Speaker #0Salut à toi et bienvenue dans ce nouvel épisode de Fondation. Aujourd'hui, on va parler d'un sujet qui fait réagir, les matériaux en architecture et surtout notre responsabilité en tant qu'architecte. J'ai choisi ce sujet parce qu'il y a quelques mois, j'ai écrit un post LinkedIn et j'ai eu énormément de réactions. Visiblement, ça touche un point sensible. Du coup, j'ai eu envie de t'en parler en partant de trois points clés. Comment notre culture et notre formation influencent nos choix des matériaux ? l'impact environnemental et social de certains matériaux comme le béton, et enfin, je voudrais qu'on voit ensemble les alternatives pour construire autrement. Tu connais l'histoire des trois petits cochons ? Ouais, j'ose commencer un podcast d'archi avec un conte pour enfants. Et sans rougir, je vais même te faire un petit rappel, parce que sait-on jamais, si quelqu'un ne le connaît pas, il en existe d'ailleurs plusieurs versions, je vais te raconter celle de Joseph Jacob. Il était une fois trois petits cochons qui quittent le foyer familial pour tenter leur chance dans le monde. Le premier petit cochon se construit une maison de paille, le deuxième une maison faite de bois et le troisième une maison de briques et de ciment. Un grand méchant loup a beaucoup d'appétit pour ces trois petits cochons et il parvient à détruire la maison des deux premiers petits cochons en soufflant au-dessus puis les dévore. En revanche, il est impuissant contre celle du troisième petit cochon. Il souffle. Encore et encore, sans succès. Il tente bien de faire sortir le cochon par la ruse, mais toujours sans succès. Il décide finalement de passer par la cheminée, mais tombe dans une marmite de soupe bouillante. Et c'est finalement le petit cochon qui le mange pour son dîner. J'ai jamais dit que les contes pour enfants, c'était pas un peu glauque. Du moins, les versions d'origine, clairement pas les versions édulcorées de Disney. Mais je m'égare, ce qui nous intéresse ici, C'est que dès notre enfance, on nous martèle l'idée que les maisons en paille et en bois, c'est fragile. Un coup de vent et pouf, plus de maison. Mais la maison en briques, et par extension en béton, c'est censé être du costaud. On raconte ça à des générations de gamins. Pas étonnant que le béton et ses dérives aient la cote aujourd'hui, tu trouves pas ? Arrivé en école d'archi, le béton a toujours la cote. On a toutes et tous admiré des chefs-d'oeuvre en béton. de Le Corbusier ou d'Oscar Neumeier sur les bancs de l'école. Oscar Neumeier et Le Corbusier sont deux architectes très connus de l'architecture moderne du XXe siècle. Le premier est brésilien. Il est connu pour des architectures poétiques tout en courbe. En France, on peut découvrir l'espace Neumeier, siège du parti communiste français, dessiné dans les années 70 par l'architecte. Le Corbusier, quant à lui, c'est un peu la mascotte nationale française. Quand bien même, il est suisse, naturalisé français. On lui connaît notamment la chapelle de Ronchamps, où c'est cité radieuse. Le béton, c'est beau, et je le pense vraiment. Ça permet de créer des gestes architecturaux singuliers. Et je ne suis pas là pour remettre ça en cause. Non, moi ce qui m'intéresse ici, c'est de te partager mes réflexions sur l'impact environnemental de cette matière. J'avoue qu'à mes débuts, le béton, c'était du béton. Je ne m'étais jamais vraiment posé la question de ce qu'il y avait dedans. Du coup, on se fait un petit cours express. A la base du béton, il y a le ciment. C'est un matériau composé d'un mélange de calcaire et d'argile, extrait de carrières rocheuses, formant avec l'eau une pâte durcissante. En d'autres termes, le ciment, c'est comme une colle en poudre qui permet, une fois humidifiée, d'assembler les éléments de construction. Si on mélange du ciment, cette fois avec du sable et du gravier, on obtient le fameux béton. Celui-ci est constitué de granulats d'origine naturelle et dont le mélange se lie après hydratation. En soit, on connaît le béton depuis l'Antiquité. Le Panthéon à Rome a été construit en béton et il date du 1er siècle avant Jésus-Christ. Alors tu me diras, c'est quoi le problème avec le béton ? Eh bien, c'est son utilisation massive. Que dis-je ? Systématique. Le béton est partout. Or, il contient du sable, une ressource qui s'épuise. J'ai pris conscience de ça en regardant le documentaire Sable, enquête sur une disparition, disponible sur Arte. Non, ce contenu n'est malheureusement pas sponsorisé par cette chaîne. Il explique que le sable, c'est la matière la plus exploitée au monde, plus encore que le pétrole. Et contrairement aux idées reçues, le sable des déserts est inutilisable pour la construction. On exploite donc les rivières, les carrières, puis la mer, provoquant une catastrophe écologique. Parce que le sable joue un rôle clé dans la protection des côtes et l'équilibre des écosystèmes marins. En plus de l'impact environnemental, il y a aussi les enjeux sociaux. Le trafic de sable, c'est une réalité. Les travailleurs extraient du sable clandestinement, souvent au détriment de leur propre sécurité. Une fois que j'apprends ça, ça y est. Perso, je suis piqué au vif, je veux en savoir plus. Je continue donc mon investigation et je tombe sur une superbe BD qui s'intitule « Béton, enquête en sable mouvant » . L'architecte Alia Bengana y fait son enquête et explique que ce qui rend le béton polluant C'est avant tout la production du ciment, qui est l'un de ses composants principaux. Ça représente 11 à 15% environ du béton. Pour fabriquer du ciment, il faut extraire du calcaire et des marnes d'une roche sédimentaire, puis les cuire dans un four à 1450°C pendant 18 heures. 