- Speaker #0
Elles ont défriché des chemins, ouvert des voies, porté une voie, en avérant et parfois bien au-delà. Toutes ont en commun ce territoire. À partir de la ruralité, qui les a naturellement façonnées, le témoignage de ces pionnières contribue à penser le rapport à l'accomplissement des femmes à la campagne, au féminisme et à l'enclavement, d'hier jusqu'à aujourd'hui. Et si la journaliste Annick Cogent compare le parcours des femmes à des courses d'obstacles, la ruralité en serait-il un de plus ? C'est la question, en creux. À laquelle répondent les pionnières que j'ai invitées au micro de Finta ? Après Marie-Thérèse Lacombe, Nicole Fagegaltier, Daniel Dastug, Daniel Puech, Sarah Sengla, Emmanuelle Gazel et Josette Hart dans la première saison, Ginette Marchive, Pauline Broca, Audrey Dussutour et Catherine André dans la deuxième saison, je vous propose d'embarquer pour une troisième saison des pionnières. Aujourd'hui, avec Amy Vigral. Nous avions rendez-vous chez elle, à Sainte-Afrique. Elle nous accueille avec un enfant malade sous le bras, une chienne qui la suit partout jusqu'aux entraînements et une vieille chatte recueillie il y a plusieurs années. Et c'est dans sa véranda qu'elle nous installe, entre ses vélos, son entraîneur, sa collection de baskets et ses malles de voyage. À quelques mois des Jeux paralympiques de Paris, la Sainte-Africaine est encore en lice pour décrocher son billet olympique. Classée au dixième rang mondial de sa catégorie en paratriathlon, elle doit grappiller une place pour s'offrir ses troisièmes Olympiades à la maison dont elle rêve. Déjà en 2004 et en 2008, elle était alignée au départ des épreuves de natation sous la bannière française lors des Jeux Olympiques d'Athènes et de Pékin. Elle a, dans son palmarès, plusieurs records du monde de natation. Recalée par la Fédération pour participer aux Jeux de Londres en 2012, jugée trop vieille alors qu'elle avait 27 ans, c'est avec le triathlon qu'elle revient en force 12 ans plus tard. Mais dans cette année effrénée, entre deux déplacements aux quatre coins du monde pour récupérer ses précieux points, Émilie Graal a pris le temps de s'installer au micro de Finta. Du sport de haut niveau qui lui a permis d'accepter son handicap et d'en faire une force, des sacrifices qu'implique sa pratique sportive, de son choix de vivre à Sainte-Afrique sans renoncer à ses rêves internationaux, de sa multicasquette de maman élue départementale maître nageur féministe, nous en parlons dans cet épisode. Comme à toutes les femmes de cette série pionnière, je lui ai demandé de commencer en complétant cette phrase. Je ne serais pas arrivée là si...
- Speaker #1
Déjà, je ne serais pas arrivée là si je n'avais pas été en situation de handicap. Déjà, je n'aurais pas pu faire tout ce que j'ai fait dans ma vie si je n'avais pas été handicapée dès la naissance. Donc, je ne serais pas Émilie que je suis aujourd'hui si je n'avais pas été en situation de handicap à la naissance et si je n'avais pas eu les gens et les connaissances que j'ai eues tout au long de mon parcours qui me poussent à être là où je suis aujourd'hui.
- Speaker #0
C'est quoi votre vie aujourd'hui, si vous devez vous présenter rapidement ?
- Speaker #1
Me présenter rapidement ? C'est compliqué de se présenter rapidement. Alors déjà, je suis une femme. Je suis maman de deux enfants. Je suis sportive de haut niveau sur du paratriathlon et je suis élue locale sur le territoire de l'Aveyron. Voilà, et maître nageur de métier, mais pour le moment, entre parenthèses, parce que c'est déjà beaucoup de choses, tout ce que je suis avant, et c'est difficile de faire rentrer une journée professionnelle en plus dans tout cet emploi du temps-là.
- Speaker #0
On se rencontre donc en mars, non on est en avril. En avril 2024, c'est une année charnière, les Jeux Olympiques à Paris cet été, Jeux Olympiques, Paralympiques, et vous êtes encore en lice pour vous qualifier. Donc vous êtes actuellement au 11e rang mondial.
- Speaker #1
10e depuis 15 jours, oui.
- Speaker #0
Oui, vous avez grappillé une place, donc il en manque qu'une.
- Speaker #1
Il en manque qu'une à aller chercher et à garder.
- Speaker #0
Et à garder parce qu'il vous faut être dans le top 9 mondial de votre catégorie pour concourir. Dans quel état d'esprit est-ce que vous êtes là aujourd'hui ?
- Speaker #1
C'est difficile, il y a des hauts, il y a des bas, il y a des petits moments de doute, il y a des moments où on est sûr de soi, mais après je pense que c'est sain par moment de se poser des questions. Puis après moi je prends chaque course les unes après les autres en fait, et même si la course ne se déroule pas comme je le souhaitais qu'elle se déroule, j'apprends en fait, je suis assez jeune. En tant que pratiquante de triathlon, c'est une discipline que je ne pratique pas depuis 15 ans, comme j'ai pu pratiquer la natation. Du coup, à chaque course, j'apprends. Même si la course ne se déroule pas comme je l'aurais imaginé avant le départ, je sais que j'apprends pour les courses d'après. Chaque course est un apprentissage et chaque compétition est un pas en avant pour se rapprocher de l'objectif.
- Speaker #0
Vous avez eu une déconvenue aux Émirats en Rabunis le mois dernier où vous allez pour concourir. Oui. L'épreuve est annulée 30 minutes avant le départ.
- Speaker #1
Oui, c'est ça.
- Speaker #0
Ça, c'est quand même des obstacles sur un parcours qui est plein de pression, parce que c'est JO, vous avez très envie d'y participer. Et donc, quand on est entravé comme ça, comment on rebondit ?
