undefined cover
undefined cover
#30 - ALASKA : Il vit pendant deux mois avec les grizzlis, à la conquête des derniers territoires sauvages (Eliott Schonfeld) cover
#30 - ALASKA : Il vit pendant deux mois avec les grizzlis, à la conquête des derniers territoires sauvages (Eliott Schonfeld) cover
Good Visa : le podcast voyage et bien-être

#30 - ALASKA : Il vit pendant deux mois avec les grizzlis, à la conquête des derniers territoires sauvages (Eliott Schonfeld)

#30 - ALASKA : Il vit pendant deux mois avec les grizzlis, à la conquête des derniers territoires sauvages (Eliott Schonfeld)

59min |04/02/2025
Play
undefined cover
undefined cover
#30 - ALASKA : Il vit pendant deux mois avec les grizzlis, à la conquête des derniers territoires sauvages (Eliott Schonfeld) cover
#30 - ALASKA : Il vit pendant deux mois avec les grizzlis, à la conquête des derniers territoires sauvages (Eliott Schonfeld) cover
Good Visa : le podcast voyage et bien-être

#30 - ALASKA : Il vit pendant deux mois avec les grizzlis, à la conquête des derniers territoires sauvages (Eliott Schonfeld)

#30 - ALASKA : Il vit pendant deux mois avec les grizzlis, à la conquête des derniers territoires sauvages (Eliott Schonfeld)

59min |04/02/2025
Play

Description

Eliott est explorateur, réalisateur et écrivain. Il est le plus jeune membre de la Société des Explorateurs Français.

Depuis plus de dix ans, il parcourt les derniers lieux sauvages de la planète, et l’Alaska l’a profondément bouleversé. 


Il est parti sur les traces d’un homme qui a choisi de quitter la civilisation en 1968 : Dick Proenneke. Cet homme a vécu trente ans en Alaska, dans une cabane, en totale harmonie avec la nature. C’est cette cabane qu’Eliott a voulu retrouver, afin de mieux comprendre cet homme, mais aussi ce territoire des Indiens Denai’na. Pour ce faire, il va passer 2 mois à vivre avec les grizzlis. 

Dans cet épisode, Eliott va donc nous partager cette quête, ses challenges, ses rencontres — avec les rangers locaux et les derniers Denai’na, mais aussi sa fascination pour la beauté des paysages et le monde sauvage. Avec cette aventure en Alaska, Eliott a eu un aperçu de ce que la planète a toujours été. 


Cet épisode est une invitation à renouer avec la nature. Car comme dit Eliott, la nature n’est pas barbare. La barbarie est de s’en éloigner.


Je vous souhaite une bonne écoute et surtout, bon voyage !


Les références de l’épisode : 


_______________________


✅ N'oubliez pas de vous ABONNER sur votre plateforme préférée pour écouter les prochains épisodes !

⭐️ 5 étoiles et un avis (même très court) pour soutenir le podcast, ça m'aide beaucoup ! MERCI !


Découvrez le compte Instagram du podcast avec des contenus exclusifs : @goodvisapodcast


Le podcast Good Visa est produit et présenté par Camille Merel. 


Musique : Camille Merel


Vous êtes dans le milieu des voyages ou du bien-être, et vous souhaitez collaborer avec ce podcast ? Je vous écoute : goodvisapodcast@gmail.com 


_______________________


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur GoodVisa, le podcast voyage et bien-être pour s'évader et se ressourcer. Aujourd'hui, je vous propose d'aller à la rencontre d'Eliott. Depuis plus de dix ans, il parcourt les derniers lieux sauvages de la planète, et l'Alaska l'a précédemment bouleversé. Il est parti sur les traces d'un homme qui a quitté la civilisation, empruntant une piste millénaire des Amérindiens. Cet épisode est une invitation à renouer avec la nature. Je m'appelle Camille et je vous souhaite une bonne écoute, ou plutôt un bon voyage. Bonjour à tous, bonjour à toutes, bonjour Ayotte.

  • Speaker #1

    Bonjour Camille.

  • Speaker #0

    Comment te sens-tu aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, ça va pas mal. Il fait gris, mais il pleut et j'aime bien quand il pleut aussi, parce que je suis à côté du poêle en général, donc tout va bien.

  • Speaker #0

    Avant qu'on se lance dans le vif du sujet, est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît pour celles et ceux qui ne te connaissent pas, nous dire d'où tu viens, quel âge as-tu, ce que tu fais dans la vie ou plutôt ce qui te passionne dans la vie ?

  • Speaker #1

    Eh bien oui, je m'appelle donc Hildyot Schoenfeld, j'ai 32 ans maintenant. Je suis né en Seine-Saint-Denis où j'ai grandi jusqu'à mes 19-20 ans. Et puis depuis... Depuis 2015, je réalise des films documentaires sur des expéditions que je mène, dont les derniers endroits sauvages de la planète. Et puis, j'écris des livres aussi à chaque expédition. Et voilà. Et puis après, j'essaye d'en parler aux gens comme à toi.

  • Speaker #0

    Merci encore d'avoir pris ce temps. J'ai découvert tes livres il y a quelques mois et j'avais vraiment hâte qu'on puisse échanger. Donc, encore merci. Donc déjà, peut-être pour expliquer un petit peu comment on devient en fait... Aventurier comme ça, du jour au lendemain ?

  • Speaker #1

    Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, et ça s'est fait sur plusieurs années, je pense, de réflexion et d'envie qui grandissaient. Mais en tout cas, il y a eu un événement assez déterminant et qui était en fait un accident. C'est-à-dire qu'après mes études à Paris, j'ai commencé une prépa Mathsup, que j'ai arrêtée au bout de six mois parce que... Parce que j'étais fatigué d'être assis et aussi parce que j'étais terriblement mauvais. C'est-à-dire que j'avais des notes catastrophiques, donc ma classe, l'école m'aurait viré à la fin de l'année. Donc j'ai simplement pris les devants et je me suis viré moi-même. Et là j'ai commencé à faire des petits boulots sans vraiment savoir que faire de ma vie, comme pas mal de jeunes je pense de cet âge-là. Et il s'avère que ma sœur, elle avait fait un permis vacances-travail. C'est un visa qui permet de voyager, de travailler dans pas mal de pays du monde. Elle, elle l'avait fait en Australie avant d'aller à la fac, donc j'ai, par manque d'originalité, j'ai fait comme ma sœur et je suis parti aussi en Australie. Et en Australie, il y a une île qui s'appelle Fraser Island, c'est la plus grande île de sable du monde et il y a une forêt tropicale en son sein. Et j'avais vu qu'il y avait un sentier de randonnée qui traversait toute l'île, ça prenait à peu près une semaine. Et sur la carte que j'avais vue de cette randonnée, j'avais vu qu'il y avait des logos avec le symbole du camping, de la tente. Et moi mon expérience du camping en gros c'était de partir avec ma mère à la Ciotat dans un camping où il y avait toutes sortes d'épiceries, de douches chaudes et toutes sortes d'êtres humains. Et donc je me suis dit que ça allait être pareil qu'à la Ciotat et donc je suis parti avec presque rien. J'ai pris un paquet de pain de mie, j'ai pris un pot de Nutella, j'ai pris un paquet de pâtes crues mais sans rien les cuire parce que je comptais sur les cuisines. Et assez rapidement en fait en me lançant dans la randonnée j'ai compris qu'il n'y avait rien de tout ce... de tout ce à quoi je m'attendais, comme à la Ausha. Et donc j'ai certes eu faim, j'ai certes été un peu fatigué à la fin de la semaine, mais j'ai décidé en tout cas de continuer. Et ça, ça a été ma première expérience en fait dans ce qu'on appelle la nature sauvage. En tout cas, c'était la nature la plus sauvage que j'avais jamais vue jusqu'à présent. Et c'était la découverte de la solitude, de la lenteur de la marche, de l'esprit. espace de cette liberté qu'on ressent dans ces endroits-là et quand on est seul aussi et qu'on doit s'occuper de soi-même. Et puis surtout j'ai découvert la vie avec les autres animaux qui m'ont vraiment émerveillé. Notamment les dingo, c'est des chiens endémiques à l'Australie qui venaient me réveiller tous les matins vers 6h du mat et moi je courais après en caleçon pour essayer de prendre des photos et essayer de les observer. Donc ouais, c'est là que je pense que cet amour de la planète Terre vivante, est apparue et je pense qu'après ce moment là j'ai réussi en tout cas à passer le plus clair de mon temps dans des endroits qui ressemblait à ça. J'ai pas décidé de le faire tout de suite, après je suis parti moi travailler dans un camp de chiens de traîneau au Canada parce que j'avais un copain qui avait repris un camp de chiens de traîneau au nord du Québec à deux heures du premier village en motoneige et donc j'ai vécu un an avec... on avait 90 chiens. Et puis je suis rentré de ces deux années de voyage d'Australie et de Canada en France avec l'idée qu'il fallait que je revienne au monde normal, que j'avais été suffisamment heureux pendant ces deux années et qu'il fallait que je reprenne des études et que je rentre à la ville. C'est ce que j'ai fait. J'ai commencé une fac de philo et très rapidement, dès les premiers jours sur les bancs de la fac, où j'ai décidé que... J'allais faire des expéditions. Et donc à partir de ce moment-là, ça c'était en 2014, j'ai commencé à organiser des expéditions qui sont devenues de plus en plus longues, de plus en plus reculées, de plus en plus ambitieuses au fur et à mesure que j'apprenais des choses. Et donc je suis parti une première fois en Islande en 2014, que j'ai traversé de la côte sud à la côte nord. Et ensuite je suis parti en Mongolie où j'ai réalisé mon premier film. où j'ai écrit mon premier livre. Et ensuite, je suis allé en Alaska une première fois. Et ensuite, j'ai traversé la chaîne himalayenne du Cachemire indien jusqu'au Népal. Et je suis ensuite parti explorer la jungle amazonienne en 2019. Et la dernière expédition que j'ai réalisée, c'était en 2023, en Alaska à nouveau, pendant plusieurs mois là-bas.

  • Speaker #0

    Super, merci pour toutes ces explications. Ça permet aux auditeurs de resituer un petit peu tout. Est-ce que tu peux nous expliquer ce qui t'a attiré en Alaska pour la première fois ? Comment ça se fait que tu te sois retrouvé là-bas ?

  • Speaker #1

    Déjà, moi, je passe toujours des nuits entières à regarder Google Earth pour essayer de trouver les endroits les plus sauvages qui restent sur la planète. Et c'est vrai que tout de suite, quand on regarde des cartes, le regard est attiré par le Grand Nord, parce que je pense que c'est encore les plus grands territoires qui sont aujourd'hui encore libres. Et j'avais appris aussi qu'en Alaska, il y avait la plus grande concentration de grizzlies et d'ours au monde. Et moi pendant mon année au Canada, j'avais le rêve terrible de croiser un ours et ça n'est jamais arrivé en un an de vie là-bas. Et donc c'est pour ça que ça m'a semblé assez naturel l'Alaska. Et je n'ai pas été déçu parce que dans cette première expédition, je crois que j'ai croisé 16 ou 17 ours, un truc comme ça. Et donc voilà, j'en ai eu autant que je voulais.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, j'allais te parler de ces fameux ours. Est-ce que tu veux bien raconter cette fameuse anecdote de ta première rencontre assez proche avec un ours quand tu y étais pour la première fois ?

  • Speaker #1

    Ouais, sur les dizaines d'ours que j'ai rencontrés en 2016 et en 2023, il y en a une seule où ça ne s'est pas très bien passé. C'est parce que ça faisait, je crois, plusieurs, peut-être une semaine que j'avais... Je ne croisais aucun village ou aucun être humain. Je marchais dans une forêt qui était extrêmement dense. Tu as rapidement un sentiment de claustrophobie et d'enfermement quand tu marches pendant des jours dans cet environnement-là. Au bout de plusieurs jours, j'ai fini par avoir un peu de lumière au loin. J'ai réussi à sortir de la forêt et je suis tombé sur une magnifique rivière avec une très grande plage de sable. J'ai eu l'impression de pouvoir respirer de nouveau. Le seul détail, c'est que sur cette... plages de sable il y avait des traces absolument partout de pattes d'ours quoi et comme je suis assez idiot comme garçon et ben ça m'a pas empêché de d'y planter ma tente parce que j'avais vraiment pas envie de recamper dans la forêt et je me suis mis à faire mon camp et puis j'ai fait un feu j'ai cuisiné puis ensuite j'ai j'ai fait la vaisselle dans la rivière et pendant que je faisais la vaisselle dans la rivière il ya quelque chose qui m'a attiré dans le coin de l'oeil j'ai tourné la tête et j'ai vu ma tente et sur ma tente il y avait un ours en fait c'était un ours noir qui n'était pas du tout d'accord avec mon projet de passer la nuit sur son territoire. Et ça en est suivi, une grosse engueulade d'une demi-heure, donc il venait vers moi. Moi j'ai essayé de me montrer plus fort que je ne le suis en réalité. Donc on lève les bras, on crie, on fait comme si on n'avait pas peur de lui. Et puis j'avais une bombe à poivre, parce que je ne suis jamais parti avec une arme à feu en Alaska. Et donc j'ai ma seule protection, à part moi-même, c'est une bombe à poivre. C'est une genre de petite bombe lacrymo qui fait éternuer l'ours 5 minutes, il va dans la forêt et puis ensuite il revient. Et donc voilà comment ça s'est passé. J'avais ma caméra qui était sur son trépied parce que je crois que je m'étais filmé en train de cuisiner ou un truc comme ça. Donc en fait j'ai réussi à filmer toute cette scène avec l'ours. Mais je veux dire, je n'ai aucune rancune envers cet ours, c'est moi qui étais complètement dans l'erreur. C'est à dire qu'en fait il a réagi très normalement. Si toi tu rentres chez toi un soir et que dans ton salon tu vois un gars qui a installé sa tente et en plus qui se permet de te gueuler dessus quand tu lui fais savoir qu'il faudrait qu'il parte. Et donc sans rancune avec cette ours, il m'a appris à avoir un peu plus de bon sens quand on voyage en Alaska. Et après ça, je n'ai jamais planté ma tente dans des endroits où il y avait vraiment explicitement la présence d'ours qui passait par là très régulièrement. Et ensuite, j'ai eu toujours des rencontres très cordiales avec eux. avec les autres compères que j'ai rencontrés.

  • Speaker #0

    Donc effectivement, tu as fait beaucoup de rencontres en Alaska et dans ton premier voyage en 2016, tu étais plutôt du côté de Brooks Range, qui est beaucoup plus au nord dans les terres. Et tu nous parles un petit peu dans ton livre de Tom, ton sauveur cette première fois, parce qu'en fait, déjà, il t'a expliqué que la vallée des Twin Lakes, c'était la porte d'entrée vers le dernier paradis terrestre, la dernière parcelle d'un monde perdu, où la vie est encore permise et où elle dévoile toute sa magie, et ça réjette. richesse et sa beauté. Vu ce que tu nous disais pour ton amour pour tous ces territoires, j'imagine que quand il t'a dit ça, tu t'es dit bingo. Mais surtout, il t'a offert un livre qui t'a donné envie d'y revenir plus tard. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Speaker #1

    Moi, Tom, je l'ai rencontré pendant cette première expédition en 2016. Cette expédition, j'ai commencé en canoë où je suis parti du Yukon à Whitehorse, qui est la capitale du Yukon au Canada. Et ensuite, j'ai descendu le fleuve du Yukon pendant un mois et demi. Je crois que j'ai fait quelque chose comme 1800 kilomètres de navigation jusqu'au village de Tanana, qui est à peu près à mi-parcours du fleuve du Yukon. Et là, j'ai vendu mon canoë et je me suis fait déposer par un gars dans son bateau, 10 kilomètres après Tanana, sur la rivière. Et donc, j'ai été déposé là, il est parti, je me suis retrouvé tout seul, j'ai enfilé mon sac à dos et j'ai commencé à marcher sur la berge. qui en fait très rapidement a disparu et donc j'ai dû m'enfoncer dans la forêt. Et la forêt là-bas, c'est comme je disais tout à l'heure, là ça ressemble vraiment à... C'est aussi dense en fait que la jungle amazonienne, comme on se l'imagine. Ce qui a fait que je pense en vraiment des heures et des heures, je crois que si j'avais marché 7 heures ou 8 heures de marche, j'ai dû effectuer quelque chose comme, je ne sais pas, 1 ou 2 kilomètres. Et j'étais dans un état d'épuisement extrêmement avancé. J'ai planté ma tente. Je me suis endormi en espérant que tout ça était un cauchemar et je me suis réveillé exactement au même endroit. Et donc là j'ai compris que je ne pourrais pas atteindre mon objectif, l'océan Arctique, en passant par là, parce que ça me prendrait des mois et des mois, et que je n'avais pas assez de provisions pour tenter ça. Donc j'ai laissé tout mon camp sur place et j'ai plongé dans la rivière Tosic, j'ai descendu à la nage jusqu'à rejoindre le fleuve du Yukon. Et là, j'avais presque rien, parce que j'avais laissé toutes mes affaires là-bas. Donc j'ai trouvé une petite plage, la même petite plage où on m'a déposé la veille. Et j'ai rassemblé des branches et des feuilles pour faire un feu d'urgence, qu'on puisse me voir au loin si jamais je croisais un bateau. Et donc j'ai attendu plusieurs minutes et puis plusieurs heures, et en fait plusieurs jours sans croiser personne. Et c'est seulement après deux jours où j'ai entendu un bruit, et puis j'ai vu un point au loin, à l'horizon, et c'était le canoë de Tom. qui est venu vers moi et qui m'a secouru de ma situation. Et en fait, j'ai vécu ensuite pendant une semaine chez Tom, qui est un trappeur et qui habitait dans une cabane dans la forêt avec ses chiens de traîneau, parce que l'hiver, ils se déplaçaient en chiens de traîneau. Et pendant toute cette semaine, il m'a raconté la vie en Alaska, il m'a raconté l'hiver, il m'a raconté les rencontres avec les loups, avec les grizzlies. Et on est devenus très amis. Et quand je suis parti une semaine après, et puis surtout, en fait, il m'a donné des cartes et il m'a expliqué par où je devrais passer, où ce serait le plus facile pour atteindre mon objectif. Et c'était de passer en fait par les montagnes. C'est ce que j'ai fait et c'est ce qui m'a permis de réussir l'expédition. Et en se quittant, il m'a offert ce livre qui s'appelle One Mile Wilderness. C'est le livre, c'est le journal intime en fait de Dick Penetti. qui est un homme qui dans les années 60, en fait, il avait 50 ans et il a décidé... Il a eu un accident parce qu'il travaillait sur des grands chantiers industriels. Il a failli se faire écraser par une pelleteuse et il est resté plusieurs mois à l'hôpital et il s'est dit que si ça avait été sa dernière vision, il aurait eu le sentiment que sa vie aurait été un échec ou en tout cas il aurait eu beaucoup de regrets. Après cet accident, il a quitté son travail, il a quitté la ville où il travaillait et puis il a rejoint l'Alaska. et il a rejoint un lac qui s'appelle les Twin Lakes. On appelle les Twin Lakes parce que c'est deux lacs tout en longueur qui sont reliés l'un à l'autre par une toute petite rivière qui doit faire 100 ou 200 mètres. Et ça ressemble à la forme un peu d'aile de libellule de plusieurs dizaines de kilomètres. Et le lac qui est un peu plus au nord, qui est vers l'est, est d'une couleur bleu turquoise indescriptible parce que c'est le plus beau bleu que j'ai jamais eu de ma vie. Et le lac qui est à l'ouest, le deuxième lac jumeau, c'est un lac qui a la couleur de l'océan. Donc tu as ces deux immenses taches bleu turquoise et bleu marine qui se côtoient et reliées par une petite rivière. Et c'est là qu'il a décidé d'établir son camp et de se construire une cabane. Et donc pendant trois mois, il a construit une magnifique cabane avec ses propres mains, en n'utilisant que des objets manuels et surtout en n'utilisant que les ressources de la forêt. C'est-à-dire qu'il a fait une cabane en fusse, donc il a utilisé des troncs d'arbres pour les murs. il a utilisé la mousse pour isolé la cabane entre les interstices des rondins. Il a fait son toit avec de la terre où un jardin sauvage a fini par plancer. Il s'est construit une magnifique cheminée avec les pierres qu'il avait trouvées dans la rivière Hope. Et lui, son projet, c'était d'y habiter un an, en fait, dans cette cabane. Et l'année s'est écoulée. En fait, il y est resté 29 de plus. Et donc, pendant ses 30 ans, dans cette cabane, il a... établit une relation très intime avec toutes les choses vivantes qui habitaient autour de lui. Il a vraiment passé toute sa vie à explorer, à côtoyer, à observer, à créer des liens avec toute la vie qui a habité cette vallée. Il est tombé amoureux vraiment de ses forêts, de ses rivières, de ses lacs, de ses grizzlies, de ses loups. Et par exemple, il y avait tous les écureuils qui étaient autour de sa forêt, qui venaient le voir tous les matins, qui venaient dans sa... dans le creux de sa main pour chercher des caresses. Il y a les oiseaux qui nichaient dans les arbres autour de lui, qui venaient aussi dans sa main pour y prendre quelques graines. Il y a les loups qui venaient à son appel. Et puis, il connaissait tous les animaux. Il connaissait leur caractère, leurs différences, le nombre de naissances de grizzlies qu'il y avait eu cette année, où était leur tanière, il connaissait le nombre de mouflons, où était leur endroit préféré, en fonction des saisons, etc. C'est ça qu'il écrit. pendant ses 30 ans, dans ses carnets. Et c'est sûr que moi, à la lecture de ce livre, j'ai été... En tout cas, je me suis senti très proche et j'ai été très... Enfin, ça m'a laissé rêveur, quoi, toutes ces descriptions de paysages. Et donc, c'est à ce moment-là où je me suis promis que je reviendrais en Alaska pour essayer de retrouver sa cabane. Parce que Dick Pennecchie est mort dans les années 2000, donc il y a un peu plus de 20 ans maintenant. Mais sa cabane est toujours présente au Twin Lakes.

  • Speaker #0

    Pour resituer un petit peu l'Alaska, donc l'Alaska c'est situé au nord-ouest de l'Amérique du Nord, c'est séparé du reste des Etats-Unis par le Canada. Et puis j'ai bien aimé que tu mentionnes quand même le fait que tu étais passé par le Yukon, parce que j'avais fait un épisode dessus avec Julien Abbat, qui lui donc était du côté canadien du Yukon. Tu me corrigeras si je me trompe, mais les points communs entre l'Alaska et le Yukon, on a vraiment cette nature sauvage qui est préservée, avec toutes ces montagnes, il y a beaucoup de faune commune avec... Les caribous, les ours, les orignaux, les grizzlies, il y a un climat très rigoureux d'un côté comme de l'autre. Et après, en termes de différence, ça va être plus sur le fait que l'Alaska est beaucoup plus vaste et peuplée que le Yukon. Après, l'économie, on va avoir l'Alaska qui est plus centrée sur le pétrole, le Yukon sur le tourisme et l'exploitation minière. Et après, en termes de paysage, j'ai l'impression en tout cas que l'Alaska, ça offre peut-être plus de diversité en termes de spectacle par rapport à la nature. notamment ce bleu que tu mentionnais avec ces fjords, ces lacs qui sont impressionnants, tandis que le Yukon, ça va plus être focalisé sur ces terres historiques, un petit peu intimistes. Est-ce que tu es d'accord avec ça par rapport à la différence entre Alaska et Yukon ?

  • Speaker #1

    Je ne saurais pas forcément dire, parce que moi j'ai fait ce séjour au Yukon, je suis resté en fait deux semaines, parce qu'après deux semaines de navigation dans mon canoë, je suis rentré dans l'Alaska, et j'ai eu l'impression que c'était vraiment un territoire... Très similaire quoi et en fait cette frontière, d'ailleurs quand j'ai franchi cette frontière on se rend compte du côté assez obsolète, du côté illusoire que sont en réalité ces frontières qu'on trace sur des morceaux de papier et de cartes parce que les arbres étaient les mêmes d'un côté de l'autre et puis rien ne pouvait me laisser soupçonner que j'étais passé d'un pays à l'autre. Et puis de toute façon historiquement les peuples premiers qui habitaient ces régions en fait ils passaient... De l'Alaska au Yukon, tous les ans, en fonction des routes qu'ils prenaient dans leur route nomade. Et puis les troupeaux aussi d'animaux traversent ces frontières tous les ans. C'est les routes migratoires qu'ils empruntent. Et ensuite, quand tu descends des rivières, tu es très bas. Et donc tu n'as pas un horizon qui est immense parce que tu es en bas des montagnes. donc tu peux pas forcément te rendre compte de l'immensité de ce qui t'entoure et tu le comprends plus quand tu prends de la hauteur et ça c'est en Alaska que j'ai réussi à avoir ces visions là mais je crois aussi que dans le Yukon ils ont des lacs aussi magiques que ce qu'il peut y avoir en Alaska après je pense que l'Alaska a été beaucoup moins développé encore aujourd'hui que le Yukon Mais je pense que c'est vraiment des territoires voisins qui se ressemblent en pas mal de points.

  • Speaker #0

    Et là, comme tu nous expliquais, Dick Pennecke, tu t'es lancé dans cette quête. Et donc ton livre Alaska sur la piste de Telaquana et ton film Alaska, la cabane de Dick Pennecke, c'était vraiment pour témoigner ton admiration pour cet homme et tu as voulu suivre ses traces. Est-ce que ça a changé quelque chose par rapport à tes expéditions ? Parce que là, c'est la dernière que tu as faite. Est-ce que tu as senti une différence par rapport à tes autres expéditions ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'elles sont toutes assez différentes, mes expéditions, parce que l'expédition qui a précédé, c'était en Amazonie, donc ça n'avait à peu près rien à voir avec ces expéditions-là. Et puis, surtout, c'est une des expéditions en Amazonie où j'ai eu le plus peur. Enfin, c'est la expédition où j'ai eu vraiment le plus peur pour ma vie. Moi j'ai l'impression de toujours apprendre des choses et d'absorber plein d'émotions, plein de connaissances, plein de compréhensions sur le monde vivant quand je passe du temps et que je rencontre des animaux. Et au fur et à mesure qu'on passe des jours et des semaines et des mois dans ces environnements-là, on comprend en fait toutes les lois et toutes les relations et tous les secrets. qu'on arrive à percevoir et qui lie tous les animaux et tous les êtres vivants, du plus petit au plus grand. Et moi, c'est pour ça que j'adore rencontrer ces animaux. C'est parce que quand je croise le regard avec un grizzly ou avec un loup ou avec des orignaux, j'ai l'impression de voir ce à quoi j'aspire à tendre, à savoir des êtres qui sont libres, qui ont une connaissance parfaite du territoire où ils vivent. et qui savent se débrouiller soit en troupeau, soit tout seul. Et c'est ça, moi, que j'essaye de faire, à savoir réapprendre à vivre sur Terre, à savoir réapprendre avec la vie qui nous entoure et essayer d'atteindre une certaine symbiose et une certaine harmonie et de se rappeler qu'on est un animal et qu'on fait partie et qu'on appartient au reste du vivant. et que jusqu'à très récemment, l'ensemble de l'humanité a su trouver sa place sur cette planète, aux côtés de tous les autres animaux, avec suffisamment d'harmonie pour que le reste du vivant et la vie en général continuent à s'enrichir, à se développer et à foisonner dans tous les endroits de la planète. C'est ça le fil conducteur de toutes mes expéditions et j'ai l'impression de progresser sur celui-ci à chaque nouveau voyage. Et surtout là, j'ai beaucoup appris sur la vie de Dick Pennecke, certes, mais Dick Pennecke a lui-même été beaucoup inspiré par le peuple premier qui a habité ces terres pendant des milliers et des milliers d'années, qu'on appelle le peuple d'Enaïna. Et il a rencontré plusieurs anciens de ce peuple-là, et j'ai beaucoup appris sur la vie de ce peuple-là, qui a été un des derniers peuples à être colonisés par les civilisés. Ces personnes-là vivaient un corps de la manière dont ils avaient vécu pendant des milliers d'années. Il y a un corps en gros trois générations, quoi. Et ce qui fait que ça semble très proche. Et donc, c'est très facile de s'imaginer la manière dont ils avaient pu vivre dans ces territoires-là. Parce que les territoires où je suis passé, en tout cas, ont très peu changé en l'espace de 100 ans. Il y a d'autres endroits en Alaska qui ont énormément changé, mais celui-ci a été en partie préservé. Et donc, par exemple, ce peuple-là, ils étaient une connaissance... vraiment fabuleuse de la forêt par exemple il connaissait les plantes médicinales les plantes qui étaient comestibles il récoltait la sève des arbres pour en faire de la colle ou pour en faire des moyens de s'éclairer il y avait vraiment une éthique de la chasse et de la pêche et de la cueillette en général avec ce qui les entourait qui était extrêmement respectueuse quoi et dans le sens où quand il y tuait un Un caribou, par exemple, ils allaient choisir quel caribou ils allaient tuer. Ils n'allaient jamais tuer les vieux caribous qui font office de guide dans les hordes de caribous. Ils n'allaient jamais tuer des mâles ou des femelles reproducteurs. Donc, ils tuaient souvent des jeunes de moins de deux ans. Et en fait, ils utilisaient absolument tout. Parce que comme ils comprenaient que le sacrifice de cet être qui leur... permettaient de perdurer leur vie, ils considéraient qu'il fallait en faire usage d'une manière, sans gâchis en gros. Donc il y avait vraiment ce lien qui était très fort avec le reste de vivants qui impliquait qu'ils en prennent soin en fait. Parce qu'en fait, comme ils étaient dépendants par exemple des saumons et des caribous, il fallait que l'année prochaine, que les saumons soient encore là et encore en meilleure forme et que la harde prospère chaque année un peu plus. Et c'est ça qui implique aussi la relation très importante qu'ils avaient avec leur territoire. Et le lac des Twin Lakes, où Dick Pennecke a construit sa cabane et que j'ai retrouvé, c'était un lieu très important aussi pour les Denaïna, parce que c'est là où il y avait les meilleurs gisements de pierres pour se construire des flèches d'arc ou des couteaux ou des outils pour tanner les pots ou des haches, etc. Donc c'était un endroit assez sacré où ils passaient régulièrement pour changer les vieilles pierres contre des nouvelles. Et à chaque fois d'ailleurs... Soit ils replaçaient les vieilles pierres qu'ils avaient prises précédemment, soit ils laissaient de la nourriture pour les animaux de la montagne, en échange des pierres qu'ils prenaient à la montagne. Donc en tout cas, j'ai découvert l'histoire de ce peuple-là, qui m'a vraiment beaucoup touché, et en particulier parce que, comme je l'ai dit, vraiment à l'époque de mon arrière-arrière-grand-père, en gros, ce peuple-là existait encore et vivait du même mode de vie millénaire avec lequel il avait toujours vécu. Donc quand j'étais tout seul dans ces rivières, dans ces forêts, au sommet de ces montagnes, j'arrivais très facilement à les voir et presque à les entendre et à m'imaginer la vie qu'ils avaient pu mener ici. Donc je dirais que c'est ça qui m'a beaucoup appris et touché pendant ce voyage, c'était la rencontre de tous ces animaux et l'histoire de ce peuple qui vivait avec tous ces animaux. et qui nous fait comprendre que ce n'est pas l'animal humain en tant que tel qui est mauvais pour la planète, comme on peut l'entendre dire. Et moi, je ne pense pas que l'animal humain est par nature, contre nature, dans le sens où il est de manière intrinsèque destructeur de son environnement. Je pense qu'en fait, pendant l'immense majorité de notre histoire, on a su vivre avec ce qui nous entourait. Et la vie de Dick Pennecky et la vie d'Edena Hina le prouvent. Et moi, c'est des histoires qui m'intéressent.

