- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous, ici Pochra Pourti et bienvenue sur Haya. En arabe, Haya signifie « elle » . C'est parce que ce mot n'est pas suffisamment utilisé pour parler de réussite et d'ambition féminine que j'ai décidé de lancer ce podcast. Les inégalités et la sous-représentation liées au genre sont malheureusement une réalité, et une approche intersectionnelle ne fait qu'amplifier ces phénomènes. Chaque épisode Merci. est une conversation où j'invite une femme de culture arabe à venir partager son histoire et évoquer sa réussite. Mes invités ont toutes des backgrounds et trajectoires différentes. Elles sont journalistes, entrepreneurs, écrivaines, artistes ou encore médecins, et vous serez, je l'espère, inspirés par leur réussite. L'objectif de ce podcast est de vous, tout d'abord, promouvoir une image différente de la femme arabe en mettant en lumière ses parcours exceptionnels, mais aussi aider les plus jeunes ou celles en quête de renouveau à trouver des rôles modèles et ambitionner leur avenir. Ma conviction ultime est que la seule manière d'y croire, c'est de le voir, ou en l'occurrence d'entendre. Si ce podcast vous plaît, je vous invite à prendre quelques minutes pour le noter 5 étoiles sur iTunes ou Apple Podcasts. C'est la meilleure manière de le soutenir. Sans plus attendre, je vous laisse découvrir notre invité du jour.
- Speaker #1
Cette semaine, je suis ravie de partager ma conversation avec Rima Hassan Moubarak. présidente et fondatrice de l'Observatoire des camps des réfugiés. Rima est également rapporteuse à la Cour nationale du droit d'asile, enseignante à l'École supérieure de journalisme de Paris et co-directrice du séminaire de droit international et comparée en Méditerranée et Moyen-Orient au sein de l'IREMO. Dans cet épisode, Rima retrace ses origines, notamment sa naissance et son enfance dans un camp de réfugiés près d'Alep en Syrie. Elle relate son arrivée en France et les contraintes auxquelles elle et surtout ses frères plus âgés ont dû faire face pour parvenir à se sentir les bienvenus dans ce nouveau pays. Rima revient sur les raisons qui l'ont incité à créer l'Observatoire et la mission qu'il habite. Nous avons également parlé d'identité, ou plutôt de non-identité, ou d'identité pulvérisée par l'exil forcé, de la condition des Palestiniens nés après 1948, mais aussi de sa tentative d'y retourner. Le parcours et l'histoire de Rima m'ont profondément touchée. Si vous souhaitez soutenir son combat, je vous invite à faire un don. à l'Observatoire des camps de réfugiés, dont les détails sont dans les notes. Sans plus attendre, je laisse place à la réelle du jour, Rima Hassan Moubarak. Rima, bonjour.
- Speaker #2
Bonjour, Mouchra.
- Speaker #3
Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation.
- Speaker #2
Merci à toi.
- Speaker #3
Je te suis depuis quelques temps et j'étais très curieuse, très intriguée et inspirée par ton parcours. Je suis ravie de pouvoir en savoir plus et de pouvoir le partager. avec les auditrices et les auditeurs.
- Speaker #2
Merci à toi. On a parlé un peu, mais c'est un plaisir de me retrouver sur un espace d'échange, de discussion qui est aussi intime, mais en même temps nécessaire, qui est celui aussi de la visibilisation des femmes issues de nos cultures. Et on en reparlera sûrement dans le podcast, mais c'est un élément hyper important dans notre vie de femmes qui entreprennent, d'avoir... des modèles, des sources d'inspiration. Donc, si à mon échelle, je peux aussi rejoindre un peu cette dynamique et nourrir un peu ces témoignages, je suis hyper honorée de faire partie de ces paroles.
- Speaker #3
Je te remercie infiniment. Rima, la tradition sur Rhea, c'est de commencer par les origines. Donc, c'est toujours la même question. Est-ce que tu peux un peu nous parler de tes origines, de ton éducation, où tu as grandi, où tu es née ?
- Speaker #2
Moi, paradoxalement, je vais parler entre autres aussi de non-identité, d'identité un peu pulvérisée, émiettée par l'exil forcé. Je pense que c'est quelque chose qu'on retrouve aussi beaucoup dans les témoignages de Haya, parce qu'il s'agit quand même beaucoup de femmes aussi immigrées. Ça rejoint forcément un peu cette réflexion, mais avec un accent qui est un peu peut-être plus marqué. Moi, je suis originaire d'une famille palestinienne. exilée depuis 1948 de la Palestine historique et qui a été contrainte de quitter ses terres pour aller migrer en Syrie. Les Palestiniens, à ce moment-là, ils migrent dans les pays frontaliers ou à l'intérieur même des territoires palestiniens. Ma famille a fait partie de ceux qui ont été installés en Syrie dans la banlieue d'Alep et dans un camp de réfugiés. On y reviendra aussi. Ça a été déterminant pour ma famille. Dans mon rapport à mon identité, dans mon rapport à ma famille, dans mon rapport au monde, ces origines-là vont continuer à vivre, mais en fait en exil, sur plusieurs générations, puisque c'est mes arrières-grands-parents et leurs enfants, donc mes grands-parents, qui vont faire partie de cette première génération d'exilés. Mes parents vont naître dans ce camp, moi-même je vais naître dans ce camp et j'arrive en France suite aux démarches que ma mère avait entreprise, elle est divorcée donc elle avait vraiment commencé à vouler un avenir en fait pour ses enfants et puis étant seule, divorcée, elle s'est dit il n'y a plus rien à perdre. Puis elle arrive en France et moi j'arrive à peu près à l'âge de 10 ans Donc ça, on est pris au gros dilemme qui en est. Le parc à New York, qui est une toute petite ville à côté de Poitiers, de La Rochelle.
- Speaker #3
On peut juste rester sur l'enfance un peu plus longtemps. Vous étiez combien de frères et sœurs ? Et comment se passe une enfance dans un camp ? Parce que c'est vraiment particulier, comme tu disais. C'est clairement un témoignage qui est différent de ce qu'on a pu écouter, en tout cas sur le podcast.
- Speaker #2
Alors nous, on était donc six frères, enfin on est toujours six frères et sœurs. Moi, je suis la dernière. Je suis celle qui a le moins vécu de choses, puisque je vais partir en étant la plus jeune. Mais je suis peut-être liée aussi à la relation avec ma mère, mais je suis celle qui va être en France, en tout cas, qui va en faire vraiment quelque chose de central. Mais on y reviendra aussi dans ce rapport au militantisme. Je me rends bien compte aussi que souvent le militantisme, c'est aussi un privilège. Il faut avoir déjà fait la paix avec pas mal de choses pour pouvoir militer. Et je suis peut-être d'une certaine façon la plus privilégiée dans ma famille. Et c'est ce qui m'a libérée de l'espace pour monter mes prises. projets et entreprendre. Pour revenir à la vie dans le camp, là aussi c'est plein de paradoxes en fait. C'est que moi je dis souvent que ce qui m'a sauvée dans le camp c'est mon insouciance d'enfant. Ce qui m'a beaucoup préservée c'est ça, parce que globalement je vais passer les années les plus insouciantes de ma vie où je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas où on est, je ne porte pas sur mes épaules ce poids de l'exil à ce moment-là, puisque je ne m'identifie même pas. dans ma place et dans mon rapport aux autres, au monde ou à la région. Et donc c'est plein de paradoxes parce qu'on est dans une forme de chaos et en même temps on a cette insouciance de l'enfance qui fait qu'en fait on est juste content de sa journée, d'avoir joué au billet dans les rues du camp, d'avoir fait ses quelques heures de cours alors qu'on les faisait à l'UNERWA qui est l'agence qui s'occupe des réfugiés palestiniens. À ce moment-là, je ne capte même pas que je vais dans une école des Nations Unies. Pour moi, c'est la même école. Et donc, c'est plein de paradoxes parce que cette enfance, pour moi, pour la résumer, je la vis avec une forme d'insouciance, mais en même temps, elle compresse cette insouciance avec le décor et avec la misère qu'il y a dans les yeux des adultes, parce qu'eux comprennent. Et ça, avec le recul. Quand je visualise les images du camp, les gens qui vivent là-bas, je vois les corps fatigués. Fatigués par l'exil, fatigués par une forme de sentence aérée comme ça sur cinq générations. Mais d'une certaine façon, comme je disais, ce qui moi m'a préservée personnellement, c'est que j'y ai passé juste mon enfance et que cette enfance a été très déconnectée de tous ces enjeux.