- Speaker #1
C'est vrai qu'on pratique un sport en extérieur, donc on a l'habitude de regarder les bulletins météo à l'avance. Donc là, ça faisait une dizaine de jours qu'on voyait que sur le samedi et le dimanche, il y avait un risque d'orage. Sur les Émirats, c'est assez étonnant, mais oui, il y a des orages dans le désert, ça arrive. La course était le vendredi, donc en fait, on ne s'affolait pas, parce que le vendredi, la météo était plutôt bonne, avec de très bonnes conditions ensoleillées, même beaucoup de chaleur ce jour-là, il faisait très très chaud. Donc nous, on part serein, parce qu'on sort du briefing, les feux étaient tous au vert. On a les responsables au triathlon qui sont venus nous voir un petit peu après avec les juges arbitres, nous disant qu'ils réfléchissaient à une solution pour nous faire quand même courir, parce que le gouvernement émiratil avait pris des dispositions au vu des raisons météorologiques défavorables du lendemain, de ne pas autoriser tout événement sportif intérieur et extérieur du vendredi jusqu'au dimanche. Nous on avait quand même espoir que la course se fasse. Tout le monde s'est concentré et là on nous a dit no race today Donc là ça a été une grosse déception pour de nombreux athlètes. Beaucoup de colère pour certains, beaucoup de larmes pour d'autres. D'autres sont restés silencieux, c'était vraiment assez particulier. Parce qu'on ne s'attendait pas à ça. On est à quelques mois des Jeux. Cette course, c'est la chasse au point cette saison. On fait des gros efforts financiers. Les fédérations ne nous aident pas sur les prises en charge des déplacements en Coupe du Monde. C'est comme si on avait jeté plus de 2 000 euros à la poubelle. Et ces 2 000 euros-là, on ne peut pas les mettre sur d'autres courses parce qu'on ne les aura pas. C'est se reprojeter assez vite. J'avais la chance d'avoir une course la semaine d'après. A Boudami, il me servait de course préparatoire pour Devonport en Australie. Très vite, je me suis reconditionnée et je me suis dit qu'on part à l'entraînement. On a vite enchaîné. On a vite enchaîné, on a récupéré nos affaires de course, on est passé par l'hôtel et on a fait un triathlon équipe de France. Du coup, on est parti à plusieurs athlètes pour se remettre un petit coup de boost physique, parce que le lendemain, après, moi, je partais pour plus de 24 heures de trajet pour l'Australie.
- Speaker #0
Là, vous en parliez de l'investissement financier. C'est un sujet qui est abordé, mais qui est un peu tabou, qu'on met sous le tapis. Et là, beaucoup d'athlètes français prennent la parole sur ce sujet en disant... Les sacrifices financiers que ça représente de se qualifier, c'est Yona Egoui à qui je pense notamment, la lanceuse de Javelot-Miavoise, qui avait fait une sortie médiatique en disant que je suis en train de vendre mes meubles pour décrocher ma qualification au JO et me payer justement les déplacements. Comment ça se fait ? Pourquoi vous n'êtes pas plus édexable par les fédérations ? Il est où le sujet ?
- Speaker #1
Alors nous, le choix de la fédération française de triathlon, c'est qu'ils accompagnent les athlètes qui sont équipe de France. Sachant qu'à l'heure actuelle, pour entrer en équipe de France, les critères sont quand même très très très très difficiles. Il y a beaucoup de conditions, il faut participer sur des courses où il faut absolument qu'il y ait une des trois meilleures athlètes au monde qui soit présente. Terminer en moins de deux minutes d'une de ces athlètes-là, c'est vraiment des... On parle de deux minutes sur une heure et quart, voire une heure et demie d'effort. Sur des athlètes qui ont des handicaps complètement différents, sur des courses qui peuvent être complètement différentes aussi par moment, des parcours complètement différents. Donc moi, je ne fais pas partie de l'équipe de France. Par exemple, je n'ai pas pu participer aux championnats du monde cette année, tout comme Gladys Lemoussu qui est à l'heure actuelle 5e mondiale en paratriathlon, donc elle est proche de faire un podium. Elle non plus, elle n'est pas partie sur les championnats du monde. Nous, ça nous a beaucoup handicapé sur la quête de points. Les championnats du monde sont surcotés en termes de points en fonction du classement. Ensuite, il y a les étapes de World Series, les championnats continentaux et les Coupes du monde. Nous, on part avec un handicap certain sur la quête de points. C'est pour ça que j'ai du mal à rattraper l'Espagnol sur des 20 portes en termes de points. C'est pour ça que la Polonaise est à l'heure actuelle encore devant moi au classement général, même si je l'ai battue à 4 ou 5 reprises la saison dernière, parce qu'elle a fait les championnats du monde qui sont surcotés en nombre de points. C'est une course effrénée derrière. On est obligé de faire énormément de courses pour pouvoir essayer de grappiller les peu de points qu'on a pu ne pas avoir sur les championnats du monde. Donc après c'est un petit peu de la débrouille, c'est arriver à chercher des partenaires. Donc moi j'en ai quelques-uns qui m'accompagnent et qui me font confiance, des partenaires locaux. Des fois j'ai des amis en rigolant qui me disent oui en fait tu es en train d'acheter ta place pour les Jeux Mais c'est un petit peu ça oui, je suis en train d'acheter ma place pour les Jeux. Et des fois il faut que je l'achète très cher. Moi je ne roule pas sur l'or, j'ai une vie très simple avec deux enfants à élever. C'est beaucoup de sacrifices du coup et de choses qu'on met entre parenthèses. Alors le sacrifice, le mot est peut-être un peu fort parce que personne ne me force à faire ça.
- Speaker #0
Et qu'est-ce qui vous fait tenir ? Pourquoi vous voulez y être à CGO particulièrement ?
