déjà prêt pour me recevoir.

  • Speaker #1

    Donc Paris.

  • Speaker #0

    Paris.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'elle a de particulier, ta bière, aujourd'hui, après 25 ans ?

  • Speaker #0

    Alors... Ce qui est très représentatif des bières que nous fabriquons, c'est cette harmonie entre l'image que l'on véhicule et le produit que l'on a à l'intérieur. J'ai toujours été convaincu que l'on pouvait faire de la quantité et de la qualité. J'ai toujours pensé qu'on ne pouvait pas dénigrer la qualité d'un produit pour en faire de la quantité. Nous aujourd'hui... On est vraiment sur cette démarche-là. Et finalement, les recettes, par rapport au début, elles n'ont quasiment pas changé. En tout cas, au niveau des intrants et tout, c'est toujours la même chose. Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Les brasseries artisanales n'existaient pas. Le matériel n'existait pas. J'ai dû fabriquer du matériel pour pouvoir élaborer une bière. Donc, c'était vraiment la genèse de cet univers-là. Aujourd'hui, on a des outils qui permettent de faire ce que l'on veut, comme on veut, sans échouer du tout, avec une garantie d'avoir 100%. Donc, il faut bien définir l'image et l'essence du produit que l'on veut avoir pour donner à nos consommateurs. Dans la continuité, le consommateur que l'on a, il est identitaire à ce que nous sommes et ce que nous pensons. Ça, c'est incroyable. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on a la clientèle qui correspond à notre philosophie. Voilà, ça c'est... Au niveau du territoire aussi, en Aveyron, on attire une clientèle touristique qui s'intéresse à la randonnée, au sport de nature en général, le vélo, le cheval, le kayak, parce qu'on a un territoire qui est prédestiné à cette clientèle-là. Donc du coup, ça matche.

  • Speaker #1

    Ils viennent d'où tes ingrédients à toi ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on travaille à la Malterie Occitane, dans le Tarn, où on a des orges français. C'est l'essentiel de notre matière première. Les houblons proviennent du nord, de l'est de la France, mais aussi d'Angleterre, des Etats-Unis, de Nouvelle-Zélande. En fait, le houblon est une plante aromatique identitaire qui va nous permettre de donner une orientation à notre bière. Et c'est ça qui est important. chez nous. Le principal, c'est le produit final. Qu'est-ce qu'on veut donner à nos consommateurs ? On va aller chercher les matières là où on considère qu'elles sont les meilleures. Si on peut avoir des matières premières locales, c'est fabuleux, c'est très bien. Mais on ne va pas utiliser des matières premières locales pour dire qu'on fabrique une bière avec des matières premières locales. Parce qu'on ne veut pas l'orienter par rapport à ça. On veut l'orienter par rapport au goût final, aux saveurs finales.

  • Speaker #1

    Ça veut dire que du houblon, aujourd'hui en France, on en trouve dans le Nord ?

  • Speaker #0

    On en trouve de plus en plus, si, si. Maintenant, on en trouve de plus en plus, parce que des coopératives se mettent à fabriquer du houblon un petit peu partout en France. Et je suis très optimiste pour les années à venir, bien entendu, où on arrivera à trouver l'essentiel des variétés qu'aujourd'hui on importe sur le territoire français.

  • Speaker #1

    Et puis, il y a cette eau de l'Aubrac, toujours ?

  • Speaker #0

    Toujours. 98% d'eau dans la bière, ça rassure en général. Je dis ça lors des visites de la brasserie que j'organise l'été. 98% d'eau, c'est l'eau du réseau de Saint-Genies. Le réseau de Saint-Genies est alimenté en partie par les monts de l'eau braque. Mais l'eau, c'est l'identité. de la bière. C'est vraiment la matière première qui va avoir un impact sur le produit final. Donc cette eau est filtrée, elle est optimisée pour la production de la bière, on va la déclorer et on va la prendre en part entière comme un ingrédient principal de nos recettes. On utilise 8 litres d'eau pour la production d'un litre de bière. Alors chez nous, c'est un petit peu moins, on est autour des 6 litres. C'est le volume que l'on utilise pour fabriquer un litre de bière.

  • Speaker #1

    Donc tu es le plus gros consommateur d'eau de Saint-Geniesse a priori ?

  • Speaker #0

    Je pense que oui.

  • Speaker #1

    C'est donc toi. Un point sur les chiffres, avant de te rencontrer, j'ai regardé un peu ce que représente le marché de la bière en France, qui a complètement explosé, c'est ce que tu disais ces 20 dernières années. Juste à titre comparatif, en 2006 on comptait 250 brasseries en France. On en compte aujourd'hui 10 fois plus. On est à peu près à 2500 en 2024, dont 90% de micro-brasseries. La France est le 8e producteur mondial de bière, mais le dernier consommateur d'Europe avec 33 litres par an et par habitant. Ce sont les moyennes relevées par le syndicat des brasseurs. Et ce qui est intéressant, c'est quand même que 70% des bières consommées en France sont fabriquées en France. Ce chiffre-là, il m'a quand même beaucoup surprise, peut-être naïvement. Quel regard tu portes, toi, sur toutes les microbrasseries qui fleurissent partout en France et en Aveyron, largement ? Je crois en avoir comptabilisé une vingtaine aujourd'hui en Aveyron.

  • Speaker #0

    C'est très bien, je trouve que c'est très intéressant. Il faut amener de la diversité. C'est ce qui est important. Il faut amener le consommateur dans l'univers de la bière. C'est évident. Quand j'ai commencé, 60 brasseries en France. 1998, en Belgique, il y avait 220 brasseries. C'est vrai qu'on a tous, surtout en France, comme pays de prédilection, la Belgique. Quand je montais en Belgique, j'allais dans les bars, je goûtais des bières, et puis... Merci. Je rentrais dans un bar, ils me donnaient la carte, il y avait 200, 300 bières. C'était toujours la même, quoi. Toujours les mêmes choses. Duvel, Orval, Chimay, Maritzus. On leur disait, mais... Je leur disais, mais... Vous n'avez pas de... Des nouveautés ? Vous n'avez pas des choses qui changent un peu ? qui sortent de l'ordinaire. Alors ils me répondent, avec 220 bières, c'est passé quand même. Je dis, si oui, mais qu'est-ce qu'il y a de nouveau ? Il n'y a vraiment rien de nouveau. Avec l'émergence des brassiques artisanales, on a fait... exploser les différents types de bières. Donc du coup, on a amené de la nouveauté dans un milieu vieillissant. Mais au bout d'un moment, on se rend compte que finalement, tout le monde fait un peu pareil. Si vous prenez la bière blonde de toutes nos brasseries à Véronèse, très peu vont se démarquer par quelque chose d'incroyable, de différent, si on fait vraiment abstraction du marketing. C'est ce que je trouve un peu dommage. On n'a pas réussi en France à trouver une identité française de la bière. Ça, je trouve que c'est dommage. On s'est très contenté à fabriquer des... typicités de bières, comme il en existe, les IPA, les Stout, les double IPA, on a tous ce genre de produit, mais avoir un produit identitaire, inclassable, c'est très compliqué. Nous, on en a une dans la gamme. Sur 12 bières, on n'en a qu'une qui a une identité propre et qui est inclassable. C'est celle qui n'a aucune médaille, bien entendu. puisqu'elle est inclassable. Et c'est, je pense, à mes yeux, la meilleure, parce qu'elle est inclassable. C'est la Sabetz que leu. La Sabetz que leu est une bière blonde, bien houblonnée, avec des saveurs de litchi, fruit de la passion mangue, qui proviennent des variétés de houblon que l'on utilise pour sa fabrication, et qui revendiquent un petit peu cette appartenance à un territoire. à une communauté, la communauté occitane, la langue et les valeurs que tout cela peut transmettre. C'est très réussi aussi de ce point de vue-là, en toute modestie, parce que... on a vraiment un produit qui colle à l'image et à son histoire. « Sabetz que leu » C'est une expression que me disait mon grand-père lorsque j'étais enfant, un peu turbulent. Il se pinçait le béret et il me disait « Sabe-t-ce qu'elle est ? » On ne savait pas ce que ça voulait dire, mais on savait qu'il fallait se taire. Ça veut dire que bientôt, sous-entendu, il y en a une qui va tomber. Si tu continues, tu vas t'en prendre une. Mais c'était une menace jamais mise en exécution. Et nous, la Sabetz, c'est un peu ça. C'est même complètement ça. Elle est forte, elle fait 7 degrés. On dit, attention, Mephis a té, tu vas t'en prendre une. Mais au bout de trois, en général, le consommateur s'arrête. Il est bien et tout se passe pour le mieux. Ça lui permet d'y revenir le lendemain.

  • Speaker #1

    Justement, par rapport à toutes ces microbrasseries, comment toi tu te positionnes après des années à avoir défriché le chemin ? Maintenant que vous êtes de plus en plus d'acteurs, comment toi, pionnier, tu te repositionnes sur ce paysage-là ? Il y a la sagesse de l'ancien ?

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que ça a toujours été le cas. Encore une fois, nous, on se bat avec nos convictions. qui concerne le produit, lié au produit, à notre réactivité. Et aujourd'hui, on continue à le faire. J'ai longtemps regretté de ne pas avoir de concurrent. La concurrence dans les affaires, c'est positif. C'est très positif, c'est stimulant. C'est comme l'opposition en politique. Évidemment qu'il en faut. Il faut absolument qu'on ait sur le territoire des gens qui nous amènent à ça. Je pense que j'ai toujours agi en considérant, même lorsqu'il n'y avait pas de concurrence, qu'il y avait une concurrence. C'est ce qui, je pense, fait aussi que je suis encore là, 27 ans après.

  • Speaker #1

    Tu te sens l'âme d'un pionnier ?

  • Speaker #0

    Ah oui, complètement, oui. Bien sûr. On a inventé une machine pour fabriquer de la bière. Quand j'ai rencontré Philippe Starck, que je lui ai raconté mon parcours, je lui ai expliqué qu'on soudait des coudes à 45 degrés au lieu de 4. 90 degrés, qu'on mettait des variateurs pour démarrer les pompes, on-off, de manière à ce que la pompe, elle ne fasse pas on-off bêtement, mais qu'elle démarre doucement, et qu'elle s'arrête doucement, en ayant conscience que ça a apporté quelque chose au produit le nombre de passages en pop la taille des cuves la forme des cuves si c'est une cuve verticale horizontale moi je suis convaincu de cela bien entendu et lorsqu'en 2012 on a acheté une salle à brasser on l'a achetée d'abord manuelle et on a participé à son élaboration pour qu'elle corresponde à ce que l'on voulait vraiment oui oui vraiment on a été des pionniers à 200%

  • Speaker #1

    Donc tu évoques Philippe Stark, le designer avec qui vous avez collaboré au mi-temps des années 2000 ? 2014-15 ?

  • Speaker #0

    Oui, 2015-16.

  • Speaker #1

    2015-16 plutôt. Aujourd'hui, la production de la brasserie Dolt, on est sur combien d'hectolitres par an ?

  • Speaker #0

    On fait un peu plus de 10 000 hectolitres par an.

  • Speaker #1

    Donc ça fait un million de litres.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est un million de litres.

  • Speaker #1

    Un million de litres par an ?

  • Speaker #0

    Un peu plus. Ok. Un peu plus d'un million de litres par an.

  • Speaker #1

    Donc sur une dizaine de bières différentes, et tu comptes aussi les sodas, les softs ?

  • Speaker #0

    Ah non, ça c'est uniquement la bière.

  • Speaker #1

    Que de la bière, ok. Qu'est-ce que représentent les sans-alcool dans ta production ?

  • Speaker #0

    En 2009, j'ai eu la volonté de compléter la gamme de nos bières par une gamme de limonades. Limonade aromatisée, parce que déjà à l'époque on avait conscience que l'alcool, il fallait en consommer de moins en moins. En tout cas il fallait avoir une approche différente face à sa consommation d'alcool. Et là je m'y retrouve à 200%. Comme je le disais tout à l'heure, quand j'étais jeune, je ne buvais pas d'alcool par goût. L'alcool, qu'est-ce qu'il apporte finalement dans un produit ? C'est un exhausteur de goût, bien entendu, ça donne du corps. Mais je pense qu'on peut faire beaucoup de produits sans cette molécule-là et tout aussi intéressant.

  • Speaker #1

    Et en termes de volume ?

  • Speaker #0

    De volumes qui sont de plus en plus importants. ça reste très marginal, bien entendu, dans notre gamme. de produits, mais je pense que c'est des volumes qui... Au-delà des volumes, je pense qu'on a encore beaucoup de boissons à inventer. Je pense que le défi des décennies à venir, c'est d'inventer une boisson qui va substituer le vin et la bière. C'est clair. C'est évident.

  • Speaker #1

    T'es sur les rails ?

  • Speaker #0

    pour les monter ?

  • Speaker #1

    10 ans d'avance, mais pas un siècle d'avance. Je pense aux générations futures, mais quand même.

  • Speaker #0

    Donne-leur des idées. Là encore, sur les chiffres, combien de salariés aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    14.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu te considères encore comme un fabricant artisanal ? Qu'est-ce qu'il reste d'artisanal dans une production quand elle prend ces proportions-là ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, bien sûr, plus que jamais, puisque c'est le choix des matières premières qui fait que nous allons avoir une démarche artisanale. Donc d'abord le choix de ces matières, la provenance, mais surtout leur qualité. Ça, c'est vraiment quelque chose de très, très important. La méthode de fabrication, on a un outil à échelle humaine pour augmenter la capacité. Il me suffit juste de rajouter des cuves de fermentation, de garde, tout simplement. Mais l'outil qui permet la fabrication de la bière reste le même. On va avoir une logique d'optimisation par rapport à notre activité, mais c'est une logique d'entrepreneur que je suis, qui va permettre de développer tout en maintenant cet aspect artisanal, bien entendu.

  • Speaker #0

    Ou un étude de l'export ? Je m'étais arrêté au Japon, l'Italie et la Grèce, est-ce que je dis des bêtises ?