1450°C pendant 18 heures. Il en faut de l'énergie rien que pour ça. Bref, cette cuisson déclenche une réaction chimique qu'on appelle la décarbonatation. C'est à ce moment-là que le carbone est émis. Et c'est précisément à cause de ce processus que l'industrie du ciment représente aujourd'hui 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. 8% ! À lui tout seul ! Bref, l'autrice souligne donc que c'est l'utilisation massive du béton qui pose problème. S'il était utilisé avec parcimonie, son impact serait bien moindre. Alors que faire ? L'idée, c'est pas de diaboliser le béton ou d'appeler à son boycott. mais plutôt de réfléchir à notre consommation. Pourquoi et comment on l'utilise ? Il existe plein d'alternatives qui émergent, ou plutôt réémergent, parce que les exemples comme la pierre, le bois, la terre crue, ils existent et sont mis en œuvre depuis longtemps. Aujourd'hui, je te fais un court focus sur deux matières, le béton de chambre et le pisé. Le béton de chambre, c'est un matériau qu'on obtient en mélangeant de la chénovote la partie ligneuse de la tige de chambre, avec de la chaux et de l'eau. Résultat, ça forme une sorte de béton léger, isolant, respirant et hyper confortable en termes de régulation hygrométrique. Et surtout, le chambre, c'est une plante géniale. Ça pousse vite, ça capte le CO2 et ça ne demande ni pesticides ni arrosage. Un bon tiers c'est gagnant. Mais attention, contrairement au béton, et même si ce mot apparaît dans son nom, le béton de chambre, quant à lui, n'est pas porteur. Il nécessite donc une ossature. On l'utilise donc plutôt en remplissage de murs à ossature bois. On passe au pisé. Là aussi, on parle d'un matériau ancien, composé de terre crue avec parfois un peu de fibre naturelle ou de granulat, qu'on va venir compacter dans un coffrage, aussi appelé banche. Contrairement au béton de chanvre, le pisé, lui, est porteur, à condition de respecter certaines règles de mise en œuvre. Entièrement local et biosourcé par son mélange de terre et de cailloux, Le pisé est une technique de construction écologique et respectueuse de l'environnement. Pour le pisé, il suffit d'une terre de bonne qualité et qui contient un peu d'argile. C'est également un régulateur naturel de chaleur, été comme hiver. En hiver, la terre absorbe la chaleur du soleil la journée et la restitue le soir venu. En été, le pisé laisse les pièces bien fraîches, car l'humidité présente dans le mur agit comme un bouclier contre la chaleur. Pour ces deux exemples, Et comme tous les matériaux biosourcés ou géosourcés, le béton de chambre et le pisé craignent l'humidité. Il faut donc les protéger avec un bon sous-bassement et avec une casquette ou une bonne couverture. On évite ainsi les remontées capillaires et les infiltrations. Ce sont deux matériaux vivants qui demandent de l'attention et un certain savoir-faire. Si tu te dis que tu ne maîtrises pas encore tout ça, je te rassure, moi non plus. Je suis toujours en phase apprentissage, mais on peut déculpabiliser. Parce que ça s'apprend. Dans un premier temps, on peut se renseigner, en lisant par exemple les fiches pédagogiques du collectif Biosourcés. Elles sont claires, accessibles et te donnent plein d'infos techniques. On peut aussi se former. On peut littéralement aller mettre les mains à la pâte sur un chantier participatif. C'est probablement la meilleure école. Ça nous permet de toucher la matière, voir comment elle réagit et comprendre comment la mettre en œuvre. Aucun doute, ça doit être super formateur et probablement très fun. Finalement, Qu'est-ce qu'on peut retenir de cet épisode ? Non, on n'a pas à construire exclusivement en béton. Et non, les alternatives ne sont pas réservées aux bobos écolos ou aux maisons en autoconstruction. Elles ont toutes leur place dans une architecture contemporaine, inventive et responsable. A nous, architectes, de faire ces choix en conscience, en les adaptant au contexte, aux projets et aux besoins réels. J'espère que cet épisode t'aura donné matière à réflexion. Si c'est le cas... Je compte sur toi pour soutenir le podcast en laissant 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée. Et si t'as Apple Podcasts, un petit avis me ferait super plaisir. En attendant, on se retrouve sur LinkedIn où je te partage mes réflexions et outils pour t'aider à avancer dans ton parcours. J'ai aussi créé un Slack pour partager les ressources des épisodes et des canaux de discussion. Rejoins-moi, je m'en repars. D'ici là, je t'invite à prendre un instant rien que pour toi. Ferme les yeux et pose-toi cette question toute simple mais puissante. Et si je pouvais repenser ma façon de construire ? Pas juste en termes de matériaux, mais dans ma posture, dans mes choix. Dans l'impact que je veux avoir, qu'est-ce que je veux laisser derrière moi ? Qu'est-ce que j'ai envie de nourrir, de protéger, d'encourager à travers mes projets ? Et surtout, quelle architecture me ressemble vraiment aujourd'hui ? Parce que tu as le droit de remettre en question ce qu'on t'a appris, de déconstruire pour mieux reconstruire, de choisir une pratique qui te ressemble, qui soit alignée et qui ait du sens pour toi. On en parle ensemble si tu veux. Et si tu ne sais pas par où commencer ? Je peux même t'accompagner. Je te mets les infos dans la description de l'épisode. On se retrouve dans 15 jours pour un prochain épisode. A très vite ! C'était Fondation, un podcast soutenu par le fonds Startup de l'œuvre nationale de secours de la Grande Duchesse Charlotte. et par la maison de l'architecture de Lorraine qui participe à la diffusion du podcast. L'illustration quant à elle est signée Caroline Boucher que vous pourrez retrouver sur le compte Instagram Archicolorful.