  • Speaker #0

    Et qui te fascinent. J'aimerais bien qu'on revienne sur les animaux, mais avant ça, pour terminer sur le peuple des Denaïna, tu racontes à la fin de ton livre que tu t'es rendue dans certains villages avec encore quelques Denaïna, et tu expliques que malheureusement, c'était quand même assez triste à voir parce que tu as senti qu'ils étaient en train de perdre un petit peu tout leur héritage. Tu racontes que tu es invité chez un jeune homme et tu te rends compte que dans les placards, c'est les produits américains, que vous êtes là à parler de rap, de choses comme ça. Et que ça t'a rendu très triste de te rendre compte de tout ça.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'était... En tout cas, c'est le schéma qui existe chez tous les peuples premiers que j'ai pu rencontrer dans les quatre coins du monde. Mais là, par le fait que la destruction de... ce peuple-là, que ce soit culturellement et même, je veux dire, il y a eu des massacres qui ont été faits, soit si récent, qui fait que c'est le peuple où j'ai vu le plus de souffrance et de violence qui ont été faites sur eux. Et donc, ça amène en tout cas de l'alcool, ça amène de la drogue, ça amène de la dépression, ça amène des violences conjugales, etc. Et c'est ça, c'est le spectacle en tout cas que j'ai eu, le terrible spectacle. que j'ai eue en arrivant dans ce village où il y a les derniers Denaïna qui habitaient. Et oui, en fait, en gros, l'histoire qui leur est arrivée, c'est que quand les Russes et ensuite les Européens sont arrivés, ils ont massacré nombre de villages. Et puis surtout, les peuples civilisés ont très vite compris qu'il était très difficile d'exploiter et de contrôler des peuples qui savaient trouver leur subsistance par eux-mêmes d'avantage et qui étaient libres et autonomes. Ils savaient se nourrir, ils savaient s'abriter avec ce qu'ils avaient autour d'eux. Et donc une technique...

  • Speaker #0

    qui existe depuis l'émergence de la civilisation, de mettre à mal ces conditions de subsistance. On peut le faire de différents moyens, en allant directement massacrer les villageois, en leur filant plein de maladies, et aussi, par exemple, en rasant des forêts ou en empoisonnant des rivières. Il y a un colonel qui s'appelle le colonel Dodge qui a participé à la conquête de l'Ouest aux États-Unis en Arizona. qui avait cette phrase qui disait qu'un bison mort était un indien mort, et donc c'était une technique décivilisée pour contrôler des territoires et des peuples, c'était notamment de tuer des troupeaux, des centaines et des milliers de bisons. Et donc c'est ce qui venait au Denaïna aussi, au XIXe et au XXe siècle, et ce qui fait qu'en fait les derniers survivants ont été obligés malgré eux, par la vécisation des... et par la destruction de leur territoire de de rejoindre en fait les comptoirs comptoirs commerciaux qui faisait office des premières villes en tout cas et des premiers forts de la civilisation en alaska et donc là il passe d'un statut de chasseurs cueilleurs à un statut de salariés en fait et ça ça implique toute une toute un autre paradigme en fait et une autre relation avec la nature c'était que jusqu'à présent tous ces animaux qui étaient leurs voisins et dont ils dépendaient et dont ils prenaient soin ben c'est devenu des marchandises qu'ils devaient tuer pour vendre ensuite les fourrures et fourrures qui leur permettrait d'avoir des sous pour ensuite pouvoir s'acheter à manger à boire et toutes les choses qui étaient nécessaires pour vivre et donc oui cette rencontre à Lime Village ça a été un moment très difficile quoi et c'était Très compliqué en fait d'avoir des témoignages des derniers anciens qui étaient dans le village et d'avoir des conversations parce que ils étaient très fortement alcoolisés et je pense que les souvenirs avaient en grande partie disparu. Mais ça c'est, en tout cas moi j'ai été magnifiquement bien accueilli par ces gens là qui sont d'une générosité. Ils étaient vraiment super chaleureux avec moi, donc j'étais super heureux aussi de rencontrer ces personnes-là. C'est juste que c'est triste à mourir que de voir que la civilisation industrielle, elle ne détruit pas seulement les animaux, les forêts, les rivières, elle détruit aussi les hommes. Et c'est ce que j'ai pu voir à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Tu as rencontré aussi des habitants de l'Alaska, avec notamment des rangers qui s'occupaient de préserver cette cabane de Dick Penicky, dont une dame qui le connaissait personnellement. Qu'est-ce que tu as retenu de tes échanges avec ces personnes-là ?

  • Speaker #0

    En tout cas, moi en Alaska, honnêtement, j'ai rencontré vraiment des gens qui ont été très importants pour moi, autant dans mon expédition en 2016 et mon expédition celle-ci. Et puis je pense que c'est en tout cas des choses que j'ai pu retrouver un peu partout dans les endroits sauvages où il y a peu d'humains qui habitent ou dans des endroits où c'est des sociétés à taille humaine. Et ce qui fait que l'entraide et l'accueil font partie intégrante de la culture et des moyens aussi de pouvoir survivre et vivre dans ces endroits-là. Donc j'ai vraiment beaucoup de fois été accueilli et aidé par plein de villageois, que ce soit des Amérindiens ou des Blancs. Et là, les deux seules personnes que j'ai rencontrées pendant cette expédition, c'était une ranger qui s'appelait Kat, qui habitait à quelques kilomètres de la cabane de Dick. Et la deuxième personne que j'ai rencontrée, quelques semaines plus tard, c'était une femme qui s'appelle Jeannette. Et c'est elle, en fait, qui a retranscrit tous les carnets de Dick Pennecy qu'il a écrits pendant ses 30 ans. Et donc, c'était les deux rencontres de ce voyage-là et rencontres super importantes parce que... Parce que déjà, c'était des super femmes, on a bien rigolé, puis elles m'ont filé à manger quand j'avais plus rien. Et surtout parce qu'elles m'ont parlé de Dick Pennecky, qu'elles connaissaient de manière très approfondie, surtout pour Jeannette. Et puis elles m'ont raconté aussi la vie qu'elles avaient menée en Alaska, dans cette nature sauvage, et les nombreuses rencontres aussi avec les animaux qu'elles ont eues. En tout cas, j'ai eu l'impression de rencontrer... de connaître Dick Pennecke bien plus après avoir rencontré ces deux femmes et puis surtout Kat c'est beaucoup elle qui m'a parlé des dénailles là et c'est elle d'ailleurs qui a qui m'a parlé de cette fameuse piste qui a donné le titre du livre, la piste de Telaquana. Et cette piste, en fait, c'était la piste ancestrale qu'utilisait ce peuple, parce qu'il y avait différentes communautés, différents camps, différents villages d'Edenaïna. Et en fait, il suivait tout au long de l'année cette piste, relier toutes ces différentes communautés et relier tous les différents endroits par lesquels il passait pour l'arrivée des saumons ou alors pour aller au Twin Necks, comme j'ai dit, pour aller chercher des pierres. etc. Et ouais, donc c'était très beau de pouvoir lire, lire tous ces choses là et c'est grâce à Kat notamment que j'ai pu en apprendre vraiment beaucoup sur la vie de ses hommes et de ses femmes quoi. Et surtout en fait, moi quand je suis arrivé à la cabane de Dick Pennecke, j'avais pas vraiment réfléchi à la suite de l'expédition, je crois qu'inconsciemment je me disais que je ferais demi-tour et que je reviendrais de là où j'étais d'où j'étais parti. J'ai mis à peu près deux semaines pour atteindre la cabane et donc je me disais que je rentrerais deux semaines plus tard quoi. Et en fait, sans m'en rendre compte et sans en avoir du tout conscience, j'ai réalisé grâce à Kat que j'avais suivi cette fameuse piste de Telaquana presque au kilomètre près de là où j'étais parti jusqu'à la cabane. Et donc il m'a semblé tout à fait logique et naturel d'aller au bout de cette piste qui allait jusqu'au village de Lime où j'ai terminé l'expédition. Et donc une fois que j'ai quitté le lac des Twin Lakes, j'ai continué à remonter vers le nord, je suis passé par le lac Turquoise, de lac Telaquana et ensuite j'ai descendu la rivière Telaquana et le fleuve Stoney jusqu'à Lime Village et ça c'est vraiment improvisé au cours de l'expédition, au milieu de l'expédition notamment grâce à Kat et ça arrive souvent en fait que moi mes expéditions je les prépare peut-être 40-50% en amont mais 50 à 60% en fait se font sur place avec les personnes qui habitent ces lieux et qui le connaissent mieux que quiconque et c'est pour ça qu'il y a une grande part aussi d'improvisation de... de mes voyages et qui se précise en fait au fur et à mesure des semaines.

  • Speaker #1

    Et là justement en parlant de ton expédition plus particulièrement, est-ce que tu peux nous partager peut-être les défis que tu as rencontrés ? Parce que tu nous expliquais au début, si je me rappelle bien que c'était dans ta première expédition, où là tu te rendais compte que c'était vraiment difficile de progresser dans cette nature qui était vraiment intense on va dire. Et là, dans cette deuxième expédition, quels ont été peut-être tes plus grands défis, que ce soit physiques ou même peut-être mentaux ?

  • Speaker #0

    Le plus dur, c'est vraiment le début. C'est même juste les jours qui précèdent l'expédition. C'est là où moi, j'ai le plus peur. Et puis les premiers jours aussi, quand on commence à quitter la civilisation, à couper ce cordon et à s'enfoncer dans des endroits où on est sûr qu'il va falloir réussir à s'occuper de soi-même. Et oui, le plan B, ça me nuise au fur et à mesure qu'on s'enfonce de plus en plus loin. Et donc oui, moi, cette peur, en tout cas, je la ressens à chaque fois. Et donc, il faut se faire sacrément violence et se rappeler pourquoi on va dans ces endroits-là. Et en fait, au fur et à mesure des jours, on a évidemment une fatigue physique, surtout que moi, en fait, je ne me prépare pas physiquement avant de partir en expédition. Les seuls préparatifs physiques que je fais, c'est de m'empiffrer de plein de gâteaux et de plein de trucs pour avoir des kilos à perdre si je maigris trop là-bas. Les premiers jours sont particulièrement durs physiquement et psychologiquement parce que tout ce qu'on a quitté nous manque. Comme je dis dans le livre, c'est un peu l'effet de la nature sauvage sur l'homme civilisé qui a passé trop de temps. de temps dans son enclos urbain. C'est que tout nous semble impossible et tout nous fait peur. On voit ces montagnes qui nous regardent de très haut et on voit ces forêts qui nous semblent beaucoup trop mystérieuses. Et en fait, au fur et à mesure des jours, comme dans toutes mes expéditions, on commence par comprendre les lois qui ordonnent cet endroit-là. On s'y soumet et puis très rapidement, on se rend aussi compte à quel point on est dans... dans les endroits les plus beaux de cette terre. Et donc la peur fait vite place à l'émerveillement. Et ça, ça a été un peu ce qui s'est passé dans toutes mes expéditions. Il y en a qui ont été un peu plus apeurantes que d'autres.

  • Speaker #2

    Mais là,

  • Speaker #0

    je connaissais quand même l'Alaska.

  • Speaker #2

    Et la chose qui a été la plus compliquée en Alaska,

  • Speaker #0

    ça a été le froid. Parce que je ne m'étais pas du tout préparé à des températures comme j'ai eu. Et Kat, d'ailleurs, la Ranger m'a... m'a appris que c'était un des étés et des automnes les plus froids et les plus vieux qu'elle ait jamais connu. Et en fait, je n'avais pas du tout pris un duvet qui correspondait aux températures. Donc ça, ça a été compliqué. C'est-à-dire qu'il y a eu des nuits vraiment où j'ai à peine pu fermer l'œil. Et j'ai fini par tomber sur une cabane où il y avait des cartons pleins de couvertures et de duvets. Donc je me suis permis d'en prendre un. Je leur ai filé mon appareil photo en échange parce que je ne m'en servais pas et que ça pesait lourd. Et donc j'ai pu terminer. j'ai pu terminer l'expédition en ayant bien plus chaud qu'au début. Après, pour moi, c'était vraiment un voyage assez... C'était un rêve, ce voyage. J'ai trouvé qu'il y avait une douceur, moi, au fur et à mesure des jours et des semaines, qui était super belle à vivre, contrairement à d'autres moments d'expédition qui étaient vraiment plus rudes. C'est surtout parce que j'ai vraiment été... J'ai vu des choses absolument incroyables, certains des plus beaux paysages que j'ai jamais vus de ma vie. tous les jours que j'ai passé là-bas, ce qui fait que les... Les petits désagréments comme la fatigue, la froid ou la faim deviennent très vite secondaires quand on a la chance de pouvoir échanger un regard avec un loup par exemple et quand on a la chance de pouvoir pêcher un saumon aussi. Parce qu'en fait j'ai réussi aussi pour combler ma faim, parce que j'avais pris des provisions certes, mais j'en ai pris très peu et donc je comptais évidemment me nourrir avec ce que je trouvais sur place. En fait je me suis nourri pas mal comme un grizzly, à savoir à base de myrtilles. et à base de saumon. Et il y a vraiment des tounes droits et des hectares et des hectares et des hectares de myrtilles là-bas qu'on appelle l'or bleu. Et donc, c'est difficile de mourir de faim en Alaska, en tout cas à ces périodes de l'année. Et ce qui fait que la faim, contrairement à l'Amazonie par exemple, ça a été un problème beaucoup plus secondaire que dans la jungle.

  • Speaker #1

    Tu parles justement de cette nature, cette fascination que tu as pour la beauté des paysages, et on sent qu'au fur et à mesure de tes expéditions, ça prend une place de plus en plus importante. Tu dis par exemple à un moment que tu t'arrêtes sans cesse, que tu es hypnotisé par les paysages, que tu ne sais même plus où porter ton regard, que tout t'attire jusqu'à en avoir le tournis, et tu dis même que tu es ébahi de bonheur, en pleine félicité. Comme si le monde t'avait saisi de toute sa force, comme si tu avais vécu toutes ces années pour ces quelques secondes que le miracle est partout autour de toi. Donc j'imagine qu'on doit se sentir submergé, est-ce que c'était pas trop par moment de ressentir toute cette beauté ?

  • Speaker #0

    Euh non non je pense que c'est pas trop parce que c'est en même temps... Enfin avec les paysages tu peux avoir ce sentiment d'être submergé, tu l'as pas forcément avec les animaux parce qu'il y a quelque chose de... Justement où... quand tu échanges un regard avec un animal, tu te sens très proche de lui et qu'il y a un lien qui se fait entre toi et lui. Et il semble beaucoup moins éloigné de toi-même que ce que tu pourrais croire. Et c'est comme les gens qui sont terrifiés par les grizzlies et qui les imaginent comme des bêtes sanguinaires, etc. En fait, la première rencontre avec un grizzly, elle t'enlève ces idées-là et ce que tu te rends compte, c'est que tu as certes un animal d'une puissance élevée, miraculeuse presque, je crois que c'est un des animaux les plus forts, des mammifères les plus forts qui existent en Amérique du Nord. Il court super vite, il sait grimper aux arbres, il nage super bien, il a un odorat qui porte à des dizaines de kilomètres. Ça semble incroyable et en même temps quand tu échanges un regard avec eux et quand tu les vois, tu les observes et tu les vois vivre, tu te rends compte que c'est une bête qui est extrêmement douce et que ce qu'elle préfère faire c'est de manger des myrtilles et faire des siestes. Et c'est ce qu'elles ont fait la majorité des fois où je les ai vues. J'ai vu une femelle avec son petit et j'ai vu beaucoup de tendresse entre les deux. Et ouais, donc c'est ça surtout qui m'a marqué en rencontrant ces animaux-là. Après, c'est vrai que face à des paysages, on a vraiment ce sentiment d'avoir le souffle coupé parfois. Et moi, quand je suis arrivé au lac de Telaquana et aussi au lac des Twin Necks, quand j'ai aperçu... Ce lac bleu-tirquoise, la toundra qui rougissait comme une fraise avec l'arrivée de l'automne, les sommets enneigés, la forêt bleue-argentée de la forêt boréale qui descendait comme une coulée de lave sur les rives du lac. Moi j'ai été accueilli quand je suis arrivé au lac des Twin Lakes par justement cette grizzly et son petit qui était déjà très gros et puis par des milliers d'oiseaux qui dansaient comme des aurores boréales au-dessus de l'eau. Et bah là t'es... C'est difficile de comprendre ce que tu vois tellement c'est magnifique quoi et tellement tu soupçonnais même plus que des paysages pareils pouvaient exister. Et rapidement ce sentiment de béatitude un peu il est aussi remplacé par la tristesse et puis par la colère parce que tu te rends compte que en fait si on détruisait pas la nature, voilà ce à quoi ressemblerait la planète entière. Et voilà ce à quoi ressemblait la planète entière il y a encore très récemment en réalité. au vu de l'échelle de la vie et de l'humanité. Et là, tu comprends que tu pourrais croire, en fait, face à ces paysages, que c'est infini et que ça s'étend jusqu'à la fin du monde. Et en fait, moi, je n'arrive plus à oublier que ces paysages-là, c'est les dernières parcelles de ce monde libre qui existent encore. Et donc, c'est pour ça que je dis qu'il y a autant de tristesse qui arrive que de joie face à ces paysages. Et on a ce sentiment, c'est ce que je lis dans le livre, d'avoir... A la fois le cœur qui est réparé, à la fois le cœur brisé. Parce que tu te rends compte face à des décors pareils, que la vie n'inspire qu'à une chose, c'est de s'enrichir en permanence, c'est de pousser, c'est de respirer, c'est de voler, c'est de nager. Et qu'il suffirait qu'on cesse de couper les forêts, qu'on cesse d'emprisonner les rivières, qu'on cesse de tuer tous ces animaux, qu'on cesse de polluer toute l'atmosphère. pour que ces paysages-là reprennent le dessus et se redéploient autant que possible. Donc, tu es mitigé par pas mal d'émotions face à ces décors-là et face à tous ces animaux.

  • Speaker #1

    Et peut-être un passage qui résume un petit peu à la fois cet amour pour cette nature et ces animaux et ces prises de conscience-là, c'est quand tu parles justement de cet échange de regard avec un grizzly. Tu dis Le grizzly nous parle et nous le dit. Soyez certains d'une chose, vous faites partie de ce monde et il ne vous appartient pas. Ce n'est pas la nature qui est barbare, la barbarie est de s'en éloigner.

  • Speaker #0

    Mais oui, en fait, tout ce narcissisme... de l'homme civilisé ou ce suprémacisme humain qui fait partie de sa culture, à savoir qu'on est au sommet de l'échelle de l'évolution et qu'on n'est même pas vraiment des animaux et qu'on relègue les animaux et la nature comme quelque chose de vil, d'hostile, d'inférieur, etc. que notre culture nous apprend. Et c'est vrai que la rencontre avec justement ce grizzly, ça rend... Ça nous fait redescendre tout de suite sur Terre, en fait, de tous ces délires mégalos qu'on apprend malgré nous depuis qu'on est petit, quoi. Et de cette relation qu'on a avec la nature, à savoir vraiment une rupture et une frontière entre l'humanité et le reste du vivant. Et ouais, quand tu regardes un Grisdy, t'as pas du tout l'impression d'être au sommet du monde vivant. Et il y a beaucoup de respect qui s'instaure entre soi-même et ce qui nous entoure. Et le plus on passe de temps dans la nature,

  • Speaker #2

    le plus on comprend, je ne sais pas, les capacités incroyables qu'ont tous ces animaux et toutes ces plantes aussi, et les rivières. Et moi, je voyais un peu, et c'est comme ça que Dick Pennecky voyait aussi cette vallée des Twin Necks, mais c'était comme un... Un être vivant à part entière, il y avait un lien entre le lac et la forêt, entre les rivières et le lac, entre le sommet, les glaciers et la rivière, entre les animaux et la roche,

  • Speaker #0

    et les forêts et les rivières, etc. Tout ça semble tout à fait lié. Et oui, c'est là où on aperçoit vraiment une intelligence qui est franchement, qui subjugue toute personne qui arrive à en comprendre une infime partie. Parce que je pense qu'on en comprend, surtout nous,

  • Speaker #2

    peut-être que les... Les peuples premiers,

  • Speaker #0

    c'est sûr, même, en comprenaient bien davantage, même s'il y avait toujours une part de mystère dans tout ce qui anime la vie sur Terre.

  • Speaker #2

    Mais ouais,

  • Speaker #0

    tu arrives à capter des bribes de ça en observant ces bêtes et en observant ces paysages et en vivant dans ces endroits-là, qui te ramènent sur Terre et qui t'apportent une humilité que la civilisation nous prouve,

  • Speaker #2

    nous prive,

  • Speaker #0

    pardon.

  • Speaker #1

    Et tu mentionnais la civilisation, maintenant si on parle de ce retour à la civilisation, parce que tu écris vers la fin Satané vit sauvage, comme on s'y attache, comme on aime ses lieux, comme il est dur de les quitter, Alaska, mon amour, mon paradis. Est-ce que tu finis par te prendre conscience un petit peu que tes proches te manquent, mais tu sens que tu aurais pu et peut-être que tu aurais aimé y rester pour toujours en fait dans cette cabane de Dick Pennecke ?

  • Speaker #0

    Ouais ouais, en tout cas moi je... Un rêve que j'ai depuis... Depuis très longtemps, depuis que j'ai découvert l'Alaska et depuis que j'ai découvert aussi la nature sauvage, c'était de vivre comme Dick Pennecke, c'était de m'installer en Alaska dans une cabane. Et je ne l'ai pas fait finalement parce que contrairement à Dick, je suis tombé amoureux d'une fille qui habite dans les Alpes et donc finalement à la place de l'Alaska, je suis allé dans les Alpes. Pour moi, il y a une guerre mondiale qui a lieu en ce moment, à savoir celle de la civilisation contre la vie sur Terre. Et donc il n'y a plus vraiment de lieu où se... ou aller se cacher ou déserter en fait.

  • Speaker #2

    Et je pense que des vies comme celle de Dick Pennecke sont carrément en sursis en fait, parce que ne serait-ce que matériellement, physiquement, les endroits qui permettent de vivre cette existence se réduisent. Et par exemple, on le voit très bien avec tous les peuples premiers qui arrivent encore à vivre sur Terre et à vivre avec ce qui les entoure. Ils sont massacrés, ils sont en train d'être détruits, comme ça a été le cas au Denaïna, et comme c'est toujours le cas aujourd'hui avec les derniers peuples qui habitent en Amazonie. en Asie centrale, etc. partout où ils se trouvent et donc moi j'ai à la fois terriblement l'envie de continuer à explorer ces endroits qui sont encore libres et comme tu disais tout à l'heure, comme j'ai écrit dans le livre où la vie est encore permise mais j'ai aussi en fait la terrible envie de Oui, de protéger et surtout de faire en sorte que la nature puisse revenir à des endroits où elle a été attaquée. Et ça, ça peut par exemple être le cas là où j'habite dans les Alpes. En fait, même là où je suis, dans les forêts, dans les montagnes qui m'entourent, il y a toutes sortes de projets industriels, de multinationales qui sont en cours. Et pour moi, ça a autant de sens, même plus de sens en fait, d'essayer de mettre à mal ces projets et surtout de protéger les milieux qu'ils veulent détruire. plutôt que simplement aller dans les derniers endroits qui n'ont pas encore été attaqués. Je pense que les deux vont ensemble. On peut aimer seulement les choses qu'on connaît et on peut protéger seulement les choses qu'on aime. Je pense que c'est très important d'avoir des expériences dans la nature sauvage parce que ça nous donne la force, le courage et l'envie de vouloir se battre pour ce monde-là. C'est pour ça que ce retour à la civilisation, Même si là depuis que j'ai quitté Paris, il est quand même beaucoup plus doux parce que j'essaye de vivre dans ma vie quotidienne comme je vis dans mes expéditions. En tout cas j'essaye de tendre vers ça, à savoir vers l'autonomie, vers ce mode de vie libre mais qui est bien évidemment relatif parce que que je le veuille ou non j'habite dans la civilisation. Il y a toutes sortes de règles, il y a des impôts à payer, il faut des sous pour pouvoir habiter ici, il faut être propriétaire. pouvoir planter un coin de potager, etc. Donc il y a toutes ces règles qui nous sont imposées, auxquelles on doit se plier. Et donc il y a autant de sens pour moi quand je suis dans les Alpes à protéger ce qui vit ici, et même à faire en sorte que, je ne sais pas, qu'à ma mort, par exemple, la vie soit encore plus riche que quand j'y suis arrivé. En tout cas, moi, c'est ça qui m'anime. C'est dans ça où réside mon espoir.

  • Speaker #1

    Oui parce que j'imagine que le fait de faire ce film, d'écrire ce livre, c'est que tu espères aussi, enfin j'imagine, inspirer en tout cas les gens à vouloir protéger cette nature, à vouloir peut-être plus s'attarder sur cette beauté. En tout cas je sais que personnellement depuis que j'ai lu ton livre, la façon que tu as de décrire la nature ou même ce lien particulier que tu as avec les animaux, la façon dont tu en parles, toutes les émotions qui s'en dégagent, ça donne un... encore plus envie de mieux observer, de se rendre compte à quel point c'est précieux. Je me répète, mais que voilà, tu espères que les gens seront aussi inspirés à la lecture et à la visualisation de ton film.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #2

    oui,

  • Speaker #0

    c'est comme ça,

  • Speaker #2

    sans ça que je donne un peu de sens à mon travail, au livre que j'écris et à mes films, même si je sais qu'on ne change pas le monde avec simplement un film et un livre. Mais en tout cas, ouais, essayer de faire prendre conscience aux gens qui l'ont oublié, dont je faisais partie, qui ont fait partie de la nature, et à leur faire découvrir la bagie de ce qu'on appelle la vie. Et jusqu'à preuve du contraire, la planète Terre est la seule qui abrite cette Ausha, qui est assez extraordinaire, et donc ça n'a pas de sens que de vivre dans une culture qui... qui nous pousse et qui nous apprend à détruire la chose qui est la plus unique peut-être de l'univers. Et c'est pour ça que j'écris ces livres en partie, et c'est pour ça que je réalise aussi ces films. En tout cas, de donner envie aux gens et de vouloir se battre pour les choses qu'ils aiment, et pour le territoire dans lequel ils habitent, pour ceux qui habitent encore dans des endroits qui n'ont pas été complètement détruits. et pour donner aux autres qui sont privés de cette vie-là, de peut-être vouloir y revenir ou d'en apprendre en tout cas. C'est effectivement ça que j'essaie de faire passer dans ces livres.

  • Speaker #1

    Et je mettrais bien évidemment les références, que ce soit pour ton livre ou même pour ton film, où on ne va pas avoir le temps de rentrer dans les détails, mais c'est assez impressionnant de voir la qualité des images que tu nous proposes, des plans juste splendides. Parce que tu viens poser la caméra, puis après tu fais un détour et puis tu transportes tout le matériel. Donc c'est quand même tout un challenge. Et donc là, l'Alaska, c'était aller sur les traces de Dick Pennecke. Un peu avant ça, tu l'as brièvement mentionné et ça pourrait faire l'objet d'un autre podcast, toute ton expédition en Amazonie, où là tu es parti sur les traces d'un aventurier disparu avec Raymond Mouffret. J'ai ma petite idée vu que j'ai écouté quelques interviews par-ci par-là, mais est-ce qu'il y a un autre aventurier que tu aimerais suivre ou est-ce que tu aimerais partir sur une aventure totalement différente ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que là, les deux derniers livres et films que j'ai réalisés, c'était en fait partir sur les traces de deux personnes, Raymond Maufré qui a disparu dans la jungle amazonienne et puis ensuite Dick Pennecky. Mais en fait, ce n'était pas forcément le fil conducteur de toutes mes expéditions. La première fois que je suis allé en Alaska, c'était pour rencontrer des grizzlies. La première fois que je suis allé en Mongolie, c'était parce que j'ai appris que la moitié de la population là-bas était nomade. Et je trouvais ça incroyable parce que j'ignorais que... que des êtres humains pouvaient vivre autrement que le seul mode de vie que j'avais connu, à savoir le mode de vie de civilisé urbain. Et ouais, c'est des images, des animaux, des histoires qui font naître en moi les idées des expéditions. Et la prochaine expédition, en tout cas celle à laquelle je pense le plus, ce serait de... En tout cas, il y a une harde, donc un immense troupeau, le dernier grand troupeau de caribous. qui habite au nord du Yukon et au nord de l'Alaska. Et ce troupeau-là, ils ont été comptabilisés à 218 000 individus. Et en fait, ils font la plus grande route migratoire de tous les mammifères terrestres de la planète. C'est 2500 kilomètres du nord de l'Alaska jusqu'au centre du Yukon. Et en fait, ce voyage, cette migration, c'est assez incroyable parce que ce n'est pas juste la horde de caribous qui se déplace, c'est tout un monde avec... à savoir les loups, les grizzlies, les coyotes, les wolverines, tous les oiseaux, et puis les peuples humains qui habitaient en Arctique, dans le sous-Arctique, et en Alaska ou Yukon, qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, sont dépendants des caribous. Et donc c'est tout un monde qui m'intéresse, j'aimerais bien essayer de m'incruster dans ce troupeau,

  • Speaker #2

    voir comment on s'entend, et on apprend davantage sur les peuples qui habitaient et qui habitent encore là-bas. Et puis sur cet animal qui est sacré pour nombreux de ces peuples, le caribou.

  • Speaker #0

    Et essayer de creuser les choses que j'ai déjà commencé un peu à découvrir lors de mes deux premières expéditions dans le Grand Nord.

  • Speaker #1

    Hâte de découvrir ce que tu nous partageras là-dessus. Et pour terminer, j'aime bien poser cette nouvelle question aux invités à la fin de notre échange. Si tu devais résumer pour toi, c'est quoi le voyage ?

  • Speaker #0

    C'est une définition qui est très personnelle,

  • Speaker #2

    mais en tout cas, moi,

  • Speaker #0

    je l'associe au monde sauvage, pour moi, le voyage. De manière paradoxale, ça pourrait être,

  • Speaker #2

    plutôt que de partir loin,

  • Speaker #0

    pour moi, ça serait de revenir, en fait, de revenir à nos racines, de revenir à notre histoire, de revenir à notre place. Et notre place, c'est sur la planète Terre, avec toute la vie dont on fait partie et qui nous entoure. Moi ce que j'essaye de faire dans ces voyages, comme je l'ai dit plusieurs fois déjà, c'est effectivement de réapprendre ces instincts oubliés, comme le dirait mon mot frais, de réapprendre à vivre sur Terre, aux côtés des animaux qui savent encore le faire, et aux côtés des peuples premiers qui tentent encore de vivre de leur mode de vie. Et ouais, donc pour moi le voyage ce serait le retour à la Terre en fait, et la reconnexion avec le monde vivant. Merci pour cette définition, ça te correspond bien je trouve. En tout cas, merci beaucoup Elliot d'avoir pris ce temps pour cet échange. Je le disais, je mettrai les références pour ton livre qui m'a convaincue pour reconnecter avec cette nature comme tu l'expliquais. Ton documentaire aussi qui a des images époustouflantes. Et bien évidemment tes autres livres, que ce soit sur l'Amazonie ou le premier que tu as écrit où tu racontes un petit peu Tu as traversé de la Mongolie, ton périple dans l'Himalaya. Plein d'aventures pour nous faire rêver. Donc encore merci Elliot et à très bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci à vous. Merci pour votre écoute. J'espère que cet épisode vous a plu, qu'il vous a permis de vous évader et de vous ressourcer. J'ai besoin de vous pour que l'aventure Goodyza continue. Vous pouvez vous abonner sur votre plateforme préférée afin de suivre les nouveaux épisodes. Merci. Si ce n'est pas déjà fait, vous pouvez laisser 5 étoiles et un avis, et même en parler autour de vous. Il y a aussi le compte Instagram, GoodVisaPodcast, tout attaché, que vous pouvez suivre où je poste régulièrement des photos et des vidéos pour illustrer les épisodes. Ça me touche énormément quand je reçois vos retours, alors vraiment n'hésitez pas à me faire un mot. Merci à vous, à bientôt !