  • Speaker #1

    Non, non, pas du tout, et Danemark, Suède et d'autres pays. Aujourd'hui, c'est évidemment terminé parce que... au niveau de la planète, a fait prendre conscience qu'il fallait travailler local. On a fait de l'export lorsque c'était l'émergence de la microbrasserie. Pour reprendre l'exemple du Japon, le Japon était un peu moins en avance que la France pour ce sujet-là. Et du coup, on a suscité l'intérêt de bières artisanales. Du coup, ils se sont tournés vers le monde entier pour voir ce qui se faisait dans le monde entier. il y avait une vraie tendance. Aujourd'hui, on le voit à l'échelle de la France, on importe, je présume, très peu de bière. Je n'ai pas les chiffres, mais je pense qu'on importe très peu de bière parce que le marché français se suffit à lui-même. Donc,

  • Speaker #0

    c'est-à-dire que vraiment, tu recentres sur ton ancrage et c'est là qu'on revient peut-être à Sainte-Geniesse. Donc, toi, tu as toujours eu à cœur de t'implanter ici et de faire vivre le tissu local. Ça veut dire aussi que toutes tes stratégies marketing et commerciales aujourd'hui se recentrent sur la France ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, elle se recentre surtout sur le produit. Je crée des univers produits et j'associe une clientèle à cet univers produit. Mon identité, elle est vraiment là. Je ne fais pas un produit qui correspond à un marché. Ça, je me l'interdis. Prenons l'exemple sur la limonade à la figue. Il n'y a pas de marché pour la limonade à la figue. Ça n'existe pas, on n'en trouve pas. Et personne ne dit, dis-donc, si on fabrique de la limonade à la figue, La figue, on va en vendre dans le monde entier. Non, je suis fanat de figue, j'adore ça, et je pensais qu'il y avait vraiment quelque chose à faire avec ce fruit-là. Et la limonade à la frigue est une de mes limonades qui fonctionne le moins, mais dont je suis le plus fier, parce qu'elle est juste parfaite. Elle a le nez de la figue, elle a le goût de la figue, elle se marie super bien en restauration, elle accompagne très bien. Quand on a une fois gras, mais pas que, et on prend beaucoup de plaisir à consommer ce produit-là. Je ne l'arrêterai jamais, jamais. C'est vraiment quelque chose dont on est fier à la brasserie, de faire des produits qui correspondent à nos convictions.

  • Speaker #0

    Et sur le fait de rester à Saint-Genest donc ?

  • Speaker #1

    Saint-Genest, c'est vraiment là où il faut être. Honnêtement, sur un produit comme le nôtre, il faut absolument être dans un univers rural. Ça, c'est très important, ça a du sens. On a la proximité de grandes villes, on a cet accès-là. Là où c'est plus embêtant, c'est séduire des profils pour venir travailler. Là, c'est là que le bas blesse. Jusqu'à maintenant, on rencontrait des jeunes qui venaient apprendre un métier, qui allaient s'investir à nos côtés, 2-3 ans. Une fois qu'ils avaient appris, ils partaient. dans leur ville ou département d'origine. Puis on a eu un creux où il y avait tellement de brasseries partout que ceux qui partaient pour découvrir un métier n'ont plus besoin de partir. Ils restaient chez eux. Donc du coup, on carence un peu. Aujourd'hui, on commence à avoir des jeunes qui cherchent vraiment des entreprises dans lesquelles ils vont pouvoir s'épanouir d'un point de vue professionnel. Et nous, on offre ça. Et on commence à séduire vraiment des profils très intéressants qui sont tournés sur l'apprentissage et comment ils peuvent se réaliser à l'intérieur d'une structure comme la mienne.

  • Speaker #0

    Tu me le disais hors micro, tu crois beaucoup à la part qu'ont à prendre les campagnes dans le redressement du pays, carrément.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Et même, je vais plus loin, parce que ce territoire... permet à des gens de se réaliser sans avoir forcément les moyens d'eux. Ça veut dire qu'on ouvre la possibilité à un plus grand nombre de s'épanouir.

  • Speaker #0

    Quels sont les freins qu'il reste à lever ?

  • Speaker #1

    Le frein en main.

  • Speaker #0

    D'abord ?

  • Speaker #1

    D'abord, celui-là, il faut le desserrer, il faut le lâcher. Le frein principal, je pense, c'est que nous ne sommes pas assez nombreux à nous réunir pour amener des solutions. On a tous les mêmes problématiques. Tous les entrepreneurs du département ont la même problématique. Il faut vraiment se réunir parce que nous avons chacun un maillon de la chaîne qui va permettre la réussite. à Laiol ils en ont un, à Millau, à Rodez, à Saint-Genies, etc. On a tous un maillon et de se réunir pour assembler les maillons et amener des solutions ferait qu'on lèverait tous les freins, bien sûr.

  • Speaker #0

    Donc ça veut dire de la coopération territoriale, entre collectivités ? Quand tu parles de réussite, est-ce que toi, ta réussite, elle passe par le toujours plus ? Est-ce que l'objectif c'est de produire ? Plus demain ou est-ce que tes réflexions vont ailleurs ?

  • Speaker #1

    Non, mes réflexions vont ailleurs depuis 2019. Nous sommes en position de stand-by. On observe un petit peu le marché. On est en augmentation tous les ans. On a clôturé au 30 septembre notre dernier exercice qui a été un exercice très compliqué, beaucoup de pluie. La vente de bière dépend beaucoup du temps. mais aussi un marasme économique dans ce secteur d'activité-là. Il faut courber les chines, continuer à structurer. C'est l'essentiel de mon activité aujourd'hui, notamment au niveau du personnel, arriver à constituer l'équipe qui va permettre de traverser le temps. C'est vrai qu'à titre personnel, je suis... convaincu encore aujourd'hui que mon avenir est devant. Je suis optimiste, non ? Moi, j'ai plutôt tendance à voir tout ce qu'on n'a pas pu faire par rapport à tout ce qui a été fait. Bien que tout ce qui a été fait, bien sûr, est très bien, très sympathique. Mais il y a beaucoup plus qui n'a pas été fait qu'aurait pu être fait.

  • Speaker #0

    Tu n'es pas si optimiste, finalement.

  • Speaker #1

    Non, c'est ça. Je n'ai qu'à vivre.

  • Speaker #0

    Donc, si je ne te demande pas quelle est ta plus grande fierté, quel est ton plus grand regret, alors ? C'est quoi que t'as pas pu faire ?

  • Speaker #1

    Je... Je ne sais pas si je peux dire ça, mais je ne regrette pas. Je ne regrette pas parce que je pense que j'ai fait ce que je devais faire au moment où je l'ai fait. Regretter, c'est se dire « j'aurais dû faire ça » . Non, je ne pense pas. Je pense que j'ai pris conscience de tout ce que je faisais. Donc je ne regrette pas. Je trouve juste dommageable que l'on n'arrive pas à mettre en place tous les éléments pour que la réussite professionnelle dans nos... que nos villages, dans nos communes à Véronèse, ne soient pas encore présentes. C'est dommage, on passe vraiment à côté, pour moi, d'un développement économique assez certain. Je suis peut-être atypique aujourd'hui parce qu'on n'est pas nombreux, mais des possibilités de faire ce que j'ai fait dans nos villages, il y en a... À défaut de dizaines, il y en a au moins cinq ou six qui pourraient être faites. Et là, je ne serais plus atypique, je serais un parmi d'autres.

  • Speaker #0

    Tu as déjà voulu faire de la politique ? Tu en as fait un peu ?

  • Speaker #1

    Non, non, non, non. Je ne peux pas dire que j'ai fait de la politique.

  • Speaker #0

    Tu as été dans un conseil mondial ?

  • Speaker #1

    Oui, mais je suis un entrepreneur. Je tiens vraiment à ça.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qu'ils peuvent apporter, les entrepreneurs, aux politiques, alors, pour le développement des villages, comme tu disais ?

  • Speaker #1

    Je pense que la... La vision des choses, le ressenti des opportunités, la gnaque, c'est... on ne lâche rien, quoi. Mais pour ça, il faut avoir une vision, il faut savoir où on va. Quand on sait où on va, c'est bien. Mais il faut avoir des convictions et aller vers ces convictions-là, s'entourer pour pouvoir mener à bien ses objectifs.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question, Sébastien, que je pose à tous les invités du podcast. C'est en quoi est-ce que tu crois ?

  • Speaker #1

    La réponse peut être un peu délicate et mal interprétée. J'espère que non, mais je crois en moi. Je suis né dans une famille catholique très pratiquante. Quand mes parents étaient au travail, j'étais chez mes grands-parents. Mon grand-père, originaire de Viorals, vivait avec sa femme, ma grand-mère, mais également avec les deux sœurs de ma grand-mère, qui n'étaient ni plus ni moins mes grandes-tantes, la tante Jeanne et la tante Thérèse, qui étaient toutes les deux des Isle of Jesus. On avait le curé tous les dimanches qui venait manger, la sœur Monique qui était au centre de soins, qui passait tous les soirs. Elle donnait quasiment tout leur argent à l'église. Et j'ai grandi dans cet univers-là. Et j'ai en tête, j'ai en mémoire la messe. J'allais à la messe tous les samedis soirs, tous les dimanches matins. Et j'ai en mémoire le curé de l'époque qui disait qu'il fallait croire en Dieu. Chez moi, ça fait un... tilt, ça a vraiment, quelque chose s'est allumé dans ma tête et je me suis dit mais pourquoi je veux croire en quelqu'un d'autre avant de croire en moi ? Et du coup, depuis ce jour-là, j'ai toujours cru en moi. C'est bizarre, c'est étonnant. Des fois dans un milieu familial qui ne croyait pas beaucoup en moi, ça n'a pas beaucoup aidé mais bon. Ça m'a peut-être permis d'être ce que je suis au jour d'aujourd'hui. Ça ne veut pas dire que j'ai toujours raison, mais que j'ai la conviction que ce que je fais, je dois le faire. La foi, ça soulève des montagnes, c'est évident. Stark disait, si on n'y croit pas, il ne faut pas le faire. C'est tellement évident. Mais oui, si on n'y croit pas, il ne faut pas le faire. Moi, j'y crois et du coup, je le fais. C'est une particularité, je pense, qui me... caractérise avec un élément que j'ai découvert il n'y a pas très longtemps, il y a quelques années, c'est l'intuition. Il s'avère que j'ai de l'intuition. Je ressens. J'ai probablement cette sensibilité-là qui me permet de ressentir les choses et de savoir s'il faut y aller ou pas. L'intuition, l'intuition, elle ne nous trompe jamais, vraiment. Tout le monde a de l'intuition, plus ou moins. Il faut savoir que ça se travaille. Je ne le travaille pas, mais tes auditeurs trouveront tous les éléments pour trouver l'intuition qu'ils ont en eux. Et il faut y croire, il faut y croire à fond, parce qu'elle ne vous amène jamais là où il ne faut pas.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Sébastien.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Finta jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu, inspiré, questionné et fait voyager, peut-être. Si tu fais partie de ceux qui apprécient le podcast et qui veulent continuer à cheminer avec moi dans les contrées avéronaises, tu peux désormais soutenir financièrement le podcast. En donnant quelques euros par mois ou en faisant un don ponctuel, tu participes à renforcer l'indépendance éditoriale de Finta et tu valorises, par la même occasion, le temps que j'y consacre chaque semaine. Figure-toi que si chaque auditeur donne un euro par mois, Finta peut vivre sans publicité Dès aujourd'hui. Le lien de la cagnotte est disponible en description de cet épisode. Et d'avance, moi, je vous dis merci. Si vous souhaitez continuer la discussion, je suis toujours curieuse de vous lire et d'échanger. Je vous propose que l'on se retrouve sur Facebook, sur Instagram ou sur le site fintapodcast.fr. Vous pouvez retrouver tous les précédents épisodes de Finta gratuitement sur les applications de podcast et pour recevoir chaque nouvel épisode directement dans votre boîte mail, Vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter. Et pour que Finta vive, si vous appréciez le podcast et que vous souhaitez soutenir ce travail indépendant, partagez-le autour de vous. Consférez-le à vos amis, parlez-en. C'est le meilleur soutien que vous puissiez nous apporter. A très bientôt.

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Description

Juillet 1998. Tous les yeux sont braqués sur Zidane et l’équipe de France, qui vient de décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du monde. En attendant le coup d’envoi, ce dimanche 12 juillet au Stade de France, la fête est partout. Dans chaque ville, sur chaque place de village, drapée de bleu-blanc-rouge. à ce même moment, dans un petit local de Saint-Geniez, il en est un qui vit ses premiers pas de brasseur. Dans l’effervescence nationale, les tout premiers fûts de la bière d’Olt coulent dans les bars du village. La Brasserie d’Olt est née, en fanfare.


Tandis que la France ne compte alors, qu’une poignée de brasseries artisanales, Sébastien Blaquière arrive avec l’âme d’un pionnier, qu’il revendique aujourd’hui, parce qu’il se souvient avoir débroussaillé le chemin à mains nues. Vingt-sept ans plus tard, plus de vingt micro-brasseries ont fleuri en Aveyron à ses côtés.


De son flair précurseur, de la concurrence locale qu’il a longtemps attendue, de son influence japonaise qui l’a poussé à aller voir du pays pour s’imprégner d’autres cultures avant de revenir entreprendre au bercail, de la difficulté de recruter à la campagne, qui n’entache pas pour autant son attachement viscéral à son village natal : dans cet entretien, nous avons cheminé entre tous ces sujets. Et puis j’ai aussi appris que l’alcool, lui, il n’y tient pas outre-mesure, que la personnalité de Marie Talabot, figure de la cité marmotte au XIXe siècle, l’accompagne depuis l’enfance, et que les Parisiens ont été les premiers à croire en son breuvage. Bonne écoute !

 

📚 Pour aller plus loin :

-          Marie Talabot, une biographie de Louis Mercadier (éditions de Borée)


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Transcription

  • Speaker #0

    Évidemment, Christian, c'était loin d'être un amateur, c'était un buveur de bière. Et quand Christian goûtait la bière de l'Aubrac à ses débuts, il disait « non, non, non, c'est pas bon » . Il ne comprenait pas du tout ce qu'il buvait.