- Speaker #1
Alors pourquoi je veux être à CGO particulièrement ? Alors déjà moi j'ai ce petit goût de revanche de ne pas avoir été aux Jeux de Londres et d'être restée sur le carreau en 2012 et de ne pas avoir été au bout. J'ai un petit peu ce côté-là, ce côté inachevé et je n'aime pas ça. Moi j'aime beaucoup le sport de haut niveau, j'aime beaucoup l'entraînement et justement la science de l'entraînement et arriver à progresser. Moi je progresse encore, donc déjà c'est encourageant au quotidien à l'entraînement, c'est de se sentir progresser. Les Jeux à Paris, on ne les aura pas de nouveau, la prochaine fois ce sera peut-être dans 100 ans. Mais je ne serais plus là, je serais un vieux dinosaure. Donc j'avais vraiment envie de saisir ma chance et de ne pas me dire peut-être que j'aurais dû ou j'aurais dû essayer. À avoir su, je n'avais pas envie de me poser ces questions-là dans quelques temps et dans quelques mois. Et je pense que le fait d'avoir des enfants aussi, de pouvoir vivre ça sous le regard de mes enfants, ça n'a pas de prix. Et j'aimerais vraiment pouvoir leur faire vivre ça et leur montrer du doigt ce que c'est. Et surtout de leur transmettre des valeurs. Dans la vie, il faut avoir des rêves. Il faut se donner les moyens pour pouvoir atteindre ses rêves. Il n'y a rien de plus beau que de vivre pleinement ce qu'on aime. Et j'ai vraiment envie de leur montrer ça. C'est une chance énorme d'avoir les Jeux dans son pays. Et ne serait-ce que de pouvoir se dire, je peux peut-être y arriver. Et alors l'atteindre, ça serait juste exceptionnel. Et après, bien sûr, je donnerai tout sur les dernières semaines de préparation pour arriver là-bas. au plus haut niveau et avec l'envie de faire briller les couleurs de mon pays dans mon pays.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui vous manque pour décrocher cette place qui vous ouvrira les portes des JO ?
- Speaker #1
Pas grand-chose, quelques points. On ne décroche pas une place pour soi, on décroche un quota pour son pays. Après, ça sera libre à la fédération également de voir s'ils me font confiance pour les JO ou pas. Mon objectif, c'est de rentrer dans le top 9 mondial Je suis très heureuse de pouvoir être à l'hôpital de Paris pour décrocher un quota pour notre pays. Et après, j'espère vraiment que la Fédération me fera confiance pour pouvoir porter les couleurs de la France à Paris au mois de septembre.
- Speaker #0
Juste pour resituer, parce que vous l'avez abordé, mais vous avez déjà fait les JO de Pékin et d'Athènes comme nageuse, en 2004 et 2008. Et en 2012, pendant les JO de Londres, la Fédération vous dit, tu as 27 ans, tu es mignonne, mais tu es trop vieille. Donc, c'est là que vous ratez cette marche, en fait, et la frustration dont vous parliez. Qu'est-ce qui fait que 12 ans après, on vous retrouve dans une autre discipline, en lice pour les JO à nouveau ?
- Speaker #1
Ça a été difficile quand on m'a annoncé que je n'allais pas participer aux Jeux de Londres. J'ai vraiment vécu ça comme un... c'était cataclysmique, parce qu'à l'époque, j'avais vraiment que la natation. La natation, c'était 100% ma vie. Je me levais, je nageais, je vivais, je mangeais natation. Je ne faisais que ça, en fait. Je ne travaillais pas. Je me consacrais pleinement à mon sport de haut niveau. La natation, c'est vraiment un sport qui est difficile en plus. On est toujours dans les mêmes conditions, toujours dans la même piscine, on fait des longueurs, on tourne en rond, on est seul, la tête dans l'eau, on a peu, on ne discute pas, c'est quand même un sport qui est très ingrat. Et en fait, j'ai subi des règles fédérales où ils ont préféré envoyer une fille d'une autre catégorie parce qu'on a intégré cette catégorie-là sur les Jeux Paralympiques de Londres. Donc il fallait montrer pâte blanche en tant que fédération, comme quoi on était dans l'inclusion, nous aussi, de ces catégories déficients mentales. Donc déjà, j'ai reculé d'un cran. Et ensuite, quand il a fallu arbitrer avec une autre athlète, on m'a dit que l'autre athlète... Elle était plus jeune que moi, donc à choisir, même si elle était moins bien classée que moi au niveau ranking mondial, du fait qu'elle était plus jeune que moi, on allait plus se miser sur elle qui était plus jeune que sur moi. Je l'ai vraiment mal vécu parce que pour moi ce sont des critères qui n'étaient pas des critères sportifs. Et quand on fait du sport avec un chrono à la clé, avec un classement, il n'y a pas plus simple que de respecter des règles sportives pour des sélections. On n'est pas un sport artistique où on juge sur de l'esthétisme ou autre, on est vraiment purement sur un chrono, sur un classement. Donc je l'ai très très très mal vécu. La différence à l'heure actuelle, c'est que je n'ai pas que ça dans ma vie. J'ai autre chose, j'ai un métier, j'ai deux mandats électifs, j'ai deux enfants formidables, j'ai des amis, une famille. Tout ne tourne pas qu'autour du triathlon. En ce moment, tout est organisé autour du triathlon, mais je n'ai pas que ça dans ma vie. Pour moi, pour avancer dans la vie, il faut avoir des projets, des défis, de l'ambition, sans avoir une ambition surdimensionnée. Moi, je fonctionne beaucoup à ça, au projet. C'est ce qui me tire vers le haut, en fait, et qui me pousse à mettre un pied devant l'autre tous les matins. Donc, c'est un projet, par exemple.