- Speaker #3
Et donc c'est à ton arrivée en France, lors de ton départ du camp, que tu réalises ce qu'on trace.
- Speaker #2
Effectivement, ça arrive. L'exil en France a accéléré ce retour à la réalité. En arrivant en France, on est confronté, comme beaucoup de personnes immigrées, donc moi je m'inscris complètement du coup dans ça, aux questions parfois un peu intrusives, mais en fait c'est de la simple aussi curiosité, c'est de la curiosité aussi souvent saine, de tu viens d'où, t'es qui, pourquoi tu t'appelles Rima Hassan, enfin ça vient d'où. Et en fait, ce lot de questionnements, en étant dans un pays d'accueil, va accélérer le process d'introspection que tout le monde a à un moment dans sa vie. Mais il arrive plus ou moins tardivement, il y a des personnes qui vont faire ce travail de les fouiller dans les archives familiales à 30 ou 40 ans. Il se trouve que de migrer, je pense que ça accélère parce qu'on se retrouve de ce fait en minorité. Là où moi, dans un camp, j'étais parmi les miens, d'une certaine façon. je faisais partie de la majorité, il n'y avait que cette majorité de toute façon. C'était une composante de réfugiés palestiniens et rien d'autre. Là, je me retrouve dans des espaces de société où je suis en minorité. Donc, minorité aussi visible avec le nom, avec le fait que je ne maîtrise pas du tout la langue française à ce moment-là. Et donc, l'autre questionnement. Et à ce moment-là, oui, dans mon adolescence, progressivement, je me souviens que je rentrais à la maison avec des questions. Et je pensais aussi à une période que nous, on était syriens. parce que tous nos documents mentionnent le fait qu'on vienne de la Syrie. Sur mon port, il m'a dit que je suis née à Alep. D'ailleurs, ça m'a posé des problèmes, on n'en parle pas de ça là. Et donc, forcément, je me retrouve à poser toutes ces questions et ma mère qui a un... progressivement prend le temps de me dire en fait on est en Syrie mais en fait on vient de Syrie mais en fait non on est des réfugiés palestiniens et voilà ton histoire et voilà notre histoire et puis elle me montre les cartes de réfugiés qu'elle a, elle me montre les papiers qu'elle a des Nations Unies qu'elle enregistre elle ses enfants comme étant donc une réfugiée la prise de conscience vient entre autres grâce ou à cause je sais pas trop de ce lot de questionnements dans ma... place de femmes immigrées aussi en France.
- Speaker #3
Les Palestiniens qui sont nés après 48, ils n'ont pas de nationalité palestinienne. Même en termes matériels, en tout cas de passeport ou quelque chose qui pourrait rendre la chose plus tangible, ça rend la chose, j'imagine, encore plus compliquée pour le cerveau d'une pré-ado qui se prend déjà un peu une information qui est assez bouleversante. Pendant 10 ans, je pensais être syrienne et je pensais... C'est beaucoup d'informations pour cette petite fille.
- Speaker #2
Totalement, et c'est pour ça que j'ai introduit le podcast en disant que j'allais te parler de non-identité. Parce que la plaie dans notre parcours, c'est toute migration de toute façon est un traumatisme, tu vois, quel qu'est ce soit, je pense que même quand on choisit entre guillemets de partir, on ne choisit pas vraiment, ça reste un déracinement. Et toute migration, tout exil est aussi renoncement. On renonce à sa famille, on renonce à ses terres, on renonce à des liens, on renonce à des odeurs, à des sons, on renonce à plein de choses. mais là où il y a quelque chose de... où j'ai une plaie qui est un peu plus forte, en tout cas dans ce parcours, c'est que nous, on n'a pas une identité à laquelle on peut se raccrocher. On n'a jamais pu se dire en France, tiens, là on est en manque du pays, on va partir tous ensemble faire un mois ou deux en Palestine et puis se ressourcer, voir la famille, etc. On n'a jamais eu cet avantage-là, précisément parce que, comme tu le disais, les Palestiniens de 1948 se retrouvent quasi apatrides. Ils sont dans un statut de réfugiés qui est à part, qui n'est pas inclus dans le statut de réfugiés qui régit par la Convention de Genève de 1951. Ils ont encore un statut à part. Pour moi, c'est vraiment symptomatique de cette non-identité ou cette identité qui est émiettée. Et on a passé, je pense que ma mère a passé sa vie, et puis moi maintenant aussi, je porte ça. Je pense qu'on passe sa vie à aller chercher toutes les pièces du puzzle qu'on peut recoller pour avoir une image. à peu près complète de qui on est dans ce monde et où est notre place dans ce monde. Mais c'est sûr qu'il y a quelque chose qui est très fort dans le fait de ne pas pouvoir avoir un passeport, de ne pas avoir un État, une carte d'identité, une citoyenneté. Et oui, c'est au cœur des préoccupations des Palestiniens.
- Speaker #3
En 2011, il y a eu la guerre en Syrie. Est-ce que ça a eu un impact pour toi ? Parce que c'était quand même ta terre d'accueil et un peu une... Une terre d'adoption. Et là, il y a encore une guerre. Et il y a encore plus de complications et de difficultés à y retourner, à voir ce qui se passe. Comment tu l'as vécu ? Tu étais en France à ce moment-là.
- Speaker #2
Oui, je l'ai super mal vécu. Parce que moi, il faut savoir que mon père vit encore dans le camp.
- Speaker #3
Et tous tes frères et sœurs sont là ?