  • Speaker #1

    Explorer les basculements d'une époque, sentir frémir des énergies, voir les ruralités se transformer avec celles et ceux qui les provoquent, les repensent et les bousculent. Finta. C'est le podcast qui nourrit des esprits, des envies d'agir et des espoirs très concrets à l'échelle locale. Finta donne à entendre l'Aveyron à travers celles et ceux qui ont choisi d'habiter, ici et maintenant, de s'engager, aujourd'hui pour demain. Je suis Lola Cross et j'arpente ce bout de campagne depuis dix ans comme journaliste. Avec Finta, je vous invite à croiser des regards, à Finter de plus près. Et ça commence tout de suite. Juillet 1998, tous les yeux sont braqués sur Zidane et l'équipe de France qui vient de décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du Monde. En attendant le coup d'envoi, ce dimanche 12 juillet au Stade de France, la fête est déjà partout, dans chaque ville, sur chaque place de village drapée de bleu, blanc, rouge. À ce même moment, dans un petit local de Saint-Genies, il en est un qui vit ses premiers pas de brasseur. Dans l'effervescence nationale, les tout premiers fûts de la bière d'Holte coulent déjà dans les bars du village. La brasserie d'Olt est née en fanfare. Tandis que la France ne compte alors qu'une poignée de brasseries artisanales, Sébastien Blaquer arrive avec l'âme d'un pionnier, qu'il revendique aujourd'hui, parce qu'il se souvient d'avoir débroussaillé le chemin à main nue. 27 ans plus tard, plus de 20 microbrasseries ont fleuri, en Aveyron, à ses côtés. De son clair précurseur, de la concurrence locale qu'il a longtemps attendue, de son influence japonaise qu'il a poussée à aller voir du pays pour s'imprégner d'autres cultures. Avant de revenir entreprendre Robert Caille, de la difficulté de recruter à la campagne, qui n'entache pas pour autant son attachement viscéral à son village natal, dans cet entretien, nous avons cheminé entre tous ces sujets. Et puis j'ai aussi appris que l'alcool, lui, il n'y tient pas outre mesure, que la personnalité de Marie Talabot, véritable figure de la cité marmotte au XIXe siècle, l'accompagne depuis l'enfance, et que les Parisiens ont été les premiers à croire en son breuvage.

  • Speaker #0

    Alors j'ai choisi de te recevoir à Saint-Geniez d'Olt, où je suis né. Non seulement je suis natif, mais en plus je suis le dernier à être né à Saint-Geniez d'Olt. Mais j'ai la chance d'être né à l'hospice, en face de la mairie de Saint-Geniez. Ma mère y travaillait et elle avait la volonté d'accoucher pour son deuxième enfant à Saint-Geniez. 4 octobre 1972, c'est l'année de l'ouverture de la maternité à l'hôpital, mais qui n'a jamais reçu personne pour avoir... Attends,

  • Speaker #1

    ça veut dire que la maternité, elle n'a jamais été en activité ?

  • Speaker #0

    Jamais été en activité, et depuis, il n'y a pas eu de naissance à Saint-Geniez par accident ou autre. Je suis vraiment le dernier du dernier du dernier à vérifier sur les registres. à la mairie, bien entendu, mais c'est bien moi. J'ai un souvenir de Jeanine Marcillac, qui était secrétaire de mairie, qui chaque fois me voyait, me disait « Sébastien, viens, toi tu es le dernier à être né à Saint-Geniez, tu as un privilège, tu passes devant les autres. »

  • Speaker #1

    D'accord, ça marche encore,

  • Speaker #0

    le privilège ? Ça ne marche plus, non, ça ne marche plus.

  • Speaker #1

    Et dans quelle famille tu as grandi ? Tu viens d'aborder ta maman ?

  • Speaker #0

    Ma maman, agent hospitalier, faisait le ménage. À l'hôpital de Saint-Geniès, mon père cuisinait, était aux cuisines. Mon père partait au travail à 5h du mat', ma mère à 5h30. Donc très seul, livré à moi-même.

  • Speaker #1

    Tu n'avais pas de frères et sœurs ?

  • Speaker #0

    Si, mais une sœur aînée qui était avec nous, et une petite sœur qui est venue plus tard, lorsque j'avais 9 ans.

  • Speaker #1

    Quels sont tes souvenirs d'enfants à Saint-Geniès alors ?

  • Speaker #0

    De très bons souvenirs, parce qu'on se régalait, on a la chance d'avoir un patrimoine architectural incroyable. Donc j'ai très tôt été intéressé par cet univers-là, cette architecture-là, son histoire. On faisait visiter le village tous les saisonniers, ceux qui venaient passer les vacances, les parisiens également. On jouait dans ces murs, on montait au clocher de l'église. On a le lot aussi qui traverse. Et puis également une particularité avec Madame Talabot, le monument de Talabot, qui très tôt m'a amené, m'a enseigné plusieurs choses. déjà la première... Cette histoire sur le parcours et la volonté de vouloir faire venir le train dans Saint-Geniez pour un développement économique et une incompréhension de la population, ça je me retrouve beaucoup dans cette valeur-là. Une dominante féminine, puisque Madame Talabot, son mausolée, est au-dessus de Saint-Geniesse, domine la ville de Saint-Geniesse, donc la femme a une importance, je pense, dans mon parcours. Et cette capacité d'aller de l'avant et de mener à bien des projets pour un territoire.

  • Speaker #1

    Tu peux en dire un mot de Mme Talabot ? C'est vrai que je n'ai pas révisé, je n'ai pas repris mes fiches, mais est-ce que tu as l'impression que Mme Talabot a eu cette importance-là pour tout Saint-Geniesse ou c'est toi qui t'es raccroché individuellement à son histoire ?

  • Speaker #0

    Je pense que je ne suis pas le seul à me mettre rapproché de cette histoire. Peut-être qu'on est moins nombreux à avoir conscience de cela, c'est probable, mais je pense qu'elle influence Saint-Genias, oui.

  • Speaker #1

    Et en quoi ?

  • Speaker #0

    Déjà, le fait d'avoir une conviction, de se dire qu'il faut à Saint-Geniez faire venir le train pour avoir un développement économique. Donc vraiment d'avoir cette volonté et de se battre pour arriver à faire envers contre tout, puisque la population l'a banni. Donc, finalement, il n'y a pas eu de gare, mais il y a eu une pirouette en disant, écoutez, de mon vivant, vous m'avez dominé, à ma mort, je vous dominerai. Et du coup, elle a racheté le terrain sur lequel était le château de Saint-Genies pour faire ce mausolée qui domine la ville. Donc, il y a une certaine revanche. Mais là où c'est intéressant, c'est que c'est une revanche que l'on applique avec son intelligence et son produit. Ça, c'est très important. activité économique dans laquelle je suis, je me suis toujours battu avec mes produits. J'ai eu cet enseignement-là, je pense, par la présence et l'histoire de Mme Talabot.

  • Speaker #1

    Peut-être pour finir avec elle, d'où elle a tenu sa conviction, d'après toi ?

  • Speaker #0

    Native de Saint-Genies, c'est le berceau.

  • Speaker #1

    C'est ça qui a nourri tout...

  • Speaker #0

    C'est évident.

  • Speaker #1

    Et tous les hommes natifs de Saint-Geniez qui l'ont méprisé alors, qu'est-ce qu'ils ont raté, eux ?

  • Speaker #0

    C'était une autre époque. C'est sûr, mais je pense que ce qu'ils ont raté, c'est qu'ils voyaient probablement pas plus loin que leur but. Je crois que la force d'un entrepreneur, c'est aussi de savoir se projeter, de tout homme qui mène à bien un projet et de s'imaginer comment on sera dans les années à venir, comment sera notre entreprise, où on va. Et c'est cet exercice-là qui fait qu'on va prendre les décisions en fonction de la stratégie qu'on se... qu'on s'impose.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu en es parti de Saint-Geniez pour mieux revenir, toi ?

  • Speaker #0

    Parti, oui. En fait, je suis allé un petit peu sur Toulouse. Je suis également allé sur Paris, où j'ai travaillé pour des grossistes, durant trois ans, juste avant le projet de la brasserie, de 1995 à 1998. J'ai toujours su que je me réaliserais à Saint-Geniez. J'ai toujours su que je reviendrais à Saint-Geniez et j'avais besoin de partir pour découvrir le monde et confirmer cette intuition-là. Vraiment. Un peu à l'image des Japonais. Les Japonais, le peuple japonais a dû partir pour s'imprégner de ce qui se faisait dans le monde avec la volonté, c'est vraiment la volonté de revenir. Donc parfois ils sont partis sur une, deux ou trois générations, mais ils reviennent toujours, toujours au Japon.

  • Speaker #1

    Tu avais des modèles autour de toi qui ont suivi ce chemin-là, de partir pour revenir ?

  • Speaker #0

    Non, c'était vraiment une intuition. Vraiment. Non, non, j'avais vraiment... On n'en parlait pas à l'époque. Tout le monde partait. Toulouse, Montpellier, Paris. Sur 30 élèves... De l'école Sainte-Marie où j'étais, il doit y en avoir trois sur Saint-Geniez. Mais tout le monde partait, c'était le schéma classique.

  • Speaker #1

    Et toi, tu voulais d'abord être infirmier ?

  • Speaker #0

    Ce qui s'est passé, c'est très simple. Bon, dès l'âge de 15 ans, je commençais à... à travailler. J'ai issu d'une famille populaire donc je travaillais toutes les vacances scolaires. On a quand même deux univers dans lequel on est relativement bien présenté en Aveyron, qui sont d'une part la restauration et d'autre part le milieu médical. Tout simplement parce que je pense qu'on s'intéresse à l'autre, on s'intéresse aux gens. Et au-delà de l'intérêt qu'on peut leur porter, on veut vraiment leur faciliter la vie.

  • Speaker #1

    Donc tu avais entamé des études ?

  • Speaker #0

    J'ai entamé des études. J'ai surtout passé des concours pour être infirmier. J'ai été reçu à plusieurs endroits, mais j'ai dit non, non, il ne faut pas, ce n'est pas là. Je sentais que j'avais autre chose. Donc comme j'avais une sensibilité artistique, je suis parti au Beaux-Arts à Toulouse. Ce que je faisais, ça ne leur a pas trop plu, on trouvait ça un peu particulier. Je leur ai dit tout bêtement, mais écoutez, j'ai envie d'apprendre, j'ai cette sensibilité-là, et je suis là pour apprendre, donc emprenez-moi. Et ça n'a pas marché du tout. Donc j'ai rebondi, j'ai fait Histoire, Histoire de l'art, Archéologie au Mirail, et livrer à moi-même en fac, ce n'était pas une... une bonne idée mais ça m'a permis de découvrir la bière et j'ai découvert ouais j'ai découvert une bière qui s'appelle la Saint Feuillain, une bière belge et là ça a vraiment été une révélation j'ai dit mais c'est ça quoi il faut vraiment faire de la bière en Aveyron, il faut faire découvrir l'Aveyron à ceux qui aiment la bière et la bière à ceux qui aiment l'Aveyron parce qu'on avait une boisson qui était goûteuse avec du goût Ce n'était pas cher et copieux, puisque 33 centilitres. Je n'étais pas un gros, gros buveur. Je n'avais pas la carrière pour boire des quantités. Eh bien, je prenais le temps d'apprécier ce produit. Et là, ça a vraiment été une révélation.

  • Speaker #1

    Parce que tu découvres que tu as un bon palais, déjà, pour décortiquer le goût de la bière que tu as en bouche.

  • Speaker #0

    Alors, sur le palais, oui, c'est vrai, tu as raison. Parce qu'en fait, l'origine, vraiment, c'est... 15 ans, à l'âge de 15-16 ans. Je sors dans les bars de Saint-Geniez avec mes copains de l'époque, qui eux ont plus d'argent que moi pour consommer et sortir. Moi, j'ai misérablement 50 francs, alors qu'ils ont 2 ou 300 francs. Ils boivent beaucoup de bière, ils boivent beaucoup de Ricard. Moi, je n'aime pas. J'ai pas d'accroche avec un palais, en effet, un peu plus sensible, mais aussi... que mes copains de l'époque, d'ailleurs chez moi, ils avaient tendance à dire « Oh là là, Sébastien, il est délicat, sous-entendu, il ne mange rien, non ? » Je pense que j'avais en effet ce palais un peu différent qui m'a amené à aller chercher, avec un esprit de curiosité également, des produits un peu plus élaborés. Et tout ça m'a amené, oui, à me dire « Bon, il faut fabriquer de la bière, quoi. » C'est une évidence, c'est évident.

  • Speaker #1

    Parce que les Aveyronais nous...

  • Speaker #0

    Vous ne connaissez pas ? Non, j'ai des clients qui écrivaient bière avec deux R, BIE, deux R, E, bière de l'Aveyron, lorsqu'ils l'avaient référencée dans leur établissement. Quand je leur disais, vous avez des bières de spécialité ? Ah oui, ils me disaient, oui, on a la Desperados, qui est un très bon produit, bien entendu, mais qui n'est pas du tout une bière de spécialité. Et lorsque j'arrivais à les convaincre, ils me disaient toujours, bon, mais... Donnez-moi des échantillons et je la ferai goûter à Christian. C'est un amateur, il boit 30 bières par jour. Alors évidemment, Christian, c'était loin d'être un amateur, c'était un buveur de bières. Et quand Christian goûtait la bière de l'Aubrac à ses débuts, il disait non, non, non, c'est pas bon. Il ne comprenait pas du tout ce qu'il buvait, bien entendu. Donc du coup, assez rapidement, je me suis tourné vers Paris, où j'avais encore pas mal de contacts. Et j'ai démarché. Et je montais en camion pour livrer Paris directement de l'Aveyron. Pour la petite histoire, j'avais comme budget de quoi monter à Paris par la nationale. Je ne prenais pas l'autoroute, je ne pouvais pas me payer le péage. Et quand j'arrivais, je repartais, au retour, je prenais le péage parce que j'avais récupéré, en vendant ma bière, un peu d'argent.

  • Speaker #1

    Donc la Brasserie d'Holte, tu l'as créée en 1998. Et là, quand tu parles de tes premiers voyages à Paris, c'est immédiat, c'est dans les premiers mois ?

  • Speaker #0

    Non, non, c'est 2001, 2000, 2001, deux, trois ans après.

  • Speaker #1

    Quelles ont été les premières étapes alors de la création ?