- Speaker #0
Donc, suite au JO de Londres, en fait, vous tournez un peu la page de la natation à ce moment-là. Et en fait, vous commencez le travail avec des amis, c'est ça ? Oui,
- Speaker #1
c'est ça. En fait, j'ai vraiment tourné la page. Je me suis accrochée quand même pendant un an. Après les Jeux, je me suis dit, tu as quand même beaucoup travaillé. Parce que c'est 4 heures par jour, 6 jours sur 7. Il y a des Champions du Monde l'année prochaine. On essaie d'être focus sur les Champions du Monde et on voit ce que ça fait. En parallèle, j'ai préparé mon diplôme de maître nageur. Donc je travaillais à côté et j'ai commencé à goûter à une autre vie que l'entraînement, l'entraînement, l'entraînement. Et puis je rate les qualifs des championnats du monde à un dixième, mais vraiment à pas grand chose. Parce que j'avais moins de nagé, étant en stage professionnel et à passer mon diplôme, à faire des allers-retours, je m'entraînais un petit peu moins. Et je pense que j'avais perdu l'envie. De me donner autant les moyens, c'était devenu trop difficile. Et je me souviens, je touche le mur et là je m'effondre en sanglots. Et ma coéquipière à côté me dit mais tu as fait un bon temps, Émilie, tu as fait un bon chrono Et je disais mais je ne pleure pas pour ça en fait, je pleure parce que je sais que c'est la fin. Là, je ne peux plus J'étais arrivée à saturation et j'étais juste en train de prendre conscience au moment où j'ai touché le mur et où j'ai vu le chrono que j'avais plus envie. J'avais plus envie et qu'il fallait que ça s'arrête et que c'était la dernière. Donc je ne l'avais pas spécialement prévu à l'avance, mais ce jour-là, il y a un truc qui s'est lâché à l'intérieur et qui a dit maintenant stop. J'ai arrêté, mais je suis sportive dans l'âme, je suis un peu touche-à-tout. Derrière, j'avais toujours aimé courir, donc je suis partie courir avec les gazelles à vautrousses sur Millau. Je voyais la piste d'athlétisme de la piscine tous les jours et je me suis dit que ça peut être sympa d'aller essayer cette piste. J'aime bien courir, je vais aller essayer. Sur la piste, j'ai fait des rencontres qui m'ont poussé à prendre mon premier dossard en trail. C'est vrai qu'il y avait un ami à moi... qui nageait avec moi à l'époque, qui m'a envoyé un stage de détection en paratriathlon à l'INSEP. L'INSEP évoquait un côté très négatif. Je me suis fait agresser quand j'étais sur l'INSEP, quelques temps avant. Pour moi, l'INSEP n'a pas un écho très positif à mon oreille. Il faisait ressurgir pas mal de choses à l'intérieur de moi. Je me suis dit que je n'avais pas envie d'aller essayer. Il m'a dit que j'étais une fille de défi. Feu, on est parti là-dessus.
- Speaker #0
Pour le coup, c'est simplement avec le vélo que vous avez la prothèse ?
- Speaker #1
Oui, c'est ça. C'est que sur le vélo ? Donc derrière, j'ai investi sur mon premier vélo de route avec un petit budget. Et puis après, je suis passée à un vélo un petit peu plus performant, celui que j'ai à l'heure actuelle. Donc je n'ai pas grand aménagement sur ma pratique du triathlon. C'est des petites choses pour faciliter la vie. J'ai une prothèse qui m'aide à tenir le guidon. Et après, j'ai un passage de vitesse électronique. J'ai tout qui est sur le côté droit où j'ai ma main. J'ai un répartiteur de freinage également sur ma main droite. Le frein de gauche ne sert à rien. Et ensuite, j'ai les vitesses et les plateaux qui se passent uniquement avec la main droite. Je monte, je descends, tout est... Tout se fait tout seul. Après, j'ai des chaussures à scratch pour aller plus vite, pour les mettre plus rapidement. J'ai des baskets avec des élastiques. J'ai un casque vélo avec un aimant, parce que c'est plus facile à attacher. Mais je n'ai pas de grandes modifications par rapport à mon handicap, par rapport à mon pratique.
- Speaker #0
Si on revient au sport, la natation, vous l'avez commencé à 6 ans. Et justement, par rapport à votre handicap, c'est les médecins qui ont encouragé vos parents à vous inscrire à la natation, c'est ça ?
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Du coup, étant avec une malformation congénitale sur le haut du corps. Pour limiter des problématiques de scoliose, de problèmes de dos, les orthopédistes avaient conseillé à mes parents de me muscler le dos et de faire le meilleur sport qui existe pour muscler le dos, qui était la natation. Donc très tôt, j'avais 5-6 ans quand j'ai appris à nager. J'ai pris goût à ce sport. J'étais au sein d'une équipe. C'est vrai que quand on est en situation de handicap, ce n'est pas toujours facile de grandir. Et le fait d'être dans une équipe sportive, ça fait qu'on est intégré dans un groupe. Ça m'a permis d'accepter ma différence et mon handicap et de pouvoir en faire une force.
- Speaker #0
C'est ce que j'ai lu de vous. Vous dites que c'est ce sport-là particulièrement qui vous a permis de vous surpasser, de surpasser votre handicap, d'en faire une force et de l'accepter.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
En quoi ça permet d'accepter le handicap ?
