- Gauthier Seys
Vous allez plonger au cœur d'une nouvelle histoire inspirante. Bienvenue dans 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde. Je suis Gauthier Seyss et j'ai le plaisir de passer 10 minutes avec Anna Casal. On parle de la création d'entreprises. 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde.
- Anna Casal
françaisdanslemonde.fr
- Gauthier Seys
décider de devenir chef d'entreprise, c'est toute une aventure. Est-ce que c'est fait pour tout le monde ? Est-ce que c'est difficile ? Est-ce qu'il y a des techniques ? Je pense qu'Anna va nous éclairer. Anna Casal est mon invitée, chef d'entreprise depuis 2015, à la tête de Maya et Mercure. On l'a connue, Anna, dans le cadre du partenariat avec Mazet, direction donc Madrid, en Espagne, pour cette interview. Bonjour Anna !
- Anna Casal
Bonjour Gauthier !
- Gauthier Seys
Content de te retrouver. D'ailleurs, tu es passée il y a quelques semaines à l'antenne. Je vous invite à écouter le parcours de Anna. C'est le podcast 2300. Tu m'as dit qu'on avait fait plein de retours sur ce podcast. Les gens t'en ont parlé autour de toi.
- Anna Casal
Oui, il y a plein de gens que je connaissais déjà et qui n'avaient pas d'idée sur mon parcours, qui ne connaissaient pas tous les détails. Ils ont été étonnés de voir que j'avais beaucoup voyagé dans ma vie et que j'avais eu plusieurs vies.
- Gauthier Seys
Plusieurs vies, une à Paris, une à New York, une à Madrid. Tout ça avec l'entrepreneuriat. D'ailleurs, tu dis que c'est plus que de l'entrepreneuriat, c'est une version entrepreneur en solo.
- Anna Casal
C'est le terme de solopreneur que j'aime beaucoup. Parce qu'il définit une structure assez légère d'une personne qui entreprend seule, mais qui sait aussi s'entourer d'une équipe. Il y a plein de formats différents. Je pense que c'est l'avenir de l'entreprise. Il se trouve là pour beaucoup d'entre nous.
- Gauthier Seys
Alors déjà, est-ce que tout le monde peut créer sa boîte ? Est-ce que tout le monde a le mindset, le cerveau prêt à affronter les joies de l'entrepreneuriat ?
- Anna Casal
Alors, j'ai eu la chance d'écrire un livre sur ce sujet-là qui s'appelle Le Grand Plongeon, dans lequel il a interviewé une cinquantaine d'entrepreneurs qui m'ont raconté leur histoire. Ça allait de la petite entreprise à la grosse boîte. Je pense notamment à Frédéric Mazzella de Blablacar. Bref, ce que j'en ai tiré de tous ces enseignements et de ma propre expérience, c'est que pour être entrepreneur, il faut avoir la foi en son projet, ne pas douter et à la fois savoir écouter les conseils des uns et des autres. Donc, parfois, c'est un chemin de croix. C'est très, très difficile. On est seul face au... Face aux difficultés, face aux clients qui partent, face parfois à la conjoncture économique qui n'est pas forcément positive. Mais d'un autre côté, ça fournit une liberté extraordinaire. Alors, si vous êtes attaché à la liberté, que vous avez envie de ne pas avoir d'attache, soyez entrepreneur.
- Gauthier Seys
Alors, à l'inverse, si on a un doute, si on se dit oui, mais si ça ne marche pas, comment je vais faire, etc. Si on a trop de doutes, il ne faut pas y aller.
- Anna Casal
Je pense qu'il faut croire en son projet. quoi rend sa capacité personnelle à répondre à un réel besoin du marché ? Et si on doute ? En fait, le doute, on l'a toujours. Je pense qu'il nous habite tous et que c'est face aux épreuves qu'on traverse, c'est un apprentissage. Et face aux épreuves, on doute de moins en moins. Et on a de plus en plus confiance en soi pour surmonter les épreuves. Donc forcément, il ne faut pas être sûr à 100%, mais il faut vraiment croire en la solution qu'on apporte.
- Gauthier Seys
Très bien. Alors, une fois qu'on y croit, il faut quand même… valider un certain nombre de points, le marché, comment on va gagner de l'argent, combien ça va coûter. C'est un petit état des lieux à faire. Les banquiers nous demandent toujours des prévisions à trois ans. Ça m'a toujours fait halluciner cette histoire. Comment tu préconises de planter le décor de son entreprise ?