  • Speaker #0

    Les premières étapes, j'ai ouvert la brasserie officiellement le 10 juillet 1998. Le vendredi soir, après avoir mis en bouteille à la main et étiqueté avec de la colle à tapisserie et marqué des numéros de l'eau au stylo, je suis... Passer dans tous les bars de Saint-Genies pour prendre les commandes. Tout le monde a joué le jeu, tout le monde m'a commandé. J'ai livré le samedi. Le dimanche, il y avait la coupe du monde, la finale de la coupe du monde. Le dimanche soir, j'ai pu relivrer certains. Le lundi, je n'avais déjà plus rien. Donc la première amenée, ça a été vraiment quelque chose d'extraordinaire. Après, il a fallu fabriquer. Évidemment, trois semaines pour fabriquer de la bière. Donc disponible du coup. que début août, donc on a loupé le mois de juillet. Et puis j'ai profité de l'hiver pour remettre à jour le stock. Et petit à petit, j'ai su m'encadrer et faire évoluer à la fois mon outil de production, mais aussi mon équipe.

  • Speaker #1

    Vous étiez combien au début ? Seul, tout seul. Et quel a été l'accueil des Aveyronés dans les premières années ?

  • Speaker #0

    Plutôt bien. Les gens étaient curieux. Beaucoup n'y croyaient pas, bien entendu. Je pense que j'étais un peu seul, c'est évident. Mais je pense que c'est par mes connaissances marché. d'un potentiel et puis de mes capacités peut-être d'entrepreneur. Mais c'est vrai qu'on a eu dix ans d'avance, vraiment. Pour combler, au lieu d'attendre que le territoire soit prêt à me recevoir, je suis allé là où le territoire était déjà prêt pour me recevoir.

  • Speaker #1

    Donc Paris.

  • Speaker #0

    Paris.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'elle a de particulier, ta bière, aujourd'hui, après 25 ans ?

  • Speaker #0

    Alors... Ce qui est très représentatif des bières que nous fabriquons, c'est cette harmonie entre l'image que l'on véhicule et le produit que l'on a à l'intérieur. J'ai toujours été convaincu que l'on pouvait faire de la quantité et de la qualité. J'ai toujours pensé qu'on ne pouvait pas dénigrer la qualité d'un produit pour en faire de la quantité. Nous aujourd'hui... On est vraiment sur cette démarche-là. Et finalement, les recettes, par rapport au début, elles n'ont quasiment pas changé. En tout cas, au niveau des intrants et tout, c'est toujours la même chose. Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Les brasseries artisanales n'existaient pas. Le matériel n'existait pas. J'ai dû fabriquer du matériel pour pouvoir élaborer une bière. Donc, c'était vraiment la genèse de cet univers-là. Aujourd'hui, on a des outils qui permettent de faire ce que l'on veut, comme on veut, sans échouer du tout, avec une garantie d'avoir 100%. Donc, il faut bien définir l'image et l'essence du produit que l'on veut avoir pour donner à nos consommateurs. Dans la continuité, le consommateur que l'on a, il est identitaire à ce que nous sommes et ce que nous pensons. Ça, c'est incroyable. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on a la clientèle qui correspond à notre philosophie. Voilà, ça c'est... Au niveau du territoire aussi, en Aveyron, on attire une clientèle touristique qui s'intéresse à la randonnée, au sport de nature en général, le vélo, le cheval, le kayak, parce qu'on a un territoire qui est prédestiné à cette clientèle-là. Donc du coup, ça matche.

  • Speaker #1

    Ils viennent d'où tes ingrédients à toi ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on travaille à la Malterie Occitane, dans le Tarn, où on a des orges français. C'est l'essentiel de notre matière première. Les houblons proviennent du nord, de l'est de la France, mais aussi d'Angleterre, des Etats-Unis, de Nouvelle-Zélande. En fait, le houblon est une plante aromatique identitaire qui va nous permettre de donner une orientation à notre bière. Et c'est ça qui est important. chez nous. Le principal, c'est le produit final. Qu'est-ce qu'on veut donner à nos consommateurs ? On va aller chercher les matières là où on considère qu'elles sont les meilleures. Si on peut avoir des matières premières locales, c'est fabuleux, c'est très bien. Mais on ne va pas utiliser des matières premières locales pour dire qu'on fabrique une bière avec des matières premières locales. Parce qu'on ne veut pas l'orienter par rapport à ça. On veut l'orienter par rapport au goût final, aux saveurs finales.

  • Speaker #1

    Ça veut dire que du houblon, aujourd'hui en France, on en trouve dans le Nord ?

  • Speaker #0

    On en trouve de plus en plus, si, si. Maintenant, on en trouve de plus en plus, parce que des coopératives se mettent à fabriquer du houblon un petit peu partout en France. Et je suis très optimiste pour les années à venir, bien entendu, où on arrivera à trouver l'essentiel des variétés qu'aujourd'hui on importe sur le territoire français.

  • Speaker #1

    Et puis, il y a cette eau de l'Aubrac, toujours ?

  • Speaker #0

    Toujours. 98% d'eau dans la bière, ça rassure en général. Je dis ça lors des visites de la brasserie que j'organise l'été. 98% d'eau, c'est l'eau du réseau de Saint-Genies. Le réseau de Saint-Genies est alimenté en partie par les monts de l'eau braque. Mais l'eau, c'est l'identité. de la bière. C'est vraiment la matière première qui va avoir un impact sur le produit final. Donc cette eau est filtrée, elle est optimisée pour la production de la bière, on va la déclorer et on va la prendre en part entière comme un ingrédient principal de nos recettes. On utilise 8 litres d'eau pour la production d'un litre de bière. Alors chez nous, c'est un petit peu moins, on est autour des 6 litres. C'est le volume que l'on utilise pour fabriquer un litre de bière.

  • Speaker #1

    Donc tu es le plus gros consommateur d'eau de Saint-Geniesse a priori ?

  • Speaker #0

    Je pense que oui.

  • Speaker #1

    C'est donc toi. Un point sur les chiffres, avant de te rencontrer, j'ai regardé un peu ce que représente le marché de la bière en France, qui a complètement explosé, c'est ce que tu disais ces 20 dernières années. Juste à titre comparatif, en 2006 on comptait 250 brasseries en France. On en compte aujourd'hui 10 fois plus. On est à peu près à 2500 en 2024, dont 90% de micro-brasseries. La France est le 8e producteur mondial de bière, mais le dernier consommateur d'Europe avec 33 litres par an et par habitant. Ce sont les moyennes relevées par le syndicat des brasseurs. Et ce qui est intéressant, c'est quand même que 70% des bières consommées en France sont fabriquées en France. Ce chiffre-là, il m'a quand même beaucoup surprise, peut-être naïvement. Quel regard tu portes, toi, sur toutes les microbrasseries qui fleurissent partout en France et en Aveyron, largement ? Je crois en avoir comptabilisé une vingtaine aujourd'hui en Aveyron.

  • Speaker #0

    C'est très bien, je trouve que c'est très intéressant. Il faut amener de la diversité. C'est ce qui est important. Il faut amener le consommateur dans l'univers de la bière. C'est évident. Quand j'ai commencé, 60 brasseries en France. 1998, en Belgique, il y avait 220 brasseries. C'est vrai qu'on a tous, surtout en France, comme pays de prédilection, la Belgique. Quand je montais en Belgique, j'allais dans les bars, je goûtais des bières, et puis... Merci. Je rentrais dans un bar, ils me donnaient la carte, il y avait 200, 300 bières. C'était toujours la même, quoi. Toujours les mêmes choses. Duvel, Orval, Chimay, Maritzus. On leur disait, mais... Je leur disais, mais... Vous n'avez pas de... Des nouveautés ? Vous n'avez pas des choses qui changent un peu ? qui sortent de l'ordinaire. Alors ils me répondent, avec 220 bières, c'est passé quand même. Je dis, si oui, mais qu'est-ce qu'il y a de nouveau ? Il n'y a vraiment rien de nouveau. Avec l'émergence des brassiques artisanales, on a fait... exploser les différents types de bières. Donc du coup, on a amené de la nouveauté dans un milieu vieillissant. Mais au bout d'un moment, on se rend compte que finalement, tout le monde fait un peu pareil. Si vous prenez la bière blonde de toutes nos brasseries à Véronèse, très peu vont se démarquer par quelque chose d'incroyable, de différent, si on fait vraiment abstraction du marketing. C'est ce que je trouve un peu dommage. On n'a pas réussi en France à trouver une identité française de la bière. Ça, je trouve que c'est dommage. On s'est très contenté à fabriquer des... typicités de bières, comme il en existe, les IPA, les Stout, les double IPA, on a tous ce genre de produit, mais avoir un produit identitaire, inclassable, c'est très compliqué. Nous, on en a une dans la gamme. Sur 12 bières, on n'en a qu'une qui a une identité propre et qui est inclassable. C'est celle qui n'a aucune médaille, bien entendu. puisqu'elle est inclassable. Et c'est, je pense, à mes yeux, la meilleure, parce qu'elle est inclassable. C'est la Sabetz que leu. La Sabetz que leu est une bière blonde, bien houblonnée, avec des saveurs de litchi, fruit de la passion mangue, qui proviennent des variétés de houblon que l'on utilise pour sa fabrication, et qui revendiquent un petit peu cette appartenance à un territoire. à une communauté, la communauté occitane, la langue et les valeurs que tout cela peut transmettre. C'est très réussi aussi de ce point de vue-là, en toute modestie, parce que... on a vraiment un produit qui colle à l'image et à son histoire. « Sabetz que leu » C'est une expression que me disait mon grand-père lorsque j'étais enfant, un peu turbulent. Il se pinçait le béret et il me disait « Sabe-t-ce qu'elle est ? » On ne savait pas ce que ça voulait dire, mais on savait qu'il fallait se taire. Ça veut dire que bientôt, sous-entendu, il y en a une qui va tomber. Si tu continues, tu vas t'en prendre une. Mais c'était une menace jamais mise en exécution. Et nous, la Sabetz, c'est un peu ça. C'est même complètement ça. Elle est forte, elle fait 7 degrés. On dit, attention, Mephis a té, tu vas t'en prendre une. Mais au bout de trois, en général, le consommateur s'arrête. Il est bien et tout se passe pour le mieux. Ça lui permet d'y revenir le lendemain.

  • Speaker #1

    Justement, par rapport à toutes ces microbrasseries, comment toi tu te positionnes après des années à avoir défriché le chemin ? Maintenant que vous êtes de plus en plus d'acteurs, comment toi, pionnier, tu te repositionnes sur ce paysage-là ? Il y a la sagesse de l'ancien ?

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que ça a toujours été le cas. Encore une fois, nous, on se bat avec nos convictions. qui concerne le produit, lié au produit, à notre réactivité. Et aujourd'hui, on continue à le faire. J'ai longtemps regretté de ne pas avoir de concurrent. La concurrence dans les affaires, c'est positif. C'est très positif, c'est stimulant. C'est comme l'opposition en politique. Évidemment qu'il en faut. Il faut absolument qu'on ait sur le territoire des gens qui nous amènent à ça. Je pense que j'ai toujours agi en considérant, même lorsqu'il n'y avait pas de concurrence, qu'il y avait une concurrence. C'est ce qui, je pense, fait aussi que je suis encore là, 27 ans après.

  • Speaker #1

    Tu te sens l'âme d'un pionnier ?

  • Speaker #0

    Ah oui, complètement, oui. Bien sûr. On a inventé une machine pour fabriquer de la bière. Quand j'ai rencontré Philippe Starck, que je lui ai raconté mon parcours, je lui ai expliqué qu'on soudait des coudes à 45 degrés au lieu de 4. 90 degrés, qu'on mettait des variateurs pour démarrer les pompes, on-off, de manière à ce que la pompe, elle ne fasse pas on-off bêtement, mais qu'elle démarre doucement, et qu'elle s'arrête doucement, en ayant conscience que ça a apporté quelque chose au produit le nombre de passages en pop la taille des cuves la forme des cuves si c'est une cuve verticale horizontale moi je suis convaincu de cela bien entendu et lorsqu'en 2012 on a acheté une salle à brasser on l'a achetée d'abord manuelle et on a participé à son élaboration pour qu'elle corresponde à ce que l'on voulait vraiment oui oui vraiment on a été des pionniers à 200%

  • Speaker #1

    Donc tu évoques Philippe Stark, le designer avec qui vous avez collaboré au mi-temps des années 2000 ? 2014-15 ?

  • Speaker #0

    Oui, 2015-16.

  • Speaker #1

    2015-16 plutôt. Aujourd'hui, la production de la brasserie Dolt, on est sur combien d'hectolitres par an ?

  • Speaker #0

    On fait un peu plus de 10 000 hectolitres par an.

  • Speaker #1

    Donc ça fait un million de litres.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est un million de litres.

  • Speaker #1

    Un million de litres par an ?

  • Speaker #0

    Un peu plus. Ok. Un peu plus d'un million de litres par an.

  • Speaker #1

    Donc sur une dizaine de bières différentes, et tu comptes aussi les sodas, les softs ?

  • Speaker #0

    Ah non, ça c'est uniquement la bière.

  • Speaker #1

    Que de la bière, ok. Qu'est-ce que représentent les sans-alcool dans ta production ?

  • Speaker #0

    En 2009, j'ai eu la volonté de compléter la gamme de nos bières par une gamme de limonades. Limonade aromatisée, parce que déjà à l'époque on avait conscience que l'alcool, il fallait en consommer de moins en moins. En tout cas il fallait avoir une approche différente face à sa consommation d'alcool. Et là je m'y retrouve à 200%. Comme je le disais tout à l'heure, quand j'étais jeune, je ne buvais pas d'alcool par goût. L'alcool, qu'est-ce qu'il apporte finalement dans un produit ? C'est un exhausteur de goût, bien entendu, ça donne du corps. Mais je pense qu'on peut faire beaucoup de produits sans cette molécule-là et tout aussi intéressant.

  • Speaker #1

    Et en termes de volume ?

  • Speaker #0

    De volumes qui sont de plus en plus importants. ça reste très marginal, bien entendu, dans notre gamme. de produits, mais je pense que c'est des volumes qui... Au-delà des volumes, je pense qu'on a encore beaucoup de boissons à inventer. Je pense que le défi des décennies à venir, c'est d'inventer une boisson qui va substituer le vin et la bière. C'est clair. C'est évident.

  • Speaker #1

    T'es sur les rails ?

  • Speaker #0

    pour les monter ?

  • Speaker #1

    10 ans d'avance, mais pas un siècle d'avance. Je pense aux générations futures, mais quand même.