- Speaker #2
Ils sont là. Parce que ma mère part d'abord seule en France. Elle met quelques années à réussir à obtenir des autorisations pour nous faire venir, nous, enfants. Mais effectivement, elle est divorcée de mon père. Et mon père... fait refait sa vie aussi dans ce camp qu'il y a encore là bas et quand on arrive à 2011 moi je suis entre le bac ma première année de fac et je me souviens d'un poids monstrueux quoi de me dire en fait c'est un c'est un deuxième exil qu'il faut enteriner maintenant parce qu'il ya l'exil de la palestine vers la syrie qui a été traumatique pour ma famille parce que on a mis du temps à documenter tout ça mais maintenant c'est très documenté il faut savoir qu'il y a eu plus de 532 villages massacrés en 1948, parce qu'il y a eu la Nakba, la catastrophe pour les Palestiniens, et qu'en fait, ma famille va vivre ça. Cette peur, cette terreur un peu, qui va les pousser aussi à l'exil, des expulsions qui ont lieu aussi. Et là, à ce moment-là, de me dire que le pays qui était notre premier pays d'accueil se retrouve en fait confronté à ce même lot de violences, de guerres, de terreurs. En fait, ça a été archi compliqué pour moi. J'ai fait un travail de bain pendant un moment. Alors que je suis quelqu'un qui est très, très, très connectée sur les infos. Tu peux lire dix articles à la journée, si il y a besoin, sur mes sujets, sur la Palestine, sur l'exil, sur plein de trucs. Mais là, pendant cette période, je me souviens, dès que je voyais une actu, je la fermais, quoi. Je la refermais tout de suite. Je ne voulais pas être confrontée à tout ça. Et j'avais une peur monstre. Puis en fait, il y avait un truc qui me renvoyait à... ça aurait pu être là-bas. Moi, ça ne s'est joué à rien. Ma mère, c'est une femme parmi tant d'autres dans le camp qui a eu cette opportunité de partir, qui s'est battue pendant plus de sept ans pour nous faire venir en France. Mais j'aurais pu, moi, en fait, rester dans ce camp. Et il se trouve que le camp va être visé par des bombardements, que l'école va être visée, qu'il va y avoir plusieurs morts et que les années qui vont suivre la guerre, en fait, nous, on va recevoir des appels de nos familles. Ma mère va recevoir des appels de ses amies, des femmes qui vont lui dire... On dort avec trois couches de pantalons parce qu'on a peur. On ne sait pas qui rentre dans le camp. On ne sait pas qui est qui. Et on a peur. Les femmes ont peur d'être violées. Les hommes ont peur d'être kidnappés. Il y a certains qui rejoignent l'armée libre, d'autres qui rejoignent le régime. On n'arrive plus à savoir qui est qui. Et il y a plein d'infiltrations dans le camp. Et voilà. Et moi, je suis un peu tétanisée de loin, impuissante pour ma famille, pour ceux qui sont restés. Et c'est de culpabilité, de se dire, nous, on a eu cette chance, mais en même temps, on est impuissants, on ne peut rien faire. Pendant un moment, même les transferts d'argent, c'était quasiment plus possible, parce qu'il y avait cette donnée du terrorisme, et ce n'était plus possible d'enlever de l'argent, tout était bloqué. Et donc, quand on recevait des appels de la famille qui nous disaient qu'on n'arrive plus à trouver des bouchées de pain, en fait, parce que le camp, il est juste à côté d'Alep. Alep, ça a été la ville martyr du conflit. ils dormaient, ils vivaient, ils se réveillaient avec des bombardements à quelques kilomètres. C'est vrai que moi, cette période, elle a été très dure. Il y avait un truc de jusqu'où la guerre va nous suivre, en fait. Cinq générations qu'on est en exil, qu'on se raccroche à ce qu'on peut, qu'on essaie de trouver une place dans le monde et tout, et de se dire, en fait, ça n'aurait jamais s'arrêter. Je suis un peu émue, mais... Parce que... Parce que oui, il y avait ce truc, je me suis sentie vraiment étouffée. Mais en même temps, j'étais hyper privilégiée et je culpabilisais aussi, parce que je me disais, mais moi, qu'est-ce qui fait que moi j'ai eu cette chance et que j'ai plein de cousins et cousines qui vont se retrouver sur les routes migratoires, à traverser la mer Méditerranée, à traverser des routes migratoires très dangereuses, que nous on va aller récupérer en Grèce, en Turquie. J'ai fait plusieurs voyages avec ma mère pour aller voir des cousins. Et d'un coup, je me retrouve avec une deuxième. une deuxième étape de famille pulvérisée où ma mère, je la voyais une fois par mois, elle me disait ton cousin est arrivé en Russie et ton cousin est arrivé en Suède et là tu as deux cousines qui sont sur les routes entre tel pays et tel pays et là tu as deux cousines qui vont arriver en Autriche et là j'étais...
- Speaker #3
ça a été un deuxième trauma ça doit être tellement dur et je pense que ça renvoie aussi à je sais pas si tu crois à la... transmission transgénérationnelle et au trauma que tes ancêtres ont dû subir, je pense qu'il y a vraiment quelque chose qui est encore plus profonde de ce que tu vis toi, qui renvoie à des choses qui vont très loin, et comme tu disais, vous êtes à plusieurs générations d'exilés, je ne peux qu'imaginer la difficulté et la douleur de cette période.
- Speaker #2
Mais encore une fois, je suis privilégiée dans tout ça, parce que je l'ai vécu indirectement. avec beaucoup de peur, avec la boule au ventre, tu vois, parfois en couchant le soir, en me disant, « Sauf demain, je vais me réveiller avec telle news, telle actue sur ma famille. » Et puis de me dire que mon père peut mourir en exil, sans même que j'ai la chance de lui dire au revoir, de le revoir. Mais j'ai bien conscience que je l'ai vécu de façon indirecte et que ceux qui en ont le plus souffert, c'est tous ceux qui l'ont vécu. C'est ceux qui ont été encore contraints de partir une nouvelle fois après 70 ans d'exil.
- Speaker #3
Rémi, j'aimerais revenir sur l'arrivée en France. Tu as 10 ans, tu savais que tu rejoignais ta maman. Est-ce que tu commençais à fantasmer un peu ce pays, la France, qui est un pays un peu mythique, je pense, pour tous les pays non européens, ou du Moyen-Orient, ou d'Afrique ? Est-ce qu'à cet âge-là, tu as souvenir de te projeter, d'imaginer cette nouvelle vie ? Je serais un peu curieuse de gratter un peu de ce côté-là, entre ce que tu imaginais et la réalité.
- Speaker #2
Pour être très honnête, je pense que je n'avais pas conscience encore à cet âge-là de ce qu'est la France. Où est la France ? Je ne me situe même pas. Je pense à cet âge-là, nous, notre identité et où on est. Non, par contre, j'ai le souvenir que ma mère, comme elle est partie... plus tôt, elle faisait quand même des fois des allers-retours et elle revenait avec plein de cadeaux. Quand elle venait nous voir des cours en Syrie, quand elle pouvait, parce qu'elle est quand même venue plusieurs fois en attendant qu'elle ait les autorisations pour me faire sortir de la Syrie, je me souvenais qu'elle venait avec des valises de cadeaux, tu vois. Et donc forcément, il y avait un truc de « waouh, ça doit être génial d'aller vivre un peu avec elle » . Ça doit nous sortir un peu de ce que nous, on n'a pas dans ce camp. Il y avait vraiment ces réflexions très naïves, tu vois, enfantine. Et après, je pense que j'ai à peine eu le temps de fantasmer peut-être sur ce pays qu'on a été très vite confrontés au rejet.
- Speaker #3
Tu l'as senti tout de suite, rapidement. Ouais, ouais,
- Speaker #2
ouais. Et moi, il y a un truc dont j'ai eu honte. J'ai eu honte d'avoir honte de qui on était. J'ai mis du temps à me dire, ben non en fait, je vais pas avoir honte de ma mère, du fait qu'elle parle pas français, de la laisser... Enfin tu vois, il y a un truc de la société, elle a été parfois tellement violente dans le fait de nous invalider pour ce qu'on était, que t'en viens en fait à toi-même avoir un sort de complexe d'infériorité quoi. D'avoir honte un peu de quitter de ta culture. de tes cheveux. Encore, moi, je n'ai pas les cheveux archi-bouclés, mais tu vois, je me souviens qu'au lycée, je me les lissais tous les matins. Il fallait que je me lève une heure avant pour les plaquer parce que c'était plus joli pour moi d'avoir les cheveux très lisses, un peu soyeux. On m'a toujours dit que j'avais une grosse tignasse. Il y avait un truc où il fallait un peu cacher, un peu...
- Speaker #3
Se lisser, en fait. Lisser qui en était.
- Speaker #2
Oui, totalement. Et donc, je suis un peu... On est vite confrontés au rejet. Et je pense que c'était lié, entre autres, au fait qu'on était à New York. Et que New York, c'est encore une fois, c'est une petite ville. Il n'y avait peut-être pas encore assez de mélange de personnes issues de l'immigration installées dans ces petites villes. On s'est retrouvées avec une voisine qui appelait les keufs régulièrement parce que six enfants, ça faisait trop de bruit. Mais en fait, non, ce n'est pas les enfants. parce que quand on... avec les keufs qui viennent toutes les deux semaines, des voisines qui se faisaient des fantasmes, qui voyaient notre appart comme un squat, mais en fait, on était juste en HLM, puis ma mère faisait comme elle pouvait, parce qu'elle avait six gamins entassés dans un petit appartement. On avait ces trucs-là, et puis à l'école, quoi. L'école, c'était terrible. Ça a été des insultes, parfois, qu'on ne comprenait même pas. Je ne sais pas si tu imagines la violence, et que t'es... Mais j'ai compris plus tard qu'on m'avait dit des... Au moment où on me les avait dites, je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Vous ne savez pas ce que ça voulait dire, tu vois. Et je comprends après, en fait, que là, on est en train de m'insulter, en fait. Qu'on est en train de me rejeter, qu'on est en train de me violenter, quoi. Les projections que je pouvais avoir sur la sortie du camp, elles ont quand même été très vite enterrées, quoi. Enfin, j'ai eu un retour à la réalité qui a été un peu ascorbe.