Chapters

  • Comment il est devenu aventurier, ou comment tout a commencé en Australie

    01:05

  • Pourquoi l'Alaska ? Et comment on fait face à un ours ?

    06:30

  • Sa première expédition en Alaska manque de mal se terminer, et une rencontre qui va tout changer

    10:58

  • La découverte de la vie de Dick Pronenneke

    13:50

  • Alaska et Yukon : similitudes ou différences ?

    18:44

  • Sa fascination pour les animaux et le monde vivant

    20:57

  • Les Indiens Denai'na

    23:06

  • Ses rencontres sur place

    31:51

  • Ses plus grands défis lors de cette expéditions

    36:29

  • La beauté des paysages

    41:20

  • La nature n'est pas barbare, la barbarie est de s'en éloigner

    45:38

  • Donner du sens à ses aventures, et sa prochaine expédition

    52:23

Description

Eliott est explorateur, réalisateur et écrivain. Il est le plus jeune membre de la Société des Explorateurs Français.

Depuis plus de dix ans, il parcourt les derniers lieux sauvages de la planète, et l’Alaska l’a profondément bouleversé. 


Il est parti sur les traces d’un homme qui a choisi de quitter la civilisation en 1968 : Dick Proenneke. Cet homme a vécu trente ans en Alaska, dans une cabane, en totale harmonie avec la nature. C’est cette cabane qu’Eliott a voulu retrouver, afin de mieux comprendre cet homme, mais aussi ce territoire des Indiens Denai’na. Pour ce faire, il va passer 2 mois à vivre avec les grizzlis. 

Dans cet épisode, Eliott va donc nous partager cette quête, ses challenges, ses rencontres — avec les rangers locaux et les derniers Denai’na, mais aussi sa fascination pour la beauté des paysages et le monde sauvage. Avec cette aventure en Alaska, Eliott a eu un aperçu de ce que la planète a toujours été. 


Cet épisode est une invitation à renouer avec la nature. Car comme dit Eliott, la nature n’est pas barbare. La barbarie est de s’en éloigner.


Je vous souhaite une bonne écoute et surtout, bon voyage !


Les références de l’épisode : 


_______________________


✅ N'oubliez pas de vous ABONNER sur votre plateforme préférée pour écouter les prochains épisodes !

⭐️ 5 étoiles et un avis (même très court) pour soutenir le podcast, ça m'aide beaucoup ! MERCI !


Découvrez le compte Instagram du podcast avec des contenus exclusifs : @goodvisapodcast


Le podcast Good Visa est produit et présenté par Camille Merel. 


Musique : Camille Merel


Vous êtes dans le milieu des voyages ou du bien-être, et vous souhaitez collaborer avec ce podcast ? Je vous écoute : goodvisapodcast@gmail.com 


_______________________


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur GoodVisa, le podcast voyage et bien-être pour s'évader et se ressourcer. Aujourd'hui, je vous propose d'aller à la rencontre d'Eliott. Depuis plus de dix ans, il parcourt les derniers lieux sauvages de la planète, et l'Alaska l'a précédemment bouleversé. Il est parti sur les traces d'un homme qui a quitté la civilisation, empruntant une piste millénaire des Amérindiens. Cet épisode est une invitation à renouer avec la nature. Je m'appelle Camille et je vous souhaite une bonne écoute, ou plutôt un bon voyage. Bonjour à tous, bonjour à toutes, bonjour Ayotte.

  • Speaker #1

    Bonjour Camille.

  • Speaker #0

    Comment te sens-tu aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, ça va pas mal. Il fait gris, mais il pleut et j'aime bien quand il pleut aussi, parce que je suis à côté du poêle en général, donc tout va bien.

  • Speaker #0

    Avant qu'on se lance dans le vif du sujet, est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît pour celles et ceux qui ne te connaissent pas, nous dire d'où tu viens, quel âge as-tu, ce que tu fais dans la vie ou plutôt ce qui te passionne dans la vie ?

  • Speaker #1

    Eh bien oui, je m'appelle donc Hildyot Schoenfeld, j'ai 32 ans maintenant. Je suis né en Seine-Saint-Denis où j'ai grandi jusqu'à mes 19-20 ans. Et puis depuis... Depuis 2015, je réalise des films documentaires sur des expéditions que je mène, dont les derniers endroits sauvages de la planète. Et puis, j'écris des livres aussi à chaque expédition. Et voilà. Et puis après, j'essaye d'en parler aux gens comme à toi.

  • Speaker #0

    Merci encore d'avoir pris ce temps. J'ai découvert tes livres il y a quelques mois et j'avais vraiment hâte qu'on puisse échanger. Donc, encore merci. Donc déjà, peut-être pour expliquer un petit peu comment on devient en fait... Aventurier comme ça, du jour au lendemain ?

  • Speaker #1

    Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, et ça s'est fait sur plusieurs années, je pense, de réflexion et d'envie qui grandissaient. Mais en tout cas, il y a eu un événement assez déterminant et qui était en fait un accident. C'est-à-dire qu'après mes études à Paris, j'ai commencé une prépa Mathsup, que j'ai arrêtée au bout de six mois parce que... Parce que j'étais fatigué d'être assis et aussi parce que j'étais terriblement mauvais. C'est-à-dire que j'avais des notes catastrophiques, donc ma classe, l'école m'aurait viré à la fin de l'année. Donc j'ai simplement pris les devants et je me suis viré moi-même. Et là j'ai commencé à faire des petits boulots sans vraiment savoir que faire de ma vie, comme pas mal de jeunes je pense de cet âge-là. Et il s'avère que ma sœur, elle avait fait un permis vacances-travail. C'est un visa qui permet de voyager, de travailler dans pas mal de pays du monde. Elle, elle l'avait fait en Australie avant d'aller à la fac, donc j'ai, par manque d'originalité, j'ai fait comme ma sœur et je suis parti aussi en Australie. Et en Australie, il y a une île qui s'appelle Fraser Island, c'est la plus grande île de sable du monde et il y a une forêt tropicale en son sein. Et j'avais vu qu'il y avait un sentier de randonnée qui traversait toute l'île, ça prenait à peu près une semaine. Et sur la carte que j'avais vue de cette randonnée, j'avais vu qu'il y avait des logos avec le symbole du camping, de la tente. Et moi mon expérience du camping en gros c'était de partir avec ma mère à la Ciotat dans un camping où il y avait toutes sortes d'épiceries, de douches chaudes et toutes sortes d'êtres humains. Et donc je me suis dit que ça allait être pareil qu'à la Ciotat et donc je suis parti avec presque rien. J'ai pris un paquet de pain de mie, j'ai pris un pot de Nutella, j'ai pris un paquet de pâtes crues mais sans rien les cuire parce que je comptais sur les cuisines. Et assez rapidement en fait en me lançant dans la randonnée j'ai compris qu'il n'y avait rien de tout ce... de tout ce à quoi je m'attendais, comme à la Ausha. Et donc j'ai certes eu faim, j'ai certes été un peu fatigué à la fin de la semaine, mais j'ai décidé en tout cas de continuer. Et ça, ça a été ma première expérience en fait dans ce qu'on appelle la nature sauvage. En tout cas, c'était la nature la plus sauvage que j'avais jamais vue jusqu'à présent. Et c'était la découverte de la solitude, de la lenteur de la marche, de l'esprit. espace de cette liberté qu'on ressent dans ces endroits-là et quand on est seul aussi et qu'on doit s'occuper de soi-même. Et puis surtout j'ai découvert la vie avec les autres animaux qui m'ont vraiment émerveillé. Notamment les dingo, c'est des chiens endémiques à l'Australie qui venaient me réveiller tous les matins vers 6h du mat et moi je courais après en caleçon pour essayer de prendre des photos et essayer de les observer. Donc ouais, c'est là que je pense que cet amour de la planète Terre vivante, est apparue et je pense qu'après ce moment là j'ai réussi en tout cas à passer le plus clair de mon temps dans des endroits qui ressemblait à ça. J'ai pas décidé de le faire tout de suite, après je suis parti moi travailler dans un camp de chiens de traîneau au Canada parce que j'avais un copain qui avait repris un camp de chiens de traîneau au nord du Québec à deux heures du premier village en motoneige et donc j'ai vécu un an avec... on avait 90 chiens. Et puis je suis rentré de ces deux années de voyage d'Australie et de Canada en France avec l'idée qu'il fallait que je revienne au monde normal, que j'avais été suffisamment heureux pendant ces deux années et qu'il fallait que je reprenne des études et que je rentre à la ville. C'est ce que j'ai fait. J'ai commencé une fac de philo et très rapidement, dès les premiers jours sur les bancs de la fac, où j'ai décidé que... J'allais faire des expéditions. Et donc à partir de ce moment-là, ça c'était en 2014, j'ai commencé à organiser des expéditions qui sont devenues de plus en plus longues, de plus en plus reculées, de plus en plus ambitieuses au fur et à mesure que j'apprenais des choses. Et donc je suis parti une première fois en Islande en 2014, que j'ai traversé de la côte sud à la côte nord. Et ensuite je suis parti en Mongolie où j'ai réalisé mon premier film. où j'ai écrit mon premier livre. Et ensuite, je suis allé en Alaska une première fois. Et ensuite, j'ai traversé la chaîne himalayenne du Cachemire indien jusqu'au Népal. Et je suis ensuite parti explorer la jungle amazonienne en 2019. Et la dernière expédition que j'ai réalisée, c'était en 2023, en Alaska à nouveau, pendant plusieurs mois là-bas.

  • Speaker #0

    Super, merci pour toutes ces explications. Ça permet aux auditeurs de resituer un petit peu tout. Est-ce que tu peux nous expliquer ce qui t'a attiré en Alaska pour la première fois ? Comment ça se fait que tu te sois retrouvé là-bas ?

  • Speaker #1

    Déjà, moi, je passe toujours des nuits entières à regarder Google Earth pour essayer de trouver les endroits les plus sauvages qui restent sur la planète. Et c'est vrai que tout de suite, quand on regarde des cartes, le regard est attiré par le Grand Nord, parce que je pense que c'est encore les plus grands territoires qui sont aujourd'hui encore libres. Et j'avais appris aussi qu'en Alaska, il y avait la plus grande concentration de grizzlies et d'ours au monde. Et moi pendant mon année au Canada, j'avais le rêve terrible de croiser un ours et ça n'est jamais arrivé en un an de vie là-bas. Et donc c'est pour ça que ça m'a semblé assez naturel l'Alaska. Et je n'ai pas été déçu parce que dans cette première expédition, je crois que j'ai croisé 16 ou 17 ours, un truc comme ça. Et donc voilà, j'en ai eu autant que je voulais.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, j'allais te parler de ces fameux ours. Est-ce que tu veux bien raconter cette fameuse anecdote de ta première rencontre assez proche avec un ours quand tu y étais pour la première fois ?

  • Speaker #1

    Ouais, sur les dizaines d'ours que j'ai rencontrés en 2016 et en 2023, il y en a une seule où ça ne s'est pas très bien passé. C'est parce que ça faisait, je crois, plusieurs, peut-être une semaine que j'avais... Je ne croisais aucun village ou aucun être humain. Je marchais dans une forêt qui était extrêmement dense. Tu as rapidement un sentiment de claustrophobie et d'enfermement quand tu marches pendant des jours dans cet environnement-là. Au bout de plusieurs jours, j'ai fini par avoir un peu de lumière au loin. J'ai réussi à sortir de la forêt et je suis tombé sur une magnifique rivière avec une très grande plage de sable. J'ai eu l'impression de pouvoir respirer de nouveau. Le seul détail, c'est que sur cette... plages de sable il y avait des traces absolument partout de pattes d'ours quoi et comme je suis assez idiot comme garçon et ben ça m'a pas empêché de d'y planter ma tente parce que j'avais vraiment pas envie de recamper dans la forêt et je me suis mis à faire mon camp et puis j'ai fait un feu j'ai cuisiné puis ensuite j'ai j'ai fait la vaisselle dans la rivière et pendant que je faisais la vaisselle dans la rivière il ya quelque chose qui m'a attiré dans le coin de l'oeil j'ai tourné la tête et j'ai vu ma tente et sur ma tente il y avait un ours en fait c'était un ours noir qui n'était pas du tout d'accord avec mon projet de passer la nuit sur son territoire. Et ça en est suivi, une grosse engueulade d'une demi-heure, donc il venait vers moi. Moi j'ai essayé de me montrer plus fort que je ne le suis en réalité. Donc on lève les bras, on crie, on fait comme si on n'avait pas peur de lui. Et puis j'avais une bombe à poivre, parce que je ne suis jamais parti avec une arme à feu en Alaska. Et donc j'ai ma seule protection, à part moi-même, c'est une bombe à poivre. C'est une genre de petite bombe lacrymo qui fait éternuer l'ours 5 minutes, il va dans la forêt et puis ensuite il revient. Et donc voilà comment ça s'est passé. J'avais ma caméra qui était sur son trépied parce que je crois que je m'étais filmé en train de cuisiner ou un truc comme ça. Donc en fait j'ai réussi à filmer toute cette scène avec l'ours. Mais je veux dire, je n'ai aucune rancune envers cet ours, c'est moi qui étais complètement dans l'erreur. C'est à dire qu'en fait il a réagi très normalement. Si toi tu rentres chez toi un soir et que dans ton salon tu vois un gars qui a installé sa tente et en plus qui se permet de te gueuler dessus quand tu lui fais savoir qu'il faudrait qu'il parte. Et donc sans rancune avec cette ours, il m'a appris à avoir un peu plus de bon sens quand on voyage en Alaska. Et après ça, je n'ai jamais planté ma tente dans des endroits où il y avait vraiment explicitement la présence d'ours qui passait par là très régulièrement. Et ensuite, j'ai eu toujours des rencontres très cordiales avec eux. avec les autres compères que j'ai rencontrés.

  • Speaker #0

    Donc effectivement, tu as fait beaucoup de rencontres en Alaska et dans ton premier voyage en 2016, tu étais plutôt du côté de Brooks Range, qui est beaucoup plus au nord dans les terres. Et tu nous parles un petit peu dans ton livre de Tom, ton sauveur cette première fois, parce qu'en fait, déjà, il t'a expliqué que la vallée des Twin Lakes, c'était la porte d'entrée vers le dernier paradis terrestre, la dernière parcelle d'un monde perdu, où la vie est encore permise et où elle dévoile toute sa magie, et ça réjette. richesse et sa beauté. Vu ce que tu nous disais pour ton amour pour tous ces territoires, j'imagine que quand il t'a dit ça, tu t'es dit bingo. Mais surtout, il t'a offert un livre qui t'a donné envie d'y revenir plus tard. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Speaker #1

    Moi, Tom, je l'ai rencontré pendant cette première expédition en 2016. Cette expédition, j'ai commencé en canoë où je suis parti du Yukon à Whitehorse, qui est la capitale du Yukon au Canada. Et ensuite, j'ai descendu le fleuve du Yukon pendant un mois et demi. Je crois que j'ai fait quelque chose comme 1800 kilomètres de navigation jusqu'au village de Tanana, qui est à peu près à mi-parcours du fleuve du Yukon. Et là, j'ai vendu mon canoë et je me suis fait déposer par un gars dans son bateau, 10 kilomètres après Tanana, sur la rivière. Et donc, j'ai été déposé là, il est parti, je me suis retrouvé tout seul, j'ai enfilé mon sac à dos et j'ai commencé à marcher sur la berge. qui en fait très rapidement a disparu et donc j'ai dû m'enfoncer dans la forêt. Et la forêt là-bas, c'est comme je disais tout à l'heure, là ça ressemble vraiment à... C'est aussi dense en fait que la jungle amazonienne, comme on se l'imagine. Ce qui a fait que je pense en vraiment des heures et des heures, je crois que si j'avais marché 7 heures ou 8 heures de marche, j'ai dû effectuer quelque chose comme, je ne sais pas, 1 ou 2 kilomètres. Et j'étais dans un état d'épuisement extrêmement avancé. J'ai planté ma tente. Je me suis endormi en espérant que tout ça était un cauchemar et je me suis réveillé exactement au même endroit. Et donc là j'ai compris que je ne pourrais pas atteindre mon objectif, l'océan Arctique, en passant par là, parce que ça me prendrait des mois et des mois, et que je n'avais pas assez de provisions pour tenter ça. Donc j'ai laissé tout mon camp sur place et j'ai plongé dans la rivière Tosic, j'ai descendu à la nage jusqu'à rejoindre le fleuve du Yukon. Et là, j'avais presque rien, parce que j'avais laissé toutes mes affaires là-bas. Donc j'ai trouvé une petite plage, la même petite plage où on m'a déposé la veille. Et j'ai rassemblé des branches et des feuilles pour faire un feu d'urgence, qu'on puisse me voir au loin si jamais je croisais un bateau. Et donc j'ai attendu plusieurs minutes et puis plusieurs heures, et en fait plusieurs jours sans croiser personne. Et c'est seulement après deux jours où j'ai entendu un bruit, et puis j'ai vu un point au loin, à l'horizon, et c'était le canoë de Tom. qui est venu vers moi et qui m'a secouru de ma situation. Et en fait, j'ai vécu ensuite pendant une semaine chez Tom, qui est un trappeur et qui habitait dans une cabane dans la forêt avec ses chiens de traîneau, parce que l'hiver, ils se déplaçaient en chiens de traîneau. Et pendant toute cette semaine, il m'a raconté la vie en Alaska, il m'a raconté l'hiver, il m'a raconté les rencontres avec les loups, avec les grizzlies. Et on est devenus très amis. Et quand je suis parti une semaine après, et puis surtout, en fait, il m'a donné des cartes et il m'a expliqué par où je devrais passer, où ce serait le plus facile pour atteindre mon objectif. Et c'était de passer en fait par les montagnes. C'est ce que j'ai fait et c'est ce qui m'a permis de réussir l'expédition. Et en se quittant, il m'a offert ce livre qui s'appelle One Mile Wilderness. C'est le livre, c'est le journal intime en fait de Dick Penetti. qui est un homme qui dans les années 60, en fait, il avait 50 ans et il a décidé... Il a eu un accident parce qu'il travaillait sur des grands chantiers industriels. Il a failli se faire écraser par une pelleteuse et il est resté plusieurs mois à l'hôpital et il s'est dit que si ça avait été sa dernière vision, il aurait eu le sentiment que sa vie aurait été un échec ou en tout cas il aurait eu beaucoup de regrets. Après cet accident, il a quitté son travail, il a quitté la ville où il travaillait et puis il a rejoint l'Alaska. et il a rejoint un lac qui s'appelle les Twin Lakes. On appelle les Twin Lakes parce que c'est deux lacs tout en longueur qui sont reliés l'un à l'autre par une toute petite rivière qui doit faire 100 ou 200 mètres. Et ça ressemble à la forme un peu d'aile de libellule de plusieurs dizaines de kilomètres. Et le lac qui est un peu plus au nord, qui est vers l'est, est d'une couleur bleu turquoise indescriptible parce que c'est le plus beau bleu que j'ai jamais eu de ma vie. Et le lac qui est à l'ouest, le deuxième lac jumeau, c'est un lac qui a la couleur de l'océan. Donc tu as ces deux immenses taches bleu turquoise et bleu marine qui se côtoient et reliées par une petite rivière. Et c'est là qu'il a décidé d'établir son camp et de se construire une cabane. Et donc pendant trois mois, il a construit une magnifique cabane avec ses propres mains, en n'utilisant que des objets manuels et surtout en n'utilisant que les ressources de la forêt. C'est-à-dire qu'il a fait une cabane en fusse, donc il a utilisé des troncs d'arbres pour les murs. il a utilisé la mousse pour isolé la cabane entre les interstices des rondins. Il a fait son toit avec de la terre où un jardin sauvage a fini par plancer. Il s'est construit une magnifique cheminée avec les pierres qu'il avait trouvées dans la rivière Hope. Et lui, son projet, c'était d'y habiter un an, en fait, dans cette cabane. Et l'année s'est écoulée. En fait, il y est resté 29 de plus. Et donc, pendant ses 30 ans, dans cette cabane, il a... établit une relation très intime avec toutes les choses vivantes qui habitaient autour de lui. Il a vraiment passé toute sa vie à explorer, à côtoyer, à observer, à créer des liens avec toute la vie qui a habité cette vallée. Il est tombé amoureux vraiment de ses forêts, de ses rivières, de ses lacs, de ses grizzlies, de ses loups. Et par exemple, il y avait tous les écureuils qui étaient autour de sa forêt, qui venaient le voir tous les matins, qui venaient dans sa... dans le creux de sa main pour chercher des caresses. Il y a les oiseaux qui nichaient dans les arbres autour de lui, qui venaient aussi dans sa main pour y prendre quelques graines. Il y a les loups qui venaient à son appel. Et puis, il connaissait tous les animaux. Il connaissait leur caractère, leurs différences, le nombre de naissances de grizzlies qu'il y avait eu cette année, où était leur tanière, il connaissait le nombre de mouflons, où était leur endroit préféré, en fonction des saisons, etc. C'est ça qu'il écrit. pendant ses 30 ans, dans ses carnets. Et c'est sûr que moi, à la lecture de ce livre, j'ai été... En tout cas, je me suis senti très proche et j'ai été très... Enfin, ça m'a laissé rêveur, quoi, toutes ces descriptions de paysages. Et donc, c'est à ce moment-là où je me suis promis que je reviendrais en Alaska pour essayer de retrouver sa cabane. Parce que Dick Pennecchie est mort dans les années 2000, donc il y a un peu plus de 20 ans maintenant. Mais sa cabane est toujours présente au Twin Lakes.

  • Speaker #0

    Pour resituer un petit peu l'Alaska, donc l'Alaska c'est situé au nord-ouest de l'Amérique du Nord, c'est séparé du reste des Etats-Unis par le Canada. Et puis j'ai bien aimé que tu mentionnes quand même le fait que tu étais passé par le Yukon, parce que j'avais fait un épisode dessus avec Julien Abbat, qui lui donc était du côté canadien du Yukon. Tu me corrigeras si je me trompe, mais les points communs entre l'Alaska et le Yukon, on a vraiment cette nature sauvage qui est préservée, avec toutes ces montagnes, il y a beaucoup de faune commune avec... Les caribous, les ours, les orignaux, les grizzlies, il y a un climat très rigoureux d'un côté comme de l'autre. Et après, en termes de différence, ça va être plus sur le fait que l'Alaska est beaucoup plus vaste et peuplée que le Yukon. Après, l'économie, on va avoir l'Alaska qui est plus centrée sur le pétrole, le Yukon sur le tourisme et l'exploitation minière. Et après, en termes de paysage, j'ai l'impression en tout cas que l'Alaska, ça offre peut-être plus de diversité en termes de spectacle par rapport à la nature. notamment ce bleu que tu mentionnais avec ces fjords, ces lacs qui sont impressionnants, tandis que le Yukon, ça va plus être focalisé sur ces terres historiques, un petit peu intimistes. Est-ce que tu es d'accord avec ça par rapport à la différence entre Alaska et Yukon ?

  • Speaker #1

    Je ne saurais pas forcément dire, parce que moi j'ai fait ce séjour au Yukon, je suis resté en fait deux semaines, parce qu'après deux semaines de navigation dans mon canoë, je suis rentré dans l'Alaska, et j'ai eu l'impression que c'était vraiment un territoire... Très similaire quoi et en fait cette frontière, d'ailleurs quand j'ai franchi cette frontière on se rend compte du côté assez obsolète, du côté illusoire que sont en réalité ces frontières qu'on trace sur des morceaux de papier et de cartes parce que les arbres étaient les mêmes d'un côté de l'autre et puis rien ne pouvait me laisser soupçonner que j'étais passé d'un pays à l'autre. Et puis de toute façon historiquement les peuples premiers qui habitaient ces régions en fait ils passaient... De l'Alaska au Yukon, tous les ans, en fonction des routes qu'ils prenaient dans leur route nomade. Et puis les troupeaux aussi d'animaux traversent ces frontières tous les ans. C'est les routes migratoires qu'ils empruntent. Et ensuite, quand tu descends des rivières, tu es très bas. Et donc tu n'as pas un horizon qui est immense parce que tu es en bas des montagnes. donc tu peux pas forcément te rendre compte de l'immensité de ce qui t'entoure et tu le comprends plus quand tu prends de la hauteur et ça c'est en Alaska que j'ai réussi à avoir ces visions là mais je crois aussi que dans le Yukon ils ont des lacs aussi magiques que ce qu'il peut y avoir en Alaska après je pense que l'Alaska a été beaucoup moins développé encore aujourd'hui que le Yukon Mais je pense que c'est vraiment des territoires voisins qui se ressemblent en pas mal de points.

  • Speaker #0

    Et là, comme tu nous expliquais, Dick Pennecke, tu t'es lancé dans cette quête. Et donc ton livre Alaska sur la piste de Telaquana et ton film Alaska, la cabane de Dick Pennecke, c'était vraiment pour témoigner ton admiration pour cet homme et tu as voulu suivre ses traces. Est-ce que ça a changé quelque chose par rapport à tes expéditions ? Parce que là, c'est la dernière que tu as faite. Est-ce que tu as senti une différence par rapport à tes autres expéditions ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'elles sont toutes assez différentes, mes expéditions, parce que l'expédition qui a précédé, c'était en Amazonie, donc ça n'avait à peu près rien à voir avec ces expéditions-là. Et puis, surtout, c'est une des expéditions en Amazonie où j'ai eu le plus peur. Enfin, c'est la expédition où j'ai eu vraiment le plus peur pour ma vie. Moi j'ai l'impression de toujours apprendre des choses et d'absorber plein d'émotions, plein de connaissances, plein de compréhensions sur le monde vivant quand je passe du temps et que je rencontre des animaux. Et au fur et à mesure qu'on passe des jours et des semaines et des mois dans ces environnements-là, on comprend en fait toutes les lois et toutes les relations et tous les secrets. qu'on arrive à percevoir et qui lie tous les animaux et tous les êtres vivants, du plus petit au plus grand. Et moi, c'est pour ça que j'adore rencontrer ces animaux. C'est parce que quand je croise le regard avec un grizzly ou avec un loup ou avec des orignaux, j'ai l'impression de voir ce à quoi j'aspire à tendre, à savoir des êtres qui sont libres, qui ont une connaissance parfaite du territoire où ils vivent. et qui savent se débrouiller soit en troupeau, soit tout seul. Et c'est ça, moi, que j'essaye de faire, à savoir réapprendre à vivre sur Terre, à savoir réapprendre avec la vie qui nous entoure et essayer d'atteindre une certaine symbiose et une certaine harmonie et de se rappeler qu'on est un animal et qu'on fait partie et qu'on appartient au reste du vivant. et que jusqu'à très récemment, l'ensemble de l'humanité a su trouver sa place sur cette planète, aux côtés de tous les autres animaux, avec suffisamment d'harmonie pour que le reste du vivant et la vie en général continuent à s'enrichir, à se développer et à foisonner dans tous les endroits de la planète. C'est ça le fil conducteur de toutes mes expéditions et j'ai l'impression de progresser sur celui-ci à chaque nouveau voyage. Et surtout là, j'ai beaucoup appris sur la vie de Dick Pennecke, certes, mais Dick Pennecke a lui-même été beaucoup inspiré par le peuple premier qui a habité ces terres pendant des milliers et des milliers d'années, qu'on appelle le peuple d'Enaïna. Et il a rencontré plusieurs anciens de ce peuple-là, et j'ai beaucoup appris sur la vie de ce peuple-là, qui a été un des derniers peuples à être colonisés par les civilisés. Ces personnes-là vivaient un corps de la manière dont ils avaient vécu pendant des milliers d'années. Il y a un corps en gros trois générations, quoi. Et ce qui fait que ça semble très proche. Et donc, c'est très facile de s'imaginer la manière dont ils avaient pu vivre dans ces territoires-là. Parce que les territoires où je suis passé, en tout cas, ont très peu changé en l'espace de 100 ans. Il y a d'autres endroits en Alaska qui ont énormément changé, mais celui-ci a été en partie préservé. Et donc, par exemple, ce peuple-là, ils étaient une connaissance... vraiment fabuleuse de la forêt par exemple il connaissait les plantes médicinales les plantes qui étaient comestibles il récoltait la sève des arbres pour en faire de la colle ou pour en faire des moyens de s'éclairer il y avait vraiment une éthique de la chasse et de la pêche et de la cueillette en général avec ce qui les entourait qui était extrêmement respectueuse quoi et dans le sens où quand il y tuait un Un caribou, par exemple, ils allaient choisir quel caribou ils allaient tuer. Ils n'allaient jamais tuer les vieux caribous qui font office de guide dans les hordes de caribous. Ils n'allaient jamais tuer des mâles ou des femelles reproducteurs. Donc, ils tuaient souvent des jeunes de moins de deux ans. Et en fait, ils utilisaient absolument tout. Parce que comme ils comprenaient que le sacrifice de cet être qui leur... permettaient de perdurer leur vie, ils considéraient qu'il fallait en faire usage d'une manière, sans gâchis en gros. Donc il y avait vraiment ce lien qui était très fort avec le reste de vivants qui impliquait qu'ils en prennent soin en fait. Parce qu'en fait, comme ils étaient dépendants par exemple des saumons et des caribous, il fallait que l'année prochaine, que les saumons soient encore là et encore en meilleure forme et que la harde prospère chaque année un peu plus. Et c'est ça qui implique aussi la relation très importante qu'ils avaient avec leur territoire. Et le lac des Twin Lakes, où Dick Pennecke a construit sa cabane et que j'ai retrouvé, c'était un lieu très important aussi pour les Denaïna, parce que c'est là où il y avait les meilleurs gisements de pierres pour se construire des flèches d'arc ou des couteaux ou des outils pour tanner les pots ou des haches, etc. Donc c'était un endroit assez sacré où ils passaient régulièrement pour changer les vieilles pierres contre des nouvelles. Et à chaque fois d'ailleurs... Soit ils replaçaient les vieilles pierres qu'ils avaient prises précédemment, soit ils laissaient de la nourriture pour les animaux de la montagne, en échange des pierres qu'ils prenaient à la montagne. Donc en tout cas, j'ai découvert l'histoire de ce peuple-là, qui m'a vraiment beaucoup touché, et en particulier parce que, comme je l'ai dit, vraiment à l'époque de mon arrière-arrière-grand-père, en gros, ce peuple-là existait encore et vivait du même mode de vie millénaire avec lequel il avait toujours vécu. Donc quand j'étais tout seul dans ces rivières, dans ces forêts, au sommet de ces montagnes, j'arrivais très facilement à les voir et presque à les entendre et à m'imaginer la vie qu'ils avaient pu mener ici. Donc je dirais que c'est ça qui m'a beaucoup appris et touché pendant ce voyage, c'était la rencontre de tous ces animaux et l'histoire de ce peuple qui vivait avec tous ces animaux. et qui nous fait comprendre que ce n'est pas l'animal humain en tant que tel qui est mauvais pour la planète, comme on peut l'entendre dire. Et moi, je ne pense pas que l'animal humain est par nature, contre nature, dans le sens où il est de manière intrinsèque destructeur de son environnement. Je pense qu'en fait, pendant l'immense majorité de notre histoire, on a su vivre avec ce qui nous entourait. Et la vie de Dick Pennecky et la vie d'Edena Hina le prouvent. Et moi, c'est des histoires qui m'intéressent.