  • Speaker #0

    Donne-leur des idées. Là encore, sur les chiffres, combien de salariés aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    14.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu te considères encore comme un fabricant artisanal ? Qu'est-ce qu'il reste d'artisanal dans une production quand elle prend ces proportions-là ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, bien sûr, plus que jamais, puisque c'est le choix des matières premières qui fait que nous allons avoir une démarche artisanale. Donc d'abord le choix de ces matières, la provenance, mais surtout leur qualité. Ça, c'est vraiment quelque chose de très, très important. La méthode de fabrication, on a un outil à échelle humaine pour augmenter la capacité. Il me suffit juste de rajouter des cuves de fermentation, de garde, tout simplement. Mais l'outil qui permet la fabrication de la bière reste le même. On va avoir une logique d'optimisation par rapport à notre activité, mais c'est une logique d'entrepreneur que je suis, qui va permettre de développer tout en maintenant cet aspect artisanal, bien entendu.

  • Speaker #0

    Ou un étude de l'export ? Je m'étais arrêté au Japon, l'Italie et la Grèce, est-ce que je dis des bêtises ?

  • Speaker #1

    Non, non, pas du tout, et Danemark, Suède et d'autres pays. Aujourd'hui, c'est évidemment terminé parce que... au niveau de la planète, a fait prendre conscience qu'il fallait travailler local. On a fait de l'export lorsque c'était l'émergence de la microbrasserie. Pour reprendre l'exemple du Japon, le Japon était un peu moins en avance que la France pour ce sujet-là. Et du coup, on a suscité l'intérêt de bières artisanales. Du coup, ils se sont tournés vers le monde entier pour voir ce qui se faisait dans le monde entier. il y avait une vraie tendance. Aujourd'hui, on le voit à l'échelle de la France, on importe, je présume, très peu de bière. Je n'ai pas les chiffres, mais je pense qu'on importe très peu de bière parce que le marché français se suffit à lui-même. Donc,

  • Speaker #0

    c'est-à-dire que vraiment, tu recentres sur ton ancrage et c'est là qu'on revient peut-être à Sainte-Geniesse. Donc, toi, tu as toujours eu à cœur de t'implanter ici et de faire vivre le tissu local. Ça veut dire aussi que toutes tes stratégies marketing et commerciales aujourd'hui se recentrent sur la France ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, elle se recentre surtout sur le produit. Je crée des univers produits et j'associe une clientèle à cet univers produit. Mon identité, elle est vraiment là. Je ne fais pas un produit qui correspond à un marché. Ça, je me l'interdis. Prenons l'exemple sur la limonade à la figue. Il n'y a pas de marché pour la limonade à la figue. Ça n'existe pas, on n'en trouve pas. Et personne ne dit, dis-donc, si on fabrique de la limonade à la figue, La figue, on va en vendre dans le monde entier. Non, je suis fanat de figue, j'adore ça, et je pensais qu'il y avait vraiment quelque chose à faire avec ce fruit-là. Et la limonade à la frigue est une de mes limonades qui fonctionne le moins, mais dont je suis le plus fier, parce qu'elle est juste parfaite. Elle a le nez de la figue, elle a le goût de la figue, elle se marie super bien en restauration, elle accompagne très bien. Quand on a une fois gras, mais pas que, et on prend beaucoup de plaisir à consommer ce produit-là. Je ne l'arrêterai jamais, jamais. C'est vraiment quelque chose dont on est fier à la brasserie, de faire des produits qui correspondent à nos convictions.

  • Speaker #0

    Et sur le fait de rester à Saint-Genest donc ?

  • Speaker #1

    Saint-Genest, c'est vraiment là où il faut être. Honnêtement, sur un produit comme le nôtre, il faut absolument être dans un univers rural. Ça, c'est très important, ça a du sens. On a la proximité de grandes villes, on a cet accès-là. Là où c'est plus embêtant, c'est séduire des profils pour venir travailler. Là, c'est là que le bas blesse. Jusqu'à maintenant, on rencontrait des jeunes qui venaient apprendre un métier, qui allaient s'investir à nos côtés, 2-3 ans. Une fois qu'ils avaient appris, ils partaient. dans leur ville ou département d'origine. Puis on a eu un creux où il y avait tellement de brasseries partout que ceux qui partaient pour découvrir un métier n'ont plus besoin de partir. Ils restaient chez eux. Donc du coup, on carence un peu. Aujourd'hui, on commence à avoir des jeunes qui cherchent vraiment des entreprises dans lesquelles ils vont pouvoir s'épanouir d'un point de vue professionnel. Et nous, on offre ça. Et on commence à séduire vraiment des profils très intéressants qui sont tournés sur l'apprentissage et comment ils peuvent se réaliser à l'intérieur d'une structure comme la mienne.

  • Speaker #0

    Tu me le disais hors micro, tu crois beaucoup à la part qu'ont à prendre les campagnes dans le redressement du pays, carrément.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Et même, je vais plus loin, parce que ce territoire... permet à des gens de se réaliser sans avoir forcément les moyens d'eux. Ça veut dire qu'on ouvre la possibilité à un plus grand nombre de s'épanouir.

  • Speaker #0

    Quels sont les freins qu'il reste à lever ?

  • Speaker #1

    Le frein en main.

  • Speaker #0

    D'abord ?

  • Speaker #1

    D'abord, celui-là, il faut le desserrer, il faut le lâcher. Le frein principal, je pense, c'est que nous ne sommes pas assez nombreux à nous réunir pour amener des solutions. On a tous les mêmes problématiques. Tous les entrepreneurs du département ont la même problématique. Il faut vraiment se réunir parce que nous avons chacun un maillon de la chaîne qui va permettre la réussite. à Laiol ils en ont un, à Millau, à Rodez, à Saint-Genies, etc. On a tous un maillon et de se réunir pour assembler les maillons et amener des solutions ferait qu'on lèverait tous les freins, bien sûr.

  • Speaker #0

    Donc ça veut dire de la coopération territoriale, entre collectivités ? Quand tu parles de réussite, est-ce que toi, ta réussite, elle passe par le toujours plus ? Est-ce que l'objectif c'est de produire ? Plus demain ou est-ce que tes réflexions vont ailleurs ?

  • Speaker #1

    Non, mes réflexions vont ailleurs depuis 2019. Nous sommes en position de stand-by. On observe un petit peu le marché. On est en augmentation tous les ans. On a clôturé au 30 septembre notre dernier exercice qui a été un exercice très compliqué, beaucoup de pluie. La vente de bière dépend beaucoup du temps. mais aussi un marasme économique dans ce secteur d'activité-là. Il faut courber les chines, continuer à structurer. C'est l'essentiel de mon activité aujourd'hui, notamment au niveau du personnel, arriver à constituer l'équipe qui va permettre de traverser le temps. C'est vrai qu'à titre personnel, je suis... convaincu encore aujourd'hui que mon avenir est devant. Je suis optimiste, non ? Moi, j'ai plutôt tendance à voir tout ce qu'on n'a pas pu faire par rapport à tout ce qui a été fait. Bien que tout ce qui a été fait, bien sûr, est très bien, très sympathique. Mais il y a beaucoup plus qui n'a pas été fait qu'aurait pu être fait.

  • Speaker #0

    Tu n'es pas si optimiste, finalement.

  • Speaker #1

    Non, c'est ça. Je n'ai qu'à vivre.

  • Speaker #0

    Donc, si je ne te demande pas quelle est ta plus grande fierté, quel est ton plus grand regret, alors ? C'est quoi que t'as pas pu faire ?

  • Speaker #1

    Je... Je ne sais pas si je peux dire ça, mais je ne regrette pas. Je ne regrette pas parce que je pense que j'ai fait ce que je devais faire au moment où je l'ai fait. Regretter, c'est se dire « j'aurais dû faire ça » . Non, je ne pense pas. Je pense que j'ai pris conscience de tout ce que je faisais. Donc je ne regrette pas. Je trouve juste dommageable que l'on n'arrive pas à mettre en place tous les éléments pour que la réussite professionnelle dans nos... que nos villages, dans nos communes à Véronèse, ne soient pas encore présentes. C'est dommage, on passe vraiment à côté, pour moi, d'un développement économique assez certain. Je suis peut-être atypique aujourd'hui parce qu'on n'est pas nombreux, mais des possibilités de faire ce que j'ai fait dans nos villages, il y en a... À défaut de dizaines, il y en a au moins cinq ou six qui pourraient être faites. Et là, je ne serais plus atypique, je serais un parmi d'autres.

  • Speaker #0

    Tu as déjà voulu faire de la politique ? Tu en as fait un peu ?

  • Speaker #1

    Non, non, non, non. Je ne peux pas dire que j'ai fait de la politique.

  • Speaker #0

    Tu as été dans un conseil mondial ?

  • Speaker #1

    Oui, mais je suis un entrepreneur. Je tiens vraiment à ça.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qu'ils peuvent apporter, les entrepreneurs, aux politiques, alors, pour le développement des villages, comme tu disais ?

  • Speaker #1

    Je pense que la... La vision des choses, le ressenti des opportunités, la gnaque, c'est... on ne lâche rien, quoi. Mais pour ça, il faut avoir une vision, il faut savoir où on va. Quand on sait où on va, c'est bien. Mais il faut avoir des convictions et aller vers ces convictions-là, s'entourer pour pouvoir mener à bien ses objectifs.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question, Sébastien, que je pose à tous les invités du podcast. C'est en quoi est-ce que tu crois ?

  • Speaker #1

    La réponse peut être un peu délicate et mal interprétée. J'espère que non, mais je crois en moi. Je suis né dans une famille catholique très pratiquante. Quand mes parents étaient au travail, j'étais chez mes grands-parents. Mon grand-père, originaire de Viorals, vivait avec sa femme, ma grand-mère, mais également avec les deux sœurs de ma grand-mère, qui n'étaient ni plus ni moins mes grandes-tantes, la tante Jeanne et la tante Thérèse, qui étaient toutes les deux des Isle of Jesus. On avait le curé tous les dimanches qui venait manger, la sœur Monique qui était au centre de soins, qui passait tous les soirs. Elle donnait quasiment tout leur argent à l'église. Et j'ai grandi dans cet univers-là. Et j'ai en tête, j'ai en mémoire la messe. J'allais à la messe tous les samedis soirs, tous les dimanches matins. Et j'ai en mémoire le curé de l'époque qui disait qu'il fallait croire en Dieu. Chez moi, ça fait un... tilt, ça a vraiment, quelque chose s'est allumé dans ma tête et je me suis dit mais pourquoi je veux croire en quelqu'un d'autre avant de croire en moi ? Et du coup, depuis ce jour-là, j'ai toujours cru en moi. C'est bizarre, c'est étonnant. Des fois dans un milieu familial qui ne croyait pas beaucoup en moi, ça n'a pas beaucoup aidé mais bon. Ça m'a peut-être permis d'être ce que je suis au jour d'aujourd'hui. Ça ne veut pas dire que j'ai toujours raison, mais que j'ai la conviction que ce que je fais, je dois le faire. La foi, ça soulève des montagnes, c'est évident. Stark disait, si on n'y croit pas, il ne faut pas le faire. C'est tellement évident. Mais oui, si on n'y croit pas, il ne faut pas le faire. Moi, j'y crois et du coup, je le fais. C'est une particularité, je pense, qui me... caractérise avec un élément que j'ai découvert il n'y a pas très longtemps, il y a quelques années, c'est l'intuition. Il s'avère que j'ai de l'intuition. Je ressens. J'ai probablement cette sensibilité-là qui me permet de ressentir les choses et de savoir s'il faut y aller ou pas. L'intuition, l'intuition, elle ne nous trompe jamais, vraiment. Tout le monde a de l'intuition, plus ou moins. Il faut savoir que ça se travaille. Je ne le travaille pas, mais tes auditeurs trouveront tous les éléments pour trouver l'intuition qu'ils ont en eux. Et il faut y croire, il faut y croire à fond, parce qu'elle ne vous amène jamais là où il ne faut pas.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Sébastien.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Finta jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu, inspiré, questionné et fait voyager, peut-être. Si tu fais partie de ceux qui apprécient le podcast et qui veulent continuer à cheminer avec moi dans les contrées avéronaises, tu peux désormais soutenir financièrement le podcast. En donnant quelques euros par mois ou en faisant un don ponctuel, tu participes à renforcer l'indépendance éditoriale de Finta et tu valorises, par la même occasion, le temps que j'y consacre chaque semaine. Figure-toi que si chaque auditeur donne un euro par mois, Finta peut vivre sans publicité Dès aujourd'hui. Le lien de la cagnotte est disponible en description de cet épisode. Et d'avance, moi, je vous dis merci. Si vous souhaitez continuer la discussion, je suis toujours curieuse de vous lire et d'échanger. Je vous propose que l'on se retrouve sur Facebook, sur Instagram ou sur le site fintapodcast.fr. Vous pouvez retrouver tous les précédents épisodes de Finta gratuitement sur les applications de podcast et pour recevoir chaque nouvel épisode directement dans votre boîte mail, Vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter. Et pour que Finta vive, si vous appréciez le podcast et que vous souhaitez soutenir ce travail indépendant, partagez-le autour de vous. Consférez-le à vos amis, parlez-en. C'est le meilleur soutien que vous puissiez nous apporter. A très bientôt.

Description

Juillet 1998. Tous les yeux sont braqués sur Zidane et l’équipe de France, qui vient de décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du monde. En attendant le coup d’envoi, ce dimanche 12 juillet au Stade de France, la fête est partout. Dans chaque ville, sur chaque place de village, drapée de bleu-blanc-rouge. à ce même moment, dans un petit local de Saint-Geniez, il en est un qui vit ses premiers pas de brasseur. Dans l’effervescence nationale, les tout premiers fûts de la bière d’Olt coulent dans les bars du village. La Brasserie d’Olt est née, en fanfare.


Tandis que la France ne compte alors, qu’une poignée de brasseries artisanales, Sébastien Blaquière arrive avec l’âme d’un pionnier, qu’il revendique aujourd’hui, parce qu’il se souvient avoir débroussaillé le chemin à mains nues. Vingt-sept ans plus tard, plus de vingt micro-brasseries ont fleuri en Aveyron à ses côtés.


De son flair précurseur, de la concurrence locale qu’il a longtemps attendue, de son influence japonaise qui l’a poussé à aller voir du pays pour s’imprégner d’autres cultures avant de revenir entreprendre au bercail, de la difficulté de recruter à la campagne, qui n’entache pas pour autant son attachement viscéral à son village natal : dans cet entretien, nous avons cheminé entre tous ces sujets. Et puis j’ai aussi appris que l’alcool, lui, il n’y tient pas outre-mesure, que la personnalité de Marie Talabot, figure de la cité marmotte au XIXe siècle, l’accompagne depuis l’enfance, et que les Parisiens ont été les premiers à croire en son breuvage. Bonne écoute !