- Speaker #1
Moi, ça a été la période difficile, c'était la période de l'adolescence. L'adolescence, c'est déjà une période très difficile. À l'heure actuelle, ça l'était à l'époque aussi. Et c'est vrai que moi, j'étais mal dans mon corps et j'avais du mal à accepter ma différence au moment de l'adolescence. Moi, c'est à ce moment-là où j'ai commencé à performer en natation, à pouvoir aller faire des championnats de France, à être qualifiée pour des championnats d'Europe ou autre. Et du coup, le fait de faire du sport intensif, d'avoir des résultats, ça a suscité de la curiosité de la part des autres élèves du collège, que jusque-là, je suscitais plus de moqueries que de l'intérêt parce que je réussissais quelque chose. Et du coup, le fait d'avoir ce regard qui changeait un petit peu sur moi et de susciter de l'intérêt de la part des autres camarades et qui était un intérêt positif, parce que du coup, ils s'intéressaient à ce que je faisais, ils me suivaient sur mes compétitions, ils me demandaient ce que j'avais fait, les résultats, je passais dans la presse, à la télé. Du coup, voilà, ça me mettait en avant et c'était grâce à mon handicap que j'étais mise en avant. Et du coup, ça m'a fait beaucoup de bien, en fait, à l'adolescence parce que j'étais plus... Émilie Graal, Robocop, comme on pouvait l'appeler, ou Émilie Graal qui n'a pas de main, ou des petites blagues pas toujours sympathiques qui, quand elles sont mises bout à bout tous les jours, matin au soir, au collège, ce n'est pas facile à accepter. Moi, je trimballais ça quand j'arrivais à la maison, donc j'étais en colère après mes parents, alors qu'ils étaient absolument pour rien. C'est juste que j'avais passé une journée minable au collège où on s'était moqué de moi toute la journée. On ne voulait pas de moi en cours d'EPS sur des sports de ballon, parce qu'avec ma prothèse, je n'arrivais pas à attraper un ballon. La gymnastique, je ne pouvais pas la faire, mais comme j'avais des profs qui étaient bornés, qui voulaient absolument que je fasse de la gymnastique, moi, par une roulade, je ne faisais pas grand-chose en gymnastique ou faire des allers-retours sur une poutre. La natation m'a permis de m'intégrer et de me sentir bien dans mon corps parce que ma différence faisait que je suscitais de l'intérêt et que je véhiculais des valeurs positives.
- Speaker #0
Je crois que c'est dans la même interview que vous dites que, pour rien au monde, vous ne voudriez de votre main gauche.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai.
- Speaker #0
Pourquoi ?
- Speaker #1
Je ne saurais pas qu'en faire en fait. Je ne saurais pas qu'en faire parce que j'arrive à faire absolument tout à une main. Il n'y a que quelques trucs qui ne sont pas envisageables en termes de métier ou il y a des choses qu'il faut que je m'adapte. Quand j'ai eu mes deux enfants, il a fallu réfléchir à faire les choses qui étaient les plus simples pour moi parce que... Tout ce qui est matériel de puériculture n'est pas du tout adapté à une personne qui a qu'une seule main. Après, j'ai appris à tout faire comme ça. Donc pour rien au monde, je ne serai plus moi.
- Speaker #0
Si en fait j'avais eu deux mains à la naissance, ou même si on m'en donnait une là, je ne serais plus moi. Donc non, j'en veux pas. D'ailleurs, j'en ai qu'une uniquement pour faire du vélo et elle ne ressemble pas du tout à une main. Elle est toute noire, on dirait une petite pince de Playmobil et elle me sert juste à faire du vélo. Je la mets quand je pars en vélo et dès que je rentre, je la pose et puis je n'ai plus de prothèse de vie depuis. Depuis très longtemps maintenant, ça fait plus de 15 ans que je n'ai pas mis de prothèse de vie et je suis bien comme ça, sans prothèse et avec mon petit bras.
- Speaker #1
Là, particulièrement dans l'année olympique, vous êtes très sollicité par les écoles. A l'entour, vous rencontrez beaucoup d'enfants. Quel est le message que vous portez auprès d'eux ?
- Speaker #0
Alors ça dépend de l'âge des enfants. Il y a certains enfants qui posent beaucoup de questions sur le sport, sur la pratique, sur ce qu'est le triathlon, sur comment je faisais pour nager, qui sont très performances sportives. Il y a d'autres enfants pour qui, eux, c'est qu'est-ce que j'arrive à faire ? Est-ce que j'arrive à me coiffer ? Est-ce que j'arrive à couper ma viande ? Est-ce que j'arrive à faire ? Mais là, c'est à conduire. C'est plus des gestes quotidiens où ils se posent la question de est-ce que j'arrive à faire ça à une main ? Au collège, ce n'est pas le même message que je véhicule parce qu'eux, ils ont vraiment besoin de... De croire en leur avenir, de croire en eux, et de voir que le collège c'est horrible, mais ça s'arrête après, ça passe. Donc le message n'est pas le même en fonction des enfants.
- Speaker #1
C'est un exercice que vous appréciez, d'aller les rencontrer ?
- Speaker #0
Oui, j'aime beaucoup ça. Alors moi je trébavarde mais j'adore partager en fait. Et les enfants, ce sont nos meilleurs interlocuteurs et c'est à eux à qui on peut faire passer des messages forts parce que derrière ils vont aller à la maison et ils vont pouvoir en parler. Il y a très peu d'enfants qui ont un mauvais regard sur le handicap en fait. Les enfants qui ont un regard... Je dirais où ça leur fait peur, où ils n'ont pas envie d'approcher, c'est des enfants qui ne connaissent pas le handicap. Parce que ce sont juste des enfants que les parents n'ont pas appris qu'il y avait de la différence et qu'en même temps la différence faisait la richesse de notre monde et la richesse de notre pays. On a un pays qui est très riche parce qu'on est tous différents. Et le fait d'aller dans les écoles et de dédramatiser, de banaliser le truc complètement... Oui, oui. de les rassurer en leur disant, déjà les tout petits, je leur dis alors ne vous inquiétez pas, je n'ai pas mal et je n'ai pas saigné. Et en fait, rien que, ne vous inquiétez pas, je n'ai pas mal, je n'ai pas saigné. Et je leur explique très simplement ce qui m'est arrivé. Avec des mots très simples qui leur disent que dans le ventre de ma maman, il n'y avait pas assez de place et que mon bras n'a pas pu pousser. Alors, ce n'est pas exactement comme ça que ça s'est passé. Mais du coup, en fait, ils le dédramatisent complètement. Et des fois, j'ai droit à des petites... Des petites remarques assez rigolotes. Une fois, j'ai une petite fille qui me dit Mais moi, je ne comprends pas pourquoi ton bras, tu ne le plantes pas dans la terre. Si tu l'arroses, il va pousser comme une fleur. Et j'ai trouvé ça tellement mignon. Elle me dit Non, ça ne marche pas comme ça. Je ne peux pas le planter dans la terre. C'est chouette.