- Speaker #3
Comment tu te projetais à ce moment-là ? Est-ce que tu te disais, je veux rester dans ce pays ? Est-ce que tu commençais à réfléchir à ce que tu allais devenir ? Quel métier tu allais faire, etc. ? Tu étais dans quel état d'esprit par rapport à ça ?
- Speaker #2
Là, c'est très intéressant comme question, parce que c'était très scindé dans ma famille. Moi, je pense qu'il y avait un truc avec ma mère qui faisait que là où elle était, j'avais envie d'être avec elle. Donc, je ne me pose pas la question de, est-ce qu'on pourrait aller ailleurs ? Mais mes frères, cette question, elle est. hyper intéressante parce que du coup, tu vas comprendre pourquoi. Parce que les trois plus aînés, les plus aînés de la famille, donc mes frères et ma grande sœur, eux, vivent super mal l'arrivée en France.
- Speaker #3
Ils étaient plus âgés. Ils avaient quel âge ?
- Speaker #2
16 ans. Eux, c'est... Mais on va faire des crises violentes, quoi. Non, je n'irai pas à l'école mais essayer de les inscrire au lycée, c'était trop tard. Je veux dire, ils ne parlaient pas un mot. En plus, c'est des jumeaux. Donc, ils sont... archi-fusionnels, ils sont toujours ensemble. Et donc, en fait, ils faisaient les 400 coups, tu vois, ensemble. Et c'était impossible qu'ils tiennent 3 heures sur une chaise dans un lycée. Et eux, ils l'ont super mal vécu l'arrivée en France. Ils ont demandé à ma mère de rentrer. Donc ma mère, à un moment donné, était contrainte de reprendre un billet pour les accompagner dans le camp parce qu'ils avaient tous leurs amis, en fait. C'était devenu leur vie, en fait. Et ça paraît fou de se dire « On a tout fait pour sortir de ce chaos. » Et en fait... Il y a des personnes qui, c'est trop tard, ils ont passé trop d'années de vie dans ce lieu pour y renoncer. Quand bien même, c'est chaotique, tu vois.
- Speaker #3
Oui, et puis la terre d'accueil n'est pas si accueillante aussi. Je pense qu'il y a aussi ce versant qui doit peser.
- Speaker #2
Tu vois, ça c'est hyper important de l'imprégner parce que quand on entend des discours sur le fait que plein de gens fantasment l'idée d'arriver ici ou là, on comprend que pour beaucoup c'est aussi beaucoup de renoncement en fait. Quand tu le vois concrètement avec des ados qui à ce moment-là n'ont pas d'enjeu, qui n'ont pas d'enfant, quand tu vois en fait physiquement le traumatisme que c'est d'être arraché comme ça à un lieu où ils ont commencé à se construire, à avoir des potes, à avoir des repères, ça dit beaucoup de choses. Ça a l'impression que c'est quelque chose qui est simple, etc. En fait, les personnes qui migrent et qui renoncent à leur terre d'origine, c'est souvent parce qu'ils ont des responsabilités, ils doivent gagner leur vie, ils ont des enfants, ils veulent un meilleur avenir pour leur... Et c'est ce qui fait qu'ils essayent vraiment de se faire un nouvel avenir avec toutes ces nouvelles responsabilités. Mais tu le vois, du coup, de façon très concrète. Est-ce que ça peut coûter à un ado qui, lui, a juste besoin d'être au bon endroit ? Tu vois, avec les bonnes personnes. Et tu vois, mes frères, ils ont super mal vécu. Puis en fait, ils ont fini par accepter de revenir après quelques mois. Mais ça a été compliqué. Mon mère, elle a dû gérer des grosses crises sur cet exil.
- Speaker #3
Et du coup, toi, t'imaginais plus professionnellement ? Est-ce que tu commençais à réfléchir ? tes études ? Est-ce que tu commençais à t'imaginer adulte dans ce pays ?
- Speaker #2
Beaucoup de familles arabes ou immigrées. Ma mère a projeté sur moi.
- Speaker #3
C'était quoi ?
- Speaker #2
Médecin. Ah voilà, exactement. Il y a une liste, il ne faut pas y échapper. Donc c'était médecin, ingénieur, avocat, tu vois. Et forcément, top 1, c'est médecin. Toujours. Ma mère, c'est ce qu'elle aurait rêvé, en fait, de pouvoir faire, parce qu'elle était quand même... Ma mère était très scientifique et passionnée d'histoire aussi.
- Speaker #3
Tu as fait des études, ta maman ? Oui,
- Speaker #2
elle était instite sur des matières scientifiques, justement, dans les écoles du camp de réfugiés dans lesquelles j'ai grandi. Elle a enseigné aussi en Arabie saoudite. Sauf qu'à cette époque-là, je pense qu'il n'y avait pas autant d'opportunités, donc elle fait une sorte de licence, en fait, en biologie et tout. Mais je pense que dans ses rêves, elle aurait su... sur vous. elle aurait sûrement voulu être médecin. Et donc, elle projette sur moi très vite ce métier-là, enfin, en tout cas, ce corps de métier de médecine. Donc, je fais un peu pour lui faire plaisir un bac scientifique. Et à ce moment-là, je pense qu'il ne me pose pas trop de questions sur mon avenir, mais je fais en fait ce qu'il faut, bac scientifique, je prends toutes les options un peu de physique, chimie, de trucs en plus. Mais en parallèle, je pense que ça a commencé en seconde. où je commence à me passionner en fait pour les questions de justice, de droit, et je commence à lire des biographies de grands militants, de figures militantes, de Malcolm X, de Martin Luther King, de Gandhi, et ça commence même, tu vois, fin du collège, début lycée, et petit à petit je me dis qu'en fait ce qui m'intéresserait vraiment c'est de faire du droit, des relations internationales, tu vois, quelque chose comme ça, et un peu un truc en défense quoi, un peu plus militant, que juste dans le soin comme c'est le cas pour les médecins, Maman Elle a dû un peu faire le délire de ses choix pour moi et elle ne m'encourage pas. Du coup, j'ai eu beaucoup de chance d'avoir eu des projections professionnelles qui ont été très fluides pour moi. Ça n'a pas été facile, les études de droit, mais en tout cas, il y avait un truc comme ça, un peu une lignée qui était un peu déjà là, où je me suis laissée porter un peu et ça s'est fait sereinement.
- Speaker #3
Et donc, tu commences à travailler dans des cabinets.
- Speaker #2
Ouais, là, je fais... Sur mes études, donc, je fais du droit, je me spécialise en droit international, je fais... Je commence par un stage dans un cabinet. Ce qui a été déterminant, c'est quand même le voyage au Liban, où je fais une année d'études au Liban, en Master 1.
- Speaker #3
C'était un choix de ta part, Rima ? Tu voulais faire une année au Moyen-Orient, au Liban, dans un pays arabe ?
- Speaker #0
Ouais,
- Speaker #2
ouais. Je vais dans le bureau des relations internationales de la FAC, je leur dis. J'aimerais aller dans un pays arabophone, de la région. Et là, la nana, c'était assez drôle parce qu'elle prend la carte et elle me dit, bon, alors nous, on a quand même pas mal de partenariats, je vais te les montrer. Et puis, elle me les liste. Et puis, à chaque partenariat qu'elle me listait, elle me dit, mais par contre, ce n'est pas possible parce que ce n'est pas safe. Et là, elle me dit, mais en fait, tu as la région, mais tu as peu et elle sent. Tu vois, c'était un peu post-printemps arabe. À ce moment-là, elle me dit, du coup, on ne peut pas envoyer d'étudiants pour le moment. Là non plus, là non plus. Et finalement, elle me dit, écoute, en fait, il ne reste que deux pays dans lesquels tu peux aller. Alors qu'ils avaient une dizaine de partenariats.