 

📚 Pour aller plus loin :

-          Marie Talabot, une biographie de Louis Mercadier (éditions de Borée)


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Transcription

  • Speaker #0

    Évidemment, Christian, c'était loin d'être un amateur, c'était un buveur de bière. Et quand Christian goûtait la bière de l'Aubrac à ses débuts, il disait « non, non, non, c'est pas bon » . Il ne comprenait pas du tout ce qu'il buvait.

  • Speaker #1

    Explorer les basculements d'une époque, sentir frémir des énergies, voir les ruralités se transformer avec celles et ceux qui les provoquent, les repensent et les bousculent. Finta. C'est le podcast qui nourrit des esprits, des envies d'agir et des espoirs très concrets à l'échelle locale. Finta donne à entendre l'Aveyron à travers celles et ceux qui ont choisi d'habiter, ici et maintenant, de s'engager, aujourd'hui pour demain. Je suis Lola Cross et j'arpente ce bout de campagne depuis dix ans comme journaliste. Avec Finta, je vous invite à croiser des regards, à Finter de plus près. Et ça commence tout de suite. Juillet 1998, tous les yeux sont braqués sur Zidane et l'équipe de France qui vient de décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du Monde. En attendant le coup d'envoi, ce dimanche 12 juillet au Stade de France, la fête est déjà partout, dans chaque ville, sur chaque place de village drapée de bleu, blanc, rouge. À ce même moment, dans un petit local de Saint-Genies, il en est un qui vit ses premiers pas de brasseur. Dans l'effervescence nationale, les tout premiers fûts de la bière d'Holte coulent déjà dans les bars du village. La brasserie d'Olt est née en fanfare. Tandis que la France ne compte alors qu'une poignée de brasseries artisanales, Sébastien Blaquer arrive avec l'âme d'un pionnier, qu'il revendique aujourd'hui, parce qu'il se souvient d'avoir débroussaillé le chemin à main nue. 27 ans plus tard, plus de 20 microbrasseries ont fleuri, en Aveyron, à ses côtés. De son clair précurseur, de la concurrence locale qu'il a longtemps attendue, de son influence japonaise qu'il a poussée à aller voir du pays pour s'imprégner d'autres cultures. Avant de revenir entreprendre Robert Caille, de la difficulté de recruter à la campagne, qui n'entache pas pour autant son attachement viscéral à son village natal, dans cet entretien, nous avons cheminé entre tous ces sujets. Et puis j'ai aussi appris que l'alcool, lui, il n'y tient pas outre mesure, que la personnalité de Marie Talabot, véritable figure de la cité marmotte au XIXe siècle, l'accompagne depuis l'enfance, et que les Parisiens ont été les premiers à croire en son breuvage.

  • Speaker #0

    Alors j'ai choisi de te recevoir à Saint-Geniez d'Olt, où je suis né. Non seulement je suis natif, mais en plus je suis le dernier à être né à Saint-Geniez d'Olt. Mais j'ai la chance d'être né à l'hospice, en face de la mairie de Saint-Geniez. Ma mère y travaillait et elle avait la volonté d'accoucher pour son deuxième enfant à Saint-Geniez. 4 octobre 1972, c'est l'année de l'ouverture de la maternité à l'hôpital, mais qui n'a jamais reçu personne pour avoir... Attends,

  • Speaker #1

    ça veut dire que la maternité, elle n'a jamais été en activité ?

  • Speaker #0

    Jamais été en activité, et depuis, il n'y a pas eu de naissance à Saint-Geniez par accident ou autre. Je suis vraiment le dernier du dernier du dernier à vérifier sur les registres. à la mairie, bien entendu, mais c'est bien moi. J'ai un souvenir de Jeanine Marcillac, qui était secrétaire de mairie, qui chaque fois me voyait, me disait « Sébastien, viens, toi tu es le dernier à être né à Saint-Geniez, tu as un privilège, tu passes devant les autres. »

  • Speaker #1

    D'accord, ça marche encore,

  • Speaker #0

    le privilège ? Ça ne marche plus, non, ça ne marche plus.

  • Speaker #1

    Et dans quelle famille tu as grandi ? Tu viens d'aborder ta maman ?

  • Speaker #0

    Ma maman, agent hospitalier, faisait le ménage. À l'hôpital de Saint-Geniès, mon père cuisinait, était aux cuisines. Mon père partait au travail à 5h du mat', ma mère à 5h30. Donc très seul, livré à moi-même.

  • Speaker #1

    Tu n'avais pas de frères et sœurs ?

  • Speaker #0

    Si, mais une sœur aînée qui était avec nous, et une petite sœur qui est venue plus tard, lorsque j'avais 9 ans.

  • Speaker #1

    Quels sont tes souvenirs d'enfants à Saint-Geniès alors ?

  • Speaker #0

    De très bons souvenirs, parce qu'on se régalait, on a la chance d'avoir un patrimoine architectural incroyable. Donc j'ai très tôt été intéressé par cet univers-là, cette architecture-là, son histoire. On faisait visiter le village tous les saisonniers, ceux qui venaient passer les vacances, les parisiens également. On jouait dans ces murs, on montait au clocher de l'église. On a le lot aussi qui traverse. Et puis également une particularité avec Madame Talabot, le monument de Talabot, qui très tôt m'a amené, m'a enseigné plusieurs choses. déjà la première... Cette histoire sur le parcours et la volonté de vouloir faire venir le train dans Saint-Geniez pour un développement économique et une incompréhension de la population, ça je me retrouve beaucoup dans cette valeur-là. Une dominante féminine, puisque Madame Talabot, son mausolée, est au-dessus de Saint-Geniesse, domine la ville de Saint-Geniesse, donc la femme a une importance, je pense, dans mon parcours. Et cette capacité d'aller de l'avant et de mener à bien des projets pour un territoire.

  • Speaker #1

    Tu peux en dire un mot de Mme Talabot ? C'est vrai que je n'ai pas révisé, je n'ai pas repris mes fiches, mais est-ce que tu as l'impression que Mme Talabot a eu cette importance-là pour tout Saint-Geniesse ou c'est toi qui t'es raccroché individuellement à son histoire ?

  • Speaker #0

    Je pense que je ne suis pas le seul à me mettre rapproché de cette histoire. Peut-être qu'on est moins nombreux à avoir conscience de cela, c'est probable, mais je pense qu'elle influence Saint-Genias, oui.

  • Speaker #1

    Et en quoi ?

  • Speaker #0

    Déjà, le fait d'avoir une conviction, de se dire qu'il faut à Saint-Geniez faire venir le train pour avoir un développement économique. Donc vraiment d'avoir cette volonté et de se battre pour arriver à faire envers contre tout, puisque la population l'a banni. Donc, finalement, il n'y a pas eu de gare, mais il y a eu une pirouette en disant, écoutez, de mon vivant, vous m'avez dominé, à ma mort, je vous dominerai. Et du coup, elle a racheté le terrain sur lequel était le château de Saint-Genies pour faire ce mausolée qui domine la ville. Donc, il y a une certaine revanche. Mais là où c'est intéressant, c'est que c'est une revanche que l'on applique avec son intelligence et son produit. Ça, c'est très important. activité économique dans laquelle je suis, je me suis toujours battu avec mes produits. J'ai eu cet enseignement-là, je pense, par la présence et l'histoire de Mme Talabot.

  • Speaker #1

    Peut-être pour finir avec elle, d'où elle a tenu sa conviction, d'après toi ?

  • Speaker #0

    Native de Saint-Genies, c'est le berceau.

  • Speaker #1

    C'est ça qui a nourri tout...

  • Speaker #0

    C'est évident.

  • Speaker #1

    Et tous les hommes natifs de Saint-Geniez qui l'ont méprisé alors, qu'est-ce qu'ils ont raté, eux ?

  • Speaker #0

    C'était une autre époque. C'est sûr, mais je pense que ce qu'ils ont raté, c'est qu'ils voyaient probablement pas plus loin que leur but. Je crois que la force d'un entrepreneur, c'est aussi de savoir se projeter, de tout homme qui mène à bien un projet et de s'imaginer comment on sera dans les années à venir, comment sera notre entreprise, où on va. Et c'est cet exercice-là qui fait qu'on va prendre les décisions en fonction de la stratégie qu'on se... qu'on s'impose.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu en es parti de Saint-Geniez pour mieux revenir, toi ?

  • Speaker #0

    Parti, oui. En fait, je suis allé un petit peu sur Toulouse. Je suis également allé sur Paris, où j'ai travaillé pour des grossistes, durant trois ans, juste avant le projet de la brasserie, de 1995 à 1998. J'ai toujours su que je me réaliserais à Saint-Geniez. J'ai toujours su que je reviendrais à Saint-Geniez et j'avais besoin de partir pour découvrir le monde et confirmer cette intuition-là. Vraiment. Un peu à l'image des Japonais. Les Japonais, le peuple japonais a dû partir pour s'imprégner de ce qui se faisait dans le monde avec la volonté, c'est vraiment la volonté de revenir. Donc parfois ils sont partis sur une, deux ou trois générations, mais ils reviennent toujours, toujours au Japon.

  • Speaker #1

    Tu avais des modèles autour de toi qui ont suivi ce chemin-là, de partir pour revenir ?

  • Speaker #0

    Non, c'était vraiment une intuition. Vraiment. Non, non, j'avais vraiment... On n'en parlait pas à l'époque. Tout le monde partait. Toulouse, Montpellier, Paris. Sur 30 élèves... De l'école Sainte-Marie où j'étais, il doit y en avoir trois sur Saint-Geniez. Mais tout le monde partait, c'était le schéma classique.

  • Speaker #1

    Et toi, tu voulais d'abord être infirmier ?

  • Speaker #0

    Ce qui s'est passé, c'est très simple. Bon, dès l'âge de 15 ans, je commençais à... à travailler. J'ai issu d'une famille populaire donc je travaillais toutes les vacances scolaires. On a quand même deux univers dans lequel on est relativement bien présenté en Aveyron, qui sont d'une part la restauration et d'autre part le milieu médical. Tout simplement parce que je pense qu'on s'intéresse à l'autre, on s'intéresse aux gens. Et au-delà de l'intérêt qu'on peut leur porter, on veut vraiment leur faciliter la vie.

  • Speaker #1

    Donc tu avais entamé des études ?

  • Speaker #0

    J'ai entamé des études. J'ai surtout passé des concours pour être infirmier. J'ai été reçu à plusieurs endroits, mais j'ai dit non, non, il ne faut pas, ce n'est pas là. Je sentais que j'avais autre chose. Donc comme j'avais une sensibilité artistique, je suis parti au Beaux-Arts à Toulouse. Ce que je faisais, ça ne leur a pas trop plu, on trouvait ça un peu particulier. Je leur ai dit tout bêtement, mais écoutez, j'ai envie d'apprendre, j'ai cette sensibilité-là, et je suis là pour apprendre, donc emprenez-moi. Et ça n'a pas marché du tout. Donc j'ai rebondi, j'ai fait Histoire, Histoire de l'art, Archéologie au Mirail, et livrer à moi-même en fac, ce n'était pas une... une bonne idée mais ça m'a permis de découvrir la bière et j'ai découvert ouais j'ai découvert une bière qui s'appelle la Saint Feuillain, une bière belge et là ça a vraiment été une révélation j'ai dit mais c'est ça quoi il faut vraiment faire de la bière en Aveyron, il faut faire découvrir l'Aveyron à ceux qui aiment la bière et la bière à ceux qui aiment l'Aveyron parce qu'on avait une boisson qui était goûteuse avec du goût Ce n'était pas cher et copieux, puisque 33 centilitres. Je n'étais pas un gros, gros buveur. Je n'avais pas la carrière pour boire des quantités. Eh bien, je prenais le temps d'apprécier ce produit. Et là, ça a vraiment été une révélation.

  • Speaker #1

    Parce que tu découvres que tu as un bon palais, déjà, pour décortiquer le goût de la bière que tu as en bouche.

  • Speaker #0

    Alors, sur le palais, oui, c'est vrai, tu as raison. Parce qu'en fait, l'origine, vraiment, c'est... 15 ans, à l'âge de 15-16 ans. Je sors dans les bars de Saint-Geniez avec mes copains de l'époque, qui eux ont plus d'argent que moi pour consommer et sortir. Moi, j'ai misérablement 50 francs, alors qu'ils ont 2 ou 300 francs. Ils boivent beaucoup de bière, ils boivent beaucoup de Ricard. Moi, je n'aime pas. J'ai pas d'accroche avec un palais, en effet, un peu plus sensible, mais aussi... que mes copains de l'époque, d'ailleurs chez moi, ils avaient tendance à dire « Oh là là, Sébastien, il est délicat, sous-entendu, il ne mange rien, non ? » Je pense que j'avais en effet ce palais un peu différent qui m'a amené à aller chercher, avec un esprit de curiosité également, des produits un peu plus élaborés. Et tout ça m'a amené, oui, à me dire « Bon, il faut fabriquer de la bière, quoi. » C'est une évidence, c'est évident.

  • Speaker #1

    Parce que les Aveyronais nous...

  • Speaker #0

    Vous ne connaissez pas ? Non, j'ai des clients qui écrivaient bière avec deux R, BIE, deux R, E, bière de l'Aveyron, lorsqu'ils l'avaient référencée dans leur établissement. Quand je leur disais, vous avez des bières de spécialité ? Ah oui, ils me disaient, oui, on a la Desperados, qui est un très bon produit, bien entendu, mais qui n'est pas du tout une bière de spécialité. Et lorsque j'arrivais à les convaincre, ils me disaient toujours, bon, mais... Donnez-moi des échantillons et je la ferai goûter à Christian. C'est un amateur, il boit 30 bières par jour. Alors évidemment, Christian, c'était loin d'être un amateur, c'était un buveur de bières. Et quand Christian goûtait la bière de l'Aubrac à ses débuts, il disait non, non, non, c'est pas bon. Il ne comprenait pas du tout ce qu'il buvait, bien entendu. Donc du coup, assez rapidement, je me suis tourné vers Paris, où j'avais encore pas mal de contacts. Et j'ai démarché. Et je montais en camion pour livrer Paris directement de l'Aveyron. Pour la petite histoire, j'avais comme budget de quoi monter à Paris par la nationale. Je ne prenais pas l'autoroute, je ne pouvais pas me payer le péage. Et quand j'arrivais, je repartais, au retour, je prenais le péage parce que j'avais récupéré, en vendant ma bière, un peu d'argent.