  • Speaker #0

    Et qui te fascinent. J'aimerais bien qu'on revienne sur les animaux, mais avant ça, pour terminer sur le peuple des Denaïna, tu racontes à la fin de ton livre que tu t'es rendue dans certains villages avec encore quelques Denaïna, et tu expliques que malheureusement, c'était quand même assez triste à voir parce que tu as senti qu'ils étaient en train de perdre un petit peu tout leur héritage. Tu racontes que tu es invité chez un jeune homme et tu te rends compte que dans les placards, c'est les produits américains, que vous êtes là à parler de rap, de choses comme ça. Et que ça t'a rendu très triste de te rendre compte de tout ça.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'était... En tout cas, c'est le schéma qui existe chez tous les peuples premiers que j'ai pu rencontrer dans les quatre coins du monde. Mais là, par le fait que la destruction de... ce peuple-là, que ce soit culturellement et même, je veux dire, il y a eu des massacres qui ont été faits, soit si récent, qui fait que c'est le peuple où j'ai vu le plus de souffrance et de violence qui ont été faites sur eux. Et donc, ça amène en tout cas de l'alcool, ça amène de la drogue, ça amène de la dépression, ça amène des violences conjugales, etc. Et c'est ça, c'est le spectacle en tout cas que j'ai eu, le terrible spectacle. que j'ai eue en arrivant dans ce village où il y a les derniers Denaïna qui habitaient. Et oui, en fait, en gros, l'histoire qui leur est arrivée, c'est que quand les Russes et ensuite les Européens sont arrivés, ils ont massacré nombre de villages. Et puis surtout, les peuples civilisés ont très vite compris qu'il était très difficile d'exploiter et de contrôler des peuples qui savaient trouver leur subsistance par eux-mêmes d'avantage et qui étaient libres et autonomes. Ils savaient se nourrir, ils savaient s'abriter avec ce qu'ils avaient autour d'eux. Et donc une technique...

  • Speaker #0

    qui existe depuis l'émergence de la civilisation, de mettre à mal ces conditions de subsistance. On peut le faire de différents moyens, en allant directement massacrer les villageois, en leur filant plein de maladies, et aussi, par exemple, en rasant des forêts ou en empoisonnant des rivières. Il y a un colonel qui s'appelle le colonel Dodge qui a participé à la conquête de l'Ouest aux États-Unis en Arizona. qui avait cette phrase qui disait qu'un bison mort était un indien mort, et donc c'était une technique décivilisée pour contrôler des territoires et des peuples, c'était notamment de tuer des troupeaux, des centaines et des milliers de bisons. Et donc c'est ce qui venait au Denaïna aussi, au XIXe et au XXe siècle, et ce qui fait qu'en fait les derniers survivants ont été obligés malgré eux, par la vécisation des... et par la destruction de leur territoire de de rejoindre en fait les comptoirs comptoirs commerciaux qui faisait office des premières villes en tout cas et des premiers forts de la civilisation en alaska et donc là il passe d'un statut de chasseurs cueilleurs à un statut de salariés en fait et ça ça implique toute une toute un autre paradigme en fait et une autre relation avec la nature c'était que jusqu'à présent tous ces animaux qui étaient leurs voisins et dont ils dépendaient et dont ils prenaient soin ben c'est devenu des marchandises qu'ils devaient tuer pour vendre ensuite les fourrures et fourrures qui leur permettrait d'avoir des sous pour ensuite pouvoir s'acheter à manger à boire et toutes les choses qui étaient nécessaires pour vivre et donc oui cette rencontre à Lime Village ça a été un moment très difficile quoi et c'était Très compliqué en fait d'avoir des témoignages des derniers anciens qui étaient dans le village et d'avoir des conversations parce que ils étaient très fortement alcoolisés et je pense que les souvenirs avaient en grande partie disparu. Mais ça c'est, en tout cas moi j'ai été magnifiquement bien accueilli par ces gens là qui sont d'une générosité. Ils étaient vraiment super chaleureux avec moi, donc j'étais super heureux aussi de rencontrer ces personnes-là. C'est juste que c'est triste à mourir que de voir que la civilisation industrielle, elle ne détruit pas seulement les animaux, les forêts, les rivières, elle détruit aussi les hommes. Et c'est ce que j'ai pu voir à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Tu as rencontré aussi des habitants de l'Alaska, avec notamment des rangers qui s'occupaient de préserver cette cabane de Dick Penicky, dont une dame qui le connaissait personnellement. Qu'est-ce que tu as retenu de tes échanges avec ces personnes-là ?

  • Speaker #0

    En tout cas, moi en Alaska, honnêtement, j'ai rencontré vraiment des gens qui ont été très importants pour moi, autant dans mon expédition en 2016 et mon expédition celle-ci. Et puis je pense que c'est en tout cas des choses que j'ai pu retrouver un peu partout dans les endroits sauvages où il y a peu d'humains qui habitent ou dans des endroits où c'est des sociétés à taille humaine. Et ce qui fait que l'entraide et l'accueil font partie intégrante de la culture et des moyens aussi de pouvoir survivre et vivre dans ces endroits-là. Donc j'ai vraiment beaucoup de fois été accueilli et aidé par plein de villageois, que ce soit des Amérindiens ou des Blancs. Et là, les deux seules personnes que j'ai rencontrées pendant cette expédition, c'était une ranger qui s'appelait Kat, qui habitait à quelques kilomètres de la cabane de Dick. Et la deuxième personne que j'ai rencontrée, quelques semaines plus tard, c'était une femme qui s'appelle Jeannette. Et c'est elle, en fait, qui a retranscrit tous les carnets de Dick Pennecy qu'il a écrits pendant ses 30 ans. Et donc, c'était les deux rencontres de ce voyage-là et rencontres super importantes parce que... Parce que déjà, c'était des super femmes, on a bien rigolé, puis elles m'ont filé à manger quand j'avais plus rien. Et surtout parce qu'elles m'ont parlé de Dick Pennecky, qu'elles connaissaient de manière très approfondie, surtout pour Jeannette. Et puis elles m'ont raconté aussi la vie qu'elles avaient menée en Alaska, dans cette nature sauvage, et les nombreuses rencontres aussi avec les animaux qu'elles ont eues. En tout cas, j'ai eu l'impression de rencontrer... de connaître Dick Pennecke bien plus après avoir rencontré ces deux femmes et puis surtout Kat c'est beaucoup elle qui m'a parlé des dénailles là et c'est elle d'ailleurs qui a qui m'a parlé de cette fameuse piste qui a donné le titre du livre, la piste de Telaquana. Et cette piste, en fait, c'était la piste ancestrale qu'utilisait ce peuple, parce qu'il y avait différentes communautés, différents camps, différents villages d'Edenaïna. Et en fait, il suivait tout au long de l'année cette piste, relier toutes ces différentes communautés et relier tous les différents endroits par lesquels il passait pour l'arrivée des saumons ou alors pour aller au Twin Necks, comme j'ai dit, pour aller chercher des pierres. etc. Et ouais, donc c'était très beau de pouvoir lire, lire tous ces choses là et c'est grâce à Kat notamment que j'ai pu en apprendre vraiment beaucoup sur la vie de ses hommes et de ses femmes quoi. Et surtout en fait, moi quand je suis arrivé à la cabane de Dick Pennecke, j'avais pas vraiment réfléchi à la suite de l'expédition, je crois qu'inconsciemment je me disais que je ferais demi-tour et que je reviendrais de là où j'étais d'où j'étais parti. J'ai mis à peu près deux semaines pour atteindre la cabane et donc je me disais que je rentrerais deux semaines plus tard quoi. Et en fait, sans m'en rendre compte et sans en avoir du tout conscience, j'ai réalisé grâce à Kat que j'avais suivi cette fameuse piste de Telaquana presque au kilomètre près de là où j'étais parti jusqu'à la cabane. Et donc il m'a semblé tout à fait logique et naturel d'aller au bout de cette piste qui allait jusqu'au village de Lime où j'ai terminé l'expédition. Et donc une fois que j'ai quitté le lac des Twin Lakes, j'ai continué à remonter vers le nord, je suis passé par le lac Turquoise, de lac Telaquana et ensuite j'ai descendu la rivière Telaquana et le fleuve Stoney jusqu'à Lime Village et ça c'est vraiment improvisé au cours de l'expédition, au milieu de l'expédition notamment grâce à Kat et ça arrive souvent en fait que moi mes expéditions je les prépare peut-être 40-50% en amont mais 50 à 60% en fait se font sur place avec les personnes qui habitent ces lieux et qui le connaissent mieux que quiconque et c'est pour ça qu'il y a une grande part aussi d'improvisation de... de mes voyages et qui se précise en fait au fur et à mesure des semaines.

  • Speaker #1

    Et là justement en parlant de ton expédition plus particulièrement, est-ce que tu peux nous partager peut-être les défis que tu as rencontrés ? Parce que tu nous expliquais au début, si je me rappelle bien que c'était dans ta première expédition, où là tu te rendais compte que c'était vraiment difficile de progresser dans cette nature qui était vraiment intense on va dire. Et là, dans cette deuxième expédition, quels ont été peut-être tes plus grands défis, que ce soit physiques ou même peut-être mentaux ?

  • Speaker #0

    Le plus dur, c'est vraiment le début. C'est même juste les jours qui précèdent l'expédition. C'est là où moi, j'ai le plus peur. Et puis les premiers jours aussi, quand on commence à quitter la civilisation, à couper ce cordon et à s'enfoncer dans des endroits où on est sûr qu'il va falloir réussir à s'occuper de soi-même. Et oui, le plan B, ça me nuise au fur et à mesure qu'on s'enfonce de plus en plus loin. Et donc oui, moi, cette peur, en tout cas, je la ressens à chaque fois. Et donc, il faut se faire sacrément violence et se rappeler pourquoi on va dans ces endroits-là. Et en fait, au fur et à mesure des jours, on a évidemment une fatigue physique, surtout que moi, en fait, je ne me prépare pas physiquement avant de partir en expédition. Les seuls préparatifs physiques que je fais, c'est de m'empiffrer de plein de gâteaux et de plein de trucs pour avoir des kilos à perdre si je maigris trop là-bas. Les premiers jours sont particulièrement durs physiquement et psychologiquement parce que tout ce qu'on a quitté nous manque. Comme je dis dans le livre, c'est un peu l'effet de la nature sauvage sur l'homme civilisé qui a passé trop de temps. de temps dans son enclos urbain. C'est que tout nous semble impossible et tout nous fait peur. On voit ces montagnes qui nous regardent de très haut et on voit ces forêts qui nous semblent beaucoup trop mystérieuses. Et en fait, au fur et à mesure des jours, comme dans toutes mes expéditions, on commence par comprendre les lois qui ordonnent cet endroit-là. On s'y soumet et puis très rapidement, on se rend aussi compte à quel point on est dans... dans les endroits les plus beaux de cette terre. Et donc la peur fait vite place à l'émerveillement. Et ça, ça a été un peu ce qui s'est passé dans toutes mes expéditions. Il y en a qui ont été un peu plus apeurantes que d'autres.

  • Speaker #2

    Mais là,

  • Speaker #0

    je connaissais quand même l'Alaska.

  • Speaker #2

    Et la chose qui a été la plus compliquée en Alaska,

  • Speaker #0

    ça a été le froid. Parce que je ne m'étais pas du tout préparé à des températures comme j'ai eu. Et Kat, d'ailleurs, la Ranger m'a... m'a appris que c'était un des étés et des automnes les plus froids et les plus vieux qu'elle ait jamais connu. Et en fait, je n'avais pas du tout pris un duvet qui correspondait aux températures. Donc ça, ça a été compliqué. C'est-à-dire qu'il y a eu des nuits vraiment où j'ai à peine pu fermer l'œil. Et j'ai fini par tomber sur une cabane où il y avait des cartons pleins de couvertures et de duvets. Donc je me suis permis d'en prendre un. Je leur ai filé mon appareil photo en échange parce que je ne m'en servais pas et que ça pesait lourd. Et donc j'ai pu terminer. j'ai pu terminer l'expédition en ayant bien plus chaud qu'au début. Après, pour moi, c'était vraiment un voyage assez... C'était un rêve, ce voyage. J'ai trouvé qu'il y avait une douceur, moi, au fur et à mesure des jours et des semaines, qui était super belle à vivre, contrairement à d'autres moments d'expédition qui étaient vraiment plus rudes. C'est surtout parce que j'ai vraiment été... J'ai vu des choses absolument incroyables, certains des plus beaux paysages que j'ai jamais vus de ma vie. tous les jours que j'ai passé là-bas, ce qui fait que les... Les petits désagréments comme la fatigue, la froid ou la faim deviennent très vite secondaires quand on a la chance de pouvoir échanger un regard avec un loup par exemple et quand on a la chance de pouvoir pêcher un saumon aussi. Parce qu'en fait j'ai réussi aussi pour combler ma faim, parce que j'avais pris des provisions certes, mais j'en ai pris très peu et donc je comptais évidemment me nourrir avec ce que je trouvais sur place. En fait je me suis nourri pas mal comme un grizzly, à savoir à base de myrtilles. et à base de saumon. Et il y a vraiment des tounes droits et des hectares et des hectares et des hectares de myrtilles là-bas qu'on appelle l'or bleu. Et donc, c'est difficile de mourir de faim en Alaska, en tout cas à ces périodes de l'année. Et ce qui fait que la faim, contrairement à l'Amazonie par exemple, ça a été un problème beaucoup plus secondaire que dans la jungle.

  • Speaker #1

    Tu parles justement de cette nature, cette fascination que tu as pour la beauté des paysages, et on sent qu'au fur et à mesure de tes expéditions, ça prend une place de plus en plus importante. Tu dis par exemple à un moment que tu t'arrêtes sans cesse, que tu es hypnotisé par les paysages, que tu ne sais même plus où porter ton regard, que tout t'attire jusqu'à en avoir le tournis, et tu dis même que tu es ébahi de bonheur, en pleine félicité. Comme si le monde t'avait saisi de toute sa force, comme si tu avais vécu toutes ces années pour ces quelques secondes que le miracle est partout autour de toi. Donc j'imagine qu'on doit se sentir submergé, est-ce que c'était pas trop par moment de ressentir toute cette beauté ?

  • Speaker #0

    Euh non non je pense que c'est pas trop parce que c'est en même temps... Enfin avec les paysages tu peux avoir ce sentiment d'être submergé, tu l'as pas forcément avec les animaux parce qu'il y a quelque chose de... Justement où... quand tu échanges un regard avec un animal, tu te sens très proche de lui et qu'il y a un lien qui se fait entre toi et lui. Et il semble beaucoup moins éloigné de toi-même que ce que tu pourrais croire. Et c'est comme les gens qui sont terrifiés par les grizzlies et qui les imaginent comme des bêtes sanguinaires, etc. En fait, la première rencontre avec un grizzly, elle t'enlève ces idées-là et ce que tu te rends compte, c'est que tu as certes un animal d'une puissance élevée, miraculeuse presque, je crois que c'est un des animaux les plus forts, des mammifères les plus forts qui existent en Amérique du Nord. Il court super vite, il sait grimper aux arbres, il nage super bien, il a un odorat qui porte à des dizaines de kilomètres. Ça semble incroyable et en même temps quand tu échanges un regard avec eux et quand tu les vois, tu les observes et tu les vois vivre, tu te rends compte que c'est une bête qui est extrêmement douce et que ce qu'elle préfère faire c'est de manger des myrtilles et faire des siestes. Et c'est ce qu'elles ont fait la majorité des fois où je les ai vues. J'ai vu une femelle avec son petit et j'ai vu beaucoup de tendresse entre les deux. Et ouais, donc c'est ça surtout qui m'a marqué en rencontrant ces animaux-là. Après, c'est vrai que face à des paysages, on a vraiment ce sentiment d'avoir le souffle coupé parfois. Et moi, quand je suis arrivé au lac de Telaquana et aussi au lac des Twin Necks, quand j'ai aperçu... Ce lac bleu-tirquoise, la toundra qui rougissait comme une fraise avec l'arrivée de l'automne, les sommets enneigés, la forêt bleue-argentée de la forêt boréale qui descendait comme une coulée de lave sur les rives du lac. Moi j'ai été accueilli quand je suis arrivé au lac des Twin Lakes par justement cette grizzly et son petit qui était déjà très gros et puis par des milliers d'oiseaux qui dansaient comme des aurores boréales au-dessus de l'eau. Et bah là t'es... C'est difficile de comprendre ce que tu vois tellement c'est magnifique quoi et tellement tu soupçonnais même plus que des paysages pareils pouvaient exister. Et rapidement ce sentiment de béatitude un peu il est aussi remplacé par la tristesse et puis par la colère parce que tu te rends compte que en fait si on détruisait pas la nature, voilà ce à quoi ressemblerait la planète entière. Et voilà ce à quoi ressemblait la planète entière il y a encore très récemment en réalité. au vu de l'échelle de la vie et de l'humanité. Et là, tu comprends que tu pourrais croire, en fait, face à ces paysages, que c'est infini et que ça s'étend jusqu'à la fin du monde. Et en fait, moi, je n'arrive plus à oublier que ces paysages-là, c'est les dernières parcelles de ce monde libre qui existent encore. Et donc, c'est pour ça que je dis qu'il y a autant de tristesse qui arrive que de joie face à ces paysages. Et on a ce sentiment, c'est ce que je lis dans le livre, d'avoir... A la fois le cœur qui est réparé, à la fois le cœur brisé. Parce que tu te rends compte face à des décors pareils, que la vie n'inspire qu'à une chose, c'est de s'enrichir en permanence, c'est de pousser, c'est de respirer, c'est de voler, c'est de nager. Et qu'il suffirait qu'on cesse de couper les forêts, qu'on cesse d'emprisonner les rivières, qu'on cesse de tuer tous ces animaux, qu'on cesse de polluer toute l'atmosphère. pour que ces paysages-là reprennent le dessus et se redéploient autant que possible. Donc, tu es mitigé par pas mal d'émotions face à ces décors-là et face à tous ces animaux.

  • Speaker #1

    Et peut-être un passage qui résume un petit peu à la fois cet amour pour cette nature et ces animaux et ces prises de conscience-là, c'est quand tu parles justement de cet échange de regard avec un grizzly. Tu dis Le grizzly nous parle et nous le dit. Soyez certains d'une chose, vous faites partie de ce monde et il ne vous appartient pas. Ce n'est pas la nature qui est barbare, la barbarie est de s'en éloigner.

  • Speaker #0

    Mais oui, en fait, tout ce narcissisme... de l'homme civilisé ou ce suprémacisme humain qui fait partie de sa culture, à savoir qu'on est au sommet de l'échelle de l'évolution et qu'on n'est même pas vraiment des animaux et qu'on relègue les animaux et la nature comme quelque chose de vil, d'hostile, d'inférieur, etc. que notre culture nous apprend. Et c'est vrai que la rencontre avec justement ce grizzly, ça rend... Ça nous fait redescendre tout de suite sur Terre, en fait, de tous ces délires mégalos qu'on apprend malgré nous depuis qu'on est petit, quoi. Et de cette relation qu'on a avec la nature, à savoir vraiment une rupture et une frontière entre l'humanité et le reste du vivant. Et ouais, quand tu regardes un Grisdy, t'as pas du tout l'impression d'être au sommet du monde vivant. Et il y a beaucoup de respect qui s'instaure entre soi-même et ce qui nous entoure. Et le plus on passe de temps dans la nature,

  • Speaker #2

    le plus on comprend, je ne sais pas, les capacités incroyables qu'ont tous ces animaux et toutes ces plantes aussi, et les rivières. Et moi, je voyais un peu, et c'est comme ça que Dick Pennecky voyait aussi cette vallée des Twin Necks, mais c'était comme un... Un être vivant à part entière, il y avait un lien entre le lac et la forêt, entre les rivières et le lac, entre le sommet, les glaciers et la rivière, entre les animaux et la roche,

  • Speaker #0

    et les forêts et les rivières, etc. Tout ça semble tout à fait lié. Et oui, c'est là où on aperçoit vraiment une intelligence qui est franchement, qui subjugue toute personne qui arrive à en comprendre une infime partie. Parce que je pense qu'on en comprend, surtout nous,

  • Speaker #2

    peut-être que les... Les peuples premiers,

  • Speaker #0

    c'est sûr, même, en comprenaient bien davantage, même s'il y avait toujours une part de mystère dans tout ce qui anime la vie sur Terre.

  • Speaker #2

    Mais ouais,

  • Speaker #0

    tu arrives à capter des bribes de ça en observant ces bêtes et en observant ces paysages et en vivant dans ces endroits-là, qui te ramènent sur Terre et qui t'apportent une humilité que la civilisation nous prouve,

  • Speaker #2

    nous prive,

  • Speaker #0

    pardon.

  • Speaker #1

    Et tu mentionnais la civilisation, maintenant si on parle de ce retour à la civilisation, parce que tu écris vers la fin Satané vit sauvage, comme on s'y attache, comme on aime ses lieux, comme il est dur de les quitter, Alaska, mon amour, mon paradis. Est-ce que tu finis par te prendre conscience un petit peu que tes proches te manquent, mais tu sens que tu aurais pu et peut-être que tu aurais aimé y rester pour toujours en fait dans cette cabane de Dick Pennecke ?

  • Speaker #0

    Ouais ouais, en tout cas moi je... Un rêve que j'ai depuis... Depuis très longtemps, depuis que j'ai découvert l'Alaska et depuis que j'ai découvert aussi la nature sauvage, c'était de vivre comme Dick Pennecke, c'était de m'installer en Alaska dans une cabane. Et je ne l'ai pas fait finalement parce que contrairement à Dick, je suis tombé amoureux d'une fille qui habite dans les Alpes et donc finalement à la place de l'Alaska, je suis allé dans les Alpes. Pour moi, il y a une guerre mondiale qui a lieu en ce moment, à savoir celle de la civilisation contre la vie sur Terre. Et donc il n'y a plus vraiment de lieu où se... ou aller se cacher ou déserter en fait.

  • Speaker #2

    Et je pense que des vies comme celle de Dick Pennecke sont carrément en sursis en fait, parce que ne serait-ce que matériellement, physiquement, les endroits qui permettent de vivre cette existence se réduisent. Et par exemple, on le voit très bien avec tous les peuples premiers qui arrivent encore à vivre sur Terre et à vivre avec ce qui les entoure. Ils sont massacrés, ils sont en train d'être détruits, comme ça a été le cas au Denaïna, et comme c'est toujours le cas aujourd'hui avec les derniers peuples qui habitent en Amazonie. en Asie centrale, etc. partout où ils se trouvent et donc moi j'ai à la fois terriblement l'envie de continuer à explorer ces endroits qui sont encore libres et comme tu disais tout à l'heure, comme j'ai écrit dans le livre où la vie est encore permise mais j'ai aussi en fait la terrible envie de Oui, de protéger et surtout de faire en sorte que la nature puisse revenir à des endroits où elle a été attaquée. Et ça, ça peut par exemple être le cas là où j'habite dans les Alpes. En fait, même là où je suis, dans les forêts, dans les montagnes qui m'entourent, il y a toutes sortes de projets industriels, de multinationales qui sont en cours. Et pour moi, ça a autant de sens, même plus de sens en fait, d'essayer de mettre à mal ces projets et surtout de protéger les milieux qu'ils veulent détruire. plutôt que simplement aller dans les derniers endroits qui n'ont pas encore été attaqués. Je pense que les deux vont ensemble. On peut aimer seulement les choses qu'on connaît et on peut protéger seulement les choses qu'on aime. Je pense que c'est très important d'avoir des expériences dans la nature sauvage parce que ça nous donne la force, le courage et l'envie de vouloir se battre pour ce monde-là. C'est pour ça que ce retour à la civilisation, Même si là depuis que j'ai quitté Paris, il est quand même beaucoup plus doux parce que j'essaye de vivre dans ma vie quotidienne comme je vis dans mes expéditions. En tout cas j'essaye de tendre vers ça, à savoir vers l'autonomie, vers ce mode de vie libre mais qui est bien évidemment relatif parce que que je le veuille ou non j'habite dans la civilisation. Il y a toutes sortes de règles, il y a des impôts à payer, il faut des sous pour pouvoir habiter ici, il faut être propriétaire. pouvoir planter un coin de potager, etc. Donc il y a toutes ces règles qui nous sont imposées, auxquelles on doit se plier. Et donc il y a autant de sens pour moi quand je suis dans les Alpes à protéger ce qui vit ici, et même à faire en sorte que, je ne sais pas, qu'à ma mort, par exemple, la vie soit encore plus riche que quand j'y suis arrivé. En tout cas, moi, c'est ça qui m'anime. C'est dans ça où réside mon espoir.

  • Speaker #1

    Oui parce que j'imagine que le fait de faire ce film, d'écrire ce livre, c'est que tu espères aussi, enfin j'imagine, inspirer en tout cas les gens à vouloir protéger cette nature, à vouloir peut-être plus s'attarder sur cette beauté. En tout cas je sais que personnellement depuis que j'ai lu ton livre, la façon que tu as de décrire la nature ou même ce lien particulier que tu as avec les animaux, la façon dont tu en parles, toutes les émotions qui s'en dégagent, ça donne un... encore plus envie de mieux observer, de se rendre compte à quel point c'est précieux. Je me répète, mais que voilà, tu espères que les gens seront aussi inspirés à la lecture et à la visualisation de ton film.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #2

    oui,

  • Speaker #0

    c'est comme ça,

  • Speaker #2

    sans ça que je donne un peu de sens à mon travail, au livre que j'écris et à mes films, même si je sais qu'on ne change pas le monde avec simplement un film et un livre. Mais en tout cas, ouais, essayer de faire prendre conscience aux gens qui l'ont oublié, dont je faisais partie, qui ont fait partie de la nature, et à leur faire découvrir la bagie de ce qu'on appelle la vie. Et jusqu'à preuve du contraire, la planète Terre est la seule qui abrite cette Ausha, qui est assez extraordinaire, et donc ça n'a pas de sens que de vivre dans une culture qui... qui nous pousse et qui nous apprend à détruire la chose qui est la plus unique peut-être de l'univers. Et c'est pour ça que j'écris ces livres en partie, et c'est pour ça que je réalise aussi ces films. En tout cas, de donner envie aux gens et de vouloir se battre pour les choses qu'ils aiment, et pour le territoire dans lequel ils habitent, pour ceux qui habitent encore dans des endroits qui n'ont pas été complètement détruits. et pour donner aux autres qui sont privés de cette vie-là, de peut-être vouloir y revenir ou d'en apprendre en tout cas. C'est effectivement ça que j'essaie de faire passer dans ces livres.

  • Speaker #1

    Et je mettrais bien évidemment les références, que ce soit pour ton livre ou même pour ton film, où on ne va pas avoir le temps de rentrer dans les détails, mais c'est assez impressionnant de voir la qualité des images que tu nous proposes, des plans juste splendides. Parce que tu viens poser la caméra, puis après tu fais un détour et puis tu transportes tout le matériel. Donc c'est quand même tout un challenge. Et donc là, l'Alaska, c'était aller sur les traces de Dick Pennecke. Un peu avant ça, tu l'as brièvement mentionné et ça pourrait faire l'objet d'un autre podcast, toute ton expédition en Amazonie, où là tu es parti sur les traces d'un aventurier disparu avec Raymond Mouffret. J'ai ma petite idée vu que j'ai écouté quelques interviews par-ci par-là, mais est-ce qu'il y a un autre aventurier que tu aimerais suivre ou est-ce que tu aimerais partir sur une aventure totalement différente ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que là, les deux derniers livres et films que j'ai réalisés, c'était en fait partir sur les traces de deux personnes, Raymond Maufré qui a disparu dans la jungle amazonienne et puis ensuite Dick Pennecky. Mais en fait, ce n'était pas forcément le fil conducteur de toutes mes expéditions. La première fois que je suis allé en Alaska, c'était pour rencontrer des grizzlies. La première fois que je suis allé en Mongolie, c'était parce que j'ai appris que la moitié de la population là-bas était nomade. Et je trouvais ça incroyable parce que j'ignorais que... que des êtres humains pouvaient vivre autrement que le seul mode de vie que j'avais connu, à savoir le mode de vie de civilisé urbain. Et ouais, c'est des images, des animaux, des histoires qui font naître en moi les idées des expéditions. Et la prochaine expédition, en tout cas celle à laquelle je pense le plus, ce serait de... En tout cas, il y a une harde, donc un immense troupeau, le dernier grand troupeau de caribous. qui habite au nord du Yukon et au nord de l'Alaska. Et ce troupeau-là, ils ont été comptabilisés à 218 000 individus. Et en fait, ils font la plus grande route migratoire de tous les mammifères terrestres de la planète. C'est 2500 kilomètres du nord de l'Alaska jusqu'au centre du Yukon. Et en fait, ce voyage, cette migration, c'est assez incroyable parce que ce n'est pas juste la horde de caribous qui se déplace, c'est tout un monde avec... à savoir les loups, les grizzlies, les coyotes, les wolverines, tous les oiseaux, et puis les peuples humains qui habitaient en Arctique, dans le sous-Arctique, et en Alaska ou Yukon, qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, sont dépendants des caribous. Et donc c'est tout un monde qui m'intéresse, j'aimerais bien essayer de m'incruster dans ce troupeau,

  • Speaker #2

    voir comment on s'entend, et on apprend davantage sur les peuples qui habitaient et qui habitent encore là-bas. Et puis sur cet animal qui est sacré pour nombreux de ces peuples, le caribou.

  • Speaker #0

    Et essayer de creuser les choses que j'ai déjà commencé un peu à découvrir lors de mes deux premières expéditions dans le Grand Nord.

  • Speaker #1

    Hâte de découvrir ce que tu nous partageras là-dessus. Et pour terminer, j'aime bien poser cette nouvelle question aux invités à la fin de notre échange. Si tu devais résumer pour toi, c'est quoi le voyage ?

  • Speaker #0

    C'est une définition qui est très personnelle,

  • Speaker #2

    mais en tout cas, moi,

  • Speaker #0

    je l'associe au monde sauvage, pour moi, le voyage. De manière paradoxale, ça pourrait être,

  • Speaker #2

    plutôt que de partir loin,

  • Speaker #0

    pour moi, ça serait de revenir, en fait, de revenir à nos racines, de revenir à notre histoire, de revenir à notre place. Et notre place, c'est sur la planète Terre, avec toute la vie dont on fait partie et qui nous entoure. Moi ce que j'essaye de faire dans ces voyages, comme je l'ai dit plusieurs fois déjà, c'est effectivement de réapprendre ces instincts oubliés, comme le dirait mon mot frais, de réapprendre à vivre sur Terre, aux côtés des animaux qui savent encore le faire, et aux côtés des peuples premiers qui tentent encore de vivre de leur mode de vie. Et ouais, donc pour moi le voyage ce serait le retour à la Terre en fait, et la reconnexion avec le monde vivant. Merci pour cette définition, ça te correspond bien je trouve. En tout cas, merci beaucoup Elliot d'avoir pris ce temps pour cet échange. Je le disais, je mettrai les références pour ton livre qui m'a convaincue pour reconnecter avec cette nature comme tu l'expliquais. Ton documentaire aussi qui a des images époustouflantes. Et bien évidemment tes autres livres, que ce soit sur l'Amazonie ou le premier que tu as écrit où tu racontes un petit peu Tu as traversé de la Mongolie, ton périple dans l'Himalaya. Plein d'aventures pour nous faire rêver. Donc encore merci Elliot et à très bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci à vous. Merci pour votre écoute. J'espère que cet épisode vous a plu, qu'il vous a permis de vous évader et de vous ressourcer. J'ai besoin de vous pour que l'aventure Goodyza continue. Vous pouvez vous abonner sur votre plateforme préférée afin de suivre les nouveaux épisodes. Merci. Si ce n'est pas déjà fait, vous pouvez laisser 5 étoiles et un avis, et même en parler autour de vous. Il y a aussi le compte Instagram, GoodVisaPodcast, tout attaché, que vous pouvez suivre où je poste régulièrement des photos et des vidéos pour illustrer les épisodes. Ça me touche énormément quand je reçois vos retours, alors vraiment n'hésitez pas à me faire un mot. Merci à vous, à bientôt !

Chapters

  • Comment il est devenu aventurier, ou comment tout a commencé en Australie

    01:05

  • Pourquoi l'Alaska ? Et comment on fait face à un ours ?

