Nicolas GuillermouFondé en 1989, inspiré par son homologue new-yorkais, Act Up Paris est une association de lutte contre le sida. À cette époque, le virus tue. Et tue vite. Il n'y a ni traitement ni mobilisation politique à la hauteur. Le milieu homosexuel, particulièrement touché, crie dans le vide. Alors, Act Up décide de crier plus fort. Et autrement, Act Up décide de faire l'événement. Son langage, celui de la désobéissance civile. Son style, des actions coup de poing. Et cette fois, c'est le plus ancien monument de Paris qui va devenir le support d'un message vital. L'idée vient de Cleews Vellay, le président d'Act Up, qui n'a que 25 ans. Il est séropositif et il sait que son temps lui est compté. Il sait aussi que l'image peut tout changer. Il veut recouvrir l'Obélisque d'un préservatif géant. C'est raisonnable, peut-être, faisable, grâce à un allié inattendu, la marque Benetton. La marque italienne, provocante par nature, accepte de financer l'opération. Seules 4 personnes sont dans la confidence. La capote est cousue en secret. 35 kg de nylon rose, un cordage central pour la libérer, et des câbles de contrôle pour le sol. Tout est prêt. Le 1er décembre, journée mondiale de la lutte contre le sida, l'action démarre à l'aube. Une grue télescopique, une camionnette, une trentaine de militants, des casques de chantier, des slogans et des pancartes. On rebaptise la Concorde, place des morts du sida. La grue s'élève, lentement sous les yeux des CRS. Ils ne comprennent pas, du moins pas encore. Puis, le sommet rose apparaît, se déroule, glisse le long de l'Obélisque. Le préservatif géant est en place. Cleews appelle alors le ministère de la Santé. Nous venons d'habiller la Concorde. Laissez-le jusqu'à ce soir. Mais une heure plus tard, les autorités interviennent. Le préservatif est retiré. Qu'importe, la presse du monde entier a déjà relayé l'image. L'impact est immédiat. Les journaux, les radios, les télés parlent de l'action, mais surtout du message. Celui d'une génération qui meurt dans l'indifférence, celui d'un combat pour la prévention, la visibilité et la dignité. Ce jour-là, Act Up n'a pas fait que recouvrir un monument. Il a habillé la France d'une conscience et créé l'événement.