  • Speaker #1

    Donc la Brasserie d'Holte, tu l'as créée en 1998. Et là, quand tu parles de tes premiers voyages à Paris, c'est immédiat, c'est dans les premiers mois ?

  • Speaker #0

    Non, non, c'est 2001, 2000, 2001, deux, trois ans après.

  • Speaker #1

    Quelles ont été les premières étapes alors de la création ?

  • Speaker #0

    Les premières étapes, j'ai ouvert la brasserie officiellement le 10 juillet 1998. Le vendredi soir, après avoir mis en bouteille à la main et étiqueté avec de la colle à tapisserie et marqué des numéros de l'eau au stylo, je suis... Passer dans tous les bars de Saint-Genies pour prendre les commandes. Tout le monde a joué le jeu, tout le monde m'a commandé. J'ai livré le samedi. Le dimanche, il y avait la coupe du monde, la finale de la coupe du monde. Le dimanche soir, j'ai pu relivrer certains. Le lundi, je n'avais déjà plus rien. Donc la première amenée, ça a été vraiment quelque chose d'extraordinaire. Après, il a fallu fabriquer. Évidemment, trois semaines pour fabriquer de la bière. Donc disponible du coup. que début août, donc on a loupé le mois de juillet. Et puis j'ai profité de l'hiver pour remettre à jour le stock. Et petit à petit, j'ai su m'encadrer et faire évoluer à la fois mon outil de production, mais aussi mon équipe.

  • Speaker #1

    Vous étiez combien au début ? Seul, tout seul. Et quel a été l'accueil des Aveyronés dans les premières années ?

  • Speaker #0

    Plutôt bien. Les gens étaient curieux. Beaucoup n'y croyaient pas, bien entendu. Je pense que j'étais un peu seul, c'est évident. Mais je pense que c'est par mes connaissances marché. d'un potentiel et puis de mes capacités peut-être d'entrepreneur. Mais c'est vrai qu'on a eu dix ans d'avance, vraiment. Pour combler, au lieu d'attendre que le territoire soit prêt à me recevoir, je suis allé là où le territoire était déjà prêt pour me recevoir.

  • Speaker #1

    Donc Paris.

  • Speaker #0

    Paris.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'elle a de particulier, ta bière, aujourd'hui, après 25 ans ?

  • Speaker #0

    Alors... Ce qui est très représentatif des bières que nous fabriquons, c'est cette harmonie entre l'image que l'on véhicule et le produit que l'on a à l'intérieur. J'ai toujours été convaincu que l'on pouvait faire de la quantité et de la qualité. J'ai toujours pensé qu'on ne pouvait pas dénigrer la qualité d'un produit pour en faire de la quantité. Nous aujourd'hui... On est vraiment sur cette démarche-là. Et finalement, les recettes, par rapport au début, elles n'ont quasiment pas changé. En tout cas, au niveau des intrants et tout, c'est toujours la même chose. Il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Les brasseries artisanales n'existaient pas. Le matériel n'existait pas. J'ai dû fabriquer du matériel pour pouvoir élaborer une bière. Donc, c'était vraiment la genèse de cet univers-là. Aujourd'hui, on a des outils qui permettent de faire ce que l'on veut, comme on veut, sans échouer du tout, avec une garantie d'avoir 100%. Donc, il faut bien définir l'image et l'essence du produit que l'on veut avoir pour donner à nos consommateurs. Dans la continuité, le consommateur que l'on a, il est identitaire à ce que nous sommes et ce que nous pensons. Ça, c'est incroyable. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on a la clientèle qui correspond à notre philosophie. Voilà, ça c'est... Au niveau du territoire aussi, en Aveyron, on attire une clientèle touristique qui s'intéresse à la randonnée, au sport de nature en général, le vélo, le cheval, le kayak, parce qu'on a un territoire qui est prédestiné à cette clientèle-là. Donc du coup, ça matche.

  • Speaker #1

    Ils viennent d'où tes ingrédients à toi ?

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on travaille à la Malterie Occitane, dans le Tarn, où on a des orges français. C'est l'essentiel de notre matière première. Les houblons proviennent du nord, de l'est de la France, mais aussi d'Angleterre, des Etats-Unis, de Nouvelle-Zélande. En fait, le houblon est une plante aromatique identitaire qui va nous permettre de donner une orientation à notre bière. Et c'est ça qui est important. chez nous. Le principal, c'est le produit final. Qu'est-ce qu'on veut donner à nos consommateurs ? On va aller chercher les matières là où on considère qu'elles sont les meilleures. Si on peut avoir des matières premières locales, c'est fabuleux, c'est très bien. Mais on ne va pas utiliser des matières premières locales pour dire qu'on fabrique une bière avec des matières premières locales. Parce qu'on ne veut pas l'orienter par rapport à ça. On veut l'orienter par rapport au goût final, aux saveurs finales.

  • Speaker #1

    Ça veut dire que du houblon, aujourd'hui en France, on en trouve dans le Nord ?

  • Speaker #0

    On en trouve de plus en plus, si, si. Maintenant, on en trouve de plus en plus, parce que des coopératives se mettent à fabriquer du houblon un petit peu partout en France. Et je suis très optimiste pour les années à venir, bien entendu, où on arrivera à trouver l'essentiel des variétés qu'aujourd'hui on importe sur le territoire français.

  • Speaker #1

    Et puis, il y a cette eau de l'Aubrac, toujours ?

  • Speaker #0

    Toujours. 98% d'eau dans la bière, ça rassure en général. Je dis ça lors des visites de la brasserie que j'organise l'été. 98% d'eau, c'est l'eau du réseau de Saint-Genies. Le réseau de Saint-Genies est alimenté en partie par les monts de l'eau braque. Mais l'eau, c'est l'identité. de la bière. C'est vraiment la matière première qui va avoir un impact sur le produit final. Donc cette eau est filtrée, elle est optimisée pour la production de la bière, on va la déclorer et on va la prendre en part entière comme un ingrédient principal de nos recettes. On utilise 8 litres d'eau pour la production d'un litre de bière. Alors chez nous, c'est un petit peu moins, on est autour des 6 litres. C'est le volume que l'on utilise pour fabriquer un litre de bière.

  • Speaker #1

    Donc tu es le plus gros consommateur d'eau de Saint-Geniesse a priori ?

  • Speaker #0

    Je pense que oui.

  • Speaker #1

    C'est donc toi. Un point sur les chiffres, avant de te rencontrer, j'ai regardé un peu ce que représente le marché de la bière en France, qui a complètement explosé, c'est ce que tu disais ces 20 dernières années. Juste à titre comparatif, en 2006 on comptait 250 brasseries en France. On en compte aujourd'hui 10 fois plus. On est à peu près à 2500 en 2024, dont 90% de micro-brasseries. La France est le 8e producteur mondial de bière, mais le dernier consommateur d'Europe avec 33 litres par an et par habitant. Ce sont les moyennes relevées par le syndicat des brasseurs. Et ce qui est intéressant, c'est quand même que 70% des bières consommées en France sont fabriquées en France. Ce chiffre-là, il m'a quand même beaucoup surprise, peut-être naïvement. Quel regard tu portes, toi, sur toutes les microbrasseries qui fleurissent partout en France et en Aveyron, largement ? Je crois en avoir comptabilisé une vingtaine aujourd'hui en Aveyron.

  • Speaker #0

    C'est très bien, je trouve que c'est très intéressant. Il faut amener de la diversité. C'est ce qui est important. Il faut amener le consommateur dans l'univers de la bière. C'est évident. Quand j'ai commencé, 60 brasseries en France. 1998, en Belgique, il y avait 220 brasseries. C'est vrai qu'on a tous, surtout en France, comme pays de prédilection, la Belgique. Quand je montais en Belgique, j'allais dans les bars, je goûtais des bières, et puis... Merci. Je rentrais dans un bar, ils me donnaient la carte, il y avait 200, 300 bières. C'était toujours la même, quoi. Toujours les mêmes choses. Duvel, Orval, Chimay, Maritzus. On leur disait, mais... Je leur disais, mais... Vous n'avez pas de... Des nouveautés ? Vous n'avez pas des choses qui changent un peu ? qui sortent de l'ordinaire. Alors ils me répondent, avec 220 bières, c'est passé quand même. Je dis, si oui, mais qu'est-ce qu'il y a de nouveau ? Il n'y a vraiment rien de nouveau. Avec l'émergence des brassiques artisanales, on a fait... exploser les différents types de bières. Donc du coup, on a amené de la nouveauté dans un milieu vieillissant. Mais au bout d'un moment, on se rend compte que finalement, tout le monde fait un peu pareil. Si vous prenez la bière blonde de toutes nos brasseries à Véronèse, très peu vont se démarquer par quelque chose d'incroyable, de différent, si on fait vraiment abstraction du marketing. C'est ce que je trouve un peu dommage. On n'a pas réussi en France à trouver une identité française de la bière. Ça, je trouve que c'est dommage. On s'est très contenté à fabriquer des... typicités de bières, comme il en existe, les IPA, les Stout, les double IPA, on a tous ce genre de produit, mais avoir un produit identitaire, inclassable, c'est très compliqué. Nous, on en a une dans la gamme. Sur 12 bières, on n'en a qu'une qui a une identité propre et qui est inclassable. C'est celle qui n'a aucune médaille, bien entendu. puisqu'elle est inclassable. Et c'est, je pense, à mes yeux, la meilleure, parce qu'elle est inclassable. C'est la Sabetz que leu. La Sabetz que leu est une bière blonde, bien houblonnée, avec des saveurs de litchi, fruit de la passion mangue, qui proviennent des variétés de houblon que l'on utilise pour sa fabrication, et qui revendiquent un petit peu cette appartenance à un territoire. à une communauté, la communauté occitane, la langue et les valeurs que tout cela peut transmettre. C'est très réussi aussi de ce point de vue-là, en toute modestie, parce que... on a vraiment un produit qui colle à l'image et à son histoire. « Sabetz que leu » C'est une expression que me disait mon grand-père lorsque j'étais enfant, un peu turbulent. Il se pinçait le béret et il me disait « Sabe-t-ce qu'elle est ? » On ne savait pas ce que ça voulait dire, mais on savait qu'il fallait se taire. Ça veut dire que bientôt, sous-entendu, il y en a une qui va tomber. Si tu continues, tu vas t'en prendre une. Mais c'était une menace jamais mise en exécution. Et nous, la Sabetz, c'est un peu ça. C'est même complètement ça. Elle est forte, elle fait 7 degrés. On dit, attention, Mephis a té, tu vas t'en prendre une. Mais au bout de trois, en général, le consommateur s'arrête. Il est bien et tout se passe pour le mieux. Ça lui permet d'y revenir le lendemain.

  • Speaker #1

    Justement, par rapport à toutes ces microbrasseries, comment toi tu te positionnes après des années à avoir défriché le chemin ? Maintenant que vous êtes de plus en plus d'acteurs, comment toi, pionnier, tu te repositionnes sur ce paysage-là ? Il y a la sagesse de l'ancien ?

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que ça a toujours été le cas. Encore une fois, nous, on se bat avec nos convictions. qui concerne le produit, lié au produit, à notre réactivité. Et aujourd'hui, on continue à le faire. J'ai longtemps regretté de ne pas avoir de concurrent. La concurrence dans les affaires, c'est positif. C'est très positif, c'est stimulant. C'est comme l'opposition en politique. Évidemment qu'il en faut. Il faut absolument qu'on ait sur le territoire des gens qui nous amènent à ça. Je pense que j'ai toujours agi en considérant, même lorsqu'il n'y avait pas de concurrence, qu'il y avait une concurrence. C'est ce qui, je pense, fait aussi que je suis encore là, 27 ans après.

  • Speaker #1

    Tu te sens l'âme d'un pionnier ?

  • Speaker #0

    Ah oui, complètement, oui. Bien sûr. On a inventé une machine pour fabriquer de la bière. Quand j'ai rencontré Philippe Starck, que je lui ai raconté mon parcours, je lui ai expliqué qu'on soudait des coudes à 45 degrés au lieu de 4. 90 degrés, qu'on mettait des variateurs pour démarrer les pompes, on-off, de manière à ce que la pompe, elle ne fasse pas on-off bêtement, mais qu'elle démarre doucement, et qu'elle s'arrête doucement, en ayant conscience que ça a apporté quelque chose au produit le nombre de passages en pop la taille des cuves la forme des cuves si c'est une cuve verticale horizontale moi je suis convaincu de cela bien entendu et lorsqu'en 2012 on a acheté une salle à brasser on l'a achetée d'abord manuelle et on a participé à son élaboration pour qu'elle corresponde à ce que l'on voulait vraiment oui oui vraiment on a été des pionniers à 200%

  • Speaker #1

    Donc tu évoques Philippe Stark, le designer avec qui vous avez collaboré au mi-temps des années 2000 ? 2014-15 ?

  • Speaker #0

    Oui, 2015-16.

  • Speaker #1

    2015-16 plutôt. Aujourd'hui, la production de la brasserie Dolt, on est sur combien d'hectolitres par an ?

  • Speaker #0

    On fait un peu plus de 10 000 hectolitres par an.

  • Speaker #1

    Donc ça fait un million de litres.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est un million de litres.

  • Speaker #1

    Un million de litres par an ?

  • Speaker #0

    Un peu plus. Ok. Un peu plus d'un million de litres par an.

  • Speaker #1

    Donc sur une dizaine de bières différentes, et tu comptes aussi les sodas, les softs ?

  • Speaker #0

    Ah non, ça c'est uniquement la bière.

  • Speaker #1

    Que de la bière, ok. Qu'est-ce que représentent les sans-alcool dans ta production ?

  • Speaker #0

    En 2009, j'ai eu la volonté de compléter la gamme de nos bières par une gamme de limonades. Limonade aromatisée, parce que déjà à l'époque on avait conscience que l'alcool, il fallait en consommer de moins en moins. En tout cas il fallait avoir une approche différente face à sa consommation d'alcool. Et là je m'y retrouve à 200%. Comme je le disais tout à l'heure, quand j'étais jeune, je ne buvais pas d'alcool par goût. L'alcool, qu'est-ce qu'il apporte finalement dans un produit ? C'est un exhausteur de goût, bien entendu, ça donne du corps. Mais je pense qu'on peut faire beaucoup de produits sans cette molécule-là et tout aussi intéressant.