- Speaker #0
Elle me dit, il y a le Liban ou la Jordanie. J'avoue que j'avais pas mal hésité. Et puis finalement, j'opte un peu plus pour le Liban. Il y avait aussi une histoire un peu de ma famille, puisque moi, j'avais des oncles qui avaient fait la guerre civile au Liban, qui avaient été mobilisés par la guerre civile au Liban. Donc il y avait aussi un truc passif. Et je me dis, allez, go. Et donc, ce qui a été déterminant, c'est qu'on est en pleine crise syrienne. Et là, ça switch dans ma tête où je me dis, il faut absolument que je travaille sur ces sujets. Parce que le premier truc que je fais au Liban, c'est d'aller visiter le camp de Sabra et Chattila. J'ai en visité d'autres tout au long de l'année. Je fais quasiment la majorité des camps palestiniens qui sont sur place. Et je vais aussi à la rencontre de pas mal de réfugiés syriens. Et là, il y a vraiment un truc qui s'opère dans ma tête où je me dis que c'est un peu ma bulle. J'ai besoin de ça. Et donc, en venant en France, je finis mes études. Et là, il y a deux choses. Je commence à travailler à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, qui est l'administration. qui s'occupe des demandes d'asile en France. Et je commence en parallèle une thèse sur le droit applicable dans les camps. Parce qu'il y a un truc dans mon parcours où il n'y a pas que l'exil, le statut des réfugiés, il y a la question des camps qui m'obsède. Je n'arrive pas à la quitter, elle ne me quitte pas. Et j'ai envie de comprendre pourquoi on a grandi dans des camps de réfugiés, pourquoi il y a d'autres gens qui vivent encore dans ces camps de réfugiés, qui s'en occupent, comment ça fonctionne. Comment le droit s'applique par rapport à ça ? Et je fais deux années de recherche là-dessus.
- Speaker #1
Et c'est à ce moment-là que tu as l'idée de l'observatoire ?
- Speaker #0
Oui, tout à fait. Et là, en fait, je fais pas mal de constats. En tout cas, c'est des frustrations. Comme quoi, l'entrepreneuriat, c'est quand même souvent être confrontée à des problèmes et se dire « Tiens, j'ai peut-être une solution. » Et du coup, je vais plus danser. Parfois, c'est aussi simple que ça. Tu vois, moi, quand on me demande de témoigner sur ce qu'est l'entrepreneuriat, j'ai tendance un peu à le résumer comme ça parce que c'est ce qui s'est passé pour moi. À ce moment-là, je suis confrontée en tant que petite chercheuse au fait que je n'ai aucune base de données pour étudier les camps. C'est-à-dire que je n'ai aucune plateforme, site, qui me permet très vite, en quelques clics, de retrouver tous les camps qui sont installés dans le monde et d'avoir des informations sur... leur fonctionnement, leur gestion, les acteurs qui sont mobilisés. C'est vraiment très dispersé. Chaque acteur va communiquer sur les camps dans lesquels il opère, mais du coup, c'est très dispersé. Deuxième frustration que j'ai, c'est que je me dis, mais alors, il y a un problème, parce que moi, je suis enceinte chercheuse, et les données que j'exploite, elles viennent des acteurs qui gèrent ces camps. Donc, où sont les sources transparentes, indépendantes, d'enquêtes vraiment... qui n'est pas partie, d'acteurs qui ne sont pas partis à la gestion des camps. Je ne les trouve pas où elles sont minimes, tu vois. Ça va être des enquêtes journalistiques comme ça, ponctuellement, qui vont être faites, ou des acteurs locaux qui vont être, qui vont de temps en temps enquêter sur certains éléments, mais il n'y a pas un truc qui est fait à l'échelle globale. Troisième et dernier constat, c'est que moi, j'ai bien conscience à ce moment-là que moi, je grandis dans un camp qui est devenu une sorte de village, quoi. Un village bidonville où toutes les générations se succèdent. mais je n'ai pas conscience de la question de la pérennisation des camps pour les autres réfugiés. Je me dis, est-ce que c'est pareil ? Est-ce que c'est aussi long ? Est-ce que c'est aussi traumatique ? Et je me rends compte que la durée de vie moyenne de ces camps, c'est 12 ans. Et à ce moment-là, c'est une claque, parce que certes, c'est moins que la durée de vie des camps palestiniens, qui, elle, aujourd'hui, a dépassé les 70 ans, puisqu'ils ont été installés dans les années 50. Et... en moyenne à travers le monde, je me dis quand même quoi, c'est 12 ans, c'est 12 années qui sont en moyenne confisquées en fait à des vies parce que c'est des gens qui sont en attente d'accueil ou en attente de pouvoir rentrer chez eux et c'est énorme. Et c'est à ce moment-là vraiment, avec la combinaison de ces trois constats que je me dis, il faut que je fasse un projet en fait. Et j'arrête ma thèse qui m'ennuie aussi un peu, je me sens pas non plus à la hauteur de faire un truc à la Sorbonne de 400-500. je travaillais à côté, je n'étais pas financée pour ma thèse. Et je me dis, en plus seule, j'aurai sûrement moins d'impact avec un travail de recherche ou de documentation qu'avec un projet associatif qui va réunir peut-être des dizaines de personnes et avec lequel on sera plus concret sur tout. C'est pour ça que j'arrête ma thèse à la fin de ma deuxième année et je fonde quelques mois après l'Observatoire des camps de réfugiés. qui va opérer sur les trois constats que je t'ai présentés, l'étude des camps, l'enquête sur leur gestion et le plaidoyer sur les conséquences de leur durée de vie et d'installation.
- Speaker #1
Et tu as des représentants locaux, comment ça se passe ? Parce que toi, là, tu commences, tu es seule à Paris. Comment se crée ce réseau ?
- Speaker #0
En fait, là, on n'est pas loin de 200 membres sur la droite d'activité, mais on est tous bénévoles. Donc l'enjeu maintenant, c'est d'avoir des financements. Et comme on a un peu ce modèle très indépendant, forcément, on est loin des financements étatiques, loin des financements d'ONG qui opèrent dans les camps. Ça repose aussi beaucoup sur les dons. Et l'idée, c'est d'avoir quelques gros donateurs qui embrassent le projet et qui peuvent nous financer justement des déplacements de terrain. On n'a pas pu faire parce que le projet a été, entre autres, tout le temps fixé par le Covid. Parce que moi, je fonde le projet 4 mois avant le Covid. Donc en fait, on a fait ces deux dernières années d'activité en période Covid. Mais ça a été intéressant. Ça nous a poussé à étudier, par exemple, les conséquences du Covid sur la gestion de ces camps. Donc tu vois, c'est des données qu'on a aussi analysées. donc ça nous a aussi poussé à... à s'adapter en fait. Et donc, sur le fonctionnement, on a ces trois pôles d'activité. Les contributeurs sont majoritairement en France. Pour le volet enquête, on fait beaucoup de consultations à distance et on a entre 15 et 20 % de nos contributeurs qui sont des personnes qui sont sur place. Et on se base aussi, on va faire un rapport sur le Kenya. On a eu cette année deux contributrices sur l'équipe Kenya qui était sur place. Donc, il va y avoir… combinaisons en tout cas sur le volet enquête de personnes qui sont en France et de personnes qu'on va essayer d'avoir sur place pour faire des interviews, pour faire des consultations, des observations. Mais l'enjeu, c'est vraiment d'avoir des financements pour envoyer toute une équipe qui est formée pour, pendant une semaine, faire que ça, visiter des camps, enquêter et avoir des grilles d'évaluation sur tout ce qui peut s'y passer. Donc on est un peu en process pour avancer sur cette étape-là. Mais grosso modo, le pôle études, c'est beaucoup de gens qui sont en France qui vont faire un travail de récolte de données, de recherche. Ce que je te disais, c'est que les données peuvent exister, mais elles sont très dispersées. On va rassembler plein de sources, plein de données pour faire des toutes petites fiches d'études de ces camps et créer cette fameuse base de données qui n'existait pas.