    06:30

  • Sa première expédition en Alaska manque de mal se terminer, et une rencontre qui va tout changer

    10:58

  • La découverte de la vie de Dick Pronenneke

    13:50

  • Alaska et Yukon : similitudes ou différences ?

    18:44

  • Sa fascination pour les animaux et le monde vivant

    20:57

  • Les Indiens Denai'na

    23:06

  • Ses rencontres sur place

    31:51

  • Ses plus grands défis lors de cette expéditions

    36:29

  • La beauté des paysages

    41:20

  • La nature n'est pas barbare, la barbarie est de s'en éloigner

    45:38

  • Donner du sens à ses aventures, et sa prochaine expédition

    52:23

Share

Embed

You may also like

Description

Eliott est explorateur, réalisateur et écrivain. Il est le plus jeune membre de la Société des Explorateurs Français.

Depuis plus de dix ans, il parcourt les derniers lieux sauvages de la planète, et l’Alaska l’a profondément bouleversé. 


Il est parti sur les traces d’un homme qui a choisi de quitter la civilisation en 1968 : Dick Proenneke. Cet homme a vécu trente ans en Alaska, dans une cabane, en totale harmonie avec la nature. C’est cette cabane qu’Eliott a voulu retrouver, afin de mieux comprendre cet homme, mais aussi ce territoire des Indiens Denai’na. Pour ce faire, il va passer 2 mois à vivre avec les grizzlis. 

Dans cet épisode, Eliott va donc nous partager cette quête, ses challenges, ses rencontres — avec les rangers locaux et les derniers Denai’na, mais aussi sa fascination pour la beauté des paysages et le monde sauvage. Avec cette aventure en Alaska, Eliott a eu un aperçu de ce que la planète a toujours été. 


Cet épisode est une invitation à renouer avec la nature. Car comme dit Eliott, la nature n’est pas barbare. La barbarie est de s’en éloigner.


Je vous souhaite une bonne écoute et surtout, bon voyage !


Les références de l’épisode : 


_______________________


✅ N'oubliez pas de vous ABONNER sur votre plateforme préférée pour écouter les prochains épisodes !

⭐️ 5 étoiles et un avis (même très court) pour soutenir le podcast, ça m'aide beaucoup ! MERCI !


Découvrez le compte Instagram du podcast avec des contenus exclusifs : @goodvisapodcast


Le podcast Good Visa est produit et présenté par Camille Merel. 


Musique : Camille Merel


Vous êtes dans le milieu des voyages ou du bien-être, et vous souhaitez collaborer avec ce podcast ? Je vous écoute : goodvisapodcast@gmail.com 


_______________________


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur GoodVisa, le podcast voyage et bien-être pour s'évader et se ressourcer. Aujourd'hui, je vous propose d'aller à la rencontre d'Eliott. Depuis plus de dix ans, il parcourt les derniers lieux sauvages de la planète, et l'Alaska l'a précédemment bouleversé. Il est parti sur les traces d'un homme qui a quitté la civilisation, empruntant une piste millénaire des Amérindiens. Cet épisode est une invitation à renouer avec la nature. Je m'appelle Camille et je vous souhaite une bonne écoute, ou plutôt un bon voyage. Bonjour à tous, bonjour à toutes, bonjour Ayotte.

  • Speaker #1

    Bonjour Camille.

  • Speaker #0

    Comment te sens-tu aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, ça va pas mal. Il fait gris, mais il pleut et j'aime bien quand il pleut aussi, parce que je suis à côté du poêle en général, donc tout va bien.

  • Speaker #0

    Avant qu'on se lance dans le vif du sujet, est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît pour celles et ceux qui ne te connaissent pas, nous dire d'où tu viens, quel âge as-tu, ce que tu fais dans la vie ou plutôt ce qui te passionne dans la vie ?

  • Speaker #1

    Eh bien oui, je m'appelle donc Hildyot Schoenfeld, j'ai 32 ans maintenant. Je suis né en Seine-Saint-Denis où j'ai grandi jusqu'à mes 19-20 ans. Et puis depuis... Depuis 2015, je réalise des films documentaires sur des expéditions que je mène, dont les derniers endroits sauvages de la planète. Et puis, j'écris des livres aussi à chaque expédition. Et voilà. Et puis après, j'essaye d'en parler aux gens comme à toi.

  • Speaker #0

    Merci encore d'avoir pris ce temps. J'ai découvert tes livres il y a quelques mois et j'avais vraiment hâte qu'on puisse échanger. Donc, encore merci. Donc déjà, peut-être pour expliquer un petit peu comment on devient en fait... Aventurier comme ça, du jour au lendemain ?

  • Speaker #1

    Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, et ça s'est fait sur plusieurs années, je pense, de réflexion et d'envie qui grandissaient. Mais en tout cas, il y a eu un événement assez déterminant et qui était en fait un accident. C'est-à-dire qu'après mes études à Paris, j'ai commencé une prépa Mathsup, que j'ai arrêtée au bout de six mois parce que... Parce que j'étais fatigué d'être assis et aussi parce que j'étais terriblement mauvais. C'est-à-dire que j'avais des notes catastrophiques, donc ma classe, l'école m'aurait viré à la fin de l'année. Donc j'ai simplement pris les devants et je me suis viré moi-même. Et là j'ai commencé à faire des petits boulots sans vraiment savoir que faire de ma vie, comme pas mal de jeunes je pense de cet âge-là. Et il s'avère que ma sœur, elle avait fait un permis vacances-travail. C'est un visa qui permet de voyager, de travailler dans pas mal de pays du monde. Elle, elle l'avait fait en Australie avant d'aller à la fac, donc j'ai, par manque d'originalité, j'ai fait comme ma sœur et je suis parti aussi en Australie. Et en Australie, il y a une île qui s'appelle Fraser Island, c'est la plus grande île de sable du monde et il y a une forêt tropicale en son sein. Et j'avais vu qu'il y avait un sentier de randonnée qui traversait toute l'île, ça prenait à peu près une semaine. Et sur la carte que j'avais vue de cette randonnée, j'avais vu qu'il y avait des logos avec le symbole du camping, de la tente. Et moi mon expérience du camping en gros c'était de partir avec ma mère à la Ciotat dans un camping où il y avait toutes sortes d'épiceries, de douches chaudes et toutes sortes d'êtres humains. Et donc je me suis dit que ça allait être pareil qu'à la Ciotat et donc je suis parti avec presque rien. J'ai pris un paquet de pain de mie, j'ai pris un pot de Nutella, j'ai pris un paquet de pâtes crues mais sans rien les cuire parce que je comptais sur les cuisines. Et assez rapidement en fait en me lançant dans la randonnée j'ai compris qu'il n'y avait rien de tout ce... de tout ce à quoi je m'attendais, comme à la Ausha. Et donc j'ai certes eu faim, j'ai certes été un peu fatigué à la fin de la semaine, mais j'ai décidé en tout cas de continuer. Et ça, ça a été ma première expérience en fait dans ce qu'on appelle la nature sauvage. En tout cas, c'était la nature la plus sauvage que j'avais jamais vue jusqu'à présent. Et c'était la découverte de la solitude, de la lenteur de la marche, de l'esprit. espace de cette liberté qu'on ressent dans ces endroits-là et quand on est seul aussi et qu'on doit s'occuper de soi-même. Et puis surtout j'ai découvert la vie avec les autres animaux qui m'ont vraiment émerveillé. Notamment les dingo, c'est des chiens endémiques à l'Australie qui venaient me réveiller tous les matins vers 6h du mat et moi je courais après en caleçon pour essayer de prendre des photos et essayer de les observer. Donc ouais, c'est là que je pense que cet amour de la planète Terre vivante, est apparue et je pense qu'après ce moment là j'ai réussi en tout cas à passer le plus clair de mon temps dans des endroits qui ressemblait à ça. J'ai pas décidé de le faire tout de suite, après je suis parti moi travailler dans un camp de chiens de traîneau au Canada parce que j'avais un copain qui avait repris un camp de chiens de traîneau au nord du Québec à deux heures du premier village en motoneige et donc j'ai vécu un an avec... on avait 90 chiens. Et puis je suis rentré de ces deux années de voyage d'Australie et de Canada en France avec l'idée qu'il fallait que je revienne au monde normal, que j'avais été suffisamment heureux pendant ces deux années et qu'il fallait que je reprenne des études et que je rentre à la ville. C'est ce que j'ai fait. J'ai commencé une fac de philo et très rapidement, dès les premiers jours sur les bancs de la fac, où j'ai décidé que... J'allais faire des expéditions. Et donc à partir de ce moment-là, ça c'était en 2014, j'ai commencé à organiser des expéditions qui sont devenues de plus en plus longues, de plus en plus reculées, de plus en plus ambitieuses au fur et à mesure que j'apprenais des choses. Et donc je suis parti une première fois en Islande en 2014, que j'ai traversé de la côte sud à la côte nord. Et ensuite je suis parti en Mongolie où j'ai réalisé mon premier film. où j'ai écrit mon premier livre. Et ensuite, je suis allé en Alaska une première fois. Et ensuite, j'ai traversé la chaîne himalayenne du Cachemire indien jusqu'au Népal. Et je suis ensuite parti explorer la jungle amazonienne en 2019. Et la dernière expédition que j'ai réalisée, c'était en 2023, en Alaska à nouveau, pendant plusieurs mois là-bas.

  • Speaker #0

    Super, merci pour toutes ces explications. Ça permet aux auditeurs de resituer un petit peu tout. Est-ce que tu peux nous expliquer ce qui t'a attiré en Alaska pour la première fois ? Comment ça se fait que tu te sois retrouvé là-bas ?

  • Speaker #1

    Déjà, moi, je passe toujours des nuits entières à regarder Google Earth pour essayer de trouver les endroits les plus sauvages qui restent sur la planète. Et c'est vrai que tout de suite, quand on regarde des cartes, le regard est attiré par le Grand Nord, parce que je pense que c'est encore les plus grands territoires qui sont aujourd'hui encore libres. Et j'avais appris aussi qu'en Alaska, il y avait la plus grande concentration de grizzlies et d'ours au monde. Et moi pendant mon année au Canada, j'avais le rêve terrible de croiser un ours et ça n'est jamais arrivé en un an de vie là-bas. Et donc c'est pour ça que ça m'a semblé assez naturel l'Alaska. Et je n'ai pas été déçu parce que dans cette première expédition, je crois que j'ai croisé 16 ou 17 ours, un truc comme ça. Et donc voilà, j'en ai eu autant que je voulais.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, j'allais te parler de ces fameux ours. Est-ce que tu veux bien raconter cette fameuse anecdote de ta première rencontre assez proche avec un ours quand tu y étais pour la première fois ?

  • Speaker #1

    Ouais, sur les dizaines d'ours que j'ai rencontrés en 2016 et en 2023, il y en a une seule où ça ne s'est pas très bien passé. C'est parce que ça faisait, je crois, plusieurs, peut-être une semaine que j'avais... Je ne croisais aucun village ou aucun être humain. Je marchais dans une forêt qui était extrêmement dense. Tu as rapidement un sentiment de claustrophobie et d'enfermement quand tu marches pendant des jours dans cet environnement-là. Au bout de plusieurs jours, j'ai fini par avoir un peu de lumière au loin. J'ai réussi à sortir de la forêt et je suis tombé sur une magnifique rivière avec une très grande plage de sable. J'ai eu l'impression de pouvoir respirer de nouveau. Le seul détail, c'est que sur cette... plages de sable il y avait des traces absolument partout de pattes d'ours quoi et comme je suis assez idiot comme garçon et ben ça m'a pas empêché de d'y planter ma tente parce que j'avais vraiment pas envie de recamper dans la forêt et je me suis mis à faire mon camp et puis j'ai fait un feu j'ai cuisiné puis ensuite j'ai j'ai fait la vaisselle dans la rivière et pendant que je faisais la vaisselle dans la rivière il ya quelque chose qui m'a attiré dans le coin de l'oeil j'ai tourné la tête et j'ai vu ma tente et sur ma tente il y avait un ours en fait c'était un ours noir qui n'était pas du tout d'accord avec mon projet de passer la nuit sur son territoire. Et ça en est suivi, une grosse engueulade d'une demi-heure, donc il venait vers moi. Moi j'ai essayé de me montrer plus fort que je ne le suis en réalité. Donc on lève les bras, on crie, on fait comme si on n'avait pas peur de lui. Et puis j'avais une bombe à poivre, parce que je ne suis jamais parti avec une arme à feu en Alaska. Et donc j'ai ma seule protection, à part moi-même, c'est une bombe à poivre. C'est une genre de petite bombe lacrymo qui fait éternuer l'ours 5 minutes, il va dans la forêt et puis ensuite il revient. Et donc voilà comment ça s'est passé. J'avais ma caméra qui était sur son trépied parce que je crois que je m'étais filmé en train de cuisiner ou un truc comme ça. Donc en fait j'ai réussi à filmer toute cette scène avec l'ours. Mais je veux dire, je n'ai aucune rancune envers cet ours, c'est moi qui étais complètement dans l'erreur. C'est à dire qu'en fait il a réagi très normalement. Si toi tu rentres chez toi un soir et que dans ton salon tu vois un gars qui a installé sa tente et en plus qui se permet de te gueuler dessus quand tu lui fais savoir qu'il faudrait qu'il parte. Et donc sans rancune avec cette ours, il m'a appris à avoir un peu plus de bon sens quand on voyage en Alaska. Et après ça, je n'ai jamais planté ma tente dans des endroits où il y avait vraiment explicitement la présence d'ours qui passait par là très régulièrement. Et ensuite, j'ai eu toujours des rencontres très cordiales avec eux. avec les autres compères que j'ai rencontrés.

  • Speaker #0

    Donc effectivement, tu as fait beaucoup de rencontres en Alaska et dans ton premier voyage en 2016, tu étais plutôt du côté de Brooks Range, qui est beaucoup plus au nord dans les terres. Et tu nous parles un petit peu dans ton livre de Tom, ton sauveur cette première fois, parce qu'en fait, déjà, il t'a expliqué que la vallée des Twin Lakes, c'était la porte d'entrée vers le dernier paradis terrestre, la dernière parcelle d'un monde perdu, où la vie est encore permise et où elle dévoile toute sa magie, et ça réjette. richesse et sa beauté. Vu ce que tu nous disais pour ton amour pour tous ces territoires, j'imagine que quand il t'a dit ça, tu t'es dit bingo. Mais surtout, il t'a offert un livre qui t'a donné envie d'y revenir plus tard. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Speaker #1

    Moi, Tom, je l'ai rencontré pendant cette première expédition en 2016. Cette expédition, j'ai commencé en canoë où je suis parti du Yukon à Whitehorse, qui est la capitale du Yukon au Canada. Et ensuite, j'ai descendu le fleuve du Yukon pendant un mois et demi. Je crois que j'ai fait quelque chose comme 1800 kilomètres de navigation jusqu'au village de Tanana, qui est à peu près à mi-parcours du fleuve du Yukon. Et là, j'ai vendu mon canoë et je me suis fait déposer par un gars dans son bateau, 10 kilomètres après Tanana, sur la rivière. Et donc, j'ai été déposé là, il est parti, je me suis retrouvé tout seul, j'ai enfilé mon sac à dos et j'ai commencé à marcher sur la berge. qui en fait très rapidement a disparu et donc j'ai dû m'enfoncer dans la forêt. Et la forêt là-bas, c'est comme je disais tout à l'heure, là ça ressemble vraiment à... C'est aussi dense en fait que la jungle amazonienne, comme on se l'imagine. Ce qui a fait que je pense en vraiment des heures et des heures, je crois que si j'avais marché 7 heures ou 8 heures de marche, j'ai dû effectuer quelque chose comme, je ne sais pas, 1 ou 2 kilomètres. Et j'étais dans un état d'épuisement extrêmement avancé. J'ai planté ma tente. Je me suis endormi en espérant que tout ça était un cauchemar et je me suis réveillé exactement au même endroit. Et donc là j'ai compris que je ne pourrais pas atteindre mon objectif, l'océan Arctique, en passant par là, parce que ça me prendrait des mois et des mois, et que je n'avais pas assez de provisions pour tenter ça. Donc j'ai laissé tout mon camp sur place et j'ai plongé dans la rivière Tosic, j'ai descendu à la nage jusqu'à rejoindre le fleuve du Yukon. Et là, j'avais presque rien, parce que j'avais laissé toutes mes affaires là-bas. Donc j'ai trouvé une petite plage, la même petite plage où on m'a déposé la veille. Et j'ai rassemblé des branches et des feuilles pour faire un feu d'urgence, qu'on puisse me voir au loin si jamais je croisais un bateau. Et donc j'ai attendu plusieurs minutes et puis plusieurs heures, et en fait plusieurs jours sans croiser personne. Et c'est seulement après deux jours où j'ai entendu un bruit, et puis j'ai vu un point au loin, à l'horizon, et c'était le canoë de Tom. qui est venu vers moi et qui m'a secouru de ma situation. Et en fait, j'ai vécu ensuite pendant une semaine chez Tom, qui est un trappeur et qui habitait dans une cabane dans la forêt avec ses chiens de traîneau, parce que l'hiver, ils se déplaçaient en chiens de traîneau. Et pendant toute cette semaine, il m'a raconté la vie en Alaska, il m'a raconté l'hiver, il m'a raconté les rencontres avec les loups, avec les grizzlies. Et on est devenus très amis. Et quand je suis parti une semaine après, et puis surtout, en fait, il m'a donné des cartes et il m'a expliqué par où je devrais passer, où ce serait le plus facile pour atteindre mon objectif. Et c'était de passer en fait par les montagnes. C'est ce que j'ai fait et c'est ce qui m'a permis de réussir l'expédition. Et en se quittant, il m'a offert ce livre qui s'appelle One Mile Wilderness. C'est le livre, c'est le journal intime en fait de Dick Penetti. qui est un homme qui dans les années 60, en fait, il avait 50 ans et il a décidé... Il a eu un accident parce qu'il travaillait sur des grands chantiers industriels. Il a failli se faire écraser par une pelleteuse et il est resté plusieurs mois à l'hôpital et il s'est dit que si ça avait été sa dernière vision, il aurait eu le sentiment que sa vie aurait été un échec ou en tout cas il aurait eu beaucoup de regrets. Après cet accident, il a quitté son travail, il a quitté la ville où il travaillait et puis il a rejoint l'Alaska. et il a rejoint un lac qui s'appelle les Twin Lakes. On appelle les Twin Lakes parce que c'est deux lacs tout en longueur qui sont reliés l'un à l'autre par une toute petite rivière qui doit faire 100 ou 200 mètres. Et ça ressemble à la forme un peu d'aile de libellule de plusieurs dizaines de kilomètres. Et le lac qui est un peu plus au nord, qui est vers l'est, est d'une couleur bleu turquoise indescriptible parce que c'est le plus beau bleu que j'ai jamais eu de ma vie. Et le lac qui est à l'ouest, le deuxième lac jumeau, c'est un lac qui a la couleur de l'océan. Donc tu as ces deux immenses taches bleu turquoise et bleu marine qui se côtoient et reliées par une petite rivière. Et c'est là qu'il a décidé d'établir son camp et de se construire une cabane. Et donc pendant trois mois, il a construit une magnifique cabane avec ses propres mains, en n'utilisant que des objets manuels et surtout en n'utilisant que les ressources de la forêt. C'est-à-dire qu'il a fait une cabane en fusse, donc il a utilisé des troncs d'arbres pour les murs. il a utilisé la mousse pour isolé la cabane entre les interstices des rondins. Il a fait son toit avec de la terre où un jardin sauvage a fini par plancer. Il s'est construit une magnifique cheminée avec les pierres qu'il avait trouvées dans la rivière Hope. Et lui, son projet, c'était d'y habiter un an, en fait, dans cette cabane. Et l'année s'est écoulée. En fait, il y est resté 29 de plus. Et donc, pendant ses 30 ans, dans cette cabane, il a... établit une relation très intime avec toutes les choses vivantes qui habitaient autour de lui. Il a vraiment passé toute sa vie à explorer, à côtoyer, à observer, à créer des liens avec toute la vie qui a habité cette vallée. Il est tombé amoureux vraiment de ses forêts, de ses rivières, de ses lacs, de ses grizzlies, de ses loups. Et par exemple, il y avait tous les écureuils qui étaient autour de sa forêt, qui venaient le voir tous les matins, qui venaient dans sa... dans le creux de sa main pour chercher des caresses. Il y a les oiseaux qui nichaient dans les arbres autour de lui, qui venaient aussi dans sa main pour y prendre quelques graines. Il y a les loups qui venaient à son appel. Et puis, il connaissait tous les animaux. Il connaissait leur caractère, leurs différences, le nombre de naissances de grizzlies qu'il y avait eu cette année, où était leur tanière, il connaissait le nombre de mouflons, où était leur endroit préféré, en fonction des saisons, etc. C'est ça qu'il écrit. pendant ses 30 ans, dans ses carnets. Et c'est sûr que moi, à la lecture de ce livre, j'ai été... En tout cas, je me suis senti très proche et j'ai été très... Enfin, ça m'a laissé rêveur, quoi, toutes ces descriptions de paysages. Et donc, c'est à ce moment-là où je me suis promis que je reviendrais en Alaska pour essayer de retrouver sa cabane. Parce que Dick Pennecchie est mort dans les années 2000, donc il y a un peu plus de 20 ans maintenant. Mais sa cabane est toujours présente au Twin Lakes.

  • Speaker #0

    Pour resituer un petit peu l'Alaska, donc l'Alaska c'est situé au nord-ouest de l'Amérique du Nord, c'est séparé du reste des Etats-Unis par le Canada. Et puis j'ai bien aimé que tu mentionnes quand même le fait que tu étais passé par le Yukon, parce que j'avais fait un épisode dessus avec Julien Abbat, qui lui donc était du côté canadien du Yukon. Tu me corrigeras si je me trompe, mais les points communs entre l'Alaska et le Yukon, on a vraiment cette nature sauvage qui est préservée, avec toutes ces montagnes, il y a beaucoup de faune commune avec... Les caribous, les ours, les orignaux, les grizzlies, il y a un climat très rigoureux d'un côté comme de l'autre. Et après, en termes de différence, ça va être plus sur le fait que l'Alaska est beaucoup plus vaste et peuplée que le Yukon. Après, l'économie, on va avoir l'Alaska qui est plus centrée sur le pétrole, le Yukon sur le tourisme et l'exploitation minière. Et après, en termes de paysage, j'ai l'impression en tout cas que l'Alaska, ça offre peut-être plus de diversité en termes de spectacle par rapport à la nature. notamment ce bleu que tu mentionnais avec ces fjords, ces lacs qui sont impressionnants, tandis que le Yukon, ça va plus être focalisé sur ces terres historiques, un petit peu intimistes. Est-ce que tu es d'accord avec ça par rapport à la différence entre Alaska et Yukon ?

  • Speaker #1

    Je ne saurais pas forcément dire, parce que moi j'ai fait ce séjour au Yukon, je suis resté en fait deux semaines, parce qu'après deux semaines de navigation dans mon canoë, je suis rentré dans l'Alaska, et j'ai eu l'impression que c'était vraiment un territoire... Très similaire quoi et en fait cette frontière, d'ailleurs quand j'ai franchi cette frontière on se rend compte du côté assez obsolète, du côté illusoire que sont en réalité ces frontières qu'on trace sur des morceaux de papier et de cartes parce que les arbres étaient les mêmes d'un côté de l'autre et puis rien ne pouvait me laisser soupçonner que j'étais passé d'un pays à l'autre. Et puis de toute façon historiquement les peuples premiers qui habitaient ces régions en fait ils passaient... De l'Alaska au Yukon, tous les ans, en fonction des routes qu'ils prenaient dans leur route nomade. Et puis les troupeaux aussi d'animaux traversent ces frontières tous les ans. C'est les routes migratoires qu'ils empruntent. Et ensuite, quand tu descends des rivières, tu es très bas. Et donc tu n'as pas un horizon qui est immense parce que tu es en bas des montagnes. donc tu peux pas forcément te rendre compte de l'immensité de ce qui t'entoure et tu le comprends plus quand tu prends de la hauteur et ça c'est en Alaska que j'ai réussi à avoir ces visions là mais je crois aussi que dans le Yukon ils ont des lacs aussi magiques que ce qu'il peut y avoir en Alaska après je pense que l'Alaska a été beaucoup moins développé encore aujourd'hui que le Yukon Mais je pense que c'est vraiment des territoires voisins qui se ressemblent en pas mal de points.

  • Speaker #0

    Et là, comme tu nous expliquais, Dick Pennecke, tu t'es lancé dans cette quête. Et donc ton livre Alaska sur la piste de Telaquana et ton film Alaska, la cabane de Dick Pennecke, c'était vraiment pour témoigner ton admiration pour cet homme et tu as voulu suivre ses traces. Est-ce que ça a changé quelque chose par rapport à tes expéditions ? Parce que là, c'est la dernière que tu as faite. Est-ce que tu as senti une différence par rapport à tes autres expéditions ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'elles sont toutes assez différentes, mes expéditions, parce que l'expédition qui a précédé, c'était en Amazonie, donc ça n'avait à peu près rien à voir avec ces expéditions-là. Et puis, surtout, c'est une des expéditions en Amazonie où j'ai eu le plus peur. Enfin, c'est la expédition où j'ai eu vraiment le plus peur pour ma vie. Moi j'ai l'impression de toujours apprendre des choses et d'absorber plein d'émotions, plein de connaissances, plein de compréhensions sur le monde vivant quand je passe du temps et que je rencontre des animaux. Et au fur et à mesure qu'on passe des jours et des semaines et des mois dans ces environnements-là, on comprend en fait toutes les lois et toutes les relations et tous les secrets. qu'on arrive à percevoir et qui lie tous les animaux et tous les êtres vivants, du plus petit au plus grand. Et moi, c'est pour ça que j'adore rencontrer ces animaux. C'est parce que quand je croise le regard avec un grizzly ou avec un loup ou avec des orignaux, j'ai l'impression de voir ce à quoi j'aspire à tendre, à savoir des êtres qui sont libres, qui ont une connaissance parfaite du territoire où ils vivent. et qui savent se débrouiller soit en troupeau, soit tout seul. Et c'est ça, moi, que j'essaye de faire, à savoir réapprendre à vivre sur Terre, à savoir réapprendre avec la vie qui nous entoure et essayer d'atteindre une certaine symbiose et une certaine harmonie et de se rappeler qu'on est un animal et qu'on fait partie et qu'on appartient au reste du vivant. et que jusqu'à très récemment, l'ensemble de l'humanité a su trouver sa place sur cette planète, aux côtés de tous les autres animaux, avec suffisamment d'harmonie pour que le reste du vivant et la vie en général continuent à s'enrichir, à se développer et à foisonner dans tous les endroits de la planète. C'est ça le fil conducteur de toutes mes expéditions et j'ai l'impression de progresser sur celui-ci à chaque nouveau voyage. Et surtout là, j'ai beaucoup appris sur la vie de Dick Pennecke, certes, mais Dick Pennecke a lui-même été beaucoup inspiré par le peuple premier qui a habité ces terres pendant des milliers et des milliers d'années, qu'on appelle le peuple d'Enaïna. Et il a rencontré plusieurs anciens de ce peuple-là, et j'ai beaucoup appris sur la vie de ce peuple-là, qui a été un des derniers peuples à être colonisés par les civilisés. Ces personnes-là vivaient un corps de la manière dont ils avaient vécu pendant des milliers d'années. Il y a un corps en gros trois générations, quoi. Et ce qui fait que ça semble très proche. Et donc, c'est très facile de s'imaginer la manière dont ils avaient pu vivre dans ces territoires-là. Parce que les territoires où je suis passé, en tout cas, ont très peu changé en l'espace de 100 ans. Il y a d'autres endroits en Alaska qui ont énormément changé, mais celui-ci a été en partie préservé. Et donc, par exemple, ce peuple-là, ils étaient une connaissance... vraiment fabuleuse de la forêt par exemple il connaissait les plantes médicinales les plantes qui étaient comestibles il récoltait la sève des arbres pour en faire de la colle ou pour en faire des moyens de s'éclairer il y avait vraiment une éthique de la chasse et de la pêche et de la cueillette en général avec ce qui les entourait qui était extrêmement respectueuse quoi et dans le sens où quand il y tuait un Un caribou, par exemple, ils allaient choisir quel caribou ils allaient tuer. Ils n'allaient jamais tuer les vieux caribous qui font office de guide dans les hordes de caribous. Ils n'allaient jamais tuer des mâles ou des femelles reproducteurs. Donc, ils tuaient souvent des jeunes de moins de deux ans. Et en fait, ils utilisaient absolument tout. Parce que comme ils comprenaient que le sacrifice de cet être qui leur... permettaient de perdurer leur vie, ils considéraient qu'il fallait en faire usage d'une manière, sans gâchis en gros. Donc il y avait vraiment ce lien qui était très fort avec le reste de vivants qui impliquait qu'ils en prennent soin en fait. Parce qu'en fait, comme ils étaient dépendants par exemple des saumons et des caribous, il fallait que l'année prochaine, que les saumons soient encore là et encore en meilleure forme et que la harde prospère chaque année un peu plus. Et c'est ça qui implique aussi la relation très importante qu'ils avaient avec leur territoire. Et le lac des Twin Lakes, où Dick Pennecke a construit sa cabane et que j'ai retrouvé, c'était un lieu très important aussi pour les Denaïna, parce que c'est là où il y avait les meilleurs gisements de pierres pour se construire des flèches d'arc ou des couteaux ou des outils pour tanner les pots ou des haches, etc. Donc c'était un endroit assez sacré où ils passaient régulièrement pour changer les vieilles pierres contre des nouvelles. Et à chaque fois d'ailleurs... Soit ils replaçaient les vieilles pierres qu'ils avaient prises précédemment, soit ils laissaient de la nourriture pour les animaux de la montagne, en échange des pierres qu'ils prenaient à la montagne. Donc en tout cas, j'ai découvert l'histoire de ce peuple-là, qui m'a vraiment beaucoup touché, et en particulier parce que, comme je l'ai dit, vraiment à l'époque de mon arrière-arrière-grand-père, en gros, ce peuple-là existait encore et vivait du même mode de vie millénaire avec lequel il avait toujours vécu. Donc quand j'étais tout seul dans ces rivières, dans ces forêts, au sommet de ces montagnes, j'arrivais très facilement à les voir et presque à les entendre et à m'imaginer la vie qu'ils avaient pu mener ici. Donc je dirais que c'est ça qui m'a beaucoup appris et touché pendant ce voyage, c'était la rencontre de tous ces animaux et l'histoire de ce peuple qui vivait avec tous ces animaux. et qui nous fait comprendre que ce n'est pas l'animal humain en tant que tel qui est mauvais pour la planète, comme on peut l'entendre dire. Et moi, je ne pense pas que l'animal humain est par nature, contre nature, dans le sens où il est de manière intrinsèque destructeur de son environnement. Je pense qu'en fait, pendant l'immense majorité de notre histoire, on a su vivre avec ce qui nous entourait. Et la vie de Dick Pennecky et la vie d'Edena Hina le prouvent. Et moi, c'est des histoires qui m'intéressent.