- Speaker #1
Et sur les valeurs sportives, qu'est-ce que vous partagez ?
- Speaker #0
Le dépassement de soi. Déjà, l'importance de pratiquer un sport. J'essaie vraiment de leur transmettre ça. L'importance de bouger pour être en bonne santé. Parce que la nouvelle génération de jeunes et d'enfants bouge beaucoup moins qu'à une époque. On passe beaucoup moins de temps dehors. Moi, quand j'étais gamine, on était tout le temps dehors à courir, à aller explorer, à faire des cabanes. Et c'est vrai que déjà, de leur transmettre de bouger, de taper dans un ballon, de sortir, d'aller faire du vélo, d'aller à la piscine, de bouger avec ses parents. Parce que je trouve que c'est important de faire des activités avec ses parents. J'essaye de transmettre tous ces petits messages-là, et après bien sûr les valeurs du sport, l'intégration, le partage, le dépassement de soi, l'investissement personnel, l'écoute, la connaissance de soi, le maximum de petites notions que le sport peut amener.
- Speaker #1
Si je vous ramène peut-être au territoire, si on change de sujet. Donc vous êtes née à Sainte-Afrique, vous avez grandi ici, vous y vivez toujours et vous êtes élue locale. Rester ici, c'était un choix pour vous ?
- Speaker #0
Alors moi je suis un pur produit Saint-Africain et Aveyroné alors ça a été oui ça a été un choix ça a été un choix même si à 20 ans je rêvais que d'une chose c'était partir à l'étranger aller m'entraîner en Australie aller faire mes études aux Etats-Unis pouvoir m'entraîner aux Etats-Unis. J'avais beaucoup de rêves qui, au final, ne se sont pas concrétisés et j'ai quand même pu être à haut niveau en Aveyron. Et maintenant, avec les années en plus, au contraire, je prends mon bâton de pèlerin pour montrer qu'en Aveyron aussi, on est capable de faire du sport de haut niveau, on est capable d'avoir des projets sportifs ambitieux et que ce n'est pas parce qu'on vit en territoire rural qu'on ne peut pas faire tout ça. Oui, ça nécessite des adaptations, c'est sûr. Des fois, il faut faire 30 km pour aller à la piscine, parce que celle de Sainte-Afrique est fermée, donc je vais m'entraîner à Millau. Mais après, moi, je prends mon vélo. Je sais que j'ai des routes tranquilles, où c'est moins risqué que de rouler en ville avec des voitures autour. Je prends mes baskets et directement, je suis dans la montagne, et je peux aller courir dans la nature, observer. Les changements en fonction des saisons, observer la nature. Moi, je prends mon vélo, régulièrement, je peux observer la faune, la flore locale, des chevreuils, des renards, enfin, c'est des choses qu'on ne voit pas spécialement en ville. Donc là, maintenant, moi, je revendique au contraire que c'est bien et qu'on peut faire des choses en Aveyron et que moi, je suis attachée à mon territoire. Mais voilà, il y a eu une période où non, j'avais qu'une envie, c'était de partir à l'étranger. Après, mon papa est tombé malade et c'est vrai que je ne me voyais pas. C'était juste après les Jeux de Pékin. où du coup je passais mon professora de sport au sein de la fédération française handisport à l'époque et c'était basé sur Paris et voilà mon papa était malade, la vie parisienne et j'avais encore envie de nager et tout n'était pas compatible et je me sentais tellement mal à Paris. Mais alors je faisais que pleurer, j'avais qu'une envie, c'était descendre ici où je me suis rendu compte qu'en fait peu importe le travail qu'on faisait, ce qui comptait c'était de se sentir bien là où on le faisait. J'ai tout planté à Paris, même si j'avais un super boulot qui se dessinait devant moi, avec des super missions au sein de la FEDE. Je me suis rendue compte que dans ma balance à moi, alors après c'est peut-être pas le cas de tout le monde, mais dans ma balance à moi et dans mon équilibre personnel à moi, être en Aveyron et être chez moi, c'était ce qui comptait. Et ce qui comptait, c'était pas spécialement le métier que j'allais faire. Mais ce qui comptait, c'était être proche de ma famille, de mes amis, être proche de mon papa qui était malade, être proche de ma maman et de ma sœur. J'avais vraiment envie d'être ici, chez moi, et je ne me sentais pas chez moi ailleurs.
- Speaker #1
Vous êtes élue à la mairie de Sainte-Afrique, vous êtes aussi élue départementale, c'est votre deuxième mandat, vous avez été réélu en 2021. Pourquoi cet engagement électif ?
