Speaker #0Salut à toi ! Aujourd'hui, je voulais te parler d'un sujet pas hyper sexy au premier abord, mais qui a franchement un impact, et notamment sur le portefeuille. Les charges d'entretien des bâtiments. Oui je sais, dit comme ça, ça fait direct penser aux assemblées de copro où tout le monde va s'engueuler parce que la facture d'électricité explose, ou à nos impôts qui règlent la note de bâtiments publics, voire à des travaux que tu repousses encore et encore, jusqu'à ce que ce soit plus possible. Et là, tu regrettes de rien avoir fait plus tôt. Ça te dit quelque chose ? Mais justement, si on en parlait un peu en amont, quand on dessine les bâtiments, on éviterait donc peut-être pas mal de crises et autres déconvenues. Parce que oui, je suis convaincue que nous les architectes, on a une vraie responsabilité là-dedans. Nos choix de conception, ils n'impactent pas seulement la gueule des bâtiments ou son budget de construction, mais aussi la vie quotidienne des gens, et ce, pendant des décennies. Alors je te propose qu'aujourd'hui, on fasse un petit tour. non exhaustif des choses qu'on pourrait faire pour réduire les coûts. Première chose à laquelle je pense, la lumière. Imagine ces escaliers sombres avec une petite ampoule faiblarde, certes sur minuterie, qui grille tous les 3 mois. Et ben je pense qu'on pourrait éviter ça. On peut éclairer naturellement les circulations verticales. Une fenêtre bien placée, un puits de lumière. Et déjà, on va éviter drastiquement la note pour la lumière artificielle H24. Ça paraît évident, non ? Et pourtant, dans bien des projets, éclairer naturellement les circulations, c'est pas forcément la priorité. Alors, toi et moi, on sait très bien pourquoi. On place les couloirs au centre, c'est pour avoir des fenêtres dans des pièces plus nobles, mais les couloirs et les circulations, ça pourrait aussi devenir un espace important. Et tu sais quoi ? Quand j'étais étudiante... j'avais bossé sur un mémoire sur les espaces communs. Oui, le sujet comme ça pourrait faire bailler dans les amphis, mais je t'assure, c'était un sujet passionnant. Une de mes conclusions, elle était toute simple. Ces espaces-là sont tellement mieux appropriés quand ils sont éclairés, naturellement. Ça paraît presque naïf, mais c'est dingue comme la lumière change tout. Un escalier sombre, ça reste un lieu de passage, t'as vraiment pas envie de t'y attarder. Alors qu'un escalier ou une coursive baignée de lumière, ça peut devenir une zone de rencontre. Un endroit où tu prends le temps de dire bonjour à tes voisins. Tu peux même t'arrêter quelques minutes, voire plus. Ça peut se transformer en terrasse improvisée. Un petit coin de sociabilité inattendu. Et je ne suis pas la seule à le penser. Je t'invite à regarder le projet 55 Rigaud, livré par Bonote Zepata, des architectes en Suisse. Ils ont imaginé des espaces collectifs lumineux, ouverts, ventilés, où les habitants se croisent naturellement. Résultat, ça nous donne des lieux qui vivent, qui s'animent. qui sont vraiment investis par les gens. Ça devient des extensions de leur logement. Pour compléter notre réflexion et rebondir sur cet exemple, dans ce cas-là, les circulations ont même été sorties des zones chauffées. Je t'invite vraiment à aller regarder l'exemple de ce projet, parce que déjà, c'est pas un exemple à l'autre bout du monde avec un climat complètement différent d'une autre. Dans ce projet, les communs bénéficient donc de lumière naturelle, ils sont couverts, protégés des intempéries, mais ils sont hors de l'enveloppe thermique. Du coup... Tu gardes le confort de ne pas subir la pluie dès que tu passes la porte d'entrée, mais tu ne chauffes pas des mètres carrés incroyables de couloir pour rien. Évidemment, l'usage se fait en conséquence et ces zones sont plus utilisées en hiver qu'en été. Mais so what ? Pour des sujets similaires, comment ne pas citer Lacaton et Vassal avec leur travail sur les logements collectifs, qui montrent bien que des circulations ouvertes et généreuses deviennent de véritables lieux de vie. Dans des logements sociaux qu'ils ont fait à Bordeaux, Ils ont transformé les façades en ajoutant des espaces extérieurs généreux, type serre cursive. Non seulement c'est lumineux, mais ça réduit aussi la facture d'énergie. Pour te donner un exemple perso, dans une copro que j'ai dessinée récemment pour une commune, j'ai réussi à mutualiser des escaliers et ascenseurs entre deux immeubles placés sur un sous-sol commun. C'était pas dans le cahier des charges et c'était pas du tout ce qu'on me demandait, et il a fallu que j'use d'arguments stratégiques pour faire entendre ma voix. Mais résultat... Moins de coûts de construction, moins d'entretien, et surtout, à terme, moins de charges mensuelles pour les habitants. Allez, on passe à la suite. Si on montrait ce qu'il y a derrière les faux plafonds. Parce que si on laissait les techniques