  • Speaker #0

    Et qui te fascinent. J'aimerais bien qu'on revienne sur les animaux, mais avant ça, pour terminer sur le peuple des Denaïna, tu racontes à la fin de ton livre que tu t'es rendue dans certains villages avec encore quelques Denaïna, et tu expliques que malheureusement, c'était quand même assez triste à voir parce que tu as senti qu'ils étaient en train de perdre un petit peu tout leur héritage. Tu racontes que tu es invité chez un jeune homme et tu te rends compte que dans les placards, c'est les produits américains, que vous êtes là à parler de rap, de choses comme ça. Et que ça t'a rendu très triste de te rendre compte de tout ça.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'était... En tout cas, c'est le schéma qui existe chez tous les peuples premiers que j'ai pu rencontrer dans les quatre coins du monde. Mais là, par le fait que la destruction de... ce peuple-là, que ce soit culturellement et même, je veux dire, il y a eu des massacres qui ont été faits, soit si récent, qui fait que c'est le peuple où j'ai vu le plus de souffrance et de violence qui ont été faites sur eux. Et donc, ça amène en tout cas de l'alcool, ça amène de la drogue, ça amène de la dépression, ça amène des violences conjugales, etc. Et c'est ça, c'est le spectacle en tout cas que j'ai eu, le terrible spectacle. que j'ai eue en arrivant dans ce village où il y a les derniers Denaïna qui habitaient. Et oui, en fait, en gros, l'histoire qui leur est arrivée, c'est que quand les Russes et ensuite les Européens sont arrivés, ils ont massacré nombre de villages. Et puis surtout, les peuples civilisés ont très vite compris qu'il était très difficile d'exploiter et de contrôler des peuples qui savaient trouver leur subsistance par eux-mêmes d'avantage et qui étaient libres et autonomes. Ils savaient se nourrir, ils savaient s'abriter avec ce qu'ils avaient autour d'eux. Et donc une technique...

  • Speaker #0

    qui existe depuis l'émergence de la civilisation, de mettre à mal ces conditions de subsistance. On peut le faire de différents moyens, en allant directement massacrer les villageois, en leur filant plein de maladies, et aussi, par exemple, en rasant des forêts ou en empoisonnant des rivières. Il y a un colonel qui s'appelle le colonel Dodge qui a participé à la conquête de l'Ouest aux États-Unis en Arizona. qui avait cette phrase qui disait qu'un bison mort était un indien mort, et donc c'était une technique décivilisée pour contrôler des territoires et des peuples, c'était notamment de tuer des troupeaux, des centaines et des milliers de bisons. Et donc c'est ce qui venait au Denaïna aussi, au XIXe et au XXe siècle, et ce qui fait qu'en fait les derniers survivants ont été obligés malgré eux, par la vécisation des... et par la destruction de leur territoire de de rejoindre en fait les comptoirs comptoirs commerciaux qui faisait office des premières villes en tout cas et des premiers forts de la civilisation en alaska et donc là il passe d'un statut de chasseurs cueilleurs à un statut de salariés en fait et ça ça implique toute une toute un autre paradigme en fait et une autre relation avec la nature c'était que jusqu'à présent tous ces animaux qui étaient leurs voisins et dont ils dépendaient et dont ils prenaient soin ben c'est devenu des marchandises qu'ils devaient tuer pour vendre ensuite les fourrures et fourrures qui leur permettrait d'avoir des sous pour ensuite pouvoir s'acheter à manger à boire et toutes les choses qui étaient nécessaires pour vivre et donc oui cette rencontre à Lime Village ça a été un moment très difficile quoi et c'était Très compliqué en fait d'avoir des témoignages des derniers anciens qui étaient dans le village et d'avoir des conversations parce que ils étaient très fortement alcoolisés et je pense que les souvenirs avaient en grande partie disparu. Mais ça c'est, en tout cas moi j'ai été magnifiquement bien accueilli par ces gens là qui sont d'une générosité. Ils étaient vraiment super chaleureux avec moi, donc j'étais super heureux aussi de rencontrer ces personnes-là. C'est juste que c'est triste à mourir que de voir que la civilisation industrielle, elle ne détruit pas seulement les animaux, les forêts, les rivières, elle détruit aussi les hommes. Et c'est ce que j'ai pu voir à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Tu as rencontré aussi des habitants de l'Alaska, avec notamment des rangers qui s'occupaient de préserver cette cabane de Dick Penicky, dont une dame qui le connaissait personnellement. Qu'est-ce que tu as retenu de tes échanges avec ces personnes-là ?

  • Speaker #0

    En tout cas, moi en Alaska, honnêtement, j'ai rencontré vraiment des gens qui ont été très importants pour moi, autant dans mon expédition en 2016 et mon expédition celle-ci. Et puis je pense que c'est en tout cas des choses que j'ai pu retrouver un peu partout dans les endroits sauvages où il y a peu d'humains qui habitent ou dans des endroits où c'est des sociétés à taille humaine. Et ce qui fait que l'entraide et l'accueil font partie intégrante de la culture et des moyens aussi de pouvoir survivre et vivre dans ces endroits-là. Donc j'ai vraiment beaucoup de fois été accueilli et aidé par plein de villageois, que ce soit des Amérindiens ou des Blancs. Et là, les deux seules personnes que j'ai rencontrées pendant cette expédition, c'était une ranger qui s'appelait Kat, qui habitait à quelques kilomètres de la cabane de Dick. Et la deuxième personne que j'ai rencontrée, quelques semaines plus tard, c'était une femme qui s'appelle Jeannette. Et c'est elle, en fait, qui a retranscrit tous les carnets de Dick Pennecy qu'il a écrits pendant ses 30 ans. Et donc, c'était les deux rencontres de ce voyage-là et rencontres super importantes parce que... Parce que déjà, c'était des super femmes, on a bien rigolé, puis elles m'ont filé à manger quand j'avais plus rien. Et surtout parce qu'elles m'ont parlé de Dick Pennecky, qu'elles connaissaient de manière très approfondie, surtout pour Jeannette. Et puis elles m'ont raconté aussi la vie qu'elles avaient menée en Alaska, dans cette nature sauvage, et les nombreuses rencontres aussi avec les animaux qu'elles ont eues. En tout cas, j'ai eu l'impression de rencontrer... de connaître Dick Pennecke bien plus après avoir rencontré ces deux femmes et puis surtout Kat c'est beaucoup elle qui m'a parlé des dénailles là et c'est elle d'ailleurs qui a qui m'a parlé de cette fameuse piste qui a donné le titre du livre, la piste de Telaquana. Et cette piste, en fait, c'était la piste ancestrale qu'utilisait ce peuple, parce qu'il y avait différentes communautés, différents camps, différents villages d'Edenaïna. Et en fait, il suivait tout au long de l'année cette piste, relier toutes ces différentes communautés et relier tous les différents endroits par lesquels il passait pour l'arrivée des saumons ou alors pour aller au Twin Necks, comme j'ai dit, pour aller chercher des pierres. etc. Et ouais, donc c'était très beau de pouvoir lire, lire tous ces choses là et c'est grâce à Kat notamment que j'ai pu en apprendre vraiment beaucoup sur la vie de ses hommes et de ses femmes quoi. Et surtout en fait, moi quand je suis arrivé à la cabane de Dick Pennecke, j'avais pas vraiment réfléchi à la suite de l'expédition, je crois qu'inconsciemment je me disais que je ferais demi-tour et que je reviendrais de là où j'étais d'où j'étais parti. J'ai mis à peu près deux semaines pour atteindre la cabane et donc je me disais que je rentrerais deux semaines plus tard quoi. Et en fait, sans m'en rendre compte et sans en avoir du tout conscience, j'ai réalisé grâce à Kat que j'avais suivi cette fameuse piste de Telaquana presque au kilomètre près de là où j'étais parti jusqu'à la cabane. Et donc il m'a semblé tout à fait logique et naturel d'aller au bout de cette piste qui allait jusqu'au village de Lime où j'ai terminé l'expédition. Et donc une fois que j'ai quitté le lac des Twin Lakes, j'ai continué à remonter vers le nord, je suis passé par le lac Turquoise, de lac Telaquana et ensuite j'ai descendu la rivière Telaquana et le fleuve Stoney jusqu'à Lime Village et ça c'est vraiment improvisé au cours de l'expédition, au milieu de l'expédition notamment grâce à Kat et ça arrive souvent en fait que moi mes expéditions je les prépare peut-être 40-50% en amont mais 50 à 60% en fait se font sur place avec les personnes qui habitent ces lieux et qui le connaissent mieux que quiconque et c'est pour ça qu'il y a une grande part aussi d'improvisation de... de mes voyages et qui se précise en fait au fur et à mesure des semaines.

  • Speaker #1

    Et là justement en parlant de ton expédition plus particulièrement, est-ce que tu peux nous partager peut-être les défis que tu as rencontrés ? Parce que tu nous expliquais au début, si je me rappelle bien que c'était dans ta première expédition, où là tu te rendais compte que c'était vraiment difficile de progresser dans cette nature qui était vraiment intense on va dire. Et là, dans cette deuxième expédition, quels ont été peut-être tes plus grands défis, que ce soit physiques ou même peut-être mentaux ?

  • Speaker #0

    Le plus dur, c'est vraiment le début. C'est même juste les jours qui précèdent l'expédition. C'est là où moi, j'ai le plus peur. Et puis les premiers jours aussi, quand on commence à quitter la civilisation, à couper ce cordon et à s'enfoncer dans des endroits où on est sûr qu'il va falloir réussir à s'occuper de soi-même. Et oui, le plan B, ça me nuise au fur et à mesure qu'on s'enfonce de plus en plus loin. Et donc oui, moi, cette peur, en tout cas, je la ressens à chaque fois. Et donc, il faut se faire sacrément violence et se rappeler pourquoi on va dans ces endroits-là. Et en fait, au fur et à mesure des jours, on a évidemment une fatigue physique, surtout que moi, en fait, je ne me prépare pas physiquement avant de partir en expédition. Les seuls préparatifs physiques que je fais, c'est de m'empiffrer de plein de gâteaux et de plein de trucs pour avoir des kilos à perdre si je maigris trop là-bas. Les premiers jours sont particulièrement durs physiquement et psychologiquement parce que tout ce qu'on a quitté nous manque. Comme je dis dans le livre, c'est un peu l'effet de la nature sauvage sur l'homme civilisé qui a passé trop de temps. de temps dans son enclos urbain. C'est que tout nous semble impossible et tout nous fait peur. On voit ces montagnes qui nous regardent de très haut et on voit ces forêts qui nous semblent beaucoup trop mystérieuses. Et en fait, au fur et à mesure des jours, comme dans toutes mes expéditions, on commence par comprendre les lois qui ordonnent cet endroit-là. On s'y soumet et puis très rapidement, on se rend aussi compte à quel point on est dans... dans les endroits les plus beaux de cette terre. Et donc la peur fait vite place à l'émerveillement. Et ça, ça a été un peu ce qui s'est passé dans toutes mes expéditions. Il y en a qui ont été un peu plus apeurantes que d'autres.

  • Speaker #2

    Mais là,

  • Speaker #0

    je connaissais quand même l'Alaska.

  • Speaker #2

    Et la chose qui a été la plus compliquée en Alaska,

  • Speaker #0

    ça a été le froid. Parce que je ne m'étais pas du tout préparé à des températures comme j'ai eu. Et Kat, d'ailleurs, la Ranger m'a... m'a appris que c'était un des étés et des automnes les plus froids et les plus vieux qu'elle ait jamais connu. Et en fait, je n'avais pas du tout pris un duvet qui correspondait aux températures. Donc ça, ça a été compliqué. C'est-à-dire qu'il y a eu des nuits vraiment où j'ai à peine pu fermer l'œil. Et j'ai fini par tomber sur une cabane où il y avait des cartons pleins de couvertures et de duvets. Donc je me suis permis d'en prendre un. Je leur ai filé mon appareil photo en échange parce que je ne m'en servais pas et que ça pesait lourd. Et donc j'ai pu terminer. j'ai pu terminer l'expédition en ayant bien plus chaud qu'au début. Après, pour moi, c'était vraiment un voyage assez... C'était un rêve, ce voyage. J'ai trouvé qu'il y avait une douceur, moi, au fur et à mesure des jours et des semaines, qui était super belle à vivre, contrairement à d'autres moments d'expédition qui étaient vraiment plus rudes. C'est surtout parce que j'ai vraiment été... J'ai vu des choses absolument incroyables, certains des plus beaux paysages que j'ai jamais vus de ma vie. tous les jours que j'ai passé là-bas, ce qui fait que les... Les petits désagréments comme la fatigue, la froid ou la faim deviennent très vite secondaires quand on a la chance de pouvoir échanger un regard avec un loup par exemple et quand on a la chance de pouvoir pêcher un saumon aussi. Parce qu'en fait j'ai réussi aussi pour combler ma faim, parce que j'avais pris des provisions certes, mais j'en ai pris très peu et donc je comptais évidemment me nourrir avec ce que je trouvais sur place. En fait je me suis nourri pas mal comme un grizzly, à savoir à base de myrtilles. et à base de saumon. Et il y a vraiment des tounes droits et des hectares et des hectares et des hectares de myrtilles là-bas qu'on appelle l'or bleu. Et donc, c'est difficile de mourir de faim en Alaska, en tout cas à ces périodes de l'année. Et ce qui fait que la faim, contrairement à l'Amazonie par exemple, ça a été un problème beaucoup plus secondaire que dans la jungle.

  • Speaker #1

    Tu parles justement de cette nature, cette fascination que tu as pour la beauté des paysages, et on sent qu'au fur et à mesure de tes expéditions, ça prend une place de plus en plus importante. Tu dis par exemple à un moment que tu t'arrêtes sans cesse, que tu es hypnotisé par les paysages, que tu ne sais même plus où porter ton regard, que tout t'attire jusqu'à en avoir le tournis, et tu dis même que tu es ébahi de bonheur, en pleine félicité. Comme si le monde t'avait saisi de toute sa force, comme si tu avais vécu toutes ces années pour ces quelques secondes que le miracle est partout autour de toi. Donc j'imagine qu'on doit se sentir submergé, est-ce que c'était pas trop par moment de ressentir toute cette beauté ?

  • Speaker #0

    Euh non non je pense que c'est pas trop parce que c'est en même temps... Enfin avec les paysages tu peux avoir ce sentiment d'être submergé, tu l'as pas forcément avec les animaux parce qu'il y a quelque chose de... Justement où... quand tu échanges un regard avec un animal, tu te sens très proche de lui et qu'il y a un lien qui se fait entre toi et lui. Et il semble beaucoup moins éloigné de toi-même que ce que tu pourrais croire. Et c'est comme les gens qui sont terrifiés par les grizzlies et qui les imaginent comme des bêtes sanguinaires, etc. En fait, la première rencontre avec un grizzly, elle t'enlève ces idées-là et ce que tu te rends compte, c'est que tu as certes un animal d'une puissance élevée, miraculeuse presque, je crois que c'est un des animaux les plus forts, des mammifères les plus forts qui existent en Amérique du Nord. Il court super vite, il sait grimper aux arbres, il nage super bien, il a un odorat qui porte à des dizaines de kilomètres. Ça semble incroyable et en même temps quand tu échanges un regard avec eux et quand tu les vois, tu les observes et tu les vois vivre, tu te rends compte que c'est une bête qui est extrêmement douce et que ce qu'elle préfère faire c'est de manger des myrtilles et faire des siestes. Et c'est ce qu'elles ont fait la majorité des fois où je les ai vues. J'ai vu une femelle avec son petit et j'ai vu beaucoup de tendresse entre les deux. Et ouais, donc c'est ça surtout qui m'a marqué en rencontrant ces animaux-là. Après, c'est vrai que face à des paysages, on a vraiment ce sentiment d'avoir le souffle coupé parfois. Et moi, quand je suis arrivé au lac de Telaquana et aussi au lac des Twin Necks, quand j'ai aperçu... Ce lac bleu-tirquoise, la toundra qui rougissait comme une fraise avec l'arrivée de l'automne, les sommets enneigés, la forêt bleue-argentée de la forêt boréale qui descendait comme une coulée de lave sur les rives du lac. Moi j'ai été accueilli quand je suis arrivé au lac des Twin Lakes par justement cette grizzly et son petit qui était déjà très gros et puis par des milliers d'oiseaux qui dansaient comme des aurores boréales au-dessus de l'eau. Et bah là t'es... C'est difficile de comprendre ce que tu vois tellement c'est magnifique quoi et tellement tu soupçonnais même plus que des paysages pareils pouvaient exister. Et rapidement ce sentiment de béatitude un peu il est aussi remplacé par la tristesse et puis par la colère parce que tu te rends compte que en fait si on détruisait pas la nature, voilà ce à quoi ressemblerait la planète entière. Et voilà ce à quoi ressemblait la planète entière il y a encore très récemment en réalité. au vu de l'échelle de la vie et de l'humanité. Et là, tu comprends que tu pourrais croire, en fait, face à ces paysages, que c'est infini et que ça s'étend jusqu'à la fin du monde. Et en fait, moi, je n'arrive plus à oublier que ces paysages-là, c'est les dernières parcelles de ce monde libre qui existent encore. Et donc, c'est pour ça que je dis qu'il y a autant de tristesse qui arrive que de joie face à ces paysages. Et on a ce sentiment, c'est ce que je lis dans le livre, d'avoir... A la fois le cœur qui est réparé, à la fois le cœur brisé. Parce que tu te rends compte face à des décors pareils, que la vie n'inspire qu'à une chose, c'est de s'enrichir en permanence, c'est de pousser, c'est de respirer, c'est de voler, c'est de nager. Et qu'il suffirait qu'on cesse de couper les forêts, qu'on cesse d'emprisonner les rivières, qu'on cesse de tuer tous ces animaux, qu'on cesse de polluer toute l'atmosphère. pour que ces paysages-là reprennent le dessus et se redéploient autant que possible. Donc, tu es mitigé par pas mal d'émotions face à ces décors-là et face à tous ces animaux.

  • Speaker #1

    Et peut-être un passage qui résume un petit peu à la fois cet amour pour cette nature et ces animaux et ces prises de conscience-là, c'est quand tu parles justement de cet échange de regard avec un grizzly. Tu dis Le grizzly nous parle et nous le dit. Soyez certains d'une chose, vous faites partie de ce monde et il ne vous appartient pas. Ce n'est pas la nature qui est barbare, la barbarie est de s'en éloigner.

  • Speaker #0

    Mais oui, en fait, tout ce narcissisme... de l'homme civilisé ou ce suprémacisme humain qui fait partie de sa culture, à savoir qu'on est au sommet de l'échelle de l'évolution et qu'on n'est même pas vraiment des animaux et qu'on relègue les animaux et la nature comme quelque chose de vil, d'hostile, d'inférieur, etc. que notre culture nous apprend. Et c'est vrai que la rencontre avec justement ce grizzly, ça rend... Ça nous fait redescendre tout de suite sur Terre, en fait, de tous ces délires mégalos qu'on apprend malgré nous depuis qu'on est petit, quoi. Et de cette relation qu'on a avec la nature, à savoir vraiment une rupture et une frontière entre l'humanité et le reste du vivant. Et ouais, quand tu regardes un Grisdy, t'as pas du tout l'impression d'être au sommet du monde vivant. Et il y a beaucoup de respect qui s'instaure entre soi-même et ce qui nous entoure. Et le plus on passe de temps dans la nature,

  • Speaker #2

    le plus on comprend, je ne sais pas, les capacités incroyables qu'ont tous ces animaux et toutes ces plantes aussi, et les rivières. Et moi, je voyais un peu, et c'est comme ça que Dick Pennecky voyait aussi cette vallée des Twin Necks, mais c'était comme un... Un être vivant à part entière, il y avait un lien entre le lac et la forêt, entre les rivières et le lac, entre le sommet, les glaciers et la rivière, entre les animaux et la roche,

  • Speaker #0

    et les forêts et les rivières, etc. Tout ça semble tout à fait lié. Et oui, c'est là où on aperçoit vraiment une intelligence qui est franchement, qui subjugue toute personne qui arrive à en comprendre une infime partie. Parce que je pense qu'on en comprend, surtout nous,

  • Speaker #2

    peut-être que les... Les peuples premiers,

  • Speaker #0

    c'est sûr, même, en comprenaient bien davantage, même s'il y avait toujours une part de mystère dans tout ce qui anime la vie sur Terre.

  • Speaker #2

    Mais ouais,

  • Speaker #0

    tu arrives à capter des bribes de ça en observant ces bêtes et en observant ces paysages et en vivant dans ces endroits-là, qui te ramènent sur Terre et qui t'apportent une humilité que la civilisation nous prouve,

  • Speaker #2

    nous prive,

  • Speaker #0

    pardon.

  • Speaker #1

    Et tu mentionnais la civilisation, maintenant si on parle de ce retour à la civilisation, parce que tu écris vers la fin Satané vit sauvage, comme on s'y attache, comme on aime ses lieux, comme il est dur de les quitter, Alaska, mon amour, mon paradis. Est-ce que tu finis par te prendre conscience un petit peu que tes proches te manquent, mais tu sens que tu aurais pu et peut-être que tu aurais aimé y rester pour toujours en fait dans cette cabane de Dick Pennecke ?

  • Speaker #0

    Ouais ouais, en tout cas moi je... Un rêve que j'ai depuis... Depuis très longtemps, depuis que j'ai découvert l'Alaska et depuis que j'ai découvert aussi la nature sauvage, c'était de vivre comme Dick Pennecke, c'était de m'installer en Alaska dans une cabane. Et je ne l'ai pas fait finalement parce que contrairement à Dick, je suis tombé amoureux d'une fille qui habite dans les Alpes et donc finalement à la place de l'Alaska, je suis allé dans les Alpes. Pour moi, il y a une guerre mondiale qui a lieu en ce moment, à savoir celle de la civilisation contre la vie sur Terre. Et donc il n'y a plus vraiment de lieu où se... ou aller se cacher ou déserter en fait.

  • Speaker #2

    Et je pense que des vies comme celle de Dick Pennecke sont carrément en sursis en fait, parce que ne serait-ce que matériellement, physiquement, les endroits qui permettent de vivre cette existence se réduisent. Et par exemple, on le voit très bien avec tous les peuples premiers qui arrivent encore à vivre sur Terre et à vivre avec ce qui les entoure. Ils sont massacrés, ils sont en train d'être détruits, comme ça a été le cas au Denaïna, et comme c'est toujours le cas aujourd'hui avec les derniers peuples qui habitent en Amazonie. en Asie centrale, etc. partout où ils se trouvent et donc moi j'ai à la fois terriblement l'envie de continuer à explorer ces endroits qui sont encore libres et comme tu disais tout à l'heure, comme j'ai écrit dans le livre où la vie est encore permise mais j'ai aussi en fait la terrible envie de Oui, de protéger et surtout de faire en sorte que la nature puisse revenir à des endroits où elle a été attaquée. Et ça, ça peut par exemple être le cas là où j'habite dans les Alpes. En fait, même là où je suis, dans les forêts, dans les montagnes qui m'entourent, il y a toutes sortes de projets industriels, de multinationales qui sont en cours. Et pour moi, ça a autant de sens, même plus de sens en fait, d'essayer de mettre à mal ces projets et surtout de protéger les milieux qu'ils veulent détruire. plutôt que simplement aller dans les derniers endroits qui n'ont pas encore été attaqués. Je pense que les deux vont ensemble. On peut aimer seulement les choses qu'on connaît et on peut protéger seulement les choses qu'on aime. Je pense que c'est très important d'avoir des expériences dans la nature sauvage parce que ça nous donne la force, le courage et l'envie de vouloir se battre pour ce monde-là. C'est pour ça que ce retour à la civilisation, Même si là depuis que j'ai quitté Paris, il est quand même beaucoup plus doux parce que j'essaye de vivre dans ma vie quotidienne comme je vis dans mes expéditions. En tout cas j'essaye de tendre vers ça, à savoir vers l'autonomie, vers ce mode de vie libre mais qui est bien évidemment relatif parce que que je le veuille ou non j'habite dans la civilisation. Il y a toutes sortes de règles, il y a des impôts à payer, il faut des sous pour pouvoir habiter ici, il faut être propriétaire. pouvoir planter un coin de potager, etc. Donc il y a toutes ces règles qui nous sont imposées, auxquelles on doit se plier. Et donc il y a autant de sens pour moi quand je suis dans les Alpes à protéger ce qui vit ici, et même à faire en sorte que, je ne sais pas, qu'à ma mort, par exemple, la vie soit encore plus riche que quand j'y suis arrivé. En tout cas, moi, c'est ça qui m'anime. C'est dans ça où réside mon espoir.

  • Speaker #1

    Oui parce que j'imagine que le fait de faire ce film, d'écrire ce livre, c'est que tu espères aussi, enfin j'imagine, inspirer en tout cas les gens à vouloir protéger cette nature, à vouloir peut-être plus s'attarder sur cette beauté. En tout cas je sais que personnellement depuis que j'ai lu ton livre, la façon que tu as de décrire la nature ou même ce lien particulier que tu as avec les animaux, la façon dont tu en parles, toutes les émotions qui s'en dégagent, ça donne un... encore plus envie de mieux observer, de se rendre compte à quel point c'est précieux. Je me répète, mais que voilà, tu espères que les gens seront aussi inspirés à la lecture et à la visualisation de ton film.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #2

    oui,

  • Speaker #0

    c'est comme ça,

  • Speaker #2

    sans ça que je donne un peu de sens à mon travail, au livre que j'écris et à mes films, même si je sais qu'on ne change pas le monde avec simplement un film et un livre. Mais en tout cas, ouais, essayer de faire prendre conscience aux gens qui l'ont oublié, dont je faisais partie, qui ont fait partie de la nature, et à leur faire découvrir la bagie de ce qu'on appelle la vie. Et jusqu'à preuve du contraire, la planète Terre est la seule qui abrite cette Ausha, qui est assez extraordinaire, et donc ça n'a pas de sens que de vivre dans une culture qui... qui nous pousse et qui nous apprend à détruire la chose qui est la plus unique peut-être de l'univers. Et c'est pour ça que j'écris ces livres en partie, et c'est pour ça que je réalise aussi ces films. En tout cas, de donner envie aux gens et de vouloir se battre pour les choses qu'ils aiment, et pour le territoire dans lequel ils habitent, pour ceux qui habitent encore dans des endroits qui n'ont pas été complètement détruits. et pour donner aux autres qui sont privés de cette vie-là, de peut-être vouloir y revenir ou d'en apprendre en tout cas. C'est effectivement ça que j'essaie de faire passer dans ces livres.

  • Speaker #1

    Et je mettrais bien évidemment les références, que ce soit pour ton livre ou même pour ton film, où on ne va pas avoir le temps de rentrer dans les détails, mais c'est assez impressionnant de voir la qualité des images que tu nous proposes, des plans juste splendides. Parce que tu viens poser la caméra, puis après tu fais un détour et puis tu transportes tout le matériel. Donc c'est quand même tout un challenge. Et donc là, l'Alaska, c'était aller sur les traces de Dick Pennecke. Un peu avant ça, tu l'as brièvement mentionné et ça pourrait faire l'objet d'un autre podcast, toute ton expédition en Amazonie, où là tu es parti sur les traces d'un aventurier disparu avec Raymond Mouffret. J'ai ma petite idée vu que j'ai écouté quelques interviews par-ci par-là, mais est-ce qu'il y a un autre aventurier que tu aimerais suivre ou est-ce que tu aimerais partir sur une aventure totalement différente ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que là, les deux derniers livres et films que j'ai réalisés, c'était en fait partir sur les traces de deux personnes, Raymond Maufré qui a disparu dans la jungle amazonienne et puis ensuite Dick Pennecky. Mais en fait, ce n'était pas forcément le fil conducteur de toutes mes expéditions. La première fois que je suis allé en Alaska, c'était pour rencontrer des grizzlies. La première fois que je suis allé en Mongolie, c'était parce que j'ai appris que la moitié de la population là-bas était nomade. Et je trouvais ça incroyable parce que j'ignorais que... que des êtres humains pouvaient vivre autrement que le seul mode de vie que j'avais connu, à savoir le mode de vie de civilisé urbain. Et ouais, c'est des images, des animaux, des histoires qui font naître en moi les idées des expéditions. Et la prochaine expédition, en tout cas celle à laquelle je pense le plus, ce serait de... En tout cas, il y a une harde, donc un immense troupeau, le dernier grand troupeau de caribous. qui habite au nord du Yukon et au nord de l'Alaska. Et ce troupeau-là, ils ont été comptabilisés à 218 000 individus. Et en fait, ils font la plus grande route migratoire de tous les mammifères terrestres de la planète. C'est 2500 kilomètres du nord de l'Alaska jusqu'au centre du Yukon. Et en fait, ce voyage, cette migration, c'est assez incroyable parce que ce n'est pas juste la horde de caribous qui se déplace, c'est tout un monde avec... à savoir les loups, les grizzlies, les coyotes, les wolverines, tous les oiseaux, et puis les peuples humains qui habitaient en Arctique, dans le sous-Arctique, et en Alaska ou Yukon, qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, sont dépendants des caribous. Et donc c'est tout un monde qui m'intéresse, j'aimerais bien essayer de m'incruster dans ce troupeau,

  • Speaker #2

    voir comment on s'entend, et on apprend davantage sur les peuples qui habitaient et qui habitent encore là-bas. Et puis sur cet animal qui est sacré pour nombreux de ces peuples, le caribou.

  • Speaker #0

    Et essayer de creuser les choses que j'ai déjà commencé un peu à découvrir lors de mes deux premières expéditions dans le Grand Nord.

  • Speaker #1

    Hâte de découvrir ce que tu nous partageras là-dessus. Et pour terminer, j'aime bien poser cette nouvelle question aux invités à la fin de notre échange. Si tu devais résumer pour toi, c'est quoi le voyage ?

  • Speaker #0

    C'est une définition qui est très personnelle,

  • Speaker #2

    mais en tout cas, moi,

  • Speaker #0

    je l'associe au monde sauvage, pour moi, le voyage. De manière paradoxale, ça pourrait être,

  • Speaker #2

    plutôt que de partir loin,

  • Speaker #0

    pour moi, ça serait de revenir, en fait, de revenir à nos racines, de revenir à notre histoire, de revenir à notre place. Et notre place, c'est sur la planète Terre, avec toute la vie dont on fait partie et qui nous entoure. Moi ce que j'essaye de faire dans ces voyages, comme je l'ai dit plusieurs fois déjà, c'est effectivement de réapprendre ces instincts oubliés, comme le dirait mon mot frais, de réapprendre à vivre sur Terre, aux côtés des animaux qui savent encore le faire, et aux côtés des peuples premiers qui tentent encore de vivre de leur mode de vie. Et ouais, donc pour moi le voyage ce serait le retour à la Terre en fait, et la reconnexion avec le monde vivant. Merci pour cette définition, ça te correspond bien je trouve. En tout cas, merci beaucoup Elliot d'avoir pris ce temps pour cet échange. Je le disais, je mettrai les références pour ton livre qui m'a convaincue pour reconnecter avec cette nature comme tu l'expliquais. Ton documentaire aussi qui a des images époustouflantes. Et bien évidemment tes autres livres, que ce soit sur l'Amazonie ou le premier que tu as écrit où tu racontes un petit peu Tu as traversé de la Mongolie, ton périple dans l'Himalaya. Plein d'aventures pour nous faire rêver. Donc encore merci Elliot et à très bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci à vous. Merci pour votre écoute. J'espère que cet épisode vous a plu, qu'il vous a permis de vous évader et de vous ressourcer. J'ai besoin de vous pour que l'aventure Goodyza continue. Vous pouvez vous abonner sur votre plateforme préférée afin de suivre les nouveaux épisodes. Merci. Si ce n'est pas déjà fait, vous pouvez laisser 5 étoiles et un avis, et même en parler autour de vous. Il y a aussi le compte Instagram, GoodVisaPodcast, tout attaché, que vous pouvez suivre où je poste régulièrement des photos et des vidéos pour illustrer les épisodes. Ça me touche énormément quand je reçois vos retours, alors vraiment n'hésitez pas à me faire un mot. Merci à vous, à bientôt !

Chapters

  • Comment il est devenu aventurier, ou comment tout a commencé en Australie

    01:05

  • Pourquoi l'Alaska ? Et comment on fait face à un ours ?

    06:30

  • Sa première expédition en Alaska manque de mal se terminer, et une rencontre qui va tout changer

    10:58

  • La découverte de la vie de Dick Pronenneke

    13:50

  • Alaska et Yukon : similitudes ou différences ?