- Anna Casal
Les prévisions à trois ans, c'est, je pense, assez impossible. Il y a des start-upers qui sont très confiants, qui peuvent faire des superbes projections. Je crois que les statistiques montrent que les femmes entrepreneurs sont plutôt pessimistes. Pour revenir concrètement à notre sujet, avant toute chose, il faut monter son projet, évidemment, pouvoir essayer d'anticiper un peu quel est son marché, ce que l'on adresse, et les revenus dans l'année qui viennent, ainsi que les dépenses qu'on va générer, pour déjà planter le décor et ensuite pouvoir faire des démarches administratives qui sont différentes dans chacun des pays.
- Gauthier Seys
Alors justement, l'administratif, grand sujet. Quand on a décidé de se lancer, ensuite il faut faire le choix de la structure. Et là, il existe. Selon qu'on soit en France ou quelque part dans le monde, selon qu'on soit seul ou plusieurs dans le projet, mille et une versions différentes. Comment on peut s'en sortir dans cette jungle ?
- Anna Casal
Je pense que pour gagner du temps et pour enclencher le projet, il ne faut pas chercher à décortiquer la législation de chaque pays. Ça, c'est l'enseignement que j'ai eu aussi bien en France qu'aux États-Unis ou en Espagne. Accompagnez-vous, allez voir un conseil, un professionnel, un fiscaliste et un comptable qui, eux, pourront vous indiquer à moindre coût quelle est la structure la plus adaptée. Et franchement, ça varie vraiment d'un pays à l'autre. Et j'ai envie de dire, ça varie aussi dans le temps, c'est-à-dire qu'une structure, elle sera adéquate la première année, puis peut-être qu'il faudra évoluer ensuite. Donc, sachez vous entourer de professionnels de qualité.
- Gauthier Seys
À Paris, par exemple, tu avais une SASU, donc une entreprise. À New York, tu étais freelance. Aujourd'hui, en Espagne, tu es autonoma, comme on dit. C'est un peu l'équivalent d'auto-entrepreneur en France.
- Anna Casal
C'est un peu l'équivalent, mais il y a beaucoup moins de charges. Ça, c'est vraiment le point différent. Et en Espagne, beaucoup de gens sont auto-entrepreneurs, autonomos. C'est très répandu puisque l'État soutient vraiment ce statut-là, l'encourage, à la différence de l'auto-entrepreneuriat en France où il y a beaucoup de contraintes et j'ai dû opter pour la SASU.
- Gauthier Seys
C'est ça, les deux formats ont le même nom, mais ils n'ont pas les mêmes conséquences.
- Anna Casal
Absolument. Quand on est en France, il y a des limites à ne pas dépasser en termes de chiffre d'affaires quand on est auto-entrepreneur. Il y a aussi des histoires de TVA. En Espagne, la TVA s'applique tout de suite. Mais en revanche, vous n'avez pas de plafond. Donc, tous vos revenus, vous les payez. En fait, vous payez vos impôts à la fin de l'année comme un impôt sur le revenu. Ce n'est pas imposé avant.
- Gauthier Seys
Tu me disais que c'est plus subtil que ça puisqu'en Espagne, d'une région à l'autre, ça peut aussi varier.
- Anna Casal
Oui, alors les charges, les frais varient d'une... D'une région à l'autre, on a par exemple à Madrid des aides pour payer la sécurité sociale la première année, ce qui n'est pas le cas dans d'autres régions espagnoles. Donc, je vous conseille vraiment d'aller voir un spécialiste du sujet et même un spécialiste de la région dans laquelle vous êtes. L'idéal, c'est de se rapprocher d'un entrepreneur qui fait à peu près le même travail que le vôtre, qui a un peu le même format de business, et puis de lui demander comment il s'est fait accompagner. Il y a des réseaux qui sont super pour ça, partout dans le monde, d'entrepreneurs français. Je pense à Mazet, notamment, à French Founders. Il y a plusieurs... Sachez taper à ces portes-là en premier.
- Gauthier Seys
Pourquoi on ne mettrait pas son siège social dans un endroit avantageux, style à Dubaï, par exemple, où il n'y a pas d'impôts ? C'est une solution, ça, Anna ?
- Anna Casal
Il faut absolument habiter le lieu où on en exerce. Oui, il y a des solutions comme ça de défiscalisation. Maintenant, vous êtes toujours à temps de vous faire rattraper par les impôts de plusieurs pays. Ça peut être très compliqué. Parfois, il y a des malentendus et vous êtes doublement imposé. Et ça met des mois et des mois, j'ai le cas autour de moi, d'une entrepreneur qui s'est fait avoir comme ça parce qu'elle n'avait pas bien ficelé son coût et elle s'est retrouvée à payer des impôts en Espagne. et en France. Pour recouvrer le montant, c'est très, très long et compliqué. Et là, pour le coup, ça coûte très cher en conseil juridique.