apparentes, oui, les gaines, les tuyaux, les câbles, alors, on s'entend, hein, faut pas que ça ressemble à un vieux local technique, mais quand c'est assumé, ça peut être vraiment super sympa. Puis c'est réparable facilement, pas besoin de casser des cloisons. juste pour vérifier une fuite. Tu gagnes du temps, de l'argent et des finitions en moins. Pour illustrer cet exemple, je t'invite à regarder le projet trop canon de Nightingale One. C'est l'agence Nightingale située à Melbourne qui a dessiné ce projet. Pour moi, c'est l'exemple parfait de tout ce qu'on a parlé jusqu'ici. Circulation éclairée naturellement, technique apparente pour un look loft industriel. Et franchement, je trouve ce projet magnifique. En plus, il y a des espaces partagés en rooftop. Bref, selon moi, ce projet coche toutes les cases, y compris la ventilation naturelle et la protection solaire. Tiens, si on en profitait pour en parler d'ailleurs. Autre levier d'économie. Pensez à la ventilation naturelle. Un patio, une double orientation, des ouvrants bien placés, des brises soleil et autres protections pour se protéger de la chaleur, qui devient de plus en plus nécessaire. Toutes ces choses simples qui permettront de limiter, voire se passer de la clim. Ça veut dire à la fin, moins de factures, moins d'entretien sur les systèmes mécaniques et plus de confort en été. Bon, concernant le choix des matériaux, je pense que tu commences à me connaître. Surtout si t'as écouté mon épisode sur le béton, c'est de loin pas un choix anodin. On peut faire fonctionner l'économie locale, pour faire du bien au PIB du pays où t'habites, mais on peut aussi choisir des matériaux qui ont un impact positif sur la santé, mais aussi le bien-être des gens qui utilisent le bâtiment. Pour en revenir au sujet du jour, le choix des matériaux de construction, c'est pas uniquement esthétique. On peut choisir des matériaux qui demandent moins d'entretien sur le long terme. Parfois on fait des économies en chantier, mais les habitants le payent sur le long terme, dans l'entretien de leur bâtiment. Par exemple, un bardage bois bien conçu, ça va vieillir, se patiner. Ok, faut aimer le bois qui noircit, mais c'est une mutation naturelle de ce matériel. Et ça se remplace facilement. Alors qu'un crépi bas de gamme, tu peux être sûr qu'il faudra le refaire rapidement. L'eau maintenant ! Évidemment, on peut récupérer les eaux de pluie et les réutiliser pour l'arrosage ou certains appareils sanitaires. C'est une technique de plus en plus répandue qui gagnerait à être systématisée. D'ailleurs, pour la petite anecdote, en Nouvelle-Zélande, ils ne se contentent pas de l'utiliser pour les chasses d'eau et le lave-linge. Ils récupèrent l'eau de pluie et l'utilisent pour absolument tout, y compris pour la consommer. Évidemment, elle est traitée avec des filtres solaires et tout, et c'est combiné aussi avec une fosse sceptique, surtout quand les maisons sont isolées. En plus, les conduites d'eau passent par le poêle à bois, donc ils ont de l'eau chaude, même sans électricité. Franchement, ils ont une panne de courant, et eux, ils continuent de vivre, et même de prendre des douches chaudes. Allez, on continue notre tour non exhaustif. pour nos options pour réduire les coûts et fonctionnement des bâtiments. Nos choix de revêtements de toiture peuvent aussi avoir un impact sur le confort thermique et donc la facture énergétique des utilisateurs. Pour garder une température plus basse, on peut favoriser les toitures végétalisées qui retiennent l'eau, isolent et limitent l'apport calorique. Pour les toits plats, il existe désormais des revêtements blancs qui réfléchissent la lumière du soleil, ce qui permettra de réduire les îlots de chaleur, d'améliorer le confort thermique intérieur et d'éviter l'installation de la clim. Je pense notamment au produit Enercool et son fondateur Maxime Claval, qui prédit 40% d'économie de clim avec cette solution. Ce petit placement de produit est complètement spontané. Mais Maxime, si tu m'écoutes et que tu veux soutenir mon travail, n'hésite pas à me faire signe. Personnellement, plus je pratique, plus je trouve qu'il y a un véritable enjeu sur cette cinquième façade, le toit, pour notamment limiter les infiltrations d'eau, voire en créant une boîte dans la boîte on peut jouer avec la ventilation naturelle et aussi limiter les surchauffes. Je pense notamment à un immeuble d'habitation, le Haut Bois, pas l'instrument de musique, qui est construit à Grenoble par l'agence de Jacques-Félix Faure. Dans ce projet, la toiture inclinée est désolidarisée du reste du corps du bâtiment, ce qui permet à la fois de planquer les techniques dessous et de ventiler. En plus, ce projet, c'est vraiment une chouette référence. C'est un immeuble bois qui a aussi des espaces extérieurs éclairés naturellement et hors de la surface chauffée. Pour voir ça de plus près, je t'en dis plus à la fin