    18:44

  • Sa fascination pour les animaux et le monde vivant

    20:57

  • Les Indiens Denai'na

    23:06

  • Ses rencontres sur place

    31:51

  • Ses plus grands défis lors de cette expéditions

    36:29

  • La beauté des paysages

    41:20

  • La nature n'est pas barbare, la barbarie est de s'en éloigner

    45:38

  • Donner du sens à ses aventures, et sa prochaine expédition

    52:23

Description

Eliott est explorateur, réalisateur et écrivain. Il est le plus jeune membre de la Société des Explorateurs Français.

Depuis plus de dix ans, il parcourt les derniers lieux sauvages de la planète, et l’Alaska l’a profondément bouleversé. 


Il est parti sur les traces d’un homme qui a choisi de quitter la civilisation en 1968 : Dick Proenneke. Cet homme a vécu trente ans en Alaska, dans une cabane, en totale harmonie avec la nature. C’est cette cabane qu’Eliott a voulu retrouver, afin de mieux comprendre cet homme, mais aussi ce territoire des Indiens Denai’na. Pour ce faire, il va passer 2 mois à vivre avec les grizzlis. 

Dans cet épisode, Eliott va donc nous partager cette quête, ses challenges, ses rencontres — avec les rangers locaux et les derniers Denai’na, mais aussi sa fascination pour la beauté des paysages et le monde sauvage. Avec cette aventure en Alaska, Eliott a eu un aperçu de ce que la planète a toujours été. 


Cet épisode est une invitation à renouer avec la nature. Car comme dit Eliott, la nature n’est pas barbare. La barbarie est de s’en éloigner.


Je vous souhaite une bonne écoute et surtout, bon voyage !


Les références de l’épisode : 


_______________________


✅ N'oubliez pas de vous ABONNER sur votre plateforme préférée pour écouter les prochains épisodes !

⭐️ 5 étoiles et un avis (même très court) pour soutenir le podcast, ça m'aide beaucoup ! MERCI !


Découvrez le compte Instagram du podcast avec des contenus exclusifs : @goodvisapodcast


Le podcast Good Visa est produit et présenté par Camille Merel. 


Musique : Camille Merel


Vous êtes dans le milieu des voyages ou du bien-être, et vous souhaitez collaborer avec ce podcast ? Je vous écoute : goodvisapodcast@gmail.com 


_______________________


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur GoodVisa, le podcast voyage et bien-être pour s'évader et se ressourcer. Aujourd'hui, je vous propose d'aller à la rencontre d'Eliott. Depuis plus de dix ans, il parcourt les derniers lieux sauvages de la planète, et l'Alaska l'a précédemment bouleversé. Il est parti sur les traces d'un homme qui a quitté la civilisation, empruntant une piste millénaire des Amérindiens. Cet épisode est une invitation à renouer avec la nature. Je m'appelle Camille et je vous souhaite une bonne écoute, ou plutôt un bon voyage. Bonjour à tous, bonjour à toutes, bonjour Ayotte.

  • Speaker #1

    Bonjour Camille.

  • Speaker #0

    Comment te sens-tu aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, ça va pas mal. Il fait gris, mais il pleut et j'aime bien quand il pleut aussi, parce que je suis à côté du poêle en général, donc tout va bien.

  • Speaker #0

    Avant qu'on se lance dans le vif du sujet, est-ce que tu veux bien te présenter s'il te plaît pour celles et ceux qui ne te connaissent pas, nous dire d'où tu viens, quel âge as-tu, ce que tu fais dans la vie ou plutôt ce qui te passionne dans la vie ?

  • Speaker #1

    Eh bien oui, je m'appelle donc Hildyot Schoenfeld, j'ai 32 ans maintenant. Je suis né en Seine-Saint-Denis où j'ai grandi jusqu'à mes 19-20 ans. Et puis depuis... Depuis 2015, je réalise des films documentaires sur des expéditions que je mène, dont les derniers endroits sauvages de la planète. Et puis, j'écris des livres aussi à chaque expédition. Et voilà. Et puis après, j'essaye d'en parler aux gens comme à toi.

  • Speaker #0

    Merci encore d'avoir pris ce temps. J'ai découvert tes livres il y a quelques mois et j'avais vraiment hâte qu'on puisse échanger. Donc, encore merci. Donc déjà, peut-être pour expliquer un petit peu comment on devient en fait... Aventurier comme ça, du jour au lendemain ?

  • Speaker #1

    Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, et ça s'est fait sur plusieurs années, je pense, de réflexion et d'envie qui grandissaient. Mais en tout cas, il y a eu un événement assez déterminant et qui était en fait un accident. C'est-à-dire qu'après mes études à Paris, j'ai commencé une prépa Mathsup, que j'ai arrêtée au bout de six mois parce que... Parce que j'étais fatigué d'être assis et aussi parce que j'étais terriblement mauvais. C'est-à-dire que j'avais des notes catastrophiques, donc ma classe, l'école m'aurait viré à la fin de l'année. Donc j'ai simplement pris les devants et je me suis viré moi-même. Et là j'ai commencé à faire des petits boulots sans vraiment savoir que faire de ma vie, comme pas mal de jeunes je pense de cet âge-là. Et il s'avère que ma sœur, elle avait fait un permis vacances-travail. C'est un visa qui permet de voyager, de travailler dans pas mal de pays du monde. Elle, elle l'avait fait en Australie avant d'aller à la fac, donc j'ai, par manque d'originalité, j'ai fait comme ma sœur et je suis parti aussi en Australie. Et en Australie, il y a une île qui s'appelle Fraser Island, c'est la plus grande île de sable du monde et il y a une forêt tropicale en son sein. Et j'avais vu qu'il y avait un sentier de randonnée qui traversait toute l'île, ça prenait à peu près une semaine. Et sur la carte que j'avais vue de cette randonnée, j'avais vu qu'il y avait des logos avec le symbole du camping, de la tente. Et moi mon expérience du camping en gros c'était de partir avec ma mère à la Ciotat dans un camping où il y avait toutes sortes d'épiceries, de douches chaudes et toutes sortes d'êtres humains. Et donc je me suis dit que ça allait être pareil qu'à la Ciotat et donc je suis parti avec presque rien. J'ai pris un paquet de pain de mie, j'ai pris un pot de Nutella, j'ai pris un paquet de pâtes crues mais sans rien les cuire parce que je comptais sur les cuisines. Et assez rapidement en fait en me lançant dans la randonnée j'ai compris qu'il n'y avait rien de tout ce... de tout ce à quoi je m'attendais, comme à la Ausha. Et donc j'ai certes eu faim, j'ai certes été un peu fatigué à la fin de la semaine, mais j'ai décidé en tout cas de continuer. Et ça, ça a été ma première expérience en fait dans ce qu'on appelle la nature sauvage. En tout cas, c'était la nature la plus sauvage que j'avais jamais vue jusqu'à présent. Et c'était la découverte de la solitude, de la lenteur de la marche, de l'esprit. espace de cette liberté qu'on ressent dans ces endroits-là et quand on est seul aussi et qu'on doit s'occuper de soi-même. Et puis surtout j'ai découvert la vie avec les autres animaux qui m'ont vraiment émerveillé. Notamment les dingo, c'est des chiens endémiques à l'Australie qui venaient me réveiller tous les matins vers 6h du mat et moi je courais après en caleçon pour essayer de prendre des photos et essayer de les observer. Donc ouais, c'est là que je pense que cet amour de la planète Terre vivante, est apparue et je pense qu'après ce moment là j'ai réussi en tout cas à passer le plus clair de mon temps dans des endroits qui ressemblait à ça. J'ai pas décidé de le faire tout de suite, après je suis parti moi travailler dans un camp de chiens de traîneau au Canada parce que j'avais un copain qui avait repris un camp de chiens de traîneau au nord du Québec à deux heures du premier village en motoneige et donc j'ai vécu un an avec... on avait 90 chiens. Et puis je suis rentré de ces deux années de voyage d'Australie et de Canada en France avec l'idée qu'il fallait que je revienne au monde normal, que j'avais été suffisamment heureux pendant ces deux années et qu'il fallait que je reprenne des études et que je rentre à la ville. C'est ce que j'ai fait. J'ai commencé une fac de philo et très rapidement, dès les premiers jours sur les bancs de la fac, où j'ai décidé que... J'allais faire des expéditions. Et donc à partir de ce moment-là, ça c'était en 2014, j'ai commencé à organiser des expéditions qui sont devenues de plus en plus longues, de plus en plus reculées, de plus en plus ambitieuses au fur et à mesure que j'apprenais des choses. Et donc je suis parti une première fois en Islande en 2014, que j'ai traversé de la côte sud à la côte nord. Et ensuite je suis parti en Mongolie où j'ai réalisé mon premier film. où j'ai écrit mon premier livre. Et ensuite, je suis allé en Alaska une première fois. Et ensuite, j'ai traversé la chaîne himalayenne du Cachemire indien jusqu'au Népal. Et je suis ensuite parti explorer la jungle amazonienne en 2019. Et la dernière expédition que j'ai réalisée, c'était en 2023, en Alaska à nouveau, pendant plusieurs mois là-bas.

  • Speaker #0

    Super, merci pour toutes ces explications. Ça permet aux auditeurs de resituer un petit peu tout. Est-ce que tu peux nous expliquer ce qui t'a attiré en Alaska pour la première fois ? Comment ça se fait que tu te sois retrouvé là-bas ?

  • Speaker #1

    Déjà, moi, je passe toujours des nuits entières à regarder Google Earth pour essayer de trouver les endroits les plus sauvages qui restent sur la planète. Et c'est vrai que tout de suite, quand on regarde des cartes, le regard est attiré par le Grand Nord, parce que je pense que c'est encore les plus grands territoires qui sont aujourd'hui encore libres. Et j'avais appris aussi qu'en Alaska, il y avait la plus grande concentration de grizzlies et d'ours au monde. Et moi pendant mon année au Canada, j'avais le rêve terrible de croiser un ours et ça n'est jamais arrivé en un an de vie là-bas. Et donc c'est pour ça que ça m'a semblé assez naturel l'Alaska. Et je n'ai pas été déçu parce que dans cette première expédition, je crois que j'ai croisé 16 ou 17 ours, un truc comme ça. Et donc voilà, j'en ai eu autant que je voulais.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, j'allais te parler de ces fameux ours. Est-ce que tu veux bien raconter cette fameuse anecdote de ta première rencontre assez proche avec un ours quand tu y étais pour la première fois ?

  • Speaker #1

    Ouais, sur les dizaines d'ours que j'ai rencontrés en 2016 et en 2023, il y en a une seule où ça ne s'est pas très bien passé. C'est parce que ça faisait, je crois, plusieurs, peut-être une semaine que j'avais... Je ne croisais aucun village ou aucun être humain. Je marchais dans une forêt qui était extrêmement dense. Tu as rapidement un sentiment de claustrophobie et d'enfermement quand tu marches pendant des jours dans cet environnement-là. Au bout de plusieurs jours, j'ai fini par avoir un peu de lumière au loin. J'ai réussi à sortir de la forêt et je suis tombé sur une magnifique rivière avec une très grande plage de sable. J'ai eu l'impression de pouvoir respirer de nouveau. Le seul détail, c'est que sur cette... plages de sable il y avait des traces absolument partout de pattes d'ours quoi et comme je suis assez idiot comme garçon et ben ça m'a pas empêché de d'y planter ma tente parce que j'avais vraiment pas envie de recamper dans la forêt et je me suis mis à faire mon camp et puis j'ai fait un feu j'ai cuisiné puis ensuite j'ai j'ai fait la vaisselle dans la rivière et pendant que je faisais la vaisselle dans la rivière il ya quelque chose qui m'a attiré dans le coin de l'oeil j'ai tourné la tête et j'ai vu ma tente et sur ma tente il y avait un ours en fait c'était un ours noir qui n'était pas du tout d'accord avec mon projet de passer la nuit sur son territoire. Et ça en est suivi, une grosse engueulade d'une demi-heure, donc il venait vers moi. Moi j'ai essayé de me montrer plus fort que je ne le suis en réalité. Donc on lève les bras, on crie, on fait comme si on n'avait pas peur de lui. Et puis j'avais une bombe à poivre, parce que je ne suis jamais parti avec une arme à feu en Alaska. Et donc j'ai ma seule protection, à part moi-même, c'est une bombe à poivre. C'est une genre de petite bombe lacrymo qui fait éternuer l'ours 5 minutes, il va dans la forêt et puis ensuite il revient. Et donc voilà comment ça s'est passé. J'avais ma caméra qui était sur son trépied parce que je crois que je m'étais filmé en train de cuisiner ou un truc comme ça. Donc en fait j'ai réussi à filmer toute cette scène avec l'ours. Mais je veux dire, je n'ai aucune rancune envers cet ours, c'est moi qui étais complètement dans l'erreur. C'est à dire qu'en fait il a réagi très normalement. Si toi tu rentres chez toi un soir et que dans ton salon tu vois un gars qui a installé sa tente et en plus qui se permet de te gueuler dessus quand tu lui fais savoir qu'il faudrait qu'il parte. Et donc sans rancune avec cette ours, il m'a appris à avoir un peu plus de bon sens quand on voyage en Alaska. Et après ça, je n'ai jamais planté ma tente dans des endroits où il y avait vraiment explicitement la présence d'ours qui passait par là très régulièrement. Et ensuite, j'ai eu toujours des rencontres très cordiales avec eux. avec les autres compères que j'ai rencontrés.

  • Speaker #0

    Donc effectivement, tu as fait beaucoup de rencontres en Alaska et dans ton premier voyage en 2016, tu étais plutôt du côté de Brooks Range, qui est beaucoup plus au nord dans les terres. Et tu nous parles un petit peu dans ton livre de Tom, ton sauveur cette première fois, parce qu'en fait, déjà, il t'a expliqué que la vallée des Twin Lakes, c'était la porte d'entrée vers le dernier paradis terrestre, la dernière parcelle d'un monde perdu, où la vie est encore permise et où elle dévoile toute sa magie, et ça réjette. richesse et sa beauté. Vu ce que tu nous disais pour ton amour pour tous ces territoires, j'imagine que quand il t'a dit ça, tu t'es dit bingo. Mais surtout, il t'a offert un livre qui t'a donné envie d'y revenir plus tard. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

  • Speaker #1

    Moi, Tom, je l'ai rencontré pendant cette première expédition en 2016. Cette expédition, j'ai commencé en canoë où je suis parti du Yukon à Whitehorse, qui est la capitale du Yukon au Canada. Et ensuite, j'ai descendu le fleuve du Yukon pendant un mois et demi. Je crois que j'ai fait quelque chose comme 1800 kilomètres de navigation jusqu'au village de Tanana, qui est à peu près à mi-parcours du fleuve du Yukon. Et là, j'ai vendu mon canoë et je me suis fait déposer par un gars dans son bateau, 10 kilomètres après Tanana, sur la rivière. Et donc, j'ai été déposé là, il est parti, je me suis retrouvé tout seul, j'ai enfilé mon sac à dos et j'ai commencé à marcher sur la berge. qui en fait très rapidement a disparu et donc j'ai dû m'enfoncer dans la forêt. Et la forêt là-bas, c'est comme je disais tout à l'heure, là ça ressemble vraiment à... C'est aussi dense en fait que la jungle amazonienne, comme on se l'imagine. Ce qui a fait que je pense en vraiment des heures et des heures, je crois que si j'avais marché 7 heures ou 8 heures de marche, j'ai dû effectuer quelque chose comme, je ne sais pas, 1 ou 2 kilomètres. Et j'étais dans un état d'épuisement extrêmement avancé. J'ai planté ma tente. Je me suis endormi en espérant que tout ça était un cauchemar et je me suis réveillé exactement au même endroit. Et donc là j'ai compris que je ne pourrais pas atteindre mon objectif, l'océan Arctique, en passant par là, parce que ça me prendrait des mois et des mois, et que je n'avais pas assez de provisions pour tenter ça. Donc j'ai laissé tout mon camp sur place et j'ai plongé dans la rivière Tosic, j'ai descendu à la nage jusqu'à rejoindre le fleuve du Yukon. Et là, j'avais presque rien, parce que j'avais laissé toutes mes affaires là-bas. Donc j'ai trouvé une petite plage, la même petite plage où on m'a déposé la veille. Et j'ai rassemblé des branches et des feuilles pour faire un feu d'urgence, qu'on puisse me voir au loin si jamais je croisais un bateau. Et donc j'ai attendu plusieurs minutes et puis plusieurs heures, et en fait plusieurs jours sans croiser personne. Et c'est seulement après deux jours où j'ai entendu un bruit, et puis j'ai vu un point au loin, à l'horizon, et c'était le canoë de Tom. qui est venu vers moi et qui m'a secouru de ma situation. Et en fait, j'ai vécu ensuite pendant une semaine chez Tom, qui est un trappeur et qui habitait dans une cabane dans la forêt avec ses chiens de traîneau, parce que l'hiver, ils se déplaçaient en chiens de traîneau. Et pendant toute cette semaine, il m'a raconté la vie en Alaska, il m'a raconté l'hiver, il m'a raconté les rencontres avec les loups, avec les grizzlies. Et on est devenus très amis. Et quand je suis parti une semaine après, et puis surtout, en fait, il m'a donné des cartes et il m'a expliqué par où je devrais passer, où ce serait le plus facile pour atteindre mon objectif. Et c'était de passer en fait par les montagnes. C'est ce que j'ai fait et c'est ce qui m'a permis de réussir l'expédition. Et en se quittant, il m'a offert ce livre qui s'appelle One Mile Wilderness. C'est le livre, c'est le journal intime en fait de Dick Penetti. qui est un homme qui dans les années 60, en fait, il avait 50 ans et il a décidé... Il a eu un accident parce qu'il travaillait sur des grands chantiers industriels. Il a failli se faire écraser par une pelleteuse et il est resté plusieurs mois à l'hôpital et il s'est dit que si ça avait été sa dernière vision, il aurait eu le sentiment que sa vie aurait été un échec ou en tout cas il aurait eu beaucoup de regrets. Après cet accident, il a quitté son travail, il a quitté la ville où il travaillait et puis il a rejoint l'Alaska. et il a rejoint un lac qui s'appelle les Twin Lakes. On appelle les Twin Lakes parce que c'est deux lacs tout en longueur qui sont reliés l'un à l'autre par une toute petite rivière qui doit faire 100 ou 200 mètres. Et ça ressemble à la forme un peu d'aile de libellule de plusieurs dizaines de kilomètres. Et le lac qui est un peu plus au nord, qui est vers l'est, est d'une couleur bleu turquoise indescriptible parce que c'est le plus beau bleu que j'ai jamais eu de ma vie. Et le lac qui est à l'ouest, le deuxième lac jumeau, c'est un lac qui a la couleur de l'océan. Donc tu as ces deux immenses taches bleu turquoise et bleu marine qui se côtoient et reliées par une petite rivière. Et c'est là qu'il a décidé d'établir son camp et de se construire une cabane. Et donc pendant trois mois, il a construit une magnifique cabane avec ses propres mains, en n'utilisant que des objets manuels et surtout en n'utilisant que les ressources de la forêt. C'est-à-dire qu'il a fait une cabane en fusse, donc il a utilisé des troncs d'arbres pour les murs. il a utilisé la mousse pour isolé la cabane entre les interstices des rondins. Il a fait son toit avec de la terre où un jardin sauvage a fini par plancer. Il s'est construit une magnifique cheminée avec les pierres qu'il avait trouvées dans la rivière Hope. Et lui, son projet, c'était d'y habiter un an, en fait, dans cette cabane. Et l'année s'est écoulée. En fait, il y est resté 29 de plus. Et donc, pendant ses 30 ans, dans cette cabane, il a... établit une relation très intime avec toutes les choses vivantes qui habitaient autour de lui. Il a vraiment passé toute sa vie à explorer, à côtoyer, à observer, à créer des liens avec toute la vie qui a habité cette vallée. Il est tombé amoureux vraiment de ses forêts, de ses rivières, de ses lacs, de ses grizzlies, de ses loups. Et par exemple, il y avait tous les écureuils qui étaient autour de sa forêt, qui venaient le voir tous les matins, qui venaient dans sa... dans le creux de sa main pour chercher des caresses. Il y a les oiseaux qui nichaient dans les arbres autour de lui, qui venaient aussi dans sa main pour y prendre quelques graines. Il y a les loups qui venaient à son appel. Et puis, il connaissait tous les animaux. Il connaissait leur caractère, leurs différences, le nombre de naissances de grizzlies qu'il y avait eu cette année, où était leur tanière, il connaissait le nombre de mouflons, où était leur endroit préféré, en fonction des saisons, etc. C'est ça qu'il écrit. pendant ses 30 ans, dans ses carnets. Et c'est sûr que moi, à la lecture de ce livre, j'ai été... En tout cas, je me suis senti très proche et j'ai été très... Enfin, ça m'a laissé rêveur, quoi, toutes ces descriptions de paysages. Et donc, c'est à ce moment-là où je me suis promis que je reviendrais en Alaska pour essayer de retrouver sa cabane. Parce que Dick Pennecchie est mort dans les années 2000, donc il y a un peu plus de 20 ans maintenant. Mais sa cabane est toujours présente au Twin Lakes.

  • Speaker #0

    Pour resituer un petit peu l'Alaska, donc l'Alaska c'est situé au nord-ouest de l'Amérique du Nord, c'est séparé du reste des Etats-Unis par le Canada. Et puis j'ai bien aimé que tu mentionnes quand même le fait que tu étais passé par le Yukon, parce que j'avais fait un épisode dessus avec Julien Abbat, qui lui donc était du côté canadien du Yukon. Tu me corrigeras si je me trompe, mais les points communs entre l'Alaska et le Yukon, on a vraiment cette nature sauvage qui est préservée, avec toutes ces montagnes, il y a beaucoup de faune commune avec... Les caribous, les ours, les orignaux, les grizzlies, il y a un climat très rigoureux d'un côté comme de l'autre. Et après, en termes de différence, ça va être plus sur le fait que l'Alaska est beaucoup plus vaste et peuplée que le Yukon. Après, l'économie, on va avoir l'Alaska qui est plus centrée sur le pétrole, le Yukon sur le tourisme et l'exploitation minière. Et après, en termes de paysage, j'ai l'impression en tout cas que l'Alaska, ça offre peut-être plus de diversité en termes de spectacle par rapport à la nature. notamment ce bleu que tu mentionnais avec ces fjords, ces lacs qui sont impressionnants, tandis que le Yukon, ça va plus être focalisé sur ces terres historiques, un petit peu intimistes. Est-ce que tu es d'accord avec ça par rapport à la différence entre Alaska et Yukon ?

  • Speaker #1

    Je ne saurais pas forcément dire, parce que moi j'ai fait ce séjour au Yukon, je suis resté en fait deux semaines, parce qu'après deux semaines de navigation dans mon canoë, je suis rentré dans l'Alaska, et j'ai eu l'impression que c'était vraiment un territoire... Très similaire quoi et en fait cette frontière, d'ailleurs quand j'ai franchi cette frontière on se rend compte du côté assez obsolète, du côté illusoire que sont en réalité ces frontières qu'on trace sur des morceaux de papier et de cartes parce que les arbres étaient les mêmes d'un côté de l'autre et puis rien ne pouvait me laisser soupçonner que j'étais passé d'un pays à l'autre. Et puis de toute façon historiquement les peuples premiers qui habitaient ces régions en fait ils passaient... De l'Alaska au Yukon, tous les ans, en fonction des routes qu'ils prenaient dans leur route nomade. Et puis les troupeaux aussi d'animaux traversent ces frontières tous les ans. C'est les routes migratoires qu'ils empruntent. Et ensuite, quand tu descends des rivières, tu es très bas. Et donc tu n'as pas un horizon qui est immense parce que tu es en bas des montagnes. donc tu peux pas forcément te rendre compte de l'immensité de ce qui t'entoure et tu le comprends plus quand tu prends de la hauteur et ça c'est en Alaska que j'ai réussi à avoir ces visions là mais je crois aussi que dans le Yukon ils ont des lacs aussi magiques que ce qu'il peut y avoir en Alaska après je pense que l'Alaska a été beaucoup moins développé encore aujourd'hui que le Yukon Mais je pense que c'est vraiment des territoires voisins qui se ressemblent en pas mal de points.

  • Speaker #0

    Et là, comme tu nous expliquais, Dick Pennecke, tu t'es lancé dans cette quête. Et donc ton livre Alaska sur la piste de Telaquana et ton film Alaska, la cabane de Dick Pennecke, c'était vraiment pour témoigner ton admiration pour cet homme et tu as voulu suivre ses traces. Est-ce que ça a changé quelque chose par rapport à tes expéditions ? Parce que là, c'est la dernière que tu as faite. Est-ce que tu as senti une différence par rapport à tes autres expéditions ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense qu'elles sont toutes assez différentes, mes expéditions, parce que l'expédition qui a précédé, c'était en Amazonie, donc ça n'avait à peu près rien à voir avec ces expéditions-là. Et puis, surtout, c'est une des expéditions en Amazonie où j'ai eu le plus peur. Enfin, c'est la expédition où j'ai eu vraiment le plus peur pour ma vie. Moi j'ai l'impression de toujours apprendre des choses et d'absorber plein d'émotions, plein de connaissances, plein de compréhensions sur le monde vivant quand je passe du temps et que je rencontre des animaux. Et au fur et à mesure qu'on passe des jours et des semaines et des mois dans ces environnements-là, on comprend en fait toutes les lois et toutes les relations et tous les secrets. qu'on arrive à percevoir et qui lie tous les animaux et tous les êtres vivants, du plus petit au plus grand. Et moi, c'est pour ça que j'adore rencontrer ces animaux. C'est parce que quand je croise le regard avec un grizzly ou avec un loup ou avec des orignaux, j'ai l'impression de voir ce à quoi j'aspire à tendre, à savoir des êtres qui sont libres, qui ont une connaissance parfaite du territoire où ils vivent. et qui savent se débrouiller soit en troupeau, soit tout seul. Et c'est ça, moi, que j'essaye de faire, à savoir réapprendre à vivre sur Terre, à savoir réapprendre avec la vie qui nous entoure et essayer d'atteindre une certaine symbiose et une certaine harmonie et de se rappeler qu'on est un animal et qu'on fait partie et qu'on appartient au reste du vivant. et que jusqu'à très récemment, l'ensemble de l'humanité a su trouver sa place sur cette planète, aux côtés de tous les autres animaux, avec suffisamment d'harmonie pour que le reste du vivant et la vie en général continuent à s'enrichir, à se développer et à foisonner dans tous les endroits de la planète. C'est ça le fil conducteur de toutes mes expéditions et j'ai l'impression de progresser sur celui-ci à chaque nouveau voyage. Et surtout là, j'ai beaucoup appris sur la vie de Dick Pennecke, certes, mais Dick Pennecke a lui-même été beaucoup inspiré par le peuple premier qui a habité ces terres pendant des milliers et des milliers d'années, qu'on appelle le peuple d'Enaïna. Et il a rencontré plusieurs anciens de ce peuple-là, et j'ai beaucoup appris sur la vie de ce peuple-là, qui a été un des derniers peuples à être colonisés par les civilisés. Ces personnes-là vivaient un corps de la manière dont ils avaient vécu pendant des milliers d'années. Il y a un corps en gros trois générations, quoi. Et ce qui fait que ça semble très proche. Et donc, c'est très facile de s'imaginer la manière dont ils avaient pu vivre dans ces territoires-là. Parce que les territoires où je suis passé, en tout cas, ont très peu changé en l'espace de 100 ans. Il y a d'autres endroits en Alaska qui ont énormément changé, mais celui-ci a été en partie préservé. Et donc, par exemple, ce peuple-là, ils étaient une connaissance... vraiment fabuleuse de la forêt par exemple il connaissait les plantes médicinales les plantes qui étaient comestibles il récoltait la sève des arbres pour en faire de la colle ou pour en faire des moyens de s'éclairer il y avait vraiment une éthique de la chasse et de la pêche et de la cueillette en général avec ce qui les entourait qui était extrêmement respectueuse quoi et dans le sens où quand il y tuait un Un caribou, par exemple, ils allaient choisir quel caribou ils allaient tuer. Ils n'allaient jamais tuer les vieux caribous qui font office de guide dans les hordes de caribous. Ils n'allaient jamais tuer des mâles ou des femelles reproducteurs. Donc, ils tuaient souvent des jeunes de moins de deux ans. Et en fait, ils utilisaient absolument tout. Parce que comme ils comprenaient que le sacrifice de cet être qui leur... permettaient de perdurer leur vie, ils considéraient qu'il fallait en faire usage d'une manière, sans gâchis en gros. Donc il y avait vraiment ce lien qui était très fort avec le reste de vivants qui impliquait qu'ils en prennent soin en fait. Parce qu'en fait, comme ils étaient dépendants par exemple des saumons et des caribous, il fallait que l'année prochaine, que les saumons soient encore là et encore en meilleure forme et que la harde prospère chaque année un peu plus. Et c'est ça qui implique aussi la relation très importante qu'ils avaient avec leur territoire. Et le lac des Twin Lakes, où Dick Pennecke a construit sa cabane et que j'ai retrouvé, c'était un lieu très important aussi pour les Denaïna, parce que c'est là où il y avait les meilleurs gisements de pierres pour se construire des flèches d'arc ou des couteaux ou des outils pour tanner les pots ou des haches, etc. Donc c'était un endroit assez sacré où ils passaient régulièrement pour changer les vieilles pierres contre des nouvelles. Et à chaque fois d'ailleurs... Soit ils replaçaient les vieilles pierres qu'ils avaient prises précédemment, soit ils laissaient de la nourriture pour les animaux de la montagne, en échange des pierres qu'ils prenaient à la montagne. Donc en tout cas, j'ai découvert l'histoire de ce peuple-là, qui m'a vraiment beaucoup touché, et en particulier parce que, comme je l'ai dit, vraiment à l'époque de mon arrière-arrière-grand-père, en gros, ce peuple-là existait encore et vivait du même mode de vie millénaire avec lequel il avait toujours vécu. Donc quand j'étais tout seul dans ces rivières, dans ces forêts, au sommet de ces montagnes, j'arrivais très facilement à les voir et presque à les entendre et à m'imaginer la vie qu'ils avaient pu mener ici. Donc je dirais que c'est ça qui m'a beaucoup appris et touché pendant ce voyage, c'était la rencontre de tous ces animaux et l'histoire de ce peuple qui vivait avec tous ces animaux. et qui nous fait comprendre que ce n'est pas l'animal humain en tant que tel qui est mauvais pour la planète, comme on peut l'entendre dire. Et moi, je ne pense pas que l'animal humain est par nature, contre nature, dans le sens où il est de manière intrinsèque destructeur de son environnement. Je pense qu'en fait, pendant l'immense majorité de notre histoire, on a su vivre avec ce qui nous entourait. Et la vie de Dick Pennecky et la vie d'Edena Hina le prouvent. Et moi, c'est des histoires qui m'intéressent.

  • Speaker #0

    Et qui te fascinent. J'aimerais bien qu'on revienne sur les animaux, mais avant ça, pour terminer sur le peuple des Denaïna, tu racontes à la fin de ton livre que tu t'es rendue dans certains villages avec encore quelques Denaïna, et tu expliques que malheureusement, c'était quand même assez triste à voir parce que tu as senti qu'ils étaient en train de perdre un petit peu tout leur héritage. Tu racontes que tu es invité chez un jeune homme et tu te rends compte que dans les placards, c'est les produits américains, que vous êtes là à parler de rap, de choses comme ça. Et que ça t'a rendu très triste de te rendre compte de tout ça.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'était... En tout cas, c'est le schéma qui existe chez tous les peuples premiers que j'ai pu rencontrer dans les quatre coins du monde. Mais là, par le fait que la destruction de... ce peuple-là, que ce soit culturellement et même, je veux dire, il y a eu des massacres qui ont été faits, soit si récent, qui fait que c'est le peuple où j'ai vu le plus de souffrance et de violence qui ont été faites sur eux. Et donc, ça amène en tout cas de l'alcool, ça amène de la drogue, ça amène de la dépression, ça amène des violences conjugales, etc. Et c'est ça, c'est le spectacle en tout cas que j'ai eu, le terrible spectacle. que j'ai eue en arrivant dans ce village où il y a les derniers Denaïna qui habitaient. Et oui, en fait, en gros, l'histoire qui leur est arrivée, c'est que quand les Russes et ensuite les Européens sont arrivés, ils ont massacré nombre de villages. Et puis surtout, les peuples civilisés ont très vite compris qu'il était très difficile d'exploiter et de contrôler des peuples qui savaient trouver leur subsistance par eux-mêmes d'avantage et qui étaient libres et autonomes. Ils savaient se nourrir, ils savaient s'abriter avec ce qu'ils avaient autour d'eux. Et donc une technique...