  • Speaker #1

    Et en termes de volume ?

  • Speaker #0

    De volumes qui sont de plus en plus importants. ça reste très marginal, bien entendu, dans notre gamme. de produits, mais je pense que c'est des volumes qui... Au-delà des volumes, je pense qu'on a encore beaucoup de boissons à inventer. Je pense que le défi des décennies à venir, c'est d'inventer une boisson qui va substituer le vin et la bière. C'est clair. C'est évident.

  • Speaker #1

    T'es sur les rails ?

  • Speaker #0

    pour les monter ?

  • Speaker #1

    10 ans d'avance, mais pas un siècle d'avance. Je pense aux générations futures, mais quand même.

  • Speaker #0

    Donne-leur des idées. Là encore, sur les chiffres, combien de salariés aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    14.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu te considères encore comme un fabricant artisanal ? Qu'est-ce qu'il reste d'artisanal dans une production quand elle prend ces proportions-là ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, bien sûr, plus que jamais, puisque c'est le choix des matières premières qui fait que nous allons avoir une démarche artisanale. Donc d'abord le choix de ces matières, la provenance, mais surtout leur qualité. Ça, c'est vraiment quelque chose de très, très important. La méthode de fabrication, on a un outil à échelle humaine pour augmenter la capacité. Il me suffit juste de rajouter des cuves de fermentation, de garde, tout simplement. Mais l'outil qui permet la fabrication de la bière reste le même. On va avoir une logique d'optimisation par rapport à notre activité, mais c'est une logique d'entrepreneur que je suis, qui va permettre de développer tout en maintenant cet aspect artisanal, bien entendu.

  • Speaker #0

    Ou un étude de l'export ? Je m'étais arrêté au Japon, l'Italie et la Grèce, est-ce que je dis des bêtises ?

  • Speaker #1

    Non, non, pas du tout, et Danemark, Suède et d'autres pays. Aujourd'hui, c'est évidemment terminé parce que... au niveau de la planète, a fait prendre conscience qu'il fallait travailler local. On a fait de l'export lorsque c'était l'émergence de la microbrasserie. Pour reprendre l'exemple du Japon, le Japon était un peu moins en avance que la France pour ce sujet-là. Et du coup, on a suscité l'intérêt de bières artisanales. Du coup, ils se sont tournés vers le monde entier pour voir ce qui se faisait dans le monde entier. il y avait une vraie tendance. Aujourd'hui, on le voit à l'échelle de la France, on importe, je présume, très peu de bière. Je n'ai pas les chiffres, mais je pense qu'on importe très peu de bière parce que le marché français se suffit à lui-même. Donc,

  • Speaker #0

    c'est-à-dire que vraiment, tu recentres sur ton ancrage et c'est là qu'on revient peut-être à Sainte-Geniesse. Donc, toi, tu as toujours eu à cœur de t'implanter ici et de faire vivre le tissu local. Ça veut dire aussi que toutes tes stratégies marketing et commerciales aujourd'hui se recentrent sur la France ?

  • Speaker #1

    Oui, en fait, elle se recentre surtout sur le produit. Je crée des univers produits et j'associe une clientèle à cet univers produit. Mon identité, elle est vraiment là. Je ne fais pas un produit qui correspond à un marché. Ça, je me l'interdis. Prenons l'exemple sur la limonade à la figue. Il n'y a pas de marché pour la limonade à la figue. Ça n'existe pas, on n'en trouve pas. Et personne ne dit, dis-donc, si on fabrique de la limonade à la figue, La figue, on va en vendre dans le monde entier. Non, je suis fanat de figue, j'adore ça, et je pensais qu'il y avait vraiment quelque chose à faire avec ce fruit-là. Et la limonade à la frigue est une de mes limonades qui fonctionne le moins, mais dont je suis le plus fier, parce qu'elle est juste parfaite. Elle a le nez de la figue, elle a le goût de la figue, elle se marie super bien en restauration, elle accompagne très bien. Quand on a une fois gras, mais pas que, et on prend beaucoup de plaisir à consommer ce produit-là. Je ne l'arrêterai jamais, jamais. C'est vraiment quelque chose dont on est fier à la brasserie, de faire des produits qui correspondent à nos convictions.

  • Speaker #0

    Et sur le fait de rester à Saint-Genest donc ?

  • Speaker #1

    Saint-Genest, c'est vraiment là où il faut être. Honnêtement, sur un produit comme le nôtre, il faut absolument être dans un univers rural. Ça, c'est très important, ça a du sens. On a la proximité de grandes villes, on a cet accès-là. Là où c'est plus embêtant, c'est séduire des profils pour venir travailler. Là, c'est là que le bas blesse. Jusqu'à maintenant, on rencontrait des jeunes qui venaient apprendre un métier, qui allaient s'investir à nos côtés, 2-3 ans. Une fois qu'ils avaient appris, ils partaient. dans leur ville ou département d'origine. Puis on a eu un creux où il y avait tellement de brasseries partout que ceux qui partaient pour découvrir un métier n'ont plus besoin de partir. Ils restaient chez eux. Donc du coup, on carence un peu. Aujourd'hui, on commence à avoir des jeunes qui cherchent vraiment des entreprises dans lesquelles ils vont pouvoir s'épanouir d'un point de vue professionnel. Et nous, on offre ça. Et on commence à séduire vraiment des profils très intéressants qui sont tournés sur l'apprentissage et comment ils peuvent se réaliser à l'intérieur d'une structure comme la mienne.

  • Speaker #0

    Tu me le disais hors micro, tu crois beaucoup à la part qu'ont à prendre les campagnes dans le redressement du pays, carrément.

  • Speaker #1

    Oui, oui.

  • Speaker #0

    Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Et même, je vais plus loin, parce que ce territoire... permet à des gens de se réaliser sans avoir forcément les moyens d'eux. Ça veut dire qu'on ouvre la possibilité à un plus grand nombre de s'épanouir.

  • Speaker #0

    Quels sont les freins qu'il reste à lever ?

  • Speaker #1

    Le frein en main.

  • Speaker #0

    D'abord ?

  • Speaker #1

    D'abord, celui-là, il faut le desserrer, il faut le lâcher. Le frein principal, je pense, c'est que nous ne sommes pas assez nombreux à nous réunir pour amener des solutions. On a tous les mêmes problématiques. Tous les entrepreneurs du département ont la même problématique. Il faut vraiment se réunir parce que nous avons chacun un maillon de la chaîne qui va permettre la réussite. à Laiol ils en ont un, à Millau, à Rodez, à Saint-Genies, etc. On a tous un maillon et de se réunir pour assembler les maillons et amener des solutions ferait qu'on lèverait tous les freins, bien sûr.

  • Speaker #0

    Donc ça veut dire de la coopération territoriale, entre collectivités ? Quand tu parles de réussite, est-ce que toi, ta réussite, elle passe par le toujours plus ? Est-ce que l'objectif c'est de produire ? Plus demain ou est-ce que tes réflexions vont ailleurs ?

  • Speaker #1

    Non, mes réflexions vont ailleurs depuis 2019. Nous sommes en position de stand-by. On observe un petit peu le marché. On est en augmentation tous les ans. On a clôturé au 30 septembre notre dernier exercice qui a été un exercice très compliqué, beaucoup de pluie. La vente de bière dépend beaucoup du temps. mais aussi un marasme économique dans ce secteur d'activité-là. Il faut courber les chines, continuer à structurer. C'est l'essentiel de mon activité aujourd'hui, notamment au niveau du personnel, arriver à constituer l'équipe qui va permettre de traverser le temps. C'est vrai qu'à titre personnel, je suis... convaincu encore aujourd'hui que mon avenir est devant. Je suis optimiste, non ? Moi, j'ai plutôt tendance à voir tout ce qu'on n'a pas pu faire par rapport à tout ce qui a été fait. Bien que tout ce qui a été fait, bien sûr, est très bien, très sympathique. Mais il y a beaucoup plus qui n'a pas été fait qu'aurait pu être fait.

  • Speaker #0

    Tu n'es pas si optimiste, finalement.

  • Speaker #1

    Non, c'est ça. Je n'ai qu'à vivre.

  • Speaker #0

    Donc, si je ne te demande pas quelle est ta plus grande fierté, quel est ton plus grand regret, alors ? C'est quoi que t'as pas pu faire ?

  • Speaker #1

    Je... Je ne sais pas si je peux dire ça, mais je ne regrette pas. Je ne regrette pas parce que je pense que j'ai fait ce que je devais faire au moment où je l'ai fait. Regretter, c'est se dire « j'aurais dû faire ça » . Non, je ne pense pas. Je pense que j'ai pris conscience de tout ce que je faisais. Donc je ne regrette pas. Je trouve juste dommageable que l'on n'arrive pas à mettre en place tous les éléments pour que la réussite professionnelle dans nos... que nos villages, dans nos communes à Véronèse, ne soient pas encore présentes. C'est dommage, on passe vraiment à côté, pour moi, d'un développement économique assez certain. Je suis peut-être atypique aujourd'hui parce qu'on n'est pas nombreux, mais des possibilités de faire ce que j'ai fait dans nos villages, il y en a... À défaut de dizaines, il y en a au moins cinq ou six qui pourraient être faites. Et là, je ne serais plus atypique, je serais un parmi d'autres.

  • Speaker #0

    Tu as déjà voulu faire de la politique ? Tu en as fait un peu ?

  • Speaker #1

    Non, non, non, non. Je ne peux pas dire que j'ai fait de la politique.

  • Speaker #0

    Tu as été dans un conseil mondial ?

  • Speaker #1

    Oui, mais je suis un entrepreneur. Je tiens vraiment à ça.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qu'ils peuvent apporter, les entrepreneurs, aux politiques, alors, pour le développement des villages, comme tu disais ?

  • Speaker #1

    Je pense que la... La vision des choses, le ressenti des opportunités, la gnaque, c'est... on ne lâche rien, quoi. Mais pour ça, il faut avoir une vision, il faut savoir où on va. Quand on sait où on va, c'est bien. Mais il faut avoir des convictions et aller vers ces convictions-là, s'entourer pour pouvoir mener à bien ses objectifs.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question, Sébastien, que je pose à tous les invités du podcast. C'est en quoi est-ce que tu crois ?

  • Speaker #1

    La réponse peut être un peu délicate et mal interprétée. J'espère que non, mais je crois en moi. Je suis né dans une famille catholique très pratiquante. Quand mes parents étaient au travail, j'étais chez mes grands-parents. Mon grand-père, originaire de Viorals, vivait avec sa femme, ma grand-mère, mais également avec les deux sœurs de ma grand-mère, qui n'étaient ni plus ni moins mes grandes-tantes, la tante Jeanne et la tante Thérèse, qui étaient toutes les deux des Isle of Jesus. On avait le curé tous les dimanches qui venait manger, la sœur Monique qui était au centre de soins, qui passait tous les soirs. Elle donnait quasiment tout leur argent à l'église. Et j'ai grandi dans cet univers-là. Et j'ai en tête, j'ai en mémoire la messe. J'allais à la messe tous les samedis soirs, tous les dimanches matins. Et j'ai en mémoire le curé de l'époque qui disait qu'il fallait croire en Dieu. Chez moi, ça fait un... tilt, ça a vraiment, quelque chose s'est allumé dans ma tête et je me suis dit mais pourquoi je veux croire en quelqu'un d'autre avant de croire en moi ? Et du coup, depuis ce jour-là, j'ai toujours cru en moi. C'est bizarre, c'est étonnant. Des fois dans un milieu familial qui ne croyait pas beaucoup en moi, ça n'a pas beaucoup aidé mais bon. Ça m'a peut-être permis d'être ce que je suis au jour d'aujourd'hui. Ça ne veut pas dire que j'ai toujours raison, mais que j'ai la conviction que ce que je fais, je dois le faire. La foi, ça soulève des montagnes, c'est évident. Stark disait, si on n'y croit pas, il ne faut pas le faire. C'est tellement évident. Mais oui, si on n'y croit pas, il ne faut pas le faire. Moi, j'y crois et du coup, je le fais. C'est une particularité, je pense, qui me... caractérise avec un élément que j'ai découvert il n'y a pas très longtemps, il y a quelques années, c'est l'intuition. Il s'avère que j'ai de l'intuition. Je ressens. J'ai probablement cette sensibilité-là qui me permet de ressentir les choses et de savoir s'il faut y aller ou pas. L'intuition, l'intuition, elle ne nous trompe jamais, vraiment. Tout le monde a de l'intuition, plus ou moins. Il faut savoir que ça se travaille. Je ne le travaille pas, mais tes auditeurs trouveront tous les éléments pour trouver l'intuition qu'ils ont en eux. Et il faut y croire, il faut y croire à fond, parce qu'elle ne vous amène jamais là où il ne faut pas.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Sébastien.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #2

    Merci d'avoir écouté ce nouvel épisode de Finta jusqu'au bout. J'espère qu'il vous a plu, inspiré, questionné et fait voyager, peut-être. Si tu fais partie de ceux qui apprécient le podcast et qui veulent continuer à cheminer avec moi dans les contrées avéronaises, tu peux désormais soutenir financièrement le podcast. En donnant quelques euros par mois ou en faisant un don ponctuel, tu participes à renforcer l'indépendance éditoriale de Finta et tu valorises, par la même occasion, le temps que j'y consacre chaque semaine. Figure-toi que si chaque auditeur donne un euro par mois, Finta peut vivre sans publicité Dès aujourd'hui. Le lien de la cagnotte est disponible en description de cet épisode. Et d'avance, moi, je vous dis merci. Si vous souhaitez continuer la discussion, je suis toujours curieuse de vous lire et d'échanger. Je vous propose que l'on se retrouve sur Facebook, sur Instagram ou sur le site fintapodcast.fr. Vous pouvez retrouver tous les précédents épisodes de Finta gratuitement sur les applications de podcast et pour recevoir chaque nouvel épisode directement dans votre boîte mail, Vous pouvez aussi vous abonner à la newsletter. Et pour que Finta vive, si vous appréciez le podcast et que vous souhaitez soutenir ce travail indépendant, partagez-le autour de vous. Consférez-le à vos amis, parlez-en. C'est le meilleur soutien que vous puissiez nous apporter. A très bientôt.

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