de l'épisode. Allez, un dernier point de réflexion pour la route, les espaces extérieurs. Un jardin partagé, une terrasse commune, ça permet de créer du lien social et mutualiser les frais d'entretien. Et en exemple, je te propose un projet où les grands espaces extérieurs sont devenus des lieux de vie pour les habitants. Il s'agit de la cité manifeste à Mulhouse, de Lacaton et Vassal. Maintenant, on a toutes ces idées de réflexion. Et après, tu vas me dire, encore une contrainte de plus ? Encore une norme, un truc à penser ? Entre nous, toi et moi, on sait que c'est de la contrainte que naît la créativité. Avec le prix de l'énergie et de la vie qui explosent, nos choix de design peuvent vraiment aider à limiter les factures et les charges des utilisateurs. Et ça, pour moi, c'est un vrai levier pour contribuer à améliorer la vie des gens. Alors, bien sûr, ce que je te raconte là, ça existe déjà. Je t'en ai même donné plein d'exemples. Certains architectes le font d'ailleurs très bien, et c'est donc de superbes sources d'inspiration. Mais soyons honnêtes, c'est encore loin d'être la norme. Et peut-être que si on en parlait plus, si on ne considérait pas ça comme des à-côtés, ça deviendrait juste une évidence. Et je sais, tu vas aussi me dire, ok, mais comment on fait pour que ça devienne la règle, et pas juste l'exception sympa qu'on admire dans une revue ? Là aussi, je te propose quelques pistes de réflexion. D'abord, il faut en parler. Plus on montre, plus on partage, plus ça devient une référence, un réflexe. Ensuite, Faut arrêter de regarder uniquement le coût de construction. Je pense qu'on pourrait calculer le coût global. Construction plus entretien plus charge sur une certaine durée. Parce que soyons clairs, les exemples qu'on a vus plus haut peuvent potentiellement coûter un peu plus au départ, mais derrière, combien on économise en facture ou en maintenance ? Et surtout, combien ça change la vie des habitants et l'impact sur leur budget mensuel ? Après, il y a la question des normes. Alors oui, encore une norme. Elles peuvent servir justement. Attirer tout le monde vers le haut. Et si la norme n'existe pas, on peut la devancer. Faire mieux, montrer que c'est possible et que ça marche. Évidemment, il y a un truc essentiel. La culture. Si dans les écoles, dans les agences et surtout auprès du grand public, on parlait plus de ces solutions de coût d'usage, de mutualisation, ça deviendrait beaucoup plus facilement des réflexes. En tout cas, ça c'est quelque chose dont moi je suis persuadée. Ce serait plus un bonus ou une cerise sur le gâteau. Ça deviendrait une vraie fondation du projet. Et enfin, pour moi, un point qui pourrait être vraiment un vrai levier, mettre les habitants au centre des projets. Quand un choix de conception peut leur éviter des centaines d'euros de charges par mois, ils peuvent donc dédier ce budget à d'autres choses. Une alimentation plus saine, l'éducation de leurs enfants. Crois-moi, quand ça touche au portefeuille, on capte tout de suite leur attention. C'est concret, ça leur parle, parce que ça change leur quotidien. Alors voilà, c'est probablement pas demain que toutes les constructions de France ou du Luxembourg prendront en compte une ou plusieurs suggestions de ce podcast dans leur projet. Mais si on commence à intégrer ces petits réflexes, à les défendre, à les rendre visibles, ben un jour, je suis convaincue que ce sera même plus un débat, ça deviendra juste normal. J'espère que cet épisode t'aura donné matière à réflexion. Si c'est le cas, je compte sur toi pour soutenir le podcast en laissant 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée. Si jamais tu es sur Apple Podcast, un petit avis me ferait super plaisir. En plus, ça aide à faire connaître le podcast. En attendant, on se retrouve sur LinkedIn, où je partage mes réflexions et outils pour t'aider à avancer dans ton projet. J'ai aussi créé un Slack pour partager les ressources et références de l'épisode et des canaux de discussion pour continuer les réflexions. Rejoins-moi, je m'en repars. D'ici là, je t'invite à prendre un instant rien que pour toi. Ferme les yeux et pose-toi cette question. Simple, mais puissante. Et si je pouvais repenser ma façon de construire ? Pas juste en termes de matériaux, mais dans ma posture, mes choix, dans l'impact que je veux avoir. Qu'est-ce que je veux laisser derrière moi ? Qu'est-ce que j'ai envie de nourrir, protéger, d'encourager à travers mes projets ? Et surtout, quelle architecture me ressemble vraiment aujourd'hui ? Parce que t'as le droit de remettre en question ce qu'on t'a appris, de déconstruire pour mieux reconstruire. de choisir une pratique qui te ressemble, qui soit alignée et qui ait du sens pour toi. On en parle ensemble si tu veux. Et si tu ne sais pas par où commencer, je peux même t'accompagner. Je te mets les infos dans la description de l'épisode. A très vite !