- Gauthier Seys
Tu parlais en Espagne, par exemple, de la principauté d'Andorre, où il y a quand même de gros avantages. Mais attention, parce que les services fiscaux utilisent les outils modernes aujourd'hui pour checker qu'on n'est pas truands.
- Anna Casal
Absolument. Les billets d'avion que vous avez pris, vos trajets en voiture, quand vous passez les douanes, tout ça est largement observé par les services fiscaux. Et le jour d'un redressement fiscal, ça peut faire très très mal lorsqu'on repère la supercherie.
- Gauthier Seys
Alors on est sur la radio des Français dans le monde. Un auditeur se dit tiens, je vais créer. Mais quelques mois plus tard, il déménage. Il va dans un autre endroit dans le monde. Toi, tu préconises fermer, réouvrir.
- Anna Casal
Oui, c'est ce que j'ai fait jusque-là et ça a bien fonctionné. Je trouve qu'il vaut mieux s'adapter à chaque fois à la législation et ne pas faire des gros montages. Mes clients, franchement, ont toujours été très compréhensifs avec ça et n'ont pas vu de problème, voire même étaient contents quand je suis partie en Espagne, par exemple, parce que je ne facture plus la TVA puisque je suis en intracommunautaire. Donc, ça n'a jamais posé de souci et je trouve que c'est la meilleure façon de s'implanter vraiment dans le pays. Moi, je suis mariée à un… diplomate, donc je sais que ma structure doit être légère, elle doit être transportable de pays en pays. Mais après, c'est mon cas particulier. Encore une fois, je pense que chacun doit trouver sa propre solution.
- Gauthier Seys
En l'occurrence, vous disiez que fermer et rouvrir, c'est l'occasion aussi de peut-être profiter de nouvelles aides qui existent dans les pays quand on arrive.
- Anna Casal
Absolument. Dans tous les pays où je suis allée, il y a souvent des aides aux primo-entrepreneurs, si je peux dire ainsi. Donc, Il faut aussi creuser là-dedans et voir ce que ça peut vous avoir porté selon la structure que vous choisissez. Mais il y a souvent des aides.
- Gauthier Seys
Et un dernier petit warning pour les Français qui vont s'installer aux USA. Tu as connu l'aventure américaine. Alors les USA, ce n'est pas le même mindset du tout sur l'entrepreneuriat qu'en France. En France, dès qu'on a créé quelque chose, on se croit étant Bill Gates. Alors que des Bill Gates aux États-Unis, ça court les rues.
- Anna Casal
Absolument. C'est un entrepreneur français qui avait levé plusieurs dizaines de millions d'euros, qui était parti ouvrir sa filiale aux États-Unis et qui me dit en France, j'étais Superman. Aujourd'hui, je suis au pays des Superman. Donc, je suis Monsieur No Body et j'ai compris ça au bout d'un certain temps. Après avoir vu que finalement, je n'impressionnais personne et que j'étais sur la cible de prestataire qui avait vu cette vanité qui caractérise certains entrepreneurs arrivant aux États-Unis. Voilà, il m'avait dit qu'il fallait faire attention et qu'en fait, dès qu'on arrive dans un nouveau pays, il faut recommencer à zéro, même si on n'ouvre pas une nouvelle structure et que c'est juste l'ouverture d'une filiale. Surtout, pensez qu'il ne faut pas arriver en terrain conquis. On est tout nouveau et il faut explorer.
- Gauthier Seys
Alors, si je résume, si j'ai bien compris, Anna, il faut savoir s'entourer.
- Anna Casal
Absolument. Et ça, c'est un conseil que je donne à tous les entrepreneurs. C'est vrai pour la fiscalité, la comptabilité, mais c'est aussi vrai pour tout le reste. Les gens avec qui je travaille, je travaille avec un collectif, par exemple, il a été sélectionné, trié sur le volet et c'est le meilleur conseil à donner. Et s'entourer aussi, quand on part à l'étranger, d'amis qui formeront un cercle pour vous soutenir, car la vie d'un entrepreneur, ce n'est jamais facile.
- Gauthier Seys
Merci pour tous ces conseils et je souhaite bon vent à tous les futurs créateurs d'entreprises qui ont écouté ce podcast. Plaisir de te retrouver.
- Anna Casal
Merci Gauthier.