- Speaker #1
Mais c'est fou que ce soit... Je sais que c'est très compliqué d'avoir des financements, mais l'utilité est... tellement évidente de ce que vous faites sur quelque chose qui n'existe pas, sur quelque chose qui est hyper important, d'avoir une vue indépendante et d'avoir toutes ces informations collectées. C'est dingue que ce soit aussi compliqué d'avoir des financements publics.
- Speaker #0
Justement, c'est bon, on n'en veut pas pour le moment. Peut-être que c'est quelque chose qui va évoluer, mais pour le moment, on ne peut pas, parce que la gestion des camps, elle dépend des États. C'est comme si on allait enquêter sur Calais. Et en même temps, on recevait des dons de la France, alors que notre but, c'est d'être critique. La vie des politiques de la France en matière d'accueil. Et c'est pareil pour tous les pays, en fait. Donc, pour le moment, c'est ce qui limite un peu. Et en même temps, honnêtement, on monte tous un projet avec des plus et des moins. Moi, mes plus, c'était la connaissance un peu du sujet. Et mes moins, c'est la stratégie, c'est les finances et les levées de fonds. Moi, j'ai fait une formation qui m'a outillée. J'ai réussi petit à petit avec des incubateurs que j'ai faits à me former sur de la com, d'une ONG, sur la structuration d'une organisation, sur les recrutements, sur le management, tout ce que doit faire quelqu'un qui monte une structure. Mais c'est vrai que je ne suis pas rentrée avec ce projet avec ses points forts. Donc ça n'a pas été une priorité de la première et deuxième année d'activité. Pour moi, la priorité, c'était comment on devient un acteur reconnu pour ce mandat d'action. comment on arrive à mobiliser des gens autour de ce projet comment on peaufine nos outils comment on s'assure que le travail de recherche il est bien fait qu'on consolide une organisation et la levée de fonds elle devait terminer en deuxième étape parce que si t'as beaucoup d'argent qui arrive dans un projet qui est plus structuré où les outils sont en phase test où tes maquettes d'études où ton travail de recherche où tes contributeurs tout ça c'est pas solide Merci. C'est la pire chose qui peut arriver à une organisation, c'est toute ta réputation qui est diffusée comme étant une organisation pas assez mature, enfin mûre pour pouvoir gérer des fonds. Donc c'est vrai que moi, j'ai pris le choix inverse, c'est-à-dire on se prend quelques années pour vraiment se consolider, pour être très solide sur nos appuis, et ensuite on est prêt à gérer des fonds de 100 000, 200 000 euros au moment où ils arriveront.
- Speaker #1
J'avais une question, parler de Calais par exemple. Donc l'État gère ses camps. Est-ce qu'il n'y a pas un cahier des charges au niveau de l'État pour tous les camps qui sont construits, des normes, des choses qui font en sorte que ce soit viable, en respect de la personne, des conditions de vie, etc. ?
- Speaker #0
Alors, ce qu'il faut savoir, c'est qu'il faut distinguer ce qu'on appelle les camps officiels des camps informels. Donc, en France, on n'a pas de camp officiel. L'État a refusé d'installer des camps... Il n'y a pas de camp officiel. Il y a eu, à un moment donné, Grande-Synthe, mais voilà, c'était dans un entre-deux, on va dire. Mais je veux dire, on n'a pas de camp humanitaire en France.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Les camps qu'on a, c'est des camps informels, ce qu'on appelle des camps un peu auto-installés, auto-gérés. où des associations peuvent venir en appui parce qu'il y a un regroupement de 200-300 personnes qui vivent là. Et donc, c'est des associations, des bénévoles, des citoyens, qui vont souvent aux démairies, des collectivités, qui vont assister un peu ces personnes dans ces lieux de vie. Mais ce n'est pas l'État qui a reconnu officiellement l'installation de ce camp et qui est impliqué dans la gestion. Mais les politiques de l'État peuvent, d'une façon ou d'une autre, avoir des incidences. sur la place et le statut de ces personnes et peut engendrer ces situations d'errance. C'est-à-dire que des fois, dans ces lieux, en France, on peut avoir des personnes qui sont en demande d'asile. Normalement, quand on est en demande d'asile en France, on est censé bénéficier des conditions matérielles d'accueil. C'est-à-dire qu'on est censé être logé dans des centres d'accueil de demandeurs d'asile. On est censé avoir une petite allocation qui nous permet de vivre, etc. Donc, en fait, c'est symptomatique de défaillance. en fait. situation d'encampement informel. Et il faut distinguer ces campements informels, des personnes exilées en errance, qui se retrouvent à la rue et qui vivent dans ces lieux, des camps officiels, qui sont pour nous les principaux sujets d'études à l'Observatoire, parce que les camps informels, c'est très mouvant, c'est très mouvant, ça change d'une sorte. Alors que les camps humanitaires officiels, pour répondre à ta question, effectivement, c'est normé. Il y a ce qu'on appelle des standards internationaux. qui vont encadrer les modes de gestion et d'administration de ces camps. Mais ce qu'il faut avoir à l'esprit, c'est que chaque camp officiel qui est installé sur un territoire, il a eu l'autorisation de l'État pour le faire. Et d'ailleurs, les États, dans certains cas de figure, vont être impliqués dans cette gestion. Il va y avoir des délégations d'un ministère, il va y avoir un budget, il va y avoir des partenariats avec le HCR, par exemple, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies, qui est souvent gestionnaires de ces camps. Donc du coup, les camps formels, ce qu'il faut retenir, c'est que les camps officiels impliquent une autorisation d'un État et potentiellement son implication aussi dans cette gestion-là, dans la gestion du camp. Et les camps informels, c'est des lieux qui échappent à l'autorisation de l'État, et c'est pour ça qu'il y a des politiques de démantèlement de ces camps. C'est-à-dire que Calais, Chapelle, tous ces lieux d'encombrement, en fait, ils sont souvent démantelés parce que l'État n'a pas... pas donné son autorisation et il n'en veut pas sur son territoire.
- Speaker #1
Merci, c'est très clair. C'est vrai que quand on n'est pas en immersion dans ça, j'avais une vision assez simpliste. J'avais espoir que ce soit un peu plus régulé. Est-ce que tu as pu aller en Palestine, Rima, depuis ?
- Speaker #0
Non. J'ai essayé quand j'ai eu mes 18 ans. J'ai économisé mes petits centimes pour pouvoir me payer un billet d'avion. Je voulais partir avec une association qui avait un... projet justement d'entraide avec des femmes réfugiées palestiniennes qui vivaient dans les territoires occupés, mais qui étaient elles-mêmes dans des camps de réfugiés, parce qu'il y a pas mal de camps de réfugiés en territoire occupé. Et j'ai été refoulée à Paris. Pourquoi ? Parce que, je sais pas, si j'ai un document qui me dit que, en gros, je pense que c'est sûrement à cause de l'ouvrement de mes origines, et sûrement... de peut-être que mon positionnement, qui est quand même trop palestinien, en tout cas trop humain en fait. Et donc à ce moment-là, je pense que tu vois, je n'avais pas fermé tout ce qui était compte, Facebook ou machin. Donc il y avait des choses qui étaient sûrement visibles sur le fait que j'ai pu relayer peut-être des choses, des articles et tout. Et je n'étais pas la seule. Il y a quelques personnes qui ont été arrêtées à Paris et qu'on a été empêchées d'embarquer. Et à ce moment-là, je m'enferme dans les toilettes. de l'aéroport, mais genre des heures tellement je le vis mal en fait je pense que ça partira jamais parce que voir des gens du monde entier qui peuvent en toute liberté simplicité aller sur la terre de tes grands-parents de tes arrière-grands-parents toi te voir refoulée à Paris, t'as même pas pris l'avion t'as même pas pu te dire que t'es en voyage Ça a été un truc que, un jour, je pense que je ne le pardonnerai jamais, tu vois. Enfin, c'est un truc qui m'a détruite. C'est hyper violent.