- Speaker #0
C'est comme tout à l'heure, je disais que mon parcours était fait de rencontres, que ce soit à la fois mon parcours sportif et là mon parcours politique. C'est basé sur une rencontre avec Jean-Claude Luche, qui était président du département à l'époque, qui lui a toujours eu un regard bienveillant sur les athlètes de haut niveau, sur le sport, et les personnes qui véhiculaient des valeurs sur son territoire. Et c'est lui, à l'époque, qui est venu me chercher sa date est en 2010, pour les élections régionales, où il était du coup tête de liste pour le département de l'Aveyron. Et il m'a demandé, il lui fallait absolument une femme loin derrière dans la liste, si je ne pouvais pas l'accompagner. Moi j'avais encore la tête dans les entraînements, j'étais au sommum de ma forme et de mes résultats à ce moment-là. Alors j'ai longtemps hésité, je me suis dit, je l'ai pris comme une expérience, comme quelque chose à vivre. Et j'ai accepté parce que c'était Jean-Claude Luche. Par rapport à qui il était, à ce qu'il représentait, et à l'élu qu'il était sur un territoire où, en fait, vraiment, c'est quelqu'un qui était investi pour son département et proche des gens, accessible. Et du coup, je lui ai fait confiance et j'ai accepté de partir sur la liste régionale avec lui. Et ensuite, quand le scrutin départemental a changé avec des binômes par canton, Jean-Claude est revenu me chercher à ce moment-là, en 2015, pour partir en tant que conseillère départementale avec Sébastien David sur le canton de Sainte-Afrique. Et là, j'avais arrêté ma carrière de haut niveau. Je me suis dit que les valeurs que je véhiculais dans le sport, Je pouvais aussi ce message-là le véhiculer autrement. La base de l'élu local, c'est ça, c'est le partage, c'est l'échange, c'est l'accompagnement des dossiers, l'accompagnement des personnes qui viennent nous voir, qui ont des problématiques, qui ont des projets, et pour tout faire, en fait, pour mener à bien ces projets-là, quelle que soit l'étiquette politique qu'on peut avoir. Moi, je ne suis pas une politique politicienne. Moi, j'aime les gens, j'aime mon territoire, j'aime faire avancer mon territoire. Je continue à le faire comme je le fais à travers le sport, en fait.
- Speaker #1
Donc vous êtes en bilan avec Sébastien David, qui est maire de Sainte-Afrique. Oui. Est-ce que dans cette vie politique, cette vie sportive, cette vie de femme, être une femme a été un problème un jour pour vous, a été un obstacle ?
- Speaker #0
Alors, pas spécialement dans le sport. Vraiment, pas spécialement dans le sport, en fait, parce qu'on n'est pas mélangé aux garçons. On s'entraîne avec... Je m'entraîne régulièrement avec des hommes et je nageais avec des hommes. C'est juste que les départs et les temps de départ n'étaient pas les mêmes, mais... Alors moi, j'avais à l'époque, quand j'ai préparé les Jeux de Pékin et quand j'ai préparé aussi les Jeux de Londres derrière, quand je nageais avec Sébastien Sudre, lui, il poussait vraiment les filles plus loin dans l'entraînement que peut-être un garçon. Parce qu'il savait qu'une fille, elle allait se faire peut-être plus mal par moment, peut-être qu'elle allait se mettre plus en difficulté qu'un garçon, accepter un petit peu plus la douleur physique par moment. Et du coup... Sébastien est un très bon entraîneur, enfin de garçon aussi, mais il savait comment pousser les filles dans ses lignes d'eau. Et d'ailleurs, moi, je continue à aller nager régulièrement avec lui, même en triathlon, parce qu'il me connaît, je gagne du temps à passer par lui. Donc, sur mon sport, je n'ai pas spécialement eu de barrière du fait d'être une femme, en fait. Là où ça a été plus difficile, c'est en politique. Moi je suis arrivée, j'étais quand même très jeune, j'étais pas spécialement intéressée par la politique politicienne, pas du tout encartée. J'avais des idées, quelques idées arrêtées sur certaines choses, mais qui évoluent aussi au fil du temps en fonction des rencontres qu'on peut faire. Quand j'arrivais souvent, quand j'étais aux côtés de Sébastien, ou aux côtés de Jean-Claude Luche, ou d'Alain Marc, sénateur, on disait Ah mais vous êtes la secrétaire de... Non, je suis conseillère départementale du canton de Sainte-Afrique. Vous êtes la suppléante de... Non, non, non, je ne suis pas suppléante, je suis l'alter ego de Sébastien David sur le canton de Sainte-Afrique. En fait, c'était plus la barrière ou dans la tête des gens. Une femme de 27 ans qui est jeune, elle ne pouvait pas être élue locale en fait. Ce n'est même pas volontairement que ces réflexions sont faites.
- Speaker #1
Vous êtes toujours la Benjamine de l'Assemblée départementale ?
- Speaker #0
Oui, je crois, mais on est deux à avoir quasiment le même âge, alors je ne suis pas sûre d'être la plus jeune. Il y a une concert départementale sur le secteur de Sévérac et je pense que niveau âge, on se vaut à peu près. On se voit à peu près, mais c'est vrai que du coup, quand je suis arrivée en 2015, j'étais très jeune.
- Speaker #1
Est-ce que vous diriez que vous êtes féministe ?
- Speaker #0
Oui, un petit peu. Un petit peu beaucoup, même. Pour l'équilibre, il faut qu'il y ait de tout en fait. Il faut vraiment qu'il y ait des femmes, des hommes. C'est l'équipe de notre planète, il est fait comme ça. Mais c'est beaucoup en politique, on ne se rend pas compte de certaines choses. Moi, j'ai une commission au département. qui est à 8h le matin. Sauf que je fais comment en tant que maman ? Je suis à une heure et quart de Rodez. Les écoles sont fermées, les crèches sont fermées à cette heure-là où je pars. Donc c'est une commission où j'arrive toujours en retard. Parce que du coup... Mais les autres collègues, en fait, ne se sont jamais posé la question. Ce sont des hommes, donc ce ne sont pas eux qui gèrent le lever des enfants le matin, préparer le petit-déjeuner. Moi, mon compagnon, il travaille à 7h30, donc il ne peut pas amener les enfants le matin. Donc ce ne sont pas des questions que des hommes se posent, en fait. Ça ne fait pas partie, je pense, de leur formatage. C'est un beau de se dire qu'il y a toute cette gestion quotidienne de la famille, qui, il faut l'avouer, en 2024 encore, elle pèse plus sur les femmes que sur les hommes. La charge mentale pèse plus sur des femmes que sur des hommes. Moi, dans le sport de haut niveau, oui, il y en a beaucoup qui sont parents. Je suis la seule maman. Je suis la seule maman. Il y a beaucoup de parents, de papa, mais je suis la seule maman. Parce qu'encore, dans la tête des gens, du moment où on est maman, notre vie doit se mettre entre parenthèses. Donc moi je milite vraiment. de montrer qu'on est capable de tout faire. Alors oui, du coup, il y a des choses qui sont entre parenthèses. Ma maison n'est pas clean à 300%. Je ne passe pas trois heures à faire du ménage dans ma maison. Je ne repasse pas depuis mon linge vite, vite, parce que je n'ai pas le temps. Mais par contre, je continue à faire du sport, à m'entraîner deux fois par jour. Donc oui, j'ai ce côté féministe-là de montrer que... Même en tant que femme, en tant que maman, on peut être aussi élue locale. Alors oui, ça nécessite des aménagements. On peut être athlète de haut niveau. Oui, ça nécessite des choses qu'on met entre parenthèses. Ce n'est pas simple tous les jours, c'est même très compliqué. Mais après, c'est important de montrer qu'on peut faire beaucoup de choses en tant que femme et qu'il ne faut pas se mettre de barrières.