  • Speaker #0

    qui existe depuis l'émergence de la civilisation, de mettre à mal ces conditions de subsistance. On peut le faire de différents moyens, en allant directement massacrer les villageois, en leur filant plein de maladies, et aussi, par exemple, en rasant des forêts ou en empoisonnant des rivières. Il y a un colonel qui s'appelle le colonel Dodge qui a participé à la conquête de l'Ouest aux États-Unis en Arizona. qui avait cette phrase qui disait qu'un bison mort était un indien mort, et donc c'était une technique décivilisée pour contrôler des territoires et des peuples, c'était notamment de tuer des troupeaux, des centaines et des milliers de bisons. Et donc c'est ce qui venait au Denaïna aussi, au XIXe et au XXe siècle, et ce qui fait qu'en fait les derniers survivants ont été obligés malgré eux, par la vécisation des... et par la destruction de leur territoire de de rejoindre en fait les comptoirs comptoirs commerciaux qui faisait office des premières villes en tout cas et des premiers forts de la civilisation en alaska et donc là il passe d'un statut de chasseurs cueilleurs à un statut de salariés en fait et ça ça implique toute une toute un autre paradigme en fait et une autre relation avec la nature c'était que jusqu'à présent tous ces animaux qui étaient leurs voisins et dont ils dépendaient et dont ils prenaient soin ben c'est devenu des marchandises qu'ils devaient tuer pour vendre ensuite les fourrures et fourrures qui leur permettrait d'avoir des sous pour ensuite pouvoir s'acheter à manger à boire et toutes les choses qui étaient nécessaires pour vivre et donc oui cette rencontre à Lime Village ça a été un moment très difficile quoi et c'était Très compliqué en fait d'avoir des témoignages des derniers anciens qui étaient dans le village et d'avoir des conversations parce que ils étaient très fortement alcoolisés et je pense que les souvenirs avaient en grande partie disparu. Mais ça c'est, en tout cas moi j'ai été magnifiquement bien accueilli par ces gens là qui sont d'une générosité. Ils étaient vraiment super chaleureux avec moi, donc j'étais super heureux aussi de rencontrer ces personnes-là. C'est juste que c'est triste à mourir que de voir que la civilisation industrielle, elle ne détruit pas seulement les animaux, les forêts, les rivières, elle détruit aussi les hommes. Et c'est ce que j'ai pu voir à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Tu as rencontré aussi des habitants de l'Alaska, avec notamment des rangers qui s'occupaient de préserver cette cabane de Dick Penicky, dont une dame qui le connaissait personnellement. Qu'est-ce que tu as retenu de tes échanges avec ces personnes-là ?

  • Speaker #0

    En tout cas, moi en Alaska, honnêtement, j'ai rencontré vraiment des gens qui ont été très importants pour moi, autant dans mon expédition en 2016 et mon expédition celle-ci. Et puis je pense que c'est en tout cas des choses que j'ai pu retrouver un peu partout dans les endroits sauvages où il y a peu d'humains qui habitent ou dans des endroits où c'est des sociétés à taille humaine. Et ce qui fait que l'entraide et l'accueil font partie intégrante de la culture et des moyens aussi de pouvoir survivre et vivre dans ces endroits-là. Donc j'ai vraiment beaucoup de fois été accueilli et aidé par plein de villageois, que ce soit des Amérindiens ou des Blancs. Et là, les deux seules personnes que j'ai rencontrées pendant cette expédition, c'était une ranger qui s'appelait Kat, qui habitait à quelques kilomètres de la cabane de Dick. Et la deuxième personne que j'ai rencontrée, quelques semaines plus tard, c'était une femme qui s'appelle Jeannette. Et c'est elle, en fait, qui a retranscrit tous les carnets de Dick Pennecy qu'il a écrits pendant ses 30 ans. Et donc, c'était les deux rencontres de ce voyage-là et rencontres super importantes parce que... Parce que déjà, c'était des super femmes, on a bien rigolé, puis elles m'ont filé à manger quand j'avais plus rien. Et surtout parce qu'elles m'ont parlé de Dick Pennecky, qu'elles connaissaient de manière très approfondie, surtout pour Jeannette. Et puis elles m'ont raconté aussi la vie qu'elles avaient menée en Alaska, dans cette nature sauvage, et les nombreuses rencontres aussi avec les animaux qu'elles ont eues. En tout cas, j'ai eu l'impression de rencontrer... de connaître Dick Pennecke bien plus après avoir rencontré ces deux femmes et puis surtout Kat c'est beaucoup elle qui m'a parlé des dénailles là et c'est elle d'ailleurs qui a qui m'a parlé de cette fameuse piste qui a donné le titre du livre, la piste de Telaquana. Et cette piste, en fait, c'était la piste ancestrale qu'utilisait ce peuple, parce qu'il y avait différentes communautés, différents camps, différents villages d'Edenaïna. Et en fait, il suivait tout au long de l'année cette piste, relier toutes ces différentes communautés et relier tous les différents endroits par lesquels il passait pour l'arrivée des saumons ou alors pour aller au Twin Necks, comme j'ai dit, pour aller chercher des pierres. etc. Et ouais, donc c'était très beau de pouvoir lire, lire tous ces choses là et c'est grâce à Kat notamment que j'ai pu en apprendre vraiment beaucoup sur la vie de ses hommes et de ses femmes quoi. Et surtout en fait, moi quand je suis arrivé à la cabane de Dick Pennecke, j'avais pas vraiment réfléchi à la suite de l'expédition, je crois qu'inconsciemment je me disais que je ferais demi-tour et que je reviendrais de là où j'étais d'où j'étais parti. J'ai mis à peu près deux semaines pour atteindre la cabane et donc je me disais que je rentrerais deux semaines plus tard quoi. Et en fait, sans m'en rendre compte et sans en avoir du tout conscience, j'ai réalisé grâce à Kat que j'avais suivi cette fameuse piste de Telaquana presque au kilomètre près de là où j'étais parti jusqu'à la cabane. Et donc il m'a semblé tout à fait logique et naturel d'aller au bout de cette piste qui allait jusqu'au village de Lime où j'ai terminé l'expédition. Et donc une fois que j'ai quitté le lac des Twin Lakes, j'ai continué à remonter vers le nord, je suis passé par le lac Turquoise, de lac Telaquana et ensuite j'ai descendu la rivière Telaquana et le fleuve Stoney jusqu'à Lime Village et ça c'est vraiment improvisé au cours de l'expédition, au milieu de l'expédition notamment grâce à Kat et ça arrive souvent en fait que moi mes expéditions je les prépare peut-être 40-50% en amont mais 50 à 60% en fait se font sur place avec les personnes qui habitent ces lieux et qui le connaissent mieux que quiconque et c'est pour ça qu'il y a une grande part aussi d'improvisation de... de mes voyages et qui se précise en fait au fur et à mesure des semaines.

  • Speaker #1

    Et là justement en parlant de ton expédition plus particulièrement, est-ce que tu peux nous partager peut-être les défis que tu as rencontrés ? Parce que tu nous expliquais au début, si je me rappelle bien que c'était dans ta première expédition, où là tu te rendais compte que c'était vraiment difficile de progresser dans cette nature qui était vraiment intense on va dire. Et là, dans cette deuxième expédition, quels ont été peut-être tes plus grands défis, que ce soit physiques ou même peut-être mentaux ?

  • Speaker #0

    Le plus dur, c'est vraiment le début. C'est même juste les jours qui précèdent l'expédition. C'est là où moi, j'ai le plus peur. Et puis les premiers jours aussi, quand on commence à quitter la civilisation, à couper ce cordon et à s'enfoncer dans des endroits où on est sûr qu'il va falloir réussir à s'occuper de soi-même. Et oui, le plan B, ça me nuise au fur et à mesure qu'on s'enfonce de plus en plus loin. Et donc oui, moi, cette peur, en tout cas, je la ressens à chaque fois. Et donc, il faut se faire sacrément violence et se rappeler pourquoi on va dans ces endroits-là. Et en fait, au fur et à mesure des jours, on a évidemment une fatigue physique, surtout que moi, en fait, je ne me prépare pas physiquement avant de partir en expédition. Les seuls préparatifs physiques que je fais, c'est de m'empiffrer de plein de gâteaux et de plein de trucs pour avoir des kilos à perdre si je maigris trop là-bas. Les premiers jours sont particulièrement durs physiquement et psychologiquement parce que tout ce qu'on a quitté nous manque. Comme je dis dans le livre, c'est un peu l'effet de la nature sauvage sur l'homme civilisé qui a passé trop de temps. de temps dans son enclos urbain. C'est que tout nous semble impossible et tout nous fait peur. On voit ces montagnes qui nous regardent de très haut et on voit ces forêts qui nous semblent beaucoup trop mystérieuses. Et en fait, au fur et à mesure des jours, comme dans toutes mes expéditions, on commence par comprendre les lois qui ordonnent cet endroit-là. On s'y soumet et puis très rapidement, on se rend aussi compte à quel point on est dans... dans les endroits les plus beaux de cette terre. Et donc la peur fait vite place à l'émerveillement. Et ça, ça a été un peu ce qui s'est passé dans toutes mes expéditions. Il y en a qui ont été un peu plus apeurantes que d'autres.

  • Speaker #2

    Mais là,

  • Speaker #0

    je connaissais quand même l'Alaska.

  • Speaker #2

    Et la chose qui a été la plus compliquée en Alaska,

  • Speaker #0

    ça a été le froid. Parce que je ne m'étais pas du tout préparé à des températures comme j'ai eu. Et Kat, d'ailleurs, la Ranger m'a... m'a appris que c'était un des étés et des automnes les plus froids et les plus vieux qu'elle ait jamais connu. Et en fait, je n'avais pas du tout pris un duvet qui correspondait aux températures. Donc ça, ça a été compliqué. C'est-à-dire qu'il y a eu des nuits vraiment où j'ai à peine pu fermer l'œil. Et j'ai fini par tomber sur une cabane où il y avait des cartons pleins de couvertures et de duvets. Donc je me suis permis d'en prendre un. Je leur ai filé mon appareil photo en échange parce que je ne m'en servais pas et que ça pesait lourd. Et donc j'ai pu terminer. j'ai pu terminer l'expédition en ayant bien plus chaud qu'au début. Après, pour moi, c'était vraiment un voyage assez... C'était un rêve, ce voyage. J'ai trouvé qu'il y avait une douceur, moi, au fur et à mesure des jours et des semaines, qui était super belle à vivre, contrairement à d'autres moments d'expédition qui étaient vraiment plus rudes. C'est surtout parce que j'ai vraiment été... J'ai vu des choses absolument incroyables, certains des plus beaux paysages que j'ai jamais vus de ma vie. tous les jours que j'ai passé là-bas, ce qui fait que les... Les petits désagréments comme la fatigue, la froid ou la faim deviennent très vite secondaires quand on a la chance de pouvoir échanger un regard avec un loup par exemple et quand on a la chance de pouvoir pêcher un saumon aussi. Parce qu'en fait j'ai réussi aussi pour combler ma faim, parce que j'avais pris des provisions certes, mais j'en ai pris très peu et donc je comptais évidemment me nourrir avec ce que je trouvais sur place. En fait je me suis nourri pas mal comme un grizzly, à savoir à base de myrtilles. et à base de saumon. Et il y a vraiment des tounes droits et des hectares et des hectares et des hectares de myrtilles là-bas qu'on appelle l'or bleu. Et donc, c'est difficile de mourir de faim en Alaska, en tout cas à ces périodes de l'année. Et ce qui fait que la faim, contrairement à l'Amazonie par exemple, ça a été un problème beaucoup plus secondaire que dans la jungle.

  • Speaker #1

    Tu parles justement de cette nature, cette fascination que tu as pour la beauté des paysages, et on sent qu'au fur et à mesure de tes expéditions, ça prend une place de plus en plus importante. Tu dis par exemple à un moment que tu t'arrêtes sans cesse, que tu es hypnotisé par les paysages, que tu ne sais même plus où porter ton regard, que tout t'attire jusqu'à en avoir le tournis, et tu dis même que tu es ébahi de bonheur, en pleine félicité. Comme si le monde t'avait saisi de toute sa force, comme si tu avais vécu toutes ces années pour ces quelques secondes que le miracle est partout autour de toi. Donc j'imagine qu'on doit se sentir submergé, est-ce que c'était pas trop par moment de ressentir toute cette beauté ?

  • Speaker #0

    Euh non non je pense que c'est pas trop parce que c'est en même temps... Enfin avec les paysages tu peux avoir ce sentiment d'être submergé, tu l'as pas forcément avec les animaux parce qu'il y a quelque chose de... Justement où... quand tu échanges un regard avec un animal, tu te sens très proche de lui et qu'il y a un lien qui se fait entre toi et lui. Et il semble beaucoup moins éloigné de toi-même que ce que tu pourrais croire. Et c'est comme les gens qui sont terrifiés par les grizzlies et qui les imaginent comme des bêtes sanguinaires, etc. En fait, la première rencontre avec un grizzly, elle t'enlève ces idées-là et ce que tu te rends compte, c'est que tu as certes un animal d'une puissance élevée, miraculeuse presque, je crois que c'est un des animaux les plus forts, des mammifères les plus forts qui existent en Amérique du Nord. Il court super vite, il sait grimper aux arbres, il nage super bien, il a un odorat qui porte à des dizaines de kilomètres. Ça semble incroyable et en même temps quand tu échanges un regard avec eux et quand tu les vois, tu les observes et tu les vois vivre, tu te rends compte que c'est une bête qui est extrêmement douce et que ce qu'elle préfère faire c'est de manger des myrtilles et faire des siestes. Et c'est ce qu'elles ont fait la majorité des fois où je les ai vues. J'ai vu une femelle avec son petit et j'ai vu beaucoup de tendresse entre les deux. Et ouais, donc c'est ça surtout qui m'a marqué en rencontrant ces animaux-là. Après, c'est vrai que face à des paysages, on a vraiment ce sentiment d'avoir le souffle coupé parfois. Et moi, quand je suis arrivé au lac de Telaquana et aussi au lac des Twin Necks, quand j'ai aperçu... Ce lac bleu-tirquoise, la toundra qui rougissait comme une fraise avec l'arrivée de l'automne, les sommets enneigés, la forêt bleue-argentée de la forêt boréale qui descendait comme une coulée de lave sur les rives du lac. Moi j'ai été accueilli quand je suis arrivé au lac des Twin Lakes par justement cette grizzly et son petit qui était déjà très gros et puis par des milliers d'oiseaux qui dansaient comme des aurores boréales au-dessus de l'eau. Et bah là t'es... C'est difficile de comprendre ce que tu vois tellement c'est magnifique quoi et tellement tu soupçonnais même plus que des paysages pareils pouvaient exister. Et rapidement ce sentiment de béatitude un peu il est aussi remplacé par la tristesse et puis par la colère parce que tu te rends compte que en fait si on détruisait pas la nature, voilà ce à quoi ressemblerait la planète entière. Et voilà ce à quoi ressemblait la planète entière il y a encore très récemment en réalité. au vu de l'échelle de la vie et de l'humanité. Et là, tu comprends que tu pourrais croire, en fait, face à ces paysages, que c'est infini et que ça s'étend jusqu'à la fin du monde. Et en fait, moi, je n'arrive plus à oublier que ces paysages-là, c'est les dernières parcelles de ce monde libre qui existent encore. Et donc, c'est pour ça que je dis qu'il y a autant de tristesse qui arrive que de joie face à ces paysages. Et on a ce sentiment, c'est ce que je lis dans le livre, d'avoir... A la fois le cœur qui est réparé, à la fois le cœur brisé. Parce que tu te rends compte face à des décors pareils, que la vie n'inspire qu'à une chose, c'est de s'enrichir en permanence, c'est de pousser, c'est de respirer, c'est de voler, c'est de nager. Et qu'il suffirait qu'on cesse de couper les forêts, qu'on cesse d'emprisonner les rivières, qu'on cesse de tuer tous ces animaux, qu'on cesse de polluer toute l'atmosphère. pour que ces paysages-là reprennent le dessus et se redéploient autant que possible. Donc, tu es mitigé par pas mal d'émotions face à ces décors-là et face à tous ces animaux.

  • Speaker #1

    Et peut-être un passage qui résume un petit peu à la fois cet amour pour cette nature et ces animaux et ces prises de conscience-là, c'est quand tu parles justement de cet échange de regard avec un grizzly. Tu dis Le grizzly nous parle et nous le dit. Soyez certains d'une chose, vous faites partie de ce monde et il ne vous appartient pas. Ce n'est pas la nature qui est barbare, la barbarie est de s'en éloigner.

  • Speaker #0

    Mais oui, en fait, tout ce narcissisme... de l'homme civilisé ou ce suprémacisme humain qui fait partie de sa culture, à savoir qu'on est au sommet de l'échelle de l'évolution et qu'on n'est même pas vraiment des animaux et qu'on relègue les animaux et la nature comme quelque chose de vil, d'hostile, d'inférieur, etc. que notre culture nous apprend. Et c'est vrai que la rencontre avec justement ce grizzly, ça rend... Ça nous fait redescendre tout de suite sur Terre, en fait, de tous ces délires mégalos qu'on apprend malgré nous depuis qu'on est petit, quoi. Et de cette relation qu'on a avec la nature, à savoir vraiment une rupture et une frontière entre l'humanité et le reste du vivant. Et ouais, quand tu regardes un Grisdy, t'as pas du tout l'impression d'être au sommet du monde vivant. Et il y a beaucoup de respect qui s'instaure entre soi-même et ce qui nous entoure. Et le plus on passe de temps dans la nature,

  • Speaker #2

    le plus on comprend, je ne sais pas, les capacités incroyables qu'ont tous ces animaux et toutes ces plantes aussi, et les rivières. Et moi, je voyais un peu, et c'est comme ça que Dick Pennecky voyait aussi cette vallée des Twin Necks, mais c'était comme un... Un être vivant à part entière, il y avait un lien entre le lac et la forêt, entre les rivières et le lac, entre le sommet, les glaciers et la rivière, entre les animaux et la roche,

  • Speaker #0

    et les forêts et les rivières, etc. Tout ça semble tout à fait lié. Et oui, c'est là où on aperçoit vraiment une intelligence qui est franchement, qui subjugue toute personne qui arrive à en comprendre une infime partie. Parce que je pense qu'on en comprend, surtout nous,

  • Speaker #2

    peut-être que les... Les peuples premiers,

  • Speaker #0

    c'est sûr, même, en comprenaient bien davantage, même s'il y avait toujours une part de mystère dans tout ce qui anime la vie sur Terre.

  • Speaker #2

    Mais ouais,

  • Speaker #0

    tu arrives à capter des bribes de ça en observant ces bêtes et en observant ces paysages et en vivant dans ces endroits-là, qui te ramènent sur Terre et qui t'apportent une humilité que la civilisation nous prouve,

  • Speaker #2

    nous prive,

  • Speaker #0

    pardon.

  • Speaker #1

    Et tu mentionnais la civilisation, maintenant si on parle de ce retour à la civilisation, parce que tu écris vers la fin Satané vit sauvage, comme on s'y attache, comme on aime ses lieux, comme il est dur de les quitter, Alaska, mon amour, mon paradis. Est-ce que tu finis par te prendre conscience un petit peu que tes proches te manquent, mais tu sens que tu aurais pu et peut-être que tu aurais aimé y rester pour toujours en fait dans cette cabane de Dick Pennecke ?

  • Speaker #0

    Ouais ouais, en tout cas moi je... Un rêve que j'ai depuis... Depuis très longtemps, depuis que j'ai découvert l'Alaska et depuis que j'ai découvert aussi la nature sauvage, c'était de vivre comme Dick Pennecke, c'était de m'installer en Alaska dans une cabane. Et je ne l'ai pas fait finalement parce que contrairement à Dick, je suis tombé amoureux d'une fille qui habite dans les Alpes et donc finalement à la place de l'Alaska, je suis allé dans les Alpes. Pour moi, il y a une guerre mondiale qui a lieu en ce moment, à savoir celle de la civilisation contre la vie sur Terre. Et donc il n'y a plus vraiment de lieu où se... ou aller se cacher ou déserter en fait.

  • Speaker #2

    Et je pense que des vies comme celle de Dick Pennecke sont carrément en sursis en fait, parce que ne serait-ce que matériellement, physiquement, les endroits qui permettent de vivre cette existence se réduisent. Et par exemple, on le voit très bien avec tous les peuples premiers qui arrivent encore à vivre sur Terre et à vivre avec ce qui les entoure. Ils sont massacrés, ils sont en train d'être détruits, comme ça a été le cas au Denaïna, et comme c'est toujours le cas aujourd'hui avec les derniers peuples qui habitent en Amazonie. en Asie centrale, etc. partout où ils se trouvent et donc moi j'ai à la fois terriblement l'envie de continuer à explorer ces endroits qui sont encore libres et comme tu disais tout à l'heure, comme j'ai écrit dans le livre où la vie est encore permise mais j'ai aussi en fait la terrible envie de Oui, de protéger et surtout de faire en sorte que la nature puisse revenir à des endroits où elle a été attaquée. Et ça, ça peut par exemple être le cas là où j'habite dans les Alpes. En fait, même là où je suis, dans les forêts, dans les montagnes qui m'entourent, il y a toutes sortes de projets industriels, de multinationales qui sont en cours. Et pour moi, ça a autant de sens, même plus de sens en fait, d'essayer de mettre à mal ces projets et surtout de protéger les milieux qu'ils veulent détruire. plutôt que simplement aller dans les derniers endroits qui n'ont pas encore été attaqués. Je pense que les deux vont ensemble. On peut aimer seulement les choses qu'on connaît et on peut protéger seulement les choses qu'on aime. Je pense que c'est très important d'avoir des expériences dans la nature sauvage parce que ça nous donne la force, le courage et l'envie de vouloir se battre pour ce monde-là. C'est pour ça que ce retour à la civilisation, Même si là depuis que j'ai quitté Paris, il est quand même beaucoup plus doux parce que j'essaye de vivre dans ma vie quotidienne comme je vis dans mes expéditions. En tout cas j'essaye de tendre vers ça, à savoir vers l'autonomie, vers ce mode de vie libre mais qui est bien évidemment relatif parce que que je le veuille ou non j'habite dans la civilisation. Il y a toutes sortes de règles, il y a des impôts à payer, il faut des sous pour pouvoir habiter ici, il faut être propriétaire. pouvoir planter un coin de potager, etc. Donc il y a toutes ces règles qui nous sont imposées, auxquelles on doit se plier. Et donc il y a autant de sens pour moi quand je suis dans les Alpes à protéger ce qui vit ici, et même à faire en sorte que, je ne sais pas, qu'à ma mort, par exemple, la vie soit encore plus riche que quand j'y suis arrivé. En tout cas, moi, c'est ça qui m'anime. C'est dans ça où réside mon espoir.

  • Speaker #1

    Oui parce que j'imagine que le fait de faire ce film, d'écrire ce livre, c'est que tu espères aussi, enfin j'imagine, inspirer en tout cas les gens à vouloir protéger cette nature, à vouloir peut-être plus s'attarder sur cette beauté. En tout cas je sais que personnellement depuis que j'ai lu ton livre, la façon que tu as de décrire la nature ou même ce lien particulier que tu as avec les animaux, la façon dont tu en parles, toutes les émotions qui s'en dégagent, ça donne un... encore plus envie de mieux observer, de se rendre compte à quel point c'est précieux. Je me répète, mais que voilà, tu espères que les gens seront aussi inspirés à la lecture et à la visualisation de ton film.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #2

    oui,

  • Speaker #0

    c'est comme ça,

  • Speaker #2

    sans ça que je donne un peu de sens à mon travail, au livre que j'écris et à mes films, même si je sais qu'on ne change pas le monde avec simplement un film et un livre. Mais en tout cas, ouais, essayer de faire prendre conscience aux gens qui l'ont oublié, dont je faisais partie, qui ont fait partie de la nature, et à leur faire découvrir la bagie de ce qu'on appelle la vie. Et jusqu'à preuve du contraire, la planète Terre est la seule qui abrite cette Ausha, qui est assez extraordinaire, et donc ça n'a pas de sens que de vivre dans une culture qui... qui nous pousse et qui nous apprend à détruire la chose qui est la plus unique peut-être de l'univers. Et c'est pour ça que j'écris ces livres en partie, et c'est pour ça que je réalise aussi ces films. En tout cas, de donner envie aux gens et de vouloir se battre pour les choses qu'ils aiment, et pour le territoire dans lequel ils habitent, pour ceux qui habitent encore dans des endroits qui n'ont pas été complètement détruits. et pour donner aux autres qui sont privés de cette vie-là, de peut-être vouloir y revenir ou d'en apprendre en tout cas. C'est effectivement ça que j'essaie de faire passer dans ces livres.

  • Speaker #1

    Et je mettrais bien évidemment les références, que ce soit pour ton livre ou même pour ton film, où on ne va pas avoir le temps de rentrer dans les détails, mais c'est assez impressionnant de voir la qualité des images que tu nous proposes, des plans juste splendides. Parce que tu viens poser la caméra, puis après tu fais un détour et puis tu transportes tout le matériel. Donc c'est quand même tout un challenge. Et donc là, l'Alaska, c'était aller sur les traces de Dick Pennecke. Un peu avant ça, tu l'as brièvement mentionné et ça pourrait faire l'objet d'un autre podcast, toute ton expédition en Amazonie, où là tu es parti sur les traces d'un aventurier disparu avec Raymond Mouffret. J'ai ma petite idée vu que j'ai écouté quelques interviews par-ci par-là, mais est-ce qu'il y a un autre aventurier que tu aimerais suivre ou est-ce que tu aimerais partir sur une aventure totalement différente ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que là, les deux derniers livres et films que j'ai réalisés, c'était en fait partir sur les traces de deux personnes, Raymond Maufré qui a disparu dans la jungle amazonienne et puis ensuite Dick Pennecky. Mais en fait, ce n'était pas forcément le fil conducteur de toutes mes expéditions. La première fois que je suis allé en Alaska, c'était pour rencontrer des grizzlies. La première fois que je suis allé en Mongolie, c'était parce que j'ai appris que la moitié de la population là-bas était nomade. Et je trouvais ça incroyable parce que j'ignorais que... que des êtres humains pouvaient vivre autrement que le seul mode de vie que j'avais connu, à savoir le mode de vie de civilisé urbain. Et ouais, c'est des images, des animaux, des histoires qui font naître en moi les idées des expéditions. Et la prochaine expédition, en tout cas celle à laquelle je pense le plus, ce serait de... En tout cas, il y a une harde, donc un immense troupeau, le dernier grand troupeau de caribous. qui habite au nord du Yukon et au nord de l'Alaska. Et ce troupeau-là, ils ont été comptabilisés à 218 000 individus. Et en fait, ils font la plus grande route migratoire de tous les mammifères terrestres de la planète. C'est 2500 kilomètres du nord de l'Alaska jusqu'au centre du Yukon. Et en fait, ce voyage, cette migration, c'est assez incroyable parce que ce n'est pas juste la horde de caribous qui se déplace, c'est tout un monde avec... à savoir les loups, les grizzlies, les coyotes, les wolverines, tous les oiseaux, et puis les peuples humains qui habitaient en Arctique, dans le sous-Arctique, et en Alaska ou Yukon, qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, sont dépendants des caribous. Et donc c'est tout un monde qui m'intéresse, j'aimerais bien essayer de m'incruster dans ce troupeau,

  • Speaker #2

    voir comment on s'entend, et on apprend davantage sur les peuples qui habitaient et qui habitent encore là-bas. Et puis sur cet animal qui est sacré pour nombreux de ces peuples, le caribou.

  • Speaker #0

    Et essayer de creuser les choses que j'ai déjà commencé un peu à découvrir lors de mes deux premières expéditions dans le Grand Nord.

  • Speaker #1

    Hâte de découvrir ce que tu nous partageras là-dessus. Et pour terminer, j'aime bien poser cette nouvelle question aux invités à la fin de notre échange. Si tu devais résumer pour toi, c'est quoi le voyage ?

  • Speaker #0

    C'est une définition qui est très personnelle,

  • Speaker #2

    mais en tout cas, moi,

  • Speaker #0

    je l'associe au monde sauvage, pour moi, le voyage. De manière paradoxale, ça pourrait être,

  • Speaker #2

    plutôt que de partir loin,

  • Speaker #0

    pour moi, ça serait de revenir, en fait, de revenir à nos racines, de revenir à notre histoire, de revenir à notre place. Et notre place, c'est sur la planète Terre, avec toute la vie dont on fait partie et qui nous entoure. Moi ce que j'essaye de faire dans ces voyages, comme je l'ai dit plusieurs fois déjà, c'est effectivement de réapprendre ces instincts oubliés, comme le dirait mon mot frais, de réapprendre à vivre sur Terre, aux côtés des animaux qui savent encore le faire, et aux côtés des peuples premiers qui tentent encore de vivre de leur mode de vie. Et ouais, donc pour moi le voyage ce serait le retour à la Terre en fait, et la reconnexion avec le monde vivant. Merci pour cette définition, ça te correspond bien je trouve. En tout cas, merci beaucoup Elliot d'avoir pris ce temps pour cet échange. Je le disais, je mettrai les références pour ton livre qui m'a convaincue pour reconnecter avec cette nature comme tu l'expliquais. Ton documentaire aussi qui a des images époustouflantes. Et bien évidemment tes autres livres, que ce soit sur l'Amazonie ou le premier que tu as écrit où tu racontes un petit peu Tu as traversé de la Mongolie, ton périple dans l'Himalaya. Plein d'aventures pour nous faire rêver. Donc encore merci Elliot et à très bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Merci à vous. Merci pour votre écoute. J'espère que cet épisode vous a plu, qu'il vous a permis de vous évader et de vous ressourcer. J'ai besoin de vous pour que l'aventure Goodyza continue. Vous pouvez vous abonner sur votre plateforme préférée afin de suivre les nouveaux épisodes. Merci. Si ce n'est pas déjà fait, vous pouvez laisser 5 étoiles et un avis, et même en parler autour de vous. Il y a aussi le compte Instagram, GoodVisaPodcast, tout attaché, que vous pouvez suivre où je poste régulièrement des photos et des vidéos pour illustrer les épisodes. Ça me touche énormément quand je reçois vos retours, alors vraiment n'hésitez pas à me faire un mot. Merci à vous, à bientôt !

Chapters

  • Comment il est devenu aventurier, ou comment tout a commencé en Australie

    01:05

  • Pourquoi l'Alaska ? Et comment on fait face à un ours ?

    06:30

  • Sa première expédition en Alaska manque de mal se terminer, et une rencontre qui va tout changer

    10:58

  • La découverte de la vie de Dick Pronenneke

    13:50

  • Alaska et Yukon : similitudes ou différences ?

    18:44

  • Sa fascination pour les animaux et le monde vivant

    20:57

  • Les Indiens Denai'na

    23:06

  • Ses rencontres sur place

    31:51

  • Ses plus grands défis lors de cette expéditions

    36:29

  • La beauté des paysages

    41:20

  • La nature n'est pas barbare, la barbarie est de s'en éloigner

    45:38

  • Donner du sens à ses aventures, et sa prochaine expédition

    52:23

Share

Embed

You may also like