- Speaker #1
C'est hyper dur.
- Speaker #0
Hyper violent.
- Speaker #1
Ça me choque presque que tu sois arrêtée à Paris.
- Speaker #0
En fait, c'est illégal. Normalement, un État peut, à sa frontière, même si tu es en règle, même si, du coup, tu n'as pas besoin de visa pour aller en Israël, enfin, passer en tout cas par les territoires israéliens, parce que tu es obligée de passer, de toute façon, par... par Tel Aviv pour pouvoir même retrouver les territoires occupés, Israël aurait pu, à Tel Aviv, me dire non.
- Speaker #1
Oui, et c'est ce que je pensais initialement. Je pensais que tu étais arrivée jusqu'en Israël et qu'il y a eu un stop à ce moment-là.
- Speaker #0
Ah non, là, justement, il s'est passé quelque chose qui est quand même assez douteux. C'est qu'ils ont envoyé des courriers aux compagnies aériennes en France, qui partaient de la France, à l'aéroport de Charles de Gaulle. Et au moment de s'enregistrer, on me dit, en fait, vous embarquez pas. Voilà la justification. Donc, une petite lettre du ministère des Affaires étrangères israélien, qui te dit... Pas du ministre, mais du coup, c'est signé tamponné du ministère. Tu en as un truc qui s'occupe peut-être, justement, des entrées sur le territoire ou quoi, et qui te dit, bah non, vous arrivez avec, en gros, une asso déjà militante, et puis bah votre profil est militant, et donc vous venez pas. Vous rentrez pas. Franchement, je n'ai pas de mots parce que jusqu'à aujourd'hui, c'est un truc qui m'a tellement traumatisée que je n'ai même pas réessayé. Je suis française depuis 18 ans, plus d'une dizaine d'années, et je n'ai même pas eu le courage de réessayer. Je vis un peu mon identité de loin, en exil. J'ai tellement peur de réessayer et de super mal le vivre parce que c'est hyper violent. c'est hyper arbitraire. Et puis d'autre façon, j'ai continué à militer à ma façon. Donc je me dis, si à 18 ans, j'étais une gamine qui n'avait rien fait, tu vois, j'avais même pas fait mes études, j'avais même pas fait monter mon observatoire, j'avais même pas encore parlé publiquement de mon histoire, je me fais déjà recale. Alors aujourd'hui, peut-être à réessayer, en vrai, peut-être que je devrais réessayer, mais j'avoue que ça a été un truc un peu traumatique et... Et il y a une autre donnée, c'est que j'ai tellement peur. Moi, je vis... On me demande souvent quelle image j'ai de la Palestine. Je ne suis pas complètement déconnectée, tu vois. Je suis beaucoup ce qui se passe. Je regarde de très près ce qui se passe. Mais il y a une partie de moi qui a le récit de la Palestine de 1948, tu vois. Qui est le récit de mes grands-parents, en fait.
- Speaker #1
Qu'on t'a raconté. Enfin, l'histoire qui t'a été racontée.
- Speaker #0
On a pris leur maison, ce qu'ils faisaient. Mon grand-père qui travaillait la terre. Tu vois, enfin. Et il y a un truc un peu de... laissez-moi vivre avec ça, avec ce qui me reste de cette Palestine que ma famille a quittée. Et aller sur place, ça nécessite quand même de se préparer au fait que tout ça, c'est fini. Là, c'est la colonisation, que c'est l'occupation, que c'est fini. Je veux dire que plus de 80% du territoire a été pris. Le coût humain qui est celui des nôtres. Et moi, psychologiquement, de me dire que là où vivaient mes grands-parents, aujourd'hui, il y a quelqu'un d'autre, que ça a été pris de façon arbitraire, parce que cette fameuse loi en 1952 qui s'appelle la loi des absents, qui va passer en Israël et qui va dicter que tout palestinien absent sur cette période-là, donc suite à l'anakba, ces biens peuvent être expropriés par les autorités israéliennes. Aujourd'hui, moi, je n'ai aucun droit sur les biens de mes grands-parents, de mes derniers grands-parents. Et psychologiquement, de se dire que tout ça, ça a été récupéré, volé, c'est archi dur. C'est archi dur. Et en fait, on a été dépossédés non seulement d'une terre, mais de nos maisons, de nos biens. Parce que tous les Palestiniens pensaient pouvoir rentrer dans l'année. Tu vois, on va rentrer dans cinq mois. Ils sont tous partis avec cette fameuse clé, c'est pour ça que c'est un symbole du droit au retour aujourd'hui pour les Palestiniens, parce que c'est une clé qui a été transmise de génération en génération, et où on a tenté de nous sensibiliser sur le fait qu'on ne devait jamais renoncer à ce droit au retour. Mais c'est vrai qu'entre la Palestine que ma famille a quittée et celle que je pourrais aujourd'hui retrouver, qui est une Palestine qui a été complètement dépossédée de tout, c'est dur. C'est comme rentrer chez soi, mais avec juste les murs. Avec d'autres personnes qui sont là, avec tout qui a changé, la décoration, avec plein de travaux. Se dire, mais qu'est-ce qui me reste de chez moi, en fait ?
- Speaker #1
Rima, il y a une question que je pose souvent sur le podcast. Quelle est ta définition de la réussite ?
- Speaker #0
C'est une question compliquée. Je pense que la réussite, pour moi, c'est une forme de paix intérieure. Moi, je n'ai pas entrepris tout ce que j'ai fait pour des validations. Je l'ai fait parce que j'avais une boule de colère en moi. Et à un moment donné, c'était « qu'est-ce que je fais de tout ça ? » qu'est-ce que je fais de toute cette mémoire, qu'est-ce que je fais de tout ce parcours pour que ça change la donne sur certaines choses. Et du coup, je dors apaisée, disons. En tout cas, j'essaye. C'est compliqué avec l'actualité palestinienne. Pour moi, c'est de se dire comment je pars de ce monde en me disant que j'ai essayé de faire ma part. Et la réussite, pour moi, elle est là. Et notre réussite collective. Parce qu'il n'y a pas de réussite individuelle, en fait. Tu vois, c'est... Ce modèle-là, il est voué à l'échec. Précisément, il n'y a pas de réussite individuelle. C'est de se dire à un moment donné, c'est quoi ma place ? Et moi, si j'ai autant fait sur ces questions et je veux faire toute ma vie, c'est parce que, comme je disais, je me sens tellement privilégiée. Je me sens tellement privilégiée d'être sortie de ce camp. Je me dis, mais ce n'est pas possible. Je suis obligée de me doter d'une mission. J'ai eu tellement de chance de sortir de ce camp. d'échapper à la guerre syrienne, je suis obligée d'en faire quelque chose. Un truc qui est plus fort que moi, je suis obligée d'en faire quelque chose. Donc du coup, la réussite, moi, je la transpose un peu dans ce truc de quelle est ma place dans ce monde, quelle est ma place dans la société où je suis, et comment je fais, à mon échelle, des trucs qui peuvent servir et qui s'inscrivent dans une réussite collective, tu vois.
- Speaker #1
Et qu'est-ce que tu dirais à la rime à enfants, si tu pouvais te parler ?