- Speaker #1
Émilie, pour terminer, j'ai une question rituelle aussi dans le podcast. En quoi est-ce que vous croyez ?
- Speaker #0
C'est difficile. Je ne peux pas dire... Moi, je suis athée déjà. Niveau religion, je ne crois pas... Ce n'est pas la religion qui me tire vers l'avant. Je ne crois pas en Dieu. Je crois en moi parce que déjà, le matin, il n'y a qu'une seule personne qui se lève, qui fait tout ça dans la journée, c'est moi. Du coup, je crois en moi. Si moi, je n'appuie pas sur mes pédales, sur mon vélo, il n'y a personne qui va le faire à ma place. Si je ne m'organise pas ma journée pour faire rentrer tout sur 24 heures, une journée de 36 heures sur 24 heures. Si moi je ne me décarcasse pas pour le faire, en fait il n'y a personne qui va le faire à ma place. Donc je crois en moi. Par contre j'ai de plus en plus de mal à croire en l'espèce humaine. à sa capacité à se remettre en question. Là, c'est ma casquette environnement. Du coup, je suis adjointe au sport et à l'environnement. Après le Covid, je me suis dit vraiment que les mentalités allaient changer. Parce qu'on a vraiment eu un élan, faire les choses soi-même, aller se retourner vers des commerces locaux. Je me suis dit vraiment, les gens ont... On a pris un tournant. On était plus attentifs à ce qui se passait, à la nature, à préserver l'espèce humaine, à préserver nos proches, nos enfants, à faire attention. J'avais vraiment espoir. Je trouvais que c'était une belle opportunité, en fait, le Covid. Pour moi, ça allait faire un petit peu changer les choses, les mentalités, les façons de voir, qu'on allait sortir un petit peu de ce capitalisme excessif. Et puis, je me rends compte que les choses sont reparties de plus belle. Moi, j'ai un bilan carbone qui est pitoyable cette année, de faire des allers-retours en avion aux quatre coins de la planète pour pouvoir participer au jeu. Mais malheureusement, c'est le lot de tous les athlètes de haut niveau. On n'a pas le choix. Si on pouvait faire nos courses et nos compétitions et que les critères étaient faits pour qu'on puisse participer sans avoir à traverser la planète, on le ferait. Mais voilà, il y a des règles, il y a des choses. Moi, là, en passé, j'ai pris un avion pour aller à Madrid sur la journée. J'ai fait un aller-retour pour aller voir des médecins, pour attester que j'étais bien amputée d'un bras. Voilà. Et c'est là où je me dis que je crois de moins en moins à l'espèce humaine et à sa capacité à se réinventer pour justement préserver la planète, préserver l'espèce humaine. Parce que le réchauffement climatique, il a un impact énorme sur nous, sur nos enfants, sur notre écosystème. Et j'ai l'impression qu'en fait, beaucoup banalisent ça et font comme si ça n'existait pas. Et on le voit pas. Le phénomène de l'autruche, voilà. On ne le voit pas. Je crois en moi, mais j'ai de plus en plus de mal à en croire en tout le monde. Depuis quand je rentre des Émirats arabes, où je vois ce pays surdimensionné, où on n'a pas du tout la même vision des choses, où il n'y a que du paraître, il n'y a rien qui est pensé. C'est juste de la poudre aux yeux, des lumières qui clignotent, faire des choses, des immeubles les plus grands possibles. Moi, ça me... voilà,
- Speaker #1
ça me laisse perplexe merci beaucoup Émilie d'avoir pris du temps dans cette période de rush oui,
- Speaker #0
dans une période de rush mais en même temps c'est la vie, elle est comme ça tu peux la vivre à 100% et c'est ce qui est bien vous êtes arrivés au bout de ce nouvel épisode de la saison 3 de Finta,
- Speaker #1
j'espère qu'il vous a plu et que cette conversation avec Émilie Graal ouvre votre champ des possibles comme il a ouvert le mien. Vous pouvez prolonger le plaisir en découvrant ou en redécouvrant les femmes pionnières de la première saison sur www.fintapodcast.fr ou sur votre appli de podcast préférée. Il suffit de remonter un tout petit peu le temps. Finta est un podcast écrit, réalisé et produit par moi-même, Lola Cross. Il est mixé par Mathieu Viguier du studio Qude. Si vous appréciez Finta et que vous souhaitez soutenir ce travail indépendant, parlez-en autour de vous. C'est le meilleur soutien que vous puissiez apporter au podcast. Vous pouvez suivre toute son actualité sur www.fintapodcast.fr, sur les réseaux sociaux avec finta.lepodcast, et aussi vous abonner à la newsletter pour recevoir les nouveaux épisodes directement dans votre boîte mail. A très bientôt.