- Speaker #0
De ne pas avoir honte. de qui on était. Il y a un truc que j'ai beaucoup de regrets parce que ma mère n'est plus de ce monde. Et en fait, forcément, quand tu perds un proche, il y a un truc où tu reviens un peu de tout ce que tu as vécu. Et je me suis rémembrée des périodes où j'étais enfant et où j'avais honte un peu. J'avais honte de là où on habitait. J'avais honte du fait... ce qu'on avait, d'être en HLM, de ne pas avoir ce que des copines avaient, des chambres, des bureaux. Et honte un peu de qui on était, tu vois, mais parce que la société était tellement violente et tellement non-inclusive, tellement excluante, que j'avais du mal à m'identifier, en fait, à d'autres gens et tout, et je m'excluais, je m'auto-excluais, j'excluais ma mère. Mais ça n'a pas duré longtemps. Mais du coup, ce que je dirais un peu à cette rima, c'est de cultiver un peu l'amour de soi, mais dans tout ce qu'on est. C'est de dignité, tu vois, que ma mère a toujours eue. On est dans la misère, on est en errance comme ça, mais la tête haute. Et ça, c'est un truc que ma mère avait, qui était hyper fort, et que moi, je n'ai pas eu le courage plus jeune peut-être d'avoir, et qu'aujourd'hui, j'embrasse pleinement.
- Speaker #1
C'est hyper émouvant. Rima, on va passer à la dernière partie du podcast, si tu es d'accord, qui est plus légère. Et c'est des petites questions où il faut répondre du tac au tac. Est-ce que tu as une devise ?
- Speaker #0
Une devise qui regroupe un peu la question de l'exil, c'est le ciel pour toi et la terre pour maison mère.
- Speaker #1
Un livre ?
- Speaker #0
Un livre, il y en a pas mal, mais récemment, celui qui me sert un peu de livre au refuge, c'est Réflexions sur l'exil de Edouard Saïd.
- Speaker #1
Un lieu ?
- Speaker #0
Chez moi. Chez moi parce que c'est là où je suis tantôt en force et tantôt en grande vulnérabilité. Et c'est le seul endroit où je suis entre moi et moi-même. Et je n'ai pas besoin de partager. Je n'ai pas besoin qu'on me regarde. Et du coup, c'est un lieu de refuge en fait.
- Speaker #1
Une odeur ?
- Speaker #0
L'odeur de la maman. C'est dur, mais j'espère qu'il y a peut-être des femmes. C'est important. d'en parler parce que le deuil quand on est en plus en exil et tout c'est compliqué mais je pense que du coup on est plusieurs à savoir de quoi on parle dans ce truc de l'odeur de la mama tu vois de ses vêtements et tout et c'est un truc qui a toujours été chaleureux pour moi et j'ai gardé plein de ses vêtements et voilà donc c'est vraiment l'odeur qui me manque le plus et qui me que plus
- Speaker #1
Une chanson ?
- Speaker #0
S'arrête, s'arrête de Sabah. Et c'est une chanson, donc ça va, c'est une artiste libanaise, c'est un peu une diva libanaise. Jaffa et Ruz, mais il y a aussi ça va. Et Sarat Sarat, c'est une chanson que, c'est un chef-d'oeuvre pour moi, parce que c'est une chanson très mélancolique, très joyeuse. Et en fait, tout au long de la chanson, elle va osciller entre son amour de la vie, des oiseaux qui chantent, qui dansent, et à une profonde tristesse du temps qui passe, des questionnements très profonds sur la vie. C'est un chef-d'oeuvre pour moi, cette musique.
- Speaker #1
Une femme que tu me recommanderais d'inviter sur le podcast ?
- Speaker #0
Alors, il y en a deux. Rania Talala, qui a fondé, que tu vas peut-être connaître, qui a fondé Ardi, qui est un lieu de culture et de cuisine palestinien à Paris. Et c'est une femme que j'admire énormément. C'est une mère de famille. Elle est palestinienne d'origine, mais elle a grandi en Jordanie. Et... Tout ce qu'elle a réussi à fonder avec ce lieu hardi, c'est devenu un peu l'endroit, c'est un lieu de rayonnement de l'identité palestinienne. Et je l'admire énormément, qui plus est dans le fait d'entreprendre quand on est mère de famille, avec toutes ses contraintes, toutes ses responsabilités. Vraiment, elle est assez incroyable dans son parcours. Elle a une force, cette femme. Elle a réussi à lever des fonds pour monter son projet, puisqu'elle n'avait pas eu beaucoup de soutien des banques, etc. Moi, je l'ai suivie tout au long de son truc et elle a une combativité qui est assez incroyable. Et en plus, liée avec cette question d'exil et tout, donc je trouve ça très touchant. Et la deuxième, c'est Hayat Mazouza. Je ne veux pas dire de bêtises, parce que je la suis depuis un moment, mais je ne veux pas dire de bêtises, donc je me suis noté son poste exact pour les personnes qui nous écoutent. Elle est directrice de développement économique et de l'emploi et l'insertion à la ville de Trappes. Et on a pu échanger un tout petit peu quelques fois, mais je... Je recommande vraiment son parcours parce qu'on a aussi besoin de récits de femmes qui ont cette force d'action politique. Et on en manque, en fait, des modèles politiques. Et elle est tellement inspirante. Elle est tellement investie dans cette ville. C'est une source d'inspiration énorme. Donc voilà, en tout cas, pour les personnes, on recommande de la suivre sur LinkedIn parce qu'elle communique énormément. Elle fait pour la ville de Trappes avec ce poste-là. Et puis, revenir aussi sur son parcours. Ça doit être passionnant de l'écouter. Donc, si tu peux l'inviter, je recommande.
- Speaker #1
Merci beaucoup. Et Rima, est-ce que les particuliers peuvent donner des dons à l'Observatoire ? Est-ce qu'on a cette capacité ?
- Speaker #0
On a que ça, quasiment.
- Speaker #1
Tu m'enverras le lien, comme ça, je le rajouterai dans les notes pour les personnes qui aimeraient contribuer. Et je pense qu'il n'y a pas de petite ou grande contribution. Toute contribution, voilà. Je vais pas en parler.
- Speaker #0
Vous pouvez défiscaliser ces dons-là. Et vous avez, de toute façon, un gros bouton orange sur le site Internet de l'Observatoire des camps de réfugiés. Et c'est très facile à retrouver. Il est sur la première page d'accueil. Mais je t'enverrai le lien sans souci.
- Speaker #1
Super, je le rajouterai dans les notes. Rima, c'était un vrai plaisir. J'ai beaucoup appris. Et je te remercie infiniment d'avoir été aussi transparente, aussi sincère, et d'avoir partagé avec nous ton histoire.
- Speaker #0
Je suis hyper honorée de partager un peu ce récit de vie et de m'inscrire un peu dans cette lignée de femmes qui partagent leur récit, leur parcours, leur projet, en espérant que ça se diffuse comme soit source d'inspiration, soit comme quelque chose qui fasse écho à d'autres jeunes femmes qui peuvent nous écouter et qui peuvent bah elles, avoir des modèles ou des profils dans lesquels elles peuvent s'identifier. Donc merci à toi pour tout ce projet et pour l'invitation.
- Speaker #1
Merci et plein plein de succès à l'Observatoire des camps des réfugiés. J'espère que toutes les portes vont s'ouvrir et que ce projet va rayonner encore de plus en plus. C'est très utile et merci de faire tout ce travail. Merci. A très bientôt, Rima. Cet épisode de Heya est maintenant terminé. Je vous remercie sincèrement de l'avoir écouté jusqu'au bout. Ce qui, j'espère, veut dire que vous l'avez apprécié. N'hésitez pas à le partager autour de vous, avec des amis ou sur les réseaux sociaux. C'est ce qui permet au podcast de grandir. Vous pouvez aussi le noter 5 étoiles et me laisser un petit commentaire. C'est un vrai plaisir de les lire. Si vous avez des questions ou voulez me suggérer une invitée, n'hésitez pas à me contacter sur la page Instagram Heya underscore podcast. A très bientôt.